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Langages

Les organisations cognitives sont-elles liées au sexe ?


Éliane Koskas

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Koskas Éliane. Les organisations cognitives sont-elles liées au sexe ?. In: Langages, 21ᵉ année, n°85, 1987. Le sexe
linguistique. pp. 63-70;

doi : https://doi.org/10.3406/lgge.1987.1530

https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1987_num_21_85_1530

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Éliane KOSKAS
Maître-Assistante de Linguistique
Université de Paris-X (Nanterre)

LES ORGANISATIONS COGNITIVES


SONT-ELLES LIÉES AU SEXE ?

Mrs Fawcett, chef de file d'un mouvement féministe américain, écrivait en 1887 :
« Nul de ceux qui se préoccupent le plus du mouvement féministe ne pense un instant
à prouver et affirmer que le cerveau de l'homme et celui de la femme sont strictement
identiques ou égaux. Ce que nous voulons, c'est que le statut social et légal des
femmes soit tel qu'il aide à s'épanouir et non à étouffer toute disposition pour l'art, la
littérature, le savoir ou les belles lettres que celles-ci pourraient avoir. »
Environ un siècle plus tard, qu'en est-il de la première de ces propositions ?
S 'exprime- t-on aujourd'hui en termes d'identité ou de différence, de supériorité ou
d'infériorité à propos de l'organisation cérébrale des fonctions cognitives de l'homme
et de la femme ?
À partir de quelles données les recherches concernant ce sujet ont-elles été
menées ? Dans quelle mesure leurs résultats peuvent-ils être considérés comme
irréfutables ? Nous tenterons de répondre à ces questions dans les lignes qui vont suivre.
On sait à l'heure actuelle que pour la plupart des individus, l'hémisphère cérébral
gauche est spécialisé pour les fonctions langagières aussi bien que pour les activités
manuelles acquises. Par comparaison, l'hémisphère cérébral droit est moins impliqué
dans le linguistique mais plus critique que le gauche pour la perception, la
construction, le rappel des stimuli difficiles à verbaliser. Cependant, sa participation dans
l'acquisition d'une langue étrangère par exemple n'est pas négligeable. « Le langage
n'existe pas dans le vide. L'utilisation du langage est à la fois le produit de la
compétence linguistique (connaissance grammaticale) et de la compétence à communiquer
(qui comprend un certain nombre d'habiletés pragmatiques et non verbales »
(Galloway : Langages n° 72, p. 97). Selon cet auteur, l'hémisphère droit prendrait ainsi en
charge la compétence à communiquer, les habiletés non verbales, interactionnelles et
dépendantes du contexte, de même que la reconnaissance faciale (perception de
1 'affect facial, traitement du changement subtil des indices faciaux), la production ou
perception des gestes linguistiques, la production ou perception des tons de voix. On
sait également que chacun des deux hémisphères fonctionne dans le traitement des
données selon une stratégie qui lui est propre : analytique pour le gauche, synthétique
pour le droit chez les droitiers manuels. Les recherches qui ont permis d'avancer de
telles affirmations ont été menées d'une part sur des sujets sains, d'autre part sur des
sujets présentant des lésions cérébrales.
Ainsi, par exemple, on a observé les changements organiques survenus en situation
d'expérimentation. La mesure du taux de consommation de l'oxygène ou le débit
sanguin différentiel aideraient à déterminer les relations existant entre une activité
cognitive particulière et les régions cérébrales activées. Le R.C.B.F. (Regional Cerebral
Blood Flow) indique que la circulation est plus importante dans les aires périsylvienne
et périrolandique quand des sujets accomplissent des actes de parole automatiques.
Mais, quand ceux-ci sont au repos et ne font que penser, la circulation s'intensifie au

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niveau des régions frontales. Le test de Wada consistant en une injection d'amytal
sodique dans l'artère carotide isole l'un ou l'autre hémisphère et permet d'en bien
observer le fonctionnement. Ses résultats sont fiables mais il ne peut être couramment
pratiqué sur un grand nombre de sujets. Certains tests permettent également
d'apporter des éclaircissements sur la spécificité de fonctionnement de chacun des
hémisphères.
Par ailleurs, des chercheurs ont centré leur attention sur la latéralisation cérébrale
d'éléments musicaux chez les musiciens et les non-musiciens. Ils ont constaté que la
dominance de l'oreille gauche, dans une épreuve d'écoute dichotique (écoute bilatérale
simultanée de stimuli différents), de stimuli musicaux chez les musiciens amateurs et
les non-musiciens, démontre une supériorité de l'hémisphère droit révélant chez eux
une stratégie globale, synthétique d'appréhension ; les musiciens expérimentés par
contre procèdent à une analyse de la séquence. Dans les langues à tons, on note aussi
un avantage de l'oreille droite (donc de l'hémisphère gauche) pour les stimuli ayant
une signification linguistique. Van Lancker et Fromkin (1978) ont montré que le ton
provoque un avantage de l'oreille droite seulement lorsqu'il se trouve dans un contexte
linguistique et seulement chez ceux qui le traitent linguistiquement. Papçun et coll.
(1974) ont étudié la façon dont le morse était décodé : les télégraphistes analysent les
séquences avec l'hémisphère gauche, les non-initiés avec l'hémisphère droit, surtout
quand celles-ci sont longues. Silverberg et coll. (1980) ont testé des élèves israéliens
de 2e et 3e années apprenant l'anglais. En 2e année, les mots de la seconde langue sont
considérés comme des « configurations » (patterns) et sont traités par hémisphère
droit puis ils deviennent familiers, fonctionnent ensuite en tant que mots, sont pris en
charge par l'hémisphère gauche (Koskas, £., Linx, n° 11, p. 65).
La recherche chez le sujet normal est fondée sur le fait que les fibres nerveuses
correspondant à un hémicorps ont une projection croisée. Ainsi la partie droite du corps
envoie à l'hémisphère gauche les stimuli (sonores, visuels, tactiles) qu'elle perçoit et la
partie gauche à l'hémisphère droit. L'information enregistrée par l'un des hémisphères
est ensuite communiquée à l'autre par l'intermédiaire du corps calleux.
Lors des deux dernières décennies, on a développé des techniques expérimentales
tendant à stimuler compétitivement les deux hémisphères pour tenter d'en préciser le
fonctionnement. L'expérience qui suit porte sur la modalité auditive : le sujet entend à
l'aide d'un casque des stimuli verbaux tels que les chiffres 8-3-9 à l'oreille droite et 2-
7-1 à l'oreille gauche, sa tâche étant de répéter tous les chiffres entendus. En général,
le sujet droitier se rappelle mieux les chiffres entendus à l'oreille droite, donc perçus
directement par l'hémisphère gauche, ce qui prouverait la meilleure aptitude de ce
dernier à décoder la parole humaine. En neuropsychologie, on teste des sujets
présentant des lésions cérébrales (quelle qu'en soit l'origine). Les résultats obtenus sont
susceptibles de renseigner sur le fonctionnement normal du cerveau. Il est généralement
admis maintenant, comme nous l'avons dit plus haut, que l'hémisphère gauche sous-
tend surtout les fonctions liées au langage et l'hémisphère droit les fonctions spatiales.
Ainsi, à la suite d'une lésion de l'hémisphère gauche, un trouble du langage (aphasie)
peut facilement apparaître tandis qu'une lésion de l'hémisphère droit chez les droitiers
provoquerait des problèmes au niveau de l'organisation spatiale, de l'orientation
topographique, de la reconnaissance des visages. On trouve pourtant des cas d'aphasie
croisée (aphasie consécutive à une lésion dans l'hémisphère ipsilatéral c'est-à-dire situé
du même côté que la main préférée) chez certains sujets, mais cette forme est rare, sa
fréquence variant entre 0,5 % et 10 % selon les études.
Ainsi généralement, à un hémisphère gauche endommagé, correspondent des
troubles de l'élocution ou de la compréhension (aphasie motrice ou sensorielle) et de la
lecture (alexie). Une recherche sur la dénomination ( Koskas- Kremin, 1984) a montré que
l'atteinte de la fonction était d'autant plus sévère que la lésion se situait dans la partie

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la plus extrême du lobe temporal gauche pour les droitiers manuels. En revanche, une
lésion de hémisphère droit entraîne des déficits de la perception des formes, des
relations spatiales, des aptitudes musicales.
Chez les gauchers, le cortex n'est pas organisé de la même façon que chez les
droitiers et cela Broca l'avait noté déjà depuis 1865. Il avait proposé un modèle en miroir
(langage pris en charge par l'hémisphère droit, et fonctions spatiales par hémisphère
gauche). Depuis cette date, la connaissance du fonctionnement des sujets gauchers a
progressé et on sait maintenant qu'ils constituent une population hétérogène. La
pathologie montre qu'ils manifestent une importante bilatéralité dans les fonctions
langagières et de représentation spatiale notamment lorsqu'on retrouve dans la famille
un grand nombre de gauchers. Signalons que la caractéristique d'être gaucher est le
plus souvent transmise par les femmes.
Mais c'est seulement depuis le début des années 70 que les travaux de certains
chercheurs ont introduit un nouveau paramètre : le sexe de leurs sujets. Ce cerveau,
dont on connaissait le fonctionnement général, présentait-il des spécificités dans son
organisation selon qu'il s'agissait d'un cerveau d'homme ou de femme ? Les
recherches que l'on avait faites pendant la guerre portaient exclusivement sur des hommes
et, si parfois des femmes comptaient parmi les sujets, les résultats n'en tenaient pas
compte. Bon nombre d'auteurs se sont intéressés à la question, dont Lansdell (1961),
Buffery et Gray (1972), Hutt (1972), Maccoby et Jacklin (1974), Sherman
(1978-1979), Mac Glone et Kertesz (1973), Mac Glone (1977-1978), Witelson (1976-
1977), Harris (1978), Mac Gee (1979), Bryden (1979), Hutt (1972).
Dans cette perspective, la pathologie aussi bien que l'étude du fonctionnement du
cerveau sain ont fourni des éléments d'appréciation.
Certains résultats de ces diverses études suggèrent que la femme présente une
certaine bilatéralisation des fonctions linguistique et spatiale tandis que l'homme montre
une latéralisation du langage sur hémisphère gauche et des fonctions spatiales sur
l'hémisphère droit. Dans quelle mesure peut-on considérer cette organisation comme
valant pour tous les individus et, si tel était le cas, quelles en seraient les raisons ?
Sur quelles expériences les données proposées sont-elles basées ? Lansdell et
Urback (1965) ont travaillé sur des sujets présentant des lésions du cerveau. Ils ont
comparé les scores verbaux et non-verbaux d'hommes et de femmes à 4 sous-groupes
de tests de l'échelle d'intelligence Wechsler Bellevue et à 7 autres sous-groupes (deux
d'entre eux exigeant des réponses verbales). Les hommes, après lobectomie temporale
gauche ont montré des aptitudes verbales relativement perturbées, alors que la
lobectomie droite ne laissait pas de séquelles verbales. Par contre, chez les femmes, il n'y
avait pas de différences significatives entre les groupes ayant subi une lobectomie
droite et ceux ayant subi une lobectomie gauche. Cela suppose, chez elles, une relative
symétrie de fonctionnement des deux hémisphères en ce qui concerne tout au moins
les activités linguistiques et le lobe lésé. De toute façon, il s'avère généralement plus
difficile, d'après la plupart des auteurs, de démontrer la dominance cérébrale droite
pour la représentation spatiale que la gauche pour la fonction du langage dans une
population d'hommes droitiers présentant une lésion du cerveau. De la même façon,
les différences entre droitiers et gauchers dans les asymétries spatiales sont moins
marquées que les verbales. Dans une recherche menée en 1977, J. Mac Glone a trouvé
trois fois plus de cas d'aphasie chez les hommes après lésion gauche. Les travaux de
Lansdell montrent que les femmes qui ont une lésion de l'hémisphère gauche
manifestent, dans certaines tâches verbales, un déficit linguistique moindre que les hommes
affectés de lésions similaires. Peut-être l'hémisphère droit chez les femmes peut-il
traiter plus d'information verbale que chez les hommes ? Ceci expliquerait pourquoi leur
langage est moins touché. Mais, dans ce cas, l'étiologie de la lésion est à considérer.
En effet, les hommes ont davantage de lésions vasculaires que les femmes. Ces lésions

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lèsent un territoire beaucoup plus important car elles sont souvent diffuses et le
trouble consécutif est ainsi plus accentué.
Une expérience importante concernant les différences liées au sexe dans les
fonctions cérébrales a été conduite sur des sujets sains par S. Witelson en 1976.
200 enfants âgés de 6 à 13 ans ont été testés ; 25 enfants de chaque sexe pour chaque
intervalle de 2 ans d'âge. Ceux-ci devaient toucher (perception haptique) en même
temps et hors de leur vue deux formes ne correspondant pas à un objet existant (une
pour chaque main pendant 10 secondes) et les retrouver ensuite dans un choix
multiple présenté visuellement. Les garçons ont reconnu plus de formes touchées par la
main gauche (donc perçues par leur hémisphère droit) tandis que les filles ont reconnu
autant de formes palpées par la main droite que par la main gauche. À partir de ces
résultats, Witelson a conclu à une organisation cérébrale, pour les fonctions spatiales,
différente chez les garçons et les filles : bilatérale chez ces dernières, réservée à
hémisphère droit chez les premiers. D'autres auteurs ont mené des expériences
analogues qui n'ont pas toujours confirmé ces résultats.
Il faut souligner que, dans cette tâche, certains facteurs impliqués dans l'exécution
sont difficiles à observer, telles l'attention du sujet concentrée sur l'une ou l'autre
main, la stratégie de perception (globale, synthétique opérée par l'hémisphère droit ou
analytique, centrée sur des traits spécifiques et opérée par l'hémisphère gauche). Il
faut donc être prudent sur les résultats de cette expérience.
Un certain nombre d'études tachistoscopiques récentes ont montré que les effets de
la latéralité, pour le matériel à la fois verbal et non verbal, diffèrent selon les sexes.
Pour le matériel alphabétique, l'implication de l'hémisphère droit est plus grande chez
les hommes droitiers que chez les femmes. Cela implique, chez eux, une perception
spatiale plus aisée, du moins pour la reconnaissance des lettres [Bradshaw et Gates
(1978), Hannay et Malone (1976), Kail et Siegel (1978), Levy et Reid (1976)].
Bryden (1978) a soutenu que les différences liées au sexe, dans les effets du champ
visuel ou auditif, proviendraient de différences de stratégies plutôt que de différences
dans le fonctionnement des hémisphères. Par exemple, les femmes peuvent préférer la
médiation orale dans la résolution de problèmes spatiaux car leurs aptitudes
linguistiques sont supposées être plus développées, contrairement aux hommes chez qui
l'analyse serait davantage spatiale, écrite, qu'orale. On a pourtant démontré, que, en
ce qui concerne la reconnaissance tachistoscopique du mot, les hommes répondaient
plus vite que les femmes quand les consignes étaient données en images, et les femmes
plus rapidement, lorsque les consignes leur étaient présentées verbalement. Mais ceci
ne semble pas suffisant pour servir de base à une affirmation relative à la différence
de symétrie fonctionnelle homme /femme.
Certains auteurs ont proposé une base anatomique à leurs affirmations. Ils ont
trouvé que le splenium (partie postérieure du corps calleux) est plus large chez les
femmes que chez les hommes. Or la fonction du splenium est le transfert des
informations visuelles d'un hémisphère à l'autre. Leurs données concordent avec l'hypothèse
selon laquelle le cerveau féminin serait moins nettement latéralisé pour les fonctions
visuospatiales. Mais leur étude n'a porté que sur 14 cerveaux d'hommes et 9 de
femmes.
D'autres auteurs, tels Bock et Kolakowski (1973), ont réuni les recherches sur ce
sujet. Ils présentent de nouvelles preuves de la détermination génétique de la forte
aptitude visuo-spatiale chez l'homme par un gène récessif sur le chromosome X.
Flor-Henry affirme que le cerveau de l'homme est fortement latéralisé pour les
processus cognitifs verbaux et spatiaux et que ces fonctions sont plus bilatéralement
organisées dans le cerveau de la femme. En outre, fluence verbale et coordination
motrice sont plus efficaces dans le modèle féminin tandis que, chez l'homme, les
processus liés à la transformation d'images spatiales sont plus développés. Ces effets

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seraient indépendants des influences culturelles. Chez les enfants, on ne constate pas,
selon lui, de différences, mais celles-ci se manifestent à la puberté. Il faudrait
rechercher leur origine dans des interactions neuro-humorales médiatisées par les androgènes
qui déterminent, déjà au 3e mois de la vie intra-utérine, des différences à la fois anato-
miques et cognitives liées au sexe. Celles-ci se trouvent réactivées à la puberté. On
constate que la femme, dont le cerveau est plus symétrique que celui de l'homme, est
plus souvent droitière. Pourtant le fait d'être gaucher se transmet le plus souvent par
elles, comme il a été dit plus haut.
Les facteurs hormonaux sont très certainement à prendre en compte si l'on veut
argumenter en faveur d'une différence d'organisation des fonctions cognitives selon le
sexe. Ces différences ne sont marquées qu'après la puberté. Les filles sont
généralement plus précoces, notamment pour les acquisitions phonologiques, mais leur retard
est ensuite rattrapé par les garçons. Les processus de discrimination auditive de
hémisphère droit sont plus fins chez les petites filles que chez les petits garçons (Mol-
fese et Hess, 1978). Buffery et Gray (1972) ont considéré que les différences en faveur
des filles sont difficiles à interpréter puisque ceci peut être dû à une maturation
générale plus précoce. En fait, on a mis en rapport le degré d'acuité de l'oreille dans les
tâches d'écoute dichotique avec le degré de maturation sexuelle durant la puberté.
Entre 13 et 16 ans, les adolescents qui avaient une maturation précoce ont montré une
supériorité de l'oreille droite plus marquée que ceux qui avaient une maturation plus
tardive. Cette importance se retrouve d'ailleurs dans le fonctionnement animal. Les
canaris femelles ne peuvent produire des chants complexes que s'ils reçoivent très tôt
des injections de testosterone.
Money et Ehrhardt (1972) ont effectué une analyse systématique des données
relatives aux hormones et à la différenciation neurale chez les humains. Les hormones —
spécifiquement les androgènes prénataux — opèrent une différenciation masculine et
féminine de certaines portions du système nerveux central. Elles semblent agir en
sensibilisant les tissus pour une réponse différentielle. Les hommes, souffrant d'une
insensibilité congénitale aux androgènes prénataux, ont des caractéristiques
comportementales très nettement féminines et résistent à une socialisation masculine. Le rôle
des substances hormonales n'est donc pas négligeable. Elles interviendraient chez
l'homme pour renforcer une asymétrie de fonctionnement des hémisphères cérébraux,
leur assignant selon les résultats qui précèdent des aptitudes visuospatiales plus
développées car prises en charge par un seul hémisphère, lbémisphère droit.
Des facteurs dépendant de l'organisation cérébrale sont pris en compte par
certains auteurs pour rendre compte des différences comportementales des deux sexes.
Ainsi Escoffier Lambiotte écrit à propos de l'émotion : « La moindre spécialisation
hémisphérique féminine (latéralisation) se traduit aussi sur le plan de l'émotion. Alors
que l'hémisphère droit de l'homme est, plus que le gauche, impliqué dans les
situations émotionnelles, celles-ci relèvent chez la femme des deux hémisphères. Cette
représentation bi-hémisphérique de l'émotion pourrait impliquer que les femmes
puissent, moins bien que les hommes, dissocier leur comportement analytique, logique,
rationnel, verbal, de leur comportement émotionnel. »
Ainsi, ceux qui soutiennent que les femmes sont plus émotives, expliquent ceci par
le fait que, chez elles, les émotions seraient sous-tendues par les deux hémisphères.
Ceux qui prétendent qu'elles ont des difficultés à mener conjointement deux tâches
diverses (faisant appel, l'une à des aptitudes linguistiques, l'autre à des aptitudes
visuospatiales) justifient leur point de vue en faisant appel à des différences dans la
latéralisation de ces fonctions selon le sexe.
À 1Ъеиге actuelle, deux hypothèses se retrouvent dans les travaux sur l'émotion :
a) les émotions seraient sous-tendues par l'hémisphère droit,

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b) les émotions positives seraient sous-tendues par hémisphère gauche et les
émotions négatives par hémisphère droit.
On a constaté deux types de comportements chez des individus présentant des
lésions cérébrales : réaction de panique, de détresse pour les lésions droites,
d'euphorie pour les lésions gauches. Cela se traduit aussi par des différences d'appréciation
esthétique au niveau de la perception. Des films présentés à hémisphère droit sont
jugés désagréables. Par contre, quand hémisphère gauche est seul impliqué, le
jugement est positif.
La dyslexie, trouble de la lecture et de l'orthographe, révèle des différences de
fonctionnement selon le sexe. Cette anomalie touche S % de la population, et il y a
plus de garçons que de filles dyslexiques. Les travaux de S. Witelson ont porté sur un
groupe important de garçons droitiers. Ceux-ci avaient une représentation du langage
à gauche et une représentation spatiale bi-hémisphérique tandis que les filles ne
montraient aucune différence d'organisation neurologique par rapport aux filles normales.
La représentation des formes était bilatérale chez les filles normales et les filles
dyslexiques. Donc, bien que le trouble soit le même pour les deux sexes, le substrat
neurologique diffère. Les garçons dyslexiques ont la même organisation que les filles
normales. Cependant, chez les garçons, on note dans certains cas un mauvais
fonctionnement de hémisphère gauche.
Peut -on tirer des conclusions définitives de ces données ? Peut-on s'en prévaloir
pour justifier la place assignée aux femmes dans certaines sociétés ? Si une
discrimination réelle était établie sur ces fondements, cela pourrait être dangereux et relèverait
de la démarche qui caractérise le racisme biologique. Si les femmes étaient
fondamentalement différentes des hommes dans leur organisation cérébrale et écartées comme
telles de certaines fonctions, alors pourquoi ne note-
t-on pas une telle attitude à l'égard des gauchers dont il est prouvé qu'ils ne
fonctionnent pas exactement comme les droitiers ? On peut en effet s'exprimer en termes de
non-identité, mais les différences qui favoriseraient l'un ou l'autre sexe pour
l'accomplissement de telle ou telle tâche sont susceptibles, étant donné la plasticité du cerveau
humain, de se réduire très largement par des processus éducatifs appropriés.

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