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LE PROJET DE MACHINE A

ETUDIER LA FUSION : ITER


F.Hennion et R.Rzekiecki     (fiche n° 16)

Les recherches sur la fusion magnétique


contrôlée ont beaucoup progressé ces
dernières années dans tous les domaines,
tant au niveau de la physique, des
matériaux, des technologies que de l'image
d'un réacteur électrogène de fusion. La
communauté des chercheurs et ingénieurs
impliqués dans les études sur la fusion
magnétique contrôlée est maintenant prête à
effectuer un pas supplémentaire : démontrer
la maîtrise de l’entretien de la combustion
d'un plasma sur des temps longs. C'est
l'objectif principal visé par le projet ITER
(International Thermonuclear Experimental
Reactor).
1. BREF RAPPEL SUR LA FUSION ET
LES CARACTERISTIQUES DES
MACHINES EXPERIMENTALES
   1.1. QU’EST-CE QUE LA FUSION ?
   1.2. COMMENT REALISER LA FUSION DANS UN
LABORATOIRE OU DANS UN REACTEUR ? LE
TOKAMAK
   1.3. LES EXPERIENCES ACTUELLES
   1.4. DE L’EXPERIMENTATION AU REACTEUR
2. PROJET ITER
  2.1. HISTORIQUE
   2.2. OBJECTIFS ET DIMENSIONS DE LA
MACHINE ITER
3. COUTS
4. SITE DE CONSTRUCTION ET
D’EXPLOITATION D’ITER :
CADARACHE ?
  4.1. EXPERIENCE FRANÇAISE EN LA MATIERE
   4.2. CARACTERISTIQUES DU SITE
   4.3. SECURITE ET PROCESSUS
REGLEMENTAIRE
5. CONCLUSION
 

1. BREF RAPPEL SUR LA FUSION ET LES CARACTERISTIQUES DES MACHINES


EXPERIMENTALES

1.1. QU’EST-CE QUE LA FUSION ?                     


Selon la célèbre formule e = m c2 (e=énergie,
m=masse, c=vitesse de la lumière), les réactions
des noyaux de la matière qui peuvent donner
lieu à une diminution de la masse des
composants libèrent de l’énergie. Il existe deux
possibilités : soit par la fission des noyaux
d’atomes lourds (uranium, plutonium) utilisée
dans les centrales nucléaires actuelles, soit par
la fusion des noyaux d’atomes légers
(hydrogène H, deutérium D, tritium T, hélium
He). Au sein du soleil, ce sont les atomes légers
(hydrogène) qui fusio nnent en libérant de
formidables quantités d’énergie.Ces réactions
sont à l’origine de la chaleur et de la lumière que nous recevons. Sur terre, c’est la réaction
de fusion des noyaux de deutérium et de tritium, deux cousins (isotopes) de l’hydrogène,
qui est la plus efficace. La figure ci-contre indique que les produits issus de la fusion «
pèsent » moins lourds que les produits initiaux : la différence se retrouve dans l’énergie des
particules finales, neutron et noyau d’hélium. Le noyau d’hélium est aussi connu sous le
nom de particule alpha.
1.2. COMMENT REALISER LA FUSION DANS UN LABORATOIRE OU DANS UN
REACTEUR ? LE TOKAMAK
Pour que cette réaction ait lieu, les noyaux de charge positive doivent vaincre la répulsion
électrostatique ; c’est possible à très haute température (plusieurs dizaines de millions de
degrés) ; les constituants fondamentaux des
atomes sont alors dissociés – électrons
(négatifs) et noyaux (positifs) - : ils forment un
milieu ionisé chaud appelé « plasma » ; c’e st le
4è état de la matière après le solide, le liquide
et le gaz.
Dans le soleil et les étoiles, ce sont les forces
gravitationnelles (pesanteur) qui maintiennent
les conditions nécessaires aux réactions de
fusion (température et pression). Sur terre, cette
force n’est pas suffisante et il faut en utiliser
d’autres, par exemple : des champs électriques
puissants peuvent créer le plasma que l’on
maintient dans un champ magnétique intense
pour l’empêcher de toucher les parois. La
configuration la plus prometteuse aujourd’hui
est celle du Tokamak (nom d’origine russe) ; c’est une machine en forme de tore (forme
géométrique similaire à une chambre à air).
Ses éléments principaux sont :
• Une chambre métallique toroïdale étanche renfermant les isotopes de l’hydrogène dans
laquelle le plasma est formé, confiné et chauffé.
• Des enroulements électriques ou bobines, destinés à créer les champs magnétiques
intenses qui empêchent tout contact entre plasma et les parois de la chambre. Certaines
assurent le guidage du plasma autour de l’axe du tore et d’autres, la stabilité. Pour ne pas
consommer d’énergie, toutes les bobines devront être supraconductrices dans les machines
futures.
• Le système cryogénique qui est chargé d’abaisser la température des bobines créant les
champs magnétiques à des températures proches du zéro absolu (-269 °C) pour les rendre
supraconductrices.
• Les circuits magnétiques en fer qui, associés aux bobines, constituent un transformateur.
Le secondaire est l’anneau de plasma dans lequel circule un courant de plusieurs millions
d’ampères.
Le deutérium et le tritium sont préparés et approvisionnés hors de la chambre. Ils sont
introduits autant que de besoin dans cette enceinte préalablement mise sous un vide poussé.
Lorsque le champ magnétique est établi et les gaz deutérium et tritium introduits, une
tension appliquée sur le primaire du transformateur initialise le plasma dans l’enceinte
(secondaire du transformateur). Le plasma se comporte comme une résistance électrique et
chauffe par effet joule pour atteindre des températures très élevées (de l’ordre de 20 millions
de degrés).
Au delà de cette température, le plasma perd progressivement sa capacité de résistance au
passage du courant et l’effet devient de moins en moins efficace. Ces températures sont trop
basses pour obtenir l’ « ignition », c’est à dire une réaction de fusion dégageant
suffisamment d’énergie pour s’entretenir elle même. Il faut ajouter des dispositifs annexes
pour augmenter la température. Ces chauffages « additionnels » sont basés sur l’utilisation
d’ondes à haute fréquence (comme dans un four à micro-ondes) qui transmettent leur
énergie aux ions ou aux électrons selon leur fréquence ou bien sur l’injection de particules
accélérées (échange d’énergie par collisions).
1.3. LES EXPERIENCES ACTUELLES
Les tokamaks créés en premier par les russes sont développés dans le monde sous des
patronymes différents : JT60 au Japon, Doublet III aux états Unis, Asdex en Allemagne,
FTU en Italie, JET en Angleterre (machine européenne), Tore Supra à Cadarache.
Les buts principaux des 2 dernières expériences sont les suivants : JET étudie les plasmas
performants, Tore Supra, grâce à ses bobinages supraconducteurs étudie les plasmas de
longue durée (jusqu’à 1000 secondes).

1.4. DE L’EXPERIMENTATION AU REACTEUR


Depuis longtemps la communauté Fusion a cherché à définir ce que pourrait être le réacteur
du futur. On dispose donc d'études, régulièrement remises à jour, qui fixent les contours et
parfois les détails de ce que pourrait être un réacteur de fusion. Son principe est montré dans
le schéma ci-contre.
Comme indiqué précédemment, le mélange combustible deutérium-tritium est injecté (1)
dans une chambre à vide où, grâce aux champs électriques et au confinement magnétique, il
passe à l'état de plasma et brûle (2). Ce faisant, le réacteur produit des cendres (les atomes
d'hélium) et de l'énergie sous forme de particules rapides ou de rayonnement (3). L'énergie
produite sous forme de particules chargées et de rayonnement, s'absorbe dans un composant
particulier, la "première paroi" qui, comme son nom l'indique, est le premier élément
matériel rencontré au-delà du plasma. L'énergie des neutrons qui apparaît sous forme
d'énergie cinétique est, quant à elle, convertie en chaleur dans la couverture générant du
tritium (4), élément au-delà de la première paroi, mais néanmoins à l'intérieur de la chambre
à vide. La chambre à vide elle-même est le composant qui clôt l'espace où a lieu la réaction
de fusion. Première paroi, couverture et chambre à vide sont bien évidemment refroidies par
un système d'extraction de la chaleur. La chaleur est utilisée pour produire de la vapeur et
alimenter un ensemble classique turbine et alternateur producteur d'électricité (5).
Les combustibles pour la fusion sont abondants : le deutérium est abondant dans l'eau de
mer (33 g/m3) et le tritium sera à terme produit à partir du lithium très abondant également
(20 mg/kg dans la croûte terrestre et 180 mg/m3 dans les océans).

2. PROJET ITER                    

La phase expérimentale avant le réacteur de démonstration s’appelle ITER. Si l’on exclut


certains composants, comme par exemple la couverture générant du tritium, le projet
expérimental sera assez proche du réacteur décrit ci-dessus. Ce projet validera la faisabilité
de la production d'énergie via la fusion thermonucléaire non seulement au niveau de la
physique mais aussi au niveau de la majeure partie des grands composants d'un réacteur
(bobines magnétiques supraconductrices de grande taille par exemple). Les performances en
terme de confinement plasma demandées à un réacteur électrogène ne sont que 4 à 5 fois
supérieures aux performances nominales du projet ITER.

2.1. HISTORIQUE

ITER est le fruit d’une


collaboration internationale
unique et qui n’a, à ce jour,
aucun autre exemple. Lors
du Sommet de Genève en
Novembre 1985, l'Union
Soviétique proposait de
construire la prochaine
génération de tokamak sur la
base d'une collaboration
internationale entre les
partenaires majeurs du
programme fusion. En
octobre 1986, les Etats-Unis,
l'Europe (à laquelle est
associé le Canada) et le
Japon répondaient
favorablement à cette proposition et se regroupaient sous les auspices de l'Agence
Internationale de l'Energie Atomique (AIEA). Le projet ITER est ainsi né.
Aujourd’hui, au niveau international, les différents acteurs sont : l’Union européenne, le
Japon, la Russie, les USA, la Chine et la Corée du Sud.
La cheville ouvrière est le ITER International Team. Cette équipe conduit depuis 1992 les
études d’ingénierie détaillée d’ITER. Elle est garante de la préservation du dossier.

Au niveau européen, la Commission européenne a reçu mandat du conseil des ministres


européens pour négocier ITER au nom de l’Union Européenne. Cadarache a été retenu le 26
Novembre 2003 par l’UE comme site pour ITER. Une analyse détaillée du dossier ITER a
été menée et des études particulières prenant en compte les spécificités du site français ont
été conduites par le CEA. Les calculs sur le site de Cadarache ont été effectués, en
particulier sur les aspects : séismes, rejets, déchets.
L’équipe projet (EISS : European ITER Sites Studies), en charge des études du site de
Cadarache est constituée d’agents CEA, de membres des associations européennes, de
représentants du consortium industriel EFET.
Actuellement restent en compétition les sites de Cadarache proposé par l’Europe et soutenu
par la Russie et la Chine et de Rokkasho-Mura proposé par le Japon et soutenu par les USA
et la Corée du Sud.
En plus du problème du site, il est nécessaire de convenir de la répartition coûts / fournitures
des partenaires.
L’approvisionnement et la construction durerait une dizaine d’années.
La machine serait opérationnelle 20 ans environ.
2.2. OBJECTIFS ET DIMENSIONS DE LA MACHINE ITER
Dans ITER seront étudiés les plasmas en combustion, c'est à dire des plasmas où le
chauffage par les particules alpha créées lors des réactions de fusion est majoritaire (plus de
60%), alors qu’il atteint à peine 10% dans les meilleures performances réalisées dans la
machine JET ; la puissance thermonucléaire produite sera égale à 10 fois la puissance
injectée dans le plasma pour le produire. Ce sera aussi la première machine intégrant la
majorité des technologies essentielles à la préparation du réacteur de fusion (composants
face au plasma, gestion du tritium, robotique, tests de couvertures générant du tritium....).
Le tableau ci-dessous compare les caractéristiques d’ITER à celles de Tore Supra et de JET.

Paramètres Tore Supra JET ITER


Grand rayon du
2,25 3 6,2
plasma (mètre)
Petit rayon du
0,8 1 2,0
plasma (mètre)
Courant plasma
1,7 5-7 15
(million d’Ampères)
120
Durée de maintien
(bientôt 10 > 300 s
du plasma (sec)
1000)
Un problème important à résoudre est le transport des pièces lourdes et/ou encombrantes.
Les éléments les plus volumineux à transporter sont les 18 bobines toroïdales (14,3 m de
long sur 9 m de large) ; les éléments les plus lourds sont les secteurs de 40° de l’enceinte à
vide (575 tonnes).
Les autres bobines (26 m de diamètre) seront fabriquées sur place si Cadarache est retenu.
3. COUTS                    

Une des négociations importantes en cours concerne la répartition des budgets de


construction, de fonctionnement et de démantèlement entre les différents participants. Le
coût de construction dépensé sur 10 ans est estimé à 4 à 5 milliards d’Euro. Dans
l’hypothèse du choix de Cadarache, l’ordre de grandeur de la participation de l’Union
Européenne serait de 20 à 30%, celle de la France 10% et celle la région 10%. Le coût
d’exploitation réparti sur 20 ans est du même ordre de grandeur.

4. SITE DE CONSTRUCTION ET D’EXPLOITATION D’ITER :


CADARACHE ?                    

4.1. EXPERIENCE FRANÇAISE EN LA MATIERE


Au début des années 1980, le CEA exploitait le tokamak TFR à Fontenay aux Roses, le
tokamak Pétula et l’installation Wéga à Grenoble. C'était encore l'époque des « petites
machines ». A l'occasion de l'étude du projet Tore Supra, s'est posée la question de sa
localisation ainsi que celle du regroupement de l'ensemble des équipes sur un seul
équipement. Le site de Cadarache s'est imposé comme le site français devant accueillir à
terme une grande machine thermonucléaire.
C'est ainsi que de 1984 à 1986 s'est constituée l'équipe actuellement en place, dans un
premier temps pour assurer la construction de Tore Supra, dans un deuxième temps pour en
assurer l'exploitation et participer aux programmes d'accompagnement. Dès 1992, en même
temps que se constituaient les équipes du projet ITER, le CEA a réalisé une première
évaluation technique des capacités de Cadarache à accueillir cette future machine.
L'environnement industriel social et culturel est tout à fait favorable.
4.2. CARACTERISTIQUES DU SITE
Le centre de Cadarache, qui héberge déjà 18 installations nucléaires de base, satisfait à la
plupart des contraintes imposées par l'installation projetée ITER, avec souvent de grandes
marges.
Les contraintes sismiques découlant des RFS (règles fondamentales de sûreté) en vigueur
sur le site sont supérieures à celle du site requis par le projet. Leur analyse montre que le
bâtiment Tokamak tel qu’il est conçu actuellement résiste et ne nécessite pas de
renforcement. Si une plus grande exigence est demandée, restent les options de
renforcement local ou de pose de patins sismiques.
Le transport des composants de grande taille (le Centre est à 100 Km environ du port le plus
proche) est analysé avec attention.
4.3. SECURITE ET PROCESSUS REGLEMENTAIRE
Les exigences de la réglementation française pour la construction, l’exploitation et le
démantèlement d’ITER sont satisfaites.

Procédure réglementaire : Le CEA a entamé dès à présent la procédure d'autorisation, par


la rédaction du dossier d’options de sûreté, afin de ne pas retarder le planning prévu
aujourd’hui pour la construction d'ITER.

Effluents et rejets : les éléments nécessaires à la fusion étant introduits en faible quantité et
au fur et à mesure que le besoin se fait sentir, la quantité de combustible et de produits
présente à chaque instant est faible. Il n'est donc pas étonnant que les analyses de sûreté
conduisent à des doses en moyenne très faibles pour les opérateurs et l'environnement. Les
sources possibles de rejets radioactifs gazeux, liquides ou solides (aérosols) ont été
analysées et évaluées pour l’ensemble des équipements, y compris ceux relatifs au circuit
tritium.. En fait, l'évaluation préliminaire des doses délivrées au public par l'atmosphère sera
inférieure à 10 µSv par an à la fin de vie d'ITER. Concernant la concentration du tritium
dans l'eau, les doses prévues sont aussi très basses (moins de 0,1 µSv par an). Les effluents
et les rejets d'ITER sont bien en dessous des limites légales actuelles pour tous les effluents
(1 mSv). Rappelons au lecteur que le Sievert (Sv) est l'unité de dose reçue traduisant la
dangerosité d'un milieu pour l'homme et que la dose naturelle reçue par un homme en
France est en moyenne de 2,5 mSv par an.

Gestion des déchets et démantèlement : Au moment de l’arrêt de l’installation, la quantité


totale de déchets est de l’ordre de 30.000 tonnes dont 60% de très faible activité, 30% de
faible ou moyenne activité à vie courte et 10% de faible ou moyenne activité à vie longue.

Gestion du tritium : Après une phase initiale d'exploitation avec de l'hydrogène puis du
deutérium, ITER fonctionnera pendant 10 ans avec un mélange de deutérium-tritium. Le
transport du tritium, et la comptabilité précise de l'inventaire seront faits selon les
règlements français et internationaux.

5. CONCLUSION                    

Quel que soit le site retenu pour son implantation, la machine ITER représente une avancée
importante dans le domaine de la fusion.
Avec les premiers résultats, la voie sera ouverte à une énergie « propre » avec la possibilité
de disposer d’un réacteur de démonstration dans une vingtaine d’années et, plus tard, un
réacteur commercial.
Cadarache réunit toutes les conditions pour accueillir l'installation ITER, et satisfait à toutes
les exigences formulées dans la conception retenue. Dans ce cas, le bilan entre d’une part
les coûts d’aménagement et de fonctionnement et d’autre part les retombées économiques
devrait être nettement positif.
Références :
• site WEB du CEA http://www-fusion-magnetique.cea.fr/,
• document synthétique du site www.energethique.com,
• « La Fusion Nucléaire », par Joseph Weisse, Collection Que Sais-je n° 3659
• Revue Clefs CEA, printemps 2004, article sur la fusion magnétique par M.Chatelier et
P.Magaud.
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