Vous êtes sur la page 1sur 1

vous.

La puissance du vote en faveur des partis islamistes – deux tiers des voix- a
dépassé tous les pronostics les plus pessimistes et elle remet en cause toute l’euphorie
du printemps arabe. Le choc est encore plus rude qu’en Tunisie. Au moins dans ce pays
embaumé de jasmin, les électeurs tunisiens n’ont-ils accordé qu’une majorité forte mais
relative (40%) au parti islamiste Ennahda, amenant ce dernier à pactiser son entrée au
pouvoir avec des partis non-confessionnels. Par ailleurs, même s’ils sont sur le qui-vive,
la plupart des analystes américains liés aux milieux libéraux ou modérés continuent à
s’accrocher à l’idée qu’Ennahda, qui se réclame de l’expérience turque, préservera une
forme de laïcité et de tolérance.

En Egypte, par contre, non seulement les Frères musulmans ont pris la tête de la
joute électorale, avec près de 40% des voix, mais ils ont été débordés sur leur extrême-
droite par les salafistes, dont la plupart des observateurs avaient sous-estimé l’influence
et qui auraient aujourd’hui engrangé 25%.

“Catastrophe en Egypte”

Dans un court article publié par l’Agence Global, le journaliste Robert Dreyfuss,
spécialiste du Moyen-Orient et collaborateur de magazines américains de gauche et
centre-gauche, comme The Nation et The American Prospect, dépeint une vision quasi
apocalyptique de ces résultats. « Catastrophe en Egypte », titre-t-il son texte, en
qualifiant de « réactionnaires » les Frères musulmans et en exprimant sa méfiance à
l’égard des promesses de certains d’entre eux de s’ouvrir aux milieux libéraux ou aux
minorités, notamment chrétiennes coptes.

De surcroît, l’auteur souligne que ce n’est qu’un début, car, annonce-t-il, les
prochaines phases du scrutin vont s’étendre aux régions où la proportion des islamistes
et surtout des salafistes apparaît encore plus élevée. Utilisant une analogie américaine, il
écrit: « c’est un peu comme si la Majorité morale (Nda: la coalition évangélique
conservatrice) l’avait emporté alors que les résultats de la “ceinture de la Bible” n’avaient
pas encore été comptabilisés ».

« Une majorité des deux tiers au Parlement », prédit-il, « va conduire le pays vers la
séparation des sexes dans l’enseignement, le port du voile et diverses formes
d’application de la charia, projetant ainsi l’Egypte des années en arrière ».

D’autres analystes cherchent à se rassurer, en tablant – immense contradiction avec les


rêves récents de démocratisation - sur l’influence modératrice de l’armée ou en pariant
sur les promesses des Frères musulmans de ne pas s’allier aux salafistes.

Mais les craintes se sont durcies. Pour la revue de référence Foreign Affairs, quelle que
soit l’issue de tout ce charivari, les Etats-Unis se retrouvent sur la défensive : leur
capacité d’influencer l’Egypte apparaît fortement compromise, écrit Geneive Abdo,
auteur de No God but God: Egypt and the Triumph of Islam, alors que l’alliance entre

11

Vous aimerez peut-être aussi