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Election Presidentielle Au Mali.2
Election Presidentielle Au Mali.2
LE MALI ?
INTRODUCTION
Au terme d’une campagne insipide et terne qui a donné parfois le sentiment de trainer en
longueur, les Malien ont été appelés hier à élire le président de la république. Un président qui
aura entre les mains les destinées du Mali dans les 5 années à venir. Au regard de ce que nous
avons vécu durant les 5 dernières années, de ce nous avons vu pendant cette campagne et la
prestation de ceux qui nous appellent à leur confier notre destin commun, c’est avec une
appréhension légitime que nous sommes en train d’assister impuissants au rapt légal de notre
droit et les prérogatives que la loi constitutionnelle nous confère pour nous en remettre
entièrement, qui sait, à un novice qui va chercher pendant quelques mois ou années ses
marques avant de pouvoir se retrouver dans ses costumes ou boubous de président. Ou à un
roublard qui veut par cette élection se refaire une virginité politique alors qu’il traine depuis
des années de bruyantes casseroles. Ils sont en effet 24 candidats à avoir pour seul projet de
nous gouverner pour les 5 années à venir et qui nous ont seriné pendant 3 longues semaines
qu’ils sont chacun en ce qui le concerne, le meilleur pour nous sortir du trou dans lequel le
pays se trouve depuis 2012 une date qui est considérée désormais au Mali et ailleurs comme
le départ de l’effondrement de l’Etat.
Mais en réalité pour ton bon observateur attentif, la chute du Mali a commencé bien loin par
un glissement lent mais à peine perceptible au cours du deuxième mandat d’Alpha O. Konaré,
avec la corruption dans l’administration et par la corruption de l’armée. Pour un historien et
celui qui est considéré comme un grand intellectuel, c’est en effet le comble de la naïveté que
de penser qu’on peut construire une grande démocratie qui ne s’appuierait pas sur une force
militaire capable d’assurer la sécurité à l’intérieur comme aux frontières d’un Etat. Cependant
les exemples sont légion dans l’histoire qui nous montrent que la puissance militaire a été le
socle sur lequel se sont bâtis les grands Etats et en l’occurrence les Etats considérés comme de
grandes démocraties. En procédant à des nominations de complaisance, ATT lui le militaire,
n’a fait que précipiter la déliquescence de l’armée et à étaler aux yeux du monde ce que des
observateurs avisés avaient dénoncé et désigné à l’époque comme de la désinvolture, du
laxisme et du dilettantisme au sommet de l’Etat. Qui ne se souvient pas en effet des
plaisanteries, des goujateries et des pantalonnades de l’ancien chef d’Etat, notamment au
cours de son deuxième mandat.
IBK, le président élu après ATT aura été celui de l’inertie, marquée par une absence de
(l’autorité) de l’Etat à tous les niveaux et aussi du chef de l’Etat lui-même. Le pays a été
comme abandonné à une famille qui dirigeait par procuration ; à un clan qui n’en demandait
pas mieux pour s’adonner à son sport favori, détourner et voler ; à ceux appelés par
bienveillance par la dite communauté internationale, des rebelles, des jihadistes ou des milices
qui ne sont en réalité que des seigneurs de guerre qui profitent à qui mieux mieux de la
faiblesse de l’Etat pour mener impunément leurs divers trafics chacun dans le fief qu’ils s’est
taillé par les armes et la terreur sur des populations impuissantes. Quand on n’a pas fait un
bon diagnostic de la déconfiture de l’Etat, comment peut-on proposer des solutions justes à la
résolution des problèmes dont le Mali est assailli de partout.
Des projets ? En veux-tu, en voilà…
Pour notre malheur, aucun des 24 candidats à l’élection n’a pu nous convaincre avec son
catalogue de bonnes intentions qui tient lieu à leurs yeux de projet de société qu’ils nous ont
présenté comme des solutions efficaces, réalistes pour remettre le Mali sur la voie. Des projets
que tout permet de croire qu’ils ont été rédigés à la hâte comme si leurs auteurs ont été surpris
par les échéances de cette élection présidentielle. Nous avons ainsi des projets qui en 5 axes,
qui en 7 voire en 12 axes qui ont en commun de n’être en effet que des idées vaguement
présentées, accompagnées dans le meilleur des cas de quelques chiffres pour faire bonne
mesure mais qui ne reposent sur aucune réalité, aucune statistique tirée d’études préalables ou
des statistiques officielles. Même le candidat-président ou plutôt le président-candidat de qui
on attendait qu’il nous dise quel est son bilan, pour ensuite demander de lui permettre de
terminer les chantiers qu’il a commencé, comme d’autres comme lui le font sous d’autres
cieux et qui trouvent là prétexte pour exiger un troisième mandat quand même la loi le leur
interdit, s’y est mis avec son projet à 5 axes. Je veux bien leur concéder le fait que le temps
d’une campagne on ne puisse pas présenter un projet de gouvernance, même d’une république
même bananière, mais on ne vient pas devant son peuple, si on le respecte, avec un texte à la
limite télégraphique comme étant son projet à moins de penser que c’est Dieu qui donne le
pouvoir à qui il veut et que par conséquent cet exercice devant le peuple n’est bon juste que
pour sacrifier à une tradition républicaine.
Ainsi, à titre d’exemples, quand on dit qu’on va s’engager dans la lutter contre la corruption et
qu’on ne dit pas comment on va s’y prendre et avec quelles institutions à créer (ou plutôt à
supprimer car il y a pléthore à ce niveau), que par la même occasion on ne prend pas
l’engagement d’apurer le passif dévoilé par le Vérificateur général, de dire ce qu’on va faire
des dossiers qui seraient, depuis sous ATT jusqu’à IBK, aux mains de la justice et qui jusqu’à
cette date, n’ont pas connu un début d’instruction par le juge, peut-on s’attendre à ce que la
corruption recule au Mali, quand même on fait des professions de foi que durant sa présidence
aucun de ses enfants n’exercera une fonction officielle (sic) ?
Ou encore qu’on dise qu’on va créer 200 000 emplois, 500 000 ou même plus d’un million et
que dans le même temps, on ne dit pas avec programmes, dans quels secteurs, avec quelles
ressources, c’est que comme cet autre candidat qui l’a fait précédemment, on prend les
électeurs pour des benêts qui ne sont pas capables de comprendre que vous êtes en train de
dire des sornettes. Pour parler d’un nombre d’écoles, de centres de santé, de routes ou
d’emplois à construire ou à créer, il faut qu’au préalable ont ait fait un état des lieux qui donne
le nombre d’écoles, de centres de santé, etc. qui existent dans chaque région, chaque cercle et
chaque commune et les difficultés que connaissent les populations de ces localités, en termes
de distance qui les sépare de ces différentes infrastructures pour montrer en quoi il est
nécessaire d’en construire davantage pour soulager les dites populations. Sinon on ne fait que
dans la démagogie.
Quant à ce qui concerne les questions sécuritaires et institutionnelles, les propositions de crise
de sortie des différents candidats sont restées en deçà des défis et enjeux du moment.
L’accord de paix a fini par s’imposer à tous et est devenu le bréviaire de tous les candidats
dans la voie d’une résolution de la crise au Mali. Rien de ce qui est en train de se faire par le
président sortant n’est remis en cause par les uns et les autres et toutes les solutions proposées
vont dans le même sens : une décentralisation plus profonde alors que l’Etat n’est pas assez
fort pour endiguer les forces centrifuges qu’une telle décentralisation ne manqueront pas de
créer ; une réorganisation et une formation de l’armée pour la rendre plus aguerrie, disciplinée
et unie alors que dans le même temps comme le stipule l’Accord de paix, il faut (re) intégrer
les rebelles en nombre de plus en plus élevé et selon des quotas. Toutes choses contraires à
l’esprit d’une armée républicaine. On comprend que personne n’ose se mettre à dos la
fameuse communauté internationale qui a entériné cet accord et exige sa mise en œuvre.
En retour, on n’a pas vu un grand débat autour du type de régime politique que l’on veut
mettre en place comme solution de crise de sortie alors que la crise du Mali est aussi politique
et institutionnelle. Mieux, je dirai qu’elle prend ses origines dans le type de régime que nous
avons et le mode de gouvernance qu’il a généré entre les mains des différents présidents qui
se sont succédé à la tête de l’Etat. Nous avons eus des chefs d’Etat dotés de tous les pouvoirs,
en étant commandant en chef de l’armée, premier garant de la justice, chef de gouvernement,
celui qui a pouvoir de nommer les présidents de toutes les autres institutions qui peuvent le
concurrencer ou qui peuvent lui faire de la résistance tout en étant responsable en rien devant
l’assemblée, que nul ne peut démettre mais qui a pouvoir de démettre qu’il veut et quand il
veut, en renvoyant son gouvernement, par la dissolution de l’Assemblée nationale quand bon
lui semble, etc. Un président qui n’a pas obligation de redevabilité devant son peuple sauf au
bout des 5 années comme le lui a permet la constitution. En attendant, celui-ci n’aura que ses
yeux pour pleurer, sa voix pour crier son désespoir.
Sourd à ses cris pendant presque tout le temps qu’aura duré son silence, ce président peut
alors sortir à six mois de la fin de son mandat de sa profonde torpeur pour crier à son peuple
« Je me suis réveillé maintenant et vous allez voir ce que vous allez voir » sans qu’on ne
sache trop s’il s’agit pour lui-même d’une exhortation au travail ou d’une menace pour son
peuple récalcitrant. Toujours est-il que toute manifestation a été interdite et réprimée pour
signifier l’autorité restaurée d’un Etat plus encore affaibli qu’il n’était au début de son mandat
et d’un président qui a toujours été ailleurs. Et pourtant, pour avoir travaillé pendant 6 petits
mois seulement, il est cité comme le grand favori d’une élection qui aura causé autant
d’angoisse.
Autre source de déception pour les électeurs que nous sommes, c’est le niveau des débats
organisés par les médias. Tout comme la campagne, ils ont été aussi ennuyeux et monotones
d’abord par la faute des animateurs qui n’ont pas toujours su choisir les bons thèmes et les
bonnes questions. Et quand les thèmes étaient intéressants, ils étaient mal formulés, ce qui
faisait partir les débats dans tous les sens. Quand ce ne sont pas les questions divinatoires qui
empêchaient les participants de faire des analyses pertinentes, c’est le choix des participants
qui rendait le débat sans intérêt. Les seuls moments intéressants des débats, c’est quand on
avait à faire à des partisans qui s’enflammaient par moment. Mais là encore, l’animateur
intervenait pour calmer les ardeurs, interdire les sujets qui peuvent fâcher ou heurter les
sensibilités présidentielles. Quand on a un statut qui empêche de faire de vrais débats, il faut y
renoncer pour ne pas livrer au public des pseudo-débats qui enlèvent aux échanges toute leur
saveur.
Ajouté à cela, c’est l’absence des acteurs eux-mêmes aux débats. Beaucoup ont préféré
envoyé leurs seconds couteaux quand ce ne sont pas tout simplement leurs petits soutiens qui
ne savaient rien de leur programme. On a surtout vu aussi des candidats qui, faute de pouvoir
payer les plages publicitaires, ont accepté de se prêter à ce qui n’était ni un débat ni un espace
pour présenter son projet mais qui semblait prêter à ces deux formules, où présents à deux sur
un même plateau, il tentait tour à tour de nous dire ce qu’est leur projet. Sans pour autant
qu’on puisse dire à la fin du débat qui des deux a présenté le meilleur projet, si tel était
l’objectif de cette émission. Pour éviter dorénavant qu’on ne se retrouve devant cette situation
où tout le monde fuit les débats, il faudra peut-être songer à l’inscrire dans la loi électorale ou
toute formule qui les rendent obligatoires.
Au bout du compte, cette campagne électorale n’a pas été l’occasion pour les différents
candidats de présenter de grandes idées de développement, de grandes visions pour le Mali
futur sinon futuriste. De grands projets intégrateurs qui vont brasser les populations de Kayes
à Kidal, je dis bien de Kayes à Kidal et non comme les médias étrangers sont arrivés à nous
imposer leurs idées manichéennes sinon de tripartition qui opposent un Nord à un Sud et plus
récemment à un Centre, des points cardinaux qui n’existaient pas dans le vocabulaire et la
géographie identitaires des Maliens. Des projets qui mieux que l’armée et les armes, pourront
venir à bout des rebellions et des jihadismes.