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Comptes rendus des séances de

l'Académie des Inscriptions et


Belles-Lettres

Étude critique du Périple d'Hannon, (partie 1)


Jérôme Carcopino

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Carcopino Jérôme. Étude critique du Périple d'Hannon, (partie 1). In: Comptes rendus des séances de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 87ᵉ année, N. 1, 1943. pp. 137-139;

doi : https://doi.org/10.3406/crai.1943.77606

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1943_num_87_1_77606

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SÉANCE DU 26 FÉVRIER 1943 137
M. Charles Samaran communique une note de M. l'abbé Mollat,
intitulée : La présentation des suppliques en matière bénéficiale
à la cour de France, de Philippe le Long à Charles VI '.
M. Olivier-Martin présente une observation.

M. Jérôme Carcopino donne lecture de la première partie


d'une étude critique du Périple de Hannon.
Il définit d'abord la portée et la nature de ce document. C'est à
la fois, vers 450 av. J.-C, l'acte de naissance de la géographie, et
celui du Maroc. Mais nous ne le possédons que dans une
adaptation grecque à l'usage des étrangers. Comme l'a vu Gsell, il ne
contient pas d'impostures, que son affichage dans le sanctuaire
de Baal à Carthage eût permis au dernier des compagnons d'Han-
non de dénoncer. Mais, comme l'a dit E. F. Gautier, il a été
rédigé avec le souci constant de ne rien révéler des routes et des
marchés de la marine punique. S'il ne ment point, il ne dit pas
pour autant la vérité. Ici il la tait, là il la dramatise. Ce sont de
fausses confidences plus propres à égarer qu'à conduire, même
lorsqu'elles sont d'une exactitude irréprochable.
Ensuite, M. Jérôme Carcopino s'efforce, par quelques exemples,
de révéler les arrière-pensées et la méthode d'Hannon : 1° le
suffète affirme que son voyage a pour but de fonder ou
compléter des colonies : c'est vrai ; mais il a visé un autre but qu'il
ne dit pas, puisque sa relation comporte 18 chapitres et que la
dernière allusion à ses opérations coloniales se trouve au
chapitre 8. — 2° Hannon fixe à 30.000 le nombre des gens des
deux sexes qu'il avait embarqués sur ses navires, et ces chiffres
où il y a, semble-t-il, trop de passagers pour trop peu de
bateaux, est généralement corrigé par les commentateurs. — A
tort, car Hannon s'est bien gardé de nous parler de l'effectif de
ses équipages, qu'il ne convient pas d'y ajouter, mais qui, au
contraire, s'y incorpore. En réalité chacune de ses soixante pen-
técontores portait peut-être avec 200 matelots 300 colons des
deux sexes ; c'est à quelques unités près le chargement de la flotte
de 60 quinquérèmes sur laquelle, en 218 av. J.-C, fut transportée
de Pise à Marseille l'armée consulaire qui voulait empêcher le
passage du Rhône par Hannibal. — 3° Hannon suggère, par ses
1. Voir ci-après.
438 COMPTES RENDUS DE l'aCADÉMIE DES INSCRIPTIONS
silences, l'impression qu'il est tombé au Maroc comme sur une
terre vierge où il n'aurait pas eu de devanciers. Mais il suffît
de presser son texte pour y discerner entre les lignes la
présence de ses prédécesseurs phéniciens. Le sanctuaire qu'il a pris
le temps d'élever au Gap Gantin suppose la préexistence dans le
voisinage d'un établissement tutélaire, sans doute Mysokaras,
sur l'emplacement de Safî. Sur les sept colonies qu'il énumère,
une seule est présentée par lui comme une création de nihi-
lo : Thymiatéria, à l'embouchure du Sebou, et cette création
soudaine, jaillie d'un jet et sans préparation apparente,
suppose l'acquiescement et la collaboration des Tyriens qui, au xie
siècle, avaient fondé, à 4 km. exactement de Larache, sur
l'oued Loukkos, la ville de Lixus, si puissante qu'elle passait
encore aux yeux de Gornelius Nepos pour avoir égalé Garthage
même.
Enfin M. Carcopino reconnaît en cette Lixus la métropole des
Lixites, chez qui s'est arrêté Hannon, après avoir déposé des
colons à Karikon Teichos, Akra, Gytlè, Melissa et Arambys, et
que, par une méprise générale, l'érudition moderne refoule sur
les bords boueux de l'oued Draa, à la frontière méridionale du
Maroc français. Le Draa ne s'est jamais appelé autrement que
Darat. L'erreur qui l'a identifié au Lixus, le fleuve de Lixus, qui
s'appelle aujourd'hui le Loukkos, provient de l'illusion tenace
qu'Hannon n'a rien omis, escale par escale, des mouvements
d'une flotte dont l'itinéraire se serait sans interruption
développé sur une ligne continue du Nord au Sud... Or, au cap Can-
tin, Hannon a pris lui-même le soin de nous dire qu'il était
revenu sur ses pas.
C'est donc au voisinage du cap Cantin qu'il faut placer
Karikon Teichos (Mysokaras), et au nord du Cap Cantin, qu'il faut
chercher les colonies qu'il a énumérées au petit bonheur et sans
ordre géographique ; non seulement Arambys, qui est peut être un
autre nom de Sala, mais les autres colonies qu'on retrouve
effectivement dans les textes entre le cap Cantin et le cap Spartel et
qui sont: Akra = Husibis(Mazagan), Melissa et Gyttè (= Cottè) ;
surtout les Lixites ; chez qui se rend Hannon après avoir
accompli en ces diverses localités ses débarquements de colons, pour
lier amitié avec eux et leur emprunter des interprètes qui l'ac-
PRÉSENTATION DES SUPPLIQUES EN MATIÈRE BÉNÉF1CIALE 139
compagneront vers le tropique, ne sauraient plus être que les
habitants de Lixus sur l'oued Loukkos.
M. Jérôme Garcopino essayera, dans une seconde lecture, de
préciser, le but auquel tendait cette association des Lixites et des
Carthaginois.

COMMUNICATION

LA PRÉSENTATION DES SUPPLIQUES EN MATIÈRE BÉNÉFICIALE A LA


COUR DE FRANCE, UE PHILIPPE V LE LONG A CHARLES VI, PAR
M. G. MOLLAT, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE.

Par suite de l'absence de documents nous ne connaissons


pas le mode de collation des bénéfices appartenant pleno
jure aux rois de France avant le xiv° siècle. Le premier
renseignement que nous possédions en cette matière remon te
au règne de Philippe V le Long. L'ordonnance du 10
novembre 1318 statua : « quant nostre messe sera dite, avant
que nous partiens de nostre oratoire . . . pourra aussi venir
à nous nostre confesseur, pour nous parler de ce qui
touchera le fait de la collation de noz bénéfices, et non mie
d'autres choses1 ». Le frère Prêcheur, qui remplissait cette
fonction, communiquait au roi la liste des bénéfices
vacants par mort, démission, promotion ou résignation, et
celle des clercs à pourvoir. Instruit des choix du prince, il
se rendait à la chancellerie et « commandait » à un notaire
d'expédier des lettres de provision2. Telle était la
réglementation établie par les documents officiels. En réalité la
pratique différait beaucoup de la théorie. La fixation d'une
heure d'audience faite aux confesseurs réduisit forcément
le champ de leur activité. En usant de leurs bons offices les
quémandeurs de bénéfices risquaient d'arriver bons derniers.

1. Ordonnances des rois de France, t. I, p. 670, art. 670. P. Lehugeur


(Philippe le Long, roi de France, 1316-1322, tome II, Paris, 1931, p. 107-
09) a signalé des actes donnés in oratorio suo.
2. Ibidem, t. I, p. 673, art. 27 (édit du 16 novembre 1318).

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