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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2012–Bordeaux 4-6 juillet 2012 

COMPORTEMENT DYNAMIQUE DES ECRANS DE FILETS SOUS


IMPACT : UN MODELE GENERIQUE D’ÉCRANS

DYNAMIC BEHAVIOUR OF ROCKFALL PROTECTION SCREEN : A GENERIC


MODEL OF SCREENS

Marie-Aurélie CHANUT 1, Laurent DUBOIS 1, Benoît MATOT2, François NICOT3


1
CETE de Lyon – Département Laboratoire de Lyon, Bron, France
2
IFSTTAR – Département Géotechnique, Eau et Risques, Bron, France
3
IRSTEA – Unité de Recherche Érosion Torrentielle Neige et Avalanches, Saint-
Martin d’Hères, France

RÉSUMÉ — Le modèle générique d’écran de filet développé est présenté ainsi que
les perspectives de calcul offertes par un tel modèle. Ensuite, les premiers résultats
de modélisation d’essais réalisés sur le site de la station d’essais de chute de blocs
de l’IFSTTAR sont exposés.

ABSTRACT — We explain the generic model of rockfall protection screen and the
possibilities offered by such a calculation model. Then, we expose the first results of
numerical simulation of tests made at the IFSTTAR station.

1. Introduction
1.1. Un contexte

Les écrans de filets constituent une parade passive de protection contre les chutes
de blocs. Ces ouvrages sont constitués de nappes de filets maintenues en place à
l'aide de câbles et de poteaux ancrés dans le sol. Pour arrêter les blocs, les écrans
de filet absorbent leur énergie cinétique par déformation plastique de certains
éléments constitutifs.
Le fonctionnement de ces ouvrages s'avère complexe, mais il est indispensable de
bien l'appréhender pour un dimensionnement fiable vis à vis des niveaux d'énergie
requis. Le guide d'agrément technique européen (ETAG27, 2008), prescrit des
essais d'impact en vraie grandeur pour valider la capacité d'arrêt des écrans de filets.
C'est dans ce contexte qu'une station d'essais de chutes de blocs a été construite
par l'IFSTTAR pour participer au processus de délivrance du marquage CE des kits
de protection contre les éboulements rocheux (Rochet-Lacoste et al., 2010).

1.2. Un besoin face à la diversité des technologies des écrans de filets

Sur le marché, il existe une grande diversité d’écrans de filets (INTERREG III A
RISKYDROGEO, 2006) : chaque fournisseur a conçu sa propre gamme d’écrans de
100 kJ à 5000 kJ voire plus. Sur la technologie même de l’ouvrage, certains filets
sont positionnés en amont des poteaux (Figure 1), d’autres en aval des poteaux

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(Figure 2). Les câbles de rives maintenant le filet en place sont accrochés aux
poteaux ou à un câble coulissant dans ces derniers et font toute la longueur de
l’ouvrage. Au-delà de la diversité des technologies, les éléments constitutifs des
écrans prennent des formes différentes :
 les nappes de filet sont constituées d’anneaux entrecroisés à 4 ou 6 contacts
(Figure 3), de câbles à maille losangique (Figure 4), de grillages, de câbles
tricotés avec éventuellement des agrafes fusibles ou rigides (Figure 5).
 les dispositifs de freinage prennent la forme de ressorts, de bandes
métalliques qui se déforment autour d’un axe, de profilés en aluminium qui
s’écrasent, de câbles qui frottent entre deux plaques, etc.
 les poteaux présentent une forme cylindrique ou sont des profilés en H.

Figure 1 . Écran de type amont Figure 2 . Écran de type aval

Figure 3 . Filet à anneaux Figure 4 . Filet à maille Figure 5 . Filet tricoté


entrecroisés losangique

1.3. Des modélisations existantes

Plusieurs travaux de modélisation du comportement des écrans de filets ont été ou


sont menés. En particulier, Nicot et al., (2001) ont construit un outil de calcul
performant des déformations de l’ouvrage sous impact basé sur la méthode des
éléments discrets. Plus récemment, des auteurs ont proposé des modélisations à
l’aide des éléments finis (Trad et al., 2009, Trad, 2011, Volkwein, 2005). Il faut noter
néanmoins que chacun de ces travaux est très lié à un type d’écrans.

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2. Modèle générique d’écrans


L’objectif du travail réalisé est de fournir un référentiel de calcul commun pour une
majorité d’écrans de filets. Comme nous l’avons vu, les outils de calcul développés
sont spécifiques à chaque type de d’écrans de filets. Disposer d’un outil plus général
permettra d’harmoniser les méthodes de calcul et ainsi de pouvoir prendre en
compte les différentes conceptions des ouvrages de façon rigoureuse.

2.1. Présentation du modèle générique

Le modèle générique vise à définir une forme commune, donc très générale pour la
plupart des écrans de filets. Pour cela, on peut remarquer qu’un écran de filets est
constitué de poteaux, de filets, de haubans, de câbles, de dispositifs de freinage et
d’ancrages. On décide alors de décrire chacun des éléments constitutifs à l’aide de
nœuds et de liaisons. Les nœuds traduisent ainsi la géométrie, alors que les liaisons
rendent compte de l’interaction entre les nœuds qu’elles relient et donc du
comportement de la structure. Dans cette description, on oublie le nombre de câbles
de rives, la géométrie des haubans ou du filet. On raisonne sur un ensemble de
nœuds.
Le modèle générique d’écrans de filet consiste ainsi en une description abstraite de
l’ouvrage : c’est simplement un objet constitué de nœuds et de liaisons. Cet écran
abstrait est ensuite défini par la spécification de la géométrie d’un écran réel (Figure
6).

Figure 6 . Exemple d'écran sous la forme "modèle générique"

On constate ainsi que tous les écrans de filets peuvent être représentés sous cette
forme même si des choix de discrétisation sont à réaliser. Par exemple, pour le filet,
on peut décider de générer un nœud par maille ou de créer un nœud pour chaque
contact entre mailles.

2.2. Au sein d’un outil de calcul unifié

A partir du modèle générique établi, l’algorithme de calcul des déformations est


construit en résolvant de façon itérative et incrémentale les équations de la
dynamique sur l'ensemble des nœuds du modèle (principe de la méthode des

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éléments discrets). Les équations mécaniques à la base du calcul des déformations


du filet sous impact sont celles établies et validées dans Nicot et al. (2001).
L’algorithme peut être qualifié de haut niveau ou de générique puisqu’il est basé sur
le modèle abstrait. Pour faire un parallèle avec les mathématiques, l’algorithme de
calcul est la fonction f , l’écran est l’argument x . La fonction f est définie de façon
indépendante de x et, on doit définir une valeur pour x afin d’en déterminer l’image.
La Figure 7 résume le principe de l’outil unifié : le calcul du comportement dynamique
de l’ouvrage sous impact est composé d’un seul noyau de calcul des déformations et
de plusieurs modules spécifiques aux différents types d’ouvrage pour générer des
instances du modèle générique conformes à leur technologie ou géométrie
particulière.

Figure 7 . Principe de l'outil de calcul unifié

2.2.1. Calculs possibles

Dans ce paragraphe, un éclairage est réalisé sur le calcul multi-phases et les


résultats.
Le concept de phase a été introduit de façon à conserver la mémoire des
déformations des différents éléments de l’ouvrage lors des phases précédentes pour
la nouvelle phase. Par exemple, l’essai à l’énergie de service (SEL) défini par
l’ETAG27 est composé de deux lâchers successifs, le deuxième ayant lieu dans le
filet déformé après enlèvement du premier bloc. La simulation d’un tel essai est
effectuée par un calcul numérique à quatre phases : une première phase d’équilibre
de l’écran de filets sous pesanteur, une deuxième phase d’impact du premier bloc
dans le filet, une troisième phase de retour élastique du filet après enlèvement du
bloc et enfin une quatrième phase correspondant au deuxième lâcher du bloc.
De nombreux résultats sont mis à disposition de l’utilisateur : les valeurs des efforts
dans les câbles ou les mailles, le niveau d’activation des freins, les valeurs des
déformations plastiques, les grandeurs géométriques du filet après impact telles la

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hauteur résiduelle ou l’allongement maximal, deux grandeurs qui doivent satisfaire


certains critères selon l’ETAG 27.
Filet amont

Figure 8 . Equilibre sous pesanteur Figure 9 . Comportement sous impact


Filet aval

Figure 10 . Equilibre sous pesanteur Figure 11 . Comportement sous impact

Les figures 8 à 11 montrent des simulations réalisées sur des types d’écrans de filets
différents pour illustrer le bon fonctionnement de l’outil de calcul et justifier l’intérêt du
modèle générique.

3. Premiers résultats en lien avec la station d’essais de chutes de blocs de


l’IFSTTAR
Les résultats de la modélisation d’un essai au SEL réalisé sur le site de la station
d'essais de chutes de blocs de l'IFSTTAR à Montagnole sont présentés dans cette
partie.

3.1. Description de l’écran testé et de la simulation réalisée

La simulation porte sur un écran de filets de type aval. Dans ce cas, le filet est situé
en aval des poteaux et est maintenu en place par des prolongateurs qui coulissent
dans les poteaux via des diabolos. Il s'agit d'un filet à anneaux entrecroisés à six
contacts et l'ouvrage testé est constitué de trois modules.
L'objectif est de modéliser un essai au SEL à une énergie d'impact de 330 kJ sur cet
écran de classe 3 (ETAG 27). Afin de comparer les résultats expérimentaux et
numériques, les conditions initiales du calcul prises identiques à celles de
l'essai figurent dans le tableau suivant (Tableau 1).

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Tableau 1 . Conditions initiales du calcul

Masse du bloc 810 kg


Rayon du bloc 0,375 m
Hauteur de chute 42,1 m
Vitesse instantanée d’impact 28,78 m/s (SEL 1), 28,73 m/s (SEL 2)
Hauteur nominale 4,18 m

3.2. Résultats

L'analyse des résultats de la simulation numérique présentée ici concerne


uniquement les grandeurs géométriques de l’ouvrage après essai. La vitesse
d'impact pour chaque lâcher est imposée en entrée du calcul numérique pour être
identique à celle mesurée lors de l'essai à Montagnole.
On compare les résultats numériques et expérimentaux sur trois critères
géométriques (Tableau 2) : le temps de freinage (correspondant au délai entre le
premier contact du bloc avec le filet et l'allongement maximal du filet), la valeur de
l'allongement maximal et la hauteur résiduelle du filet après l'impact sans enlèvement
du bloc.

Tableau 2 . Comparaisons des résultats lors de l'essai d’impact en vraie grandeur et


des résultats issus de la simulation numérique

SEL1 (vimpact = 28,78 m/s) Essai Simulation Écarts


Temps de freinage 228 ms 195 ms -15%
Allongement maximal 4,16 m 3,96 m -5%
Hauteur résiduelle Donnée confidentielle Donnée confidentielle +10%
SEL2 (vimpact = 28,73 m/s) Essai Simulation Écarts
Temps de freinage 146 ms 129 ms -11%
Allongement maximal 2,28 m 2,29 m 0%
Hauteur résiduelle Non mesurée 2,57 m x

La simulation numérique conduit, pour le premier lâcher au SEL, à un allongement


maximal inférieur à celui mesuré lors de l'essai et à une hauteur résiduelle
numérique supérieure à la hauteur mesurée. Ces deux valeurs sont cohérentes. En
effet, lors de la simulation numérique, le filet se déforme moins, ce qui s'accompagne
d'un allongement plus faible et d'une hauteur résiduelle plus importante.

Pour expliquer le phénomène, plusieurs arguments peuvent être avancés :


 la loi de comportement du filet utilisée pour le calcul numérique ne rend pas
exactement compte du comportement du filet testé in situ ;
 le fonctionnement des câbles de rives dans le calcul numérique est purement
élastique.
Les écarts relatifs concernant l'allongement maximal et la hauteur résiduelle sont
inférieurs à 10%, ce qui révèle une approximation très correcte du comportement de
l'ouvrage par la simulation numérique.

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4. Conclusions et perspectives
Le point fort du travail est d'avoir développé un modèle très générique d'écrans de
filets permettant un mode commun de calcul du comportement des ouvrages.
Le modèle générique intégré au sein de l’outil de calcul des déformations de l’écran
de filet permet donc de décrire correctement le comportement du filet sous impact de
bloc et d’appréhender son niveau d’endommagement. Les grandeurs faisant l’objet
de spécification par l’ETAG27 sont également disponibles.
L’outil de calcul doit être finalisé notamment en intégrant deux géométries d’écrans
de filet couramment utilisées. Ensuite, une validation complète sera menée
notamment en comparant les résultats numériques avec les résultats d’essais en
vraie grandeur réalisés sur le site de la station d’essais de chutes de blocs de
l’IFSTTAR.
Plusieurs travaux sont envisagés :
 effectuer des simulations numériques pour comparer les technologies de filets,
étudier leur durabilité en fonction du vieillissement des matériaux les
constituant, comparer les performances de deux filets en série par rapport à
un filet de capacité double, comparer un impact vertical par rapport à un
impact incliné.
 prendre en compte le comportement des ancrages actuellement supposés
parfaitement rigides dans la réponse de l’écran de filets.
 disposer de données représentatives du comportement des filets en réalisant
des essais de traction dans le plan et de sollicitation hors-plan sur les filets ou
en montant un partenariat avec les industriels développant ces produits.

Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier au nom de l’IFSTTAR l’ensemble des cofinanceurs
du projet de station d’essais de chutes de blocs, ainsi que le groupe Vicat,
propriétaire du site de Montagnole. Nous tenons également à exprimer notre
reconnaissance aux deux fabricants d’écrans de filets, GTS et HC, qui ont réalisé
des essais sur le site de Montagnole.

Références bibliographiques
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blocs rocheux. 

INTERREG  III  A  RISKYDROGEO  (2006)   Conférence  internationale  Risques  hydrologiques  en 


montagne : parades et surveillance 

Nicot F., Cambou B., Mazzoleni G. (2001). Design of rockfall restraining nets from a discrete element 
modelling, Rock Mechanics and Rock Engineering, vol. 34, n° 2, p. 99‐118. 

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Grenoble. 

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