Vous êtes sur la page 1sur 13

LA FIN D’UN MONDE : LE BUREAU DU

CHIFFRE DU QUAI D’ORSAY EN 1904


NOTE HISTORIQUE N°10 / JANVIER 2008
GÉRALD ARBOIT

« Jusqu’à maintenant, les Français n’ont pas écrit tant sur l’histoire de la cryptologie en
France, bien que cette histoire soit glorieuse » , notait David Kahn en 20021 . A la suite de
Sophie de Lastours2 , Alexandre Ollier a certes contribué à renouveler la contribution de
l’historien américain3 pour le renseignement militaire d’avant la Première Guerre mondiale.
Toutefois, le travail de Christopher Andrew 4 reste le seul concernant le bureau du Chiffre du
ministère des Affaires étrangères. L’absence de sources directes (les archives du service
ont été brûlées en 1940) et le manque de référence indirecte dans d’autres fonds
l’expliquent autant que le relatif désintérêt de l’historiographie actuelle pour l’étude des
relations internationales. Et ne parlons pas de celle du renseignement5 . La publication
d’une photo des agents du bureau du Chiffre, sur le site du Quai d’Orsay6 , offre pourtant
une opportunité de lecture nouvelle. Datée de 1904, elle permet de rappeler le rôle de ce
département dans l’évolution de la cryptographie (chiffrement) et de la cryptanalyse
(déchiffrement) et de présenter son fonctionnement interne. Mais cette photo de J.
Parbaud7 figurant quinze hommes montre un aspect du ministère des Affaires étrangères,
son engagement dans des questions de renseignement, qui est en train de cesser d’exister.

1/13
LES HOMMES DU BUREAU DU CHIFFRE ET LES AUTRES
Toutefois, elle appartient à un genre pratiqué depuis quelque temps déjà au sein de ce
ministère, officiellement ou non. Ainsi, depuis l’hiver 1860, était-il de tradition au sein du
bureau du Chiffre qu’une photo, de groupe ou individuelle, fut prise annuellement. L’initiative
en revenait à un jeune attaché, venu de la division de la comptabilité et des fonds, mais
surtout photographe amateur, Chenu 8 . Quarante-quatre ans plus tard, cette habitude était
non seulement encore en pratique, mais avait semble-t-il été étendue à tout le ministère.

La légende de cette photo de 1904 ne livre le nom que de dix des quinze présents :
« Darmet (Charles), Beguin-Billecocq (Jean), Billecocq (Charles), Marmottel, Beauchene
(Chauvot de), Merienne-Lucas, Meziere (Joseph), Bavelier (Charles), Beguin-Billecocq
(Louis), Billecocq (François) ». L’identité des cinq autres n’est pas mentionnée, bien qu’on
put la déduire. Leur anonymat tient vraisemblablement au fait qu’ils n’appartiennent plus au
département. La présence de Jean Beguin-Billecocq et Charles Billecocq, membres du
corps consulaire, le premier en partance pour le sultanat d’Oman, le second en formation9 ,
en livre d’évidence deux. Ils ont accompagné leurs pères, tous deux anciens chefs du
bureau, Théodore-Louis-Marie Beguin-Billecocq (1867-1884) et Ernest-Alexis-Joseph
Billecocq (1884-1891). Par un ordre de préséance propre au ministère des Affaires
étrangères, ils sont assis, encadrant le consul à Mascate, le premier, soixante-dix neuf ans,
appuyé fièrement sur sa canne, le second, soixante-quatorze ans, les bras croisés.
Egalement assis, deux autres chefs, Charles-Marie Darmet (1891-1896), soixante-neuf ans,
et Albin-Chrysostôme Marnotte (1900-1901), soixante-cinq ans, les entourent. Derrière eux,
debout, figurent les six membres du bureau du Chiffre, que dirige Charles Dauchez (1901-
1907), cinquante-six ans, et quatre anonymes, dont Camille Piccioni, quarante-cinq ans, qui
dirigea le bureau (1896-1900), avant de gagner le cabinet du ministre Théophile Delcassé. Il
ne manque dans cet aréopage que le commandant Etienne Bazeries, « le pragmatiste de la
cryptologie. Ses contributions sur la théorie furent insignifiantes, mais il fut l’un des meilleurs
cryptanalystes naturels que la science a connu »10 .

Le groupe fixé pour l’éternité par Parbaud ressemble avant tout à une photo de famille, celle
des Billecocq et apparentés. Trois générations, de chaque côté, sont présentes. Elles
témoignent aussi d’une dévolution à cette famille du bureau du Chiffre, au moins depuis que
2/13
Hyppolite Billecocq, entré en 1813, en eût pris la direction en 1837. A l’exception de Damour
et Belliard, entre 1848 et 1867, et depuis janvier 1891, deux Billecocq et un Beguin-
Billecocq s’étaient même succédés à sa tête. Un quatrième, Louis Beguin-Billecocq,
n’accédât au rang de sous-chef du bureau qu’en 1912. Depuis le décret du 29 avril 1907,
entérinant la réforme proposée par Philippe Berthelot, chef adjoint du cabinet du ministre
Stephen Pichon, un attaché ne pouvait plus diriger un bureau. Et François Billecocq finit sa
carrière en décembre 1926 comme chiffreur de première classe. Cette apparente
succession s’expliquait par un mode de fonctionnement de la carrière diplomatique de
l’époque, plutôt que par un goût pour la cryptologie. L’endogamie administrative était
largement répandue et la stabilité du personnel était remarquable depuis le Consulat11 .
Concernant la parentèle Billecocq, elle s’était transformée en véritable charge, au sens de
l’Ancien régime, puisque les fils ou les neveux succédaient aux pères ou aux oncles12 . Ainsi
n’était-il pas rare de voir deux de ses membres, sinon plus comme en 1890 et en 1891,
participer à l’activité de ce bureau comptant cinq à sept membres.

Les seuls apports indirects provenaient de services spécialisés du ministère, comme les
directions de la comptabilité13 , des archives14 voire de la presse15 . Parfois, ils étaient
recherchés à l’extérieur, comme à l’administration des lignes télégraphiques 16 . Ces
recrutements témoignaient de deux réalités, l’une intemporelle, l’autre récente. Les stages
probatoires dans d’autres services participaient du fonctionnement normal du bureau du
Chiffre, utilisant les capacités mathématiques des premiers pour créer les tables de codes,
réalisées manuellement jusqu’à l’installation, le 10 novembre 1875, d’une presse, tandis que
bien moins nombreux, les seconds assuraient un classement des informations recueillies,
plutôt qu’un traitement. L’embauche de personnels étrangers au département était quant à
elle rendue nécessaire par l’introduction d’une nouvelle technologie de communication, le
télégraphe électrique17 , annexée au bureau en 1862. Sans que l’on en puisse déduire quoi
que ce soit, deux agents intégrèrent le bureau après une expérience militaire, l’un engagé
volontaire sous le Second Empire18 , l’autre après son service militaire républicain19 . En
dehors de ces emplois spécifiques, aucun n’appartenait à un corps de chiffreurs 20 ; tous
étaient licenciés en droit et avaient commencé au grade d’attaché surnuméraire ou payé, où
ils avaient fait preuve de leur probité et de leur discrétion. François Billecocq était même
entré comme « attaché autorisé » au 1 er janvier 1890, c’est-à-dire n’appartenant pas au
ministère des Affaires étrangères et donc sans traitement, n’accédant au rang d’« attaché
payé » qu’au 22 janvier 1891…

LA CRYPTOLOGIE DIPLOMATIQUE
La photo de Parbaud regroupait une bonne part du personnel du bureau du Chiffre au XIX e
siècle. De cinq à sept membres tout au long de cette période, la réforme Berthelot de 1907
porta les effectifs à neuf, sept attachés payés et deux cadres ; le décret du 3 septembre
1912 octroya deux attachés supplémentaires. Ils y faisaient toute leur carrière, accédaient
au rang de commis, commis principal, sous-chef, puis chef de bureau comme de coutume
au sein du ministère des Affaires étrangères 21 , du moins jusqu’à 1907. Hiérarchiquement,
ils dépendaient du cabinet du ministre, véritable organe de commandement, dont le poids
n’avait cessé de se renforcer depuis la monarchie de Juillet. Au sein du secrétariat
particulier, deux à trois personnes suffisaient à « contrôler » ce département d’une centaine
d’agents qu’étaient les Affaires étrangères. Elles assuraient
3/13
« l’ouverture des dépêches, la correspondance personnelle du ministre, les audiences, les
travaux réservés, le chiffre, le départ et l’arrivée de la correspondance et des courriers, la
centralisation des états, notes et registres relatifs au personnel ;la statistique, les traductions
et les correspondances télégraphiques »22 .

Le cabinet devait permettre au ministre de suivre le travail de ses directeurs de division,


dont l’influence rivalisait avec leur stabilité. Le chiffre était un moyen de communication mais
également d’information, tout comme les travaux réservés 23 et la statistique24 étaient des
organes d’analyse du renseignement. Même le rattachement du service à la direction
Politique et commerciale, puis des Affaires administratives et techniques, enfin des
Archives25 , n’enleva pas véritablement cette subordination au cabinet.

La production du bureau du Chiffre se résumait à la composition des tables de chiffre pour


la correspondance avec les postes diplomatiques, à son chiffrage et au déchiffrage des
courriers nécessaires. Dans une optique de renseignement, elle concernait évidemment
cette troisième fonction. Elle se retrouvait parfois dans la correspondance diplomatique, par
des mentions indirectes laissant entendre que l’information provenait « d’une source secrète
et sûre ». Mais il était rare qu’elle apparût explicitement sous la mention d’« un télégramme
déchiffré hier »26 . Plus couramment, au gré des dossiers apparaissaient ces petits
« verts » ; le chef du bureau de la Statistique (1903-1905), le secrétaire d’ambassade
Octave Homberg, appelait ainsi les déchiffrements « en raison du papier de couleur
particulièrement criarde sur lequel ils étaient établis, afin qu’ils ne risquassent pas de
s’égarer dans les dossiers » 27 .

L’installation d’un bureau du Chiffre au ministère des Affaires étrangères n’était pas
intervenue avec l’avènement d’un tel département en 1589. Pendant l’Ancien régime, les
deux divisions politiques (Nord et Sud) géraient elles-mêmes la correspondance chiffrée
sortante28 . La surveillance du courrier diplomatique était du ressort des ouvreurs de lettres,
linguistes et autres cryptographes, comme le fameux Antoine Rossignol et son fils
Bonaventure, dépendant de la Ferme générale des Postes29 , tout en étant payés sur les
fonds secrets des Affaires étrangères 30 . Ils se retrouvèrent toutefois sans emploi à la suite
du décret du 10 juin 1790 et la promulgation du secret des correspondances. Aux Affaires
étrangères, le chiffre était devenu la responsabilité des chefs de bureaux, bien évidemment
incompétents en la matière. Cinq ans plus tard, il n’y avait plus personne capable de donner
la clé des lettres chiffrées employées par les cours étrangères. Alors que le Directoire
s’interrogeait sur l’opportunité de rétablir un « cabinet noir », comme suggéré dans le
rapport de l’ancien chiffreur Desroches du 26 octobre 179531 , une énième réforme de
l’organisation interne du ministère des Relations extérieures rétablissait un bureau du
Chiffre32 . Mais, jusqu’en 1852, la période ouverte par la révolution s’était soldée par un
déclin cryptographique évident.

La rencontre de 1904 ouvrait donc sur un demi-siècle d’histoire cryptographique, depuis que
l’utilisation de la correspondance diplomatique par câble avait apporté un renouveau.
Malgré les interdictions contenues dans les conventions en vigueur, l’administration des
Postes et télégraphes fournissait au bureau les copies de tous les télégrammes
diplomatiques chiffrés33 . « L’un des grands problèmes des cabinets noirs de l’Ancien
régime — mettre la main sur la correspondance diplomatique étrangère — était ainsi résolu.

34 4/13
Le plus grand problème était désormais de savoir la déchiffrer34 . » Les « “hiérophantes”,
ainsi que les appela Nisard »35 , du ministère des Affaires étrangères s’étaient montrés
habiles « dans l’art cabalistique et passionnant de traduire ou, comme on disait jadis, de
“palustrer”la correspondance chiffrée des ambassadeurs étrangers »36 . Au mieux
techniciens et en rien théoriciens, Belliard et son adjoint Beguin-Billecocq, puis leurs
successeurs, profitèrent aussi du renouveau des études cryptographiques à compter de
186337 . Il devait permettre l’éclosion d’une véritable « école française de cryptographie »38 ,
particulièrement performante, dans les années 1880-190039 . Ainsi, deux des meilleurs
spécialistes français de l’époque, le commandant Etienne Bazeries40 et le chef d’escadron
Gaëtan Henri Viarizio (de Viaris) di Lesegno41 , apportèrent-ils leur concours au succès du
bureau du Chiffre.

Ces deux officiers étaient pourtant rivaux dans l’art cryptographique. Mais ils avaient été
invités à participer à la première commission de réforme du bureau du Chiffre, du 29
septembre 1894 au 26 février 1895. Les investigations menées par Berthelot, assisté d’un
jeune secrétaire d’ambassade, Paul-Henri-Horace Delaroche-Vernet, visaient à réduire de
40 % les coûts d’envoi des télégrammes chiffrés par l’utilisation de nouvelles méthodes de
chiffrement. La politique d’ouverture de postes en Extrême-Orient, couplée à la succession
de crises internationales (Chine, Egypte) et aux redevances à payer aux compagnies
étrangères de câbles sous-marins, étaient par nature des dépenses incompressibles. Dès
lors, il convenait de trouver une solution dans les méthodes de travail du bureau. Ancien
élève de polytechnique, ancien officier de marine passé dans l’artillerie après une
expérience préfectorale, le marquis de Viaris s’était fait connaître un an plus tôt par son livre
Les dépêches secrètes et les conventions internationales (Paris, 1893). Il y proposait de
simplifier les vocabulaires télégraphiques composés de mots de dictionnaires en utilisant les
mathématiques. D’une approche plus pragmatique, Bazeries représentait la commission de
cryptographie militaire 42 , qui cherchait à installer au ministère de la Guerre un tel service.
Par ailleurs, il avait été affecté au bureau du Chiffre des Affaires étrangères , du 22 août
1891 au 26 octobre 1893, pour se formaliser avec les procédures cryptographiques, pour
lesquelles il venait de montrer des dispositions. Placé en fin d’emploi militaire le 20 février
1899, il devait retrouver cette affectation pour vingt-cinq ans ; étrangement, il ne figure pas
sur la photo de Parbaud. Recommandé par un fonctionnaire du Quai d’Orsay, certainement
Maurice Paléologue, responsable du bureau des Affaires réservées, il intervint comme
expert du préfet de police de Paris, Louis Lépine (1899-1913) et du directeur de la Sûreté
générale pour décrypter les dépêches de comploteurs anarchistes et orléanistes43 .

L’évolution des dépenses télégraphiques chiffrées (1891-1898)

5/13
En terme d’efficacité, la réforme
proposée n’enraya pas l’envolée
des coûts de transmission et il
fallut attendre l’affinement des
tables de chiffres de l’après-
Première Guerre mondiale, pour
voir le nombres de mots se
réduire (dix mille mots en 1933,
six mille auparavant), et
l’avènement des machines
chiffrantes après 1945. Dans
l’immédiat, les agents du bureau du Chiffre avaient estimé que leur charge de travail s’en
trouvait accrue et avaient obtenu deux attachés supplémentaires, soit six44 . Par contre,
l’apport au renseignement du bureau ne s’en trouva pas vraiment modifié. Le chiffre italien
avait été déchiffré entre avril et novembre 188745 . Suivirent le décryptage des chiffres
anglais, à compter de 189146 , turc, à compter de 189847 , allemand, à compter de 189948 ,
russe, avant 190549 , et espagnol, à compter de 190650 , et de nouveau allemand en 191351
. Il n’y a pas vraiment d’indication pour les chiffres américains, pourtant réputés
« d’écoliers »52 , belges et autrichiens.

LE DÉCLIN DU RÔLE DU MINISTÈRE DES AFFAIRES


ÉTRANGÈRES
La présence de militaires dans la commission de 1894-1895, puis la collaboration de
Bazeries avec la Sûreté, à compter de 1898, n’avait pas alarmé un bureau du Chiffre (ni
même le ministère des Affaires étrangères d’ailleurs) sûr de son savoir-faire, comme le
montre la composition de la photo de 1904. Pourtant, les ministères de la Guerre et de
l’Intérieur avaient entrepris de constituer leurs propres services de Chiffre. Même la « sorte
de monopole des questions de chiffre » dont disposait Bazeries, aux dires du commissaire
de la Sûreté générale Haverna, ne tarda pas être remis en cause. Malgré l’opposition du
militaire, qui y avait échoué, le policier s’essaya à déchiffrer les codes japonais. En mars
1904, il réussissait53 . Ce succès conduisit à une crise en octobre 1905. Le président du
Conseil, également ministre de l’Intérieur, Maurice Rouvier, entendait être agréable à son
allié russe54 et demanda à son directeur de la Sûreté, René Cavart, de transmettre les
décodages japonais à son homologue russe à Paris, le responsable de l’Okhrana55 , Arkady
Mikhailovitch Harting56 . Naturellement, le bureau du Chiffre des Affaires étrangères
intercepta la transmission du Russe et crut avoir affaire à une nouvelle affaire d’espionnage.
Comme la Sûreté ne pouvait révéler la nature des ordres reçus, ni infirmer une fuite
inexistante, tandis que ses assurances d’une sécurité sonnaient faux, le bureau du Chiffre
se vit enjoindre de suspendre ses relations avec elle. A cela s’ajoutait une brouille
personnelle entre Bazeries et Haverna.

Cette rupture eut deux conséquences majeures du côté du ministère de l’Intérieur. La


première conduisit à confier, au printemps 1907, la responsabilité du nouveau service
photographique (en fait cryptographique) de la Sûreté à Haverna. Et lorsque le policier
demanda à une de ses relations de lui indiquer une personne de confiance connaissant le

6/13
russe, le jeune capitaine Marcel Givierge fut sollicité. La seconde fut d’amener la Sûreté à
surveiller les télégrammes diplomatiques expédiés de Lyon, Lille et Nice pour fuir le contrôle
de l’administration parisienne et du Quai d’Orsay57 .

« Les Affaires étrangères voyaient évidemment à regret qu’à l’Intérieur on déchiffrait les
dépêches diplomatiques d’Espagne et d’Italie. Cette amertume se conçoit facilement
puisque l’Intérieur était informé de certaines questions concernant les Affaires étrangères.
C’était en somme un contrôle dont elles s’effarouchèrent. Elles se continuèrent tant qu’à
l’Intérieur fut la présidence du Conseil 58 . »

Ce fut partiellement fait à partir du 14 janvier 191259 . Mais il fallut encore un an et demi
pour qu’en mai 1913, le Quai d’Orsay put le faire cesser. Le service photographique de la
Sûreté avait découvert les ouvertures du ministre des Affaires étrangères, Stephen Pichon,
en direction du Saint-Siège… L’affaire d’octobre 1905 intervenait également six ans et demi
après le transfert, le 24 avril 1899, des compétences du contre-espionnage incombant
jusque-là à la section de statistique, le service de renseignements de l’armée empêtré dans
l’Affaire Dreyfus.

Une des raisons de cet embarras incombait directement au bureau du Chiffre des Affaires
étrangères. Le 2 novembre 1894, les hommes de Charles-Marie Darmet avaient intercepté
un télégramme de l’attaché militaire italien, le lieutenant-colonel Alessandro Panizzardi, au
général chef d’état-major Nicola Marselli. Les premières ébauches de déchiffrement
laissèrent croire que le capitaine Dreyfus, mis en état d’arrestation quinze jours plus tôt, était
peut-être le traître recherché depuis le 29 septembre. L’incertitude résidait en ce que l’Italien
avait utilisé un nouveau code. Le 6 novembre, Maurice Paléologue, chef du bureau des
Affaires réservées, avait confié, « à titre personnel », ces premiers résultats à son
homologue de la section de statistique, le lieutenant-colonel Jean Conrad Sandherr ; une
copie en fut faite pour servir l’accusation. Pourtant, le déchiffrement définitif, le 10 ou le 13
novembre, ne devait plus laisser de doute quant à son innocence. Le capitaine Pierre Ernest
Matton, chargé de suivre les affaires italiennes à la section de statistique, fut même invité
par son chef à fournir, par l’entremise d’un de ses agents doubles, un faux message à
Panizzardi. Portant des noms propres facilement reconnaissables, il devait permettre au
bureau du Chiffre des Affaires étrangères, qui l’intercepterait inévitablement, de le déchiffrer
aisément. Cette contre-épreuve devait permettre de révéler la nouvelle clé utilisée dans le
télégramme du 2 novembre60 . L’ébauche du 6 novembre 1894 ayant servi à condamner le
capitaine Dreyfus, Maurice Paléologue, délégué par le ministère des Affaires étrangères lors
du procès en cassation et au conseil de guerre de Rennes, fut amené à en démontrer sa
fausseté le 27 avril 189961 . Cette déposition avait été précédée par un violent échange de
lettres entre février et mars 1899, entre les deux ministres de la Guerre et des Affaires
étrangères ; rien qu’entre le 9 et le 27 février, ils s’échangèrent trois missives62 .

Le résultat inévitable de cet épisode de « polémologie administrative »63 fut un embarras du


côté des militaires à poursuivre toute collaboration avec le Quai d’Orsay. Du point de vue
des Affaires étrangères, l’Affaire Dreyfus renforça leur hostilité à toute forme de coopération
en temps de paix, ce qui fut confirmé par l’instruction ministérielle du 24 février 1906. Un tel
choix ouvrait naturellement à l’armée la voie à un rapprochement avec la Sûreté générale
dans leurs ambitions cryptographiques. Une collaboration s’était établie rapidement entre le
commissaire Haverna et le capitaine Cartier, secrétaire de la commission de cryptographie
64 7/13
militaire depuis 1900 et détaché à la section de renseignement64 en octobre 1903. Cette
relation était essentielle pour les militaires, qui n’avaient aucun accès aux télégrammes
chiffrés diplomatiques nécessaires à la formation de leurs chiffreurs. Une solution avait été
trouvée avec les postes d’écoutes de l’armée et de la marine en Méditerranée afin de
recueillir les cryptogrammes et les procédés de chiffrement des marines anglaise, italienne
et espagnole. Implicitement, il s’agissait de la première utilisation conjointe de la télégraphie
sans fil et de la cryptanalyse dans la recherche du renseignement d’intérêt militaire. L’étape
suivante consistait en un véritable partage de ces sources diplomatiques. L’idée d’une
commission interministérielle de cryptologie, évoquée une première fois à la fin des années
1890, fut reprise par la commission de cryptographie militaire en 1908. Les ministères de la
Marine, des Colonies, de l’Intérieur et des Postes et Télégraphes donnèrent leur accord.
Seules les Affaires étrangères refusèrent. En janvier 1909, la nouvelle commission était
officiellement instituée.

Cette création demeura toutefois purement symbolique, sa première réunion n’ayant lieu que
le 14 mai 1912. Son objectif était pourtant double : montrer l’isolement du Quai d’Orsay et
donner une légitimité à l’état-major pour établir sa propre s ection du chiffre. L’entremise du
capitaine Givierge, affecté à l’état-major particulier du ministre de la Guerre, Alexandre
Millerand en janvier 1912, fut décisive. A la demande du commissaire Haverna, il s’était mis
en rapport avec le commandant Cartier, affecté au bureau central parisien de
correspondance franco-russe par TSF. L’objectif du policier était de relancer l’activité de la
commission interminis térielle. Les deux militaires en profitèrent pour proposer au ministre
la constitution d’un bureau du chiffre. Ils obtinrent gain de cause rapidement, mais
seulement pour la mobilisation. Givierge profita de sa position dans l’entourage du ministre
pour s’entretenir avec lui de la question. Et Millerand de lui demander d’étudier la création
d’une section permanente. Le capitaine Givierge rédigea avec le commandant Cartier un
projet. Soumis au ministre le 20 juillet, il était approuvé deux jours plus tard. La section du
Chiffre entra en fonction le 1 er septembre. Rattachée au cabinet du ministre, son effectif
était moins nombreux qu’aux Affaires étrangères, limité à trois personnes : Cartier en prit la
direction, à la demande de Givierge, qui devint son adjoint, et un administrateur civil65 .

Si elle ouvre sur un passé glorieux, la photo de J. Parbaud marque aussi la mise en retrait
du bureau du Chiffre du ministère des Affaires étrangères dans les activités de
renseignement. Cette responsabilité n’était pas uniquement le fait d’une conjonction de la
Sûreté générale et de l’état-major général de l’armée. Elle résultait aussi d’une baisse
d’intérêt au sein du ministère. Le rattachement à la direction Politique et commerciale, le 25
septembre 1912, démontrait combien, depuis le départ de Théophile Delcassé, le 6 juin
1905, il manquait à la direction du département un souci du renseignement. Le chiffre
redevenait un moyen de communication diplomatique. Il est vrai que la qualité des
informations obtenues par ce biais avait été bien aléatoire. Les problèmes de décryptage,
comme l’absence d’une véritable analyse avaient rendu parfois la diffusion des messages
confuse. Les contresens avaient été fréquents, ainsi que l’avait présenté la controverse
autour du « télégramme Panizzardi ». Le 7 novembre 1887, Emile Flourens avait même cru
que la réponse du Chancelier allemand Otto von Bismarck au Premier ministre britannique
Lord Salisbury concernait un amendement à la Triple Alliance, conclue cinq ans plus tôt,
8/13
alors qu’il ne s’agissait que du texte originel du traité d’alliance germano-autrichien de 1879.
Onze plus tard, Delcassé avait cru, suite à une nouvelle incorrection, à un ultimatum
britannique lors de la crise de Fachoda. En 1901, il avait même pensé qu’un traité avait été
signé entre l’Italie et la Grande-Bretagne au sujet de la Tripolitaine.

Ces exemples témoignent d’une manière de travailler qui n’était pas propre au bureau du
Chiffre des Affaires étrangères, mais que l’on retrouvait également à la section de
statistique66 . Aucune analyse critique, ni interne, ni externe, du document n’était réalisée.
L’important était de diffuser une information que l’on ne prenait pas vraiment le temps de
vérifier. Cela tenait évidemment à la nature du personnel affecté à ces tâches. Les hommes
réunis sur la photo de 1904 étaient très certainement habiles à chiffrer et déchiffrer la
correspondance de son ministre et des diplomates français. Ils avaient établi les tables de
chiffres et savaient s’en servir. Mais, quelle était leur connaissance des affaires
internationales ? Quelle était leur capacité l’analyse, unique étape qui transforme
l’information en renseignement ? Face au « télégramme Panizzardi » déchiffré , même leur
ministre, pourtant diplomate de profession, Gabriel Albert Auguste Hanotaux, avait jugé la
pièce de peu d’importance…

1 Dans sa préface à l’étude d’Alexandre Ollier, La cryptographie dans l’armée française


1881-1814 (Panazol, Lavauzelle, 2002), p. 7.
2La France gagne la guerre des codes secrets 1914-1918 (Paris, Tallandier, 1998). Voir

aussi les contributions du Général Ribadeau-Dumas, « Essai historique sur le Chiffre »,


ARC, n° 2-5, 1974-1977 et n°25, 1997 ; d’André Cattieuw, « La cryptologie française »,
Pierre Lacoste (dir.), Le renseignement à la française (Paris, Economica, 1998), pp. 279-303
et « Rétrospective de la cryptologie de 1928 à nos jours », Bulletin de l’ARCSI, n° 26,
1998/1999 et de Sophie de Lastours « La cryptologie et le renseignement », Stratégique, n°
73 1999/1, http://www.stratisc.org/strat_073_bDeLastoursdoc.html .
3 The Codebreakers: The Comprehensive History of Secret Communication from Ancient

Times to the Internet (New York, Scribner, 1996 ; 1 re éd. 1967 ; trad. fr. La guerre des
codes secrets, Paris, Inter Editions, 1977).
4 « Déchiffrement et diplomatie : le cabinet noir du Quai d’Orsay sous la III e République »,

Relations internationales, n° 5, 1976, pp. 37-64.


5 On notera toutefois le n° 247 de La Revue historique des armées , 2007, consacré au

« renseignement ». Encore, se concentre-t-il essentiellement sur l’après-1914 et très peu au


renseignement diplomatique.
6 http://www.doc.diplomatie.gouv.fr/BASIS/photo/m1mc/catalographie/DDW?

W%3DFONDS+%3D+ %27S%E9rie+I%27
*+ORDER+BY+DATE_EXACTE/Desc%26M%3D6%26K%3D8763 %26R%3DY%26U%3D1
7 AMAE, Photos, Série I – groupes de diplomates, A007979.
8 Théophile Beguin-Billecocq, « Le service du Chiffre, de Lamartine à Jules Ferry », Revue

d’Histoire Diplomatique, vol. XCVIII, 1984, pp. 322.


9 Avant de gagner un poste diplomatique, les futurs diplomates faisaient un passage au

bureau du Chiffre. Ainsi, entre septembre 1894 et février 1895, avant de gagner Berlin, le
jeune secrétaire d’ambassade Paul-Henry-Horace Delaroche-Vernet participa à la
commission de réforme du bureau. Il en prit la direction treize ans plus tard, jusqu’à la
déclaration de guerre, succédant en juin 1908 au secrétaire de première classe William
Martin (1907-1908), promu directeur du Protocole (1908-1920) avant d’être accrédité
ambassadeur au Portugal [Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), Dossiers
personnels (DP), 2 e série].
10 9/13
10 David Khan, op. cit., p. 244.
11 Pierre-François-Louis Gambier, dit Campy, promu chef de bureau en l’an IV, était entré au
département en 1772 et avait traversé toutes les vicissitudes de la révolution. En 1825,
Damour lui succéda pour vingt-quatre ans et trois régimes (les deux Restaurations et la
Monarchie de Juillet). Atteint par la limite d’âge le 6 janvier 1848 après avoir dirigé onze ans
le bureau, Billecocq ne vit pas son neveu et gendre, Théodore-Louis-Marie Beguin-Billecocq,
le remplacer avant 1867. Entre-temps, le fils Damour (1848-1853), puis Belliard (1853-1867)
s’étaient succédé à la tête du bureau, malgré la révolution de 1848, les proscriptions de
1852 et l’Empire libéral. De même, Beguin-Billecocq était passé au travers de la Commune
et de l’avènement de la III e république [AMAE, DP, 1 re et 2 e séries].
12 Cornillot, affecté en 1796 au Chiffre, était le fils d’un ancien commis. Campy et Lebartz

recommandèrent également leurs parents, Desnaux pour le premier, Beuscher pour le


second.
13 Ernest-Alexis-Joseph Billecocq (octobre 1852 à décembre 1853), Chenu (avant 1857)

Charles Dauchez (octobre 1870 à mars 1871), Louis-Marie-Léonor Beguin-Billecocq (janvier


1885 à avril 1887) et Joseph-Gabriel-Claude-Hyppolyte Mezière (août 1886 à février 1891)
[AMAE, DP, 2 e série].
14 Charles-Marie Darmet (août 1854 à août 1857) [ Ibid .].
15 Camille Piccioni (mai 1885 à décembre 1896) ; il venait du cabinet du ministre et y

retourna après son passage à la direction du Chiffre [ Ibid .].


16 Albin-Chrysostôme Marnotte (mai 1861 à novembre 1867) et Maurice-Edme-Ludovic

Gaillard (août 1862 à juillet 1868) [ Ibid .].


17 La télégraphie fit l’objet de multiples conférences internationales à partir de 1865.

Plusieurs articles de la convention de Saint-Pétersbourg, du 10 au 22 juillet 1875, permirent


l’emploi d’une correspondance chiffrée pour les communications télégraphiques
internationales. A compter de 1878, le Foreign Office numérota ses télégramme comme la
correspondance papier.
18 Maurice-Edme-Ludovic Gaillard (1860-1862) [AMAE, DP, 2 e série]. Il servit semble-t-il en

Syrie
19 Henri Pavet de Courteille (novembre 1875 à juin 1880) [ Ibid .]. En vertu de la loi du 27

juillet 1872, qui permettait aux conscrits ayant tirés un bon numéro de ne faire qu’un an de
service, Pavet de Courteille accomplit ses cinq années complètes.
20 Un corps de chiffreurs fut constitué en 1920, pour affectation au bureau du Chiffre et dans

les postes. Au sein du bureau, les chiffreurs/déchiffreurs représentaient la moitié de l’effectif


total.

1918 1920 1938 1939

Au bureau du Chiffre 5 2 1 4

Dans les postes 22 18 4 7

[Jean Baillou, Le ministère des Affaires étrangères et le corps diplomatique français , II,
1870-1980 (Paris, CNRS, 1984), pp. 397-398].
21 Ibid ., p. 97 et 102.
22 Décret du 26 décembre 1869 [Frédéric Masson, Le département des affaires étrangères

pendant la révolution 1787-1804 (Paris, Plon, 1877), pp. 541-542].

23 10/13
23 Cette fonction est une survivance du secrétariat d’Ancien régime [Frédéric Masson, op.
cit., p. 35]. Au début de la III e république, il fut d’abord confié à Arthur-Léon Imbert, baron
de Saint-Amand, ministre plénipotentiaire, puis à Maurice Paléologue, secrétaire
d’ambassade et ancien attaché de ce service. Là où le premier trouva une sinécure lui
permettant d’écrire sur les femmes de la Cour depuis Louis XIV, le second dirigea un service
où « venaient aboutir certaines enquêtes de police » et dont « dépendaient certaines
liaisons confidentielles avec le ministère de la Guerre » [Maurice Paléologue, Journal de
l’affaire Dreyfus 1894-1899. L’affaire Dreyfus et le quai d’Orsay (Paris, Plon, 1953), avant
propos de l’éditeur, p. I].
24 Ce service fut établi sous le Premier Empire, sans que l’on put réellement connaître la

date précise (après 1805 et avant 1812) [Mémoires de M. de Bourrienne sur Napoléon, le
Directoire, le Consulat, l’Empire et la Restauration, t. VIII, (Paris, Ladvocat, 1829), p.379]. A
compter de 1812, son titulaire, Lelorgne d’Ideville, participa aux campagnes militaires,
accompagnant l’Empereur en Russie et pendant les campagnes de 1813 et 1814, et géra
des agents de renseignement. Après l’Empire, ce service retrouva ses fonctions initiales de
« cabinet noir » diplomatique. Elle se transforma en service de l’analyse sous la III e
république.
25 Décrets des 25 septembre 1912, 23 juillet 1918 et 27 août 1920 [Jean Baillou, op. cit., p.

97].
26Documents diplomatiques français relatifs aux origines de la guerre de 1914 (1871-1914) ,

3 e série (1911-1914), t. VIII (Paris, Impr. Nat., 1934), doc. n° 223, note de Maurice
Paléologue à Camille Barrère, ambassadeur de France à Rome, octobre 1913. La mention
au télégramme a été supprimée, pour d’évidentes raisons, au profit d’un commentaire de
l’éditeur, mais elle se retrouve dans AMAE, Correspondance politique et commerciale
(CPC), Italie, Nouvelle série (NS) 12.
27Les coulisses de l’histoire : Souvenirs 1898-1928 (Paris, Fayard, 1938), p. 44. Ils se

distinguaient également des « roses » de la Sûreté générale, du ministère de l’Intérieur.


28 Il y eut bien un bureau du Chiffre en 1750, mais son existence fut éphémère, les employés

estimant que sa création était une marque de défiance à leur égard [Frédéric Masson, op.
cit., p. 364 n. 2].
29 Eugène Vaillé, Le Cabinet noir (Paris, Presses universitaires de France, 1950), pp. 46-54.
30 Ainsi qu’en atteste le rapport de Montmorin au Roi du 8 janvier 1791, sur les retraites et

pensions des employés du Cabinet de Sa Majesté près l’administration des postes : « M


d’Ogny, surintendant des postes, 30 000 livres de pension ; M. Enguehart, 78 ans, 49 ans de
service, 12 000 livres ; Enguehart de Vaupré, 68 ans, 42 ans de service, 9 000 livres ; de
Romieu, 65 ans, 40 ans de service, 9 000 livres ; Gautier d’Ecurolles, 62 ans, 36 ans de
service, 9 000 livres ; de Durdent, 75 ans, 36 ans de service, 12 000 livres ; de Vaublanc, 68
ans, 32 ans de service, 9 000 livres ; de Seinpré, 58 ans, 32 ans de service, 9 000 livres ;
d’Aillon, Perrault, Bertholony, Girault, Perrault de Cherizey, Dumas, Porée, de 48 à 70 d’âge,
de 10 à 19 ans de service, de 7 000 à 8 000 livres de pension ; Desperrières et Desroches,
6 000 livres pour 7 ans de service ; puis une gratification à Darlu, Deflandres, Lebrun et de
Vaublanc fils, élèves » [Frédéric Masson, op. cit., p. 118 n. 2 et Jadis et aujourd’hui, I (Paris,
Ollendorff, 1908), p. 118].
31 Eugène Vaillé, op. cit., pp. 273-276. Le « cabinet noir » fut rétabli en avril 1798, non pas

sous l’autorité diplomatique, mais sous celle des Postes. Il le resta jusqu’à sa dissolution
officielle en 1848, et encore après…
32 Il était composé de cinq agents : Campy, Cornillot, Desnaux, Satur et Rottier. Les deux

derniers furent réformé ou chassé entre 1797 et 1799. Desnaux décéda en fonction le 1 er
juin 1806. Lebartz, Beuscher et Damour les remplacèrent.

33 11/13
33 Les originaux étaient détruits au bout de dix-huit mois. Le bureau du Chiffre archivait
quant à lui les « copies décalquées de l’autographe primitif » [Maurice Paléologue, op. cit.,
p. 151].
34 Christopher Andrew, art. cit., p. 42.
35 Maurice Paléologue, op. cit., p. 14. Armand Nisard était directeur des Affaires politiques

du ministère de 1889 à 1898.


36 Ibid ., p. 13. Dans Au Quai d’Orsay à la veille de la tourmente. Journal, 1913-1914 (Paris,

Plon,1947), il notera encore à propos du « service cryptographique (…) où la perspicacité, la


clairvoyance, la pénétration, le flair, l’étrange instinct qui découvrir les énigmes et les
hiéroglyphes, touchent à la divination magique » (p. 35).
37 Cette année-là, le major prussien Frederich Kasiski publiait à Berlin Die Geheimschriften

und die Dechiffrir-Kunst (L’écriture secrète et l’art du déchiffrement).


38 Cf. notamment Auguste Kerckhoffs, « La cryptographie militaire », Journal des sciences

militaires, 59 e année, 9 e série, vol. IX, janvier 1883, pp. 5-38, et février 1883, pp. 161-191 ;
Auguste Kerckhoffs, La cryptographie militaire ou des chiffres usités en temps de guerre
(Paris, Dumains, 1883) ; De Viaris, « Variétés : Cryptographie », Génie civil, 8 e année,
tome XIII, 2 e semestre 1888, n° 2-7, pp. 24-27, 38-39, 55-56, 72-75, 84-88, 104-107 ;
Marquis de Viaris, L’art de déchiffrer les dépêches secrètes (Paris, Gauthier-Villars et fils, G.
Masson, 1893) ; Paul Valerio, De la cryptographie. Essai sur les méthodes de déchiffrement
(Paris, Baudoin, 1893) ; Commandant E. Bazeries, Les chiffres secrets dévoilés (Paris,
Fasquelle, 1901) ; Félix-Marie Delastelle, Traité élémentaire de cryptographie (Paris,
Gauthier-Villars, 1902).
39 Christopher Andrew note (p. 44) qu’il se publia dans cet intervalle vingt-neuf livres sur le

sujet en France, contre six en Allemagne.


40 Service historique de la Défense, Département de l’Armée de Terre, 6 Y f 5578, et David

Kahn, op. cit., pp. 244-249.


41 David Kahn, op. cit., p. 240-242.
42 Sur les activités de cet organe permanent créé en 1894, cf. Alexandre Ollier, « L’essor de

la cryptographie militaire française entre 1880 et 1914 », Fabienne Mercier-Bernadet,


Contribution à l’histoire du renseignement (Paris, L’Harmattan, 2001), pp. 18-21.
43 Archives Nationales (AN), F 7 (Police générale), 14 605, commissaire Haverna, « Note

sur l’organisation et le fonctionnement du service cryptographique de la Sûreté générale »


du 7 septembre 1917, p. 1. Les dossiers étudiés par Bazeries se trouvent dans la série F 7,
12 829.
44 Note du 28 mai 1895 [Jean Baillou, op. cit., p. 101].
45 Le premier accord Méditerranéen entre l’Italie, la Grande-Bretagne et l’Autriche, de mars

1887 est en effet ignoré, mais pas le cours des négociations menant au second en
novembre 1887 [Christopher Andrew, op. cit., p. 42].
46 AN, F 7, 12 829, note d’Etienne Bazeries du 11 juin 1900.
47 AMAE, Papiers d’agent (PA), 43, Paul Cambon, vol. 60, déchiffrement du télégramme de

l’ambassadeur turc à Paris au ministre des Affaires étrangères à Constantinople du 7


novembre 1898.
48 Maurice Paléologue, Journal…, op. cit., p. 266.
49 Le bureau du chiffre était en mesure à cette époque de déchiffrer le code du chef de

l’Okhrana (police politique tsariste) à Paris, ce qui engendra une crise de confiance avec la
Sûreté (cf. infra) [AN, F 7, 14 605, op. cit., pp. 2-3].
50 Ibid ., 12 930, dossier de télégrammes espagnols déchiffrés par la Sûreté générale au

cours de la conférence d’Algésiras ; AMAE, CPC, Espagne, NS 41, télégramme secret de


Georges Louis aux ambassadeurs de France à Berlin, Rome et Vienne du 10 juin 1907. Il
est toutefois douteux que le chiffre espagnol, réputé plus faible, ait résisté plus longtemps
que l’allemand [Christopher Andrew, op. cit., p. 43].

51 12/13
51 Lors de la crise d’Agadir, en juillet 1911, le ministre des Affaires étrangères, Justin de
Selves, avait appris les ouvertures vers l’ambassade d’Allemagne de son président du
Conseil, Joseph Caillaux. Par une indiscrétion destinée à y mettre fin, il avait permis aux
Allemands que les Français lisaient leur code. Ils en changèrent et Bazeries ne parvint à le
casser qu’entre janvier et février 1913, à propos de la politique marocaine [Maurice
Paléologue, Au Quai d’Orsay…, op. cit., pp. 35, 44].
52 Herbet O. Yardley, The American Black Chamber (Indianapolis, Bobbs-Merrill, 1931), p.

21, cité par David Kahn, op. cit., p. 351 et Christopher Andrew, op. cit..
53 Le 3 février 1906, Haverna nota qu’ « à partir de cet endroit, il est employé un chiffre qu’on

ne peut traduire » [AN, F 7, 12 930, dossier de télégrammes japonais déchiffrés par la


Sûreté générale pendant la guerre russo-japonaise].
54 Les Russes avaient intercepté un message allemand concernant le Maroc et l’avaient

transmis aux Français.


55 Sur les activités de la police secrète russe à Paris, cf. Ben B. Fischer, Okhrana: The Paris

Operations of the Russian Imperial Police ( History Staff Center for the Study of Intelligence,
Central Intelligence Agency, 1997), https://www.cia.gov/library/center-for-the-study-of-
intelligence/csi-publications/books-and- monographs/okhrana-the-paris-operations-of-the-
russian-imperial-police/5474-1.html .
56 Sur l’intérêt de Harting pour les activités japonaise, cf. « Rita T. Kronenbitter », « The

Illustrious Career of Arkadiy Harting », https://www.cia.gov/library/center-for-the-study-of-


intelligence/csi-publications/books-and- monographs/okhrana-the-paris-operations-of-the-
russian-imperial-police/art2.pdf .
57 AN, F 7, 12 829, rapport d’Haverna du 27 décembre 1909.
58 Ibid ., 14 605, op. cit., pp. 3-6.
59 Aristide Briand, deux fois président du Conseil du 21 janvier au 18 février, puis du 18

février au 18 mars 1913, conserva le portefeuille de l’Intérieur. Raymond Poincaré avant lui
(14 janvier 1912-21 janvier 1913), puis Louis Barthou après (22 mars-2 décembre 1913),
prirent les Affaires étrangères et la Justice.
60 Joseph Reinach, Histoire de l’Affaire Dreyfus, I, 1894 (Paris, La Revue blanche, 1901),

pp. 243-251. Cf. aussi le dossier Dreyfus aux AMAE, CPC, Allemagne, NS 53-59.
61 Maurice Paléologue, op. cit., pp. 185-186.
62 AMAE, Affaires politiques, C-Administrative, 180 et Centre des Archives diplomatiques de

Nantes, Correspondance interministérielle, correspondance échangée avec le ministère de


la Guerre, 312. Cf. aussi Maurice Paléologue, Journal…, op. cit., pp. 176-177.
63 Bertrand Joly, « L’affaire Dreyfus comme conflit entre administration », Marc-Olivier

Baruch, Vincent Duclerc, Serviteur de l’Etat. Une histoire politique de l’administration


française 1875-1940 (Paris, La Découverte, 2000), p. 229.
64 La section de statistique avait été dissoute le 12 septembre 1899 par le ministre de la

Guerre, le général de Galliffet. Le même jour avait été constituée une section de
renseignement, strictement rattachée au 2 e Bureau de l’état-major de l’armée [Lieutenant-
colonel Rollin, Le service de renseignements militaires « En temps de paix, en temps de
guerre » (Paris, Nouvelle librairie nationale, 1908), p. 23].
65 Alexandre Ollier, op. cit., pp. 20-24.
66 Cf. l’Affaire Dreyfus ou le cas présenté par André Bach, L’armée de Dreyfus. Une histoire

politique de l’armée française de Charles X à l’« Affaire » (Paris, Tallandier, 2004), p. 544-
545, à propos d’un règlement confidentiel allemand sur l’« emploi de l’artillerie à pied (…)
pour l’attaque de fortifications de campagne ».

13/13

Vous aimerez peut-être aussi