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Entre Langue Generale Et Langue de Speci PDF
Entre Langue Generale Et Langue de Speci PDF
QUESTION DE COLLOCATIONS
2004/3 - no 135
pages 347 à 359
ISSN 0071-190X
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INTRODUCTION
Une collocation est, d’un point de vue strictement linguistique, une asso-
ciation entre morphèmes lexicaux présentant, entre eux, un phénomène
d’attraction motivé par un ensemble d’affinités combinatoires. Cette défini-
tion s’applique généralement aux collocations qui enrichissent abondam-
ment les articles lexicographiques des dictionnaires de langue générale.
Notre étude s’inscrit, ici, dans le cadre de recherches menées en
Terminologie et Terminologie Computationelle, à partir des Linguistiques
de Corpus et spécifiquement dans une perspective d’apprentissage de la
langue de spécialité en langue maternelle et en langue étrangère.
Le premier point permettra d’emblée d’établir certaines distinctions fon-
damentales entre les concepts de locution, expression et collocation. Le
second point présente une distinction importante entre unité terminologique
multilexémique et collocation terminologique et propose une définition pour
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ce néonyme. Les deux derniers points abordent l’utilité des collocations ter-
minologiques dans les dictionnaires de spécialité et présentent quelques
réflexions sur le rôle des collocations dans l’apprentissage d’une langue de
spécialité en langue maternelle et en langue étrangère.
Les linguistes s’accordent sur le fait qu’il existe en langue des combinai-
sons non libres. Là où règne le manque de consensus c’est lorsqu’il s’agit
de désigner et de définir ces réalités linguistiques. Du flou de cet apparent
manque de clarté conceptuelle s’ensuit pour les lexicographes la délicate
tâche de classer ces objets dans les microstructures des dictionnaires de
langue générale, offrant ainsi, selon les présupposés théoriques adoptés, une
panoplie de possibilités classificatoires de dictionnaire en dictionnaire.
Entre locution, expression et collocation au niveau de la langue générale,
subsistent des frontières parfois peu nettes, selon que l’on se trouve du côté
du lexicologue ou du lexicographe. D’un côté, le théoricien du lexique et de
ses structures, de l’autre le théoricien-praticien dont la vision pragmatique
l’oblige non seulement à adopter un type de pensée logique, afin de systé-
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locationnels dans les habitudes langagières. Il définit syntagme non libre,
qu’il considère synonyme de phrasème et de locution, à l’inverse d’autres
auteurs, comme : « Un syntagme de L est non libre ou un phrasème si, et
seulement si, il ne peut pas être construit, à partir d’un contenu information-
nel donné, de façon régulière et non contrainte. En d’autres termes, un
syntagme non libre (= un phrasème) est un syntagme non compositionnel »
(2003 : 21). Nous reviendrons par la suite sur les questions sémantiques
liées aux combinaisons non libres.
Examinons alors de plus près quelques définitions. Retenons d’abord le trio
phraséologie, expression et locution d’après Rey. Nous vérifierons dans la
préface de son Dictionnaire des Expressions et Locutions sa préoccupation de
rendre claire la définition des concepts qu’il utilise. L’auteur place le concept
de phraséologie en tant que : « système de particularités expressives liées aux
conditions sociales dans lesquelles la langue est utilisée, c’est-à-dire à des
usages » (1993 : VI), en situation d’hyperonyme face aux concepts d’expres-
sion et de locution qu’il ne considère d’ailleurs pas synonymes, contrairement
à d’autres linguistes. La distinction que présente Rey à propos de ces deux
réalités linguistiques est, à notre avis, très pertinente et utile aussi bien aux
linguistes en général, qu’aux lexicologues et aux lexicographes, en particulier.
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1. Avocat du diable (loc. nom.) ; comme le diable (loc. adv.) ; envoyer au diable (loc. verb.) ;
pauvre diable (loc. adj).
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groupes le caractère d’expression figée et qui correspondent à des mots
uniques » (1994 : 289).
Quant aux expressions, leurs combinaisons linguistiques sont normale-
ment fixes, elles font partie de la langue depuis toujours, leurs sens ne sont
pas compositionnels et, comme pour les locutions, leurs portées culturelles
enrichissent la nomenclature des dictionnaires de langue générale (ex.
comer o pão que o Diabo amassou) 2. Il apparaît autour de la définition
d’expression un certain consensus, exception faite des désignations adop-
tées qui varient entre expression idiomatique « chacun des éléments linguis-
tiques qui la compose perd son sens individuel à la faveur d’un sens unique
pour l’expression, qui est souvent, mais pas toujours, figuré […] » (Roberts,
1996 : 182), idiotisme et combinaison figée.
Le concept de collocation est non moins problématique. Une collocation
n’est pas une combinaison libre d’éléments mais, selon certains auteurs,
comme Roberts, elle n’est pas non plus une combinaison totalement fixe au
même titre que les expressions. « Les combinaisons libres présentent l’usage
typique d’un mot dans une phrase et servent de modèles selon lesquels l’usa-
ger peut faire d’autres phrases, tandis que les collocations présentent l’asso-
ciation conventionnelle d’un mot avec un autre, une association que l’usager
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limité par celui de l’autre : « Les collocations sont généralement définies
comme des groupements semi-compositionnels. Le sens d’un des éléments,
la base ou le mot clé, demeure inchangé ; en revanche, le collocatif acquiert
un nouveau sens au sein du groupement. Les collocations trouvent ainsi leur
place entre les expressions figées (qui sont non compositionnelles) et les
combinaisons libres (qui sont tout à fait compositionnelles) » (L’Homme,
1998 : 516). L’élément à sens compositionnel, la base, sélectionne donc
l’élément dont le sens n’est pas compositionnel, le collocatif. Utilisant la
terminologie de Hausmann, il s’agit de combinaisons polaires ; pour
Mel’čuk le premier lexème est appelé mot clé et le second élément de la
valeur de la fonction lexicale. Du point de vue lexicographique ce type
d’analyse ira déterminer sous quelle entrée apparaîtra la collocation.
4. Voir étude sur les expressions nominales complexes pour la Terminologie de l’Économie
monétaire en langue portugaise in Costa (1993) – Terminologia da Economia Monetária.
Relações conceptuais e semânticas numa sistemática terminológica e lexicográfica, Tese de
Mestrado, Universidade Nova de Lisboa.
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d’unité terminologique multilexémique et de collocation terminologique.
Selon Costa, les unités terminologiques multilexémiques sont : « […] todas
as unidades terminológicas nominais que são constituídas por, no mínimo,
dois lexemas ou unidades monolexémicas separados por um espaço em
branco, resultando as suas combinatórias morfolexémicas e sintácticas
numa denominação » 5 (2001 : 147), c’est-à-dire des unités linguistiques
complexes, composées au minimum par deux lexèmes et dont la combinai-
son morphosyntaxique totale a pour fonction de dénommer un concept. De
son côté, la collocation, de part la diversité de définitions qu’elle présente
en fonction des orientations théoriques adoptées, semble un concept bien
plus difficile à cerner. L’Homme (1998 : 514) distingue collocations de
combinaisons lexicales spécialisées CLS, définissant les premières de
« groupements de nature générale » et les secondes comme « groupements
spécialisés ». Dans notre ligne de réflexion, nous proposons, au lieu de
CLS, l’utilisation du néonyme collocation terminologique, moins porteur
d’ambiguïté. Observons de suite ses éléments définitoires.
Les collocations terminologiques 6 peuvent, du point de vue morphosyn-
taxique, présenter deux cas de figure :
a) soit elles sont constituées par deux lexèmes, l’un possédant le statut de
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5. « […] toutes les unités terminologiques nominales qui sont constituées par au moins deux
lexèmes ou unités monolexémiques séparés par un espace en blanc, dont les combinatoires mor-
pholexémiques et syntaxiques résultent dans une dénomination. »
6. Voir étude sur les collocations verbales dans Costa, Rute ; Silva Raquel (2004) – « The Verb
in the Terminological Collocations Contribution to the Development of a Morphological Analyser
MorphoComp », IV International Conference on Language Resources and Evaluation – LREC
2004, Centro Cultural de Belém, ELRA, Centro de Linguística da Universidade Nova de Lisboa
CLUNL (L.I.2).
7. Optimiser la dose.
8. Diagnostiquer des masses pancréatiques.
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grafia digital) ou V + N (medir a febre) 9
qui, dans un premier temps, pou-
vaient être considérées comme des collocations terminologiques assument
aujourd’hui, au sein de la langue médicale, le statut d’unités terminolo-
giques complètement stabilisées, qui font l’objet d’entrées dans les diction-
naires spécialisés.
En réalité, la problématique sous-jacente à la distinction de ces désigna-
tions réside dans la difficulté à identifier clairement les unités linguistiques
auxquelles chacune renvoie. En effet, les frontières qui distinguent les syn-
tagmes sur lesquelles s’exerce un fort degré de cohésion, de ceux sur les-
quels le degré de cohésion est moindre et les syntagmes libres ne sont abso-
lument pas simples à définir. Les différences que l’on peut relever entre
unités terminologiques et collocations terminologiques sont, au premier
abord, d’ordre conceptuel. Les premières ont sans équivoque une fonction
dénominative, alors que les secondes réunissent syntagmatiquement un
ensemble de constituants, dont l’un ou un groupe exerce un pouvoir d’at-
traction morphosyntaxique et/ou sémantique sur l’ensemble des autres
constituants qui composent la collocation. L’Homme l’explique en d’autres
termes : « les lexèmes […] sont attirés l’un vers l’autre en fonction d’un
consensus établi au sein d’un groupe linguistique et non en raison des
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(ex. imagem cardíaca) 10, dans ce cas, le sens global correspond au cumul
des sens des composants.
Au niveau morphosyntaxique : la collocation se construit syntaxique-
ment autour d’un mot clé appelé base et de mots satellites appelés colloca-
tifs ; la collocation terminologique contient forcément un terme (en général
un nom) et un cooccurrent, mais ce cooccurrent peut aussi être un terme
(verbe, adjectif, adverbe, nom). Quant elle se compose d’un seul terme
celui-ci assume le statut de concept clé de la collocation terminologique. En
présence de deux termes cette polarité se disperse.
Au niveau lexicographique et terminographique : la collocation sera
classée en principe sous l’entrée correspondante à la base, à peu près dans
cet ordre : nom, verbe, adjectif, adverbe ; la collocation terminologique
pourra se trouver à plusieurs endroits, soit sous le seul terme qu’elle
contient, soit sous les deux, quant elle en contient deux. Mais elle peut aussi
constituer une entrée à elle seule, puisqu’elle forme un bloc syntagmatique
qui, dans une perspective d’apprentissage, devra être appris comme un tout.
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Regardant du côté de la Terminologie et face aux caractéristiques des
langues de spécialité, la démarche semble identique. De l’importance des
collocations terminologiques au sein des discours technico-scientifiques nul
ne doute ; l’abondance des matières scientifiques dernièrement parues sur la
phraséologie ou les combinatoires lexicales spécialisées, en Terminologie,
démontrent l’intérêt des terminologues pour d’autres réalités que le terme.
Reste à les convaincre aussi de l’intérêt d’introduire ces syntagmes termino-
logiques dans les dictionnaires, les bases de données terminologiques ou
autres supports télématiques. Nous connaissions, jusqu’à présent, l’impor-
tance et l’utilité des répertoires terminologiques, quelles que soient leurs
formes : dictionnaires, thésaurus ou bases de données où les unités termino-
logiques sont définies et les systèmes conceptuels structurés de manière à
servir un large public de professionnels tels que les terminologues, les
traducteurs, les rédacteurs techniques, les documentalistes, ainsi que les
spécialistes des domaines terminologiquement explorés. Il semble donc
important d’attirer l’attention de tous ces publics, mais en particulier celle
des spécialistes soucieux de s’exprimer sur leurs domaines de spécialité, sur
l’importance de maîtriser aussi d’autres structures comme les collocations
terminologiques, outre les unités terminologiques.
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composent, comme les collocations terminologiques. À la différence de ce
qui se passe pour les collocations de la langue générale, produites de manière
inconsciente en ayant recours à la mémoire des natifs, les collocations termi-
nologiques ne sont pas immédiatement disponibles dans leur mémoire, le pro-
cessus d’apprentissage se fait consciemment. Il semble alors clair que les tra-
ducteurs, rédacteurs techniques et autres spécialistes utilisateurs des
terminologies, dans leurs champs professionnels, ne peuvent exercer leurs
activités avec rigueur sans la maîtrise des structures de la langue de spécialité.
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dictionnaire de langue médicale pourra être utile à différents publics, aussi
bien à des étudiants de Médecine qu’à des spécialistes, à des terminologues
ou encore à des traducteurs.
Partant alors de l’idée que les Lsp peuvent comporter des mécanismes lin-
guistiques qui leurs sont propres, elles doivent être apprises au même titre
que l’on apprend les mécanismes de la langue générale, mais peut-être en
adoptant une démarche proche des méthodes utilisées pour l’apprentissage
des langues étrangères. En effet, les processus d’acquisition d’une Lsp sont
variables en fonction de la situation d’apprentissage et du profil linguistique
de l’apprenant. Lorsqu’il s’agit d’apprendre une Lsp dans sa langue mater-
nelle, l’apprenant se retrouve, a priori, à son avantage puisqu’il maîtrise le
code dans lequel se fera le transfert des savoirs scientifiques et/ou techniques
et ceci parce qu’il a tout au long de sa vie développé, dans sa langue mater-
nelle, toutes ses compétences langagières, mais aussi, tous les automatismes
et toutes les intuitions de la langue qui est la sienne. Cet avantage certain
n’enlève rien au fait que parfois, dans l’apprentissage d’une Lsp telle que la
langue médicale, l’apprenant se retrouve face à des contraintes similaires à
celles d’un apprenant de langue étrangère. Il ne consolidera ses connais-
sances terminologiques qu’à mesure qu’il progressera dans sa spécialisation.
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ment complètes sur toutes les structures de la langue de spécialité. Cela nous
permet à nouveaux d’insister sur le rôle des collocations terminologiques
dans la conception de ces outils pour l’apprentissage des Lsp. À la différence
des dictionnaires de langue générale qui sont, soit pour des apprenants natifs
soit pour des non-natifs, un dictionnaire de langue médicale 15 peut, par
exemple, s’adapter aussi bien à l’un qu’à l’autre, bien que les deux aient des
parcours d’apprentissage différents, comme nous l’avons vu, puisque le pre-
mier le fait depuis sa langue maternelle et le second dans une langue étran-
gère. On peut aider l’apprenant non-natif en introduisant dans le dictionnaire
les équivalents terminologiques dans sa langue maternelle, ce qui lui permet-
tra de faire un détour d’apprentissage, au lieu d’entrer en Lsp par la langue
étrangère, il peut y accéder par sa langue maternelle, à travers les équivalents
puis, dans un second temps, refaire la trajectoire vers la langue de spécialité
en langue étrangère ou encore, à partir de là, développer de nouvelles straté-
gies d’apprentissage pour pénétrer dans les réseaux notionnels que lui offre
le dictionnaire. Pour le natif, les équivalents ont une valeur encyclopédique,
mais aussi didactique puisque cela lui permettra, par exemple, de pouvoir
lire des textes médicaux en langue étrangère.
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NOTES CONCLUSIVES
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES