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CHAPITRE 9.

L'ORGANISATION DES ACTIVITÉS EN COMMUN ET


LE DÉVELOPPEMENT COGNITIF DES JEUNES ÉLÈVES
Irene Rivina

in Catherine Garnier et al., Après Vygotski et Piaget

De Boeck Supérieur | « Pédagogies en développement »

2009 | pages 165 à 178

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Pour citer cet article :


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Irene Rivina, « Chapitre 9. L'organisation des activités en commun et le
développement cognitif des jeunes élèves », in Catherine Garnier et al., Après
Vygotski et Piaget, De Boeck Supérieur « Pédagogies en développement », 2009 (),
p. 165-178.
DOI 10.3917/dbu.garni.2009.01.0165
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Chapitre 9
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L’organisation des activités en
commun et le développement
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cognitif des jeunes élèves


Irene RIVINA
Institut de psychologie et pédagogie générale
Académie des sciences pédagogiques de Moscou

1. Introduction
2. Les méthodes et les résultats
3. Examen individuel
4. Conclusion
166 Recherche psychopédagogique à la suite des travaux de Vygotski

1. INTRODUCTION
Un des aspects les plus importants de l’apprentissage est son carac-
tère systématique, ce qui nous a conduit à adopter une méthode qui, étant
donné son caractère systématique, serait susceptible de favoriser chez
l’enfant la capacité :
1. d’analyser un objet en tant que système d’éléments liés entre eux, et
de faire émerger le principe général de sa construction;
2. d’élaborer seul un nouveau système basé sur ce même principe.
Après un certain nombre d’expériences, nous avons mis en évidence
quatre niveaux d’apprentissage qui différencient les jeunes élèves les uns des

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autres.
Au premier niveau, soit le niveau le plus élaboré, les enfants sont
capables :
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• de déceler les différents éléments caractéristiques d’un système;


• d’en révéler l’interdépendance;
• de construire un nouveau système basé sur cette interdépendance.
Au deuxième niveau, se trouvent les enfants capables de déterminer
les éléments distincts d’un système mais sans parvenir à trouver leur interdé-
pendance. Au troisième niveau figurent les élèves n’ayant découvert qu’un
des éléments caractéristiques du système. Enfin, au niveau inférieur, le qua-
trième, se rangent les enfants incapables de découvrir un des éléments carac-
téristiques du système (Roubtsov).
Des contrôles systématiques ont accompagné toutes nos expériences,
qui ont donné les pourcentages suivants :
• 87 % des élèves de première année (enfants de 6 à 7 ans);
• 72 % des élèves de deuxième année;
• 58 % des élèves de troisième année n’ont pu se classer au premier niveau.

Au-dessous de 6 ans, le pourcentage de réussite était encore bien plus faible.


Nous sommes convaincus que, de façon générale, l’absence de caractère
systématique dans l’apprentissage est une des raisons de l’échec scolaire.
Toutefois l’aspect systématique de l’apprentissage n’augmente que très len-
tement et dépend de l’âge de l’élève et de la durée de sa scolarité.
Nous avons remarqué que l’échec intervenait surtout lorsqu’il s’agis-
sait de résoudre des problèmes mettant en jeu des relations multiplicatives ce
qui nous a incité à rechercher une forme d’activités en commun qui favorisait
le développement du caractère systématique de l’apprentissage. Rappelons
ici que de nombreuses études avaient déjà montré que les activités en com-
mun sont non seulement un moyen efficace d’apprendre à résoudre tel ou tel
L’organisation des activités en commun et le développement cognitif 167

problème, mais qu’elles contribuent beaucoup au développement des opéra-


tions et des actions cognitives chez l’enfant.
Les études des psychologues et des pédagogues ayant travaillé avec
des enfants de différents âges nous conduisent à envisager surtout deux for-
mes d’organisation des activités en commun : l’une pouvant être qualifiée de
« positionnelle », l’autre étant davantage définie en relation avec le contenu
de l’activité et les objets considérés.
Dans la première catégorie dite « positionnelle », nous pouvons envi-
sager plusieurs façons de procéder. L’une d’elles consiste à répartir les posi-
tions des enfants dans les activités en commun dans le but de créer des
groupes dans lesquels les participants ont au départ différents points de vue

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face au problème à résoudre (Perret-Clermont, 1980 ; Perret-Clermont,
Brossard et al., 1988). Une autre forme d’organisation répartit les rôles
entre les enfants (Tsoukerman, 1980). Enfin, les positions peuvent être défi-
nies d’après les actions accomplies par les enfants dans certaines circonstan-
ces connues (Elkonin, 1978). Quelle que soit l’orientation prise, les activités
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en commun favorisent le développement des enfants puisque ces derniers,


en comparant leurs différents points de vue et leurs différentes positions, par-
viennent à une meilleure compréhension du problème à résoudre.
Dans la seconde catégorie, les enfants sont répartis en fonction d’une
distribution des opérations impliquées par les objets et le contenu de l’acti-
vité. Dans ce cas, l’intérêt se porte essentiellement sur la construction d’une
forme donnée des activités en commun, révélant les moyens généraux de la
résolution de certains types de problèmes (Roubtsov, 1987). Lors de cette
approche, les principaux facteurs d’efficacité sont les suivants :
1. Répartition et échanges entre les participants à propos des élé-
ments structurels des activités
Une analyse logique et objective de l’objet d’apprentissage permettra
de définir les particularités de cette répartition qui constituera la base
psychologique de l’organisation des activités en commun. Cette
conception de la répartition des actions et de leur échange dans les
activités d’un domaine donné ont inspiré des études dans lesquelles
cette répartition favorise le développement de la pensée théorique. Il
s’agit en fait d’une méthode qui est en particulier efficace pour la
réflexion et la compréhension ainsi que pour l’amélioration de la qua-
lité des connaissances, du rôle qu’elles jouent dans l’élaboration de
moyens généraux de résolution face à certains problèmes, et dans
l’acquisition de nouveaux concepts, notamment physiques et mathé-
matiques.
2. Construction de modèles
Dans la perspective des travaux de Roubtsov entre autres, on attache
une importance fondamentale à la modélisation dans l’enseignement
168 Recherche psychopédagogique à la suite des travaux de Vygotski

avec l’aide de schémas graphiques, de formes symboliques, etc. Cette


activité de modélisation est généralement considérée comme une
étape nécessaire dans l’acquisition d’une méthode générale selon
laquelle la résolution de problèmes est facilitée (Davidov, 1986). Dans
le cadre de la seconde approche basée sur les objets et le contenu, les
activités en commun sont organisées de façon à ce qu’elles englobent
les différents modèles d’actions des participants. Habituellement, le
travail des partenaires à partir d’un modèle préétabli se répartit en
deux étapes : la construction de modèle basé sur le contenu d’une
part, et la démarche inverse, celle de la construction de l’objet à partir
du modèle donné d’autre part. Dans ces conditions, l’activité de cha-
cun permet de coordonner les procédures individuelles et pousse les

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partenaires à définir le principe de base de la structure du problème.
Ces modèles, associant le contenu de l’objet étudié à l’algorithme des
actions des participants, permettent par une certaine organisation de
l’interaction, d’aboutir à l’acquisition adéquate du contenu de l’objet.
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3. Le conflit de contenu
Une situation de conflit créée artificiellement provoque toujours la
nécessité de reconstruire l’interaction habituelle. Ce conflit peut être
lié tant au manque de matériaux nécessaires à la résolution du pro-
blème qu’aux difficultés d’agencement des opérations pour atteindre
la solution du problème. Ces opérations, qui sont réparties entre les
partenaires, sont commandées par le principe fondamental de la
structure de l’objet. La destruction du schéma habituel des actions à
mener, la restructuration des opérations et leur entrecroisement
offrent alors aux participants de nouvelles possibilités d’aboutir à la
solution. Dans ce cas, l’accent n’est pas mis sur la confrontation des
positions respectives mais sur la division et l’entrecroisement de leurs
opérations, c’est-à-dire sur le mode d’interaction.
4. Les activités en commun basées sur le jeu
L’expérience montre que chez les enfants d’âge préscolaire et pri-
maire, une interaction qui prend place au sein d’une activité ludique
accroît fortement la motivation des enfants lors d’une recherche
d’une solution aux problèmes mathématiques, et entraîne une plus
grande activité cognitive, contribuant au développement de la pensée
imagée, etc. Partant de la conception émise quant aux formes possi-
bles d’activités en commun et de leur facteur d’efficacité, nous avons
mis au point diverses méthodes nous permettant d’étudier les formes
d’interaction, aussi bien celle que nous appelons « positionnelle » que
celle basée sur les objets et le contenu.
L’organisation des activités en commun et le développement cognitif 169

2. LES MÉTHODES ET LES RÉSULTATS


Avant et après chaque expérience, nous avons évalué chacun des
membres du groupe afin de définir le niveau du caractère systématique des
actions de chaque enfant. Cette évaluation était basée sur deux expériences
de types différents.

Tout d’abord, il s’agissait d’établir la capacité de chaque enfant à dis-


tinguer les éléments caractéristiques et fondamentaux d’un système et à
reconnaître les liens qui s’établissent entre eux. Appelons cette expérience
« la série de cercles ». Un système composé de quatre figures, construit à par-
tir d’un principe unificateur qui met en relation deux éléments fondamentaux

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de ces figures qui sont le diamètre du cercle extérieur et celui du cercle inté-
rieur de deux cercles concentriques, est proposé à l’enfant. Une cinquième
figure appelée « cercle de contrôle » est également présentée à l’enfant. Ce
cercle ne correspond pas au principe fondamental de la construction de la
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série des quatre autres figures, et le problème posé à l’enfant est de détermi-
ner si ce cercle de contrôle appartient ou non à la série (figure 1-a).

Le but de la deuxième expérience, est de mesurer la capacité de


l’enfant à construire de nouveaux systèmes d’éléments à partir d’un principe
donné, en utilisant de nouvelles règles concrètes de construction. Ce fut
l’expérience « construction de séries » (figure 1-b).

Chaque enfant reçut neuf figures (2 cercles concentriques par figure),


distincts par leurs diamètres des cercles extérieur et intérieur, auxquels était
joint une dixième figure ou cercle « de contrôle ». Il devait construire des
séries composées chacune de quatre figures. Si l’enfant s’était rendu compte

« Cercle de contrôle »

FIGURE 1-A
170 Recherche psychopédagogique à la suite des travaux de Vygotski

« Cercle de contrôle »

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FIGURE 1-B

du lien existant entre les diamètres des cercles extérieur et intérieur, il ne pou-
vait réaliser que deux séries.
Ces deux expériences ont permis d’établir quatre niveaux des actions
d’apprentissage à caractère systématique, ce dont il a déjà été question pré-
cédemment. Seuls les enfants ayant atteint le niveau 3 ont pris part à l’expé-
rience principale, car ce niveau correspond à celui qui caractérise le degré de
développement de la plupart des élèves du primaire. Dans cette étude 109
écoliers de première et de deuxième année ont participé afin d’évaluer l’effi-
cacité des diverses méthodes en tenant compte du nombre d’enfants qui, à
la suite des activités en commun, avaient atteint les niveaux 1 et 2 du carac-
tère systématique des actions au cours de l’apprentissage.

2.1 La première méthode : répartition « positionnelle »


Cette méthode fut établie en tenant compte de trois facteurs : la posi-
tion de l’enfant, le conflit et le jeu. Dix-huit enfants répartis en groupes de
trois ont pris part à cette expérience. Chaque groupe devait former une série
de sept figures (de 2 cercles concentriques) choisies successivement parmi un
très grand nombre d’autres figures. Seule la première figure de la série était
donnée en guise de repère par l’expérimentateur. La série à élaborer par les
élèves se distinguait de la « série-diagnostic » utilisée lors de l’évaluation par
la grandeur des cercles concentriques. Les positions occupées par les enfants
étaient ainsi réparties : le rôle du premier participant était de tenir compte
du diamètre du cercle extérieur, le rôle du deuxième consistait à se placer du
L’organisation des activités en commun et le développement cognitif 171

point de vue du diamètre du cercle intérieur, et celui du troisième était d’indi-


quer la place de la figure dans la série à établir. Ce troisième rôle a été intro-
duit parce que « la place dans la série » est une caractéristique particulière
d’un système, dont il faut absolument tenir compte en construisant une série
d’objets à partir d’un grand nombre d’éléments.
L’expérience se déroulait sous forme de jeu de telle sorte qu’un point
récompensait chaque action réussie, celle-ci étant d’ailleurs sanctionnée par
les participants eux-mêmes. Notons que chaque enfant évaluait non seule-
ment sa propre action, mais aussi celle de ses partenaires, et cela en fonction
du rôle que lui avait attribué l’expérimentateur. Ces confrontations de posi-
tions pouvaient se révéler source de conflit et contribuer ainsi à révéler la
structure du problème posé à tous les participants.

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2.1.1 Les résultats
En travaillant selon cette méthode, 11 % des participants ont atteint
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le niveau 2 du caractère systématique d’apprentissage et 27 % sont arrivés


au niveau 1, soit un total de 38 % des élèves qui ont atteint les niveaux les
plus élevés d’apprentissage. Il faut d’ailleurs noter que ce sont surtout les
enfants occupant une position différente dans les activités en commun de
celle qui était la leur lors de « l’expérience-diagnostic », qui ont progressé
(85 % de tous ceux dont le niveau s’est élevé). Par exemple, tous ceux qui,
dans la première expérience, déterminaient le diamètre du cercle extérieur,
alors que dans la seconde expérience (activité en commun), ils étaient char-
gés de mesurer le diamètre intérieur du cercle, sont passés à un niveau plus
élevé du caractère systématique de l’apprentissage. Il est donc permis de sup-
poser que l’effet conjugué du conflit de position des enfants et de la nouvelle
position adoptée par eux ou attribuée à chacun d’eux par le chercheur, favo-
rise grandement la compréhension des liens entre les positions dans la série.
Ce conflit de position doit aussi être utilisé par l’expérimentateur pour orga-
niser, de la façon la plus efficace possible, la formation du caractère systéma-
tique de l’apprentissage.

2.2 La deuxième méthode : répartition basée


sur les objets et le contenu
Elle comprend, elle aussi, différentes combinaisons possibles de fac-
teurs d’efficacité.

2.2.1 Expérience 1
Pour cette expérimentation, vingt enfants furent répartis en groupes
de 2. Nous voulions surtout examiner les principaux facteurs suivants : la
répartition des opérations entre les élèves et les modèles utilisés afin de déter-
172 Recherche psychopédagogique à la suite des travaux de Vygotski

miner par les mesures prises l’orientation objective de cette forme d’activités
en commun.
Lorsque nous avions utilisé la méthode « positionnelle », chaque par-
ticipant devait se placer du point de vue de tel ou tel élément de l’objet pro-
posé (les diamètres des cercles extérieur ou intérieur) tout en travaillant avec
la totalité de l’objet (les cercles concentriques de chaque figure). Par contre,
en appliquant cette deuxième méthode, chaque participant n’avait à s’occu-
per que d’un seul élément, le diamètre du cercle extérieur ou celui du cercle
intérieur.
Chaque groupe a reçu une série de quatre figures différente de celles
examinées lors de l’évaluation de départ et une série de bâtonnets de diffé-

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rentes longueurs fournis en ordre dispersé (figure 2-a). L’un des participants
mesurait le diamètre du cercle extérieur et l’autre celui du cercle intérieur, à
l’aide d’un bâtonnet. Puis les partenaires faisaient une croix avec leurs bâton-
nets avant de passer à la mesure des diamètres de la figure suivante. On obte-
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nait ainsi une rangée de quatre croix qui représentent le schéma objectif de
la série-étalon des quatre figures. Ils eurent ensuite à produire un schéma gra-
phique où chaque croix, comme dans le schéma-étalon, devait pouvoir figu-
rer dans l’un des quatre carrés du dessin (figures 2-a et 2-b).

« Cercle de contrôle »

FIGURE 2-A

FIGURE 2-B
L’organisation des activités en commun et le développement cognitif 173

FIGURE 3-A

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FIGURE 3-B

À la seconde étape, l’expérimentateur enlevait les dessins des enfants


et leur présentait un autre schéma qui exprimait de nouvelles relations. Il était
alors proposé aux enfants de réaliser « l’action inverse » : aligner une rangée
de croix d’après ce schéma préétabli et construire ensuite une série de figures
d’après cette rangée de croix (figures 3-a et 3-b).
À la suite de cette expérimentation, 5 % des élèves se classèrent au
niveau 2 et 35 % au niveau 1. Pour comprendre ce résultat, nous avons ana-
lysé les protocoles de l’expérimentation. Nous avons ainsi découvert que les
élèves de première année éprouvaient certaines difficultés à construire un
schéma à partir d’une rangée d’objets. Ne comprenant pas ce que signifiait
le schéma, ils cherchaient simplement à « transporter » sur le papier la croix
obtenue à l’aide de leurs bâtonnets. On entendit même une écolière s’excla-
mer : « Mais elle n’y entre pas ! » parce qu’elle ne parvenait pas à introduire
sa croix à l’intérieur d’un carré.
Certains enfants n’arrivaient que très difficilement à établir une rela-
tion entre le schéma qu’ils avaient dessiné et la rangée d’objets qui leur était
proposée. Ils ne pouvaient pas dire à quoi correspondaient les bâtonnets
horizontaux et verticaux dans les croix, oubliant même qu’ils venaient de
mesurer le diamètre du cercle extérieur avec un bâtonnet horizontal et le
diamètre du cercle intérieur avec un bâtonnet vertical. De tout ceci, il appert
que la formation du caractère systématique de l’apprentissage chez les élèves
de première année primaire nécessite une formation préalable à l’utilisation
174 Recherche psychopédagogique à la suite des travaux de Vygotski

des schémas. Elle demanderait de plus, pour améliorer l’efficacité de cette


méthode, de tenir compte également d’autres facteurs dans l’expérimenta-
tion.

2.2.2 Expérience 2
Dix-huit enfants répartis en groupes de deux prirent part à cette expé-
rience de forme très semblable à celle qui vient d’être décrite. Les principaux
facteurs de l’efficacité des activités en commun sont comme dans la méthode
précédente : la répartition des opérations entre enfants, les modèles utilisés,
auxquels s’ajoute ici l’échange des opérations lors du travail avec les objets.
La répartition des opérations : lors de la reconstruction d’une

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rangée d’objets, d’après le schéma, les enfants échangent des opérations,
par exemple, l’élève qui primitivement mesurait le diamètre du cercle exté-
rieur, relève à présent celui du cercle intérieur, et inversement. Les enfants
furent préalablement initiés à utiliser des schémas. Ainsi, par exemple,
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l’attention des enfants fut attirée sur la ressemblance existant entre la série
de figures et la rangée de croix réalisées d’après cette série. Ils ont alors
appris à déceler la ressemblance du dessin et de la série de figures, et ce fai-
sant à discerner les différences pouvant exister entre les schémas (les croix)
et la rangée des objets (les figures).
Avec cette nouvelle méthode, l’expérimentation donna de meilleurs
résultats : 44 % des participants se classèrent au niveau 1 du caractère sys-
tématique de l’apprentissage; ils purent élaborer un nouveau problème en
utilisant le principe sous-jacent aux relations entre les éléments qu’ils avaient
découverts, et ils eurent bien moins de difficultés pour comprendre la notion
de « schéma ». Certains même parvinrent à formuler clairement la différence
fondamentale existant entre leur schéma et celui proposé par l’expérimen-
tateur. « Sur ce dessin, les bâtonnets verticaux et horizontaux dans les croix
diminuent, alors que sur le nôtre les bâtonnets horizontaux diminuent quand
les verticaux augmentent ! », disaient-ils. Certains enfants ayant manifesté
peu d’intérêt pour l’expérience, nous avons voulu pour motiver les activités
en commun introduire une situation de jeu.

2.2.3 Expérience 3
Trente-deux enfants répartis en groupe de deux participèrent à une
expérience regroupant « l’ensemble des facteurs d’efficacité ». Pour en éva-
luer l’influence sur la formation du caractère systématique de l’apprentissage.
Les facteurs suivants ont été inclus dans l’expérimentation : la répartition des
opérations, la présence de modèles, l’échange de procédures en utilisant les
objets, le conflit entre le schéma de l’action et la série des objets. L’expé-
rience s’est déroulée sous forme de jeu : pour chaque action correcte ou
incorrecte, l’enfant recevait ou perdait des points, que ce soit pour la cons-
L’organisation des activités en commun et le développement cognitif 175

truction d’un schéma ou pour le choix d’un bâtonnet destiné à identifier l’une
ou l’autre mesure. En outre, furent introduits successivement les divers fac-
teurs déjà cités.
Les démarches des deux expériences précédentes ont été répétées,
puis un conflit pertinent était provoqué : l’expérimentateur présentait aux
enfants un nouvel ensemble de figures et un schéma graphique ne permettant
pas de construire une série à partir des figures données. Ce nouvel ensemble
comportait six figures placées en désordre et dont les diamètres des cercles
extérieurs étaient constants alors que variaient les diamètres des cercles inté-
rieurs. Quant au schéma graphique, les deux paramètres y changeaient : les
lignes horizontales et verticales diminuaient de gauche à droite (figure 4-b).

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Les enfants devaient choisir, dans l’ensemble proposé, des figures conformes
au schéma et en construire une série. Si, au cours de l’expérience, les partici-
pants arrivaient à la conclusion qu’il était impossible de construire la série de
figures à partir du schéma, on leur demandait de dessiner un schéma con-
forme à la série proposée (figures 4-a et 4-c). Aussitôt après, les deux partici-
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pants recevaient à la fois trois schémas (des dessins de croix) correspondant à


trois séries d’objets. Parmi ces séries, ils devaient en choisir deux se distin-
guant entre elles par deux éléments caractéristiques, c’est-à-dire, la ligne hori-

FIGURE 4-A

FIGURE 4-B

FIGURE 4-C
176 Recherche psychopédagogique à la suite des travaux de Vygotski

zontale et la ligne verticale. Les enfants ayant résolu tous ces problèmes avec
succès, avaient encore un exercice à résoudre. L’un d’eux devait composer lui-
même un nouveau schéma constitué de croix tandis que son partenaire devait
construire une série de figures à partir de ce schéma.
Cette dernière expérience fut de loin la plus profitable de toutes celles
tentées dans le cadre de notre étude sur la formation du caractère systémati-
que de l’apprentissage. En effet, à la fin du travail en commun, 56 % des
enfants se classèrent au niveau 1 soit le plus élevé et 10 % au niveau 2. Nous
retrouvons donc 66 % des enfants pour qui le niveau du caractère systéma-
tique de l’apprentissage s’est élevé. Celui-ci avait déjà été remarqué tout au
long de l’expérimentation. Beaucoup d’enfants avaient nettement formulé les
différences existant entre les trois schémas. (Rappelons que le premier de ces

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schémas leur était remis par le chercheur, alors qu’ils construisaient eux-
mêmes les deux autres.) Ainsi, une fillette de huit ans remarquait :
« Sur le premier dessin, les bâtonnets horizontaux diminuent alors qu’ils sont
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égaux sur le troisième; de plus, sur le premier dessin, les bâtonnets verticaux
augmentent alors qu’ils diminuent sur le troisième. Cela veut dire que le pre-
mier se distingue du troisième par deux lignes… »
« Et pour les séries de figures ? » demandait alors le chercheur.
« C’est la même chose, répondait la fillette, car les dessins ressemblent aux
série de figures que nous avons construits. La différence est que là nous
avons des trous et des cercles et ici des bâtons. »
L’un des critères attestant l’existence du caractère systématique d’un appren-
tissage est que l’on aboutit parfois dans la situation de conflit, à l’impossibilité
de construire une série d’objets selon un schéma (construit par le groupe). En
voici un exemple typique. Après avoir étudié attentivement un schéma, l’un
des garçons prend deux figures, les superpose l’une sur l’autre et déclare :
« Regardez ! ce dessin ne permet pas de choisir les figures… Voyez ! les cer-
cles extérieurs sont égaux. » Son partenaire propose alors : « Faisons un
autre dessin qui soit bon. » C’est à cette conclusion que les enfants arrivent
lorsqu’ils ont vainement essayé de construire la série demandée, parfois avec
l’aide de l’expérimentateur. Ainsi, lorsque celui-ci demande après de vaines
tentatives :
« Avez-vous correctement construit la série ? »
« Eh… mais elles sont toutes pareilles ces figures… Ce n’est pas ainsi sur le
dessin » dit l’un.
Et l’autre d’ajouter : « Il faut faire un dessin correct. Toi, tu vas dessiner des
bâtons égaux. Moi, j’en ferai de plus en plus petits… »
Le problème le plus difficile à résoudre fut celui où l’on demandait de dessiner
un nouveau schéma qui permettrait de réaliser d’après le modèle alors pro-
posé une série d’objets. Voici comment un groupe en trouva la solution. Le
premier participant (7 ans) décida :
L’organisation des activités en commun et le développement cognitif 177

« Je vais tracer des bâtons verticaux égaux et des bâtons horizontaux de plus
en plus petits; je n’ai pas encore vu cela… »
Son partenaire le laissa faire avant de s’adresser au chercheur :
« Ces figures ne correspondent pas à celles du dessin… Donnez-nous en
d’autres ayant des cercles intérieurs égaux. »

Les expériences ont montré que les enfants qui ont accompli cor-
rectement tous les exercices, ont atteint le premier niveau du caractère sys-
tématique de l’apprentissage. Il nous faut signaler enfin que, pour comparer
l’efficacité respective des méthodes d’apprentissage, selon qu’elles sont
appliquées individuellement ou en commun, nous avons aussi procédé à un
examen individuel de chaque enfant.

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3. EXAMEN INDIVIDUEL
Vingt et un élèves prirent part aux activités. Pour chacun d’entre eux,
nous avons organisé les activités de façon analogue à celle décrite dans
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« Ensemble des facteurs d’efficacité ». Chaque fois, nous avons fait usage de
modèles et nous avons eu recours aux situations de conflit. Toutefois, à cause
du caractère individuel des activités il ne put y avoir ni répartition des opé-
rations, ni échange des procédures, ni présentation ludique du problème à
résoudre. Néanmoins, pour compenser le manque de compétition, nous
avons voulu stimuler chaque participant en lui demandant de totaliser un cer-
tain nombre de points à la fin de l’exercice, points accumulés en fonction des
opérations réalisées. Pour le reste, toutes les procédures se sont déroulées
dans le même ordre que celui utilisé lors des activités en commun. Chaque
écolier, après avoir mesuré les éléments de la série d’objets selon leurs carac-
téristiques essentielles, représentait celle-ci sous forme de schéma. Une fois
le schéma fait, il procédait de la même manière pour construire sa série de
figures. Il avait alors à découvrir la différence entre la série d’objets construite
et son schéma, différence pouvant engendrer une situation de conflit, et fina-
lement, il avait à construire le schéma adéquat correspondant à la série
d’objets.
Nous présentons ci-après le tableau des principaux résultats des
recherches visant à établir les méthodes les plus efficaces de formation au
premier niveau du caractère systématique de l’apprentissage.
Ces résultats montrent que :
1. les méthodes basées sur les objets et le contenu du problème proposé
sont plus efficaces que celles basées sur la répartition positionnelle
(respectivement 40 % et 44 % contre 38 %);
2. dans le cas de la méthode basée sur les objets et le contenu, en com-
parant les méthodes no 1 et n o 2 avec celle ayant eu recours à
l’ensemble des facteurs (no 3) nous voyons, lorsque tous les facteurs
178 Recherche psychopédagogique à la suite des travaux de Vygotski

Efficacité comparée de différentes formes de l’organisation


des activités des enfants

Pourcentage des élèves ayant passé


Méthodes du niveau 3 à un niveau plus élevé
à niveau 1 à niveau 2

Enseignement individuel 20 0
Répartition positionnelle 27 11
Répartition basée sur les objets
et le contenu
n°1 35 5
n°2 44 0
Ensemble des facteurs d’efficacité

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sont introduits simultanément, qu’ils augmentent considérablement


l’efficacité de l’enseignement en groupe (avec 66 % de résultats posi-
tifs dans ce cas).

4. CONCLUSION
1. Nos recherches nous ont permis d’établir que laisser un enfant de 6 à
10 ans à lui-même et s’en remettre à un apprentissage occasionnel,
pouvait mener une majorité importante de nos élèves à l’échec
scolaire. Il est donc indispensable de recourir à des méthodes
rassemblant : « l’ensemble des facteurs d’efficacité » pour préparer les
jeunes écoliers à acquérir des connaissances scolaires.
2. Le succès de l’apprentissage des jeunes écoliers dépend en grande
partie de la forme des activités auxquelles ils s’adonnent en commun.
Les éléments indispensables de ces activités sont :
• l’emploi de modèles assurant la coordination des procédures indi-
viduelles des participants;
• la répartition et les échanges des opérations de base entre les par-
tenaires, conformes à la structure de l’objet étudié;
• l’apparition de situations de conflit provoquant une nécessaire
reconstruction de l’interaction habituelle;
• et enfin la présentation du travail en commun sous forme d’activité
ludique.

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