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The Playing-Card Volume 41, Number 4

Christophe Poncet
À mi-chemin entre Venise et Florence :
le Chariot ferrarais du Musée français
de la carte à jouer
(English summary at the end)

E
n 1992, le Musée français
de la carte à jouer d’Issy-les-
Moulineaux faisait l’acquisition
d’une carte d’atout d’un jeu de
tarot  : un Chariot, dessiné à l’encre,
proche par son style de l’art ferrarais
du milieu du quinzième siècle et
qui, si l’on en juge par sa facture
luxueuse, a pu être réalisée pour l’un
des princes de Ferrare, Leonello ou
Borso d’Este (fig. 1).1 L’image frappe
d’emblée par son originalité  : la
représentation frontale du véhicule ;
la composition sur deux registres de
taille égale ; le caractère énigmatique
de la figure portée par le char, une
femme tenant une épée et un globe
et encadrée de quatre suivantes qui
font avec les mains des gestes dont
la signification demeure inexpliquée.
Cette carte possède certains traits en
Fig. 1 - Le Chariot, vers 1450
(Issy-les-Moulineaux, Musée français
de la carte à jouer
© Musée français de la carte à jouer /
Ville d’Issy-les-Moulineaux).
1
Voir la notice de Séverine Lepape dans Isabelle Bardiès-Fronty et Anne-Elizabeth
Dunn-Vaturi (éds.), Art du jeu. Jeu dans l’art. De Babylone à l’Occident médiéval, Paris,
Réunion des Musées Nationaux, 2012, p. 91. Sur l’importance du jeu de tarot à la cour
de Ferrare, voir Giuliana Algeri, «Un gioco per le corti : i tarocchi miniati», dans G. Berti
et A. Vitali (éds.), Le carte di corte. I tarocchi. Gioco e magia alla corte degli estensi, Ferrara,
Nuova Alfa, 1987, pp. 21-29 ; G. Ortalli, Giovanni Cagnolo e don Messore: un laboratorio
per la fabbricazione dei tarocchi alla corte di Borso d’Este, “Ludica”, 2, pp. 163-9 ; Idem, The
prince and the playing cards: the Este family and the role of courts at the time of the Kartenspiel-
Invasion, “Ludica”, 2, pp. 175-205.
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Fig. 2 - Nicolas Conver, Le Chariot, 1760
(Issy-les-Moulineaux, Musée français
de la carte à jouer
© Musée français de la carte à jouer).
commun avec le septième atout du
tarot dit « de Marseille », ainsi qu’on
peut le constater en le comparant,
par exemple, au Chariot du cartier
Pierre Madenié (1709) ou à celui
de Nicolas Conver (1760)  (fig. 2)  :
la représentation frontale, les deux
grandes roues et la composition sur
deux registres de taille égale. 2 Le
présent article s’attachera à montrer
par quels chemins ces caractéristiques
ont pu être transmises, ouvrant par
là même une nouvelle voie vers
l’identification du berceau du tarot
« de Marseille ».
En 1441, année de la mort de
Niccolò iii d’Este, le peintre vénitien
Jacopo Bellini se trouvait à Ferrare.3
Dans les années qui suivirent,
Leonello d’Este, le fils de Niccolò
et son héritier, désireux de faire
construire un monument équestre
à la mémoire de son père, organisa
un concours en vue de choisir un
sculpteur pour exécuter cette œuvre, laquelle fut finalement achevée en 1451.4 Le
carnet de dessins de Bellini conservé au British Museum contient de nombreuses
études équestres que les historiens de l’art ont rattachées à la période ferraraise
de la vie de l’artiste et au projet de monument à la mémoire de Niccolò iii.5
2
Pour un aperçu de différents exemples de la tradition du tarot « de Marseille », voir
D. Grütter, W. Haas, M. Ruh (éds), Schweizer Spielkarten 2. Das Tarockspiel in der Schweiz.
Tarocke des 18. und 19. Jarhunderts, Schaffhouse, Sturzenegger Stiftung Schaffhausen /
Museum zu Allerheiligen Schaffhausen, 2004, pp. 118-139, 146-179.
3
Georg Gronau, Die Künstlerfamilie Bellini, Bielefeld, Velhagen & Klasing, 1909, pp. 8-9,
14, 18.
4
Sur l’histoire de ce monument, voir l’introduction d’Antonio Videtta à son édition
de Leon Battista Alberti, De equo animante. Il cavallo vivo, Naples, Ce.S.M.T., 1991, pp.
41-53.
5
Corrado Ricci, Jacopo Bellini e i suoi libri di disegni. Il libro del British Museum, Florence,
Alinari, 1908, pp. 8, 9, 11 ; Hans Tietze et Erica Tietze-Conrat, The Drawings of the Vene-
tian Painters in the 15th and 16th century, New York, Augustin, 1944, pp. 97, 102, 103.
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Fig. 3 - Jacopo Bellini, Char de triomphe,
c. 1441 (Londres, British Museum. D.R.).

Parmi ces études, la représentation


frontale d’un char de triomphe tiré par
deux chevaux, orné sur l’avant d’un
médaillon portant l’aigle des Este (fig. 3).6
Plusieurs indices révèlent un lien de
dépendance entre ce dessin et le Chariot
d’Issy. Dans les deux cas le véhicule est
représenté de face, avec deux grandes
roues visibles de part et d’autre de la
caisse dont la face avant a la forme
d’un plan rectangulaire. On trouve
de nombreux points de ressemblance
dans la manière de représenter les
chevaux : les oreilles petites et pointues
en forme de conques, le dessin des
naseaux, les plis du cou, la pièce
de harnais circulaire sur le front
d’un des animaux. Il résulte de ces
observations que l’un des dessins est
vraisemblablement inspiré de l’autre,
à moins qu’ils n’héritent tous deux
leurs caractéristiques communes d’une
autre source restant à identifier. On
peut cependant relever que les cahiers
de Bellini présentent de nombreux exemples de dessins équestres très proches
par leur style de ceux de son Char de triomphe.7 Il ne semble donc pas que cette
manière soit pour lui un emprunt et y a tout lieu de penser que ce n’est pas son
esquisse qui est inspirée de la carte d’Issy, mais l’inverse. Il est possible que les
dessins du Vénitien, ayant été présentés à Ferrare à l’époque du concours, aient
exercé une influence sur l’artiste ferrarais qui réalisa la carte postérieurement.
La datation habituellement retenue pour le Chariot d’Issy, vers 1450, concorde
avec cette hypothèse.
Le concours fut remporté par deux sculpteurs originaires de Florence, Antonio
di Cristoforo et Nicolò di Giovanni Baroncelli.8 Un autre Florentin, le célèbre Leon
6
Colin Eisler, The Genius of Jacopo Bellini. The complete paintings and drawings, New York,
Abrams, 1989, pp. 249, 253.
7
Ibidem, pp. 121, 130, 131, 133, 152, 185, 187, 188, 195, 207, 215, 229, 231, 242, 256, 257, 258,
259, 261, 302, 305, 399, 404, 405, 428, 431, 439.
8
Sur ce sculpteur, voir Anna Maria Matteucci, Baroncelli, Nicolò di Giovanni, detto Nicolò
del Cavallo, in Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 6, Rome, Istituto della Enciclopedia
Italiana, 1964.
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Battista Alberti, raconte dans son De equo animante comment il avait été invité
par Leonello d’Este à arbitrer la compétition.9 La collaboration entre Ferrarais et
Florentins à l’occasion de ce concours semble avoir favorisé la transmission des
modèles graphiques liés aux projets artistiques. Un nielle attribué au graveur
florentin Maso Finiguerra en porte témoignage (fig. 410, reproduite en première
de couverture).11 Réalisé à Florence aux environs de 1460, certainement avant
1464 (date de la mort de Finiguerra), il représente la Foi portée en triomphe
sur un char tiré par deux chevaux, en vue frontale. Le registre supérieur est
clairement transposé de l’allégorie mystérieuse du Chariot d’Issy. Le personnage
central a la même attitude, tenant dans la main droite un objet sphérique, globe
(Issy) ou boule de feu (Finiguerra) ; dans la gauche une épée (Issy) ou une corne
(Finiguerra). Plusieurs détails de son vêtement sont similaires : la coupe de la robe
avec son col rond bordé d’un galon et sa ceinture haute, le plissé du vêtement
sur ses jambes. Les quatre dames de compagnie ont été remplacées par six
angelots. Pour ce qui est de la partie inférieure, c’est manifestement sur le dessin
de Bellini que le nielle prend modèle : les jambes des chevaux ont exactement la
même position, les têtes sont orientées de la même manière, tout comme les deux
grandes roues des véhicules, dont les rayons sont figurés à l’identique et dont
le pourtour est pareillement renforcé par des clous ronds. À noter également
la forme en Y entre les deux animaux, que le florentin a transformée en timon,
et l’aile de l’ange vu de dos qui est identique, en vue inversée, à celle de l’aigle
représenté à l’avant du char de Bellini. Quant au réseau de crevasses qui figure
le terrain au premier plan en bas, un motif similaire peut être observé dans la
carte ferraraise. Le nielle de Maso Finiguerra apparaît donc comme un hybride
du triomphe vénitien de Bellini et de la carte de Ferrare.
La carte du Chariot du tarot « de Marseille » semble prolonger cette lignée
par une nouvelle mutation, car elle reproduit le schéma général commun aux
trois images, tout en empruntant des éléments spécifiques à chacune d’elles.
Les jambes des chevaux reprennent la même position que dans le dessin de
Bellini et le nielle de Finiguerra, mais c’est avec ce dernier que la morphologie
des animaux a le plus d’affinités, en particulier leurs formes pleines et
arrondies. De même, les harnachements des attelages ont de nombreux points
communs, notamment la bricole du poitrail et les anneaux circulaires du
mors. Le Y du timon subsiste sous une forme plus stylisée. La plateforme
du véhicule de Finiguerra est prolongée à l’avant par une pointe en saillie dont
la courbe en forme d’accolade se retrouve, à la même position, dans le dessin

9
Leon Battista Alberti, De equo animante, cit., p. 58.
10
Paris, musée du Louvre, collection Rothschild
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle.
11
Sur ce nielle, voir André Blum, Les nielles du Quattrocento, Paris, Compagnie des arts
photomécaniques, 1950, pp. 14, x (fig. 21), xi (fig. 21bis) ; Catherine Loisel et Pascal
Torres, Les premiers ateliers italiens de la Renaissance. De Finiguerra à Botticelli, Paris, Le
Passage, 2011, ill. 97.
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de l’écu qui orne la face avant du


Chariot « de Marseille » (fig. 5).12
Mais pour la carosserie, c’est surtout
le dessin de Bellini qui sert de modèle
à la carte « marseillaise » : la structure
et les proportions de sa cabine sont
transposés sous la forme d’un dais porté
par des montants ; la face avant de sa
caisse plane, rectangulaire et ornée d’un
emblème est simplement rhabillée (au
médaillon portant l’aigle des Este se
substitue l’écu revêtu d’initiales) et ornée
d’une corniche. Un détail étrange, Fig. 5 - À gauche, détail du Char de la Foi
observé dans le tarot de Nicolas Conver (Maso Finiguerra) ;
et de nombreux autres du même type à droite, détail du Chariot
« marseillais », posé sur la ligne de base (Nicolas Conver).
et au milieu de la carte, entre les deux
chevaux, se composant d’une forme
triangulaire surmontée de quatre brins
recourbés, évoque irrésistiblement une
crevasse ornée d’une touffe d’herbe
positionnée pratiquement au même Fig. 6 - À gauche, détail du Char de la Foi
endroit, sur la ligne de base, dans le (Maso Finiguerra) ;
à droite, détail du Chariot
nielle de Finiguerra. Ce détail constitue
(Nicolas Conver).
très probablement la transposition,
au moyen d’une technique plus grossière, de la crevasse finement incisée
(fig. 6).13 La carte ferraraise a également été mise à contribution, puisque l’atout
« marseillais » lui fait également un emprunt spectaculaire. Il s’agit rien moins
que de la composition de l’image  : l’une et l’autre, en effet, sont divisées en
deux moitiés séparées par la ligne horizontale que forme le bord supérieur de
la caisse du char.
Il faut néanmoins souligner un point de divergence important entre les quatre
images considérées : les personnages occupant les parties hautes des véhicules
12
Je remercie Thierry Depaulis de m’avoir signalé cette correspondance.
13
Je remercie Patrizia Castelli de m’avoir fait remarquer ce détail. Comme me l’a indiqué
Thierry Depaulis, cette crevasse ornée d’une touffe d’herbe n’est jamais présente dans
l’un des deux grands types de tarots « de Marseille », qu’il appelle « type I » (auquel on
rattache par exemple celui de Jean-Pierre Payen, daté de 1713) par opposition au « type
II  » (auquels appartiennent notamment ceux de Pierre Madenié ou Nicolas Conver).
Or Michael Dummett et Thierry Depaulis ont estimé que le « type II » dérive du « type
I ». Le fait que le nielle de Finiguerra présente des ressemblances plus marquées et plus
nombreuses avec les Chariots de « type II » qu’avec ceux de « type I » pourrait en réalité
être un indice que les deux lignées sont indépendantes l’une de l’autre et dérivent pa-
rallèlement d’un ancêtre commun qui reste à découvrir.
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sont tous très différents. Simples ombres chez Bellini, du fait de l’inachèvement
de l’esquisse ; personnage féminin doté d’attributs de pouvoir – globe et épée
– dans la carte ferraraise ; allégorie de la Foi chez Finiguerra ; jeune homme
couronné brandissant un sceptre dans l’atout « marseillais ». Il s’ensuit que les
emprunts sont formels et graphiques plutôt que thématiques et, par conséquent,
même si ces images partagent des traits communs, elles ne représentent pas les
mêmes conceptions.
Depuis les travaux fondamentaux de Sylvia Mann et Michael Dummett, il
ne fait plus aucun doute que la grande famille des tarots dits « de Marseille »
prend sa source dans l’Italie de la Renaissance.14 Plus précisément, le logicien
anglais, se basant sur l’étude de l’ordre des atouts dans les différents types de
tarots, avait conclu que la branche dite « marseillaise » était originaire de Milan.
Pour ce qui est de la datation, faute d’indices matériels, la plupart des historiens
se contentaient prudemment d’estimations très larges, entre la fin du quinzième
siècle et le tout début du seizième.
L’établissement de liens de dépendance graphiques entre le septième atout du
tarot « de Marseille » et des images dont on connaît, même approximativement,
la date de réalisation, permet de proposer un terminus post quem, au moins pour
la création de cette figure d’atout particulière, si ce n’est pour le jeu dans son
ensemble. Si, en effet, le Chariot « de Marseille » reprend certains détails du nielle
de Maso Finiguerra, gravé aux environs de 1460, il ne peut lui être antérieur.
Quant au lieu d’origine du tarot « de Marseille », les fortes ressemblances entre
le Chariot et le nielle de Finiguerra permettent d’avancer l’hypothèse qu’il s’agit
de Florence. Une telle conjecture se trouve confortée par d’autres indices révélant
de fortes affinités entre l’art florentin du Quattrocento et les atouts du tarot « de
Marseille ». J’ai mis en évidence par ailleurs les nombreuses correspondances
graphiques entre la fameuse série de gravures des Prophètes et Sibylles du
Florentin Baccio Baldini et cinq atouts  du tarot «  de Marseille  »  : la Papesse,
le Pape, l’Impératrice, l’Empereur et la Justice.15 Or Baldini était l’élève de Maso
Finiguerra, et faisait comme lui partie du cercle des premiers graveurs florentins,
avec lesquels collaborait également le peintre Sandro Botticelli, dont plusieurs
œuvres évoquent indiscutablement certains atouts du tarot « de Marseille ».16

14
Michael Dummett, The Game of Tarot, from Ferrara to Salt Lake City, London, Duckworth,
1980, pp. 407-417 ; Idem, Il mondo e l’angelo. I tarocchi e la loro storia, London, Bibliopolis,
1993, pp. 307-417. Voir aussi Thierry Depaulis, Tarot, Jeu et Magie, Paris, Bibliothèque
Nationale, 1984, pp. 71-73 ; Idem, «Le tarot de Marseille», dans Cartes à jouer et tarots de
Marseille. La donation Camoin, Marseille, Alors hors du Temps, 2004, pp. 125-133.
15
«Un gioco tra profezia e filosofia: i tarocchi di Marsilio», dans G. Ernst et G. Giglio-
ni (éds.), Il linguaggio dei cieli. Astri e simboli nel Rinascimento, Rome, Carocci, 2012,
pp. 255-269.
16
Sur le milieu des graveurs florentins au Quattrocento, voir John Goldsmith Phillips,
Early Florentine Designers and Engravers: Maso Finiguerra, Baccio Baldini, Antonio Pollaiuo-
lo, Sandro Botticelli, Francesco Rosselli. A Comparative Analysis of Early Florentine Nielli,
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D’autre part si le Chariot « de Marseille » reprend des éléments communs aux
trois images sources (dessin de Bellini, carte ferraraise, nielle de Finiguerra), il
emprunte également des détails spécifiques à chacune d’elles. Or toutes trois
sont, par leur nature même, des images qui ne pouvaient connaître une large
diffusion : le dessin de Bellini parce qu’il s’agit d’une esquisse unique enfouie
dans un carnet à dessins jalousement conservé par l’artiste, pour qui il constituait
non seulement un instrument de travail mais aussi un bien à transmettre à ses
héritiers ; la carte de Ferrare, réservée à une petite élite en raison de son caractère
luxueux ; le Triomphe de Finiguerra à cause de la technique du nielle, la fragilité
des empreintes en soufre n’autorisant qu’un nombre très limité d’épreuves. Le
créateur qui eut accès, directement ou indirectement, à ces éléments d’origines
et de natures variées, à partir desquels il imagina la synthèse que constitue la
carte du Chariot du tarot « de Marseille », était probablement, sinon présent lui-
même, du moins en relation étroite avec certains de ceux qui avaient participé
au concours de Ferrare. Il est donc raisonnable de conjecturer que l’atout n’a
pas été conçu très longtemps après, mais probablement dans le temps d’une
génération, c’est-à-dire pas plus de vingt-cinq à trente ans plus tard. Selon
une telle estimation, le Chariot du tarot « de Marseille » a dû voir le jour dans
sa forme initiale entre 1460 (nielle de Finiguerra) et 1473 (trente ans après le
concours de Ferrare).
Le Chariot ferrarais d’Issy constitue un maillon nécessaire entre le dessin
du Vénitien Bellini et le nielle du Florentin Finiguerra, puis, de là vers la
figure du septième atout du tarot « de Marseille ». Il offre ainsi un témoignage
irremplaçable sur la genèse de ce jeu.

Je remercie le Musée français de la carte à jouer et la ville d’Issy-les-Moulineaux


de m’avoir aimablement procuré les images des Chariots de Ferrare et de Nicolas
Conver et d’avoir autorisé leur reproduction dans ces pages.

English Summary
Halfway between Venice and Florence: the Ferrarese Chariot of the French
Playing-card Museum
This note investigates the path that led to the creation of the Chariot trump
of the Tarot “of Marseille” (fig. 2). The track originates from a drawing by the
Venetian painter Jacopo Bellini showing a triumphal wagon pulled by two
horses (fig. 3) and probably made in the context of the competition organized in

Intarsias, Drawings, and Copperplate Engravings. Cambridge MA, Harvard University


Press, 1955. Sur les liens entre certaines œuvres de Botticelli et le tarot « de Marseille »,
voir Christophe Poncet, The Judgment of Lorenzo, “Bruniana & Campanelliana”, xiv, pp.
541-561  ; idem, Un diavolo nella caverna di Platone, “Bruniana & Campanelliana”, xvi,
pp. 89-106 ; idem, La scelta di Lorenzo. La Primavera di Botticelli tra poesia e filosofia, Pise,
Fabrizio Serra, 2012.
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Ferrara shortly after 1441 to select an artistic project for an equestrian sculpture.
This sketch appears to have inspired a Ferrarese tarot card, dated around 1450,
and presenting an allegorical figure on a chariot (fig. 1). Probably due to the
participation of Toscan artists in the contest, it seems that the design leaked to
Florence, as revealed by a niello engraved by the Florentine Maso Finiguerra
before 1464 that presents striking similarities to the Ferrarese card (fig. 4, on front
cover). Finally, the Chariot card of the tarot “of Marseille” obviously borrows
characteristics common to its three ancestors, but also some features specific to
each one. Given the very scarce circulation of the three images until recent times,
this leads to conjecturing that the Chariot of the tarot “of Marseille” might have
been originally created in Florence sometime between 1460 and 1473.

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