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GOUVERNANCE ET PAUVRETÉ EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE :

REPENSER LES BONNES PRATIQUES EN MATIÈRE DE GESTION DE LA


MIGRATION

Thanh-Dam Truong

ERES | « Revue internationale des sciences sociales »

2006/4 n° 190 | pages 751 à 771


ISSN 0304-3037
ISBN 9782749210117
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sociales-2006-4-page-751.htm
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TR
IBU
NE
LIB
Gouvernance et pauvreté RE
en Afrique subsaharienne :
repenser les bonnes pratiques
en matière de gestion de la migration

Thanh-Dam Truong

Introduction l’un ou l’autre sexe, la classe, l’ethnicité et l’âge


peuvent tous interagir de différentes manières
Les questions touchant les migrations internatio- pour entraver l’exercice de droits sociaux au lieu
nales, ainsi que les bonnes pratiques suivies pour de le faciliter – et donc entraîner (à l’intérieur de
contrer les mouvements illicites de personnes et certaines structures) des migrations non proté-
leur traite, se situent à la rencontre de deux pré- gées et la traite des personnes.
occupations mondiales majeures : le déplacement Dans le texte qui suit, on examinera l’inter-
des personnes et la sécurité. Ces préoccupations face entre les migrations et la traite des personnes
posent aux pouvoirs publics une multitude de sous le double angle de la gouvernance et de la
problèmes liés au paradoxe des processus néoli- pauvreté, et on offrira quelques points de repère
béraux : la libéralisation des pour repenser les bonnes
économies et la restriction me
M Thanh-Dam Truong est professeur pratiques. Le point de départ
de la mobilité de la main- associé en études relatives aux sera la marginalisation éco-
d’œuvre. Les différentes femmes/à la problématique hommes- nomique de l’Afrique subsa-
manières de résoudre ce femmes et au développement à l’Ins- harienne, due à l’intégration
titut des études sociales. Dans les mondiale néolibérale. En
paradoxe ne sont pas pour le années 1980, elle a été l’un des pre-
moment satisfaisantes. L’op- miers chercheurs à avoir procédé à une dépit de vingt années de
tion qui consisterait à lever analyse universitaire de la question du programmes d’ajustement
les barrières à la mobilité de tourisme sexuel en Asie du Sud-Est structurel visant à revitaliser
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la main-d’œuvre, quels que dans l’optique de l’économie politique les économies de l’Afrique
internationale. Ses travaux actuels por-
soient les niveaux de qualifi- tent sur l’intersection de la probléma- subsaharienne pour les pré-
cation, est irréalisable sur le tique hommes-femmes, de la sécurité parer à l’intégration mon-
plan politique du fait que des personnes et des migrations, du diale, la région connaît une
l’on met davantage l’accent point de vue de l’éthique du développe- récession grave. Le nombre
ment et de l’éthique des soins à la per- de personnes vivant dans la
sur la sécurité nationale et sonne.
que les avantages concédés Email : Truong@iss.nl. pauvreté chronique aug-
dans le commerce des ser- mente, et l’espérance de vie
vices sont complexes. L’op- diminue. La part de la région
tion qui consisterait à « socialiser » la mobilité du – commerce et échanges – dans l’économie mon-
capital financier ne s’impose pas d’emblée dans diale reste marginale à une époque d’intégration
un environnement néolibéral qui attribue au mondiale rapide (Commission pour l’Afrique
marché le rôle de forme supérieure d’organisa- 2005). La mutation des migrations transfrontra-
tion sociale. L’option qui consisterait à maintenir lières de l’Afrique subsaharienne – phénomène
un certain seuil de bien-être humain fondé sur des historiquement ancré dans les modes de subsis-
droits sociaux est en train de gagner les faveurs tance – en ce que l’on peut qualifier à proprement
des instances de décision, mais une plus grande parler de trafic illicite et de traite de personnes,
sensibilité aux questions relatives à des groupe- reflète une tendance à des crises à plusieurs
ments sociaux déterminés et aux rapports entre dimensions aux niveaux sous-régionaux (Black et
l’État et le marché est requise. L’appartenance à coll., 2004 ; Ansell et van Blerk, 2004 ; Luckham

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et coll., 2001). La restriction des systèmes de tiques » peut servir d’outil heuristique pour
prise en charge qui caractérise les politiques remettre en cause la relation entre les formes
néolibérales s’est traduite par un transfert dominantes de la connaissance sociale et le
occulte vers les femmes et les enfants d’aspects champ de la décision. Pour déterminer ce qui est
pénibles de l’ajustement et a exacerbé les évolu- positif dans les bonnes pratiques de gestion des
tions vers la pauvreté. Et pour inverser ces ten- migrations, il faut procéder à un examen appro-
dances, il faudra procéder à une analyse de fondi de la structure du pouvoir dans la prise de
règles relatives aux droits auxquels les popula- décisions, de la visibilité ou de l’invisibilité des
tions peuvent prétendre pour faire face à des facteurs causatifs et des effets sur le vécu des
besoins quotidiens correspondant à la définition migrants.
sociale des identités.
Le concept de gestion des migrations, qui Pauvreté, sexe et migration :
se bornait jusqu’à maintenant à la réglementa-
tion de l’immigration et à son contrôle par études des liens entre eux
l’État, devrait aussi être élargi de manière à
comprendre : (a) les normes en vigueur dans les Conceptualiser la pauvreté
cellules domestiques des systèmes de subsis- et la responsabilité sociale
tance – en ce qui a trait aux ressources, aux Le progrès qui a été fait dans l’analyse de la
devoirs et à l’admissibilité à la migration ; (b)
pauvreté au cours des deux dernières décennies
les normes adoptées par les organisations de la
a permis de dégager trois façons différentes
société civile qui s’occupent de la prévention et
d’appréhender la pauvreté et le dénuement :
de la réintégration sociale ; (c) les pratiques
revenu et pouvoir d’achat ; capacités, droits et
contractuelles, officielles ou non, adoptées par
dotations ; évaluation des « moyens des
les réseaux sociaux de facilitation. Ceux-là
recouvrent souvent et façonnent les schémas de pauvres », c’est-à-dire de leur capacité à se
la migration, donnant lieu à des régimes de prendre en charge eux-mêmes. Les critiques des
régulation multiples ; celui qui a son origine programmes d’ajustement structurel signalent
dans ce qu’on pourrait appeler « l’entrée que la pauvreté persiste en dépit de la croissance
poussée par la détresse » dégénérera plus vrai- économique, ce qui amène à rejeter le fait de
semblablement en trafic illicite et traite des limiter les mesures contre la pauvreté au revenu
personnes, qui sont dangereux et gros de vio- et au pouvoir d’achat (Saith, 2005). Par la suite,
lences. Il existe un cadre de responsabilité à les recherches sur la pauvreté ayant été refocali-
niveaux multiples, et la sélectivité des sées – au-delà du niveau de revenu et de la pos-
session de biens – elles font mieux ressortir le
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réformes structurelles néolibérales pour ce qui
a trait aux systèmes de prise en charge, aux bien-être humain et peuvent révéler à la fois le
modes de subsistance et à la migration, est un caractère pluridimensionnel de la pauvreté (en
sujet central. tant que réalité vécue) et le rôle que jouent les
Le concept de communauté épistémique ressources non monétaires utilisées par les
introduit par Haas (1992) est utilisé pour appré- pauvres face aux difficultés. Les réactions à la
hender les différentes variantes en matière de crise étant à la fois individuelles et collectives,
conception des migrations et de la traite des per- les différentes façons dont les institutions
sonnes, qui sont propres à des systèmes particu- locales sont capables ou non de prêter leur appui
liers de savoir, de valeurs et de normes. Les aux individus et aux collectivités pour gérer les
oppositions entre dispositions épistémologiques chocs internes et externes sont devenues un
sur la traite des personnes semblent étroitement domaine important d’investigation aux fins de
liées à la manière dont les migrations internatio- comparaison et d’apprentissage.
nales sont expliquées dans le contexte contem- Une démarche axée sur le développement
porain de la mondialisation. En dépit d’une humain est utile pour faire ressortir comment
éthique commune de protection des droits qui l’absence de droits entrave les actions menées
est sous-jacente aux politiques de lutte contre la au service d’une vie qui vaille la peine d’être
traite des personnes, des divergences existent au vécue (Haq, 1994 ; Sen, 1999 ; Nussbaum,
stade opérationnel sur la manière d’atteindre ce 2000). De plus en plus d’ouvrages consacrés à la
but. À cet égard, le concept de « bonnes pra- pauvreté des enfants appellent à accorder plus
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d’attention, dans les études, à la cohésion tion des pauvres est nécessaire, mais les possibi-
sociale historique, à l’intérêt d’un réseau fami- lités de choix qui présentent un intérêt sur le
lial, aux relations communautaires et aux sys- plan social demeurent sujettes à caution, étant
tèmes de soutien. Ceux-ci sont à la base des donné les structures actuelles du pouvoir au
modes de subsistance et du bien-être humain et niveau de la prise de décision dans l’économie
peuvent jouer un rôle dans la réduction de la politique internationale.
pauvreté des enfants et de sa transmission
(Harper et Marcus, 2000). White et coll. (2003, Avantages et ajustement en fonction
p. 380) indiquent que la littérature actuelle en du sexe : qui s’en soucie,
matière de développement consacrée à la qui produit et à quel coût ?
pauvreté souligne l’importance de l’accès
aux services de base, et qu’au macroniveau, Les politiques d’ajustement structurel accordent
actuel et futur, l’épanouissement global des un rôle fondamental au commerce dans la crois-
enfants contribue au développement d’en- sance économique, mais elles sont, dans l’en-
semble, d’un pays. semble, peu attentives aux besoins spécifiques
En dépit du passage à un nouveau modèle d’un pays ou d’un acteur économique en fonc-
d’action – le Document de stratégie pour la tion de sa situation sociale. Cela tend à avan-
réduction de la pauvreté (DSRP), qui se fie désor- tager les personnes qui, du fait de leur position,
mais à des environnements stratégiques qui met- ont déjà des liens importants et ont droit à des
tent au premier plan les questions de droits, de prestations plus étendues. Un réexamen des ten-
ressources et de moyens d’expression (Banque dances de la pauvreté relevées en Afrique subsa-
mondiale, 2002) – le scepticisme reste grand harienne au fil des années 1990, à partir des
quant à la représentation des pauvres et à leur meilleures données relatives aux ménages
aptitude à se prendre en charge eux-mêmes. recueillies à l’issue d’un projet participatif sur
Robinson (2003, p. 26) fait remarquer, par l’évaluation de la pauvreté, confirme que l’accès
exemple, que l’élaboration de stratégies de à la terre et à l’éducation représente un avantage
réduction de la pauvreté en Afrique australe a eu individuel non négligeable, qui aide les ménages
tendance à s’inspirer de principes directeurs à tirer parti de la libéralisation (Christiaensen et
conçus principalement par des experts exté- coll., 2003). Les insuffisances des efforts de
rieurs, les experts locaux étant rarement réduction de la pauvreté sont imputables à l’ab-
consultés. Elle note combien la démarche repo- sence de dotations sociales indispensables. Il
sant sur une croissance favorable aux pauvres, peut s’agir : (a) d’un manque d’infrastructure,
qui est préconisée par les institutions financières d’où la fragmentation des marchés ; (b) d’un
déséquilibre macroéconomique qui, s’ajoutant
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internationales, continue à privilégier l’expan-
sion commerciale sans être suffisamment aux insuffisances institutionnelles, est cause
consciente des plans conçus par les administra- d’une instabilité des politiques ; (c) d’une ges-
tions aux niveaux national, régional et sectoriel. tion des risques insuffisante en matière d’envi-
Ansell et van Blerk (2004) avertissent que le ronnement et de santé, qui exacerbe l’instabilité
souci de « faire face » dans des conditions de sociale. La pauvreté chronique est causée par la
pauvreté liée au VIH/sida « n’implique pas que marginalisation physique – le fait d’être coupé
les actions menées à cette fin aboutissent néces- des centres d’administration, de commerce et
sairement ou n’entraînent aucun coût […] et la d’échange – et par la marginalisation sociale
stratégie ne présume pas la mise en œuvre d’un dans des enclaves urbaines surpeuplées (Banque
plan soigneusement élaboré ». La manière de africaine de développement, 2002 ; Oduro,
« faire face » peut être une autre manière de dire Abena et Aryee, 2003 ; Innocenti Digest, nov.
« la misère, l’exclusion sociale et la marginali- 2002, p. 10). La proximité physique par rapport
sation » (Whiteside, 2002). Là où la migration au centre du pouvoir n’est pas nécessairement
est une stratégie adoptée pour diversifier le synonyme de proximité sociale et économique.
revenu du ménage et améliorer le bien-être per- Un État affaibli qui n’est plus capable d’entre-
sonnel, une action inconsidérée peut déclencher tenir l’infrastructure sociale indispensable à la
une spirale descendante de dénuement lorsqu’il société civile de base risque de laisser la seule
n’y a guère de solutions possibles (de Haan et dynamique du marché tracer la limite entre les
coll., 2002). Mettre l’accent sur la capacité d’ac- enclaves de la richesse et du dénuement.
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L’analyse de la problématique homme-femme utilisation, aménagement de terres) constituent


met en cause le concept de l’économie utilisé un domaine clé, où sexe et pauvreté se recoupent.
dans les programmes d’ajustement structurel, Malgré des différences d’accès à la terre dues à la
car il restreint le domaine d’analyse à des acti- pratique patrilinéaire ou matrilinéaire, les
vités mesurables et à la circulation de biens et femmes sont habituellement détentrices de droits
services monétisés. L’analyse sexospécifique fonciers secondaires. Selon Yngstrom (2002,
retrace non seulement les différentes façons p. 22), les identités sexospécifiques des femmes
dont un ménage réagit à des chocs économiques, (en tant qu’épouses, sœurs, filles, ainsi qu’en tant
mais observe aussi comment la répartition des que chefs de ménage divorcées ou veuves) cor-
tâches à l’intérieur du ménage – conformément respondent à leur propre expérience de la sécurité
aux normes locales en fonction du sexe, de la foncière. La même parcelle de terre peut donner
génération et de l’âge – peut avoir de différentes lieu à des revendications multiples, et l’évolution
manières une incidence sur ses membres. Elson vers un régime de propriété foncière individualisé
(1994, p. 33-45) a été le premier à démontrer que et basé sur le marché peut priver les femmes de
les ensembles de mesures d’ajustement structurel terres si elles sont sous-représentées dans les ins-
prennent pour acquis que le travail non rémunéré tances de décision et ont moins de revendications
et le temps des femmes sont d’une élasticité et de choix quant à la parcelle de terre sur laquelle
infinie. La notion d’efficacité qui est incorporée travailler (Cotula et coll., 2004). La mainmise à
dans ce type de mesures visant la croissance pré- plusieurs niveaux des hommes sur la terre
sume que les femmes représentent une ressource signifie que les agricultrices se heurtent effective-
inépuisable pour compenser les lacunes des ser- ment à de nombreux écueils pour pouvoir créer
vices sociaux dues aux compressions budgé- des entreprises durables, bien qu’elles forment la
taires : de ce fait, les fardeaux de la crise de la colonne vertébrale du secteur agricole de la
dette et de la réforme néolibérale sont répartis région. Le fait de ne pas tenir compte de la com-
inégalement entre les hommes et les femmes plexité des régimes de propriété foncière et de ce
(Chant, 2003). Chant voit le principal mécanisme que les décisions concernant l’utilisation de la
de la transmission des charges dans la rigidité de terre, la division du travail et les cultures sont
la division du travail en fonction des sexes dans basées sur l’appartenance à l’un ou l’autre sexe,
le ménage. La pression qui se fait sentir pour peut se traduire par un évincement progressif des
diversifier les sources du revenu du ménage afin femmes en tant qu’agricultrices autonomes (FAO,
de satisfaire aux besoins de base tend à intensifier 2005). Oduro et Aryee (2003), en faisant observer
la demande de temps de travail que fournissent que ce qui gêne les agriculteurs pauvres, ce sont
les femmes, et les manifestations d’une quel- généralement l’insuffisance du matériel et des
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conque augmentation correspondante de l’am- installations d’entreposage ainsi que les diffi-
pleur ou de la gamme des apports des hommes au cultés d’accès aux marchés et au crédit, confir-
ménage et à sa survie sont la plupart du temps soit ment expressément la marginalisation des
négligeables, soit inexistantes (Chant, 2003). Ce agricultrices en Afrique de l’Ouest par les agents
mécanisme de transmission des charges peut de vulgarisation.
éventuellement se reproduire dans différents Fondés sur le critère du sexe, le titre de pro-
lieux : ménages, exploitations agricoles et mar- priété sur les terres et le droit d’en disposer ne
chés. Un consensus se dessine sur la nécessité de sont pas à leur tour sans effet sur l’autorité dans
considérer l’économie et le ménage comme l’organisation du travail, se traduisant par des
coexistants et interdépendants. Du fait de leur arbitrages dans la répartition du temps et l’assi-
interaction par le biais de hiérarchies sociales gnation des tâches au sein des ménages, souvent
fondées sur le sexe et l’âge, des charges injustes au détriment des femmes et des enfants, des
peuvent incomber à certains groupes, avec des filles en particulier. Dans une étude sur le sec-
conséquences considérables pour une société et teur de la culture du tabac pour l’exportation en
son avenir (Truong, 2000). Afrique australe, on relève que, dans les petites
En Afrique subsaharienne, les avantages exploitations, le travail des enfants est étroite-
fondés sur les liens de parenté et la collectivité ment lié au travail des femmes et aux pointes de
sont importants car les systèmes de prestations la demande saisonnière. Les femmes semblent
relevant de l’État demeurent fragiles et la société moins en mesure d’exiger l’aide de leurs fils que
civile fragmentée. Les droits fonciers (propriété, celle de leurs filles – souvent au détriment de la
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vie scolaire de celles-ci (Eldring et coll., 2000, d’enfants est en réalité une stratégie à court terme
p. 38). Dans les grandes exploitations, outre le en rapport avec la protection et l’amélioration à
travail familial, le travail des enfants existe égale- long terme des moyens de subsistance du
ment sous d’autres formes comme le travail forcé, ménage. Elle constate aussi chez les mères
l’esclavage et le travail bénévole. Les enfants urbaines qui travaillent une tendance croissante à
d’ouvriers agricoles vivent dans leur famille et confier leurs jeunes enfants (âgés de moins de
fournissent un « travail flexible » durant les 6 ans) à une grand-mère ou à d’autres parents
périodes d’activité intense, devenant alors « main- vivant en milieu rural, cette solution étant plus
d’œuvre captive ». En d’autres termes, les sûre et moins coûteuse. En revanche, le place-
hommes recrutent des femmes afin d’augmenter ment concerne habituellement des enfants plus
la production, et les femmes amènent leurs âgés, des filles en particulier, qui contribuent aux
enfants (Eldring et coll., 2000, p. 87-88). tâches ménagères du foyer d’accueil en échange
Dans plusieurs pays de l’Afrique subsaha- de leur entretien, y compris, éventuellement, des
rienne, les activités non agricoles (qu’on appelle frais de scolarité. Ainsworth a relevé le cas de
aussi « secteur informel ») sont, depuis les der- filles placées qui se chargent des tâches ména-
nières décennies, de plus en plus aux mains de gères à la place des mères qui travaillent et peut-
femmes (Lanjouw et Feder, 2000). Des pro- être aussi à la place des propres enfants de la
blèmes de liquidités, la baisse des gains, des famille d’accueil. Des exemples de placement
contraintes foncières et la diminution des envois d’enfants dans la sous-région de l’Afrique aus-
d’argent de l’étranger ont amené les femmes à trale révèlent que « l’accueil généralisé d’enfants
choisir parmi une grande variété de moyens de placés peut être perçu comme une stratégie
subsistance, en fonction des conditions du consciente visant à mettre plus efficacement en
marché local et des avoirs du ménage. Blackden commun la charge des enfants du point de vue de
et Canagarajah (2003) relèvent qu’en 2000, en la disponibilité des ressources, du logement, de la
Afrique subsaharienne, au moins 84 % des présence d’adultes, de l’alimentation et de l’ha-
femmes qui n’avaient pas d’activités agricoles billement » (Moser, 1999, p. 13). Ces stratégies
étaient employées dans le secteur informel, peuvent néanmoins donner lieu à des abus
contre 63 % pour les hommes. Elles occupent la lorsque la pression économique s’accentue, et des
première place dans le commerce de rue (90 %), relations affectives peuvent ainsi se transformer
la vente de productions domestiques (80 %) et le en relations d’exploitation (Andvig et coll.,
travail de sous-traitance à domicile (80 %1). Le 2001 ; Cohen, 2003 ; Dottridge, 2004).
fait de travailler à domicile permet aux femmes
de combiner les tâches ménagères non rémuné- Les droits sexuels revendiqués
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rées avec le travail rémunéré et, dans une situa- par les hommes et la vulnérabilité
tion caractérisée par la concurrence et une des enfants
pénurie de services de base – à laquelle s’ajoute
un environnement où elles ne peuvent pas facile- Les pratiques suivies par des collectivités dont le
ment compter sur les membres directs de la système de santé publique est insuffisant peuvent
famille pour alléger leur charge de travail – la soumettre les femmes et les enfants à un surcroît
nécessité de satisfaire simultanément un double de pressions dans la mesure où ils sont à la fois
besoin (pourvoir à la famille et produire des des sujets à risque et des prestataires de soins. Les
biens) risque vraisemblablement d’intensifier la données provenant de l’Afrique australe, zone la
pratique du placement d’enfants, utilisés comme plus touchée par la pandémie de sida, illustrent la
main-d’œuvre de remplacement 2. pression qui pèse sur les femmes à deux égards :
Le placement d’enfants, en Afrique de (1) les exigences sexuelles de l’homme, (2) les
l’Ouest par exemple, fait partie des échanges tra- soins à dispenser (à soi-même et aux membres de
ditionnels entre les ménages urbains et les la famille qui sont atteints). Due à l’origine au
ménages ruraux de même lignage (Ainsworth, contact sexuel, l’infection de VIH/sida a aussi
1992). D’un côté comme de l’autre (accueil et acquis des causes de nature sociale et écono-
placement des enfants), on estime avoir droit à mique. Les exigences sexuelles de l’homme, liées
des ressources dans les temps difficiles. Ains- à son statut culturel privilégié, ont aggravé les
worth souligne que c’est pratique courante, et risques d’infection encourus par les femmes et les
fait remarquer qu’à travers la région, l’accueil enfants. Des études montrent que ces risques
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viennent au premier chef du fait qu’elles ne peu- de l’infrastructure de la santé due à la discipline
vent pas refuser un rapport sexuel ou se protéger budgétaire) et, en passant par les collectivités,
pendant celui-là, les normes relatives au droit des atteint les ménages qui ont du mal à joindre les
hommes au plaisir n’étant pas négociables, ni deux bouts, étant donné la charge des soins à dis-
dans l’intimité du couple, ni dans le contexte de penser et, en même temps, la réduction des
commerce sexuel (Varga, 1997, Weiss et coll., revenus (due à l’insuffisance du travail des
2000). Avec la propagation du VIH/sida, la crainte adultes). Les ménages touchés par le VIH/sida
de l’infection a amené les hommes à imposer peuvent passer rapidement d’une richesse relative
leurs exigences sexuelles à de jeunes enfants – à la pauvreté relative, ce qui contribue à affaiblir
censés être « propres » (UNICEF, 2003, p. 8). davantage encore le système immunitaire des
Rau fait remarquer dans son étude sur le tra- individus lorsqu’ils s’alimentent mal. Les conclu-
vail des enfants et le sida en Afrique subsaha- sions de Whiteside concordent avec celles de Rau
rienne (2002a, p. 2) que « les filles en particulier sur le rapport mutuel cause-effet entre la pauvreté
– qu’elles aillent à l’école, travaillent comme et le VIH/sida : la pauvreté entraîne la propagation
domestiques, essaient de gagner de l’argent en de la maladie ; la maladie aggrave la pauvreté des
colportant, ou qu’elles se prostituent ouvertement ménages touchés. Whiteside indique, dans une
– sont sujettes à la coercition sexuelle, à la mani- mise en garde, que, si au cours des vingt pre-
pulation et au harcèlement de la part des mières années la charge du VIH/sida s’est foca-
hommes ». Dans les trois pays visés par l’étude lisée au ménage et à la collectivité, il est
de Rau (Zambie, Afrique du Sud et Tanzanie), on vraisemblable qu’à l’avenir la maladie affaiblira
note que la pauvreté force les enfants à quitter les économies nationales, réduisant ainsi la base
l’école pour prendre un travail dans des condi- de ressources dont dispose la société civile pour
tions qui les rendent plus vulnérables au sida et combattre la pandémie.
les expose à l’opprobre qui va avec. Lorsqu’il Poku (2002, p. 538) fait remarquer que les
leur est impossible de faire face aux difficultés programmes d’ajustement structurel ont réduit la
économiques, la prostitution est souvent la seule capacité des gouvernements à agir, observant
possibilité qui leur reste ouverte. qu’« à une époque où, dans certains hôpitaux, le
Dans une autre étude, Rau (2002b) recense nombre d’adultes qui sont atteints de maladies en
quatre ensembles clés de facteurs qui contribuent rapport avec le sida peut atteindre 70 % – ce qui
à la vulnérabilité des enfants, à la fois quant au soumet les services de santé à une pression
sida et quant au travail infantile. Ce sont : (1) les extrême – de nombreux pays africains ont dû pro-
inégalités socioéconomiques, (2) les migrations céder à des coupes sombres dans les dépenses de
de travail et la prostitution dues à la pauvreté, santé afin de satisfaire aux conditions imposées
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(3) l’érosion de la cohésion sociale historique au par le Fonds monétaire international (FMI) et la
sein des communautés et entre elles, (4) les trau- Banque mondiale ». Face à ce que Simms et coll.
matismes d’un développement raté. L’inégalité (2001) appellent « la faillite » des soins de santé,
socioéconomique liée à la sexospécificité se les ménages et les collectivités réagissent à la
reflète dans le fait que le risque d’infection au VIH pression de la maladie selon des modalités qui
est beaucoup plus élevé chez les filles que chez peuvent mettre à mal les normes traditionnelles
les garçons et les hommes, surtout dans les de soutien social.
groupes à faible revenu. Rau insiste sur l’enche- Eldring et coll. (2000, p. 41) font remarquer
vêtrement inextricable de la pauvreté et du genre. qu’au Malawi les orphelins du VIH/sida sont par-
Le groupe le plus sujet à l’infection au VIH est fois asservis à des propriétaires terriens parce que
celui des adolescentes – entre la puberté et le leurs parents utilisent leur travail comme garantie
mariage – qui sont pauvres. Le VIH représente une pour obtenir un prêt ou rembourser une dette. La
grave ponction sur le budget et les avoirs des mort du père ou de la mère peut forcer ces orphe-
ménages, des communautés, des entreprises et, lins à continuer à servir sur l’exploitation afin
partant, des économies nationales. Les migrations d’assurer leur propre subsistance et celle de leur
provoquées par la pauvreté et le VIH/sida sont tour maison. Young et Ansell (2003) montrent que les
à tour cause et effet. ménages touchés par le VIH/sida optent souvent
Whiteside (2002) relève également une pour la migration, avec une logique différente
chaîne causale entre maladie et pauvreté, et selon qu’il s’agit d’adultes ou d’enfants. Les
montre qu’elle part de macrofacteurs (faiblesse migrations des adultes sont une réaction courante
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Gouvernance et pauvreté en Afrique subsaharienne 757

à la nécessité d’accroître le revenu du ménage Migrations et traite


dans la gêne, alors que les migrations d’enfants des êtres humains
qui quittent des ménages touchés par le VIH/sida
pour aller chez des parents non contaminés sont
en Afrique subsaharienne :
souvent une stratégie d’adaptation pour subvenir choix imposé, crime
à leurs propres besoins matériels, étant donné la ou (in)efficacité économique ?
forte réduction des ressources (temps, travail,
budget). Les migrations d’enfants venant de De récentes inquiétudes relatives à la traite
ménages non atteints peuvent aussi être liées aux des êtres humains en Afrique subsaharienne ainsi
besoins de parents atteints de la maladie : dans ce que les efforts faits pour définir ce phénomène –
cas ils y vont pour s’occuper d’eux et compenser souvent dénommé « nouvel esclavage » – comme
l’insuffisance de main-d’œuvre de travail (Ansell une forme nouvelle de mobilité humaine, ont sus-
et Blerk, 2004). cité une vive controverse en raison de la diversité
Le nouveau phénomène qu’est la migration des optiques qu’on peut adopter pour l’étudier
autonome de jeunes gens et d’enfants (garçons et (van Gaalen, 2003). Les données recueillies jus-
filles) qui se déplacent sur de grandes distances qu’à présent mettent au jour des liens, évidents à
pour trouver du travail, pour se faire soigner eux- divers stades, qui existent entre, d’une part,
mêmes ou pour s’occuper d’adultes malades, est migrations et traite et, de l’autre, des phénomènes
un symptôme clair de détresse sociale. C’est peut- sociaux plus généraux. Il en résulte soit des per-
être aussi davantage qu’un moyen temporaire de turbations dans les modes de subsistance (comme
joindre les deux bouts ; il pourrait même mettre en dans le cas des conflits armés), soit une érosion
péril la voie à long terme empruntée pour sortir de progressive de leur durabilité (lorsqu’il y a crise
la stagnation, et le rétablissement futur de la écologique ou que des réformes institutionnelles
région. Tandis que la libéralisation gagne du ter- n’ont pas abouti).
rain, une pression considérable s’exerce sur les Dottridge (2004, p. 84) fait remarquer que,
échanges traditionnels, dont les normes se sont du côté de l’offre, en Afrique de l’Ouest et du
modifiées en conséquence. Les familles à faible Centre la vulnérabilité des femmes et des enfants
revenu, à court de ressources, ont recours à la pra- à cette nouvelle traite tient non seulement à des
tique courante du « placement ou de l’accueil des facteurs tels que les formes de prise de décision
enfants » afin de faire face temporairement à la au sein du ménage et la « tolérance » tacite par le
situation. La pratique acquiert ainsi des caractéris- grand public des mécanismes de traite, mais aussi
tiques structurelles associées à la charge du travail, à des attitudes pernicieuses à l’égard des victimes
à la dette et à la crise, notamment le déplacement de la traite – attitudes dictées par des valeurs
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sur de plus grandes distances – en particulier sociales et culturelles de stigmatisation. Veil
quand les ménages ont épuisé les options du (1999, dans Adepoju, 2005, p. 77) distingue six
moment en matière de subsistance. La transforma- processus différents qui peuvent dégénérer en
tion des règles locales en matière d’avantages traite d’êtres humains. L’enlèvement pur et
(définis en fonction d’identités sociales) sous simple mis à part, on peut citer le cas des parents
l’effet des forces du marché, et son impact sur les qui, parce qu’ils sont pauvres, vendent leurs
manières de « s’adapter à la situation » choisies enfants – et à qui on a promis, du reste, que leurs
par les individus et les ménages au microniveau, enfants seraient bien traités. Il y a des « place-
peuvent avoir des effets destructeurs au macroni- ments » pour une période de temps spécifiée, en
veau. Les politiques visant à redresser les situa- échange d’une somme symbolique ou de
tions de pauvreté auraient tout à gagner d’une cadeaux. Des enfants sont « asservis » pour rem-
meilleure compréhension de ces mécanismes bourser une dette contractée par les parents. Il y a
d’adaptation et de l’intérêt qu’ils présentent en tant l’inscription sur les listes d’une agence de recru-
que transfert des charges pouvant contribuer à tement pour des travaux domestiques : les parents
inverser les tendances. Une interprétation du versent alors des honoraires à l’agence. Des
couple sexe-pauvreté, attentive aux contextes cul- honoraires sont également versés à des agences
turel et politique, et doublée de la conscience de ce qui sont censées inscrire les enfants dans une
qu’il implique pour les générations futures, repré- école ou à un cours de formation professionnelle,
senterait un pas en avant dans l’évaluation de la mais qui, en fait, les placent comme domestiques.
pauvreté et dans les efforts pour la réduire. Dans de nombreux cas, le « consentement » des
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758 Thanh-Dam Truong

enfants a été obtenu avant que l’enfant en ques- pour aider aux tâches ménagères, la préférence
tion ne parte avec l’agent recruteur, lequel peut allant à l’éducation des garçons. Les règles suc-
être un parent ou une personne qui a gagné la cessorales en matière foncière tendent à exclure
« confiance » du père, de la mère et de la famille. les femmes et les filles : les (jeunes) femmes doi-
Parfois, il n’y a pas d’autre solution que de faire vent donc se marier et quitter leur famille et leur
confiance à cette personne et d’espérer que les milieu familial, et le mariage exige un trousseau.
enfants jouiront d’un meilleur sort (Anti-Slavery Ces pratiques restreignent les choix offerts aux
International Report, 2001). jeunes femmes quant à leur avenir, et peuvent les
L’argument selon lequel il s’agirait d’un sys- contraindre à accepter d’être placées « pour tra-
tème « traditionnel » d’éducation des enfants vailler » loin de chez elles, s’il n’existe pas, sur
visant à leur apprendre à être indépendants et à place, de possibilité de se constituer un trousseau
les initier au monde du travail – et qui n’aurait ou de se marier. La traite des femmes et des
rien à voir avec la traite d’êtres humains – a sus- enfants est donc étroitement liée à l’absence de
cité de vifs débats. Les gouvernements nationaux solutions locales qui permettent de respecter les
maintiennent une distinction entre le placement normes sociales.
ou l’accueil d’enfants, d’une part, et la migration Des aspects contextuels de la vulnérabilité
saisonnière traditionnelle, de l’autre, laquelle des enfants (tel le fait d’appartenir à un groupe
relie l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ethnique marginal, à une caste inférieure, ou à
depuis des générations. La tradition qui consiste- une famille à problèmes, frappée par la guerre ou
rait à « placer » l’enfant, à l’« accueillir », à le une catastrophe naturelle) a sans doute été en
« confier » ou à le « socialiser », a été diverse- partie à l’origine de demandes particulières de
ment décrite comme circonscrite aux seules travail des enfants dans une large gamme de
vacances scolaires et pour des raisons variées – métiers, à l’intérieur de la région (Boonpala et
notamment, pour aider l’enfant à vivre en société Kane, 2002). Les enfants sont engagés dans des
et à acquérir des compétences utiles dans la vie conditions d’exploitation, notamment pour être
quotidienne, pour rembourser des dettes, pour prostitués, servir de domestiques, être enrôlés
préparer l’enfant au mariage, ou pour prouver comme soldats dans un conflit armé, travailler
qu’il peut vivre indépendamment. Anti-Slavery dans le secteur des services tels les bars et restau-
International (2003, p. 1) fait remarquer que ce rants ; ou être affectés à des tâches dangereuses,
système d’éducation traditionnel des enfants, qui dans des usines, des mines, sur des chantiers,
consiste à les initier au travail, a dégénéré en tran- dans l’agriculture ou la pêche ; sans parler de la
saction commerciale, laquelle, à son tour, a mendicité. L’exploitation d’enfants victimes de
abouti à une traite d’enfants entre les villages et trafic peut se faire progressivement. Ceux que
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les zones urbaines, ainsi qu’entre pays, à l’inté- l’on emmène travailler dans des usines urbaines,
rieur de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Recon- comme domestiques ou dans des restaurants, peu-
naissant que le fait de placer des enfants chez des vent par la suite être forcés à se prostituer. Les
personnes ayant avec eux des liens de parenté, victimes du trafic aux fins de la prostitution peu-
dans des ménages plus aisés, pour qu’ils y vivent vent éventuellement être revendues plus d’une
et travaillent, est une pratique établie de longue fois (OIT-IPEC, 2001).
date, certains auteurs relèvent que la traite trans- Un rapport récent établi à la demande de
frontalière a augmenté considérablement pendant l’Agence danoise pour le développement interna-
les années 1980, et que les années 1990 ont vu tional (DANIDA) au Ghana constate que près des
une intensification du mouvement de personnes deux tiers des enfants (des deux sexes) faisant
en provenance de zones appauvries vers des l’objet de la traite travaillent dans le secteur de la
zones relativement plus aisées du Gabon, du sud- pêche : la plupart des garçons, en qualité de
ouest du Nigéria et du sud de la Côte d’Ivoire, où pêcheurs ou d’aides ; les filles, à la fumaison et à
la demande de main-d’œuvre infantile était plus la vente du poisson (Tengey et Oguaah, 2002).
forte (Dottridge, 2002, p. 39). L’Organisation internationale pour les migrations
Dottridge (2002) signale certaines pratiques (OIM) affirme qu’elle a jusqu’à présent sauvé plus
sexospécifiques traditionnelles qui concourent à d’une centaine d’enfants vendus comme tra-
l’aggravation de la traite des jeunes femmes. La vailleurs asservis chez des pêcheurs de Yeji, sur
discrimination sexuelle en matière de dépenses la rive nord du lac Volta. Pour lutter contre les tra-
de scolarité tend à retenir les filles à la maison fiquants au sein des communautés de pêcheurs,
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l’OIM au Ghana a commencé par immatriculer les tègent pendant le voyage. Les conclusions per-
travailleurs enfants, et a engagé, sur une base mettent de penser qu’il pourrait être difficile,
ponctuelle, des négociations avec des pêcheurs lorsqu’on élabore des mesures législatives, de
connus comme employeurs d’enfants. Il a été distinguer un trafiquant qui a l’intention d’ex-
convenu que l’OIM dispenserait une formation et ploiter les enfants, d’un intermédiaire morale-
fournirait du matériel moderne de pêche et, qu’en ment sain, qui aide le jeune migrant à trouver du
échange, les enfants seraient réunis avec leur travail et un logement.
famille de manière durable – ce qui aide à réduire Les renseignements sur l’Afrique australe
la demande 3. Un certain nombre d’études rela- actuellement disponibles donnent à penser que
tives aux pêcheries côtières du Ghana font appa- les deux sortes de traite, à l’intérieur d’un pays et
raître aussi un lien avec l’évolution de la à travers les frontières, s’y pratiquent l’une et
dynamique dans ce secteur, où l’on est en train de l’autre, et Molo Songololo (2000) estime que les
passer de la pêche côtière à la pêche à l’intérieur conditions socioéconomiques constituent aussi
des terres. La course à des ressources en voie un problème fondamental. La situation écono-
d’épuisement peut avoir mené à un recours inten- mique médiocre des personnes faisant l’objet de
sifié à la main-d’œuvre infantile pour réduire les la traite, la désintégration des familles – souvent
coûts (Golo, 2005). accompagnée de changements d’attitudes et de
Riisøen et coll. (2004) jettent un jour nou- pratiques culturelles – et la forte demande de rap-
veau sur ce qui se passe à l’intersection entre la ports sexuels avec des enfants, sont de toute évi-
migration et la traite des enfants. Leurs conclu- dence les facteurs principaux à l’origine de
sions semblent montrer que la vulnérabilité des l’augmentation du trafic à des fins d’exploitation
enfants découle souvent du traitement qu’ils sexuelle à l’intérieur du territoire national. Les
subissent dans la famille d’accueil, qui les tient données recueillies font apparaître que le trafic
entièrement sous sa coupe. Les arrangements tra- des enfants se fait surtout à l’intérieur de leur
ditionnels en matière de placement et d’accueil pays d’origine, et que les trafiquants sont issus de
d’enfants permettent de contourner les normes de la population locale, mais que, lorsqu’il y a mou-
responsabilité à l’égard des enfants, à tel point vement transfrontalier, les trafiquants sont des
que ceux-là sont exposés à l’exploitation et ris- étrangers, appartenant à des organisations crimi-
quent davantage d’être la cible des réseaux de nelles. Les deux sexes sont l’un et l’autre visés,
traite. Le placement à l’intérieur de systèmes mais les filles risquent davantage d’être amenées
élargis de parenté peut peser sur les familles aux à émigrer et d’être entraînées dans l’industrie du
prises avec des difficultés économiques, qui se sexe. Le rapport fait état de cas de recrutement
dérobent à leurs responsabilités, et même dans l’industrie du sexe par le biais des journaux,
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envoient l’enfant travailler au loin. Les enfants « les jeunes femmes étant ensuite subrepticement
peuvent aussi être entraînés par la ruse dans des poussées, du fait des dettes qui les lient, à faire du
arrangements de ce type, mais s’en dégager, s’ils strip-tease, à consentir à avoir des rapports
le peuvent, afin de réaliser leur objectif, qui est de sexuels avec les clients de certains établissements
s’instruire, et à leur propre compte. La recherche ou à jouer dans des films pornographiques ». Un
menée par le Centre for Population Studies de lien net entre le tourisme et le trafic sexuel des
Londres (Busza et coll., 2004) sur les enfants filles apparaît lorsqu’on interroge des touristes
migrants au Mali montre que des filles et des gar- sexuels – des hommes qui recherchent active-
çons perçoivent leur propre migration comme un ment des filles jeunes. Les garçons tendent à être
rite de passage présentant un intérêt culturel et des migrants volontaires qui ont recours à la pros-
financier, et non comme une mauvaise expé- titution homosexuelle pour survivre (Molo Son-
rience dans laquelle ils auraient été trompés ou gololo, 2000).
exploités. L’étude constate que les enfants qui ont Martens et coll. (2003) citent des cas de
quitté leur domicile de leur propre initiative, et traite transfrontalière, relevés par Anti-Slavery,
qui, selon leurs dires, ont été rendus ensuite, entre le Mozambique et l’Afrique du Sud, et rap-
contre leur gré, à leur famille par des organisa- portent d’autres cas de traite de réfugiés, en pro-
tions non gouvernementales, et placés dans des venance de l’Angola et de la région des Grands
centres de réinsertion, prennent de nouveau le Lacs – parfois plus au nord – vers l’Afrique du
large. Ils ont tendance à considérer les intermé- Sud. Il est fait état également de traite d’enfants
diaires comme des « agents actifs » qui les pro- du Lesotho, du Mozambique et du Malawi
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760 Thanh-Dam Truong

emmenés en Afrique du Sud. Il ressort de ces ren- concerne l’apprentissage – d’un apprentissage
seignements que l’Afrique du Sud est un pays reçu d’en haut, on passerait à une forme plus
d’origine et de transit, et en même temps, une « horizontale », selon laquelle on acquerrait un
destination importante. Sont aussi cités des cas de savoir en expérimentant et en partant du vécu
traite intercontinentale de jeunes femmes vers quotidien, sur le terrain. Ce changement a des
l’Afrique du Sud – en provenance de Russie, incidences importantes sur le plan épistémolo-
d’Europe de l’Est, de Thaïlande, de Chine et de gique. Une « bonne pratique » est la résultante de
Taiwan – et dans laquelle sont impliquées des l’interaction entre les organismes et les règles
organisations criminelles basées au Mozambique, gouvernant tel ou tel domaine de décision, et les
en Europe de l’Est et en Thaïlande. Le trafic en lieux d’application. On ne peut écarter ni les
Afrique du Sud semble en outre avoir un lien caractéristiques administratives des organismes
avec l’industrie mondiale du sexe. chargés de la mise en œuvre, ni la culture qui leur
Depuis quelques années, la lutte contre la est propre. Dans ces conditions, l’évaluation
traite des personnes a apporté une somme de d’une « bonne pratique » ne saurait s’arrêter au
connaissances « polyphonique », qui remet en seul niveau des techniques et outils purs et
question toute définition normalisée de la traite des simples dont l’efficacité a été démontrée. Elle
personnes. Les données recueillies font apparaître exige que l’on comprenne le terrain d’application
qu’il existe un continuum d’options, soumises à sociopolitique, et la manière dont il influe sur les
des contraintes variant selon les circonstances. Il y hypothèses normatives et normes d’évaluation.
a un décalage évident entre les préoccupations Derrière chaque pratique et sa diffusion, il existe
juridiques relatives aux violations des droits deux systèmes de connaissances, ou davantage,
humains, et l’univers social de la migration, où ces qui ne partagent pas nécessairement les mêmes
violations peuvent se prêter à des interprétations convictions et les mêmes valeurs.
plurielles et contradictoires. En tant que phéno- La notion de « communauté épistémique »,
mène social, la migration passe par un ensemble introduite par Haas, et son rôle dans l’action
complexe d’institutions qui, ensemble, constituent coopérative internationale, peut être utile aux
un circuit de transfert de la main-d’œuvre. Son analyses des « bonnes pratiques ». Une commu-
intersection avec la traite des personnes et les pra- nauté épistémique est une entité qui s’articule
tiques dans ce domaine sont au premier chef fonc- autour d’une communauté de convictions, de
tion de la vulnérabilité des migrants, des gains conceptions de ce qui est valide, et d’initiatives.
réalisés, des agents organisateurs et des Les communautés épistémiques véhiculent les
employeurs. Des analyses sectorielles peuvent être connaissances scientifiques vers le champ de
utiles pour révéler quels changements structurels – décision, et agissent comme « voies par les-
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dans la production ou les débouchés du marché – quelles les idées nouvelles circulent, des sociétés
peuvent, ou non, intensifier le recours au travail vers les pouvoirs publics, ainsi que de pays à
rémunéré ou non rémunéré, au placement d’en- pays » (Haas, 1992, p. 27). Du fait des connais-
fants ou à leur trafic. La pauvreté entre clairement sances qu’elles détiennent, les communautés
en compte dans la décision de migrer ; mais on épistémiques sont en mesure de pénétrer les
peut déduire en même temps de certaines autres ministères et de faire en sorte que leurs idées
données que les préférences individuelles et l’évo- soient partie intégrante des politiques. Haas sou-
lution des modes de vie entrent aussi en jeu. La tient que les communautés épistémiques ne fonc-
prudence s’impose néanmoins lorsqu’on met en tionnent que dans les domaines où la « science »
exergue les facteurs « culturels » de la migration, est importante, d’où le scepticisme quant à leur
car cela risquerait de reléguer à l’arrière-plan des existence dans celui des droits humains (4).
forces matérielles puissantes qui sont sous- Notre analyse nous amène à penser que l’on
jacentes à la pauvreté et au dénuement. devrait élargir le concept de « science » de
manière à valider les apports des sciences
Bonnes pratiques et humaines et sociales à la praxis des droits
communautés épistémiques humains – portant à la fois sur ses fondements
éthiques, sur la législation ainsi que sur l’étude
Les débats sur les bonnes pratiques de lutte de son application. Amartya Sen (2004, p. 354-
contre la traite des personnes peuvent tirer leur 356) définit les droits humains comme « des
origine d’un changement de focalisation en ce qui déclarations d’éthique sociale, susceptibles
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d’être soutenues par un raisonnement public les divergences entre les systèmes juridiques
ouvert, qui peuvent éventuellement se traduire nationaux et à établir des normes permettant aux
par un cadre législatif, sous la forme d’une législations nationales de lutter contre la crimina-
« législation spécifique relative aux droits lité organisée (voir OIM 2004). Depuis l’adoption
humains », et qui recouvrent une gamme étendue en 2000 d’une définition, l’examen de la question
d’activités, notamment la reconnaissance, le de la traite est devenu plus facile sans pour autant
débat et la surveillance publics. En tant que pro- cesser de prêter à la controverse. La nature de la
blèmes transfrontaliers, la migration et la traite traite en Afrique subsaharienne, telle qu’elle a été
font intervenir des formes de savoir et des orga- décrite plus haut, ne cadre pas tout à fait avec la
nismes variés à l’échelon mondial et local qui définition internationale. Celle-ci est fondée sur
nécessitent des négociations portant sur des le modèle de la traite transnationale – qui est
conceptions du monde, des cadres moraux et le imputée à la présence de réseaux étendus de cri-
souci de protéger les droits humains en tant que minalité organisée – alors qu’à part quelques
projet commun. La diversité exige une démarche exceptions, la traite en Afrique subsaharienne se
à l’égard de la morale qui soit capable d’englober confond souvent avec la migration qui se fait par
les principes méthodologiques de la relation l’intermédiaire de petits réseaux de type familial,
réflexive et de la communication dialogique, et et pas toujours à travers les frontières. Une
qui fasse place dans la pensée morale au souci démarche tournée vers la criminalisation revien-
d’autrui, afin d’aider à concrétiser des « droits » drait à pénaliser la collectivité tout entière.
situés et contextuellement signifiants pour les De nombreuses organisations internatio-
personnes qui ont besoin d’être protégées nales se sont fait une définition de travail de la
(Gasper and Truong, 2005). traite et une conception des circonstances qui en
sont le soubassement en combinant le Protocole
Élaboration de cadres juridiques relatif à la traite avec d’autres accords et conven-
pour la gestion de la migration tions apparentés, à savoir : (1) la Convention de
1930 de l’OIT concernant le travail forcé ou obli-
À l’heure actuelle, la migration est gérée au gatoire (n° 29), (2) la Convention de 1979 des
niveau de l’État sur une base sélective au titre de Nations Unies sur l’élimination de toutes les
trois conventions internationales, à savoir : (1) le formes de discrimination à l’égard des femmes,
Protocole additionnel à la Convention des (3) la Convention des Nations Unies de 1989
Nations Unies contre la criminalité transnationale relative aux droits de l’enfant et son supplément,
organisée visant à prévenir, réprimer et punir la la Convention de 1999 de l’OIT sur les pires
traite des personnes, en particulier des femmes et formes de travail des enfants (n° 182). La
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des enfants, signé en 2000 (ci-après dénommé Convention des Nations Unies relative aux droits
Protocole relatif à la traite), (2) la Convention de l’enfant est la plus universellement acceptée,
internationale sur la protection des droits de tous et celle qui a recueilli le nombre le plus élevé de
les travailleurs migrants et des membres de leur ratifications d’États membres. Elle reconnaît les
famille (ci-après Convention des Nations Unies droits de l’enfant et les normes auxquelles tous
sur les droits des migrants), (3) le Mode 4 de les gouvernements doivent aspirer pour garantir
l’Accord général sur le commerce des services l’exercice de ces droits. Les droits humains fon-
(AGCS) (ci-après AGCS Mode 4). La force relative damentaux qui sont reconnus à tous les enfants,
de ces trois conventions est fonction de ce qui est où qu’ils soient, sont les suivants : droit à la
le plus largement répandu en matière d’économie survie, à un développement plein et harmonieux,
politique internationale et des différents intérêts à la protection contre des influences nocives, la
qui contribuent à la régulation de la mobilité maltraitance et l’exploitation, et à une pleine par-
humaine. ticipation à la vie familiale, culturelle et sociale.
La nécessité d’adopter une définition inter- La Convention comporte le droit de l’enfant à la
nationalement admise de la traite des êtres protection contre la traite ou l’exploitation. Deux
humains a amené à la fin des années 1990 à faire protocoles facultatifs à la Convention ont été
une synthèse des diverses manières d’appré- adoptés afin de renforcer ses dispositions rela-
hender ce crime en vue de le combattre plus effi- tives à des domaines particuliers, (a) la prostitu-
cacement. Le protocole contient une définition tion infantile et la pornographie infantile, (b)
internationalement contraignante visant à effacer l’implication des enfants dans les conflits armés
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762 Thanh-Dam Truong

et la vente d’enfants. Ils sont entrés en vigueur en découlant des tendances démographiques
janvier et février 2002, respectivement. actuelles, auxquelles s’ajoutent des déficits struc-
La Convention des Nations Unies sur les turels dans des secteurs déterminés, tels les tech-
droits des migrants repose sur le principe de l’in- nologies de l’information, les soins de santé, et le
divisibilité des droits (civils, politiques, socioéco- travail domestique (OIM, Banque mondiale, OMC,
nomiques et culturels). Elle est entrée en vigueur 2004). Tant que les questions de régulation n’au-
en juillet 2003, le nombre minimal requis de rati- ront pas trouvé une solution satisfaisante, dans les
fications ayant été atteint après le dépôt de ratifi- secteurs exclus de la négociation, les travailleurs
cations par 20 pays, en plus des dix pays qui migrants resteront à la merci des formes irrégu-
avaient signé la Convention. Les articles 10 et 11 lières de déplacements et des pratiques sauvages
contiennent des dispositions relatives à la préven- de ceux qui les organisent.
tion et à la répression de la traite des êtres Le climat international a influé sur les
humains. En septembre 2005, le nombre total de réformes législatives en Afrique de l’Ouest et du
33 ratifications et de 15 signatures par les États Centre pendant la dernière décennie. La Plate-
membres des Nations Unies avait été atteint. Sur forme commune d’action de Libreville de la
ce total, on comptait 12 ratifications et 8 signa- Consultation sous-régionale sur le développe-
tures de pays africains. La plupart des pays qui ont ment de stratégies de lutte contre le trafic d’en-
ratifié la Convention appartiennent au groupe à fants aux fins d’exploitation de leur travail a été
faible revenu et sont les pays d’origine de quelque signée en l’an 2000 par 21 pays de l’Afrique de
4,5 millions de migrants (2,6 % du total mondial l’Ouest et du Centre (sous les auspices de
des migrations). Les principaux pays d’accueil de l’UNICEF et de l’OIT, et avec le concours du Gou-
migrants situés dans les régions à revenu élevé – vernement gabonais). Elle a été suivie d’une
telles l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord Déclaration d’action contre la traite, adoptée par
– n’ont pas ratifié la Convention, même s’ils la Communauté économique des États de
accueillent la majorité des travailleurs migrants l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et par l’approba-
(près de 100 millions sur un total de 175). tion du Plan d’action de la CEDEAO à Dakar par
D’autres pays d’accueil importants – Inde, Japon, 15 États membres.
Singapour, Malaisie, Australie et États du Golfe – L’engagement des gouvernements à lutter
n’ont pas ratifié la Convention non plus. contre la traite est visible dans plusieurs
L’AGCS Mode 4 n’a pas été conçu comme domaines : campagnes de mobilisation et de sen-
dispositif de gestion de la migration, ses disposi- sibilisation, création de mécanismes juridiques et
tions étant limitées à la circulation des personnes institutionnels appropriés pour combattre la traite
« physiques », par opposition aux personnes des enfants, amélioration des soins apportés aux
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« morales » que sont par exemple les entreprises. enfants victimes de la traite, surveillance du
Les personnes physiques sont définies comme nombre d’enfants victimes de la traite par le biais
fournisseurs de services et en principe devraient de la collecte de données de recherches (nou-
inclure tous les niveaux de qualification, mais velles), renforcement de la coopération intergou-
l’engagement des pays importateurs de main- vernementale et interministérielle. Les divers
d’œuvre au titre de la Convention s’est dans une plans d’action permettent de penser qu’il y a eu
grande mesure limité au secteur des entreprises renforcement de la coopération entre les États
caractérisé par un niveau élevé de qualification dans le domaine de la législation et de la justice.
(par exemple le personnel transféré à l’intérieur Plusieurs pays ont signé des accords bilatéraux.
d’une entreprise, les personnes en voyage d’af- En 1996, un accord a été signé entre le Ghana, le
faires, les consultants, ou les fournisseurs de Togo, le Bénin et le Nigéria. Une commission
contrats) (Young et Hoppe, 2003). L’AGCS nationale axée sur la traite des enfants entre le
Mode 4 ne précise pas la durée du séjour, mais Mali et la Côte d’Ivoire a été mise sur pied. Le
ses dispositions s’appliquent à la circulation tem- Togo et le Bénin ont signé un accord de coopéra-
poraire et excluent la migration permanente. tion en matière de réinsertion des enfants vic-
L’application du Mode 4 ne concerne pas la hié- times de la traite (OIT-IPEC, 2001, p. 39).
rarchie des relations professionnelles dans le sec- À l’intérieur de l’Afrique de l’Ouest, des change-
teur des services. Mais des pourparlers sont en ments concrets ont été constatés au Togo, au
cours du fait du besoin croissant de travailleurs Mali, au Cameroun et au Bénin (qui ont adopté en
étrangers dans les régions à revenu élevé – besoin 1995 une législation réglementant les déplace-
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Gouvernance et pauvreté en Afrique subsaharienne 763

ments des enfants âgés de moins de 14 ans). Au téger les droits des personnes victimes de la traite
Burkina Faso, l’Assemblée nationale a adopté en et ont favorisé la collaboration entre différentes
mai 2003 une loi qui définit la traite des enfants organisations pour mettre en œuvre les conven-
et prévoit des peines de prison ou des amendes tions internationales protégeant les droits de ces
pour les trafiquants. Le Togo n’a pas de loi visant personnes. Les institutions spécialisées du sys-
expressément la traite, mais utilise des lois paral- tème des Nations Unies étant aussi les filières par
lèles pour poursuivre en justice les trafiquants. lesquelles les idées nouvelles circulent de pays à
Toutefois, la coordination reste malheureusement pays et façonnent les pratiques locales, elles agis-
insuffisante, et la faiblesse des engagements bud- sent également en tant que communauté épisté-
gétaires nationaux et régionaux compromet la mique qui trace les voies de la coopération
mise en œuvre de ces plans bien intentionnés 5. internationale. Des organisations telles que Anti-
La plupart des pays d’Afrique australe se Slavery International, Coalition Against the Traf-
placent dans l’optique du caractère illégal de ficking in Women (CATW), Global Alliance
l’immigration – qui tend à criminaliser la victime Against Trafficking in Women (GATW), Human
de la traite et non le trafiquant. En Afrique du Rights Watch (HRW), Amnesty International (AI)
Sud, la législation nationale contient plusieurs et End Child Prostitution, Child Pornography
articles applicables à la poursuite des trafiquants, and Trafficking of Children for Sexual Purposes
mais ils ne visent pas expressément la traite des (ECPAT) ont joué un rôle catalyseur en préparant le
personnes (par exemple les lois sur les infractions terrain pour amener les gouvernements à
contre les mœurs, sur les enfants, sur les soins à admettre que la traite des personnes est un pro-
donner aux enfants, et certaines dispositions de la blème mondial. Toutefois, les instances de déci-
loi pénale). L’Afrique du Sud est en train de sion tendent à regarder certains groupes de
réformer sa législation nationale afin de mettre pression comme plus « politiquement corrects »
son système juridique en conformité avec le Pro- que d’autres et sont de ce fait davantage enclines
tocole des Nations Unies. Un projet de loi relatif à leur conférer une autorité intellectuelle.
à la traite des personnes a été déposé. Ainsi, la CATW tire son influence de la posi-
Les migrations protégées qui concernent le tion abolitionniste que partagent de nombreux
commerce de services continuent à placer les gouvernements. En revanche, la GATW n’admet
pays d’Afrique subsaharienne devant des choix pas les mesures répressives dans les campagnes
difficiles. L’AGCS Mode 4 est le seul cadre dans contre la traite et préconise des modifications
lequel ces pays peuvent tirer parti des négocia- d’un processus de réinsertion qui peut être res-
tions de l’OMC, car il pourrait les aider à créer des senti comme une sanction apportée au travail
emplois et à assurer la protection de leurs ressor- sexuel ; c’est pourquoi sa démarche est perçue
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tissants à l’étranger. Les ministres du commerce comme discutable. Le rejet de l’expression « tra-
sont favorables à une extension des engagements vail sexuel » et l’utilisation insistante du mot
aux emplois semi-qualifiés ou peu qualifiés « prostitution », et des expressions « personne
(ouvriers du bâtiment, personnel de soins à domi- prostituée » et « usager » dans le récent Rapport
cile logé sur place), mais en échange ils risquent du rapporteur spécial indiquent clairement qu’un
aussi d’être amenés à accepter des concessions débat important est malheureusement en train de
dans le sens d’une plus grande libéralisation des prendre fin (Commission des droits de l’homme,
services, ce qui déboucherait au bout du compte 2006). En matière de prostitution, le mouvement
sur une privatisation généralisée des services féministe s’est montré très conscient de la stig-
publics dans des secteurs comme la distribution matisation sociale liée au terme « prostitution » et
d’énergie ou d’eau, l’enseignement, etc. de ses effets sur la réinsertion et l’intégration
sociale. Des notions telles que « travail
Jeter un pont entre le monde législatif sexuel », « commerce du sexe » ont été propo-
et le monde social : « Un homme sées, non seulement pour éliminer une stigmati-
qui a un marteau, tout lui semble clou 6 » sation destructrice attachée à une identité sociale,
mais aussi pour offrir des points de repère per-
Tous les organismes des Nations Unies, en colla- mettant de déterminer comment l’hégémonie
boration avec les organisations de la société masculine peut agir dans une économie de
civile, ont fait campagne en faveur d’un renforce- marché par des chemins qui font de la sexualité,
ment de la législation et de la répression pour pro- rapport intime, un travail sur le marché mondial.
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764 Thanh-Dam Truong

Il n’est pas possible de dépister les mécanismes adopté, (2) il place la traite sous l’angle judiciaire
d’« exploitation » (et, partant, de les renverser) et pénal, reconnaissant ainsi la part active de la
ou de prendre en compte une part plus étendue de criminalité organisée dans le recrutement, le
responsabilité sociale dans le commerce du sexe transfert et l’exploitation des personnes, (3) il
à moins que la constitution sociale d’une caté- situe dans une optique mondiale ou transnatio-
gorie de « travailleurs du sexe » ne soit pleine- nale l’étude des composantes criminelles de la
ment comprise. Au lieu de séparer les problèmes traite des personnes. La loi que le Gouvernement
relatifs aux droits humains des problèmes relatifs des États-Unis a fait voter en 2000 sur la protec-
au marché, les analyses féministes ont souligné tion des victimes de la traite et de la violence a un
avec force comment le comportement mercantile rapport étroit avec la démarche de l’ONUNDC 7.
pouvait fragiliser les systèmes de protection Les pays classés à l’échelon 3 risquent de voir les
sociale et les droits de groupes sociaux particu- États-Unis s’opposer à ce qu’une aide leur soit
liers, et, de ce fait, structurer les contraintes de accordée par les institutions financières interna-
choix de telle manière que des personnes vulné- tionales, en particulier par le Fonds monétaire
rables soient poussées vers l’industrie du sexe international et les banques multilatérales de
(Truong, 2003). développement, telle que la Banque mondiale
Un enjeu commun à toutes les organisations (exception faite de l’aide humanitaire, de l’aide
travaillant avec les immigrés clandestins est de commerciale et, dans une certaine mesure, de
savoir comment empêcher les États de se dérober l’aide au développement). À la loi est joint en
à leurs obligations quant à la protection des droits appendice un système de classement à trois éche-
humains tout en respectant le principe de la sou- lons adopté dans le rapport annuel (établi depuis
veraineté de l’État. En dépit de la position com- 2001) et visant à « encourager » les gouverne-
mune, qui consiste à voir dans la traite des êtres ments du monde à en tenir compte. Ce système
humains une atteinte à la dignité humaine et à permet de déterminer dans quelle mesure un gou-
approuver la protection des droits des personnes vernement satisfait à un ensemble de critères
qui en sont victimes, des divergences de fond per- minimaux fixés par le Département d’État des
sistent quant aux approches pratiques. Le thème États-Unis. L’échelon 1 signifie respect intégral
des droits humains a été présenté sous différents de ces critères ; les échelons 2 et 3 indiquent dif-
angles, comme on peut le constater en voyant ce férents degrés de non-conformité. Depuis 2004,
que des organisations disent d’elles-mêmes sur le classement selon ces échelons est associé à des
leur site Internet et dans leurs documents offi- amendes ou sanctions que les États-Unis peuvent
ciels. Le principal angle sous lequel sont pré- infliger. Aux termes de la loi, les sanctions sont
sentés les droits découle de la définition de la levées lorsqu’il y a lieu d’éviter des effets
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traite des êtres humains donnée dans le Protocole néfastes graves sur des populations vulnérables,
des Nations Unies relatif à la traite, qui insiste sur notamment les femmes et les enfants.
le rôle de la criminalité organisée transnationale L’OIM poursuit sa politique de « gestion de la
comme facteur causatif. Les droits sont présentés migration », en conformité avec son mandat, qui
aussi sous d’autres angles, notamment sous est d’encourager une migration organisée, s’ef-
l’angle socioéconomique et culturel ; la pauvreté, fectuant dans des conditions décentes. Outre son
la vulnérabilité et l’exclusion sociale – fondées rôle de chef de file, sur le plan intellectuel, dans
sur le sexe, l’âge ou l’identité ethnique – sont les études réalisées sur la migration, l’Organisa-
alors perçues comme causes principales. tion tente en même temps d’intégrer les préoccu-
L’Office des Nations Unies contre la drogue pations des migrants dans les plans de protection,
et le crime (ONUNDC) a pour mission de mettre au tout en menant parallèlement des campagnes
premier plan la participation des groupes crimi- d’information sur les dangers d’une migration
nels organisés dans la traite des personnes et de illicite (Taran, 2000). En se fondant sur la défini-
favoriser l’élaboration de réponses judiciaires et tion explicite de termes tels que recrutement et
pénales efficaces. Ses programmes sont axés à la tromperie (en conformité avec le Protocole des
fois sur les victimes et sur la répression. Nations Unies relatif à la traite), l’OIM précise les
L’ONUNDC estime qu’il est à cet égard relative- différences techniques qui existent entre la traite
ment bien placé pour les raisons suivantes : (1) et le trafic illicite, et considère la traite des per-
c’est principalement sous son impulsion que le sonnes comme l’un des problèmes les plus graves
Protocole des Nations Unies relatif à la traite a été et les plus urgents qui soit posé aux décideurs et
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Gouvernance et pauvreté en Afrique subsaharienne 765

praticiens en matière de migration. La traite des pays industrialisés, l’OIT coopère avec les syndi-
personnes pose un problème de gestion des cats qui ont admis comme membres des tra-
migrations, tant pour les gouvernements des pays vailleurs sans papiers, et travaillent étroitement
d’origine qu’à ceux des pays de transit et des pays avec les mouvements de sans-papiers pour aider
d’accueil, car elle va à l’encontre d’une migration ces derniers à régulariser leur situation. Dans son
organisée et constitue une infraction aux disposi- action normative, l’OIT a été amenée à se pencher
tions de plusieurs types de législation nationale – sur le problème de la traite des êtres humains sous
notamment à la législation en matière de migra- l’angle du travail forcé, de l’exploitation des tra-
tion. Contrairement au trafic illicite de migrants, vailleurs migrants et des pires formes du travail
la traite de personnes ne saurait être considérée des enfants. Le Programme international pour
par les institutions comme étant une infraction à l’abolition du travail des enfants (OIT-IPEC) a été
la législation nationale en matière de migrations créé en 1992 expressément pour résoudre les pro-
commise par la victime. Elle doit être considérée blèmes relatifs au travail des enfants et à la traite
comme une violation grave des droits de la vic- des enfants, par la recherche et l’action. La
time – commise par ceux qui participent à ce pro- Convention 182 de l’OIT voit dans la traite des
cessus. Or, l’acte qui consiste à définir le statut enfants une pratique analogue à l’esclavage, et
d’un migrant (réfugié, demandeur d’asile, vic- qui devrait, de la même manière, être abolie.
time de la traite) est fonction du contexte et Le point de vue du Fonds des Nations Unies
constitue un choix politique d’États souverains, pour l’enfance (UNICEF) découle de la Convention
qui peuvent appliquer des mécanismes ponctuels relative aux droits de l’enfant, qui définit la traite
de traitement préférentiel. Des organisations des enfants comme une violation fondamentale
telles que Human Rights Watch et Amnesty Inter- des droits de l’enfant. L’UNICEF reconnaît les liens
national ont critiqué l’OIM pour avoir mis davan- qui existent entre la traite des enfants et un grand
tage l’accent sur la « migration organisée » et le nombre de problèmes tels que la criminalité et la
« retour volontaire » des personnes victimes de la corruption, les naissances non déclarées, le tra-
traite, des demandeurs d’asile et des réfugiés au vail des enfants, les conflits armés, la justice pour
lieu de protéger les droits des personnes dépla- mineurs et les pratiques de discrimination
cées de manières diverses 8. La tension qui naît de sexuelle telles que le mariage précoce. L’univers
l’application des principes d’action reflète la dif- social de l’enfance qui relève de l’UNICEF
ficulté éprouvée dans la pratique à maintenir des embrasse une grande variété de pratiques cultu-
normes internationales alors que le processus et relles et d’institutions telles que la famille,
les critères de définition et de classement en caté- l’école, les lieux de détention et les milices. Elle
gories ne sont pas encore définis – étant soumis à s’intéresse essentiellement aux divers lieux du
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des intérêts autres que ceux de la protection des pouvoir social autres que le lieu de travail qui
droits humains. portent atteinte aux droits des enfants.
L’Organisation internationale du Travail L’UNESCO, tout en reconnaissant le rôle des-
(OIT), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance tructeur de la traite mondiale des personnes, ne
(UNICEF) et l’Organisation des Nations Unies pour confond pas la migration avec le crime. Elle
l’éducation, la science et la culture (UNESCO) ont aborde les problèmes des migrations internatio-
en commun une vision plus large des droits nales sous l’angle de la diversité culturelle. Elle
socioéconomiques et culturels. L’OIT a pour soutient les initiatives qui permettent aux
mandat de promouvoir la justice sociale en tant migrants d’exercer leurs droits et aux gouverne-
que fondement de la paix internationale, notam- ments de concevoir des solutions novatrices pour
ment en articulant et en supervisant les droits aplanir les divergences aux fins d’une intégration
humains fondamentaux dans le monde du travail. paisible. L’État est considéré implicitement
De ce point de vue, elle considère une stratégie comme une entité qui apporte son concours, et les
d’ensemble pour la protection des travailleurs migrants comme des atouts culturels plutôt que
migrants, dont les syndicats se font les porte- comme des fardeaux économiques. Guidée par
parole, comme un objectif important, et que les son mandat scientifique et moral, l’UNESCO voit
« canaux légaux de migrations de main-d’œuvre dans la traite mondiale des êtres humains et les
contribuent à la fois à réduire la traite des enfants migrations non protégées un prolongement de la
et des femmes et le trafic illicite de migrants » violation des droits humains inhérente à la pau-
(OIT, 2002, p. 12-13). Dans un certain nombre de vreté. « « Sur les cinq familles de droits humains
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766 Thanh-Dam Truong

– civiques, politiques, culturels, économiques et Combler les écarts


sociaux – proclamés par la Déclaration univer- et tisser des réalités nouvelles
selle des droits de l’homme comme inhérents à la
personne humaine, la pauvreté est une violation Il ressort d’une comparaison de l’autoévaluation
de la cinquième, toujours ; de la quatrième, géné- et des observations faites par dix organisations
ralement ; de la troisième, souvent ; de la non gouvernementales sur la traite des per-
deuxième, voire de la première, parfois 9 ». Pour sonnes en Afrique qu’il y a une compréhension
faire cesser les violations des droits humains liées profonde du contexte et des processus de la
à la traite, il faudrait que l’on mette fin à la pau-
traite, mais que cette compréhension, trop sou-
vreté et ce qu’elle entraîne dans sa spirale : déni
vent, ne peut pas s’exprimer par l’élaboration
des droits, migrations non protégées et traite des
des politiques internationales 10. Ces organisa-
êtres humains.
tions sont très conscientes de l’intérêt d’une
Il est frustrant de se pencher sur certaines
intervention reposant sur des données factuelles,
des bonnes pratiques adoptées par plusieurs
de la tenue d’une base de données et d’une
organisations pour combattre la traite car il est
approche participative impliquant les enfants et
difficile de trouver un paramètre commun qui
les jeunes, leur famille et les collectivités. Elles
permette de qualifier telle ou telle pratique de
« bonne » : les paramètres sont nécessairement estiment nécessaire de combler l’insuffisance
fonction d’un contexte et tributaires d’une orga- des connaissances afin de prendre simultané-
nisation. Les bonnes pratiques en matière de ment en main la prévention, la protection et les
prévention, fondées sur le principe de la lutte poursuites judiciaires. Parmi les difficultés ren-
contre la criminalité, comportent en général contrées figure notamment le manque de res-
davantage de spécificités anticipatives en vue de sources, de moyens institutionnels et de réseaux
protéger les frontières nationales – y compris le dans certains domaines. L’expérience acquise
renseignement, la coopération judiciaire interna- par la World Association for Orphans-Africa,
tionale et des techniques d’investigation en Save the Children-Sweden et Terre des Hommes
amont – encore qu’elles s’accompagnent aussi montre qu’il est possible d’intervenir à diffé-
de quelques recommandations sur le traitement rents niveaux (international, régional, national
des personnes victimes de la traite. Les bonnes et local) en coopérant par l’intermédiaire de
pratiques orientées vers les migrants potentiels réseaux, même si la diversité des acteurs qui
et leur milieu ont tendance à contrôler leur cir- interviennent reste source de problèmes sui
culation au lieu de déterminer les raisons qui les generis. Les informations récoltées auprès de
poussent à migrer. La définition de ce qui ceux qui sont touchés par la traite des êtres
humains et vivent dans sa réalité, et l’encoura-
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constitue une bonne pratique ne saurait être
isolée des convictions communes quant aux rap- gement que constitue leur association à la prise
ports de causalité, des orientations et des notions de décisions, représentent un grand pas en avant
de validité propres à l’entité qui choisit cette dans l’intégration des « notions de validité »
pratique. issues du terrain dans les programmes d’action
Au sens propre, une communauté épisté- au niveau mondial.
mique injecte du savoir scientifique dans l’élabo- De nombreuses organisations désignent la
ration des politiques et, de ce fait, vise à peser sur pauvreté, l’éclatement des communautés et l’hé-
les résultats. En matière de traite des êtres gémonie masculine parmi les causes essentielles,
humains, cette communauté de savoir paraît du côté de l’offre. Certaines voient dans la vulné-
davantage ligotée ou entravée par la rabilité des enfants à la rechute dans les réseaux
« realpolitik » en matière de souveraineté et par de traite le résultat d’une désaffection sociétale
les intérêts des États-nations. Une communauté plus large. Ces dernières années, on s’est égale-
épistémique guidant les efforts de protection des ment penché sur la dynamique sociale au sein
droits humains dans la migration et la traite existe d’une collectivité et sur la manière dont différents
au niveau de l’engagement formel à honorer les facteurs d’offre et de demande peuvent façonner
normes internationales. Mais, de quelle manière certaines tendances de la traite des personnes. Au
elle entre en jeu au stade de la mise en œuvre ? lieu de se concentrer exclusivement sur la situa-
Ce n’est pas toujours très clair. Le risque d’er- tion des femmes et des enfants victimes de la
reurs de jugement est patent. traite, les organisations se penchent désormais sur
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Gouvernance et pauvreté en Afrique subsaharienne 767

les causes plus profondes (d’ordre structurel, ins- La pratique qui consiste à désigner un groupe
titutionnel, culturel, ou intervention personnelle), cible principal de bénéficiaires (exclusivement
car elles ont constaté que les gens continuent à se composé d’enfants ou de femmes, par exemple) a
livrer à la traite même quand ils savent les risques également été contestée comme marquée par un
encourus. caractère d’exclusion, du fait qu’elle peut occulter
Le choix des mesures est tributaire de nom- la souffrance de ceux qui ne sont pas « ciblés »
breux facteurs (dont les sources de financement) (les garçons et les jeunes gens). La qualification
autres qu’une compréhension de la situation. de « l’enfant de sexe féminin » comme groupe
Ainsi, bien que la pauvreté soit immanquable- cible, fondée sur la définition juridique (moins de
ment montrée du doigt dans le discours politique 18 ans), n’est pas toujours utile, car elle ne cor-
comme cause fondamentale, on ne l’affronte pas respond pas toujours aux définitions sociolo-
à la base avec la même détermination. Certaines giques de l’enfance qui ont cours dans de
organisations expriment un sentiment de déses- nombreuses communautés. Afin de forger une
poir en ce qui concerne leur propre aptitude à volonté commune pour combattre la traite, il est
réduire la pauvreté, et manifestent un certain souhaitable que tous les membres d’une commu-
scepticisme quant à la volonté politique et à la nauté soient associés à l’intervention, car les
capacité des gouvernements nationaux. Le micro- causes et processus du phénomène sont étroite-
crédit destiné à lancer des activités rémunéra- ment mêlés aux intérêts plus généraux et aux pra-
trices n’est pas toujours très répandu, et n’est tiques qui ont cours à l’intérieur des communautés
ouvert qu’aux personnes victimes de la traite et à et entre elles. Une simple sensibilisation, fondée
leur famille – et uniquement aux fins de leur réin- sur des présupposés spécifiques sur le sexe et la
sertion économique dans la collectivité. migration risque en effet de concourir à la discri-
Les organismes de financement marquent mination sexuelle – surtout lorsque toutes les
une préférence pour les programmes de sensibili- formes de migration des femmes sont confondues
sation à faible coût ; mais lorsque aucune alterna- avec la traite sexuelle. Les messages qui diaboli-
tive n’est offerte aux membres de la sent l’image de la femme migrante ont souvent
communauté, il y a peu de chances que ces pro- pour résultat final un resserrement du contrôle de
grammes apportent des changements. Il faut la mobilité des femmes en général.
porter à la connaissance de l’opinion les hypo- Les organisations de lutte contre la traite et
thèses sur lesquelles ces programmes de sensibi- les pratiques qu’elles adoptent sont porteuses de
lisation reposent et les soumettre à une discussion convictions issues de leurs conceptions morales
plus poussée. Dans le rapport de l’UNICEF (2002, et intellectuelles. Même lorsqu’une organisation
p. 13) sur la traite en Afrique de l’Ouest et du reconnaît que le problème de la traite a des
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Centre, on relève l’observation suivante : « il y a racines multiples – et veille à ce que les actions
de grandes disparités entre les campagnes de sen- programmées soient à facettes et à niveaux mul-
sibilisation promues (…) et leur impact dans l’en- tiples, et qu’elles aient recours à des mesures par-
semble de la région est limité par la manque de ticipatives – elle ne peut pas s’attaquer à la traite
stratégies nationales globales de lutte contre la des personnes à tous les niveaux. Il y a lieu d’exa-
traite. Elles ciblent souvent les responsables gou- miner de près les disparités qui existent entre
vernementaux et les leaders d’opinion, et pénè- l’analyse de terrain et le choix de l’intervention.
trent rarement les zones rurales ou les Une plus grande ouverture à l’égard des organi-
communautés marginalisées à risques. L’infor- sations œuvrant sur le terrain de la part des orga-
mation demeure sporadique, principalement jour- nismes de financement en vue d’améliorer les
nalistique, et comporte très peu d’éducation à interprétations et le choix des moyens d’interven-
l’endroit des familles et des enfants. » Dottridge tion, pourrait être bénéfique aux communautés à
(2004, p. 11) ajoute que « les campagnes de pré- risques. Une plate-forme d’action commune de
vention imposées d’en haut et qui se bornent à tous les acteurs engagés à la base dans l’action
répéter que les migrations sont dangereuses parce menée contre la traite devra établir des liens plus
qu’on risque de tomber aux mains de nets entre les mécanismes de réduction de la pau-
trafiquants », semblent avoir moins de chances vreté et les autres stratégies de prévention de la
d’être efficaces qu’une connaissance des facteurs traite des personnes, afin de garantir des options
qui incitent souvent les enfants et leurs parents à qui présentent un intérêt social pour les rapatriés
partir de chez eux. et leur famille.
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768 Thanh-Dam Truong

Conclusion aboutir à « la traite des personnes ». Les réactions


dictées par le souci des droits humains ont
Les cadres récents de gestion des migrations pré- contribué à la création de nouveaux cadres juri-
sentent un trait saillant : une conception implici- diques internationaux, régionaux et nationaux
tement double de la mobilité : la mobilité liée au pour la prévention des abus et de l’exploitation
commerce est bien protégée par les réglementa- liés à la migration. Mais, pour mettre un terme à
tions gouvernementales, tandis que la mobilité en l’activité criminelle, et protéger de ce fait les
quête de moyens de subsistance est soumise à un droits humains, les divergences d’intérêts qui
régime répressif, la marge dont on dispose pour marquent les diverses orientations adoptées à
résoudre le décalage entre l’interprétation juri- l’égard de l’ensemble des problèmes – gestion de
dique et l’interprétation sociale des droits et du la migration, lutte contre la criminalité, normes
bien-être humains étant limitée. du travail, réduction de la pauvreté et besoins
La connaissance des caractéristiques parti- propres aux communautés menacées – doivent
culières de la pléthore d’activités définies juridi- être aplanies dans les faits. Pour l’instant, la pro-
quement comme traite des personnes révèle une tection des droits humains semble donner lieu à
interaction étroite entre le domaine culturel et des des interprétations disparates, variant selon les
relations sociales, politiques et économiques personnes, les lieux et les intérêts en jeu.
changeantes. L’augmentation du nombre de Une pluralité de lieux d’autorité intellec-
femmes, d’enfants et de jeunes qui migrent, dans tuelle offre une interprétation plus diverse et
le cadre des pratiques traditionnelles comme en potentiellement plus riche, et en même temps
dehors de celles-là, et dans des circonstances dan- plus représentative. L’apprentissage transculturel
gereuses, reflète sans doute des transformations peut améliorer les chances de trouver des pra-
structurelles plus profondes, manifestes dans tiques novatrices, qui traduisent l’acceptation du
diverses manières de faire face au dénuement et à pluralisme et de la diversité. Une transformation
la pauvreté. Les problèmes de mobilité des per- de la gouvernance – qui passerait du contrôle et
sonnes sont liés à un contexte plus général de de la mise au pas du corps social, à une valorisa-
relations globales, et exigent une approche analy- tion de la dignité de ceux qui ont été dépouillés de
tique en mesure d’expliquer comment les ten- leurs droits aux différents stades de la migration
dances structurelles (appartenance à l’un ou – s’impose impérieusement.
l’autre sexe, classe, génération et ethnicité) et
l’intervention humaine se sont conjuguées pour Traduit de l’anglais
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Notes

1. Les auteurs définissent le personnel extérieur. Elle explique efforts d’un gouvernement pour
« travail de production que quand ses filles adoptives combattre la corruption chez les
domestique » comme activité auront l’âge de se marier, il faudra fonctionnaires chargés de la
orientée vers le marché que l’on qu’elle cherche d’autres parents répression, de l’immigration et de
mène à son propre compte, chez éloignés à adopter (Riisøen et la justice. Il signale aussi que des
soi ou à proximité, tandis que le coll., 2004, p. 22). « fonctionnaires de l’immigration
« travail à domicile » est un travail qui tentaient de capturer des
3. Africa Newswire Network,
à la pièce, que l’on fait chez soi trafiquants ont été attaqués par des
« Fishermen back fight against
aussi, mais pour le compte d’une individus bien armés et ont été
child labour », General News
entreprise extérieure [en sous- contraints de battre en retraite ».
(9 janvier et 4 février 2003),
traitance].
http ://www.ghanaweb.com 6. Mark Twain.
2. Selon les dires de la femme
4. http :globetrotter.berkeley.eu/pe 7. Selon Chapkis (2003, p. 934),
d’un propriétaire de restaurant au
ople/Haas/hass-con3.html
Mali, ses filles adoptives sont une seule personne – un garçon de
indispensables au fonctionnement 5. Fitzgibbon (2003, p. 88) 4 ans – a obtenu un T-visa
du commerce et, sans leur aide, constate que les trafiquants ont les (accordé, aux termes des
elle serait obligée d’engager du moyens de réduire à néant les dispositions de la loi, aux victimes
01 Intérieur (581-788) 19/11/09 17:50 Page 769

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et aux témoins) au cours 9. Pierre Sané maliennes (Mali) ; Women’s


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de cette loi. African Women Empowerment
10. Les dix organisations sont :
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