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Alimentation en Grèce antique (Titre de chapitre)

Repas (titre de paragraphe)


Le régime alimentaire des Grecs antiques se
caractérise par sa frugalité, reflet de conditions
difficiles pour l'agriculture grecque. Il se fonde sur la
« triade méditerranéenne » : blé, huile d'olive et vin.
Les céréales constituent la base de l'alimentation
grecque. Il s'agit principalement de blé dur, d'épeautre
et d’orge. Le blé est réduit en gruau et employé en
bouillie ou moulu en farine pour fabriquer du pain ou
des galettes. L'orge sert le plus souvent à fabriquer la
maza, le plat de base grec. Les paysans ne cuisent au
four que les pâtes de froment ; les pâtes de froment servent à la confection de galettes de
consommation courante, galettes mises dans des moules et séchées. Les céréales sont
souvent servies avec des légumes (choux, épinard, oignons, laitue, radis, lentilles, fèves
ou encore pois chiches). La consommation de poisson et de viande varie suivant la
fortune de la maisonnée, elle est réservée aux riches. En revanche, les Grecs
consomment beaucoup de produits laitiers, et surtout du fromage. L’expression « ne
manger que de l'orge » est ainsi l’équivalent du français « être au pain sec et à l’eau ». Le
beurre est connu, mais on lui préfère l'huile d'olive. La nourriture s'accompagne de vin
(rouge, blanc ou rosé) étendu d'eau et parfois aromatisé.
L’alimentation des Grecs est connue par des sources à la fois littéraires et artistiques : les
comédies d'Aristophane et les extraits d'œuvres préservées par le grammairien Athénée
d'une part, les vases peints et les figurines en terre cuite d'autre part.
En famille (titre de paragraphe)
Les Grecs font trois repas par jour :
• Le premier, froid, est composé de pain d'orge trempé dans du vin pur,
éventuellement agrémenté de figues entre autres fruits ; fromage et olives.
• Le second, sommaire, est pris vers midi ou au début de l'après-midi.
• Le troisième, le plus important de la journée, a généralement lieu à la nuit tombée.
Il peut s'y ajouter un goûter en début de soirée ; littéralement un déjeuner dînatoire, peut
être servi tard dans l'après-midi à la place du dîner.
Les femmes sont rares lors des repas et des banquets, et elles s'y tenaient dans la plus
grande réserve, et le silence. Il était d'usage qu'elles sortent lorsque les convives, ayant
cessé de manger, se livrent à la conversation libre. Il semble que, dans la plupart des cas,
les femmes prennent leurs repas à part. Si la taille de la maison ne le permet pas, les
hommes mangent les premiers, les femmes passant à table une fois que ces derniers ont
terminé leur repas. Les esclaves assurent le service. Dans les familles les plus pauvres,
ce sont les femmes et les enfants, s'il faut en croire Aristote, qui pallient le manque
d'esclaves.
L'usage de déposer dans des tombes de petits modèles en terre cuite représentant des
pièces du mobilier nous permet aujourd'hui d'avoir une bonne idée des meubles grecs.
Les Grecs mangent assis, l'usage de banquettes étant réservé aux banquets ou aux
aristocrates. Les tables, hautes pour les repas ordinaires et basses pour les banquets,
sont d'abord de forme rectangulaire. Au IVe siècle av. J.-C., la table habituelle prend une
forme ronde, souvent à pieds zoomorphes (par exemple en forme de pattes de lion).
Les galettes de pain peuvent servir d'assiette, mais les écuelles en terre cuite ou en métal
sont plus courantes. La vaisselle se raffine au fil du temps et l'on trouve des assiettes en
matériaux précieux ou en verre pendant l'époque romaine. Les couverts sont peu utilisés à
table : l'usage de la fourchette étant inconnu, on mange avec les doigts. On s'aide d'un
couteau pour la viande et d'une cuillère semblable aux cuillères occidentales
contemporaines pour manger soupes et bouillies. Des morceaux de pain (ἀπομαγδαλία /
apomagdalía) peuvent être utilisés pour se saisir de la nourriture ou, en guise de
serviettes, pour s'essuyer les doigts.
En société (titre de paragraphe)
L'histoire des banquets publics (repas et symposion) montre de grandes différences entre,
par exemple, le banquet aristocratique archaïque (du VIIIe au VIe siècle) et le banquet
public organisé par la cité ou les évergètes dans les cités hellénistiques. Dans tous les
cas, cependant, comme le dit J.-P. Vernant « il y a des formes et des degrés divers de
sacré, plutôt qu'une polarité sacré-profane » et le religieux est présent autant dans le
repas que dans le symposion. Enfin, le fait de manger et boire ensemble fonde la
communauté civique.
Le lieu le plus fréquent est le sanctuaire du dieu en l'honneur duquel se font les sacrifices,
dans le hieron ou le temenos. La plupart des sanctuaires attiques, recevaient des
banquets publics. Le lieu du symposion était aussi, souvent, situé au cœur de la cité : à
Thasos sur un côté de l'agora archaïque, à Athènes le prytanée ne sert, au début du
Ve siècle, qu'au banquet des prytanes, et la stoa sud comportait des salles de banquet
pour 500 lits de table. Sur l'Acropole, la Pinacothèque pouvait être aménagée pour
recevoir 17 lits (entre 440 et 430), tout ceci pour les « officiels ». Dans le quartier du
Céramique, le Pompeion, de la fin du Ve siècle, et ses abords pouvaient recevoir les
masses lors des banquets publics. Cependant d'autres espaces pouvaient convenir en
certaines occasions. « Ainsi un bienfaiteur à Metropolis a fait lors des jours bachiques une
hestiasis pour le dèmos « dans la montagne », ce qui n'est guère surprenant dans une
fête en l'honneur de Dionysos. »
Le συμπόσιον / sympósion — traditionnellement traduit par « banquet », plus littéralement
« réunion de buveurs » — est l’un des « loisirs » préférés des Grecs. Il comprend deux
parties : la première est consacrée à la nourriture, généralement assez simple, et la
seconde à la boisson. En réalité, on consomme également du vin avec le repas, et les
boissons sont accompagnées des τραγήματα / tragếmata ou friandises à grignoter :
châtaignes, fèves, grains de blé grillés ou encore gâteaux au miel, chargés d'absorber
l'alcool et de prolonger la beuverie. Certains banquets font d'ailleurs partie de rituels qui en
manifestent la dimension « sacrée ».
La seconde partie est inaugurée par une ou plusieurs libations, un péan ou une simple
prière, généralement en l’honneur de Dionysos. Puis l’on discute ou l’on joue à divers jeux
de table, comme le cottabe — en effet, les convives sont allongés sur des banquettes.
Des danseuses, des acrobates et des musiciens de location peuvent agrémenter la soirée.
Le philosophe péripatéticien Théophraste montre dans ses Caractères le propriétaire d’un
esclave qui a loué des filles, musiciennes et danseuses qui peuvent assurer tous les
plaisirs des convives.
Un « roi du banquet », tiré au sort, est chargé d'indiquer aux esclaves la proportion à
observer entre le vin et l'eau dans la préparation de la boisson. Le chant ou la prière sont
assez libres de composition ; la libation est composée d'une partie offerte à Zeus et aux
dieux olympiens, une deuxième offerte au bon démon, et la troisième à Hermès. Une
coupe est remplie, qui passe de main en main chez les participants qui formulent une
prière. Les libations obéissent à certaines règles : le nombre de libations par personne
n'est pas limité, mais l'invocation ne va pas sans la libation. Après le repas et avant la
beuverie, on couvre la tête des participants de bandelettes ou des couronnes de rubans.
Théophraste montre dans ses Caractères un avare qui fait une petite libation, et de
surcroît compte le nombre de coupes vidées, puis se plaint du prix des bandelettes et
autres rubans (les objets rituels nécessaires s'échangeaient).
Strictement réservé aux hommes — à l'exception des danseuses et des courtisanes, les
femmes se devaient de rester entre elles dans Le Banquet de Platon, Aristodème prie la
joueuse d'aulos de rejoindre les femmes de la maison dans la pièce qui leur est réservée ;
celle qui se mêle aux hommes est vue comme une esclave, comme tout sauf de condition
libre, passible d'attaque en justice — le banquet est un élément essentiel de la sociabilité
grecque. Il peut être organisé à l'instigation d'un particulier conviant ses amis ou sa
famille, à l'instar de modernes invitations à dîner. Il peut également rassembler, de
manière régulière, les membres d'une association religieuse ou d'une hétairie (sorte de
club aristocratique). Les grands banquets sont évidemment l'apanage des plus riches,
mais dans la plupart des foyers grecs, les fêtes religieuses ou les événements familiaux
sont l'occasion de banquets plus modestes. Le philosophe péripatéticien Hippoloque de
Macédoine, ami et condisciple de Lyncée de Samos, lui a écrit une lettre au sujet d'un
banquet de mariage auquel il a été convié : on servit du vin, puis un pain d'égale largeur,
des poules, des canards, du pigeon (ramier), etc. Chacun ayant pris ce qu'on lui
présentait, le donna avec le plat aux esclaves ; on présenta aussi à la ronde nombre
d'autres différents mets. Ce service fut suivi d'un autre, dont faisait partie un grand pain,
des oies, des lièvres, des chevreaux, des tourtereaux, des perdrix. Les mêmes mets furent
aussi donnés aux esclaves. Ayant ainsi pris assez de nourriture, les invités se sont lavé
les mains, et des joueuses de flûtes, des musiciens, et des harpistes rhodiennes
couvertes d'un voile[style à revoir]. Elles se retirèrent après un court début : aussitôt il en
parut d'autres, portant chacune deux pots de parfum. On servit ensuite à chacun, pour
souper, un plat contenant un très gros cochon rôti. Hippoloque mentionne des grives
rôties, des becfigues où l'on avait versé des jaunes d'œufs, des huîtres, des pétoncles.
« Le cochon fut suivi d'un autre chevreau bouillant dans la sauce sur un autre plat. Dès
que nous fûmes débarrassés de ce monde, nous nous mîmes à boire. »
La dernière partie du banquet, celle consacrée à la beuverie, était également prétexte à la
danse ; inviter une danseuse sans être au moins éméché est très mal vu en société ;
l'ivresse doit servir de prétexte.
Le banquet a servi de cadre à une littérature de genre : Le Banquet de Platon, Le Banquet
de Xénophon, les Propos de table de Plutarque ou encore le Banquet des
Deipnosophistes d’Athénée.
Syssities (titre de paragraphe)
Les syssities (τὰ συσσίτια / tà syssítia) sont des repas obligatoires pris en commun dans le
cadre de groupes sociaux ou religieux rassemblant hommes et jeunes gens. Ils
concernent principalement la Crète et Sparte et prennent le nom d’hetairia, pheiditia, ou
andreia. Ils fonctionnent comme des clubs aristocratiques et comme un mess militaire.
Comme les banquets, les syssities sont le domaine exclusif des hommes ; quelques
références décrivent également des syssities exclusivement féminines. Au contraire des
banquets, cependant, les repas se caractérisent par la simplicité et la tempérance.
Pain (titre de paragraphe)
Les céréales (σῖτος / sĩtos) constituent la base de l'alimentation grecque. Il s'agit
principalement de blé dur (πύρος / pýros), d'épeautre (ζειά / zeiá) et d'orge (κριθαί /
krithaí). Mondé par trempage, le blé peut être transformé de deux manières principales :
réduit en gruau, il sera employé en bouillie ; moulu en farine (ἀλείατα / aleíata) et pétri, il
sert à fabriquer du pain (ἄρτος / ártos) ou des galettes, simples ou mélangées à du
fromage ou du miel. Le levain est connu ; à partir de l'époque romaine, les Grecs utilisent
un composé alcalin ou de la levure de vin comme agent levant. Les pâtons sont cuits à la
maison dans un four en argile (ἰπνός / ipnos) surélevé par des pieds. Une technique de
cuisson plus rustique consiste à déposer des charbons ardents sur le sol en terre et de
recouvrir le tas d'un couvercle en cloche (πνιγεὐς / pnigeus) ; quand le sol est
suffisamment chaud, on pousse les charbons sur le côté, on dépose les pâtons et le
couvercle est remis en place, sous les charbons. Le four en pierre n'apparaît qu'à l'époque
romaine. D'après une prescription de Solon, législateur athénien du VIe siècle av. J.-C., le
pain de froment doit être réservé aux jours de fête. Cependant, dès l'époque classique et
pour peu qu'on en ait les moyens, on le trouve tous les jours chez la boulangère,
profession qui apparaît à Athènes au Ve siècle.
L'orge est plus facile à produire mais peu panifiable. Elle donne des pains nourrissants
mais très lourds. De ce fait, elle est plutôt grillée puis moulue pour donner une farine
(ἄλφιτα / álphita), laquelle sert à fabriquer (le plus souvent sans cuisson puisque les grains
ont déjà été grillés) la μᾶζα / mãza, le plat de base grec, comme le souligne le surnom de
« mangeurs d'orge » dont les Romains affublaient les Grecs. Dans la Paix, Aristophane
emploie l'expression ἔσθειν κριθὰς μόνας, littéralement « ne manger que de l'orge »,
équivalent du français « être au pain sec et à l'eau ». Nous connaissons plusieurs recettes
de la maza : elle peut être servie cuite ou crue, sous forme de bouillie, de boulettes ou de
galettes. Là encore, la maza peut être agrémentée de fromage ou de miel.
Fruits et légumes (titre de paragraphe)
La présence de figues carbonisées, près des restes
de raisin, laisse supposer qu'elles ont servi
d'adjuvant sucré pour camoufler l'amertume du jus
des vignes sauvages.
Les céréales sont souvent servies avec un
accompagnement appelé génériquement ὄψον /
ópson. Le mot désigne d'abord tout ce qui se
prépare sur le feu, et par extension tout ce qui
accompagne le pain. À partir de l'époque classique,
il s'agit de poisson et de légumes : choux, oignons,
lentilles, fèves, différentes espèce de gesses,
vesces ou encore pois chiches. Ils sont servis en
soupe, bouillis ou en purée (ἔτνος / étnos),
assaisonnés d'huile d'olive, de vinaigre, de γάρον /
gáron — sauce de poisson proche du nuoc mam vietnamien — et d'herbes. S'il faut en
croire Aristophane, la purée est l'un des plats favoris d'Héraclès, toujours représenté
comme un goinfre dans la comédie. Les plus pauvres consomment couramment des
glands de chêne (βάλανοι / bálanoi). Les olives sont une garniture fréquente, qu'elles
soient crues ou confites.
En ville, les légumes frais sont chers et peu consommés : les citadins peu fortunés se
rabattent sur les légumes secs. La soupe de lentilles (φακῆ / phakễ) est le plat typique de
l'ouvrier. Les rations militaires typiques contiennent de l'ail, des oignons et du fromage.
Aristophane évoque ainsi le « rot de mangeur d'oignon » typique du soldat ; ailleurs, le
chœur chante la paix et sa « joie d'être délivré du casque / du fromage et des oignons ».
Les fruits, frais ou secs, sont mangés en dessert. Ce sont principalement les figues, les
grenades, les noix et noisettes. Les figues sèches sont également consommées en
apéritif, en buvant du vin. Dans ce cas, elles sont souvent accompagnées de graines de
lupin, de châtaignes, de pois chiches ou de faines grillées.
Viande (titre de paragraphe)
Manger de la viande est chose rare, sauf aux fêtes ou autres banquets. La consommation
de poisson et de viande varie suivant la fortune de la maisonnée mais aussi son
implantation : à la campagne, la chasse (principalement le piégeage pour les petites gens)
permet de consommer du lièvre et des oiseaux. Les paysans possèdent également des
basses-cours les fournissant en poulets et en oies ; les propriétaires un peu aisés ou
riches pratiquent un élevage d'appoint de chèvres, porcs et moutons, et les chasseurs
s'offrent le produit de leurs prises : sangliers, cerfs. À la ville, les viandes sont chères, à
l'exception de la viande de porc : à l'époque d'Aristophane, un cochon de lait coûte trois
drachmes, soit trois jours de travail d'un ouvrier de chantier public. Les riches comme les
pauvres consomment des saucisses. Des boudins faits d'estomac de chèvre bourrés de
graisse et de sang sont déjà mentionnés dans l'Odyssée.
La civilisation mycénienne pratiquait l'élevage de bovins pour leur viande. Au VIIIe siècle
av. J.-C. encore, Hésiode décrit son idéal de festin campagnard :
« puissé-je avoir l'ombre d'une roche, du vin de Byblos, une galette bien gonflée et du lait
de chèvres qui ne nourrissent plus, avec la chair d'une génisse qui a pris sa pâture au bois
et n'a pas encore vêlé ou d'agneaux d'une première portée ».
La viande est beaucoup moins mentionnée dans les textes de l'époque classique que
dans la poésie archaïque ; il est possible que cette évolution ne reflète pas une évolution
des habitudes de consommation, mais seulement les codes de chaque genre littéraire. La
consommation de viande a principalement lieu à l'occasion des sacrifices religieux qui
donnent lieu à des festins civiques : la part des dieux (graisse, fémurs et viscères) est
brûlée alors que la part des hommes (viande) est grillée et distribuée aux participants. Il
existe parallèlement un commerce florissant de viandes cuites ou salées, qui semblent
elles aussi être issues de sacrifices. La technique bouchère grecque a ceci de particulier
que l'animal n'est pas découpé suivant le type de morceau, mais en portions de poids
égal : chacune d'entre elles peut donc être composée presque entièrement de graisse et
d'os ou au contraire seulement de viande, et mêler morceaux à braiser, rôtir, bouillir ou
griller. Un passage de comédie illustre les problèmes que la pratique suscite :
« Chairéphon achetait un jour de la viande ; le boucher, dit-on, lui en coupa par hasard un
morceau très osseux. Il lui dit : « Boucher, ne compte pas l'os », ce à quoi celui-ci
répondit : « Mais la viande est tendre : on dit qu'elle l'est quand elle est près de l'os. » Et
Chairéphon de dire : « Soit, cher ami, mais son poids supplémentaire me chagrine, où qu'il
se trouve. »
En Crète, les meilleures parts sont allouées aux citoyens particulièrement sages ou bons
guerriers ; dans d'autres cités, comme Chéronée, les portions sont tirées au sort, ce qui
donne à chacun une chance égale d'obtenir un bon ou un mauvais morceau. Par
conséquent, un Grec achetant sa viande au marché ne peut guère choisir qu'entre les
abats et la viande à proprement parler : aucune source n'en montre commandant une
côtelette ou un gigot.
Les Spartiates se nourrissent principalement d'un ragoût de porc, le brouet noir (μέλας
ζωμός / mélas zômós). Plutarque indique que « parmi les plats, celui qu'ils apprécient le
plus est le brouet noir ; c'est au point que les vieillards ne demandent même pas de
viande ; ils la laissent aux jeunes et font leur dîner du brouet qu'on leur verse. » C'est pour
les Grecs un véritable sujet de curiosité. « Bien sûr que les Spartiates sont les plus
courageux de tous les hommes », plaisante un Sybarite, « n'importe quel homme de bon
sens préférerait mourir mille morts plutôt que de mener une si pauvre vie. » Le plat est
composé de viandes rôties de chèvre et porc, de sel, de vinaigre et de sang. Il est
complémenté de maza, de figues et de fromage et parfois gibier ou de poisson. Élien,
auteur du IIe-IIIe siècle, prétend que Sparte défend à ses cuisiniers de savoir préparer
autre chose que de la viande.
Poisson (titre de paragraphe)
L'attitude des Grecs face au poisson varie suivant l'époque. Comme le remarquent les
Grecs eux-mêmes, on ne mange pas de poisson dans l’Iliade, mais seulement des
viandes rôties. Platon l'explique par l'austérité des mœurs de l'époque mais il semble
qu'au contraire, le poisson ait alors été perçu comme la nourriture des pauvres. L’Odyssée
évoque bien que les compagnons d'Ulysse mangent du poisson, mais uniquement parce
qu'ils sont affamés après être passés par Charybde et Scylla et parce qu'ils doivent se
nourrir de ce qui leur tombe sous la main. Au contraire, à l'époque classique, le poisson
devient un mets de luxe, recherché par les plus fins gourmets et suscitant, à l'époque
hellénistique, des traités spécialisés, comme celui de Lyncée de Samos sur L'Art d'acheter
du poisson pour pas cher.
Pour autant, tous les poissons ne se valent pas. Une stèle de la fin du IIIe siècle av. J.-C.
provenant de la petite cité béotienne d'Akraiphia, sur le lac Copaïs, fournit une liste de
poissons et de leurs prix respectifs, probablement pour protéger les consommateurs
d'augmentations excessives : le moins cher est le skaren (sans doute du perroquet de
mer), tandis que la ventrèche de thon coûte trois fois plus cher. Le poète Ériphe range les
seiches avec la ventrèche de thon, la tête de loup et le congre au rang des mets dignes
des dieux, et que les pauvres ne peuvent pas s'offrir. Les convives du banquet mis en
scène par Athénée au IIe-IIIe siècleapr. J.-C. consacrent une grande partie de leur
conversation à des considérations œnophiles et gastronomiques. Ils discutent des mérites
comparés de tels vins, légumes ou viandes ; évoquent des plats renommés (seiches
farcies, ventrèche de thon, écrevisses de mer, laitues arrosées de vin au miel) et grands
cuisiniers — ainsi de Sotéridès, cuisinier du roi Nicomède Ier de Bithynie (IIIe siècle av. J.-
C.). Alors que son maître, en pleines terres, se languit d'anchois, il lui en sert des
imitations : des raves femelles soigneusement découpées en forme d'anchois, huilées,
salées et saupoudrées de graines de pavot noires. Cet exploit de cuisinier, la Souda,
encyclopédie byzantine, l'attribue par erreur au gourmet romain M. Gavius Apicius
(Ier siècle av. J.-C.) — preuve qu'alors les Grecs n'ont plus rien à envier aux Romains. Au
plus bas de l'échelle, les sardines, les anchois et autre menu fretin constituent l'ordinaire
des citoyens athéniens. Parmi les autres poissons de mer courants, on peut citer le thon
blanc, le rouget, la raie, l'espadon ou encore l'esturgeon, mets de choix consommé salé.
Le lac Copaïs est lui-même fameux pour fournir des anguilles, renommées dans toute la
Grèce et chantées par le héros des Acharniens. Parmi les autres poissons d'eau douce,
on peut citer le brochet, la carpe ou le peu apprécié poisson-chat.
Les Grecs apprécient également les œufs de poisson et fruits de mer : coquillages,
seiches (σηπία), poulpes (πολύπους) et calmars (τευθίς) sont frits ou grillés et servis
comme amuse-gueule, comme accompagnements ou dans les banquets quand ils sont de
petite taille ; des oursins ; les spécimens de grande taille relèvent du répertoire de la
grande cuisine. Seiches et poulpes sont des cadeaux traditionnels lors de la fête des
Amphidromies, lorsque les parents nomment leur enfant. S'agissant des coquillages, on
peut probablement reconnaître dans ceux que citent les sources le bulot, la moule, la
grande nacre, l'ormeau, la palourde, la patelle, le pétoncle ou praire ou encore le troque.
Galien est le premier à mentionner la consommation de l'huître (ὄστρεον) crue. Enfin, le
crabe (καρκίνος), le homard (ἀστακός), la langoustine (κάραϐος), la cigale de mer (ἄρκτος)
sont appréciés. L'oursin (ἐχῖνος) est davantage connu le long des côtes.
Le poisson est issu d'une pêche le plus souvent individuelle, très près des côtes et très
artisanale, voire à la main. Si l'on peut supposer l'existence de criées, la plus grande partie
de la pêche semble être vendue sur les marchés des cités, sur des étals spécialisés. Le
poisson se présente souvent sous forme salée. Le procédé est surtout courant pour les
petits poissons : l'expression « moins cher que le poisson saur » désigne un bien
extrêmement commun et très bon marché. Il est également appliqué aux poissons gras —
bonite, thon, maquereau, ange de mer, esturgeon — et même aux crabes et aux oursins.
Œufs et fromage (titre de paragraphe)
Les Grecs élèvent des canards, des oies, des cailles et des poules en partie pour leurs
œufs. Certains auteurs louent également les œufs de faisan et d'oie. Les oiseaux dans le
commerce, chez un boucher, sont vivants et tués à la demande, mais on peut supposer
qu'ils étaient assez rares. Les œufs sont consommés durs ou à la coque en tant que hors-
d'œuvre ou inversement, comme desserts, ou encore gobés. Ils sont également
employés, sous forme de blancs, de jaunes ou entiers, dans la fabrication de certains
plats.
Le lait (γάλα / gála) est bu par les paysans mais n'est quasiment pas employé en cuisine.
Le beurre (βούτυρον / boútyron) est connu mais lui aussi peu employé : les Grecs
considèrent son usage comme une caractéristique des Thraces, qu'ils considèrent
volontiers comme des rustres incultes, que le poète comique Anaxandridès surnomme les
« mangeurs de beurre ». En revanche, ils apprécient les produits laitiers. On sert comme
friandise ce qui devait ressembler à du yaourt, le πυριατή / pyriatế. Surtout, le fromage
(τυρός / tyrós), de chèvre ou de brebis, est un aliment de base. On le vend dans des
boutiques distinctes suivant qu'il est frais ou non, le premier coûtant environ les deux tiers
du prix du second. On le mange seul ou en mélange avec du miel ou des légumes. Il entre
également, comme ingrédient, dans la préparation de bon nombre de plats, y compris de
poisson. L'unique recette préservée du cuisinier sicilien Mithécos (Ve siècle av. J.-C.)
indique ainsi : « cépole : videz, enlevez la tête, rincez et levez les filets ; ajoutez de l'huile
et du fromage ». Cependant, cette utilisation du fromage est controversée : Archestrate
avertit ses lecteurs que les cuisiniers siciliens gâchent le bon poisson en y ajoutant du
fromage.
Boissons (titre de paragraphe)
La boisson la plus répandue est évidemment l'eau. Aller chercher de l'eau est la corvée
quotidienne des femmes. Si le puits est inévitable, on préfère naturellement l'eau « d'une
source toujours coulante et jaillissante, qui n'est pas trouble ». L'eau est reconnue comme
nourrissante — elle fait grandir les arbres et les plantes — mais aussi comme désirable.
Pindare juge ainsi « agréable comme le miel » l'eau d'une fontaine. Les Grecs peuvent
qualifier une eau de lourde, sèche, acide, douce ou dure, vineuse, etc. Un personnage du
poète comique Antiphane jure qu'il reconnaîtrait entre toutes l'eau de l'Attique par son bon
goût. Enfin, Athénée cite un certain nombre de philosophes réputés pour ne boire que de
l'eau, habitude conjuguée à une alimentation végétarienne (cfr. ci-dessous). On boit aussi
couramment du lait de chèvre et de l'hydromel.
L'ustensile habituel pour boire est le scyphos, ustensile en bois, en terre cuite ou en métal.
Critias préservé par Plutarque mentionne ainsi le cothon, gobelet spartiate qui présente
l'avantage, à l'armée, de cacher à la vue la couleur de l'eau et de retenir dans ses bords la
boue qui peut s'y trouver. On utilise également la coupe à boire appelée kylix (à pied et
large vasque), et dans les banquets, le canthare (coupe profonde à pieds) ou encore le
rhyton (cornet à boire souvent plastique, c'est-à-dire à la panse moulée en forme de tête
d'homme ou d'animal).
Le vin (titre de paragraphe)
La Grèce découvre probablement la viticulture au cours des IVe et IIIe millénaires av. J.-C.
Elle est bien attestée par des tablettes écrites en linéaire A et en linéaire B, qui évoquent
des vignobles, des vignes associées avec des arbres ou des céréales, et des vins doux,
passerillés ou miellés. Homère et Hésiode décrivent les travaux de la vigne comme des
pratiques traditionnelles. Les Travaux et les Jours montrent ainsi le viticulteur vendangeant
des grappes bien mûres, qu'il laisse sécher au soleil pendant dix jours pour concentrer les
sucres ; la technique est utilisée jusqu'à l'époque d'Hippocrate et de Dioscoride. Les
grappes sont ensuite foulées dans des foulons portatifs puis pressées. Le moût est placé
dans des pithoi, sorte de jarres rendues étanches à la poix, à demi-enterrées pour assurer
une température stable, et laissées à fermenter pendant 10 à 30 jours. Les jarres sont
ensuite bouchées jusqu'à la fin de l'hiver, ce qui correspond en Attique à la fête des
Anthestéries.
Théophraste, auteur d’un Traité de l'ivresse, montre au IIIe siècle av. J.-C. dans Histoire
des Plantes que le « thériclée » utilisé pour consommer le vin est un calice, lorsqu'il parle
du térébinthe, expliquant que l'on ne peut distinguer ceux de térébinthe de ceux de terre.
Selon Théophraste, c’est le potier de terre corinthien Thériclès, contemporain
d'Aristophane, qui imagina cette sorte de récipient. Le vin a été à une époque reculée,
antérieure à son époque, on ne versait pas l'eau sur le vin, mais le vin sur l’eau, afin
d’user d’une boisson bien détrempée, de sorte qu’après en avoir bu, on fût moins avide de
ce qui pouvait rester, et l'on en employait la plus grande partie au jeu du cottabe. Le vin
est vinifié aussi bien en rouge qu'en rosé et en blanc. Les cépages employés sont très
nombreux : Pramnos, Maronée, Phanaios de Chios, biblin de Phénicie, psithia, mersitis,
etc On trouve toutes sortes de productions, des grands crus en provenance de Thasos, de
Lesbos, Chios ou encore Rhodes au vin de table, et même une piquette légère, rinçage à
l'eau du marc de raisin mêlé de lie, réservée à la consommation personnelle du
producteur. Phanias, ami et condisciple de Théophraste, a décrit une préparation du vin
dans laquelle il faut verser une partie d'eau de mer sur environ cinquante de vin doux ; il
devient « anthosmias ». Il ajoute que l'anthosmias est beaucoup plus fort avec du vin de
jeune plant, mais on faisait aussi de l'anthosmias en écrasant du raisin qui commençait à
peine à tourner.
Le vin doit être vendu pur. Vendre du vin coupé est une fraude contre laquelle les
Géoponiques donnent des astuces : il suffit de jeter dans le vin un objet léger comme un
morceau de pomme ou de poire, ou une cigale : si le vin est pur, l'objet flotte. Le vin est
généralement consommé coupé d'eau ; pur, il n'est pas recommandé pour un usage
courant : il semble en effet que son degré alcoolique ait été plus élevé que le vin actuel.
Ceux de Santorin, de Crète, de Messénie, d'Arcadie et d'Attique varient entre 13° et 15°,
voire atteignent 17° pour les plus forts. Le vin est mélangé dans un cratère et puisé par les
esclaves à l'aide d'œnochoés (cruches) pour être servi dans les kylix (coupes) des
buveurs. Le vin peut également aromatisé au miel, à la cannelle ou au thym. Élien
mentionne également un vin mélangé de parfum. On connaît également le vin cuit et, à
Thasos, un vin qualifié de « doux ». Certains vins sont salés, comme à Lesbos, en
ajoutant de l'eau de mer ou en faisant tremper les grappes séchées au soleil dans de l'eau
de mer ; si le goût semble avoir été apprécié, il peut également s'agir d'un moyen pour
empêcher le vin de tourner. On connaît également, à l'époque romaine, un ancêtre du
retsina (vin additionné de résine de pin) et du vermouth.
Le vin pur peut être en revanche employé comme médicament ; de manière générale, on
prête au vin des vertus médicales étonnantes. Élien mentionne ainsi que le vin d'Héraia en
Arcadie rend fous les hommes et les femmes fertiles ; inversement, un vin achéen aide les
femmes désirant avorter. Hors de ces applications thérapeutiques, la société grecque
réprouve la consommation de vin par les femmes. S'il faut en croire Élien, une loi de
Massalia l'interdit même et prescrit aux femmes de ne boire que de l'eau. Sparte est la
seule cité où les femmes boivent couramment du vin.
Les vins réservés à un usage local sont stockés dans des outres de peau. Ceux destinés
à la vente sont versés dans des pithoi (πίθοι / píthoi), grandes jarres en terre cuite. On les
transvase ensuite dans des amphores enduites de poix, pour les vendre au détail. Les
grands crus comportent des estampilles du producteur et/ou des magistrats de la cité afin
de garantir leur origine (principe des appellations d'origine contemporaines).
Cycéon et ptisane (titre de paragraphe)
Les Grecs buvaient le cycéon, intermédiaire entre la boisson et la nourriture, gruau d'orge
allongé d'eau et additionné d'herbes et d'aromates. Dans l’Iliade, la boisson préparée pour
Machaon par une servante est un cycéon comportant du fromage de chèvre râpé en plus
de l'oignon. Dans l’Odyssée, Circé y ajoute du miel et un philtre magique. Dans l’Hymne
homérique à Déméter, la déesse refuse du vin rouge mais accepte un cycéon composé
d'eau, de farine et de menthe pouliot. Utilisé comme boisson sacrée dans les mystères
d'Éleusis, le cycéon est aussi un breuvage populaire, surtout à la campagne : Théophraste
montre dans ses Caractères un rustre ayant bu force cycéon et incommodant ses voisins
par son haleine à l'Assemblée. La boisson est réputée pour ses vertus digestives : dans la
comédie La Paix, le dieu Hermès la recommande au héros qui a abusé de fruits secs.
Décoction d'orge, la ptisane est une décoction d'orge mondée, filtrée ou non, qui sert de
nourriture habituelle aux malades. Hippocrate la recommande plus particulièrement dans
l'alimentation des patients atteints de maladies aiguës.
Régimes alimentaires particuliers (titre de chapitre)
À l'époque archaïque et classique, la frugalité, imposée par les conditions physiques et
climatiques grecques, est érigée en vertu. Les Grecs n'ignorent pas le plaisir que l'on peut
prendre à se nourrir, mais celui-ci doit rester simple. Le campagnard Hésiode, cité plus
haut, considère comme un festin de la viande grillée, du lait et des galettes, le tout à
l'ombre par une belle journée. Encore le meilleur repas est-il celui qui est gratuit :
« bombance sans écot n'est pas à laisser perdre », remarque le philosophe Chrysippe.
La recherche culinaire et gastronomique est en revanche rejetée comme un signe de
mollesse toute orientale : les Perses sont considérés comme décadents en raison de leur
goût du luxe, qui se manifeste dans leur gastronomie. Les auteurs grecs se complaisent à
décrire la table du Grand Roi achéménide et de sa cour : Hérodote, Cléarque de Soles,
Strabon et plus encore Ctésias sont unanimes dans leurs descriptions. Au contraire, les
Grecs se complaisent à souligner l'austérité de leur régime alimentaire. Plutarque raconte
ainsi qu'un roi du Pont, curieux de goûter le fameux « brouet noir » spartiate, achète un
cuisinier laconien. Il goûte le plat et le trouve très mauvais ; le cuisinier répond « Ô roi,
pour goûter ce brouet, il faut s'être d'abord baigné dans l'Eurotas. » Selon Polyen,
Alexandre le Grand, en découvrant la salle à manger du palais royal perse, se moque de
leur goût pour la nourriture et y voit la cause de leur défaite. Pausanias de Sparte, en
découvrant les habitudes alimentaires du Perse Mardonios, aurait pareillement ridiculisé
les Perses qui « ayant le moyen de vivre [ainsi], est venu attaquer [les Grecs] pour [leur]
ravir ce dont [ils] viv[ent] ainsi misérablement ».
Conséquence de ce culte affiché de la frugalité, la cuisine reste longtemps le domaine des
femmes, qu'elles soient libres ou esclaves. Malgré tout, dès la période classique, la réalité
semble ne pas correspondre totalement au tableau peint par les Grecs : on voit déjà
mentionner des spécialistes de l'art culinaire. Élien et Athénée mentionnent les mille
cuisiniers accompagnant, à l'époque de Clisthène, Smindyridès de Sybaris dans son
voyage à Athènes — même si c'est pour stigmatiser sa « mollesse ». Platon mentionne
ainsi « Théarion le cuisinier, Mithécos, l'auteur d'un traité sur la cuisine sicilienne, et
Sarambos, le marchand de vins, trois éminents connaisseurs en gâteaux, en cuisine et en
vins. » Certains cuisiniers écrivent des traités de cuisine.
Au fil du temps, de plus en plus de Grecs se présentent comme gourmets. Élien explique
ainsi : « à Rhodes, celui qui fait grand cas des poissons et les apprécie et qui dépasse tout
le monde en gourmandise est, dit-on, loué par ses concitoyens comme un noble esprit. »
À la période hellénistique puis romaine, malgré les revendications de frugalité, les Grecs
— du moins les riches — ne se montrent guère plus austères qu'ailleurs.
Le végétarisme (titre de paragraphe)
L'orphisme et le pythagorisme, deux courants religieux et philosophiques grecs, ont
proposé un mode de vie différent, fondé sur l'idée de pureté et donc de purification
(κάθαρσις / kátharsis) — c'est au sens propre une ascèse : ἄσκησις / áskêsis signifie
d'abord un exercice, puis un mode de vie particulier. Dans ce cadre, le végétarisme est un
élément central de l'orphisme et d'un certain nombre de variantes du pythagorisme.
L'enseignement de Pythagore (VIe siècle av. J.-C.) est plus difficile à cerner. Les auteurs
de la Comédie moyenne, comme Alexis ou Aristophon, décrivent des pythagoriciens
strictement végétariens, certains subsistant même au pain et à l'eau. Cependant, d'autres
traditions se contentent d'interdire la consommation de certains légumes, comme la fève,
d'animaux sacrés comme le coq blanc, ou même seulement certaines parties d'animaux.
En outre, même des pythagoriciens mangent de la viande de temps à autre dans le cadre
des banquets sacrificiels, afin d'obéir à leurs devoirs religieux : « c'est uniquement dans
les animaux qu'il est permis de sacrifier que l'âme de l'homme ne peut pas pénétrer ; c'est
pourquoi il faut manger les animaux du sacrifice, si nécessaire, et jamais les autres. »
Empédocle condamne la consommation de viande et adopte une position proche du
végétarisme moderne. On la justifie souvent par la croyance en la transmigration des
âmes et la justice que l'on doit aux créatures : « Jeûnez de la méchanceté ! » L'âme de
chacune des créatures, humaines, animales ou végétales, passe d'un corps à un autre, de
la mort à la naissance et de la naissance à la mort, pour se purifier. On a fait observer
qu'Empédocle aurait dû également refuser de manger des végétaux, puisqu'il croit que
son âme s'est déjà incarnée en buisson : Dodds voit dans le végétarisme une
conséquence de l'« antique horreur du sang versé » : Orphée enseigne de ne pas verser
le sang. D'autres contestent l'attribution à Empédocle de la doctrine de la métempsycose,
et lient son végétarisme à la doctrine suivant laquelle tous les êtres vivants sont parents : il
faut donc ne manger que les fruits des plantes à maturité. Le sacrifice aux dieux devient
symbolique : « Empédocle, qui était pythagoricien, et ainsi ne mangeait de rien qui eût une
vie, fit, avec de la myrrhe, de l'encens et d'autres aromates précieux, un bœuf qu'il
distribua à toute l'assemblée des jeux Olympiques. »
Dans son Manger la chair, Plutarque (Ier-IIe siècles apr. J.-C.) reprend la thématique de la
barbarie du sang versé et, renversant le débat habituel, somme l'homme zoophage de
justifier son choix. Le néoplatonicien Porphyre de Tyr (IIIe siècle), dans son De
l'abstinence, rattache le végétarisme aux Mystères crétois et recense les végétariens du
passé en commençant par Épiménide, selon qui c'est Triptolème, à qui Déméter a confié
le blé pour apprendre l'agriculture à l'humanité, qui est à l'origine du végétarisme : ses
trois commandements sont « honore tes parents », « honore les dieux par des fruits » et
« épargne les animaux ».
La diète des malades (titre de paragraphe)
Les médecins grecs s'accordent sur la nécessité d'une diète particulière pour les malades,
mais le consensus s'arrête là. Dans son Régime des maladies aigües, Hippocrate
rapporte que la ptisane est souvent utilisée, parce qu'elle est facile à absorber et qu'elle
est réputée calmer la fièvre. Cependant, certains l'administrent épaisse, avec ses grains
d'orge, tandis que d'autres la prescrivent filtrée des grains d'orge. D'autres encore
n'autorisent que les boissons jusqu'au septième jour, puis passent à la ptisane et enfin,
certains interdisent toute forme de nourriture solide tout au long de la maladie.
Les prescriptions d'Hippocrate sont elles-mêmes évaluées de manière diverse : certains
médecins accusent le grand médecin de faire jeûner les malades ; au contraire, d'autres
lui reprochent de trop les nourrir. À l'époque hellénistique, l'alexandrin Érasistrate fait grief
aux disciples d'Hippocrate de contraindre les malades à ne boire qu'un peu d'eau, sans
prendre de nourriture : c'est en fait la doctrine des méthodistes, qui ordonnent une diète
stricte pendant les 48 premières heures de la maladie. Inversement, un certain Pétronas
recommande de manger du porc rôti et de boire du vin pur.
Les régimes des athlètes (titre de paragraphe)
S'il faut en croire Élien, le premier athlète à s'être soumis à un régime alimentaire
particulier est Iccos de Tarente, un athlète du Ve siècle av. J.-C.. Platon confirme qu'il suit
un régime très strict, l'expression « repas d'Iccos » devenant proverbiale. Pourtant, Milon
de Crotone, champion olympique de lutte, est déjà réputé avaler 7,5 litres de vin, 9 kilos
de pain et autant de viande par jour. Avant lui, les athlètes de l'époque classique observent
un régime à base d'aliments secs (ξηροφαγία / xêrophagía) composé de figues sèches, de
fromage frais, de noix, et de pain. Le vin leur était interdit. Pythagore (soit le philosophe,
soit un maître de gymnastique) est le premier à proscrire aux athlètes de manger de la
viande.
Par la suite, les entraîneurs appliquent une sorte de régime standard : pour prétendre au
titre olympique « on doit suivre une diète particulière, ne pas prendre de desserts (…) ; on
ne peut pas boire d'eau glacée ni prendre un verre de vin quand on veut. » Ce régime
semble reposer sur une consommation importante de viande : Pausanias évoque un
« régime carné. » Le médecin Galien reproche aux sportifs de son temps de « toujours se
gaver de viandes saignantes. » Pour lui, ce régime alimentaire conduit à un
épaississement de la chair et donc l'extinction de la chaleur innée du corps, à terme à la
mort de l'athlète. Au contraire, il estime que le régime diététique doit être adapté à chaque
sportif et prescrit par un médecin hygiéniste.

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