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Le contrat de location-gérance est le " contrat par lequel le propriétaire ou l'exploitant d'un fonds de
commerce ou d'un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un
gérant qui l'exploite à ses risques et périls " article L. 144-1 du Code de commerce.
Il revêt donc un intérêt majeur notamment lorsque le propriétaire du fonds ne peut plus ou ne peut
pas l'exploiter directement.
Remarque
Ainsi en est-il du cas où un mineur viendrait à hériter d'un fonds de commerce, n'ayant pas la
capacité commerciale, il ne peut l'exploiter. Il pourra cependant en conserver la propriété en louant
le fonds par le biais d'un contrat de location-gérance. Cette solution est utile également dans le cas
où le propriétaire est frappé d'une incapacité.
Il existe en effet dans ce contrat, en contrepartie à ces avantages, des inconvénients qu'il est
impossible de nier. La location-gérance est tout d'abord un facteur d'inflation.
Certains ont ainsi pensé que ce contrat pouvait être un placement intéressant et après-guerre de
nombreux fonds ont été acquis uniquement dans un but spéculatif.
Ce fut l'objet des décrets-lois du 22 et 30 septembre 1953 et de la loi du 20 mars 1956 qui a été
modifiée par une ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 (JO 27 mars 2004, p. 5871).
La loi de 1956 se trouve désormais codifiée aux articles L. 144-1 à L.144-13 du Code de commerce.
Ces textes sont d'ordre public, ils s'appliquent " nonobstant toute clause contraire ", article L. 144-1
du Code de commerce et fixent pour l'essentiel le régime applicable à ce contrat.
Le contrat a donc une nature particulière qui impose des conditions pour sa conclusion et des effets
tant à l'égard des parties que des tiers.
Il s'agit bien d'un contrat de louage (Cass., com., 9 mars 1953, Rev. loyers 1953, 520) , il faudra
donc notamment qu'un loyer, appelé redevance, soit versé par le locataire-gérant. Le propriétaire
devra également assurer la jouissance paisible du bien.
Ce contrat de louage porte sur un bien meuble puisque l'objet du contrat est bien l'exploitation du
fonds de commerce. Ainsi cette nature mobilière exclut une indexation de la redevance sur l'indice
du coût de la construction (Cass., com., 16 février 1993 : JCP 1993, éd. E, pan. 319).
Le fonds de commerce est de plus un bien meuble incorporel. Ainsi, les dispositions régissant le
contrat de louage de biens meubles corporels ne sont pas applicables à la location-gérance. Ainsi,
l'article 1733 du Code civil qui édicte une présomption de responsabilité du preneur en cas d'incendie
de la chose louée ne peut recevoir application (Cass., com. 21 avril 1992 : RTD com. 1992, 585,
obs. Derrupé).
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Le contrat de location-gérance doit encore impérativement être distingué d'autres conventions.
Jurisprudence
Le contrat de location-gérance porte sur un bien de nature mobilière : le fonds de commerce, alors
que le bail commercial porte sur l'immeuble dans lequel est exploité le fonds (Cass., 3ème civ., 14
novembre 1996 : RTD com. 1997, 227, obs. Derrupé).
De plus, le bail commercial est conclu entre le propriétaire du fonds de commerce et le propriétaire
de l'immeuble alors que le contrat de location-gérance est quant à lui conclu entre le propriétaire
du fonds de commerce et le locataire-gérant qui ne peut tirer aucun droit de l'existence d'un bail
commercial.
Jurisprudence
C'est pourquoi la jurisprudence a pu considérer que le contrat de location-gérance ne tombe pas
sous la prohibition de principe qui frappe la sous-location de locaux commerciaux : article L. 145-31
du Code de commerce, Cass., com., 9 février 1953 : D. 1953, 324 ; RTD com. 1953, 628, obs.
Jauffret ; Cass., 3ème civ., 23 mai 1995 : RTD com. 1995, 752, obs. Derrupé.
De même, la jurisprudence a par ailleurs considéré qu'un contrat de location-gérance nul ne saurait
être requalifié en sous-bail commercial (Cass., 3ème civ., 18 mai 2005, D. 2005, AJ p. 1556, obs.
Y. Rouquet ; RTD com., 2006, p. 293, obs. Saintourens).
Enfin, la location-gérance doit être distinguée de l'apport en jouissance du fonds à une société.
Jurisprudence
Dans ce cas, la société ne contracte pas une obligation d'exploiter comme c'est le cas pour le
locataire gérant et la somme perçue en contrepartie est un dividende et non pas un loyer ou
redevance (Cass., com., 3 décembre 1991 : JCP 1992, éd. E, II, 330, note Bonneau).
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Section 2. Les conditions de la location-gérance
Le législateur a été réticent au sujet du contrat de location-gérance, il a donc imposé des conditions
très strictes notamment pour éviter des spéculations sur les fonds de commerce.
• Il devait avoir été commerçant ou immatriculé au répertoire des métiers pendant sept années
ou avoir exercé les fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique pendant ce
même délai. L'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 a supprimé cette exigence de délai
et est ainsi venue modifier l'art L.144-3 du Code de commerce.
• Seule la deuxième condition de délai a été maintenue à savoir que le loueur doit avoir exploité
pendant deux années au moins le fonds ou l'établissement artisanal mis en gérance. Cela
implique que le loueur doit avoir exploité sous sa seule autorité et à ses risques et périls pendant
ce laps de temps au moins. Il n'est cependant pas nécessaire que cette période de deux ans
précède immédiatement le contrat (Cass., com., 7 février 1995 : D. 1995, 489, note Coutant)
Cette double condition de délai doit être remplie personnellement par le loueur. L'objectif poursuivi
par le législateur en imposant ces conditions de délai est d'éviter la spéculation sur les fonds de
commerce, seul celui qui s'est impliqué dans l'exploitation du fonds pourra en retirer des loyers par
la suite. Ce risque spéculatif étant apparu moins fort aujourd'hui, l'ordonnance du 25 mars 2004 a
pu assouplir ces conditions de délai.
Jurisprudence
En cas de contestation c'est au loueur de démontrer qu'il remplit cette condition lors de la conclusion
du contrat (Cass., com., 18 avril 2000 : JCP 2000, éd. E, pan. 918, p. 1864, note Leveneur).
Les dispenses peuvent être judiciaires, l'article L. 144-4 du Code de commerce prévoit en effet que
le président du tribunal de grande instance peut réduire ou supprimer ces délais par ordonnance.
Jurisprudence
Il suffit pour cela d'une simple requête de l'intéressé justifiant qu'il est dans l'impossibilité d'exploiter
son fonds personnellement ou par l'intermédiaire d'un salarié (ex : maladie du commerçant - CA
Grenoble, 17 mars 1965 : JCP 1965, II, 14199, note Givord, pas de fraude ni intention spéculative
de la part de l'acquéreur - CA Limoges, 13 mai 1985 : JCP 1986, éd. E, II, 14735, note Raffray,
fonds acquis pour l'établissement d'un enfant - CA Colmar, 20 juin 1961 : D. 1962, 158...).
L'article L. 144-8 du Code de commerce exclut encore le délai pour les mandataires de justice qui
donnent en location-gérance un fonds après autorisation de la juridiction qui les a désignés.
Les dispositions sur les procédures collectives permettent également d'écarter dans certains cas les
conditions de délais posées par l'article L. 144-3 du Code de commerce.
Jurisprudence
Il s'agit alors d'une nullité absolue qui peut être invoquée par chacune des deux parties (Cass.,
com., 4 février 1997 : JCP 1997, éd. E, II, 977, note Leveneur ; Cass. com. 9 juillet 2004, Loyers
et coprop. 2004, n° 186, obs. H. Brault). Mais les contractants ne peuvent toutefois pas invoquer
cette nullité à l'encontre des tiers (Cass., com., 24 avril 1985 : GP 1985, 2, pan. jur. 359).
Celui-ci ne pouvait consentir un contrat de location-gérance s'il entrait dans le champ d'application
de l'article L.128-1 du Code de commerce qui concerne les incapacités d'exercer une profession
commerciale ou industrielle. Ainsi si le commerçant ou l'artisan avait fait l'objet d'une interdiction
d'exercer la profession commerciale ou artisanale, il ne pouvait donner son fonds en location-
gérance.
Sans cette précision la location-gérance pouvait être une manière de contourner la loi sur
l'assainissement des professions commerciales.Là encore le non-respect de cette condition
entraînait la nullité du contrat de location-gérance.
Désormais, les individus frappés d'une des mesures prévues par l'article L.128-1 du Code de
commerce ne peuvent pas exploiter directement leur fonds de commerce mais peuvent en
concéder la location-gérance. Le justification de cette modification législative n'est cependant pas
très explicite (B.Saintourens, RTD com. 2004, p. 246-248).
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L'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 a profondément modifié les conditions de la conclusion
du contrat de location-gérance. Celles-ci ont été allégées, rendant ainsi plus aisée le développement
de ce contrat.
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§ 2. Les conditions de forme de la location-gérance
Le contrat de location-gérance n'est pas un contrat formaliste, toutefois certaines mesures de
publicité devront être exécutées tant en ce qui concerne les parties qu'en ce qui concerne le contrat.
A. La forme du contrat
La loi n'impose aucune forme particulière pour le contrat de location-gérance.
Il s'agit donc d'un contrat consensuel qui se forme par la seule volonté des parties.
Jurisprudence
Un contrat verbal de location-gérance est donc possible (Cass., com., 23 mars 1999 : JCP 1999,
éd. E, p. 1539, note Leveneur).
La rédaction d'un écrit est cependant recommandée car des mesures de publicité devront être
effectuées pour faire courir certains délais. Cet écrit peut alors revêtir la forme d'un acte sous seing
privé ou d'un acte notarié.
Il doit donc procéder à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés s'il n'est pas
déjà commerçant (ou au répertoire des métiers s'il s'agit d'un fonds artisanal).
Il doit y procéder dans le délai de quinze jours à compter du début de son activité
commerciale. Cette immatriculation comportera la mention de la mise en location-gérance ainsi que
le nom et le domicile du propriétaire du fonds de commerce (article 8 du décret n° 84-406 du 30
mai 1984).
Le loueur, qui jusque là était commerçant, était immatriculé au registre du commerce et des sociétés.
Il doit demander cette radiation ou modification dans le mois qui suit la cessation totale de
son activité commerciale, sans quoi sa responsabilité à l'égard des tiers pourrait être engagée.
Cette publicité se fait sous forme d'extrait ou d'avis mais aucune disposition ne détermine le
contenu de cette publication.
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Cette publicité du contrat vise cependant à informer les tiers de la situation engendrée par le
contrat de location-gérance, la publicité faite doit donc permettre une information suffisante à leur
égard.
Chaque partie peut avoir l'initiative de cette publicité mais le loueur y a intérêt car le délai pendant
lequel il est solidairement responsable avec le locataire-gérant commencera à courir à partir de cette
date de publication, article L. 144-7 du Code de commerce.
Lorsque le contrat est renouvelé par tacite reconduction il ne donnera pas lieu à une nouvelle
publication, la clause de tacite reconduction qui est conclue dès l'origine doit d'ailleurs être
mentionnée au registre du commerce et des sociétés. Mais, si le renouvellement du contrat est
exprès, une nouvelle publication sera nécessaire.
Lorsque les mesures de publicité ne sont pas respectées, le contrat n'encourt pas la nullité,
mais les délais issus de la publication ne pourront pas courir, notamment le délai de six mois de
solidarité entre le loueur et le locataire-gérant, article 144-7 du Code de commerce et le délai de trois
mois pour que les créanciers demandent l'exigibilité immédiate de leurs créances, article L. 144-6
du Code de commerce.
Une fois les conditions du contrat de location-gérance remplies, ce contrat va pouvoir produire des
effets qu'il convient maintenant d'examiner.
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Section 3. Les effets du contrat de location-gérance
Le contrat de location-gérance va engendrer des effets entre les parties au contrat mais également
à l'égard des tiers au contrat.
L'article 1719 du Code civil fixe ainsi comme première obligation du bailleur, l'obligation de délivrer
la chose louée. Ici, la chose est en réalité l'universalité que constitue le fonds de commerce.
Les locaux et le matériel doivent ainsi être mis à la disposition du locataire-gérant de même
les signes de ralliement de la clientèle (si le contrat comporte un engagement d'exclusivité et la
mise à disposition d'une marque, enseigne ou nom commercial, il faudra respecter l'information
précontractuelle obligatoire fixée désormais par l'article L.330-3 du Code de commerce : CA Paris,
7 juillet 1995 : JCP éd. E, 1996, I, 523 obs. André et Raynard).
Les marchandises en stock pourront encore faire l'objet de conditions spécifiques. Le loueur prévoit
souvent de les vendre au locataire-gérant à charge pour lui de racheter le stock à la fin du contrat.
L'article 1720 du Code civil prévoit que " le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état ".
C'est à lui qu'il appartiendra de prouver en cas de difficulté qu'il a entièrement satisfait à l'obligation
de délivrance (Cass., 3ème civ., 30 octobre 1972 : Bull. p. 414). S'il y contrevenait, le locataire-gérant
pourrait le contraindre judiciairement soit à le mettre en possession soit à résilier le contrat.
La deuxième obligation du loueur est " d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel
elle a été louée ", article 1719 - 2° du Code civil.
Il devra donc veiller à ce que le fonds puisse toujours être exploité dans de bonnes conditions
matérielles, notamment en prenant soin de faire les diligences nécessaires pour que le bail
immobilier, qui sera généralement un bail commercial, puisse être conservé.
Le loueur est tenu également d'assurer la jouissance paisible du fonds loué pendant la durée du
contrat. Cette obligation implique pour le loueur de s'abstenir de concurrencer son locataire-gérant.
Cette obligation peut d'ailleurs être formalisée dans une clause de non-rétablissement dans le contrat
de location-gérance.Une obligation de garantie est ainsi mise à la charge du loueur comme pour
tout contrat de bail.
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L'indice choisi dans ce cas doit être en rapport avec la profession de l'une des parties ou avec l'objet
du contrat (ainsi l'indice du coût de la construction ne pourrait être choisi - Cass., com., 16 février
1993 : JCP 1993, éd. E, pan. 319).
La révision judiciaire et le plafonnement du loyer peuvent être demandés lorsqu'une clause d'échelle
mobile a conduit à augmenter ou diminuer le loyer antérieur de plus d'un quart, article L. 144-11
du Code de commerce.
Les règles qui gouvernent la fixation du loyer du bail commercial trouvent ici une application par
analogie.
Cette procédure se déroule devant le président du tribunal de grande instance qui veillera à adapter
le jeu de la clause d'échelle mobile à la valeur locative équitable, article L. 144-12 du Code de
commerce.
Cette exploitation est absolument nécessaire pour éviter que la clientèle ne disparaisse et par là
même que le fonds soit réduit à néant.
Jurisprudence
Le locataire-gérant doit tout faire pour que le fonds ne se déprécie pas et ne pas le mettre en péril
(CA Versailles, 13 janvier 2000, BRDA 2000, n° 5, p. 8).
Le locataire-gérant est en effet tenu à l'expiration du contrat de restituer le fonds en tous ses
éléments et doit répondre de la perte de valeur du fonds lorsqu'elle est survenue par sa faute (Cass.,
com., 6 mai 2002, JCP, éd. E, 2002, jur., 1509, note L.Leveneur ; RTDCom. 2003, p. 55, n° 1, obs.
B. Saintourens).
Certes il n'est pas responsable d'une dépréciation due à une baisse d'activité subie malgré
toutes les diligences déployées, il n'est responsable que si cette dépréciation est fautive. Le
juge contrôlera l'existence de cette faute pour éventuellement exiger le versement d'une indemnité
compensatrice par le locataire-gérant.
L'exploitation doit également être faite en bon père de famille, article 1728 du Code civil.
Le locataire-gérant doit ainsi à cet effet respecter la destination désignée dans l'acte, entretenir
le matériel et le mobilier, respecter le bail des locaux (le propriétaire des locaux peut en effet se
prévaloir de toute infraction au bail, qu'elle soit commise par le locataire propriétaire du fonds ou par
le locataire-gérant - Cass., 3ème civ., 9 novembre 1981, Bull. III, n° 183) , approvisionner le fonds
en marchandises, acquitter les contributions et taxes...
Cette exploitation requise se traduit aussi par un certain nombre d'obligations négatives :
• ne pas déplacer, nantir ou céder le fonds
• ne pas en confier la gestion à un tiers ni modifier l'activité sans l'accord du propriétaire
• Il ne peut en principe pas modifier ou disposer d'éléments du fonds sauf mandat du propriétaire.
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Avec l'accord du propriétaire le locataire-gérant peut cependant adjoindre une activité nouvelle au
fonds de commerce.
Dans ce cas, il génère une clientèle personnelle qu'il pourra revendiquer en fin de contrat et
qui peut également lui permettre de bénéficier du statut des baux commerciaux.
L'exploitation par le locataire-gérant doit être une exploitation personnelle du fonds de commerce.
Le contrat de location-gérance est en effet un contrat intuitu personnae, il n'est donc pas cessible
car la valeur du fonds dépend éminemment de celui qui l'exploite. Parfois le contrat de location-
gérance le prévoit expressément par une clause qui interdit la cession ou la location du fonds.
Dans cette hypothèse la jurisprudence issue de l'application de l'article 1717 du Code civil qui autorise
la sous-location et la cession du bail n'est ici pas transposable. Avec la présence de cette clause
dans le contrat l'interdiction est formelle.
Jurisprudence
En l'absence de clause seule l'autorisation du propriétaire du fonds peut permettre cette opération
mais alors le locataire-gérant doit remplir lui-même les conditions posées par le Code de commerce
pour la conclusion d'un contrat de location-gérance (Cass., com., 18 octobre 1994, D. 1995, p. 231,
note M-F. Coutant).
Il faut ainsi distinguer les effets du contrat à l'égard des créanciers du loueur, les effets à l'égard des
créanciers du locataire-gérant et les effets à l'égard des contractants du loueur.
De ce fait, l'article L. 144-6 du Code de commerce ouvre à ces créanciers la possibilité de faire
déclarer ces dettes immédiatement exigibles " si le tribunal estime que la location-gérance met
en péril leur recouvrement ".
L'action doit être introduite devant le tribunal de commerce dans les trois mois de la publication du
contrat dans un journal d'annonces légales à peine de forclusion. Le tribunal peut ainsi décider
la déchéance du terme.
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Cette apparence a conduit le législateur à poser une responsabilité solidaire entre le loueur et le
locataire-gérant jusqu'à la publication du contrat qui devient opposable aux tiers et pendant les six
mois qui suivent, article L.144-7 du Code de commerce.
La jurisprudence a cependant fixé des conditions pour que cette solidarité puisse jouer.
Jurisprudence
• Tout d'abord, seules les dettes qui répondent à une " nécessité de l'exploitation du fonds "
entrent dans le champ d'application de l'article L.144-7 du Code de commerce (Cass., com.,
15 juin 1993, Bull. civ. IV, n° 248, p. 176). Mais cette nécessité ne saurait cependant pas
exclure les dettes de nature légale comme les cotisations sociales (Cass., com., 4 mai 1999 :
Bull. IV, n° 92 ; RTD com. 1999, 635, obs. J. Derrupé) ou les impôts directs (C.Etat, 5 janvier
1972 : GP. 1972, 2. 260).
• Reste ensuite à déterminer la date de naissance de la créance pour savoir si elle peut être
mise solidairement à la charge des deux parties au contrat. La question se pose pour les dettes
issues d'un contrat conclu pendant le délai de solidarité mais dont l'échéance est postérieure.
Dans cette hypothèse la jurisprudence considère que l'article L.144-7 du Code de commerce
leur est applicable (Cass., com. 25 novembre 198 : Bull. civ. IV, n° 222).La responsabilité
solidaire du loueur est cependant écartée lorsque le fonds est donné en location-gérance
aussitôt après son acquisition et que le propriétaire ne l'a ainsi jamais exploité. Dans ce cas,
le contrat de location-gérance est nul pour non-respect des conditions posées aux articles
L.144-3 et L.144-4 du Code de commerce et la solidarité n'a donc pas à jouer entre le loueur
et le locataire-gérant (CA Chambéry, 30 mai 1983 : GP. 1983. 2. 422).Echappent encore à
la responsabilité solidaire, les mandataires de justice chargés de l'administration du fonds
qui concluent des contrats de location-gérance avec l'autorisation du juge, article L.144-8
du Code de commerce.Une fois passé le délai de six mois après la publication du contrat
de location-gérance le loueur ne sera plus solidairement tenu des dettes contractées par le
locataire-gérant. Il en va ainsi même si le contrat est par la suite renouvelé, un nouveau délai
ne court pas (Cass., com., 16 janvier 1996 : D. affaires 1996, 346). Toutefois, il peut encore
être condamné in solidum avec le locataire-gérant s'il a entretenu une confusion à l'égard des
tiers entre son activité et celle du locataire-gérant (Cass., com., 22 décembre 1980 : Bull. civ.
IV, n° 439).
La responsabilité solidaire posée par l'article L.144-7 du Code de commerce n'est pas la seule car
l'article 1684-3 du Code général des impôts dispose :
" Le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant de cette
entreprise, des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds ".
Le locataire-gérant n'a en effet aucun droit face à l'acquéreur du fonds de commerce qui peut
immédiatement prendre possession du fonds après la vente sauf stipulation contraire du contrat de
vente.
Le principe de l'effet relatif des conventions s'impose ici et écarte l'application de l'article 1743 du
Code civil qui rend opposable à l'acquéreur d'un immeuble les baux ayant date certaine. La nature
même de la location-gérance semble exclure ce dernier texte.
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L'effet relatif des conventions fait également obstacle à un droit du locataire-gérant sur l'immeuble
dans lequel est exploité le fonds.
En effet, seul le propriétaire du fonds est lié par un bail commercial avec le propriétaire de
l'immeuble et a ainsi droit au renouvellement de ce bail. Le locataire-gérant étant tiers au bail
commercial ne peut revendiquer aucun droit tiré de ce contrat.
On peut toutefois s'interroger sur sa possibilité d'agir par la voie de l'action oblique (M.Kéita : La
location-gérance d'un fonds de commerce et le statut des baux commerciaux, JCP, éd. E, 2003,
étude 445).
Le locataire-gérant n'est d'ailleurs pas considéré comme un sous-locataire puisque l'objet du contrat
de location-gérance est bien un meuble incorporel et non pas l'immeuble dans lequel il est exploité.
Jurisprudence
Ainsi la clause du bail commercial qui interdit la sous-location ne prohibe pas la location-gérance
(Cass., com., 8 février 1949, JCP 1949, II, 4947, note Cohen).
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Section 4. La fin du contrat de location-gérance
La fin du contrat de location-gérance peut avoir des causes diverses. Elle va engendrer certaines
formalités de publicité et produire des effets.
Jurisprudence
Ainsi, des clauses résolutoires ont pu être insérées dans la convention, la plus fréquente étant la
clause prévoyant la résiliation pour non-paiement des redevances par le locataire-gérant (CA. Paris,
13 février 2003, RTD com. 2004, p. 70, obs. B.Saintourens). Mais l'inexécution d'une obligation
contractuelle peut également conduire à une résiliation judiciaire du contrat à la demande d'une
des deux parties.
Le décès du loueur n'affecte pas la continuation du contrat, en revanche le contrat étant conclu intuitu
personnae, le décès du locataire-gérant met fin de plein droit au contrat de location-gérance.
Le locataire-gérant avertit ainsi les tiers de la cessation de ses fonctions. Il doit de plus procéder
à sa radiation du registre du commerce et des sociétés s'il perd sa qualité de commerçant par la
fin de ce contrat.
• Le locataire-gérant devra tout d'abord restituer le fonds avec tous les éléments corporels ou
incorporels qui ont fait partie du contrat de location.
• Si le fonds s'est apprécié pendant la durée de la location-gérance, le locataire-gérant n'aura
droit à aucune indemnité. La plus-value reste acquise au loueur sauf pour l'hypothèse où le
locataire-gérant a créé une activité indépendante qu'il pourra ainsi conserver.
• Le sort du locataire-gérant n'est donc pas très enviable puisqu'il ne profitera que très faiblement
des fruits de son exploitation. Ce locataire-gérant n'aura pas non plus droit au renouvellement
du contrat de location-gérance, ni à une indemnité d'éviction.
• En revanche, le locataire-gérant n'a théoriquement pas l'obligation de non-concurrence
envers le propriétaire du fonds. Cela semble être la contrepartie de ses faibles droits. Mais il
est possible d'insérer au contrat une clause contraire et cette insertion est très fréquente.
• La fin du contrat de location-gérance a enfin un effet sur le sort des créances contractées
par le locataire-gérant. Celles-ci deviennent immédiatement exigibles en vertu de l'article
L.144-9 du Code de commerce. La déchéance du terme a lieu de plein droit sans intervention
du juge par la seule fin du contrat de location-gérance.
En conclusion, il apparaît que le contrat de location-gérance est une convention assez dangereuse
car elle est risquée pour le propriétaire du fonds qui risque d'en voir diminuer la valeur, risquée
pour le locataire-gérant qui à la fin de son contrat n'aura que peu de droits et risquée pour les
différents créanciers qui ont face à eux un débiteur par hypothèse moins solvable. Ce contrat reste
cependant nécessaire dans un certain nombre de cas dans lesquels le propriétaire ne peut pas
exploiter directement son fonds
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