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ELECTION PRESIDENTIELLE AU MALI : QUI POUR GOUVERNER

LE MALI ?

INTRODUCTION
Au terme d’une campagne insipide et terne qui a donné parfois le sentiment de trainer en
longueur, les Malien ont été appelés hier à élire le président de la république. Un président qui
aura entre les mains les destinées du Mali dans les 5 années à venir. Au regard de ce que nous
avons vécu durant les 5 dernières années, de ce nous avons vu pendant cette campagne et la
prestation de ceux qui nous appellent à leur confier notre destin commun, c’est avec une
appréhension légitime que nous sommes en train d’assister impuissants au rapt légal de notre
droit et les prérogatives que la loi constitutionnelle nous confère pour nous en remettre
entièrement, qui sait, à un novice qui va chercher pendant quelques mois ou années ses
marques avant de pouvoir se retrouver dans ses costumes ou boubous de président. Ou à un
roublard qui veut par cette élection se refaire une virginité politique alors qu’il traine depuis
des années de bruyantes casseroles. Ils sont en effet 24 candidats à avoir pour seul projet de
nous gouverner pour les 5 années à venir et qui nous ont seriné pendant 3 longues semaines
qu’ils sont chacun en ce qui le concerne, le meilleur pour nous sortir du trou dans lequel le
pays se trouve depuis 2012 une date qui est considérée désormais au Mali et ailleurs comme
le départ de l’effondrement de l’Etat.
Mais en réalité pour ton bon observateur attentif, la chute du Mali a commencé bien loin par
un glissement lent mais à peine perceptible au cours du deuxième mandat d’Alpha O. Konaré,
avec la corruption dans l’administration et par la corruption de l’armée. Pour un historien et
celui qui est considéré comme un grand intellectuel, c’est en effet le comble de la naïveté que
de penser qu’on peut construire une grande démocratie qui ne s’appuierait pas sur une force
militaire capable d’assurer la sécurité à l’intérieur comme aux frontières d’un Etat. Cependant
les exemples sont légion dans l’histoire qui nous montrent que la puissance militaire a été le
socle sur lequel se sont bâtis les grands Etats et en l’occurrence les Etats considérés comme de
grandes démocraties. En procédant à des nominations de complaisance, ATT lui le militaire,
n’a fait que précipiter la déliquescence de l’armée et à étaler aux yeux du monde ce que des
observateurs avisés avaient dénoncé et désigné à l’époque comme de la désinvolture, du
laxisme et du dilettantisme au sommet de l’Etat. Qui ne se souvient pas en effet des
plaisanteries, des goujateries et des pantalonnades de l’ancien chef d’Etat, notamment au
cours de son deuxième mandat.
IBK, le président élu après ATT aura été celui de l’inertie, marquée par une absence de
(l’autorité) de l’Etat à tous les niveaux et aussi du chef de l’Etat lui-même. Le pays a été
comme abandonné à une famille qui dirigeait par procuration ; à un clan qui n’en demandait
pas mieux pour s’adonner à son sport favori, détourner et voler ; à ceux appelés par
bienveillance par la dite communauté internationale, des rebelles, des jihadistes ou des milices
qui ne sont en réalité que des seigneurs de guerre qui profitent à qui mieux mieux de la
faiblesse de l’Etat pour mener impunément leurs divers trafics chacun dans le fief qu’ils s’est
taillé par les armes et la terreur sur des populations impuissantes. Quand on n’a pas fait un
bon diagnostic de la déconfiture de l’Etat, comment peut-on proposer des solutions justes à la
résolution des problèmes dont le Mali est assailli de partout.
Des projets ? En veux-tu, en voilà…
Pour notre malheur, aucun des 24 candidats à l’élection n’a pu nous convaincre avec son
catalogue de bonnes intentions qui tient lieu à leurs yeux de projet de société qu’ils nous ont
présenté comme des solutions efficaces, réalistes pour remettre le Mali sur la voie. Des projets
que tout permet de croire qu’ils ont été rédigés à la hâte comme si leurs auteurs ont été surpris
par les échéances de cette élection présidentielle. Nous avons ainsi des projets qui en 5 axes,
qui en 7 voire en 12 axes qui ont en commun de n’être en effet que des idées vaguement
présentées, accompagnées dans le meilleur des cas de quelques chiffres pour faire bonne
mesure mais qui ne reposent sur aucune réalité, aucune statistique tirée d’études préalables ou
des statistiques officielles. Même le candidat-président ou plutôt le président-candidat de qui
on attendait qu’il nous dise quel est son bilan, pour ensuite demander de lui permettre de
terminer les chantiers qu’il a commencé, comme d’autres comme lui le font sous d’autres
cieux et qui trouvent là prétexte pour exiger un troisième mandat quand même la loi le leur
interdit, s’y est mis avec son projet à 5 axes. Je veux bien leur concéder le fait que le temps
d’une campagne on ne puisse pas présenter un projet de gouvernance, même d’une république
même bananière, mais on ne vient pas devant son peuple, si on le respecte, avec un texte à la
limite télégraphique comme étant son projet à moins de penser que c’est Dieu qui donne le
pouvoir à qui il veut et que par conséquent cet exercice devant le peuple n’est bon juste que
pour sacrifier à une tradition républicaine.
Ainsi, à titre d’exemples, quand on dit qu’on va s’engager dans la lutter contre la corruption et
qu’on ne dit pas comment on va s’y prendre et avec quelles institutions à créer (ou plutôt à
supprimer car il y a pléthore à ce niveau), que par la même occasion on ne prend pas
l’engagement d’apurer le passif dévoilé par le Vérificateur général, de dire ce qu’on va faire
des dossiers qui seraient, depuis sous ATT jusqu’à IBK, aux mains de la justice et qui jusqu’à
cette date, n’ont pas connu un début d’instruction par le juge, peut-on s’attendre à ce que la
corruption recule au Mali, quand même on fait des professions de foi que durant sa présidence
aucun de ses enfants n’exercera une fonction officielle (sic) ?
Ou encore qu’on dise qu’on va créer 200 000 emplois, 500 000 ou même plus d’un million et
que dans le même temps, on ne dit pas avec programmes, dans quels secteurs, avec quelles
ressources, c’est que comme cet autre candidat qui l’a fait précédemment, on prend les
électeurs pour des benêts qui ne sont pas capables de comprendre que vous êtes en train de
dire des sornettes. Pour parler d’un nombre d’écoles, de centres de santé, de routes ou
d’emplois à construire ou à créer, il faut qu’au préalable ont ait fait un état des lieux qui donne
le nombre d’écoles, de centres de santé, etc. qui existent dans chaque région, chaque cercle et
chaque commune et les difficultés que connaissent les populations de ces localités, en termes
de distance qui les sépare de ces différentes infrastructures pour montrer en quoi il est
nécessaire d’en construire davantage pour soulager les dites populations. Sinon on ne fait que
dans la démagogie.
Quant à ce qui concerne les questions sécuritaires et institutionnelles, les propositions de crise
de sortie des différents candidats sont restées en deçà des défis et enjeux du moment.
L’accord de paix a fini par s’imposer à tous et est devenu le bréviaire de tous les candidats
dans la voie d’une résolution de la crise au Mali. Rien de ce qui est en train de se faire par le
président sortant n’est remis en cause par les uns et les autres et toutes les solutions proposées
vont dans le même sens : une décentralisation plus profonde alors que l’Etat n’est pas assez
fort pour endiguer les forces centrifuges qu’une telle décentralisation ne manqueront pas de
créer ; une réorganisation et une formation de l’armée pour la rendre plus aguerrie, disciplinée
et unie alors que dans le même temps comme le stipule l’Accord de paix, il faut (re) intégrer
les rebelles en nombre de plus en plus élevé et selon des quotas. Toutes choses contraires à
l’esprit d’une armée républicaine. On comprend que personne n’ose se mettre à dos la
fameuse communauté internationale qui a entériné cet accord et exige sa mise en œuvre.
En retour, on n’a pas vu un grand débat autour du type de régime politique que l’on veut
mettre en place comme solution de crise de sortie alors que la crise du Mali est aussi politique
et institutionnelle. Mieux, je dirai qu’elle prend ses origines dans le type de régime que nous
avons et le mode de gouvernance qu’il a généré entre les mains des différents présidents qui
se sont succédé à la tête de l’Etat. Nous avons eus des chefs d’Etat dotés de tous les pouvoirs,
en étant commandant en chef de l’armée, premier garant de la justice, chef de gouvernement,
celui qui a pouvoir de nommer les présidents de toutes les autres institutions qui peuvent le
concurrencer ou qui peuvent lui faire de la résistance tout en étant responsable en rien devant
l’assemblée, que nul ne peut démettre mais qui a pouvoir de démettre qu’il veut et quand il
veut, en renvoyant son gouvernement, par la dissolution de l’Assemblée nationale quand bon
lui semble, etc. Un président qui n’a pas obligation de redevabilité devant son peuple sauf au
bout des 5 années comme le lui a permet la constitution. En attendant, celui-ci n’aura que ses
yeux pour pleurer, sa voix pour crier son désespoir.
Sourd à ses cris pendant presque tout le temps qu’aura duré son silence, ce président peut
alors sortir à six mois de la fin de son mandat de sa profonde torpeur pour crier à son peuple
« Je me suis réveillé maintenant et vous allez voir ce que vous allez voir » sans qu’on ne
sache trop s’il s’agit pour lui-même d’une exhortation au travail ou d’une menace pour son
peuple récalcitrant. Toujours est-il que toute manifestation a été interdite et réprimée pour
signifier l’autorité restaurée d’un Etat plus encore affaibli qu’il n’était au début de son mandat
et d’un président qui a toujours été ailleurs. Et pourtant, pour avoir travaillé pendant 6 petits
mois seulement, il est cité comme le grand favori d’une élection qui aura causé autant
d’angoisse.
Autre source de déception pour les électeurs que nous sommes, c’est le niveau des débats
organisés par les médias. Tout comme la campagne, ils ont été aussi ennuyeux et monotones
d’abord par la faute des animateurs qui n’ont pas toujours su choisir les bons thèmes et les
bonnes questions. Et quand les thèmes étaient intéressants, ils étaient mal formulés, ce qui
faisait partir les débats dans tous les sens. Quand ce ne sont pas les questions divinatoires qui
empêchaient les participants de faire des analyses pertinentes, c’est le choix des participants
qui rendait le débat sans intérêt. Les seuls moments intéressants des débats, c’est quand on
avait à faire à des partisans qui s’enflammaient par moment. Mais là encore, l’animateur
intervenait pour calmer les ardeurs, interdire les sujets qui peuvent fâcher ou heurter les
sensibilités présidentielles. Quand on a un statut qui empêche de faire de vrais débats, il faut y
renoncer pour ne pas livrer au public des pseudo-débats qui enlèvent aux échanges toute leur
saveur.
Ajouté à cela, c’est l’absence des acteurs eux-mêmes aux débats. Beaucoup ont préféré
envoyé leurs seconds couteaux quand ce ne sont pas tout simplement leurs petits soutiens qui
ne savaient rien de leur programme. On a surtout vu aussi des candidats qui, faute de pouvoir
payer les plages publicitaires, ont accepté de se prêter à ce qui n’était ni un débat ni un espace
pour présenter son projet mais qui semblait prêter à ces deux formules, où présents à deux sur
un même plateau, il tentait tour à tour de nous dire ce qu’est leur projet. Sans pour autant
qu’on puisse dire à la fin du débat qui des deux a présenté le meilleur projet, si tel était
l’objectif de cette émission. Pour éviter dorénavant qu’on ne se retrouve devant cette situation
où tout le monde fuit les débats, il faudra peut-être songer à l’inscrire dans la loi électorale ou
toute formule qui les rendent obligatoires.
Au bout du compte, cette campagne électorale n’a pas été l’occasion pour les différents
candidats de présenter de grandes idées de développement, de grandes visions pour le Mali
futur sinon futuriste. De grands projets intégrateurs qui vont brasser les populations de Kayes
à Kidal, je dis bien de Kayes à Kidal et non comme les médias étrangers sont arrivés à nous
imposer leurs idées manichéennes sinon de tripartition qui opposent un Nord à un Sud et plus
récemment à un Centre, des points cardinaux qui n’existaient pas dans le vocabulaire et la
géographie identitaires des Maliens. Des projets qui mieux que l’armée et les armes, pourront
venir à bout des rebellions et des jihadismes.

Quel président pour le Mali ?


Ils sont 24 candidats à être dans la course présidentielle. Soit un peu moins que dans l’élection
de 2013 où ils étaient 27. Si certains ont été exclus, d’autres se sont auto-exclus comme pour
dire, je ne peux pas mais je n’aiderai pas non plus quelqu’un d’autre à y arriver. Mais
seulement 4 tirent leur épingle du jeu et sont présentés par les pronostics pour être parmi le
quarté de tête. A défaut de pouvoir faire le profil politique de chacun des 24 candidats, nous
allons nous contenter de présenter ici ce que certains pronostiqueurs ont désigné comme les
favoris. Nous les citeront pour notre part, dans le désordre des pronostics mais en respectant
l’ordre alphabétique : Soumaila Cissé, Alou B. Diallo, Cheick M. Diarra, Ibrahim B. Keita.
Soumaila Cissé, un grand commis de l’Etat qui a occupé de grandes fonctions de directeur
général, de ministre et aussi de fonctionnaire international. Un poste pour le récompenser de
son soutien à ATT en 2007, peut-être aussi pour le tenir éloigné du pays. Un poste qui n’était
pas sans risque pour sa carrière politique, qu’il a sans doute accepté pour se faire oublier un
peu, panser ses blessures faites dans ses luttes au sein de l’Adema. Il a compris sur le tard que
la présidence se conquiert le plus souvent graduellement, étape par étape, en gravissant les
échelons dont le dernier est indubitablement celui d’être député à défaut d’être le président de
l’Assemblée nationale. Pour cette élection présidentielle, il joue son va-tout. Elle pourrait être
sa dernière carte pour accéder à la présidence. C’est pourquoi on le voit qui met le paquet et
c’est pourquoi, il ne fera de cadeau à personne cette fois-ci. Mais il est loin d’incarner le
changement attendu par les Maliens et avec lui, l’impunité est assurée aussi à moins de
commencer la lutte contre la corruption dans son proche entourage.
Alou B. Diallo, l’homme d’affaire reconverti en politique par déception et pour ne pas
connaitre une seconde fois ce qu’il doit considérer comme une première traitrise. Comme
quoi, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Il espère sans doute aussi être le Talon
malien. Ce qui est sûr, avec lui ce sera le règne des affaires et peut-être aussi de l’affairisme.
Il faut aussi s’attendre de voir les leaders religieux, du moins certains d’entre eux, intervenir
de façon plus ouverte dans la gestion de l’Etat avec pouvoir de nommer des directeurs dans
les départements ministériels voire même des ministres. Alou Diallo est, contrairement à
Soumaila Cissé, un de ceux qui peuvent arriver à un renouvellement de la classe politique, un
changement dans le mode de gouvernance, à mener sans trop de risque pour lui-même et pour
son entourage, la lutte contre la corruption.
Cheick M. Diarra est celui que la transition a révélé comme étant un homme de bonne
volonté et de volonté qui peut faire du Mali un pays capable de fonctionner par ses propres
ressources et selon ses moyens. Il aura fait aussi preuve de son inexpérience en politique en ne
se méfiant pas suffisamment de ces vieux briscards de la politique qui entouraient les
militaires et en ne sachant pas non plus se garder de ses militaires grisés par le pouvoir.
Finalement, il aura été victime de leur alliance qui a fait le lit de leur chute à lui d’abord et
ensuite à ces militaires qui ne comprenaient rien non plus à la politique. Anciens hommes
politiques et militaires ayant compris, par sa tendance à vouloir prendre son indépendance vis-
à-vis d’eux, qu’il ne fait pas leurs affaires. S’il a retenu la leçon que pour réussir en politique,
il ne suffit pas d’avoir de la volonté ou la bonne volonté de bien faire, il pourra être celui qui,
ne s’étant jamais compromis avec la vielle garde politique, peut amorcer en étant bien
accompagné, un véritable changement et lutter contre la corruption. Un bémol, on le
soupçonne de vouloir faire alliance avec IBK, s’il n’est pas au deuxième tour et si ce dernier
arrivait à ce stade.
Ibrahim B. Keita. On dit qu’il a deux atouts, il est président sortant et bien implanté dans les
villages où se fait la différence entre les candidats. Mais on dit aussi qu’il a contre lui son
bilan, contrairement à un président sortant dont le bilan parle en général pour lui. Si le
premier atout est indéniable, il n’est pas évident que le second atout qu’on lui prête soit vrai
parce que jusqu’en 2013, à part l’Adema, aucun autre parti n’était pas aussi bien implanté
comme l’URD. En 2013, le RPM était presque moribond. L’exercice du pouvoir et l’argent du
pouvoir ont sans doute permis au RPM de se déployer plus depuis cette date, reste à savoir s’il
a pu avec le président du président, déraciner l’URD pour prendre sa place. Mais ce qu’on
retient surtout d’IBK, c’est qu’à défaut de présenter un bilan, il a fait comme tous les autres
candidats, présenter un soi-disant projet qui nous renseigne plutôt sur ce qu’il n’a pas pu faire
dans les 5 années passées et qu’il se propose de réaliser dans les 5 prochaines années, s’il est
élu. Mais comment lui faire confiance quand on voit à quoi il a passé son temps : ses vindictes
verbales contre tous ceux qu’il considérait comme ses opposants en prenant aussi souvent les
postures d’éternel victime des ingrats, des jaloux ; en réussissant à se mettre à dos bon nombre
de ses anciens collaborateurs.
Hormis ces 4 fréquemment cités comme favoris, nous avons deux ou trois grands outsiders :
Houssein A. Guindo, Omar Mariko et Modibo Sidibé.
Houssein A. Guindo, lui il s’est beaucoup grillé pour n’avoir pas su tirer les conséquences de
la gestion de la crise de fédération malienne de football, faite sans lui et parfois contre son
avis. Son retrait très tardif du gouvernement, loin de redorer son blason apparit plutôt comme
un deal entre lui et IBK pour troubler le jeu des candidats comme Kalifa Sanogo dans son fief
de Sikasso et aussi dans une certaine mesure Omar Mariko qui aimait à se présenter comme la
deuxième force de l’opposition, tous les autres qui passent devant ayant rejoint le camp de
mouvance présidentielle. Sa candidature vient donc empêcher Mariko à vouloir être
éventuellement un faiseur de roi. L’entrée de Guindo au gouvernement et son long
compagnonnage avec IBK, lui interdit de présenter comme un homme du changement et
moins encore de la lutte contre le chômage.
Omar Mariko. Il est celui qu’on présente comme l’éternel opposant contre tous et contre
tout. Il en est qui disent qu’il ne veut pas le pouvoir par son refus de collaborer tous les
gouvernements qui se sont succédé depuis 1992. Mais en réalité, l’homme est clair et
conséquent avec lui-même : ne pas se compromettre avec un système qu’il combat. En
prenant le parti des pauvres et des travailleurs qu’il défend dans tous ses discours, il joue
comme l’a fait pendant longtemps le parti communiste français notamment du temps de
Georges Marchais, ce qu’on appelle une fonction tribunitienne dans la société et dans le
système politique malien. Ce qui est bien sûr un rôle ingrat car à l’instar de Georges
Marchais, ils sont nombreux à dire qu’il a raison (Tlé bora a bolo jira yoro la) ou qu’il avait
raison mais au moment des votes, se tournent vers d’autres candidats. Mariko a un problème
qu’il doit soigner, sinon il n’arrivera au pouvoir comme on dit que par extraordinaire. Lui
comme tous ses semblables qui sont désargentés. Avec lui, on ne va pas assister à un
changement mais plutôt à une seconde révolution.
Modibo Sidibé. Discret, trop discret même. De sorte à rendre ses stratégies de conquête du
pouvoir, ses objectifs sont presque illisibles. Cet homme était parti pour un grand destin, n’eût
été la chute précipitée d’ATT et n’eût aussi la trahison de ses premiers collaborateurs qui l’ont
abandonné pour aller vers des cieux plus cléments et des prairies plus vertes. Il est tellement
discret même dans ses accointances qu’on est à se demander s’il peut réaliser le changement
voulu et se retourner contre les anciens proches d’ATT qui trainent des dossiers.

Mais alors, faut-il désespérer du Mali, des Maliens et des candidats ?


Si on ne peut pas s’attendre à un grand bouleversement avec ces 4 favoris de l’élection
présidentielle et surtout de ceux qui sont présentés comme les deux grands favoris, à savoir
Soumaila Cissé et IBK, d’où viendra alors le changement qui en même temps fera partir la
vielle classe politique, apportera le changement tant attendu, c’est-à-dire une gouvernance
plus vertueuse qui nous nous débarrassera de la corruption, apportera la sécurité, ramènera
l’excellence à l’école malienne, rendra au Mali et aux Malien leur fierté…
Que nous faut-il aujourd’hui au Mali ? Ce ne sont certainement pas 24 candidats pour une
élection qui est loin d’être la solution à nos problèmes. Cette élection ne va rien résoudre en
effet les problèmes du Mali et les hommes qui sont dans la course ne semblent pas avoir
compris cela et c’est pourquoi chacun y est allé de ses petits calculs personnels et a refusé de
se joindre à un autre pour être la queue d’un lion au lieu d’être la tête d’une souris. On préfère
être candidat au premier tour pour pouvoir se présenter devant le candidat le mieux placé au
second tour avec ses maigres pourcentages qui valent tout de même leur pesant en place
ministérielle sinon de premier ministre quitte à ce que le Mali soit le plus perdant dans
l’échange. Et c’est en cela que nos candidats se disqualifient eux-mêmes pour mériter du Mali
puisqu’ils n’ont pas été capables de renoncer à leurs petites ambitions personnelles pour que
le Mali puisse accéder à travers les grandes ambitions nées de leur renoncement, à la
grandeur. Que les 4 plus grands favoris cités qui se trouvent être par ailleurs les plus vieux
refusent de s’aligner derrière un autre candidat parce que c’est leur dernière cartouche, cela
est humainement compréhensible quand même elle ne saurait être une excuse à leur refus de
se sacrifice pour le Mali. Mais que les jeunes qui contrairement aux anciens ont leur avenir
devant eux n’ont pu taire leurs appétits pour les honneurs pour de lendemains meilleurs pour
le Mali, cela fait désespérer d’eux et plus grave, du Mali étant donné justement qu’ils sont
l’avenir.
Cette (in)capacité à renoncer à ses ambitions pour un Mali plus sécurisé, plus stable, plus
grand n’a pas été observée chez les politique seulement. Même des acteurs de ces associations
de toute nature qu’on appelle parfois abusivement de la société civile, n’ont pas vu, compris et
réalisé la grande force qu’elles pouvaient créer en étant porteurs d’un idéal et surtout relever
le défi de faire la grande coalition de tous les laisser pour compte, de tous les nouveaux et de
tous jeunes acteurs qui étaient prêts à se jeter dans la grande aventure de l’alternance ou de
cette alternative par rapport à la vielle garde afin d’arriver à la mise à la retraite anticipée pour
certains mais arrivée à son terme pour le plus grand nombre. Au lieu de cela et comme
nombre d’acteurs politique, gagnés par un certain réalisme politique qui n’est en fait que
l’horizon de leurs analyses, ont compromis par leurs compromissions avec le système qu’ils
n’ont eu de cesse de dénoncer, leur propre projection dans un avenir lointain par un futur
proche. C’est ce que quelqu’un appelé la politique de Papa. Et que d’aucuns appelleraient la
real politic ou encore la politique politicienne.
Contrairement à ce qu’a dit cet analyste, le Mali n’est pas sur la margelle, il est déjà au fond
du puits. Pour l’en sortir, il nous faut peut-être un Sankara, un Rawlings ou plus près de nous
un Kagamé. Tous ces grands hommes ont eu en commun le désir de sortir leur pays de crises
profondes qui n’en finissaient pas d’en finir. Si Sankara n’a pas pu réaliser de son vivant ses
rêves de grandeur pour son pays, il faut savoir que ceux qu’on appelle là-bas les jeunes
insurgés, sont en passe de le réussir. Quant à Kagamé, installé dans la durée, il est en train de
faire ce dont rêve tout bon homme politique qui aime son pays. Des trois, le bien heureux,
c’est peut-être Rawlings qui est lui en train de voir pousser sous ses yeux, depuis sa retraite
dorée, les germes d’un pays prospère et démocratique qu’il a semé il y a plus de 20 ans.
Comme eux, il y a eu en Europe un certain Charles de Gaule ou encore un Winston Churchill.
Chacun deux en ce qui les concerne ont permis à leur pays respectif, la France et l’Angleterre
de gagner la seconde guerre mondiale et, au sortir de la guerre, de se reconstruire comme de
grands pays démocratiques et d’être ce qu’ils sont aujourd’hui. Comme tous ceux cités plus
haut, on peut voir aussi que les Etats-Unis ont été créés des décombre d’une longue guerre de
Sécession dirigée et gagnée par un président élu qui a su devenir un véritable chef de guerre
du nom d’Abraham Lincoln. De même que la Chine d’aujourd’hui doit son développement à
un certain Mao qui a conduit une longue guerre qui plonge ses racines dans les lointaines
guerres d’occupation, de partition et contre la pauvreté. Pour le Mali donc, il ne nous faut pas
désespérer. De cette crise politico-militaire qui nous est imposée, viendra sans nul doute la
délivrance et sans doute pas d’où on l’attend et par ceux que nous à qui nous pensons moins.

Bamako, le 30 juillet 2018


Mahaman Ousman DIAWARA

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