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Maingueneau D., Analyser les textes de communication, Paris, Dunod, 1997
2
Paillé P. et Mucchielli A, « Analyse thématique in L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales,
Armand Colin, (2012), pp 231 à 314, p.231
2
1. Méthodologie
Avec ces thèmes et/ou sous-thèmes, l’analyse permet de répondre à la question : Qu’y a-
t-il de fondamental dans ce propos, dans ce texte, de quoi y traite-t-on ?
La compréhension sera facilitée aussi par l’analyse sémiotique qui permettra d’accéder
au sens latent se trouvant dans le style alambiqué des compositeurs de ces discours.
L’accession au sens sera permise par la segmentation du « tout signifiant » en unités
formelles pertinentes exploitables au niveau de surface et au niveau profond.4
Tout le monde n’a pas tout de suite compris ce qu’il voulait dire par ce néologisme5 de
« rēta mvyêyi » lors de son investiture le 18 juin 2020 au stade Ingoma de Gitega. Est-ce
que pour dire qu’il mettra en place un gouvernement qui se préoccupera de tout le
monde sans exception à l’image d’une mère à ses enfants ? Ou plutôt d’un gouvernement
qui gérera les affaires en bon père de famille ? Les deux sens sont tout à fait possibles et
compatibles. Mais, avant d’aller en profondeur de ce néologisme, scrutons d’abord
l’origine et le sens du mot dans le langage courant.
Kuvyâra se dit d’une personne physique, d’une femme par exemple qui met au monde et
à qui on reconnaît cette qualité d’être umuvyêyi.
3
Paillé P. Mucchielli A, L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Armand Colin, (2016), pages 235
à 312, p.235
4
Fontanille J. Sémiotique du discours, Presses Universitaires de Limoges, 1998.
5
Néologisme (de sens) : Expression ou mot existant dans une langue donnée mais utilisé dans une acception
nouvelle.
6
Rodegem F.M., Dictionnaire rundi-français, Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, Belgique. Annales-
série in n°8-Sciences Humaines-n°69, 1970.
4
Les caractéristiques intrinsèques d’« umuvyêyi » sont notamment « aimer ses enfants»
avec les mêmes sentiments, puisque c’est lui qui les a engendrés tous. Cela suppose qu’il
prend soins d’eux, qu’il veille sur eux de la même manière, etc.
Dire d’une personne morale comme le gouvernement (rēta) qu’il a engendré et devient
« mvyêyi » est donc un langage allégorique qui cherche à exprimer concrètement les
rapports du gouvernement et du peuple durant ce quinquennat.
Comme il s’agit d’une personne morale (rēta), ces caractéristiques deviennent des
objectifs à atteindre au lieu d’être des caractéristiques intrinsèques comme pour une
mère qui, naturellement met réellement au monde.
Le gouvernement mis en place par le président E. Ndayishimiye s’est donc fixé comme
objectif d’être un gouvernement qui aime tous les Barundi, un gouvernement juste,
rassembleur, équitable, se souciant en permanence du lendemain des Barundi.
Et pour arriver à être réellement « mvyêyi », le gouvernement peut utiliser cet objectif
comme une cette ligne de conduite. Il devient ainsi un slogan. C’est ce qui explique que
cette expression allégorique « rēta mvyêyi » revient souvent dans les discours des
autorités afin de garder les officiels sur cette ligne de conduite.
Rēta-mvyêyi a donc quelque chose à voir avec la gouvernance au niveau du pays (plutôt
qu’au niveau de la famille) : « la bonne gouvernance commencera par la mise en place de
rēta mvyêyi », a-t-il dit l’orateur président dans son discours d’investiture. Il a aussi à
voir avec la prise en compte des préoccupations des citoyens : « Rēta mvyêyi
commencera aussi par Sêbarŭndi7 qui aime les enfants de tout le pays, qui sait de quoi ils
vivent au quotidien et qui en retour le respectent et l’honorent » (Stade Ingoma de Gitega,
le 18 juin2020).
Ce langage allégorique transforme par ricochet (dans l’esprit des récepteurs) les
relations gouvernants-gouvernés en parents-enfants, les gouvernants devenant des
parents et les citoyens devenant des enfants.
7
Terme noble utilisé à l’époque de la monarchie pour désigner le roi, considéré comme le père de tous les
Barundi pour s tradition rassembleuse et non discriminatoire.
5
Le citoyen dispose d’un rôle assez important dans la gouvernance de son pays et ce rôle
peut être compromis s’il se met en tête qu’il est un enfant qui doit tout recevoir de ses
parents.
« nkózi » est un adjectif qualificatif dérivé du verbe « gukóra », qui signifie « travailler ».
Rēta nkozi signifierait dans son sens dénotatif, « gouvernement ‘travailleur’ ».
Le qualificatif ’nkózi’, ‘travailleur’ est ainsi une redondance, c’est-à-dire une addition
d'un terme dont le sens est déjà présent dans l'énoncé. N’est-ce pas que le
gouvernement est l’instance qui exécute les programmes. C’est l’ « Exécutif ». Il exécute
les programmes, en travaillant.
Mais si le chef de l’État a dû ajouter « nkózi » alors que cela va de soi, il revient au
récepteur de chercher un autre sens, qu’il a voulu insinuer. Le sens connoté.
Ainsi, sur le plan stylistique, « rēta nkózi » est un pléonasme : une figure de style où
l'expression d'une idée est soit renforcée soit précisée par l'ajout d'un ou plusieurs mots
qui ne sont pas nécessaires au sens grammatical de la phrase.
L’idée qui est renforcée ici est, conformément à notre hypothèse, que le gouvernement
nommé par E. Ndayishimiye est plus conscient que jamais des difficultés que traverse le
pays et qu’en travaillant avec plus d’ardeur et d’intelligence que les autres
gouvernements, il pourra bien lever les défis. Ajoutons à cela qu’en anthropologie
linguistique, précisément en onomastique, le nom a une fonction mobilisatrice du
porteur. Il devient un programme à suivre dans sa vie. L’orateur connaissant le contexte
avait même rassuré tout le monde même les incrédules :
C’est « un gouvernement qui ne vient pas vous diriger mais qui vient résoudre vos
problèmes » (Kigobe 30 juin 2020).Il a établi ainsi les secteurs les plus urgents.
6
8
Transparency International, Indice de perception de la corruption 2019, p.2 www.transparency.org/cpi
9
Loi n° 1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des
infractions connexes
7
covid-19 :
Contrairement à son prédécesseur qui reposait la lutte contre cette pandémie entre les
mains de dieu, le président E. Ndayishimiye engage tout le monde, à commencer par lui-
même hic et nunc (« ubu nyene »), à barrer la route à cette maladie à travers le slogan :
Ndakira,sinandura kandi sinanduza ( Je guéris, on ne me contamine pas, je ne contamine
personne).
Il déclare solennellement la guerre contre cette pandémie qu’il désigne comme ennemie
public numéro 1. Les mots sont très forts et témoignent de son engagement ferme.
Comme si le public avait longtemps attendu une directive aussi ferme et engageante
dans ce sens, ce programme fut longuement applaudi par le public se trouvant au palais
des congrès de Kigobe lors de l’investiture du nouveau gouvernement.
La fermeté dans la lutte contre la pandémie du COVID-19 est aussi perceptible dans la
manière de l’appeler : ce désastre, cette calamité, cette terreur … (ico kiza). Il le compare
à un ennemie : « l’ennemie, on le cherche partout où il est ». Une véritable déclaration de
guerre qui tranche avec le discours simpliste et crétinisant de son prédécesseur.
Cette fermeté est aussi dans les actions concrètes, mesurables et atteignables qu’il
annonce : « la mise en place des équipes de dépistage du covid-19 dans toutes les
provinces, sa surveillance permanente par les comités de sécurité». L’on ne saurait pas
se passer de cette autre promesse combien réformatrice, de faciliter l’accès aux services
de santé à tout citoyen de la base au sommet : « Nous allons faire en sorte que chaque
commune soit dotée d’un hôpital ».
Au moment où nous élaborons ce draft, la collecte de données en vue de mettre en
application cet engagement a déjà commencé. Il restera à voir comment on trouvera le
budget pour faire fonctionner ces structures combien exigeantes. Le défi sera de trouver
les ressources humaines et les équipements qui, s’ils ne sont pas disponibilisés poseront
un problème majeur de qualité. La question se pose aussi dans le secteur de l’éducation.
Beaucoup de classes ont été construites, malheureusement l’insuffisance des ressources
humaines et d’équipements pédagogiques restent un défi structurel causant un impact
sérieux dans la qualité de l’enseignement burundais.
2.2.2.1 La réduction du prix du savon
D’autres promesses sont annoncées comme urgentes dans la lutte de cette pandémie :
« tout de suite ». C’est notamment la diminution du prix du savon de moitié. Il souligne
que l’autre moitié sera payée par le gouvernement, chose qui a été longuement applaudi.
Extraordinaire effort du gouvernement, se dit le public applaudissant, qui n’avait pas
l’habitude de recevoir de tels cadeaux d’un gouvernement qui plutôt demandait chaque
jour des efforts aux citoyens pour financer les élections, venir en aide aux victimes des
inondations, acheter les bancs-pupitres pour les écoliers, payer les frais de sentinelle,
payer les honoraires des enseignants vacataires etc., un pays où les taxes sont revues
chaque année à la hausse etc.
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2.2.4 La jeunesse
La jeunesse est la catégorie de la population burundaise qui est fortement frappée par le
chômage. Il promet de les aider à décoller :
« Je m’engage à vous aider à décoller, surtout ceux qui ont obtenus leurs diplômes mais qui
n’ont pas obtenus du travail » (Kigobe 30 juin 2020)
Les statistiques relatives au chômage des jeunes sont alarmantes et l’attente est
tellement longue.
Au moment où nous rédigeons ce draft, un recensement est en cours pour obtenir les
données en vue de la concrétisation de cette promesse. Les jeunes diplômés sans emploi
ont été appelés à se faire inscrire dans leurs communes et/ou quartier de résidence. Le
gouvernement s’est aussi engagé à accorder les moyens à ceux qui ont des projets
viables ainsi que des encadreurs choisis parmi eux et payés par l’État.
2.2.5 Les fonctionnaires de l’État : Humaniser les retraites
L’humanisation des retraites vient à point nommé. Les composantes de cette
humanisation promises par le chef de l’État sont :
- La redynamisation des institutions de sécurité sociales pour donner plus d’espoir
aux gens qui partent à la retraite,
- Les soins gratuits et une pension plus ou moins équivalente à leur dernier salaire.
- La protection et la défense du petit travailleur devant la loi au pays comme à
l’étranger.
Dans la mesure où ils sont sous-payés, certains retraités se voient comme envoyés à la
mort. Ils ne peuvent pas initier des projets avec ce qu’ils perçoivent comme rente. La
promesse du nouveau chef de l’État est qu’ils touchent au moins l’équivalent de leur
salaire au moment du départ à la retraite. Tout le monde a applaudit non pas parce que
la satisfaction est là, mais parce que c’est révolutionnaire d’entendre des promesses du
genre. Rēta mvyêyi L’attente ne sera pas trop longue, la promesse est si mesurable et
atteignable, on peut croiser les doigts.
Quant à la protection des petits travailleurs, le symbole du travailleur mal traité se
trouve dans les services de gardiennage et de téléphonie mobile où la loi a du mal à dire
son mot. D’autorité, le nouveau chef de l’État, pourra-t-il prendre les choses en mains ?
Visiblement il est au courant il désigne ce domaine clairement : « Igisata c’abenegihugu
badakingiwe mu kazi kabo ka misi yose » (Stade Ingoma Gitega 18 juin 2020). Le secteur
où les citoyens ne sont pas du tout protégés.
2.2.6 Les déplacés : la recherche d’une solution durable
Mu maguru masha, tugiye kuganira n’abateshejwe izabo igihe twari mu magume, twige
ingene na bo bobaho nk’abandi benegihugu (kigobe 30 juin 2020).
A plusieurs reprises, ces déplacés avaient été sommés de retourner sur leurs collines
mais ils n’osaient pas le faire. Si une solution concertée permettant aux déplacés et aux
restés sur les collines de revivre ensemble dans la quiétude est trouvée, elle
constituerait un pas géant vers la réconciliation des Burundais.
10
Au Burundi, a dit le nouveau président, les droits de l’homme, ce n’est pas un problème.
Ils constituent un volet très important de l’éducation des enfants depuis les temps
immémoriaux.
« Nous avons grandi sachant qu’il est interdit de tuer même un lézard ». D’après le
président Evariste Ndayishimiye, dès le jeune, l’enfant burundais est éduqué au respect
des droits de l’homme :
« Depuis des temps immémoriaux, au Burundi, le meurtrier était banni, non seulement du
voisinage mais aussi du pays tout entier. Pratiquer un avortement était commettre un
sacrilège ». (Stade de Gitega 18 juin 2020).
Il promet la continuité. « Tout va très bien Madame la marquise » nous dirait Paul
Misraki.
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L’orateur ne fera pas allusion aux violations des droits de l’homme mentionnés dans
l’actualité, notamment celles occasionnées par la contestation du 3ème mandat brigué par
son prédécesseur. Le public l’attendait pourtant à ce niveau, ceci était perceptible dans
certains médias qui faisaient la relecture des rapports de la Commission Internationale
d’Enquête créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies dans sa
résolution 33/24, adoptée le 30 septembre 2016.
Et pour anticiper sur ce débat connu comme sensible dans les relations diplomatiques
avec l’occident, il demande aux partenaires de ne plus d’ailleurs formuler une condition
relative aux droits de l’homme :
Et pour baliser sur ce terrain, il attaque l’occident sur son propre terrain, s’insurge
contre l’homosexualité, l’euthanasie, etc. Il prend témoin son public : «Regardez vous-
mêmes ! », afin qu’il comprenne avec lui que la situation des droits de l’homme se porte
mieux au Burundi que chez ‘ces donneurs de leçons’.
Rejeter un tel débat à l’avance est compris comme une fuite en avant, qui risque de
maintenir le Burundi coupé de ses principaux partenaires techniques et financiers, en ce
moment où ce pays se classe premier pays pauvre au monde avec un PIB de
727dollars10.
10
www.gfmag.com/global-data/economic-data/Richest Countries in the World 2020.
PIB dans l’EAC dans le même classement : 1) Kenya= 3,875 2) Ouganda= 2,631
3) Rwanda=2,459 4) Tanzanie= 3,402 5) Sud soudan = 4,072.
(Consulté le 10 septembre 2020)
12
Ce soutien ferme à la CVR intervient au moment où son travail est décrié dans certains
milieux tutsi comme hautement hutisant et contreversé même dans certains milieux
hutu, victimes des crimes du passé douloureux.
En effet, cette commission est accusée de travailler dans l’impartialité, se préocuperait
d’une catégorie de victimes et négligerait une autre.
Pourra-t-elle remplir sa mission de « clarifier l’histoire, d’arbitrer de réconcilier»
(Accord d’Arusha article 8) ?
Rappelons que cette commmission est aussi partie sur des bases peu solides. Les textes
qui la régissent ont été votés dans la protestation des autres partenaires et les membres
désignés sous la contreverse des autres parties prenantes au conflit burundais, etc.
Ce serait par miracle que l’objectif de réconciliation tant souhaité par les Burundais
puisse être atteint dans une ambiance pareille.
La CNTB : Avec des nuances près, cette commission souffre des mêmes tares que la
précédente alors que les Barundi attendaient concensus au moins sur ces deux
contentieux.
Le président a promis justice, consolation et apaisement aux victimes des crimes du
passés. Il a promis de traduire en justice les auteurs pour donner une leçon au Barundi
et surtout aux jeunes qui doivent savoir qu’il n’ y a pas de crime qui soit imprescriptible.
Abahuye n’ivyago vy’ubwo bwicanyi nabo turazi ko bakeneye guhozwa no guhumurizwa,
abavyagirizwa nabo bagashengezwa kugira ngo Abarundi na cane cane urwaruka rw’ubu
na kazoza babonereho icigwa ko ata kibi cijana naho hohera igihe kingana iki. (Stade
Ingoma de Gitega le 18 juin 2020)
Ce discours parait rassembleur et compatissant pour les victimes de tous les crimes
commis dans le passé. Mais le chef de l’Etat, pourra-t-il tenir compte des critiques
formulées à l’endroit de ces commissions afin d’apporter un peu d’équité dans le
traitement de toutes les victimes.
2.3.3 La participation politique
Dans son discours le chef de l’État a fustigé les partis qui ne parlent pas le même langage
que le gouvernement. C’est une expression utilisée dans le langage courant pour désigner
globalement les partis de l’opposition.
« Qu’ils n’aient plus de place au Burundi ». A-t-il souligné. Mais, « Ne pas parler le même
langage que le gouvernement, n’est-ce pas justement l’expression qui colle à la chose
désignée de façon isomorphique? Ils ‘voient’ les choses autrement et leur rôle est
d’apporter justement d’autres propositions pour éviter le monolithisme.
Le rôle des partis de l’opposition c’est notamment de proposer des solutions alternatives
à la politique de la majorité en place. L’opposition c’est non seulement une instance tout
aussi importante que la majorité11, mais aussi une fonction incontournable en
démocratie. P. Charaudeau, ne met-il pas la majorité et l’opposition dans une même
instance discursive, vu qu’elles utilisent les mêmes stratégies.
11
Charaudeau P. , Le discours politique. Les masques du pouvoir, Vuibert, Paris 2005, p.42.
13
12
Courtés J. Analyse du discours. De l’énoncé à l’énonciation. Paris, Hachette, 1991,
14
Que ce soit quelqu’un qui est au Burundi, à l’étranger ou réfugié, tout le monde aura la
voix au chapitre.
La promesse est évidemment trop forte pour un pouvoir qui a toujours trainé les pieds
pour répondre à l’invitation du facilitateur W.B. Mkapa à Arusha et qui n’a pas daigné
répondre à la dernière session de dialogue du 25-29 octobre 2018 à Arusha en Tanzanie
avec une partie de citoyens réfugiés à l’étranger.
L’ancien président tanzanien, Mr. W.Benjamin Mkapa, qui était facilitateur dans ce
dialogue, a dû remettre son tablier au président ougandais, Yoweri Kaguta Museveni,
médiateur dans ce dialogue, désigné par la Communauté Est-africaine.
En réalité le pouvoir burundais a toujours prôné le dialogue intérieur, alors que
l’opposition vivant en exil a toujours considéré ce dialogue comme un monologue.
Aussi, en suivant les médias, on a appris que les questions qui préoccuppent les
opposants en exil sont notamment : l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation, la
constitution révisée, le processus électoral, la nyakurisation des partis politiques,
l’intolérance politique, la CNTB, la CENI, la CVR etc., toutes devenues comme taboues.
C’est aussi un dialogue qui est déjà stigmatisé par le pouvoir. Chaque fois que
l’opposition l’évoque, le pouvoir le rejette en le désignant péjorativement par
amagaburanyama, le ‘rendez-vous du partage des postes’.
Ce qui donne à penser que pouvoir et opposition ne parlent pas du même dialogue, il y a
peut-être un quiproquo ? Mais, quand même ce dialogue tient à cœur le nouveau
président de la République à voir la force et l’insistance avec lesquelles il en parle : « Nta
muntu n’umwe, yaba muto canke mukuru, azobura ijambo mu gihugu ». Ce qui laisse à
penser qu’un changement de cap peut être attendu.et la logique serait de mettre un
cadre de dialogue.
- La mise en place d’un cadre de négociation ?
Lors de son investiture, ill a tendu la main aux partisans de la violence : « Que la violence
cesse dès maintenant »(Guhera ubu ivy’ingimba bihagarare )
Au moment où nous rédigeons ce draft, les médias parlent de groupes armés dans les
provinces Rumonge, Kayanza et Bujumbura et des victimes de leurs attaques sont
comptés. Plus d’un demi-siècle d’indépendance, les Barundi devraient trouver les voies
pour enterrer définitivement, leur hache de guerre.
Le nouveau chef de l’État, pourra-t-il mettre en place un cadre pour ce dialogue? C’est en
tout cas la suite logique de ce qu’il annonce : «umwe wese avuge ikimubakiye, twoye
kwiha amenyo y’abatwenzi ». (Que chacun dise ce qui ne marche pour éviter le discrédit
à notre pays). C’est clair que ce qu’il faut éviter c’est non seulement le discrédit pour le
pays, mais aussi et surtout la descente aux enfers du sous-développement. Avec plus de
70% de la population vivant avec moins de 1,9 $ US par jour et par habitant, le Burundi
fait partie des pays les plus pauvres de l’Afrique subsaharienne et des pays à faible
revenu13.
13
République du Burundi, Évaluation de la pauvreté au Burundi, Banque Mondiale, Région Afrique, 2016)
15
En invitant ceux qui se sont réfugiés à l’étranger, pour les convier peut-être à ce
dialogue, il pose une question qui ne doit pas être agréable aux personnes visées :
« Qu’est-ce qu’ils ont gagné ceux qui ont porté les accusations à l’échelle
international ? ». Il les a invités à rentrer, à apporter leurs contributions et à développer
le pays. Peut-être en mettant en place un cadre nécessaire pour ce dialogue, des
solutions pourraient être trouvées.
Bon nombre de convictions encrées dans la culture burundaise ont été développées dans
ces discours, dans le sens de sensibiliser tout le monde autour de l’importance
incontournable du dialogue. Si la promesse venait àêtre une dette, le nouveau chef de
l’État mettrait en place ce cadre de dialogue assez tôt. N’est pas que la paix et la sécurité
constituent un pilier important pour le développement.
2.3.5 La coopération : D’accord mais…on est souverain !
C’est surtout au palier international qu’il pose les conditions pour la coopération. La
priorité, semble-t-il, est la souveraineté de chaque peuple, parce qu’il n’y a pas de petit
peuple, il n’y a pas de petit État.
2.3.5.1 La coopération internationale
Malgré l’isolement international que vient de vivre le Burundi suite à la crise provoquée
par le 3ème mandat de Pierre Nkurunziza, le nouveau chef de l’État se dit fier et content
des relations entretenues entre le Burundi et les autres pays ainsi que certaines
organisations africaines. L’on pourrait se demander de quelle fierté il s’agit avec une
diplomatie presqu’au point mort depuis 2015. Mais, ce qui est peut être prometteur,
c’est l’engagement à les renforcer : « tugiye kuyikomeza ».
Il faut mentionner en passant que sur le plan international, c’est principalement la chine
et la Russie qui sont restés aux côtés du Burundi pendant ce quinquennat de crise
(2015-2020). Les missions diplomatiques présentes à Bujumbura fonctionnaient au
ralenti et sont restées discrètes. Mais à la prise des fonctions du nouveau chef de l’État,
les représentants des missions diplomatiques résidant à Bujumbura se sont bousculés à
Ntare Rushatsi House pour déclarer leur joie à pouvoir relancer la coopération.
La Chine et la Russie quant à elles sont restées sur terrain, occupées à renforcer ses
opérations de séduction pour garder leur place dans l’influence politique. N’est-ce pas
qu’ils ont été remerciés officiellement :
: ‘Umugenzi nyawe umubonera mu marushwa’, turakengurukiye cane ibihugu vyatugumye
hafi, biradushigikira mu gihe hari ibindi bihugu vyashaka kuduta mu cobo.
Il se déclare convaincu de la nécessité de la solidarité mondiale : le monde forme un
corps. Le nouveau président burundais rejette l’hégémonie de certains dirigeants : « Il
n’y a pas un État qui doit s’en approprier pour le gouverner seul alors que Dieu a donné à
chaque État son territoire. Il prône le dialogue international.
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Cet appel a fortement fait bouger les positions de certains réfugiés résidant dans les
pays voisins, puisqu’on en a vus rentrer à plusieurs, passant par les frontières et
accueillis par les officiels du gouvernement.
Mais il a aussi apporté des nuances à cet appel, nuances qui peuvent avoir poussé
d’autres réfugiés à hésiter et à renoncer au retour au bercail. Dans la globalité il les a
désignés en ces termes :
« (…)abatinya gutaha kubera ubwoba bw’ivyo bagiye bakoze canke bari bacuditse
n’abakoreye amarorerwa Abarundi ».(Stade Ingoma de Gitega le 18 juin 2020)
Par la suite, ce message qui semblait codé a reçu des réclamations : « iyo abikoze akuze,
babanza kumwihaniza kugira ntazosubire » (rigolades et applaudissements dans le
stade).
Ce message codé, est compris par les seuls initiés. Signifie-il que parmi ces réfugiés il y
en a qui sont attendus au tournant ?
2.3.8 État de droit et liberté d’expression
Kuva ubu ntakuniganwa ijambo kuko ni uburenganzira bwanyu imbere y’umuvyeyi ariyo
Reta. (Stade Ingoma de Gitega le 18 juin 2020)
Dès à présent, n’hésitez pas à prendre la parole, c’est votre droit votre gouvernement est
là pour le faire respecter.
Le nouveau chef de l’État a appelé les Burundais à lui faire confiance : « Désormais,
comptez sur moi, c’est moi la principale autorité de ce pays ».
Dans un pays où seul le parti au pouvoir et ses proches s’expriment librement, ces
paroles sont libératrices et mêmes révolutionnaires.
Ce qui est étonnant, c’est que 100 jours après ces déclarations autorisées, les personnes,
les organisations et entreprises médiatiques non proches du pouvoir, continuent à
s’imposer la censure. L’autocensure continue à accompagner les activités et les relations
quotidiennes jusque dans les milieux académiques.
Est-ce peut-être cette nuance qu’il a apportée qui fait hésiter les citoyens :
« Que ce soit les médias ou les organisations des droits de l’homme, les portes sont ouvertes
pour que vous appreniez au gouvernement ce qui ne marche pas chez les citoyens. Depuis
longtemps, aucun enfant n’allait parler des affaires de la famille à l’extérieur. Les linges
sales se lavaient en famille, discrétion oblige. Celui qui va continuer à emprunter une telle
démarche, nous tirerons la conclusion qu’il a perdu son éducation ou qu’il a un autre
patron ».
Dans tous les cas, son slogan appelle tout le monde à apporter sa pierre à l’édifice : « Turi
kumwe twese turashoboye ». Il reste peut-être à trouver une méthodologie qui rassure
tous les citoyens afin qu’ils apportent leur pierre à l’édifice conformément à la loi et à
leurs déontologies professionnelles.
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2.3.9 La mise en place de l’Académie rundi : Qu’est-ce qui justifie les inerties ?
Tuzogarukira twongere duteze imbere Ururimi rw’Ikirundi, imico n’akaranga ka basokuru
tubicishije ku kigo gishasha c’Ubushakashatsi bwo kwitaho no kugarukira ururimi n’imico
vy’ikirundi (ACADEMIE RUNDI). (Stade Ingoma de Gitega le 18 juin 2020)
Plusieurs initiatives ont été prises pour promouvoir le kirundi afin d’en faire le tremplin
du développement. La politique linguistique a été adoptée par le Conseil des Ministres
en février 2014. Le décret régissant l’Académie rundi a été signé le 25 août 2014. La loi
sur le statut des langues a été promulguée le 3 novembre 2014.
Les missions assignées à cette institution prestigieuse de la langue et la culture qu’est
l’Académie rundi sont :
a) La protection et la promotion de la langue et de la culture rundi,
b) Le suivi de la mise en œuvre de la politique linguistique nationale,
c) La promotion de l’usage du kirundi au Burundi et dans la diaspora,
d) La codification des normes et des valeurs de la langue et de la culture rundi,
e) L’animation de toutes les activités en rapport avec l’enseignement et la recherche
sur le kirundi ainsi que la création des œuvres artistiques et linguistiques,
artisanales et culturelles,
f) La collaboration avec d’autres institutions locales, régionales ou internationales
poursuivant les mêmes objectifs.
Tout était déjà mis en place, sauf le budget pour le démarrage des activités de cette
institution. Et le budget, c’est une question de volonté politique de la part du décideur.
Néanmoins, un piège devra être levé. Dans la loi régissant la Maison de la culture,
promulguée le 2 décembre 2017, le législateur fait de l’Académie rundi un simple service
dans une direction ayant la culture dans ses attributions au sein du ministère de la
culture. C’est peut-être par manque d’information de ce que cette institution dans le
combat de la souveraineté d’un peuple.
Cette place dans l’organigramme du ministère de la culture ne permettra pas à
l’académie rundi d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés. Des redressements
devront être apportés.
2.3.10 Le développement : prioriser l’énergie et les infrastructures routières
En vue d’attirer les investisseurs, il engage le gouvernement à mettre tout en place : la
construction de sept barrages électriques, l’augmentation de l’énergie éolienne, etc. Il
promet aussi le renforcement des voies routières pour faciliter la circulation des récoltes
à l’intérieur du pays comme à l’extérieur.
21
Conclusion
Les promesses formulées par le nouveau pouvoir burundais institué en juin 2020 sont
certaines nombreuses. Nous ne pensons pas les avoir reprises toutes. Mais celles qui
sont reprises ici montrent que les nouvelles autorités savent où se trouvent les besoins
urgents et les engagements sont pris, certains ouvertement, d’autres de façon indirecte.
Afin de mettre en exergue les principales promesses, nous avons passé en revue trois
discours prononcés pendant les jours qui entourent la prise des fonctions du nouveau
chef d’État et son gouvernement.
Nous avons combiné deux méthodes : l’analyse thématique et la sémiotique. Certaines
promesses, les unes plus concrètes que les autres ont été placées dans la catégorie des
secteurs les plus urgents. Les autres, tout aussi importantes que les premières sont
aussi détaillées. Les instances habilitées à assurer le suivi de ces promesses pourraient
bien évidemment encore creuser en profondeur de ces discours.
Quelques documents de référence
1) Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation, 2000.
2) Charaudeau P., Le discours politique. Les masques du pouvoir, Vuibert, Paris 2005.
3) Courtés J., Analyse du discours. De l’énoncé à l’énonciation. Paris, Hachette, 1991.
4) Fontanille J., Sémiotique du discours, Presses Universitaires de Limoges, 1998.
5) Global Finance Magazine, www.gfmag.com/global-data/economic-data/Richest
Countries in the World 2020.
6) Loi n° 1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la
corruption et des infractions connexes.
7) Maingueneau D., Analyser les textes de communication, Paris, Dunod, 1997.
8) Paillé P. et Mucchielli A, « Analyse thématique in L'analyse qualitative en sciences
humaines et sociales, Armand Colin, 2012.
9) Paillé P. et Mucchielli A., L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales,
Armand Colin, (2016), pages 235 à 312.
10)République du Burundi, Évaluation de la pauvreté au Burundi, Banque Mondiale,
Région Afrique, 2016.
11)République du Burundi, La Constitution, 2018.
12)Rodegem F.M., Dictionnaire rundi-français, Musée royal de l’Afrique centrale,
Tervuren, Belgique. Annales-série in n°8-Sciences Humaines-n°69, 1970.
13)Transparency International, Indice de perception de la corruption 2019.
www.transparency.org/cpi