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Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction (2008) 37, 219—222

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ÉDITORIAL

L’expertise obstétricale judiciaire en question


(application à l’infirmité motrice d’origine cérébrale)
Obstetrical reports in law courts are debatable

La quasi-stabilité des marqueurs sanitaires périnatals et que les marqueurs sanitaires ne sont pas corrélés à ces
l’inflation des procédures et surtout des indemnités allouées taux. . .
par la justice pour des séquelles neurologiques attribuées à En revanche, et contrairement aux hypothèses formu-
une mauvaise pratique de l’accouchement, sont difficiles à lées, on observe une augmentation légère du nombre d’IMOC
corréler. malgré l’inflation des moyens techniques de surveillance
Certes, la mortalité périnatale a beaucoup diminué et des césariennes : il apparaît ainsi très probable que
depuis l’instauration d’une politique périnatale débutée en leurs causes ne se trouvent pas essentiellement lors de
1971, avec l’objectif affiché de la réduire de 50 % mais l’accouchement comme on le croyait.
également de réduire le taux d’infirmité motrice d’origine Et puis, rançon de la médiatisation des « affaires » obs-
cérébrale (IMOC) dans la même proportion. tétricales, on enregistre une progression des plaintes en
Ce plan périnatalité a tellement bien fonctionné qu’au responsabilité pour motif de mauvaises pratiques obstétri-
bout de neuf ans l’objectif principal était atteint mais cales ainsi qu’une inflation des indemnisations qui mettent à
en revanche, de façon étonnante, le taux d’IMOC restait genoux les assureurs et surtout se répercutent sur les primes
inchangé et reste toujours inchangé en 2007 tout au moins d’assurance des praticiens.
pour la catégorie très majoritaire des enfants nés à terme D’une façon générale, la plainte pour recherche d’une
ou proches du terme. responsabilité médicale est quasi constante en cas de mort
Les moyens mis en œuvre ont été essentiellement la périnatale ou d’IMOC, avec l’argument souvent invoqué par
généralisation du monitorage du rythme cardiaque fœtal les demandeurs d’un retard de diagnostic par mauvaise
(RCF) pendant l’accouchement ; censé dépister l’asphyxie interprétation du RCF et/ou de retard à la césarienne.
fœtale, elle-même supposée pourvoyeuse de mort périna-
tale et d’IMOC, il s’est indiscutablement accompagné d’une Qualité de l’expertise obstétricale
diminution de la mortalité fœtale pendant l’accouchement
et plus discrètement à la naissance, mais n’a eu aucune La qualité de l’expertise obstétricale est encore trop sou-
influence sur le taux d’IMOC (confirmé en France par un vent à l’origine d’une telle évolution jurisprudentielle.
registre spécifique : le RHEOP). Pourtant, les données neuroépidémiologiques (émanant de
Comme le RCF possède une mauvaise spécificité, si on disciplines non impliquées dans une éventuelle procédure
ne prend pas la précaution de s’appuyer sur des exa- contentieuse) démontrent que les séquelles neurologiques
mens de seconde ligne pour affirmer le diagnostic probable liées à un accouchement mal conduit ou à un défaut de sur-
d’asphyxie et d’acidose, on est amené à un excès de césa- veillance dans la prise en charge de l’accouchement sont
riennes par l’application du principe de précaution. C’est inférieures à 10 % des cas [1]. Et là, on bat en brèche
une des explications de l’augmentation importante du taux l’opinion encore fortement répandue dans les prétoires, ali-
des césariennes multiplié par un facteur 4 à 5 en l’espace mentée par certaines expertises, que la responsabilité de
de 30 ans. . . L’OMS avait estimé en 1985 que le taux opti- l’accouchement se situe au-delà de 50 % des cas d’IMOC sur
mal de césariennes devrait se situer entre 10 et 15 %. On est la base d’hypothèses physiopathologiques qui ne sont pas
passé du taux de 7 à 21 % actuellement en France, alors acceptables.

0368-2315/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jgyn.2008.03.005

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Dans ce domaine, on dispose depuis 1992 de rapports comme l’avaient certifié quatre collèges d’experts, mais
dont le dernier publié en 2003 représente le point le celle d’une malformation cérébrale (hémimégalencéphalie)
plus achevé des connaissances, émanant de l’American constituée dès le début de la grossesse.
College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) et de Alors, à l’analyse de ces 14 dossiers, on peut se demander
l’American Academy of Pediatrics (AAP) et tout récem- où se situent les erreurs expertales ?
ment de sa validation française par le Collège national C’est d’abord la suspicion délibérée d’une asphyxie
des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF). Ils per- fœtale entretenue par l’utilisation excessive car peu pré-
mettent d’établir une relation de causalité ou de la réfuter cise et ambiguë du terme de « souffrance » fœtale, terme
sur des arguments spécifiques et non plus sur la lecture supprimé de la nomenclature internationale des maladies
« millimétrée » du RCF, dont on a rappelé plus avant le depuis 1998 du fait de cette imprécision. On avait l’habitude
manque flagrant de spécificité. de qualifier ainsi toutes les anomalies du RCF, qu’elles soient
On a pu reprocher aux accoucheurs, trop heureux de le signe d’une acidose compliquant une asphyxie fœtale (1 à
l’aubaine, de s’empresser de se saisir de telles données qui 2 % des naissances) ou simplement de perturbations bénignes
innocentent leur pratique dans la majorité des procédures. en relation avec le stress de la naissance.
C’est tout au moins l’argument majeur de certains conseils Ensuite, l’asphyxie est encore souvent censée être évitée
de demandeurs, qui estiment que les rapports précités ont par une césarienne quand celle-ci n’a pas été faite ou bien
essentiellement pour but la défense contentieuse des prati- par une césarienne plus précoce lorsqu’elle a été faite. Mais
ciens de l’obstétrique et l’écrivent, mais qui manquent en on n’a jamais pu démontrer par des séries prospectives ou
fait d’arguments scientifiquement opposables. rétrospectives correctement appariées que des césariennes
Je me suis permis de vous donner mon expérience per- plus précoces sont aptes à prévenir les IMOC.
sonnelle qui n’est que limitée et probablement biaisée par Finalement, il s’avère toujours possible d’imaginer une
la sélection de dossiers trop « lourds » aux yeux des défen- physiopathologie plus ou moins fantaisiste pour arriver
deurs. à démontrer l’enchaînement « souffrance fœtale-asphyxie
Lors des années 2001 à 2007, je suis intervenu à 14 néonatale — IMOC », alors que le recours constant aux
reprises, soit à titre d’expert judiciaire, soit comme rédac- données cliniques objectives doit être une exigence
teur de rapports critiques, pour refaire ou examiner des scientifique incontournable (en l’occurrence, dans le dos-
expertises concluant à la responsabilité certaine d’une sier d’hémimégalencéphalie, la constatation de l’absence
asphyxie fœtale pendant l’accouchement à l’origine d’une d’anémie néonatale suffisait à mettre à mal l’hypothèse de
IMOC, qui relèverait le plus souvent d’une faute obstétri- l’asphyxie d’origine anémique).
cale. J’ai repris ces 14 dossiers en appliquant les critères Enfin, il y a parfois une faute impardonnable, qui est
ACOG-AAP qui sont le state of the art de la recherche cau- de passer sous silence une imagerie cérébrale tout à fait
sale de l’IMOC. probante qui aurait invalidé à coup sûr la construction
Ces critères, classés en critères principaux et en critères physiopathologique (ou de l’exiger si elle est absente du
secondaires présentés sous forme d’une grille d’analyse, dossier), mais également de négliger l’examen du placenta,
m’ont permis de répondre objectivement aux questions des véritable « boîte noire » de la grossesse.
missions et en pratique, et le plus souvent (13 fois sur 14), Erreurs de bonne foi ou de mauvaise foi ? Dans les deux
de ne pas retenir la responsabilité d’une cause asphyxique cas, elles nous paraissent difficilement excusables.
pendant l’accouchement, ce qui correspond tout à fait aux On pourrait multiplier à l’envi les exemples d’expertises
estimations neuroépidémiologiques. scientifiquement non valides. Cette opinion me paraît
Une seule fois la grille d’analyse a permis de confirmer confortée par les donnés publiées par les assureurs et leur
la réalité d’une cause asphyxique fœtale et un retard à pessimisme affiché lorsqu’ils ont à gérer un dossier d’IMOC :
la prise en charge. Dans les 13 autres dossiers, il n’a pas pessimisme alimenté d’abord par le montant élevé des
été retenu de cause asphyxique perpartum dans un pre- indemnités allouées en cas de responsabilité retenue, mais
mier temps, puis il a été identifié une cause anténatale surtout pessimisme devant la quasi-certitude (huit à neuf
dans un second temps (un syndrome des anticorps anti- fois sur dix) d’une condamnation du praticien, alors que l’on
phospholipides, une malformation cérébrale, un déficit en devrait s’attendre à une proportion inversée.
pyruvate-déshydrogénase, une cytopathie mitochondriale, À la décharge de certaines expertises, ce n’est qu’assez
un déficit en facteur V Leyden ont été identifiés de façon récemment que l’on a pris conscience que les patholo-
certaine). Les sept cas restants, dont la cause n’a pas pu être gies fœtales anténatales, très majoritaires on l’a vu dans
identifiée, étaient dus à une pathologie chronique anténa- les causes d’IMOC, pouvaient s’accompagner de signes
tale authentifiée par des troubles de croissance fœtale, des classiques d’asphyxie perpartum et de forte dépression néo-
lésions placentaires et une imagerie cérébrale en faveur de natale, sans complication aigue lors de l’accouchement.
lésions développées pendant la grossesse, tous arguments Devant cette séquence clinique et avec l’approbation
négligés par les précédents experts. fréquente du pédiatre, l’accoucheur a écrit dans le dossier
L’un de ces dossiers a bénéficié d’une publicité média- « souffrance fœtale aiguë » au lieu d’anomalies du RCF, ce
tique (Le Monde, 14 mars 2006) du seul fait d’une couverture qui n’est pas du tout la même chose. Le « diagnostic » est
assurantielle très insuffisante du praticien, qui n’aurait pas repris par le pédiatre sur le carnet de santé de l’enfant et
permis de couvrir les indemnités estimées à 5 MD . C’est il va suivre définitivement l’évolution de l’enfant. . . avec
tout le mérite d’un syndicat professionnel (SYNGOF) d’avoir l’effet (un diagnostic plausible d’asphyxie ayant été fourni)
réuni les moyens nécessaires pour permettre le réexamen de ne pas rechercher objectivement la possibilité d’autres
de ce dossier avant la condamnation civile inéluctable. causes, actuellement reconnues pour leur plus grande fré-
L’IMOC n’était pas la conséquence d’une asphyxie perpartum quence. C’est exactement ce qui s’est passé dans nos 13

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dossiers. . . et très certainement dans de très nombreux La médecine factuelle (donc l’expertise factuelle) ne
dossiers d’IMOC, si l’on considère le taux élevé de condam- se limite pas cependant à l’application impersonnelle du
nations exposées dans les bilans des assureurs avec le motif niveau de savoir le plus élevé disponible.
de « souffrance fœtale aiguë » non diagnostiquée et/ou trop Elle intègre aussi les aspects du savoir-faire, la com-
tardivement traitée. pétence technique acquise au cours d’un apprentissage
toujours indispensable et le savoir être qui résume tous
les aspects concernant la communication, l’information et
Un petit lexique de médecine factuelle finalement l’aptitude à aboutir à une décision médicale par-
tagée avec son patient.
Ce nouveau concept [2] peut nous expliquer pourquoi on en Les niveaux de preuve c’est bien, mais les recomman-
est arrivé là : eh bien parce que les experts ont rarement dations validées, c’est encore mieux lorsqu’elles existent.
fait (sauf exception) leur révolution scientifique, à la diffé- C’est l’intégration des niveaux de preuve, retravaillés par
rence des médecins qui publient dans des revues indexées les sociétés savantes, permettant de proposer des recom-
(et qui peuvent être les mêmes experts mais avec la cas- mandations pour la pratique clinique (RPC) classées en trois
quette d’auteur), à comité de lecture indépendant où la grades selon leur force.
qualité scientifique de la publication est passée au crible de Ainsi donc, une bonne expertise précisera le niveau de
la médecine factuelle : la médiocrité scientifique n’a aucune preuve, voire le grade des RPC des solutions adoptées par le
chance d’être publiée dans de telles revues. défendeur et discutera les alternatives toujours en fonction
On est encore loin de cette exigence dans l’appréciation des mêmes critères, s’efforçant ainsi d’introduire le plus
de la qualité scientifique de l’expertise où le faux peut d’objectivité possible et de fournir une argumentation peu
avoir l’apparence du vrai et où la notoriété de l’expert tient contestable. Les autres aspects de la compétence technique
parfois lieu d’argument suffisant aux yeux des magistrats. et de la qualité de l’information sont très classiques et peu
Or la médecine factuelle, malgré des résistances sujets à contestation.
d’arrière-garde, doit devenir le langage de l’argumentaire Cette approche devient incontournable et les associa-
expertal, car les magistrats nous demandent de préciser les tions d’usagers sont de mieux en mieux informées et
« données acquises de la science » pour étayer cet argumen- sollicitent que la décision médicale partagée s’appuie sur
taire et non d’exposer notre intime conviction. une telle méthodologie : on peut penser qu’il en sera de
Dans l’expertise courante, on trouve en fait des même lors des procédures judiciaires.
données assez disparates avec des priorités fréquentes aux On pourrait ajouter que cette méthodologie expertale
opinions d’écoles. C’est toujours la tradition hippocratique garantit au mieux à l’expert sa stricte indépendance, quelle
qui domine avec la méthode de la reconnaissance des que soit l’autorité ou la partie qui l’a missionné.
formes, source de contestations sans fin. Cette méthode, Inversement, le non recours aux standards de la méde-
qui a eu son heure de gloire, est battue en brèche par cine factuelle peut être assimilé à une violation de la probité
la méthode probabiliste, tant il apparaît que la séquence professionnelle [3].
« probabilités—statistique—épidémiologie » est le chemine- Mais si les magistrats paraissent assez facilement
ment le plus direct et le plus sûr pour atteindre ou approcher convaincus par cette approche séduisante, nous restons
la vérité scientifique. C’est en définitive la véritable attente encore dans l’espoir qu’ils concrétisent leur conviction en
des magistrats, mais aussi des parties au litige et de la formulant cette exigence dans la rédaction de leurs missions
société civile et professionnelle. d’expertise.
La médecine factuelle (basée sur les faits prouvés et
non sur les croyances : Evidence-based Medicine versus Crise de la responsabilité médicale en
Faith-based Medicine) repose sur l’utilisation de méthodes
gynécologie obstétrique
préventives, diagnostiques ou thérapeutiques validées par
des études observationnelles (rétrospectives ou prospec-
tives) et expérimentales (ce sont les fameux essais La crise de la responsabilité médicale en gynécologie obs-
randomisés), en fonction de ce que les moyens et/ou tétrique est bien connue aux USA où les problèmes évoqués
l’éthique autorisent. La force de la preuve est classée ici ont donné lieu à de véritables cris de détresse des pro-
en quatre ou cinq niveaux allant de la preuve établie fessionnels : « Who will deliver our grandchildren? » [4].
avec certitude (NP1) à l’opinion provenant uniquement de Quelques propositions simples d’amélioration sont en
l’expérience clinique non testée par une étude ad hoc (NP5). cours de réalisation sous l’égide du CNGOF, car il est indis-
Leur interprétation doit rester nuancée, certaines études pensable que la profession se saisisse de ce problème, en
NP1 n’ayant pas la validité externe requise pour une applica- apportant sa caution scientifique.
bilité universelle, inversement certaines opinions de niveau
NP5 n’étant pas systématiquement à rejeter en l’absence Contrôle de la qualité expertale par les pairs
d’études de niveau supérieur.
L’application concrète de cette classification devient évi- Le contrôle de la qualité expertale par les pairs est indispen-
dente si l’on veut bien réexaminer les dossiers d’IMOC sable, car il n’est pas redondant avec celui du recrutement
évoqués plus haut : les expertises inadéquates reposent des experts judiciaires, mais permet à ceux-ci de faire état
sur des opinions non démontrées (NP5, exceptionnellement d’une reconnaissance de la profession pour des missions bien
NP4), alors que la teneur des contre-expertises fait réfé- spécifiques.
rence (documentation à l’appui) à des études NP2 quand ce Le premier séminaire d’actualisation sur des thèmes
n’est pas NP1. récurrents dans les procédures, destiné non seulement

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aux candidats—experts, mais aussi aux experts titulaires Cette structure traduirait la volonté de la profession,
(à partir de dossiers d’expertise anonymisés), vient d’être non pas de juger, mais de garantir à ses membres pour-
organisé par le CNGOF en décembre 2007 et sera reconduit suivis dans des procédures contestables à leurs yeux que
sous une forme à redéfinir, en fonction de son évalua- l’argumentation expertale est ou non conforme aux plus
tion. L’encadrement méthodologique et la validation des hauts niveaux de preuves existantes et de pouvoir le
acquis de ces séminaires pourraient être à l’avenir confiés faire savoir aux juridictions sous forme de dires expri-
à la Haute autorité de santé (HAS), puisqu’elle gère déjà més spontanément, voire sollicités par les avocats et les
l’évaluation des pratiques et l’accréditation. magistrats ;
Cette formation devrait aboutir à l’élaboration d’une • la création d’une structure juridique spécialisée a été
liste spécifique d’experts spécialisés dans un domaine médi- favorablement reçue lors d’un récent colloque juridique à
cal bien ciblé, souhaitée par les avocats et les magistrats. Lille. Il a été récemment proposé, toujours à partir du dos-
On peut sûrement attendre d’une telle mise (ou remise) sier très sensible des IMOC, qu’il soit sollicité auprès des
à niveau, une amélioration méthodologique sensible dans autorités judiciaires la création d’une structure dédiée
l’argumentation expertale, en introduisant une quantifi- aux problèmes obstétricaux avec des juges ayant bénéfi-
cation objective de celle-ci, en accord avec les données cié d’une formation spécifique.
de la médecine factuelle qui maintenant, s’imposant à
tout praticien, n’a aucune raison de ne pas s’imposer aux Conclusion
experts.
Les propositions de l’ACOG sont au nombre de trois : Il nous paraît que l’évaluation des pratiques expertales pour-
rait et devrait être prise en compte grâce à des moyens assez
• lors de chaque procédure, l’expert doit fournir aux peu contraignants tant sur le plan organisationnel que sur le
avocats une attestation de respect du code d’éthique plan économique.
professionnelle « et de sa compétence » dans le domaine Pour les professionnels de la justice et du droit, comme
médical concerné par la mission, faute de quoi les avocats pour les médecins et la société dans son ensemble, il existe
peuvent contester la qualité professionnelle de l’expert un besoin indiscutable d’améliorer ce secteur de l’activité
pour la mission sollicitée. médicale situé à l’interface de la science et du droit si l’on
En France, si l’expert sollicité pour une mission est veut restaurer la confiance des justiciables et des juges dans
censé ne pas l’accepter si elle sort du domaine de sa com- leurs experts judiciaires.
pétence, les faits nous prouvent que cette clause est loin
d’être respectée. Un engagement écrit attestant de sa Références
compétence pour l’affaire confiée amènerait probable-
ment à une prise de conscience bénéfique dans un certain [1] Blair E, Stanley FJ. Intrapartum asphyxia: a rare cause of cere-
nombre de situations et à tout le moins à la demande de bral palsy. J Pediatr 1988;112:515—9.
l’assistance d’un sapiteur ; [2] Racinet C. La médecine fondée sur les preuves : un nouveau
• il existe un Comité de recours (Grievance Commitee) concept. Gynecol Obstet Fertil 2005;33:191—2.
auquel les membres de l’ACOG peuvent s’adresser en cas [3] Chervenak FA, McCullough LB. Responding professionally to
d’expertise jugée insuffisante et dommageable pour le the liability crisis in obstetrics and gynecology. Clin Perinatol
défendeur. La commission, après audition de l’expert, 2007;34:503—8.
[4] MacLennan A, Nelson KB, Hankins G, Speer M. Who will deliver
peut éventuellement débouter le demandeur d’avis ou
our grandchildren ? JAMA 2005;294:1688—90.
sanctionner l’expert si la qualité de l’expertise est très
insuffisante et/ou non conforme aux principes de la
C. Racinet
charte d’éthique (pouvant aller jusqu’à l’exclusion du
Professeur honoraire de gynécologie-obstétrique
Collège).
Expert honoraire près de la Cour d’Appel de Grenoble
Ce Comité pourrait en France prendre l’appellation de
RHEOP de l’Isère et des Deux-Savoie,
« Commission médicale de l’expertise » et comprendrait,
23, avenue Albert-1er -de-Belgique,
par exemple, des membres du CNGOF et du SYNGOF,
38100 Grenoble, France
avec l’avis consultatif d’un magistrat et devrait intégrer
des représentants des autres disciplines impliquées dans Adresse e-mail : claude.racinet@orange.fr
le domaine périnatal (néonatologue, anesthésiste, sage-
femme, neuropédiatre, pathologiste). Disponible sur Internet le 22 avril 2008

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