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La mort défaite: Rites funéraires du candomblé


Author(s): Patricia de Aquino
Source: L'Homme, No. 147, Alliance, rites et mythes (juillet/septembre 1998), pp. 81-104
Published by: EHESS
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23211041 .
Accessed: 23/06/2014 00:28

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La mort défaite
Rites funéraires du caridomblé

Patricia de Aquino

1988. Xangrilâ Rosa, bourgade semi-rurale de la grande banlieue de


Juin
Rio de Janeiro, ignorée des cartes officielles et prétendue dangereuse pour
sa misère endémique, son lot commun de banditisme et l'insalubrité des
lieux où sévit la dengue, illumine la nuit de montgolfières sur lesquelles on

peut lire « Odun Xangô », carton d'invitation à la fête donnée en l'hon


neur de Xangô1, divinité de la foudre, originaire d'Afrique.
La moiteur qui se dégage des pluies sporadiques et torrentielles, drainées
avec une constance têtue par l'hiver carioca, infiltre les murs de la maison
de notre hôte qui s'affaire autour de la gazinière pour nous réchauffer de
ce cozido - sorte de pot-au-feu - succulent dont il a le secret, avant de se
rendre à la cérémonie où, « protégé » de Xangô et Maître des tambours, il
conduira les festivités.
Il y a plus d'un demi-siècle, Luiz Bangbala Angelo da Silva était instruit
dans les traditions afro-brésiliennes, à l'art de moduler la voix des tam
bours sacrés qui convient les dieux à danser parmi les hommes en « mon
tant à la tête » de leurs élus.
« caressant le cuir » des
Bangbala, je l'avais rencontré trois ans plus tôt
tambours de la « maison de candomblé » dirigée par ma tante, initiée à des
to
pratiques sacerdotales fort peu catholiques qui lui avaient valu sa mise au
ban de la famille. Ce « jeune » mulâtre impénitent, de soixante-dix ans, à
to
LU
Je remercie Bruno Latour pour ses commentaires et son soutien sans réserve. Que soient aussi
remerciés Anne Christine Taylor pour ses conseils judicieux, et l'équipe du séminaire des américanistes qui a
accueilli une première version de ce texte, ainsi que Philippe Descola pour sa relecture patiente et systématique. </>
111
1. La transcription des termes en langue liturgique respecte l'usage orthographique du portugais brési Q
lien. En revanche, nous signalons l'étymologie des expressions originaires de langues africaines (yoruba,
fournit des infor
kikongo, kimbundo) quand elle est connue, explicitée par la population étudiée, et/ou £
mations pertinentes pour éclairer certaines pratiques. kiu

L'HOMME 147/ 1998, pp.8l à 104

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au regard espiègle et à la truculente érudition, est ainsi qu'avec humour
il aime à se présenter une des « archives vivantes » du patrimoine musi
cal de ces cultes.
Notre soirée prit une tournure inattendue lorsque Oiâ Ina « Mère
de feu » - nom initiatique -
appela au portail la voix entrecoupée de

sanglots : sa sœur, initiée depuis plus de soixante-six ans, venait de


décéder. J'allais me retirer pour les laisser préparer les rites funéraires,

lorsque Bangbala
m'apostropha: «cette jeunesse doit apprendre...»

Quinze jours plus tard je participais à mon premier axexê. J'ignorais


alors que d'autres suivraient.

Candomblé : atelier de fabrication de la vie


Le candomblé2 intègre le vaste champ défini par la notion de « cultes
de possession afro-brésiliens ». Au sein de la multiplicité des formes d'ex

pression religieuse brésilienne, le « peuple du candomblé » se démarque


des catholiques et de l'univers afro-brésilien des umbandistas, des espîritas,
des crentes respectivement affiliés à l'Umbanda (où les médiums, lors de
transes, incorporent des esprits d'Indiens, d'anciens esclaves, d'enfants...),
aux cultes kardécistes (fondés sur la doctrine de Kardec et prônant
l'évolution spirituelle) et aux sectes d'origine protestante (où les pasteurs
procèdent à l'exorcisme des « esprits du Mal », de toutes les « forces »
distinctesdu Saint-Esprit).
Les temples de candomblé (terreirosP se différencient selon leur appar
tenance à des « nations
» (ketu, angola, jeje...) se référant à des spécifi
cités rituelles et idiomatiques. En raison de la pluralité de langues

liturgiques déclinées dans les cérémonies mortuaires, ainsi que du déploie


ment d'énoncés interdits qui les émaillent, je m'attacherai moins à l'étude

comparative susceptible de réifier des traits particuliers en les dissociant de


leurs relations mutuelles qu'à établir la dynamique interne d'un rituel. La

logique qui s'y déploie relève cependant d'un schème


régulateur partagé
par toutes les « nations » : la fabrication rituelle est le gage de la perpé
tuation de la vie. Un initié aux divinités d'origine africaine est un être
« fait» (feito),un « faitde dieu »4.

2. L'origine du terme candomblé renvoie au bantou : « kà-n-démb-id-é>kd-n-d6mb-éd-é > kà-n-dômb


él-é, dérivé de kù-làmb-à > kù-domb-d, louer, prier, invoquer, analysable à partir du protobantou ko
dàmb-éd-a, solliciter l'intercession de. Ainsi, candomblé est égal à culte, louange, prière, invocation, le
groupe consonantal -bl- étant une forme brésilienne » (Castro 1983 : 83).
3. Mot portugais : « terrain », « espace défriché », désignant les lieux de culte du candomblé. Chaque
« maison de candomblé », placée sous la
responsabilité d'un ancien initié constitue une communauté
autonome bien que les liens avec la maison où a été initié son fondateur soient entretenus (participation
réciproque aux rituels, fréquentation des fêtes...).
4. Les initiés sont les feitos ; entre membres de communautés distinctes qui font connaissance une ques
tion est récurrente : você é feito de que santo ? « de quelle divinité es-tu fait ? » Notons que l'usage du

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L'ensemble des séquences rituelles liées à la mort d'un initié du can
domblé a pour finalité première de séparer le défunt du monde des vivants
83
initiés, puis des morts ordinaires, avant de l'intégrer à la catégorie d'an
cêtre au terme d'une série de procédures complexes et discontinues de
destruction de l'identité
initiatique, c'est-à-dire de restitution de ses
à leur matière générique originaire — la boue, constitutive de
composantes
tous les êtres humains, mais aussi, l'eau, le feu, le fer, les plantes...
À la difference des rites de passage, le rituel funéraire, axexê, ne se limite
— la mort - et à mar
pas à corroborer une transformation physiologique
quer un changement de statut — le passage à l'ancestralité ; il consiste à
« défaire » l'identité sociale de l'êtrequi avait été « fait » par l'initiation,
sans l'intention de « refaire » une identité singulière. En effet, l'ancêtre
-
fabriqué, installé, ne sera pas le symbole du mort image de sa forme
vivante - mais, à l'opposé, un ensemble d'objets vides, non iconiques.
Le dispositif structurant le cycle de la mort, des funérailles et de l'an
cestralisation s'ordonne autour du paradoxe de la désarticulation de l'ini
tiation. A une mort aléatoire, la transformation initiatique substitue une
mort reçue du dieu, suivie de la naissance d'un être nouveau dégagé de
la parturition biologique. Or, bien qu'il s'agisse d'un événement à la fois

singulier et récurrent, le décès de l'initié est toujours vécu comme une

contingence advenant d'un extérieur non signifiant, réinvolution dans une


nature jamais nommée.
L'inversion - bris d'ob
qui opère par des actes focalisateurs contraignants
jets sacrés, élimination des biens liturgiques ayant appartenu au mort -
ne constitue cependant qu'un moment des rites. L'axexê n'est pas le
« symétrique inverse » de l'initiation ; sa logique rituelle correspond plutôt
au schéma de l'« englobement des contraires ». Le rôle de la mort biolo

gique reçue de l'extérieur est dénié par la mise à mort, à l'intérieur de l'es
pace sacré, de la décomposition reçue du dehors. Le mouvement instauré

par Xaxexê s'achèvera par l'expulsion de l'extérieur intériorisé pour enfin


réinstaller, dans un espace intérieur mais spécifique, l'initié ancestralisé.
Au-delà d'une opposition binaire entre « extérieur » et « intérieur », entre

biologique et rituel ou entre nature et culture, la dynamique ainsi dégagée

permet de repenser la validité et la pertinence de ces catégories. Il s'agira


d'élucider les modalités par lesquelles les funérailles font jouer la trans

gression rituelle contre la transgression biologique qui dé-compose ce qui to


a été construit, dé-socialise ceux qui participent de l'échange social et
1
CO
dé-limite ce qui opère la continuité entre les vivants et les morts. UJ

</>
LU
mot brésilien santo unifie le « peuple de saint », sans désigner les divinités par leurs noms liturgiques qui Q
varient suivant les « nations » ; la fixité des panthéons du candomblé permet d'établir des correspon
g
dances entre les orixâ « ketu », les inkise « angola » et les vodun « jeje ». 4XJ

Rites funéraires du candomblé

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Le cycle funéraire comprend deux cérémonies, médiatisées par le temps
tierce de la décomposition du corps au cimetière : la première, accomplie
immédiatement après le décès est de nature prophylactique et conjura
toire, neutralisant les effets de contamination par des manipulations du
cadavre qui éliminent la dissémination entropique de sa « puissance de
vie » (axé). La seconde, 1'axexê, stricto sensu, d'une durée habituelle de

sept jours5, séparée de l'inhumation par un laps de temps variable6, de


nature cathartique et transmutative, consacre la conversion et l'accès du
défunt à l'ancestralité. L'absence des dieux - « ancêtres
dépersonnalisé
divins » - dans le processus d'ancestralisation des humains ponctuera leur
rôle de médiateurs de vie, explicite dans leur nature d'objets composites.

De la désarticulation "délibérée" à la dissolution "spontanée"

La mort d'un initié impose une période de fermeture du temple aux

étrangers à la communauté et de « mise entre parenthèses » radicale


des activités rituelles régulières : suspension des cérémonies collectives
dédiées aux divinités
qui rythment l'année
liturgique, interruption de
l'exercice de la divination par le jet de cauris, prohibition de toute initia
tion. Le caractère dangereux, voire mortifère, de cette situation procède de
la contiguïté du défunt avec les vivants marquée par un régime de silence

qui souligne en creux le retrait des divinités dans l'« ailleurs ». Les divi
nités désertent « notre monde » souillé, ne traversent plus le corps déjà

impur de leurs initiés : il est sans cesse répété que le « candomblé est une

religion de la vie », gagée sur la réciprocité entre les hommes et les dieux
dans le cycle des offrandes et la contrepartie bénéfique de celles-ci mesu
rée à l'aune de la venue des divinités incorporées sur terre.
À l'opposé du dynamisme des vivants, l'inertie du mort (egun)7 annule
tout échange : la disparition du souffle, l'arrêt de la respiration marquent

l'impossibilité de communication entre deux mondes. La communauté est

exposée au redoutable paradoxe que celui qui meurt n'est plus le même que
celui qui est né lors de l'initiation : la durée biologique semble rattraper la

temporalité sociale de l'ensemble de la communauté qui l'a enfanté.

5. S'il s'agit d'un mort « jeune initié » - de moins de sept ans - la durée des cérémonies variera de un à
trois jours ; la séquence demeurera cependant la même.
6. Cette période correspond au temps nécessaire à la préparation de la cérémonie, notamment à la col
lecte de fonds en vue de l'achat des animaux qui seront sacrifiés.
7. Les egun désignent tantôt les « morts errants », tantôt les défunts qui n'ont pas traversé les secondes
funérailles, espèce de fantômes sans ressemblance à leur forme vivante, spectres de l'inter-monde, tou
jours susceptibles de nuire aux humains en s'emparant de leur « puissance de vie », de les rendre malades,
de les affaiblir, de les frapper d'infortune...Les egungun en revanche, appelés aussi Baba Egun ou Baba,
« Père », se réfèrent aux ancêtres localisablesdans la généalogie de la famille biologique qui reviennent en
ce monde couverts de pagnes richement brodés de cauris et décorés de miroirs. Le culte des Baba se

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Premier rituel funéraire et inhumation

Genèse I : naissance à la vie


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Le panthéon du candomblé est constitué d'une divinité initiale dont se
sont progressivement dégagés les « dieux de la blancheur »8. Le terme
orixâ, qui englobe tous les dieux-créatures responsables des domaines de
ce monde, devrait stricto sensu être réservé - et l'est effectivement lors de
certains rituels - à ces divinités de la création : « Oxala [dieu par excel
lence du blanc] est le seul Orixâ à ne pas être né d'un père et d'une mère,
il est né de l'interaction d'Olorum [le dieu initial] avec lui-même » (Rocha
1994: 59).
Dans l'« ailleurs », le futur être humain s'adresse à l'un des dieux blancs,

plus démiurge que créateur,pour choisir une Tête (Ori). La divinité


initiale lui insuffle le « souffle vital » (emi). En modelant la Tête, ce

démiurge, connu sous le nom de « Propriétaire de la bonne argile », utilise


des portions d'éléments (sperme, sang) des ascendants immédiats, père et
mère inclus, et de la nature (pierre de foudre, calcaire, eau douce, eau de
mer, pluie, fer, feu, plantes, écorce, sève d'arbres...). La combinaison

quantitative et qualitative des substances qui composent la Tête de chaque

personne est unique, spécifique, non reproductible. La Tête est par excel
lence l'individualisateur : elle « est la partie personnelle de l'existence de
chacun » (ibid. : 70).
L'individu n'est pas issu d'une création ex nihilo, mais du façonnement
d'une matière préexistente ; il ne résulte pas plus d'une unité divisée, c'est
à-dire seconde et dérivée, qu'il ne figure le simple croisement binaire
d'identité et d'altérité. C'est pourquoi la représentation de la Tête est la

pierre angulaire de la conception de la personne, à égale distance de la

séparation autonome et de la dérivation hétéronomique. La différence est


fondatrice, susceptible de réversibilité selon les aléas, qui dévoileront a pos
teriori d'autres éléments : la construction de l'identité
s'accompagne tout
au long de la vie de réaménagements du corps, d'édifications d'autels...
Lors de l'initiation, la Tête reçoit les sacrifices de consécration afin de
se transformer en « résidence du dieu » : elle devient le réceptacle perma
nent de la « puissance de vie » de la divinité à la suite de l'« implantation »

concentre dans les terreiros de egungun : sociétés masculines où retournent les seuls ancêtres, ascendants
des membres de la communauté. Alors que le contact d'un vivant avec le pagne des Baba est mortel, la i/>
poussière soulevée par leurs danses est hautement bénéfique. Les maisons de candomblé et à'egungun S
l/>
peuvent entretenir des rapports étroits : il est possible qu'une même personne occupe des charges sacer uj
dotales dans l'un et l'autre lieu ; les rituels cependant demeurent distincts.
8. Ce sont les dieux jùnfiin « blancs ». L'omniprésence de la couleur blanche dans tous les rituels initia 00
UJ
tiques et funéraires est révélatrice de l'ambivalence de la relation établie par les dieux de la création avec Q
la vie et la mort : si la couleur renvoie à l'immaculée renaissance initiatique, elle rappelle aussi le néant D
K
de l'indifférenciation originelle. SUJ

Rites funéraires du candomblé

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de Yoxu là où fut incisé le crâne de l'initié. L\oxu est un agglomérat de
feuilles liturgiques propres au dieu du novice et d'éléments porteurs de la
« puissance de vie » du temple où il est initié. Ces substances sont pétries
dans le sang des animaux sacrifiés à la divinité et modelées en forme de
cône ou d'œuf.La composition de Y oxu est un « secret » de chaque mai
son de culte. Pierre Verger en fournit les ingrédients pour l'« Afrique

yoruba » : « rats (eku) et poissons (eja) qui symbolisent des notions com
plémentaires terre-eau, masculinité-féminité, gauche-droite ; des plumes
de coq des bois (àlukô), coucou (àgbe), perroquet (odide), aigrette (léke
léke) dont le symbolisme est plus difficile à dégager » (Verger 1981 : 40).
La première manipulation rituelle du cadavre, appelée « retirer Y oxu »,
sera strictement privée, effectuée en secret par des prêtres habilités afin
d'annihiler le caractère divin de la Tête9 . Le sommet du crâne du défunt
sera rasé, lavé, et ses cheveux, enveloppés dans du coton, seront déposés
dans le lieu prescrit par la réponse divinatoire de la noix de kola, les seize
cauris supports de la voix des divinités restant muets en période de deuil.
L'enterrement a lieu peu après afin d'éviter la propagation de la « puis
sance de vie » immaîtrisée pour sa connotation de contamination. Cette
« puissance », qui avait été accumulée, canalisée, orientée lors de l'initia
tion, et renouvelée, lors des rituels, est susceptible, en se dissé
entretenue
minant au hasard, de phagocyter la communauté. Le cercueil est porté par
des initiés, oganw, qui par trois fois le soulèvent et le posent à terre en ren
dant un dernier hommage au fils du temple, avant de le hisser sur leurs

épaules, donnant ainsi le signal du départ du cortège vers le cimetière.


Scandée par un chant funéraire, la marche prend un rythme de plus en
plus accéléré à l'approche de la sépulture, les porteurs esquissant trois pas
en avant et trois petits pas en arrière afin de s'incliner devant la Mort,

marque ostentatoire de la crainte suscitée.


Au moment de la descente dans le caveau, Iansâ, unique divinité tenue
de comparaître à la mise en terre pour chasser les morts (egun) et préser
ver la vie, se manifeste à travers ses initiés. En effet, l'étymologie yoruba
connue au Brésil
indique le lien particulier de Iansâ avec la mort et
F« ailleurs ». Iansâ, la « mère de neuf » enfants dont le neuvième est egun,

arpente l'axe du monde dont certains mythes décrivent l'architecture qui

9. Pierre Verger signale que le corps des initiés défunts étaient lavés avec « de l'eau utilisée dans une forge
pour refroidir les fers du forgeron [...] effaçant ainsi symboliquement tatouages, scarifications diverses,
coupes de cheveux et blessures reçues à la guerre. Toutes ces actions sont dues à l'action [du] dieu des
forgerons, des guerriers, des barbiers, des agriculteurs et de tous ceux dont les activités les amènent à
employer du fer » (Verger 1973 : 64).
10. Les ogan sont des membres de la communauté, initiés, qui ne connaissent pas l'état de transe. Ce
titre, réservé aux hommes, se double de celui de leur fonction : ogan alabê, chargé de battre les tambours,
axogun, d'effectuer les sacrifices...

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superpose neuf espaces reliés par un arbre11. Le cinquième espace de ce
monde unitaire et segmenté est celui dans lequel vivent les humains.
87
Munie d'une branche d'arbre12, Iansâ permet aux participants de rendre
un dernier hommage à l'ancien initié, tout en demeurant protégés.
La branche, comme tous les bâtons ou chaînes rituels, figure l'arbre
reliant ces neuf régions topographiques. Sacralisée, elle est propitiatoire
« à l'égard de la vie » quand elle permet d'invoquer l'influence bénéfique
des ancêtres, comminatoire « à l'égard de la mort » lorsqu'elle écarte la

proximité maléfique de l'« au-delà » par le tracé sur le sol d'une limite
infranchissable. Cette branche sacrée est à la fois auguste, commandant
aux morts, et maudite, remémoration du bâton meurtrier dérobé par ruse
aux ancêtres et retourné contre eux, ainsi que l'attestent certains récits

mythiques, itanli.
De retour, les adeptes ne pourront pénétrer à l'intérieur du temple

qu'après avoir jeté par-dessus la tête l'eau fraîche puisée à l'aide d'une cale
basse dans un pot en terre cuite déposé sur le seuil.

La dissolution « spontanée » et l'intolérable autonomie du double

Genèse II : naissance à la mort

Le cadavre rigidifié rejoint la boue primordiale dont sont issus les


êtres humains ; la réciprocité des vivants et des morts est médiatisée par
la Mort (Iku) : quand le dieu initial décida de créer l'être humain, il
lui fut difficile de choisir entre les divers matériaux dont il disposait.

Après plusieurs essais, il choisit la boue ; et la Mort, seule divinité à ne

pas s'être émue de ses pleurs, présenta une portion de boue au dieu ini
tial qui lui insuffla son haleine, après avoir demandé à Oxalà de la
modeler. La Mort fut cependant chargée de rendre à la boue la part qui
lui avait été retirée.
Le « détenteur du secret », Agenor Miranda Rocha, insiste sur le rôle
joué par Nana, déesse de la boue, des marécages et de la terre humide
où notre corps, temporairement individualisé, se dissoudra. Il écrit :
« Quand quelqu'un lui est confié [à la Mort], elle vient chercher la
»
personne pour la restituer au sein de la terre, au ventre de Nana
(Rocha 1994: 117).

11. Il s'agit de l'akokô : Newbouldia laevis Seem., bignoniaceae (Barros 1993 : 100). ss
(/>
12. Ixâ ou atoriquand il est consacré à Oxoguiâ, une des divinités de la création - Psidium goiava Rad., U
MYRTACEAE (Barros 1993 : 100).
13. Les itan forment le corpus mythique de la divination : à chaque configuration donnée par les cau </)
UJ
ris correspond un Odû - un chemin, une destinée - regroupant un nombre variable d'itan qui narrent Q
l'histoire des dieux, leurs relations mutuelles, leurs rapports avec les hommes, avec les animaux, l'orga
K
nisation des êtres, du corps... HI

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de la mort, le « souffle vital » (emi), trait distinctif des êtres
À l'instant
de ce monde, rejoint dans son dernier soupir la masse d'air (ofurufu).

L'enveloppe corporelle (arâ), « assise de la Tête », et l'ombre portée (ojiji),


condensation matérielle du souffle, tombent en poussière.
Le défunt, qui est mort partiellement à son identité particulière,
n'est

pas totalement mort à son identité initiatique. Revenant maléfique cher


chant à échapper au froid de la mort, appartenant à l'ordre de l'exté
rieur, cet extérieur surgit toujours de l'intérieur de la communauté qui,
lestée d'une place vide, est entamée dans son intégrité. Se profile le

risque d'un empiétement des morts sur les vivants découlant du

brouillage des espaces respectifs (lèse egunl lé se orixâ). Il arrive qu'il soit

prohibé à certains initiés, voire à l'ensemble de la communauté, de par

ticiper aux premières funérailles.


Dépourvu de son dieu, de son principe organisateur, Y egun apparaît
comme double
prédateur, présence du non-vivant, non encore véritable
ment mort, modalité d'être oscillant entre le cadavre décomposé des pre
mières funérailles et l'ancêtre en voie de construction. Véritable errance en
déshérence, il faudra l'incorporer à travers sa destruction et sa mise à mort,
l'instaurant comme héritage effectif.
La monstruosité de la mort réside dans le fait que l'enveloppe rigidi
fiée du cadavre à l'apparence d'une chose inerte dégage des substances

organiques délétères que le rituel aura pour objectif d'éliminer. La mort


comme événement ponctuel daté et localisé tend à inscrire l'exception
de la suspension du temps vécu dans la continuité cosmologique,
mécanisme d'une horloge arrêtée. Aussi Yaxexê devra-t-il dénouer, en
ces substances, ce double - une dissémination
piégeant dérèglement
se une - et
qui fixe, rigidification qui se propage opérer la conversion
dans l'échange de ce symptôme figé d'un instant qui ne passe plus.
L'essentiel n'est pas le daté, le localisé, le ponctuel, mais le processus,
l'ensemble relationnel. Les ancêtres résidant dans les orteils, il faudra
leur faire des sacrifices afin de pouvoir marcher et conjurer la « vie qui
s'attarde et n'avance pas ».

Axexê : les deuxièmes funérailles

L'axexêest une opération de transformation sociale et de régénération

cosmique au terme de laquelle Y egun, ancestralisé, sera rendu à la matière géné


rique par la dislocation de la pluralité des éléments de sa combinaison singulière.
L'egun, double prédateur menaçant, investit indistinctement tous les
lieux. L'espace réservé du temple - auquel s'oppose l'espace public de la
salle où dansent les dieux - est lui-même divisé en deux domaines dis

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tincts : les « chambres » attribuées aux différentes divinités et l'enclos de
réclusion initiatique qui sont éloignés de l'endroit où, isolé, se dresse le
lieu de culte des ancêtres, ilê ibô aku « forêt du dedans », bénéfique, par 89

opposition au « dehors » de la brousse sauvage et hostile du cimetière.


C'est à côté, mais à l'extérieur de cette « maison des ancêtres » qu'est dressé
un autel provisoire où seront temporairement abrités tous les éléments

liturgiques définissant le défunt comme un être initié et singulier.


Sous un tissu blanc et des feuilles de palmier14 soutenues par quatre tiges de
bambou, seront placés : le Bara15 - récipient en terre cuite recelant vingt et un
cauris qui constituent une divinité dont le rôle est de garantir le principe dyna

mique de l'individu en tant que « corps de ce monde » ; les poteries contenant


les dieux, accompagnées de leurs vases respectifs en terre cuite, à couvercle, ren
versés et vidés de leur contenu (eau fraîche) ; les habits et colliers rituels.
Le rite se déroule en trois phases : la première correspond aux six pre
miers jours, où il s'agit de préparer la rupture des liens existant entre les
membres de la communauté et le défunt
par une étroite association de
l'ensemble des initiés à la mort (la présence aux cérémonies du premier

jour astreint à la réclusion dans l'enceinte de la maison de culte jusqu'à la


fin de l'axexê) ; la deuxième, entre le sixième et le septième jour, est celle

qui sépare les vivants du mort par la destruction des éléments individuali
sateurs (Bara, objets-dieux, biens liturgiques personnels), le sacrifice d'ani
maux, et le « renvoi » de l'ensemble à l'extérieur du temple ; la dernière
- - est celle de la
septième jour purification et de la levée de deuil.

Honorer et conjurer : inversions et paradoxes

Le
dispositif funéraire met en œuvre un ensemble de conduites, de
danses, d'idiomes, d'instruments musicaux, de chants liturgiques qui se
distinguent voire s'opposent aux cérémonies des divinités.
A la tombée de la nuit, après avoir effectué les rites d'ouverture, ipadê16'
les initiés, la tête enveloppée dans une étroite pièce d'étoffe blanche et dra

14. Il s'agit de l'igui opê. Elaeis guineensis A. Cheval, PALMAE (Barros 1993 : 101).
15. L'origine de Bara renvoie à Elegbara - « maître du contenant du corps », nom de la divinité Exû -
et à Obâ Ara - le « roi du corps ». Dans le panthéon du candomblé, Exû est la divinité qui assure le mou
vement, perpétue l'échange, maintient les êtres en vie : chaque être humain possède un Bâra qu'il doit
nourrir en faisant des sacrifices et qui est par excellence son principe dynamique de « corps individuel de
ce monde ». De même, à chaque dieu, à chaque maison de culte, à chaque condensation d'éléments por
teurs de « puissance de vie » correspond un Exû. to
16. L'ipadè « réunion » est une cérémonie d'une grande complexité rituelle qui, en temps habituel, clôt 5
</>
le cycle des sacrifices de chaque divinité en déterminant le début des célébrations publiques. La partici

pation à \'ipadêest restreinte à la communauté des initiés. Il s'agit d'un rituel propitiatoire, accompli dans <«
la salle des fêtes, où sont convoqués à recevoir les offrandes au milieu de chants et de danses, Exû (res t/1
Ul
«
ponsable de la circulation des sacrifices), les Essa (fondateurs des temples), et les Mères ancestrales », Q
« 3
propriétaires de la « grande calebasse », le ventre de la terre ». Toutes les divinités féminines, dont Nanâ, h»
déesse de la boue, sont des « Mères » qui détiennent le pouvoir générateur féminin.

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pés dans un pagne blanc, se réunissent dans la salle de fêtes autour d'une
demi-calebasse (cuia) posée à terre, où se trouve la « puissance de vie » du
temple17. Les tambours rituels ont été remplacés par deux calebasses ; des
musiciens18 appartenant à une autre maison de culte marquent le rythme
en frappant la partie inférieure de l'une à l'aide de deux baguettes, et des
mains, la partie supérieure de l'autre dont le col a été tranché19. Le sixième
jour, avant la reprise des mêmes séquences, la responsable des peintures
rituelles20 marque de craie les points vitaux des participants : deux traits
horizontaux sur les paupières (afin de protéger les yeux et de voir les enne
mis), trois traits verticaux sur les joues (rappel des marques tribales), et une
croix sur le front (marque du futur), les mains (pulsation du sang) et les

pieds (résidence des ancêtres). Une fibre de feuille de palmier est attachée
au poignet gauche, signalant les « enfants du temple ».
A côté de la demi-calebasse se trouvent un monticule de terre, une pote
rie à couvercle remplie d'eau et une bougie qu'allumera la prêtresse déten
trice du plus haut grade hiérarchique présentifiant le mort et marquant le
début du rituel. Une pièce de monnaie dans chaque main, elle entonne le

premier cantique qui convoque les morts à se joindre à la communauté.


La porte d'entrée de la maison
est maintenue ouverte, afin que tous les
morts, y compris les errants, puissent se joindre à la cérémonie ; après
avoir salué la porte ainsi que la demi-calebasse et les membres de la com
munauté d'une
légère flexion du genou, la prêtresse se met à danser : les
bras tendus d'un
côté, puis de l'autre, esquissant un mouvement pendu
laire entre l'intérieur et l'extérieur du cercle décrit par son trajet autour du
centre de la salle.
Les participants lui remettront chacun deux pièces de monnaie après les
avoir fait tourner trois fois de chaque côté de la tête et, à la fin du can

tique, elle effectuera le même geste avant de déposer la presque totalité des
pièces dans la demi-calebassse et de les recouvrir de trois pincées de terre.

17. C'est au centre de la salle des fêtes que sont enfouis sous terre, lors de la construction du temple, les
éléments porteurs de la « puissance de vie » de la communauté. Très souvent, à cet endroit, désigné
comme axé do terreiro, se dresse le « poteau central » reliant le sol à la toiture du bâtiment.
18. Ogan alabê est le titre des initiés chargés de battre les tambours qui invitent les orixâ à
comparaître
aux cérémonies.
19. Dans les temples de « nation angola », les calebasses sans col, au nombre de deux, sont renversées
dans des bassines remplies d'eau - le son ainsi obtenu à l'aide des baguettes est plus sourd. Dans les
- ou les deux - sont
temples de « nation jeje », une des calebasses remplacées par deux grandes jarres,
parfois quatre, et le son est obtenu au moyen d'éventails en feuilles de palme tressées dont on frappe le
goulot et les flancs de la poterie.
20. Au sommet de la hiérarchie de chaque maison de candomblé se trouve la Ialorixâ « celle
qui a un
orixâ » qui, en général, cumule les fonctions d'Ialaxé « celle qui a la puissance de vie », responsable de la
préparation des rituels initiatiques et d'Iâ Egbé « mère de la communauté » ; Iâ Efun, sa suivante, titre
lié à Oxalâ, divinité du blanc de la création, est chargée de manipuler la craie, substance
indispensable à
tout rituel initiatique.

Patricia de Aquino

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Elle en conservera deuxpour les remettre à son successeur selon l'ordre
hiérarchique sacerdotal et qui, à son tour, dansera en recevant des pièces
des participants. Par intermittence, chacun s'approche de la demi-cale- "

basse afin d'échanger un billet contre les pièces qui seront remises en cir
culation. Quand la chaîne de tous les initiés, individuellement ou par

groupe d'initiation, aura accompli ces gestes, des assiettes de nourriture et


une noix de kola rejoindront les autres objets au centre de la salle. Une
ronde clôturera cette phase.
Pendant les cinq premiers jours, les mêmes actes achèveront la cérémo
nie : la bougie sera éteinte et l'ensemble des objets rapportés dans l'enclos

provisoire. Après s'être ceints la poitrine du pagne, selon le mode coutumier,


les initiés se livreront de nouveauà un parcours circulaire, cette fois en l'hon
neur des divinités, mais dans l'ordre inversé des salutations et des danses.
Des modalités d'inversion du contexte rituel interviennent
pour pro
duire une modification tant de relation entre les officiants que du com

portement habituel. L'inversion de l'ordre rituel concerne aussi bien les


- les dieux sont -
participants partis, le public est absent que la musique
- les sont aux cérémonies funéraires et rendent floue
cantiques spécifiques
la distinction entre « nations », les divinités sont saluées à rebours, les trois
tambours sont silencieux et remplacés par un nombre pair de calebasses -
et les danses - les chorégraphies individuelles et homogènes sont privilé

giées. Les comportements alimentaires sont également inversés car l'ab

sorption d'alcool est obligatoire. Il en est de même pour les usages


vestimentaires qui sont marqués par la simplicité - pagne sur les épaules,
absence de couleurs, de jupes « gonflées » à l'amidon - et pour les « règles
de politesse » rituelles : il est interdit de prononcer le nom initiatique et
un ton de voix étouffé est de rigueur.
L'inversion caractérise également l'occupation de l'espace suivant deux
axes directionnels : le premier change les rapports entre l'extérieur et l'in
térieur du temple - les morts sont invités à franchir le seuil du lieu de
culte, la demi-calebasse figurant le défunt est posée à l'endroit où se trouve
enfouie la « puissance de vie » de la maison, les objets-dieux sont mainte
nus dans une installation précaire en dehors de leurs chambres respectives
et l'enceinte du lieu de culte n'est plus conçue comme un lieu protégé car
il est dangereux de s'y promener seul ; le second axe d'orientation inverse
le haut et le bas : le contact avec la terre est proscrit et les calebasses musi
cales ainsi que les récipients contenant l'eau sont renversés. S
L'inversion régit aussi l'ordre de la temporalité : le sacrifice est posté-
JJj
rieur aux activités accomplies dans la salle des fêtes, les « cérémonies d'où- jo
verture » sont accomplies avant le sacrifice, et si le temps post-sacrificiel est §
contracté, le temps pré-sacrificiel est, au contraire, dilaté. -tû

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Cettepremière phase de Y axexê est marquée d'ambivalence : il s'agit à
la fois de rendre hommage au défunt en tant que souvenir de frère et « fils
du temple » partageant une « puissance de vie » et d'oblitérer la rupture
introduite par sa présence menaçante. La communauté recourt à une
forme relationnelle paradoxale qui l'honore pour le conjurer et se proté
ger, le leurre pour le piéger et se l'approprier.
Les déplacements incessants de la demi-calebasse
(entre la salle des fêtes
disséminent l'impureté d'une
et l'autel provisoire) « puissance de vie » de
- le lieu où est condensée la
corps éclaté. La place qui lui est assignée
« force de vie » du temple -
signale un mouvement hyperbolique à la fois
de reconnaissance de l'appartenance de celui qui fut initié à la « puis
sance » de la maison et de défi - c'est aussi par l'intermédiaire de cette
« puissance » qui le fit naître qu'il pourra mourir.
Cette ubiquité se redouble de l'appel et de la venue de tous les morts

anonymes qui furent privés d'axexê, généralement parce que leur dispari
tion était restée inconnue ou qu'ils avaient quitté la maison depuis long

temps. Les responsables des hommages musicaux n'oublieront pas de


se rappeler à la mémoire de tous les défunts par l'appel modulé dans les
différents idiomes liturgiques de chaque « nation
candomblé. Ce» du
moment atteint son paroxysme lorsque le maître des tambours prononce
la phrase imprescriptible « les morts n'ont pas de nation », célébrant les
identités ethniques mêlées et les dénominateurs rituels communs du can
domblé qui rassemble le « peuple de saint » ; expression générique histori
quement calquée sur l'idiome catholique hégémonique, tissant, par-delà la
disparité des origines géographiques et l'hétérogénéité des « ethnies », la
mémoire qui engendre les réseaux d'appartenance à une communauté
- une identité de reconnaissance
plus que de ressemblance.
L'émotion qui va crescendo se teinte d'angoisse à l'idée que l'initié
défunt côtoyer des disparus inconnus.
puisse La consommation cathar

tique d'alcool21, boisson de l'oubli, de l'indistinction et de la communion


avec les morts, confine alors à la beuverie - offense suprême à Oxalâ, divi
nité de la création, supplanté dans sa tâche de fondateur du monde pour
s'être endormi après avoir bu trop de vin de palme. Oxalâ dut se conten
ter de faire les êtres humains et décida de créer un arbre pour chaque
homme fabriqué. L'excessive ingestion d'alcool constitue ainsi pour les
hommes identifiés aux palmiers, une transgression majeure qui porte
atteinte à leur vie d'êtres différenciés, de créatures. L'axexê est une période
blanche, au sens de voix blanche.

21. Il s'agit d'alcool de canne à sucre qui est très bon marché, la consommation d'autres boissons
alcoolisées n'étant pas exclue.

Patricia de Aquino

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L'omniprésence du blanc uniformise la communauté et le mort ; en

contrepartie, elle assure la protection du marquage corporel qui effraie la


mort. Un mythe narre comment Oxalâ, par un artifice, donna naissance à 93

un animal inconnu - la pintade - et éloigna la Mort qui décimait un vil

lage : il s'empara d'une poule noire qu'il moucheta de craie et lâcha au


marché. A sa vue, la Mort saisie d'effroi s'enfuit : effroi contre effroi.
Oxalâ est par ailleurs le dieu invoqué pour soustraire l'initié à la longue

agonie. Ainsi, ceux qui pressentent leur fin proche, prient Oxalâ de les
emporter. Le caractère ambigu de cette divinité se double de sa proximité
aux ancêtres figurée par les branches d'arbre qui lui appartiennent et le
de tous les noms initiatiques de ses dévots, iwin « habitants des
préfixe
arbres », où sont déposées les offrandes aux ancêtres.
Si les cantiques invitent les morts, la chorégraphie de la danse les éloigne :
le mouvement pendulaire, lui-même équivoque, a pour finalité de les empê
cher d'approcher la « puissance de vie » du temple. Mais l'ouverture de la

porte d'entrée induit le passage irréversible d'un être de l'entre-deux : le


mort récent qui disjoint la simple dualité des morts et des vivants.
L'envahissement par l'extérieur efface les seuils : les feuilles de palmier
suspendues à l'encadrement des portes pour écarter les menaces de l'exté
rieur deviennent inefficaces. Parallèlement, les fibres attachées aux poignets

protègent les participants qui se tiennent soigneusement serrés - personne


ne devant quitter un lieu sans être immédiatement remplacé. Cette pres
cription rétablit les relations de contiguïté entre les corps agencés de telle
sorte que la place inoccupée ne puisse permettre qu'existe ce qui n'a pas
d'existence22. Personne ne se déplace seul de peur d'être accosté, d'être en
contact avec l'errant qu'on prend soin d'éloigner par des cris, des hurle
ments, des bruits, des coups de branches sacralisées, et par le mouvement.
La frontière manifeste le croisement ambigu entre l'empiétement, le

mélange et l'indistinction. Le seuil crée un intervalle permettant non seu


lement la mise en place d'un système ordonnateur d'écarts réglés entre
l'intérieur et l'extérieur, le plein et le vide, mais aussi la présence simulta
née de la séparation et de la conjonction où se brouillent les oppositions
distinctives au principe de l'identification des initiés. Cette limite devient
alors une zone interstitielle qui tend à disloquer les pôles de l'identité et de
l'altérité dont chacun passe en l'autre sur fond d'homogénéité. Le rite éta
blit la frontière comme limite qui toujours reportée suivant les déplace
ments des participants ouvre l'espace à l'altérité. S
</>
LU

</>
Ui
22. Une expression récurrente, « corps ouvert », désigne les corps sans protection, soumis aux aléas de Q
l'infortune, et révèle le danger d'un espace qui n'étant pas saturé permet aux egun de s'immiscer et à la g
« puissance de vie » de fuir. SUJ

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L'exécution solitaire de chaque danse (bien que les plus récents initiés

s'y livrent généralement par groupe d'initiation) manifeste à la fois l'ab


sence de crainte - sorte de témoignage d'affection - et la mystification par
le dispositif circulaire qui prévient toute rupture du défilé successif des
danseurs ; chacun d'eux remettant à celui qui lui succède deux des pièces
qu'il tenait dans les mains.
L'interdiction de prononcer les noms initiatiques masque les identi
tés individuelles, -
figurant à la fois une extériorisation les initiés sont
confondus avec le mort dont le nom est aussi imprononçable - et une
- en désindividualisant les participants,
prévention Yt'gun ne peut les
investir. L'interpellation par des procédures détournées ou métapho
- « fils de (tel orixâ) » - au mort la protection sous
riques rappelle
laquelle se trouvent les participants, mais aussi leur vulnérabilité : les
dieux sont absents. Ce procédé est simultanément une identification
et une « désidentification » des initiés : à la divinité et à
générique
sa divinité particulière23.
L'expression « fils de (tel orixâ) » doit être envisagée dans la double

perspective qui la caractérise comme liaison et séparation : l'insistance


sur l'appartenance religieuse indique à première vue la rupture d'avec
la filiation et la consanguinité, mais elle connote de manière sous

jacente un lien biologique prégnant entre les « frères » d'un même

groupe initiatique, ceux d'une même maison de culte, ceux d'une


même divinité, pour avoir incorporé la même « puissance de vie » de la
prêtresse responsable du temple. En effet, la « puissance de vie » de
l'initié unie à celle de son dieu et à celle
du temple qui aimante les
maillons de la chaîne, a été « plantée » (introduite) et « insufflée » au
moment de l'initiation, et est périodiquement renouvelée. Cette trans
mission renvoie au traitement individualisé du corps du néophyte par
l'incorporation des substances corporelles de l'initiatrice qui « a la
main sur la tête de tous ses fils ». La transmission
de « puissance de
vie » échappe à toute interprétation métaphorique : elle se transmet de

personne à personne dans une relation dynamique et vivante, dans


le contact des corps, leur température, la transpiration, la salive, le
souffle... Le défunt avait incorporé une part de substance des autres
initiés, mais à leur tour les vivants sont imprégnés d'un de ses éléments,
porteur d'une portion de mort.

23. Chaque divinité se manifeste sous plusieurs « qualités » (un même dieu « générique » possède diffé
rents « aspects » qui actualisent des rôles pluriels voire antithétiques : Iansâ Onira,
jeune et guerrière,
Iansâ Igbale, vieille et associée aux morts...) et chaque « qualité d'orixd » se
singularise à travers les ini
tiés ; chaque dieu de chaque initié a un nom propre qui manifeste la composition unique de certains de
ses multiples attributs.

Patricia de Aquino

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La chaîne de transmissiondes pièces de monnaie délie le mort des liens
communautaires : on dit que la communauté paie pour ne pas partir avec
le mort cependant que la dureté et l'artificialité du nickel manifestent une
résistance à la putréfaction naturelle. Un mythe raconte comment Argent,
fils d'Oxalâ, se vante d'avoir réussi à piéger la Mort et à l'amener à son

père. Répudiant son fils et sa captive, Oxalâ envoie Argent « circuler » de

par le monde, tout en reconnaissant à contre-cœur le pouvoir (faste et

néfaste) de celui-ci sur toutes choses. Si le mouvement des pièces mime


aussi la réciprocité avec le mort, leur accumulation qui met un terme à la
circulation, l'endette et le contraint de rester proche de la demi-calebasse,
cuia, épargnant les alentours. En même temps, le tintement des pièces,
redouté des morts, le tient à l'écart.
La présence de la bougie à l'intérieur de la salle des fêtes figure l'inclu
sion de la mort dans la vie avec le caractère dangereux de l'englobement
de l'intérieur par l'extérieur, en même temps qu'elle constitue un objet
focalisateur qui maîtrise la mort biologique non nommée avant de l'ex

pulser par la mise à mort par Iku, la mort ritualisée, et la restitution aux

proto-matières génératrices de tous les êtres humains.


Transportée dans la salle des fêtes et rapportée tous les soirs sous l'autel
provisoire, la demi-calebasse traduit les deux mouvements antithétiques
entre l'extériorité, la nature sauvage, mortifère, redoublée par la précarité
de l'enclos provisoire, et l'intériorité de la vie communautaire. Ces allées
- inté
et venues articulent la logique de l'englobement qui met le défunt
rieur devenu extérieur - à l'intérieur, avant de l'extérioriser définitivement

pour pouvoir l'intérioriser sous la forme de l'identité générique, désingu


larisée et dissemblable de l'ancêtre.
Alors que l'initiation impliquait une naturalisation partielle de la vie par
la mise en œuvre de la mort pour construire la vie, la participation obligée
des initiés aux axexê signifie à nouveau leur incomplétude, leur manque

ontologique, évince le danger d'une auto-suffisance sociale, d'un monoli


thisme. À chaque axexê, l'initié meurt et se reconstruit, rejoue l'initiation,
se souvient d'avoir été étendu sous l'arche du rien, le grand alâ — tissu
blanc tendu au-dessus de la tête des néophytes pendant la réclusion, posé
sur la tête des fils d'Oxalâ. Et les initiés se rappellent qu'ils sont mortels,
abandonnés des dieux, cernés d' egun innommés ; ils se rappellent que leur
modalité d'être en vie est d'être mortels.

|
définitive des vivants et des morts : w
Séparation
la destruction opératoire ^
tu
Outre la noix de kola et la nourriture sont placés dans la salle un ani- §
mal à « quatre pieds », cinq poules, tous les objets du mort qui se trou- hù

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vaient dans provisoire, ainsi que trois récipients neufs et en terre
l'autel
cuite (une poterie évasée, une assiette plate et une creuse). A l'intérieur
d'un cercle tracé sur le sol avec de la terre et des poudres minérales et végé
tales blanche, bleue et rouge24, la prêtresse lance la noix de kola pour inter

roger l'egun et connaître le destin de chacun de ses objets personnels, ainsi


« bagages de la Mort » (eru iku).
que l'endroit où devront être déposés les
En effet, seul le Bâra, présence de la vie individuelle en ce monde, devra être
détruit. Selon la volonté du mort exprimée par et dans la noix de kola, cer
tains objets - habits, colliers - et même la divinité d'un mort éminent

pourront être hérités par des membres de la communauté.


du mort ayant été exprimée, les objets sont transportés à l'ex
La volonté
térieur de la salle après avoir circulé trois fois autour, et tout ce qui ne doit

pas rester sur terre sera violemment et bruyamment détruit - les objets
dieux cassés, les colliers brisés, les vêtements déchirés... Le sang des ani
maux sacrifiés sera versé sur l'amoncellement des débris et des lambeaux
de tissus. Ce sacrifice disjoint Xegun de ce monde pour conjoindre l'« ici »
et l'« ailleurs » par la réintégration de l'initié à la matière générique. Il ne
- l'absence de dépe
s'agit pas d'un sacrifice introjectif mais d'expulsion
çage rituel des animaux et l'interdiction de déposer les objets détruits à des
endroits où le mouvement pourrait réassembler les éléments déliés, corro
borent sa nature disjonctive.

Quand les « bagages de la Mort », contenant aussi les animaux immolés,


sont prêts à être déposés à l'endroit prescrit par la divination, toutes les
lumières s'éteignent et Iansâ s'étant manifestée au cours de la cérémonie,

accompagnée des responsables des tambours et du sacrifice, traverse la salle


en frappant le sol avec des branches rituelles. Les participants, tournés vers le
mur, se gardent de lever les yeux. Le cortège ne sortira pas par l'entrée prin
cipale car les morts n'empruntent pas les mêmes chemins que les vivants.
L'ensemble des objets fracassés sera jeté dans la mer ou enfoui dans un
bois, mais en aucun cas abandonné à un carrefour ou sur une route où le pas

sage des humains réunirait à leur insu ce qui a été systématiquement disso
cié ; il est dit que cela entraînerait la mort certaine d'un passant occasionnel.
Tous les participants à la cérémonie conservent une pièce de monnaie
dans la main, attendant en silence, dans la salle, le retour des officiants.

Purification et levée de deuil

À leur retour, on éclaire la maison ; la prêtresse dirigeant la commu


nauté munie de feuilles de palmier « secoue » les participants afin de les

24. Efun, poudre blanche, craie, ossun, poudre rouge, extraite du Pterocarpus Erinacesses, waji, poudre
bleue préparée avec de l'ilû - indigo - extrait de nombreux arbres.

Patricia de Aquino

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débarrasser des résidus néfastes. Le lendemain, un grand repas, où sont
servis les plats favoris du défunt, réunit les gens autour de la table que nul
ne peut quitter sans être remplacé. Sous la table, le mort mange : des
assiettes contenant un peu de chacun des mets sont posées à terre. Le repas
terminé, les calebasses appellent les dieux, les invitant à « venir dans le

corps des initiés », à rétablir la vie dans la communauté.


Pendant que les divinités masculines balaient l'enceinte du temple avec
des monceaux de feuilles qu'ils auront eux-mêmes choisies, n'hésitant pas
à poursuivre et flageller les participants non possédés afin d'en expulser les
ultimes souillures, les divinités féminines remplissent de grandes jarres
d'eau destinées au lavage des sols, des murs et des personnes. Oxala pré
side à ce grand remue-ménage. La communauté procédera ensuite au
rituel de l'ossé « savon », qui consiste à laver tous les objets-dieux avec du
« savon de la Côte », et une macération de feuilles
importé d'Afrique
fraîches calmantes, afin de nettoyer les divinités des impuretés assimilées

pendant la période du deuil. Un autre « bagage de la Mort » contenant les


pièces de monnaie qui avaient été conservées par les participants, les restes
du repas, les branches de palmier des encadrements des portes et fenêtres,
les rameaux de feuilles purificatoires, est préparé et placé à l'endroit pres
crit par la divination.
Le reste de la journée sera consacré à la préparation d'un sacrifice à Exu,
divinité chargée d'assurer la circulation des offrandes, de l'échange, à la suite

duquel les tambours rituels pourront enfin résonner, et les dieux danser.

Ancestralisation et régénération cosmologique

Des humains ancestralisés

La soustraction du mort à la communauté par la destruction des com


posantes substantielles de son être et l'oblitération du lieu et du statut de
sa personne rouvre la réciprocité entre les vivants et l'échange entre les
hommes et les dieux. Au terme d'une mutation progressive et discontinue,
l'initié défunt, séparé des morts errants par l'opération de dépersonnalisa
tion, aura intégré la catégorie d'ancêtre, c'est-à-dire la masse générique ori

ginaire, devenant ainsi la propriété de toute la communauté, disponible


pour une nouvelle individualisation. ^
L'axexêne se réduit pas plus à une dimension eschatologique qui resti- 25
tue le mort à la matière primordiale qu'à une pratique visant son intégra-
jjj
tion dans la réversibilité de l'échange communautaire : il n'est réductible
jq
ni à l'expression d'une vision du monde, ni au rétablissement de l'ordre
§
social. Le rituel produit un schème génétique qui, à partir du champ -tù

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d'interaction des vivants et du défunt, soustraira
au devenir putrescible
son immaîtrisable nature
pathogène par la multiplication de procédures

mimétiques en trompe-l'œil : la mimésis rituelle s'approprie l'inattei

gnable biologique par la désarticulation de la personne à travers la des


truction de ses objets cultuels - véritable mise à mort du mort qui
sanctionne son passage à la catégorie d'ancêtre.

L'egun est le résultat du rituel et en particulier de la logique sacrificielle.


En effet, asperger de sang des éléments brisés opère une transfusion qui
révèle le destin ancestral générique. Le geste sacrificiel s'accompagne de

paroles expliquant au mort qu'il va tremper les pieds dans le sang de l'ani
mal afin d'intégrer définitivement l'« ailleurs » - pied contre pied car c'est
dans les orteils que résident les ancêtres : le sang-enveloppe confère au
mort, déjà converti en egun, son énergie ancestrale. Une opposition réglée
commande la logique sacrificielle, qui rétablit la médiation, et la logique
de la métamorphose qui repose sur le double et l'ordre de la prédation : le
sacrifice relancel'échange et l'incarnation des divinités.
Cette ligne de clivage entre l'« ici » et l'« ailleurs » que franchit l'egun le
détache à jamais de la roue infernale de l'immortalité, une finitude qui
n'en finit pas de finir. La catégorie d'immortalité n'est pas thématisée dans
la mesure où elle mettrait un terme à la production des vivants25. Si pour
les Yoruba, comme le note Pierre Verger, la Tête (Ori) retourne en ce
monde dans la même famille, au Nouveau Monde, la mort désindividua
lise pour éviter le retour du même, bien que l'identité ne recouvre pas
l'identité à soi, mais la différence du moi toujours altéré par une antério
rité. Il n'existe pas de réincarnation stricto sensu, mais le retour de traces
ancestrales, de portions d'un aïeul qui lui-même était déjà composite, et
jamais d'un élément intangible reconducteur d'une permanence a-tempo
relle. L'identité en tant que processus d'individualisation est toujours à ins
taurer, à construire, à « faire ».
Tous les initiés ayant eu un axexê sont ancestralisés et vénérés dans
un autel collectif à l'intérieur de la « maison des ancêtres » mais seuls

quelques-uns seront intronisés « ancêtres éminents », au même titre que


les Essa, fondateurs des premières maisons de culte, célébrés au début de

chaque rituel. L'accès à la catégorie des Essa exige une fixation dans la
« maison des ancêtres » du composé individuel identitaire disparu, créant
une inversion génératrice d'autonomie : d'une part, l'ancêtre en tant que

25. Une exception est observée pour une catégorie d'êtres : les abikti. Ces individus « nés pour mourir »
forment une société constituée d'un nombre fixe d'esprits qui jouent à aller et venir entre l'« ici » et
l'« ailleurs ». Quand une mère perd successivement ses enfants en bas
âge, la consultation divinatoire peut
révéler la présence d'un abikû. Sont alors entrepris des rituels pour l'« attacher » à ce monde -
change
ment de nom... — et/ou le contraindre à ne plus revenir — marquage corporel, incinération du cadavre...

Patricia de Aquino

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conservatoire d'engendrement d'une nouvelle identité est dissocié de son
existence singulière, de l'autre, il est une effigie condensée de l'identité
99
particulière. Si la coïncidence de soi à soi procède de la désindividualisa
tion, l'individualisation produit l'hétéronomie. Le marquage des corps de
l'être individuel est par là même le marquage de la société, de l'être
ensemble, et le dé-marquage des corps instaure une démarcation du
monde en tant que stock d'identités.
collectif se compose d'une poterie évasée vers le haut contenant
L'autel
une assiette creuse coiffée d'une assiette plate retournée. Dissimulé der
rière un tissu blanc, est posé sur une macération de feuilles, à
l'ensemble
même la terre. Les autels des grands ancêtres sont identiques, à l'exception
du tissu qui n'est pas suspendu mais recouvre les trois récipients. Pendant
l'axexê, après l'interrogation de la noix de kola, les récipients vierges sont

généralement placés à côté des objets-dieux du défunt, hormis ceux d'un


initié éminent qui ne seront pas promis à la destruction.
L'autel individuel des Essa désigné d'ailleurs par un nom géné
(ibô),
rique, n'est pas le symbole de l'ancêtre au sens où il le représenterait ou en
serait l'intermédiaire. À l'opposé d'une représentation mimétique de l'ori

ginal, c'est la réalité matérielle qui constitue la présence effective de l'an


cêtre comme garant de la soudure de la communauté. La fabrication de cet
autel assure la pureté effective de ce corps qui peut rester à la surface de ce
monde sans nuire à l'existence. Un an après l'axexê aura lieu sa consécra
tion et l'on pourra appeler l'ancêtre de son nom d'initié.
Les ancêtres, les Essa, étayent la mémoire individuelle du groupe actuel sur
la mémoire collective historique, dont ils reconduisent le fil généalogique, et

permettent de rassurer les initiés quant à la permanence de leur communauté.

Des ancêtres humains divinisés : les objets-dieux

L'ancestralité dans le candomblé inclut à la fois les hommes et les


dieux - non pertinent puisque les orixâ ont vécu en
partage cependant
ce monde ; leur mort, en revanche, de nature extraordinaire, les a trans
formés en pure « puissance » ou pur « acte », axé. « L'orixâ serait en

principe un ancêtre divinisé [...] le passage de la vie terrestre à la condi


tion d'orixâ de ces êtres exceptionnels, doués d'un àse26 puissant, se pro
duit en général lors d'un moment de passion, dont les légendes ont
conservé le souvenir [...] Ôgun serait devenu orixâ quand il comprit, en
le regrettant amèrement, qu'il venait de massacrer, en un moment de 5
</>
Ul
colère irréfléchie, les habitants de la ville d'Ire dont il était le fondateur,
(/)
LU
Q
26. La graphie des termes yoruba respecte les conventions internationales : en ce qui nous concerne ici,
K
s est sourd, s se prononce « ch » ; e se prononce « é » et e « è ». -w

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et qui ne l'ont plus reconnu il y retourna,
quand après une longue
absence » (Verger 1981 : 18). L'exposition au choc d'émotions intenses
— exacerbées, colères exaspérées - transforme des êtres humains
passions
en pure « force de vie », flux de vie à l'état brut. Le dieu est créature
vivante et craint l'anéantissement.
L'indétermination, le vide qui caractérisent les responsables de la péren
nité sociale contrastent avec l'accumulation des différenciations contribuant
à façonner les dieux - ancêtres humains divinisés. Les orixâ sont des dieux
médiateurs qui définissent et aménagent les passages entre l'individualité de
la personne, les rapports aux autres et la relation à la nature. Ils ont une
fonction cosmologique pour ce qui est de leur identification aux éléments
naturels - Ossanha, les feuilles ; Oia ou Iansâ, le vent ; Xangô, la foudre ;

Ogun, le fer -, sociale en ce qu'ils régulent les pratiques de la vie collective


- - et
Ogun, la guerre et l'agriculture ; Xangô, la justice personnelle car
l'initié actualise une combinaison particulière de ses multiples aspects.
divinité présente une dimension d'universalité - il est
Chaque possible
de désigner son archétype - et une singularité radicale, car ce référent, faci
lement identifiable même par un profane, subsume une pluralité de qua
lités différentes, voire
opposées, qui font l'objet de récits et d'exégèses
spécifiques de la part des initiés. Ainsi, chaque orixâ est à la fois totalité du
divin qui regroupe la pluralité de ses caractéristiques, et partie qui se dis

tingue de tous ses autres aspects.


Aucune définition
n'épuise le référent archétypal car il est impossible
d'énumérer un ensemble de traits, de formules, de la sphère d'action, pour
définir telle divinité ou l'inclure dans un panthéon. Une « qualité »
- le -
d'Ogun, par exemple Alagbedé forgeron qui participe à l'agriculture
s'oppose à un Ogun, dit Ogunja, le « mangeur de chiens », querelleur,

guerrier, associé à Exu. Une « qualité » d'Obaluaiê se « rapproche »


d'Oxalâ - s'habille en blanc, est - alors les autres entretien
pacifique que
nent avec le même Oxalâ des relations tendues. Un mythe raconte

qu'Obaluaiê, dieu de la variole et des épidémies, lança un défi à Oxala :


« je mangerai ta chair [tes enfants] et ne laisserai que les os », auquel ce der
nier répondit : « je mangerai ta chair [tes enfants] et tes [leurs] os ». Seuls
les gardiens du « secret » sont habilités à transmettre une connaissance
effective parce qu'elle aura été acquise dans l'initiation, à travers une expé
rience singulière, au moyen de présentations ostensibles de Xorixâ. Très
souvent, les personnalités divines construites selon ces nuances apportées à
l'archétype contredisent les opinions courantes, générales et schématiques.

Chaque orixâ médiatise un réseau de relations qui contribue à le définir :


• chacun dans son autel, ilê orixâ, est entouré de son panthéon de rela
tions au monde : Oxôssi, dieu chasseur, corrélant le mouvement de ses

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activités cynégétiques au retour à l'espace social, sera accompagné d'Ogun,
forgeron responsable de la confection des instruments agraires, et
101
d'Ossanha, maître de la forêt, des plantes et de leurs actions thérapeu

tiques. Ce réseau de dieux est son enredo - du portugais rede « filet » - qui
le contextualise et l'individualise dans un ensemble de légendes et d'asso
ciations d'éléments ;
. l'autelde Xorixâ est redevable à l'Exu qui lui est associé et qui indivi
dualise son existence. Cet Exû, divinité à part entière, est purement for
mel - à chaque orixâ générique correspond un Exû générique : Exû Tiriri
- et rendu effectif
pour Ogun, Exû Jelû pour Oxalâ... par sa matériali
sation possédant un nom spécifique, tel Exû Tiriri pour tel orixâ de tel
initié (le nom des Exû est strictement secret) ;
• chaque orixâ de chaque initié explicite sa double singularité par rapport
à l'orixâ générique et particulier : Iemanjâ - divinité des eaux, « mère des

enfants-poissons » - sera constituée d'une poterie à couvercle contenant


invariablement une ou des pierres, des cauris, des pièces de monnaie, des
bracelets, des coquillages. Seule Iemanjâ Ogunté contiendra les sept ins
truments d'Ogun - la la le marteau, la lance, le rateau
l'épée, pelle, pioche,
et l'enclume ; les coquillages proviendront de la mer, là où se brisent les

vagues, alors que pour Iemanjâ Assesû, ils seront recueillis là où les eaux

glauques se mélangent. Le nombre et l'addition d'autres objets seront aussi


variables selon les autres dieux associés à l'initié. Par ailleurs, l'initié y

incorporera des éléments personnels : il choisira les pièces qui auront été
« trouvées » au bord de la mer ou offertes par ceux qui lui sont chers, il
fera fondre de l'argent dans un moule en forme de poisson ou de

coquillage, il péchera du corail blanc ou rouge...


Les orixâ sont des puissances qui traversent le corps de l'homme dans la

possession, et des actualisations singulières dans un objet qui ne les représente


« Faits », « fabriqués », associés par la main
pas mais qui est le dieu lui-même.
de l'homme, nourris de sang, de salive, de plantes, de paroles, l'assemblage
de matières inertes se transformera en une chose organique et vivante27. Le
-
corps de l'homme et le corps du dieu sont solidaires chaque orixâ participe
de l'identité individuelle qui a une action en retour dans son actualisation -
mais ne se limitent pas l'un à l'autre. Les hommes et leurs dieux s'engendrent

réciproquement et sont toujours en procès de réaménagement ; l'objet-dieu


n'est ni substance absolue (totalité immanente et achevée, close sur elle 1/1

même), ni attribut dérivé (fragment intermédiaire symbolisant le symbolisé I


m
transcendant), mais entité relationnelle : objet médiateur effectif.
<*

27. Cf. Michel Serres (1989 : 162) : « Comment l'objet advient-il à l'hominité ? Avant cette venue Q
originaire, confluence ou confusion,
régnait ce corps qui n'a reçu aucun nom en philosophie, nœud
g
» SUJ
mélange du sujet avec l'objet, chair ou corps mêlé.

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Il serait possible de parler de « quasi-objets » fabriqués et « enduits »
d'éléments du « sujet » ou encore, à propos de l'initié, d'un « quasi-sujet »
dont le corps scarifié a été imprégné de substances propres à la divinité.
On ne peut y voir en revanche une dichotomie de l'objectivation de l'in
dividu et de la subjectivation de l'objet fondue dans une unique réalité,
mais un processus où l'un et l'autre se façonnent, se contraignent jusque
dans leur incertitude, sont en changement constant ; l'identité du dieu
étant aussi incomplète et inachevée que celle de l'homme28.
A la mort, il faudra détruire les objets-dieux de même que le corps de
l'initié devra être « défait » des éléments qui incorporaient les substances
de la divinité. En tant que « quasi-sujet », le dieu pourra faire connaître à
travers la divination de la noix de kola sa volonté de rester en ce monde,
d'être hérité par un des membres de la communauté qui se chargera de le
« nourrir », d'assurer les sacrifices qui évitent l'anémie mortelle. La mort
de son héritier décidera de sa destruction. Il s'agit d'une reconduction de
sa durée de vie qui peut être mise en relation avec l'ancestralité des Essa.
En effet, les orixâ hérités sont ceux des initiés éminents dont la puissance
des dieux renforcera pour une grande part celle de la communauté. Les

objets-dieux seront lavés dans des macérations de feuilles destinées à les


dissocier des substances corporelles du défunt et imprégnées de celles de
l'héritier. Rappelons que la manipulation des éléments, accompagnée des

paroles adéquates, suffit à la transmission de la « puissance de vie ».

De la mort comme origine fabulée


à l'origine de la mort comme tradition fabriquée

Pierre Verger, après s'être longtemps penché sur le foyer sémantique


d'axexê, note ne pas en avoir trouvé trace dans le lexique yoruba et l'a rap

proché d'isese1'' qui renvoie à àse, et condense à la fois la Tête (Ori), les
ancêtres et Ifa (système divinatoire). C'est à partir de ce terme qu'est
construit le concept d'ipelese, « ce que nous rencontrons, venant de nos
ancêtres, à notre arrivée au monde » (Verger 1973 : 64). L'isese demeure
sur l'autel familial, c'est-à-dire l'asen des Fon. Yeda Pessoa de Castro, dans
ses recherches sur les interactions linguistiques, prend comme exemple
assento « siège », pour illustrer la façon dont le lexique de la langue litur

gique s'approprie ses homologues phonétiques et ici, dans une certaine


mesure, sémantiques portugais (Castro 1983 : 100). Ainsi, le mot acquiert

28. Cf. la notion forgée par Bruno Latour de « Parlement des choses » en tant qu'association disparate
de pratiques qui créent un objet et qui, à leur tour, se trouvent reliées par celui-ci, permettant de dépas
ser le problème de la simple inter-subjectivité (Latour 1994 : 197).
29. Cf. note 26.

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des connotations en portugais : assentar « asseoir », signifie aussi « plan
ter », « consacrer », dans le sens de « fixer ». L'axexê serait le métis brésilien
des itinéraires d'ipelese et d'asen, déport lexical de la déportation coloniale.
En effet, axexê synthétise une polysémie qui désigne à la fois les rituels
funéraires, le mort lui-même, l'ancêtre mythique fondateur de la ville de
Ketu et des temples de « nation ketu » - Odé Arole est le grand axexê,
salué dans le deuxième cantique de la cérémonie. « Bien qu'étant un rituel
de mort, ïaxexê est aussi, d'une certaine manière, un rituel de vie. Le mot
axexê signifie commencement, origine » (Rocha 1994 : 120). Une origine
néanmoins à fabriquer, à continuer et à entretenir pour écarter l'inerte,
l'inanimé, l'indifférencié : la mort ne naît pas de la vie ou la vie de la
mort, ainsi que pourraient le suggérer les mythes de la genèse, mais
la mort, comme l'atteste le récit de fondation de l'axexê, requiert la vie

pour être pensée.


« Un Grand Chasseur, Olu Odé, du nom d'Oduléke, seigneur des terres Ketu,

adopta Oiâ, petite orpheline originaire de la lointaine ville d'Ira aux confins
du pays Nupe. Oiâ, dont la voix enchanteresse se mêlait à celle des oiseaux,

devint vite la fille préférée d'Oduléke qui lui enseigna l'art de la chasse et lui
transmit les secrets de la magie. Une mort soudaine emporta Oduléke au soir

de sa vie. Inconsolable, Oiâ décida de rendre un hommage remarquable et


inédit à son père. De ses mains, elle prépara les mets préférés d'Oduléke et
broda un pagne blanc richement orné qu'elle posa sur sa tête après y avoir

enveloppé les instruments de chasse du grand Odé. Pendant sept jours et sept

nuits, le vent d'Oiâ porta aux sept coins du monde les chants et les danses

qu'elle dédiait à Olu Odé. Des sept coins du monde, tous les Odé accoururent
pour célébrer la mémoire de leur chef. Le septième jour, Oiâ entra dans la forêt

et aux pieds de l'arbre Akokô, le précieux fardeau accompagné du repas


déposa
favori de son père. A cet instant, des sept coins du monde, on vit s'envoler le

plumage bleu turquoise de l'oiseau Agbé qui s'en allait conter la nouvelle à
Olorum, le dieu initial. Emu par une telle ferveur créatrice, Olorum méta
morphosa Oduléke en orixd et pria Oiâ, dès lors appelée Iansâ, de présider aux
cérémonies funéraires qu'elle venait d'inventer ; cérémonie de Vajeje, la veillée
du chasseur, ou de Xaxexê, le "commencement" grâce auquel une étrangère
à Odé de nous amener au monde. »
permet

Ce récit, qui privilégie l'antériorité du rite par rapport au mythe, livre


la matrice générale d'intelligibilité de Xaxexê qui, par le réengendrement
d'un contexte particulier, définit une fabrication de tradition passée au 25
tamis de la mémoire collective. Moins qu'une conservation de croyances

stéréotypées, le schème global de la fabrication se tisse à travers un pro- <2


cessus continu, un accomplissement jamais achevé. Si tel est bien le cas, si g
la tradition est le résultat d'une élaboration hic et nunc, alors, la Odé £j

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Kayode, Maria
Estella Azevedo dos Santos, prêtresse du temple Axé Opô

Afonjâ, qui ne se lasse pas de raconter ce mythe, est bien fondée pour assu
104 rer avec fierté : « Nos racines sont ici, ils ont planté l'axé ici. »

MOTS CLÉS : axexê - candomblé - rituel - funérailles - Brésil.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES e crenças. Rio de Janeiro, Faculdade


da Cidade.
Barros, José Flâvio Pessoa de

1993 O Segredo das Folhas, Sistema


Santos, Maria Estella Azevedo
de classificaçâo de végétais no Candomblé
1993 Meu Tempo é agora. Sâo Paulo,
Jêje-Nagô do Brasil. Rio de Janeiro, Pallas.
Oduduwa.
Castro, Yeda Pessoa de

1983 « Das africanas ao Português


h'nguas Serres, Michel
brasileiro », Afro-Âsia 14 : 81-106.
1989 Statues. Paris, Flammarion.
Salvador, Universidade federal da Bahia,
Centro de Estudos afro-orientais (1" éd. 1987.)
(CEAO/UFBa).
Verger, Pierre
Latour, Bruno
1973 « Notion de personne et lignée
1994 Nous
n'avons jamais été modernes.
familiale chez les Yoruba », in La notion
Paris, La Découverte. (1" éd. 1991.)
de personne en Afrique noire. Paris,

Rocha, Miranda Éditions du CNRS : 61-71.


Agenor
1994 Os Candomblés antigos do Rio 1981 Orixds. Deuses Iorubds na Africa
de Janeiro. A naçâo Ketu : origens, ritos e no Novo Mundo. Sâo Paulo, Corrupio.

RÉSUMÉ/ABSTRACT

Patricia de Aquino, La mort défaite. Rites Patricia de Aquino, Death Undone :


— À —
funéraires du candomblé (Brésil). partir Candomblé Funeral Rites (Brazil). Based
d'une approche ethnographique, cet article on an ethnographic approach, an analysis is

analyse les inversions et paradoxes mis en made of the inversions and paradoxes used
œuvre par les rites funéraires des initiés in the funeral ceremonies for initiates to
aux divinités brésiliennes africaine. Brazilian divinities of African
d'origine origins. These
Ces procédures de fabrication rituelle sont ritual procedures are good not only for pro
bonnes non seulement à produire les rela ducing relations between the dead and the
tions entre morts et vivants, mais aussi à living, but also for reconsidering the validity

repenser la validité des catégories d'opposi of the categories of binary opposition that
tions binaires qui traversent l'anthropologie, run through anthropology (e.g., nature/
telles nature/culture, tradition/modernité, culture, tradition/modernity, myth/rite).
mythe/rite.

Patricia de Aquino

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