Espace, populations, sociétés

Le développement des villes et l'urbanisation en Chine rurale

Shen Wei-Cheng, Christian Kesteloot

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Wei-Cheng Shen, Kesteloot Christian. Le développement des villes et l'urbanisation en Chine rurale. In: Espace, populations,
sociétés, 1986-3. Populations rurales et populations agricoles - Rural populations and agricultural populations. pp. 131-136;

doi : https://doi.org/10.3406/espos.1986.1172

https://www.persee.fr/doc/espos_0755-7809_1986_num_4_3_1172

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 ESPACH POPUL

Shen WEI-CHENG Institute of Géographie, Academia Sinica,

BEIJING (Peking), China.

Le développement des villes

et l'urbanisation en Chine rurale

Le nombre de villes administratives a

augmenté de 2800 en 1980 à 7320 en 1984 (1).
Les bourgs en région rurale sont passés de
La révision
développement,
économiques
lui-même
structure
rurales
modernisation. et
laetréforme
sociale
leont
urbaines
de
développement
laetdes
profondément
stratégie
économique
en
institutions
Chine,
deéconomique
des
changé
face
régions
à sa
la 325 en 1980 à 1680 en 1984. On arrive au
total à 9000 villes.

1. LA DELIMITATION OFFICIELLE DE LA POPULATION

ET DES ZONES RURALES ET URBAINES EN CHINE

Le statut de ville est accordé par l'Etat
central sur base du chiffre de la population
non agricole, tandis que les bourgs sont
reconnus par les gouvernements
provinciaux, les provinces autonomes et les
municipalités sous juridiction directe de l'Etat
central. Aujourd'hui tous les centres
abritant un gouvernement de comté sont des
bourgs par définition. En ce qui concerne
les agglomérations de niveau inférieur au
chef-lieu de comté, les nouveaux critères de
1984, tenant compte de l'évolution durant
la prochaine décennie, précisent que le
centre abritant le gouvernement municipal
d'un «Xiang» de moins de 20.000
tants (c.à.d. une unité administrative
comprenant plusieurs villages dans une zone
équivalente au territoire d'une commune
populaire) peut être reconnu comme bourg
si la population non-agricole y dépasse les
2000 habitants. Si la population du
«Xiang» est supérieure à 20.000 habitants,
le chef-lieu est considéré comme bourg s'il
compte plus de 10 % de la population totale
du «Xiang».
On considère comme population urbaine
tous les habitants inscrits dans des
communes définies comme ville ou bourg et y
résidant en permanence (c.à.d. inscrits dans les
sous-stations de police).
 132

2. LES CARACTERISTIQUES FONDAMENTALES DU DEVELOPPEMENT

DES BOURGS ET DE L'URBANISATION EN CHINE RURALE
a) Durant la période 1949-1983, la
population urbaine totale a augmenté en Chine
de 57,65 à 241,26 millions, représentant un
taux de croissance annuel de 4,3 %,
dépassant celui de la population totale (Tab. 1).
Cependant le niveau d'urbanisation est
resté peu élevé. La part de la population
urbaine dans la population totale était de
31,9% en 1984, inférieure à la proportion
mondiale et à celle de beaucoup de pays en
voie de développement (2).
b) L'accroissement de la population
urbaine est plutôt dû à l'accroissement
naturel qu'à l'exode rural. Pour la plupart
des années considérées, la part des
migrations dans l'accroissement de la population
urbaine est d'environ 30%, tandis qu'elle
dépasse les 40% dans les pays du Sud-
Asiatique et les 50% dans les pays en voie
de développement.
c) Le développement des petites villes et
bourgs est inadéquat ainsi que le montre
une analyse de la population urbaine en
fonction des dimensions des villes : la part

Tableau 1
Structure de la population urbaine et rurale en Chine
(1949-1984 - non compris Taiwan)

Population totale Population Population Structure en %

Année (en millions) urbaine rurale urbaine rurale
1949 541.6 57.6 484.0 10.6 89.4
1957 646.5 99.4 547.0 15.4 84.6
1962 672.6 116.5 556.3 17.3 82.7
1965 725.3 130.4 594.9 18.0 82.0
1970 829.8 144.2 685.6 17.4 82.6
1975 924.2 160.3 763.9 17.3 82.7
1979 975.4 184.9 790.4 19.0 81.0
1980 987.0 191.4 795.6 19.4 80.6
1982 1015.4 211.5 803.8 20.8 79.2
1983 1024.9 241.2 783.6 23.5 76.5
1984 1034.7 330.0 704.6 31.9 68.1

Source: State Statistical Bureau, Statistical Yearbook of China, Statistics Press of China, 1985.

Tableau 2
Structure de la population urbaine en Chine
(Taiwan non compris; en pourcentage de la population urbaine)

Recensement Recensement Recensement

Zone 1984
1953 1964 1982
Villes Bourgs Villes Bourgs Villes Bourgs Villes Bourgs
29 provinces 60.9 39.1 69.3 30.1 70.4 29.6 58.7 41.3
Zone Est 73.7 26.3 58.0 42.0
Zone Centrale 66.4 33.6 58.6 41.4
Zone
Occidentale 69.9 30.1 60.8 39.2

Note : la zone Est comprend Beijing, Tianjin, Hebei, Shandong, Shanghai, Jiangsu, Zhejiang, Fujian,
Guangdong, Guangxi et Liaoning.
Le reste forme la zone Centrale.

des petites villes et bourgs est insignifiante
(Tab. 2). Leur part a même diminué entre
1953 et 1982.
La qualité de la construction et le degré
d'équipement des grandes villes sont
nettement supérieurs à ceux des petites villes
et des bourgs. Prenons l'infrastructure de
transport comme exemple. La surface
moyenne de pavement des routes par mille
habitants est de 0, 1 m2 dans les petites
villes de moins de 2000 habitants et le
nombre moyen de bus et de trolleybus est de
6,5, ce qui est nettement moins que la
moyenne pour l'ensemble des villes
chinoises (respectivement 0,176 m2 et 22 bus) (3).
Ce retard des petites villes a récemment
attiré l'attention et des changements
commencent à apparaître,
d) II y a un grand nombre de bourgs dans
les régions rurales de la côte est du pays.
La densité de leur distribution dans l'espace
décroît graduellement de la côte est vers
l'ouest intérieur en raison des inégalités du
développement économique.
Pour 13,6 °/o de la superficie totale du pays,
la zone est comprend 38,1 % des villes et
des bourgs et abrite 48,7 % de la
population urbaine. Parmi les 29 provinces (y
Tableau 3
Différenciation régionale de l'urbanisation et de la distribution de la population urbaine
en Chine (1984, Taiwan non compris)
Population
urbaine
Zone (en °/o de la
population totale) Nombre
29 provinces 31.6 6211*
Zone Est 36.6 2368
Zone Centrale 30.1 2070
Zone Ouest 24.9 1773
Source: 1. Statistical Yearbook of China, 1985.
2. Information Handbook of the Town Population in China, Map Press, 1985.
* : Selon des statistiques incomplètes.
3. LES CHANGEMENTS DES CONDITIONS D'URBANISATION
DANS LES ZONES RURALES
Les raisons principales des caractéristiques
décrites plus haut sont d'abord une
croissance économique fort lente durant les trois
133
compris les régions autonomes et les
municipalités sous juridiction centrale),
Shandong se classe première en terme de
population urbaine. Les zones les plus
denses de la Chine, Shanghai, Nanging-
Hangzou, la zone de Beijing, Tiangjin-
Tanghsan, la zone centrale de Liaoning et
le delta de la Rivière des Perles ont la plus
grande concentration de petites villes et
bourgs. En y ajoutant les bourgs qui seront
probablement reconnus dans le futur
proche, il y aura 1 à 2 petites villes et bourgs
par 100 km2 dans ces zones.
Malgré qu'il représente une surface
nettement plus importante que la zone côtière
et la zone centrale, l'intérieur ouest ne
compte que 28,6 % des villes et bourgs et
17,2% de la population urbaine chinoise
(Tab. 3).
La plupart des petites villes de 20 à 60 mille
habitants sont des centres administratifs ou
économiques pour les zones rurales qui les
entourent. Elles représentent donc une
composante importante du système urbain
national. Elles sont et seront plus encore
dans le futur, la base majeure de
l'urbanisation et du développement des zones
rurales en Chine.
Distribution des villes
% Population °7o
100.0 134,474,121* 100.0
38.1 65,450,275 48.7
33.3 45,836,056 34.1
28.6 23,187,790 17.2
dernières décennies, particulièrement dans
l'agriculture, qui a connu une faible
productivité du travail et un niveau d'investis-

sèment trop bas avec une population
beaucoup trop nombreuse et en
augmentation rapide. Certaines politiques
gouvernementales sont en cause également, par
exemple le manque de mesures pour
contrôler le développement des grandes
agglomérations et une attention inadéquate pour
le développement des entreprises dans les
petites villes.
Depuis 1979 et le début des réformes
économiques, les conditions se sont fortement
améliorées pour le développement de
l'urbanisation dans les zones rurales.
a) En tenant compte de l'accroissement de
la population, la rapidité de l'urbanisation
est finalement déterminée par la quantité
des produits agricoles disponibles et par les
surplus de main-d'œuvre dans les zones
rurales. Le sixième plan quinquennal
(1981-1985) a vu le développement le plus
rapide de l'agriculture depuis la création de
la République Populaire de Chine, avec
une croissance annuelle moyenne du
volume de la production totale de l'ordre
de 8, 1 % (4). La production de blé par
personne atteignait 400 kg et celle de coton 5,9
kg en 1985. Les statistiques démontrent que
le revenu annuel net moyen des paysans
s'est multiplié par 1,4 de 1974 à 1984,
atteignant 355 yuan. En prenant 200 à 500 yuan
comme tranche de revenu permettant un
niveau de vie décent, 67,8% des paysans
Chinois ont résolu les problèmes
d'alimentation et d'habillement (5).
b) La structure économique de la
population rurale a aussi changé. Avec la
croissance soutenue de la production de blé,
dans les dernières années, l'autosubsistance
a souvent fait place à une structure
économique complexe: sur l'ensemble de la
population rurale, 18,1 97b étaient engagés
dans des activités secondaires et tertiaires
en 1985 par rapport à 10,8% en 1980. La
4. LES TENDANCES D'URBANISATION
DANS LES ZONES RURALES CHINOISES
On estime que le processus d'urbanisation
des zones rurales est inévitable et
s'accélérera par rapport aux trois dernières
décennies. Cela postulera que: a) l'urbanisation
réduira le fossé entre régions urbaines et
rurales; b) il faudra contrôler la croissance
134
production totalisée de l'industrie, de la
construction, de la communication et des
services représentait 42,9% de la
production totale en 1985 (31,1% en 1980) (6).
En 1985, les entreprises urbaines avaient
absorbé 60 millions de travailleurs ruraux,
surtout autour des grandes villes de la zone
côtière, en raison des avantages en matière
de localisation et d'accès aux ressources
naturelles. Dans le delta de Changjiang par
exemple, la valeur totale annuelle produite
par l'industrie manufacturière, la
construction, le commerce et les communications
représentaient 52,1 % de la valeur totale,
plus que la part des activités primaires.
Dans cette région, la zone de Suzhon-
Wuxi-Changzon est la plus typique, avec
un chiffre de 80%. Dans la campagne
entourant Suzhou, l'emploi industriel
représentait 40 % du total de l'emploi rural,
à peu près autant que l'emploi agricole (7).
Le revenu net par agriculteur a triplé,
passant de 197 yuan en 1978 à 600 yuan en
1985 (8).
c) Le changement de la structure sociale
des communautés rurales est un autre fait
essentiel. Avec le développement intégré
des communautés rurales et le transfert
d'emplois agricoles vers des activités non-
agricoles, un grand nombre
d'agglomérations concentrant de multiples secteurs
économiques et culturels ont émergé dans les
zones rurales. En fait, cette tendance est
déjà évidente dans quelques provinces
côtières bien situées comme Jiangsu et Zhe-
jiang. Selon une étude de 20 villes rurales
dans la région de Wenzhou, province de
Zheijian, 1200 projets ont été réalisés
durant la période 1980-1984, dont 80% ont
obtenu des investissements provenant des
masses. Il en est résulté que beaucoup de
villages auparavant fort isolés, sont
devenus de petits bourgs.
démographique de façon planifiée et
éviter une migration sans frein du surplus de
main-d'œuvre vers les villes; c) les
investissements énormes dans la construction
rurale ne pourront dépendre entièrement de
l'Etat à cause du niveau trop peu élevé du

revenu national et des revenus limités de
l'Etat; d) il est impossible, dans la
situation actuelle, de fournir assez d'emploi
pour le surplus de main-d'œuvre rurale.
Plusieurs principes devront donc
permettre à la Chine de prendre en charge
l'urbanisation des régions rurales.
a) II faudrait pouvoir moduler l'évolution
de l'urbanisation en fonction du niveau du
revenu national. L'expérience des trente
dernières années montre que le niveau de
l'urbanisation est étroitement lié au produit
national brut et à la production de blé par
habitant. En tenant compte de cette
expérience et des conditions actuelles du
logement, des infrastructures et des ressources
potentielles de main-d'œuvre, et en
comparant la Chine aux autres pays en voie de
développement, certains experts avancent
que le processus d'urbanisation pourrait
être accéléré dans les décennies à venir par
rapport aux trente dernières années, sans
être cependant trop rapide. Le taux de
croissance annuel de la population urbaine
pourrait être de 4 à 4,5 % en comparaison
des 4% durant la période 1949-1982 (9). Si
l'on parvient à maintenir la population
totale en dessous de 1,2 milliard en l'an
2000, le niveau d'urbanisation atteindrait
35,7 à 38,9 %. La population urbaine totale
serait de 428 à 467 millions, soit une
augmentation de 210 à 250 millions en 1982.
b) Le problème-clé de la future
urbanisation est le transfert sans heurts du surplus
de main-d'œuvre rurale. Malgré le
planning familial effectif et l'importance de
l'emploi industriel, l'emploi rural s'est
accru annuellement de 5,3% en moyenne
(10). On estime que le surplus de main-
d'œuvre dans les régions rurales y atteint
30 à 40% du total de la main-d'œuvre.
Dans certaines régions développées, cette
part atteint même les 50 % . Dans le futur
proche, il y aura 22 millions de jeunes par
an qui rejoindront le marché du travail. A
la fin du siècle, la main-d'œuvre totale dans
les régions rurales (petites villes inclues)
sera de 450 millions.
Le transfert de main-d'œuvre pourra se
réaliser de deux façons : ou bien diriger de
façon continue une partie de la population
vers les villes petites et moyennes en
augmentant ainsi leurs effectifs, ou bien
diriger une partie de la population vers les
135
bourgs les plus proches en zone rurale, de
façon à créer un nombre considérable de
nouvelles petites villes.
La seconde manière semble être la plus
importante. L'expérience dans les régions
développées de la côte est a démontré
qu'après l'augmentation de sa
mécanisation, l'agriculture fournira de l'emploi à
30 % de la main-d'œuvre rurale, la
sylviculture, l'élevage et la pêche 20%, tandis
que seulement 10% pourraient rejoindre
les villes existantes dans les régions
minières et industrielles. Cela signifie que 40%
de la main-d'œuvre devra être absorbée par
de nouveaux emplois dans la localité même.
Si l'on suppose que le niveau de
mécanisation de l'agriculture chinoise atteindra
en l'an 2000 le niveau des régions côtières,
et en tenant compte de ces 40 %
empiriquement estimés plus haut, les villes
existantes ne pourraient pas absorber plus de 45
millions de travailleurs ruraux, tandis que
180 millions devront trouver un emploi
dans des bourgs et villages proches. Ils
créeront ainsi des perspectives brillantes pour
la naissance de beaucoup de petites villes
dans les régions rurales.
En 1984, il y avait en tout 54.000 Xiangs
dans les régions rurales. Si un siège de
Xiang peut accueillir 3 à 5000 habitants rien
que par le développement des entreprises
non-agricoles, il y aurait dans l'ensemble
du pays de 162 à 270 millions d'habitants
vivant dans ces chefs-lieux de Xiang et tout
le surplus de main-d'œuvre rurale pourrait
être résorbé. En imaginant qu'un tiers à un
cinquième de ces chefs-lieux seraient
autorisés à devenir de nouvelles villes, au moins
54 millions d'habitants pourraient
s'ajouter à l'accroissement des villes existantes
soit 100 millions de nouveaux urbains en
l'an 2000. (40 à 48 % de l'accroissement de
la population entre 1982 et 2000, estimée
entre 210 et 250 millions d'habitants).
Les petites villes et bourgs multifonction-
nels ou non auront ainsi un rôle eminent
à jouer dans un réseau urbain hiérarchisé
et rationnel, au service de l'économie rurale
et régionale.
La Chine continuera à adhérer au principe
du contrôle du développement des grandes
villes, en favorisant de façon modérée les
villes moyennes et de façon active les
petites villes.

NOTES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1) Information Handbook of the Town Population
in China, Map Press, 1985.
2) N.U. Données sur la croissance de la population
urbaine et rurale, New York, 1980.
3) Bureau National de Statistiques, Statistical
Yearbook of China's Cities, Statistics Press of China, 1985.
4) Zhao Zi-yang, Report About The Seventh Five-
Year Plan (1986-90), People's Press, 1986.
5) Bureau National de Statistiques, A Discussion
About the Current Living standard of Chinese
Peasants, Xinhua Monthly, 1986, 1.
6) The Adjustment of Economic Structure in the
Rural Area of China Going on Important Step Ahead,
Economic Daily, 19th. Jan., 1986.
Manuscrit traduit par Ch. Kesteloot
et adapté par Ch. Kesteloot et
Ch. Christians
136
7) Gu Xiu-lian, A Survey on the Adjustment of
Economic Structure in Suzhou, Red Flag, 1985, 23.
8) Wang Ci-jun et al, On the Problems of
Urbanization Speed and Distribution of the Urban Population
in the near future in China, Economic Geography,
1986, 1.
9) Bureau National de Statistiques, Statistical
Yearbook of China (1985), Statistics Press of China, 1985.
10) Ministry of Agriculture, Husbandry and Fishery,
Report on Opening up a New Prospect in Township
Enterprises, People's Daily, 18th., March, 1984.