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Patricia de Aquino
lorsque Bangbala
m'apostropha: «cette jeunesse doit apprendre...»
Patricia de Aquino
gique reçue de l'extérieur est dénié par la mise à mort, à l'intérieur de l'es
pace sacré, de la décomposition reçue du dehors. Le mouvement instauré
</>
LU
mot brésilien santo unifie le « peuple de saint », sans désigner les divinités par leurs noms liturgiques qui Q
varient suivant les « nations » ; la fixité des panthéons du candomblé permet d'établir des correspon
g
dances entre les orixâ « ketu », les inkise « angola » et les vodun « jeje ». 4XJ
qui souligne en creux le retrait des divinités dans l'« ailleurs ». Les divi
nités désertent « notre monde » souillé, ne traversent plus le corps déjà
impur de leurs initiés : il est sans cesse répété que le « candomblé est une
religion de la vie », gagée sur la réciprocité entre les hommes et les dieux
dans le cycle des offrandes et la contrepartie bénéfique de celles-ci mesu
rée à l'aune de la venue des divinités incorporées sur terre.
À l'opposé du dynamisme des vivants, l'inertie du mort (egun)7 annule
tout échange : la disparition du souffle, l'arrêt de la respiration marquent
exposée au redoutable paradoxe que celui qui meurt n'est plus le même que
celui qui est né lors de l'initiation : la durée biologique semble rattraper la
5. S'il s'agit d'un mort « jeune initié » - de moins de sept ans - la durée des cérémonies variera de un à
trois jours ; la séquence demeurera cependant la même.
6. Cette période correspond au temps nécessaire à la préparation de la cérémonie, notamment à la col
lecte de fonds en vue de l'achat des animaux qui seront sacrifiés.
7. Les egun désignent tantôt les « morts errants », tantôt les défunts qui n'ont pas traversé les secondes
funérailles, espèce de fantômes sans ressemblance à leur forme vivante, spectres de l'inter-monde, tou
jours susceptibles de nuire aux humains en s'emparant de leur « puissance de vie », de les rendre malades,
de les affaiblir, de les frapper d'infortune...Les egungun en revanche, appelés aussi Baba Egun ou Baba,
« Père », se réfèrent aux ancêtres localisablesdans la généalogie de la famille biologique qui reviennent en
ce monde couverts de pagnes richement brodés de cauris et décorés de miroirs. Le culte des Baba se
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personne est unique, spécifique, non reproductible. La Tête est par excel
lence l'individualisateur : elle « est la partie personnelle de l'existence de
chacun » (ibid. : 70).
L'individu n'est pas issu d'une création ex nihilo, mais du façonnement
d'une matière préexistente ; il ne résulte pas plus d'une unité divisée, c'est
à-dire seconde et dérivée, qu'il ne figure le simple croisement binaire
d'identité et d'altérité. C'est pourquoi la représentation de la Tête est la
concentre dans les terreiros de egungun : sociétés masculines où retournent les seuls ancêtres, ascendants
des membres de la communauté. Alors que le contact d'un vivant avec le pagne des Baba est mortel, la i/>
poussière soulevée par leurs danses est hautement bénéfique. Les maisons de candomblé et à'egungun S
l/>
peuvent entretenir des rapports étroits : il est possible qu'une même personne occupe des charges sacer uj
dotales dans l'un et l'autre lieu ; les rituels cependant demeurent distincts.
8. Ce sont les dieux jùnfiin « blancs ». L'omniprésence de la couleur blanche dans tous les rituels initia 00
UJ
tiques et funéraires est révélatrice de l'ambivalence de la relation établie par les dieux de la création avec Q
la vie et la mort : si la couleur renvoie à l'immaculée renaissance initiatique, elle rappelle aussi le néant D
K
de l'indifférenciation originelle. SUJ
yoruba » : « rats (eku) et poissons (eja) qui symbolisent des notions com
plémentaires terre-eau, masculinité-féminité, gauche-droite ; des plumes
de coq des bois (àlukô), coucou (àgbe), perroquet (odide), aigrette (léke
léke) dont le symbolisme est plus difficile à dégager » (Verger 1981 : 40).
La première manipulation rituelle du cadavre, appelée « retirer Y oxu »,
sera strictement privée, effectuée en secret par des prêtres habilités afin
d'annihiler le caractère divin de la Tête9 . Le sommet du crâne du défunt
sera rasé, lavé, et ses cheveux, enveloppés dans du coton, seront déposés
dans le lieu prescrit par la réponse divinatoire de la noix de kola, les seize
cauris supports de la voix des divinités restant muets en période de deuil.
L'enterrement a lieu peu après afin d'éviter la propagation de la « puis
sance de vie » immaîtrisée pour sa connotation de contamination. Cette
« puissance », qui avait été accumulée, canalisée, orientée lors de l'initia
tion, et renouvelée, lors des rituels, est susceptible, en se dissé
entretenue
minant au hasard, de phagocyter la communauté. Le cercueil est porté par
des initiés, oganw, qui par trois fois le soulèvent et le posent à terre en ren
dant un dernier hommage au fils du temple, avant de le hisser sur leurs
9. Pierre Verger signale que le corps des initiés défunts étaient lavés avec « de l'eau utilisée dans une forge
pour refroidir les fers du forgeron [...] effaçant ainsi symboliquement tatouages, scarifications diverses,
coupes de cheveux et blessures reçues à la guerre. Toutes ces actions sont dues à l'action [du] dieu des
forgerons, des guerriers, des barbiers, des agriculteurs et de tous ceux dont les activités les amènent à
employer du fer » (Verger 1973 : 64).
10. Les ogan sont des membres de la communauté, initiés, qui ne connaissent pas l'état de transe. Ce
titre, réservé aux hommes, se double de celui de leur fonction : ogan alabê, chargé de battre les tambours,
axogun, d'effectuer les sacrifices...
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proximité maléfique de l'« au-delà » par le tracé sur le sol d'une limite
infranchissable. Cette branche sacrée est à la fois auguste, commandant
aux morts, et maudite, remémoration du bâton meurtrier dérobé par ruse
aux ancêtres et retourné contre eux, ainsi que l'attestent certains récits
mythiques, itanli.
De retour, les adeptes ne pourront pénétrer à l'intérieur du temple
qu'après avoir jeté par-dessus la tête l'eau fraîche puisée à l'aide d'une cale
basse dans un pot en terre cuite déposé sur le seuil.
pas s'être émue de ses pleurs, présenta une portion de boue au dieu ini
tial qui lui insuffla son haleine, après avoir demandé à Oxalà de la
modeler. La Mort fut cependant chargée de rendre à la boue la part qui
lui avait été retirée.
Le « détenteur du secret », Agenor Miranda Rocha, insiste sur le rôle
joué par Nana, déesse de la boue, des marécages et de la terre humide
où notre corps, temporairement individualisé, se dissoudra. Il écrit :
« Quand quelqu'un lui est confié [à la Mort], elle vient chercher la
»
personne pour la restituer au sein de la terre, au ventre de Nana
(Rocha 1994: 117).
11. Il s'agit de l'akokô : Newbouldia laevis Seem., bignoniaceae (Barros 1993 : 100). ss
(/>
12. Ixâ ou atoriquand il est consacré à Oxoguiâ, une des divinités de la création - Psidium goiava Rad., U
MYRTACEAE (Barros 1993 : 100).
13. Les itan forment le corpus mythique de la divination : à chaque configuration donnée par les cau </)
UJ
ris correspond un Odû - un chemin, une destinée - regroupant un nombre variable d'itan qui narrent Q
l'histoire des dieux, leurs relations mutuelles, leurs rapports avec les hommes, avec les animaux, l'orga
K
nisation des êtres, du corps... HI
brouillage des espaces respectifs (lèse egunl lé se orixâ). Il arrive qu'il soit
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qui sépare les vivants du mort par la destruction des éléments individuali
sateurs (Bara, objets-dieux, biens liturgiques personnels), le sacrifice d'ani
maux, et le « renvoi » de l'ensemble à l'extérieur du temple ; la dernière
- - est celle de la
septième jour purification et de la levée de deuil.
Le
dispositif funéraire met en œuvre un ensemble de conduites, de
danses, d'idiomes, d'instruments musicaux, de chants liturgiques qui se
distinguent voire s'opposent aux cérémonies des divinités.
A la tombée de la nuit, après avoir effectué les rites d'ouverture, ipadê16'
les initiés, la tête enveloppée dans une étroite pièce d'étoffe blanche et dra
14. Il s'agit de l'igui opê. Elaeis guineensis A. Cheval, PALMAE (Barros 1993 : 101).
15. L'origine de Bara renvoie à Elegbara - « maître du contenant du corps », nom de la divinité Exû -
et à Obâ Ara - le « roi du corps ». Dans le panthéon du candomblé, Exû est la divinité qui assure le mou
vement, perpétue l'échange, maintient les êtres en vie : chaque être humain possède un Bâra qu'il doit
nourrir en faisant des sacrifices et qui est par excellence son principe dynamique de « corps individuel de
ce monde ». De même, à chaque dieu, à chaque maison de culte, à chaque condensation d'éléments por
teurs de « puissance de vie » correspond un Exû. to
16. L'ipadè « réunion » est une cérémonie d'une grande complexité rituelle qui, en temps habituel, clôt 5
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le cycle des sacrifices de chaque divinité en déterminant le début des célébrations publiques. La partici
pation à \'ipadêest restreinte à la communauté des initiés. Il s'agit d'un rituel propitiatoire, accompli dans <«
la salle des fêtes, où sont convoqués à recevoir les offrandes au milieu de chants et de danses, Exû (res t/1
Ul
«
ponsable de la circulation des sacrifices), les Essa (fondateurs des temples), et les Mères ancestrales », Q
« 3
propriétaires de la « grande calebasse », le ventre de la terre ». Toutes les divinités féminines, dont Nanâ, h»
déesse de la boue, sont des « Mères » qui détiennent le pouvoir générateur féminin.
pieds (résidence des ancêtres). Une fibre de feuille de palmier est attachée
au poignet gauche, signalant les « enfants du temple ».
A côté de la demi-calebasse se trouvent un monticule de terre, une pote
rie à couvercle remplie d'eau et une bougie qu'allumera la prêtresse déten
trice du plus haut grade hiérarchique présentifiant le mort et marquant le
début du rituel. Une pièce de monnaie dans chaque main, elle entonne le
tique, elle effectuera le même geste avant de déposer la presque totalité des
pièces dans la demi-calebassse et de les recouvrir de trois pincées de terre.
17. C'est au centre de la salle des fêtes que sont enfouis sous terre, lors de la construction du temple, les
éléments porteurs de la « puissance de vie » de la communauté. Très souvent, à cet endroit, désigné
comme axé do terreiro, se dresse le « poteau central » reliant le sol à la toiture du bâtiment.
18. Ogan alabê est le titre des initiés chargés de battre les tambours qui invitent les orixâ à
comparaître
aux cérémonies.
19. Dans les temples de « nation angola », les calebasses sans col, au nombre de deux, sont renversées
dans des bassines remplies d'eau - le son ainsi obtenu à l'aide des baguettes est plus sourd. Dans les
- ou les deux - sont
temples de « nation jeje », une des calebasses remplacées par deux grandes jarres,
parfois quatre, et le son est obtenu au moyen d'éventails en feuilles de palme tressées dont on frappe le
goulot et les flancs de la poterie.
20. Au sommet de la hiérarchie de chaque maison de candomblé se trouve la Ialorixâ « celle
qui a un
orixâ » qui, en général, cumule les fonctions d'Ialaxé « celle qui a la puissance de vie », responsable de la
préparation des rituels initiatiques et d'Iâ Egbé « mère de la communauté » ; Iâ Efun, sa suivante, titre
lié à Oxalâ, divinité du blanc de la création, est chargée de manipuler la craie, substance
indispensable à
tout rituel initiatique.
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basse afin d'échanger un billet contre les pièces qui seront remises en cir
culation. Quand la chaîne de tous les initiés, individuellement ou par
anonymes qui furent privés d'axexê, généralement parce que leur dispari
tion était restée inconnue ou qu'ils avaient quitté la maison depuis long
21. Il s'agit d'alcool de canne à sucre qui est très bon marché, la consommation d'autres boissons
alcoolisées n'étant pas exclue.
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agonie. Ainsi, ceux qui pressentent leur fin proche, prient Oxalâ de les
emporter. Le caractère ambigu de cette divinité se double de sa proximité
aux ancêtres figurée par les branches d'arbre qui lui appartiennent et le
de tous les noms initiatiques de ses dévots, iwin « habitants des
préfixe
arbres », où sont déposées les offrandes aux ancêtres.
Si les cantiques invitent les morts, la chorégraphie de la danse les éloigne :
le mouvement pendulaire, lui-même équivoque, a pour finalité de les empê
cher d'approcher la « puissance de vie » du temple. Mais l'ouverture de la
</>
Ui
22. Une expression récurrente, « corps ouvert », désigne les corps sans protection, soumis aux aléas de Q
l'infortune, et révèle le danger d'un espace qui n'étant pas saturé permet aux egun de s'immiscer et à la g
« puissance de vie » de fuir. SUJ
23. Chaque divinité se manifeste sous plusieurs « qualités » (un même dieu « générique » possède diffé
rents « aspects » qui actualisent des rôles pluriels voire antithétiques : Iansâ Onira,
jeune et guerrière,
Iansâ Igbale, vieille et associée aux morts...) et chaque « qualité d'orixd » se
singularise à travers les ini
tiés ; chaque dieu de chaque initié a un nom propre qui manifeste la composition unique de certains de
ses multiples attributs.
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pulser par la mise à mort par Iku, la mort ritualisée, et la restitution aux
|
définitive des vivants et des morts : w
Séparation
la destruction opératoire ^
tu
Outre la noix de kola et la nourriture sont placés dans la salle un ani- §
mal à « quatre pieds », cinq poules, tous les objets du mort qui se trou- hù
pas rester sur terre sera violemment et bruyamment détruit - les objets
dieux cassés, les colliers brisés, les vêtements déchirés... Le sang des ani
maux sacrifiés sera versé sur l'amoncellement des débris et des lambeaux
de tissus. Ce sacrifice disjoint Xegun de ce monde pour conjoindre l'« ici »
et l'« ailleurs » par la réintégration de l'initié à la matière générique. Il ne
- l'absence de dépe
s'agit pas d'un sacrifice introjectif mais d'expulsion
çage rituel des animaux et l'interdiction de déposer les objets détruits à des
endroits où le mouvement pourrait réassembler les éléments déliés, corro
borent sa nature disjonctive.
sage des humains réunirait à leur insu ce qui a été systématiquement disso
cié ; il est dit que cela entraînerait la mort certaine d'un passant occasionnel.
Tous les participants à la cérémonie conservent une pièce de monnaie
dans la main, attendant en silence, dans la salle, le retour des officiants.
24. Efun, poudre blanche, craie, ossun, poudre rouge, extraite du Pterocarpus Erinacesses, waji, poudre
bleue préparée avec de l'ilû - indigo - extrait de nombreux arbres.
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duquel les tambours rituels pourront enfin résonner, et les dieux danser.
paroles expliquant au mort qu'il va tremper les pieds dans le sang de l'ani
mal afin d'intégrer définitivement l'« ailleurs » - pied contre pied car c'est
dans les orteils que résident les ancêtres : le sang-enveloppe confère au
mort, déjà converti en egun, son énergie ancestrale. Une opposition réglée
commande la logique sacrificielle, qui rétablit la médiation, et la logique
de la métamorphose qui repose sur le double et l'ordre de la prédation : le
sacrifice relancel'échange et l'incarnation des divinités.
Cette ligne de clivage entre l'« ici » et l'« ailleurs » que franchit l'egun le
détache à jamais de la roue infernale de l'immortalité, une finitude qui
n'en finit pas de finir. La catégorie d'immortalité n'est pas thématisée dans
la mesure où elle mettrait un terme à la production des vivants25. Si pour
les Yoruba, comme le note Pierre Verger, la Tête (Ori) retourne en ce
monde dans la même famille, au Nouveau Monde, la mort désindividua
lise pour éviter le retour du même, bien que l'identité ne recouvre pas
l'identité à soi, mais la différence du moi toujours altéré par une antério
rité. Il n'existe pas de réincarnation stricto sensu, mais le retour de traces
ancestrales, de portions d'un aïeul qui lui-même était déjà composite, et
jamais d'un élément intangible reconducteur d'une permanence a-tempo
relle. L'identité en tant que processus d'individualisation est toujours à ins
taurer, à construire, à « faire ».
Tous les initiés ayant eu un axexê sont ancestralisés et vénérés dans
un autel collectif à l'intérieur de la « maison des ancêtres » mais seuls
chaque rituel. L'accès à la catégorie des Essa exige une fixation dans la
« maison des ancêtres » du composé individuel identitaire disparu, créant
une inversion génératrice d'autonomie : d'une part, l'ancêtre en tant que
25. Une exception est observée pour une catégorie d'êtres : les abikti. Ces individus « nés pour mourir »
forment une société constituée d'un nombre fixe d'esprits qui jouent à aller et venir entre l'« ici » et
l'« ailleurs ». Quand une mère perd successivement ses enfants en bas
âge, la consultation divinatoire peut
révéler la présence d'un abikû. Sont alors entrepris des rituels pour l'« attacher » à ce monde -
change
ment de nom... — et/ou le contraindre à ne plus revenir — marquage corporel, incinération du cadavre...
Patricia de Aquino
Patricia de Aquino
tiques. Ce réseau de dieux est son enredo - du portugais rede « filet » - qui
le contextualise et l'individualise dans un ensemble de légendes et d'asso
ciations d'éléments ;
. l'autelde Xorixâ est redevable à l'Exu qui lui est associé et qui indivi
dualise son existence. Cet Exû, divinité à part entière, est purement for
mel - à chaque orixâ générique correspond un Exû générique : Exû Tiriri
- et rendu effectif
pour Ogun, Exû Jelû pour Oxalâ... par sa matériali
sation possédant un nom spécifique, tel Exû Tiriri pour tel orixâ de tel
initié (le nom des Exû est strictement secret) ;
• chaque orixâ de chaque initié explicite sa double singularité par rapport
à l'orixâ générique et particulier : Iemanjâ - divinité des eaux, « mère des
vagues, alors que pour Iemanjâ Assesû, ils seront recueillis là où les eaux
incorporera des éléments personnels : il choisira les pièces qui auront été
« trouvées » au bord de la mer ou offertes par ceux qui lui sont chers, il
fera fondre de l'argent dans un moule en forme de poisson ou de
27. Cf. Michel Serres (1989 : 162) : « Comment l'objet advient-il à l'hominité ? Avant cette venue Q
originaire, confluence ou confusion,
régnait ce corps qui n'a reçu aucun nom en philosophie, nœud
g
» SUJ
mélange du sujet avec l'objet, chair ou corps mêlé.
proché d'isese1'' qui renvoie à àse, et condense à la fois la Tête (Ori), les
ancêtres et Ifa (système divinatoire). C'est à partir de ce terme qu'est
construit le concept d'ipelese, « ce que nous rencontrons, venant de nos
ancêtres, à notre arrivée au monde » (Verger 1973 : 64). L'isese demeure
sur l'autel familial, c'est-à-dire l'asen des Fon. Yeda Pessoa de Castro, dans
ses recherches sur les interactions linguistiques, prend comme exemple
assento « siège », pour illustrer la façon dont le lexique de la langue litur
28. Cf. la notion forgée par Bruno Latour de « Parlement des choses » en tant qu'association disparate
de pratiques qui créent un objet et qui, à leur tour, se trouvent reliées par celui-ci, permettant de dépas
ser le problème de la simple inter-subjectivité (Latour 1994 : 197).
29. Cf. note 26.
Patricia de Aquino
adopta Oiâ, petite orpheline originaire de la lointaine ville d'Ira aux confins
du pays Nupe. Oiâ, dont la voix enchanteresse se mêlait à celle des oiseaux,
devint vite la fille préférée d'Oduléke qui lui enseigna l'art de la chasse et lui
transmit les secrets de la magie. Une mort soudaine emporta Oduléke au soir
enveloppé les instruments de chasse du grand Odé. Pendant sept jours et sept
nuits, le vent d'Oiâ porta aux sept coins du monde les chants et les danses
qu'elle dédiait à Olu Odé. Des sept coins du monde, tous les Odé accoururent
pour célébrer la mémoire de leur chef. Le septième jour, Oiâ entra dans la forêt
plumage bleu turquoise de l'oiseau Agbé qui s'en allait conter la nouvelle à
Olorum, le dieu initial. Emu par une telle ferveur créatrice, Olorum méta
morphosa Oduléke en orixd et pria Oiâ, dès lors appelée Iansâ, de présider aux
cérémonies funéraires qu'elle venait d'inventer ; cérémonie de Vajeje, la veillée
du chasseur, ou de Xaxexê, le "commencement" grâce auquel une étrangère
à Odé de nous amener au monde. »
permet
Afonjâ, qui ne se lasse pas de raconter ce mythe, est bien fondée pour assu
104 rer avec fierté : « Nos racines sont ici, ils ont planté l'axé ici. »
RÉSUMÉ/ABSTRACT
analyse les inversions et paradoxes mis en made of the inversions and paradoxes used
œuvre par les rites funéraires des initiés in the funeral ceremonies for initiates to
aux divinités brésiliennes africaine. Brazilian divinities of African
d'origine origins. These
Ces procédures de fabrication rituelle sont ritual procedures are good not only for pro
bonnes non seulement à produire les rela ducing relations between the dead and the
tions entre morts et vivants, mais aussi à living, but also for reconsidering the validity
repenser la validité des catégories d'opposi of the categories of binary opposition that
tions binaires qui traversent l'anthropologie, run through anthropology (e.g., nature/
telles nature/culture, tradition/modernité, culture, tradition/modernity, myth/rite).
mythe/rite.
Patricia de Aquino