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Le bénéfce net du groupe au

premier semestre de 2017 s’est
élevé à plus de 6,2 milliards
BUSINESS WIRE

d’euros, surpassant celui

de tous les autres poids
lourds du secteur (ici, dans
le projet Erha, au Nigeria).
HYDROCARBURES
ExxonMobil
est de retour
Efficace dans sa gestion de la chute des cours, le géant
américain a les moyens d’investir à nouveau sur le continent
pour contrer la concurrence. Seul ou associé à d’autres majors,
il multiplie les projets autour des récentes découvertes.
CHRISTOPHE LE BEC
L
e mastodonte améri-
cain, premier pétrolier
de la planète par sa capi-
talisation boursière et
troisième producteur
mondial de brut et de gaz (4,15 mil-
lions de barils extraits chaque jour),
repart à l’offensive sur le conti-
nent. Au début de décembre 2017,
le groupe dirigé depuis Houston a
fait l’acquisition de trois blocs d’ex-
ploration en Mauritanie, nouvel
eldorado pétrolier découvert par
son compatriote Kosmos Energy.
À la même date, le ministre égyp-
tien du Pétrole, Tarek el-Molla, se
faisait l’écho de discussions avec
la compagnie américaine pour des
permis situés au large d’Alexandrie,
une région qui connaît un regain
d’intérêt du fait des découvertes
sur le gisement de Zohr par l’italien
ENI. C’est d’ailleurs avec ce dernier
que le géant texan s’est associé à la
mi-décembre 2017 au Mozambique,
prenant une participation de 25 %
dans le mégaprojet gazier de la zone 4
pour 2,8 milliards de dollars. Enfin,
toute dernière acquisition en date,
PLUS RÉACTIF
celle d’un permis d’exploration au
large du Ghana, Deepwater Cape QUE SES RIVAUX
Three Point, un champ en offshore
profond, obtenu le 18 janvier 2018
À LA CHUTE DES
après une négociation avec Accra. COURS DU BARIL,
Chasse aux coûts LE PÉTROLIER AVAIT
Avec ces incursions en dehors de ses FAIT DES COUPES
deux grandes bases subsahariennes
que sont le Nigeria – d’où il tirait
DRASTIQUES DÈS
253 000 barils par jour en 2016 – et LA MI-2014.
l’Angola – 169 000 barils par jour –,
le numéro un mondial veut préparer
l’avenir, pour enrayer la baisse de sa
production africaine (voir infogra-
phie p. 46). Plus réactif aux varia-
tions du prix du baril que les autres
majors, le texan avait fait des coupes
drastiques dans ses dépenses dès la
chute des cours à la mi-2014. L’ancien
patron d’ExxonMobil, Rex Tillerson,
aujourd’hui secrétaire d’État des
États-Unis, avait mené une impla-
cable et efficace chasse aux coûts qui
avait fait passer son bénéfice net de
3,5 milliards de dollars (3,16 milliards
d’euros environ), au premier
jeuneafrique no 2977 du 28 janvier au 3 février 2018 45
 Économie HYDROCARBURES
LE TEXAN ENVISAGE
DE NOUVEAUX
TERRITOIRES OÙ
VALORISER SON
EXPERTISE EN MATIÈRE
D’HYDROCARBURES
NON CONVENTIONNELS.
DR
MIKE GASKINS
Directeur des opérations
pour l’Afrique
Ce géologue américain travaille
depuis trente-cinq ans au sein de
la compagnie. Passé par la Russie,
le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et par
Londres, il a été nommé directeur
de l’exploration pour l’Afrique
occidentale en 2010. En 2016, ses
responsabilités ont été étendues
à toute l’activité amont de la
compagnie en Afrique. Il concentre
actuellement ses eforts sur le
Nigeria et l’Angola, d’où Exxon
tire l’essentiel de sa production.
46 jeuneafrique no 2977 du 28 janvier au 3 février 2018
UNE PRODUCTION AVANT TOUT NIGÉRIANE
(Production en 2016)
Mauritanie
Tchad
21 000 barils/jour
Côte Nigeria
d’Ivoire Ghana
253 000 barils/jour
Owowo Guinée
équatoriale
Congo
Bosi
Bloc 2
Bonga avec Total 21 000 barils/jour Tanzanie
avec Statoil
31 000 barils/jour Angola
Une production Kaombo
africaine en baisse avec Total
(SOURCE : WOOD MACKENZIE)
(barils/jour) Mozambique
523 000
594 000
551 000
Corral
* ESTIMATION
Afrique Zone 4 avec ENI
du Sud
2016 2017 2018*
Pays avec des projets en développement Projets majeurs en développement :
et des gisements en production Exxon majoritaire Pétrole
Pays avec des blocs en exploration Exxon minoritaire Gaz
semestre de 2016, à un record de pétrolier chargé de l’Afrique franco-
7,1 milliards de dollars au premier phone chez Wood Mackenzie.
semestre de 2017, surpassant celui de Fort de sa trésorerie à nouveau
tous les autres poids lourds pétroliers excellente, Darren Woods, le suc-
Shell, Total, Chevron et BP. Connu cesseur de Rex Tillerson, nommé le
pour ses analyses de portefeuille très 1er janvier 2017, surfe maintenant sur
poussées, il avait arrêté l’exploration le rebond des cours – qui ont dépassé
et le développement de nouveaux le 9 janvier les 70 dollars le baril, leur
projets, particulièrement en Afrique, plus haut niveau en trois ans – et fait
en raison de coûts d’exploitation ses emplettes pour augmenter ses
régionaux jugés plus importants réserves et faire repartir sa produc-
qu’ailleurs. « Sur le continent, Exxon tion. « Il souhaite réinvestir vite en
s’est surtout contenté pendant deux Afrique, en partie pour faire face à la
ans de mener à bien les projets déjà concurrence d’ENI et de Total, qu’il
décidés avant 2014 et d’exploiter des ne veut pas laisser dominer le conti-
champs aujourd’hui devenus vieillis- nent », note Jean-Baptiste Bouzard.
sants, ce qui explique la diminution « ExxonMobil est le numéro un
de la production depuis trois ans, de mondial, il n’est pas question pour
12 % entre 2016 et 2017 en Afrique lui de négliger une zone, et surtout
(– 4 % au niveau mondial) », observe pas l’Afrique subsaharienne, où il
Jean-Baptiste Bouzard, analyste a une présence historique et qui

représente aujourd’hui environ 12 %
de sa production d’hydrocarbures »,
complète Francis Perrin, chercheur
associé à l’OCP Policy Center de
Rabat et à l’Institut des relations
internationales et stratégiques (Iris),
à Paris. Toutefois, avertit ce spécia-
liste, « ExxonMobil regarde tout et
partout, de l’Égypte à la Mauritanie
en passant par l’Afrique du Sud. Mais
cela ne veut pas dire qu’il achètera
tous les blocs qu’il étudie ni qu’il met-
tra en production tous les gisements
qu’il explore ».
Armée de géologues
La compagnie américaine ne cherche
pas à jouer un rôle de pionnier en
matière d’exploration. Elle réagit
souvent aux investissements de ses
concurrents. Dans certains cas, le
groupe de Darren Woods acquiert
des blocs d’exploration jouxtant
de nouvelles découvertes, subodo-
rant avec son armée de géologues la
LINKEDIN
présence d’autres grands gisements
à proximité, ainsi qu’il l’a fait en
Mauritanie ou encore à DCTP, au
Ghana, près du champ de Jubilee. Il
coïnvestit également dans des pro- PAM DARWIN
jets aux réserves déjà prouvées par Vice-présidente de l’explora-
d’autres majors, à l’image de l’ac-
cord passé avec ENI au Mozambique
tion, chargée de l’Afrique
dans la zone 4, mais aussi avec le Cette géologue, formée à
norvégien Statoil en Tanzanie sur le l’université du Texas, est entrée
bloc 2 (Exxon en détient 35 %), deux en 1984 chez ExxonMobil, où
projets gaziers, ou avec Total en elle a fait toute sa carrière. Elle
Angola dans Kaombo (15 %). Enfin,
il veut également optimiser la fin de
a notamment travaillé comme
vie de ses puits et l’utilisation de ses responsable au Nigeria. Depuis
infrastructures déjà en exploitation juillet 2013, elle pilote les
en cherchant de nouvelles réserves activités d’exploration sur le
aux alentours. Présent en Guinée continent. Elle est à l’origine
équatoriale depuis des décennies – et
critiqué aux États-Unis pour ses liens
de l’achat de trois blocs en
avec le régime du président Teodoro Mauritanie, en décembre 2017.
Obiang –, Exxon a ainsi confirmé en
décembre 2017 avoir fait une décou-
verte sur le bloc EG-06, à proximité de
son champ vieillissant de Zafiro,
 Économie HYDROCARBURES

HACHE DE GUERRE ENTERRÉE AU TCHAD

Pionnier au Tchad, redevances dues aux ans. En octobre 2017,
où il est le pilote du douanes. En réaction, la compagnie a aussi
premier projet pétrolier la compagnie avait accepté de reverser la
de Doba, entré en déposé une plainte à part revenant à l’État
La compagnie production en 2004 la Cour internationale dans le projet Doba
états-unienne (production tombée d’arbitrage de Paris. en espèces et non
produit à 21000 barils/jour), En juin 2017, un accord en brut. N’Djamena
4,15 millions ExxonMobil a eu des avait fnalement été évite ainsi de devoir
de barils
relations houleuses scellé entre les parties, passer par Glencore
chaque jour.
avec N’Djamena. Une le Tchad renonçant au pour commercialiser
JACOB SILBERBERG/PANOS-REA

amende record de plus paiement de l’amende son pétrole alors qu’il

de 4000 milliards et Exxon proposant tente de renégocier
de F CFA (6,1 milliards 200 millions de dollars un prêt gagé sur ses
d’euros) lui a été en échange d’une cargaisons de brut avec
infigée en octobre 2016 prolongation de son le trader suisse.
pour impayés de permis de vingt-cinq C.L.B.

dont il a tiré plus d’un milliard d’ExxonMobil à quelque 3 milliards

HOUSTON NE
CROIT PAS À L’AVAL
Quand ExxonMobil pense à
l’Afrique, il pense exploration
et production, pas aval. En
2016, le groupe américain a
vendu 200 stations au groupe
nigérian Nipco. En 2005
et 2006, il avait déjà succes-
sivement cédé 500 stations à
Total et 300 au Libyen Tamoil.
Sa direction de l’aval mise en
priorité sur l’Amérique du Nord,
l’Europe et l’Asie-Pacifque tant
sur la partie rafnage que sur
les réseaux de stations-service.
de barils en vingt ans. « Quant à l’in-
cursion envisagée en Égypte – dans
une Afrique du Nord où le texan n’a
jamais été très présent –, elle pourrait
être liée à une envie de combiner ses
découvertes gazières récentes, faites
sur ses trois blocs à Chypre, avec de
nouveaux gisements égyptiens; ainsi
qu’à l’intérêt de trouver des débou-
chés pour son gaz dans un pays qui
a la plus importante demande éner-
gétique de la région, avec ses près de
100 millions d’habitants », estime
Stephen Fullerton, analyste chargé
de l’Égypte chez Wood Mackenzie.
« Finalement, la seule prise de risque
notable d’ExxonMobil en matière
d’exploration est celle de son projet
sud-africain de Tugela South, dans
une zone où personne n’a encore rien
trouvé de significatif », note Francis
Perrin. Quant au Tchad, où l’amé-
ricain est le premier exploitant du
pétrole de Doba, depuis 2004, la com-
pagnie, qui a eu plusieurs fois maille
à partir avec l’État (lire ci-dessus),
s’emploie désormais à améliorer ses
relations avec N’Djamena, et ce en
dépit de la politique étrangère de
Washington peu amène vis-à-vis de
ce pays.
Au regard de l’activité de ces
derniers mois, Wood Mackenzie
estime les réserves subsahariennes
de barils d’huile – dont plus des deux
tiers au Nigeria –, et à 32 milliards
de pieds cubes de gaz. Ce qui laisse
présager une évolution importante
vers le gaz, principalement autour
des projets de liquéfaction destinés à
l’export, alors qu’aujourd’hui le texan
n’en produit pratiquement pas sur le
continent.
Autre évolution à prévoir à plus
long terme : les projets dans les
hydrocarbures non convention-
nels, dont l’Américain est devenu
un producteur important aux États-
Unis. Si ce type d’hydrocarbures
est actuellement concentré en
Amérique du Nord, où les législa-
tions permettent leur extraction, le
groupe de Houston réfléchit d’ores
et déjà à de nouveaux territoires où
valoriser son expertise en la matière.
L’an dernier, la compagnie avait
entamé des discussions avec l’Algé-
rie, seul pays à autoriser ce type d’ex-
ploitation, même s’il suscite un tollé
dans l’opinion. « Des ressources non
conventionnelles existent néces-
sairement au Maroc, en Algérie, en
Tunisie, en Libye et en Afrique du
Sud, même s’il reste encore tout à
faire pour s’assurer de la possibilité
de les exploiter », estime Francis
Perrin. Selon lui, on devrait retrou-
ver ExxonMobil sur ces dossiers.

48 jeuneafrique no 2977 du 28 janvier au 3 février 2018