traduction et dans la traduction" lhébrarque, accent qui porte (32). Cette idée centrale du dernier implicitement sur I'occultation de livre de Meschonnic, Poétique du I'origine hébraique de la culture traduire, met des le début son livre occidentale. L'effacement de sous une double appartenance I'origine "toute de traduction" de idéologique: idéologie de l' identité l'Europe n'est done pas culturelle européenne et idéologie négligeable, vu le fait qu'elle de I'acte de traduire. D'un bout a s'inscrit dan s une histoire l' a rtre de son livre il ne cessera de "théologico-politique" ressentie nous ramener ace point de départ jusque récemrnent, et, on le devine pour nous rappeler que derriére la déjá, paree qu'elle préfigure une pratique de I'acte de traduire se politique de la traduction oú cache toujours non seulement une l' altérité du texte d' origine est idéologie propre au traducteur, altérée au profit de la langue mais aussi un sujet historique dont d'arrivée. l' identité culturelle sera forcément Pour se convaincre de présente dans la traduction. I'origine pluriculturelle de l'Europe, L'idéologie ou la théorie du il n'y a qu'á considérer ce seul traducteur Meschonnic s'impose, exemple: avant qu'on traduise elle aussi, du coup: il est clair que Aristote en latin au Moyen Age, iI pour Meschonnic le traducteur ne est d'abord traduit en syrien et en doit pas s'effacer devant I'oeuvre arabe. Le parcours d' Aristote est qu'il traduit, comme certains done: du grec en syrien, du syrien traductologues l' affirment. en arabe, ensuite en latin, et Voilá ce que Meschonnic finalement dans les langues dit juste aprés la citation nationales européennes. L'Europe précédente: "Et elle [1'Europe] ne "invente" le rapport a l'autre, dit s ' est constituée que de Meschonnic: toutes les autres l' effacement de cette origine toute grandes cultures (de l'Inde, de la de traduction" (32). Le contexte Chine, du Japon, de l'Islam) sont immédiat de cette affirmation porte des cultures "en continuité de sur l' effacement des textes langue avec leurs textes fondateurs de la culture fondateurs" (35). Seule l'Europe européenne, le grec pour la connait ses textes fondateurs en philosophie, et l'hébraique pour la traductions.
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Daniela Hurezanu
Voilá pourquoi I'histoire du Maistre de Sacy.
de la traduction s'impose ---ou La convocation de ces devrait s' imposer- cornme partie monuments culturels est une intégrante de toute théorie de la bonne occasion pour se demander traduction. Cette histoire est en quoi réside une bonne résumée de la sorte par traduction, et la réponse de Meschonnic: une vis ion de la Meschonnic est sans aucune traduction mot pour mot au Moyen ambiguíté: une bonne traduction Age, qui est la conséquence directe est une traduction qui dure. du fait que ce qu' on traduit sont L'exemple qu'il nous donne a généralement des textes sacrés, plusieurs reprises est la traduction done des textes oú parle la voix de des Milles e/ une nuits d' Antoine Dieu-voix qu'on ne se permet pas Galland au début du XVIIl~ siécle, de "changer,"- d'ou cette vis ion traduction qui a précédé pour des de la fidélité cornme équivalent raisons politiques, I'original lui- exacte de chaque unité mérne. C'est a partir du texte de linguistique, ce st-á-dire de Galland que ce recueil de contes chaque mot; une vis ion opposée a arabes a été fait connu partout en celle du Moyen Age au XVII~ et au Europe, car presque toutes les XVIII~ siécles: la "belle infidéle" ou autres traductions ont été faites de la traduction libre qui "embeUit" les la traduction de Galland. Une textes anciens considérés parfois bonne traduction est done un texte trop répétitifs; un retour a la fidélité qui, tout en vieillissant, continue a ou a la traduction littérale pendant étre lu, c'est un texte qui, loin d'étre le romantisme; et, finalement, au une copie plus ou moins fidéle XX~ siécle, une pratique de la d'un original supérieur, rassemble traduction qui essaie d'envisager en lui-rnéme les caractéristiques le texte entier comme unité de littéraires d'une oeuvre en soi et traduction, et non pas le mot ou la pour soi. Le sujet qui se trouve phrase. derriére la traduction est done aussi Dans cette histoire important que le sujet qui écrit européenne de la traduction les l'original: sujet historique, social, mornents-repéres sont ceux de la culturel, aussi présent dans le texte traduction de la Bible dans les traduit que l'écrivain I'est dans le langues nationales modernes: la texte original. Car, dit Meschonnic, King James Version (1611) "la traduction réussie est une accomplie a partir de la traduction écriture" (85). de William Tyndale (I525), les Ce que Meschonnic traductions de Luther en allemand refuse c' est la "science" de la (Le Nouveau Tes/amen/ en 1522, traductologie, cest-á-dire une L 'Ancien Tes/amen/ en 1534), et en "science" de la langue et du signe France, Le Nouveau Testament linguistique, refus présent des le (I 667) et la Bible complete (1695) titre du livre, Poétique du traduire.
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Poétique du traduire
Poétique donc et non pas langue de départ, soit vers la langue
traductologie paree que la d'arrivée. Contre cette pensée, poétique inclut la littérature, qui est Meschonnic propose une pensée exclue des théories linguistiques du continu qui, dit-il, apparait chez contemporaines (et la traducto- Humboldt, pensée qui unit les logie opere avec les mémes notions savoirs du temps. Voilá pourquoi, que la linguistique). En incluant la Meschonic préfére parler du traduction dans la théorie de la traduire, et non de traduction ni de littérature, la poétique permet de traductologie: le traduire cornme situer la traduction dans une verbe substantivé qui unit la théorie d'ensemble du sujet et du pratique a la théorie. social. La poétique devient ainsi La linguistique (ou la "une poétique du sujet, une traducto-logie) part de la prémisse poétique de la société," aussi bien que ce qu'on traduit sont des mots qu'une critique de la "théorie du ou des unités de sens, c'est-á-dire signe, et de son paradigme de la langue; or, dans la littérature, dualiste" (62; 63). En refusant les "il y a d'abord le prirnat empirique concepts linguistiques, Mescho- du discours sur la langue. Ce prirnat nnic refuse de penser le discours passe par celui de la rythmique, de avec les concepts de la langue, et la prosodie," de sorte que propose un nouveau prograrnme l'essentiel n'est plus le référent (ce théorique: "le programme du dont on parle), comme dans le rythme comme organisation de discours scientifique (83). La l'historicité du texte" (64). littérature opere une transformation Le geste polémique de dans le schéma du signe, car elle Meschonnic n'est donc pas integre le sujet dans le discours, gratuit, mais dirigé tres précisément "elle fait du langage un signifiant contre des présupposés généralisé" (84). Elle est done linguistiques et culturels qui nous essentiellement forme, image, confinent a une "traductologie c'est-á-dire écriture au sens fort régionale." On ne peut pas du mot. "La premiére et derniére accepter l' existence de deux trahison que la traduction peut poétiques, une poétique pour la cornmettre envers la littérature est littérature et la poésie, et une autre de lui enlever ce qui fait qu' elle est pour la théorie de la littérature-son écriture-par cornmunication. La théorie de la I'acte mérne qui la transmet" (87). cornmunication doit sortir de son Si on traduit un po eme, le texte final régionalisme, et cela n'est possible doit étre un poéme aussi, et non q u' en rej etant la pensée du pas un message qui nous donne le discontinu, c'est-á-dire la pensée sens du texte original. basée sur la binarité du signe, et Les exemples pris par qui a pour équivalent une vision Meschonnic le plus souvent sont de la traduction dirigée soit vers la des exemples de la Bible, texte
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Daniela Hurezanu
exemplaire sous plusieurs aspects: logues de la spécificité de la
cornrne texte fondateur de la culture littérature; 2. L'emploi du concept européenne et comme texte qui de "langue," tel que celui-ci est présente une organisation du défini par la linguistique. Selon discours par le rythme, comme Meschonnic, la langue est "le texte qui ne peut étre rangé ni du systeme du langage qui identifie le coté de la prose ni du coté de la mélange inextricable entre une poésie, et qui, par son oralité, culture, une littérature, un peuple, "neutralise l' opposition entre l' écrit une nation, des individus, et ce et le parlé" (100). Par sa résistance qu'ils font" (12). Il n'y a done de a la division entre vers et prose, "langue" que lorsqu'elle est parlée entre oralité et écrit, la Bible par quelqu 'un (voir Humboldt qui montre, selon Meschonnic, que définit le discours cornrne "I'activité "l'oralité, c'est la littérature," ou [...] d'un hornrne en train de parler") plutót, que la littérature c'est "la (12). Si parler de la langue implique réalisation maximale de I'oralité" du coup, parler du discours de (118; 117). A partir de I'étymologie quelqu' un (idée présente chez trouvée par Émile Benve-niste du Benveniste aussi), on peut mot "rythme" (ordre ou mise en comprendre pourquoi Mechonnic or dre), Meschonnic prend le refuse de séparer le discours du rythme comme "1'organisation et la sujet de l'énonciation, et la langue démarche mérne du sens dans le de la littérature. Derriére ce geste discours" (99). Les traductions se cache non seulement une autre faites de la Bible lui semblent "théorie," mais la seule maniere de hautement significatives dans ce vraiment comprendre et la langue contexte, paree qu' elles et la littérature (la "pensée témoignent de la maniere dont les poétique"), dans, et par le traducteurs se rapportent al' autre: truchement d'une seule poétique. en I'occurrence, "l'allure sémiti- "La pensée poétique est la maniere que orale" de laBible a été ramenée, particuliére dont un sujet dans la quasi-totalié des transforme, en s'y inventant, les traductions, a "1 'allure indo- modes de signifier, de sentir, de européenne écrite" (88). penser, de comprendre, de lire, de En résumé, nous voir-de vivre dans le langage" (30). pouvons dire que la polémique de Meschonnic avec les traductologues implique deux arguments majeurs: l. La Daniela Hurezanu méconnaissance desdits traducto- Arizona State University