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Cours : Droit de la protection sociale

Auteurs :
- Marion Del Sol et
- Sylvie Moisdon-Chataigner
Leçon n° 1 : Eléments introductifs

Table des matières


Section 1. Notions préliminaires.............................................................................................................p. 2
§ 1. Protection sociale..................................................................................................................................................p. 2
A. Coexistence de plusieurs niveaux de protection sociale............................................................................................................... p. 2
B. Coexistence de plusieurs mécanismes de protection sociale....................................................................................................... p. 3
§ 2. Sécurité sociale.....................................................................................................................................................p. 5
A. Une conception organique............................................................................................................................................................. p. 5
B. Une conception substantielle......................................................................................................................................................... p. 6
Section 2. Fondements de la protection sociale...................................................................................p. 8
§ 1. La protection contre certains risques de l'existence............................................................................................. p. 8
A. La notion de risque........................................................................................................................................................................ p. 8
B. Le besoin de sécurité.....................................................................................................................................................................p. 9
§ 2. La solidarité...........................................................................................................................................................p. 9
A. Une solidarité à plusieurs visages................................................................................................................................................. p. 9
B. Un fondement ébranlé ?.............................................................................................................................................................. p. 11
Section 3. Fonctions de la protection sociale.....................................................................................p. 13
§ 1. La fonction socio-économique à l'égard des individus....................................................................................... p. 13
A. Garantir un revenu de remplacement en cas d'impossibilité (temporaire ou définitive) de travail............................................... p. 13
B. Assumer la charge de dépenses socialement utiles................................................................................................................... p. 13
§ 2. Un instrument de régulation sociale et économique...........................................................................................p. 13
A. La régulation sociale.................................................................................................................................................................... p. 13
B. La régulation économique............................................................................................................................................................p. 14

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Section 1. Notions préliminaires
Très communément, l'on réduit la protection sociale à la seule Sécurité sociale. Or, le champ de
cette dernière, quoique vaste, est moindre ; elle constitue un sous-ensemble essentiel et structuré
à l'intérieur de la protection sociale.

§ 1. Protection sociale
Même si la définition sera affinée, l'on peut d'emblée considérer que la protection sociale regroupe les
différents mécanismes de prise en charge, mis en œuvre au plan collectif et/ou individuel, pour faire
face aux aléas de l'existence. Non seulement il existe plusieurs niveaux de protection sociale mais
l'appréhension de ce domaine est également rendue délicate par le recours à différentes techniques
ou mécanismes de prise en charge.

A. Coexistence de plusieurs niveaux de protection sociale


• Protection sociale de base à caractère obligatoire.
Le niveau de couverture sociale des individus est en premier lieu fonction des efforts consentis,
dans un cadre collectif, au titre d'une protection sociale obligatoire. Il s'agit là d'un choix politique, de
société rendant obligatoire l'assujettissement à un régime social.

Cette protection sociale de base repose sur un système d'assurances sociales (type sécurité sociale
française) visant à prémunir les individus contre la survenance de certains risques, y compris contre
leur gré (adhésion obligatoire). L'effort contributif conditionne le niveau de protection et traduit par
conséquent le choix social effectué par la collectivité.

• Protection sociale complémentaire à caractère facultatif.


Les régimes de protection sociale de base ne garantissent pratiquement jamais une prise en charge
intégrale.

Exemple
L'assurance vieillesse du régime général n'assure pas un taux de remplacement de 100%, le
montant de la pension de retraite ne représentant qu'un pourcentage du salaire d'activité - même
chose en matière d'assurance chômage - l'assurance maladie laisse à la charge de l'assuré une
partie, variable, des prestations en nature dont il a bénéficié : consultation médicale, médicaments,
appareillage, examens de laboratoire.

Par conséquent, la question d'une protection sociale complémentaire se pose de manière plus ou
moins aiguë selon le taux de couverture assuré par les régimes de base. De nombreux dispositifs
complémentaires existent. Certains relèvent d'une logique patrimoniale.

Exemple
Epargner pour se prémunir en cas de coup dur - faire un investissement immobilier dans l'optique
de la retraite.

D'autres ressortissent plus nettement à la protection sociale stricto sensu et, quoique divers dans
leurs formes, ils reposent tous sur la base du volontariat (caractère facultatif). Il peut s'agir de
démarches individuelles.

Exemple
Souscription d'une couverture complémentaire maladie, communément appelée mutuelle, pour
améliorer le remboursement des prestations en nature pour les soins nécessités par l'état de santé.

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Il existe également des dispositifs relevant d'un cadre collectif ; il en va particulièrement ainsi de
la protection sociale complémentaire mise en œuvre au niveau professionnel soit par les branches
d'activité, soit par les entreprises elles-mêmes (souscription de contrats d'assurance de groupe afin
de mieux garantir les salariés ou certains d'entre eux).

Il est à noter que nombre de dispositifs complémentaires bénéficient d'incitations fiscales et/ou
sociales. Autrement dit, les Pouvoirs publics encouragent certaines de ces initiatives.

Exemple
Les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de
retraite et de prévoyance sont en grande partie déductibles du revenu imposable de l'entreprise et
non assujetties à cotisations sociales - les fonctionnaires qui souscrivent au régime complémentaire
de retraite Préfon peuvent déduire le montant de leur cotisation de leur revenu imposable – mise en
place en 2006, à l’initiative de la Mutualité française, d’une aide à l’acquisition d’une complémentaire
santé pour les ménages modestes (à l’heure actuelle, cette aide peut être accordée pour les
personnes dont les revenus sont compris entre le plafond de ressources pour bénéficier de la CMU
complémentaire et 135% de ce plafond).

B. Coexistence de plusieurs mécanismes de protection sociale


Techniquement, il existe plusieurs outils ou moyens pour assurer une couverture sociale en faveur
des individus et de leur famille. Tous visent à promouvoir une logique solidaire même si le fondement
(et sans doute aussi la nature) de la solidarité instituée diffère selon le mécanisme de protection
sociale retenu.

• Mécanismes assurantiels
Ils reposent sur une mutualisation, voire une socialisation du risque, entre les membres d'un
groupe plus ou moins élargi d'individus (par exemple, groupe professionnel). Ils ont vocation à
servir des avantages contributifs, le paiement antérieur d'une contribution (cotisation) étant une des
conditions d'ouverture du droit à prestation.

On peut dès lors considérer que sont ainsi institués des droits objectifs à prestations, le montant de
ces dernières ne dépendant pas du niveau de ressources du bénéficiaire lorsque le risque se réalise.

Ainsi, un salarié qui a cotisé à l'assurance vieillesse s'ouvre un droit à pension de retraite dont
le montant est notamment fonction de la durée antérieure de cotisation (nombre de trimestres
d'assurance) et non du niveau de vie (de ressources) qui est le sien au moment où il entend faire
valoir ses droits à retraite.

Il est donc fait place à l'assurance qui est une technique de prise en charge des risques
sociaux : une indemnisation est garantie en cas de réalisation d'un risque, moyennant le versement
d'une prime (ou cotisation) dépendant du risque. Il convient toutefois de souligner que cette technique
prend des contours et des sens différents selon qu'il s'agit d'assurance privée ou collective (sociale).

En effet, l'assurance sociale " se distingue de l'assurance privée en ce que les primes [en l'espèce,
les cotisations] sont indépendantes de l'intensité du risque individuel du souscripteur ... Ce principe
est fondamental parce qu'il égalise le coût des contributions pour toutes les catégories de la
population, hommes et femmes, jeunes et vieux ... (Y. Chassard, Retraites : du bon usage de la
neutralité actuarielle, Dr. soc. n° 6/2001, p. 646) ".

Ainsi, en matière de couverture maladie, un système d'assurance sociale met à la charge de l'assuré
une cotisation dont le montant ne dépend pas de l'occurrence du risque maladie de celui-ci ; dans un
dispositif d'assurance privée, la tarification tient compte en général de la probabilité de survenance
des problèmes de santé (ainsi, des contributions différenciées en fonction de l'âge sont instaurées
car le vieillissement représente un facteur de consommation accrue de soins).

Les régimes sociaux obligatoires reposent pour l'essentiel sur la technique de l'assurance sociale,
avec une structuration par risque. Il s'est agi d'instaurer une solidarité à l'intérieur d'un groupe basée
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sur un mécanisme d'échange (d'où l'exigence d'une contrepartie sous forme de cotisation) et une
idée de coopération mutuellement avantageuse entre les membres du groupe.

Certains auteurs parlent de " solidarité de participation qui suppose l'inscription dans un groupe
socio-professionnel par un apport conditionnant la prise en charge (M. Borgetto et R. Lafore, Droit
de l'aide et de l'action sociales, Ed. Montchrestien, 4ème édition, 2002, p. 74) ".

Le plus souvent, on se trouve en présence d'une solidarité professionnelle. Ainsi, en France,


le rattachement à un régime de base de protection sociale s'effectue en fonction d'un critère
professionnel renvoyant aux conditions (juridiques) d'exercice de l'activité et aussi, le cas échéant,
au secteur professionnel : salariés - travailleurs indépendants - travailleurs du secteur agricole -
salariés de certaines entreprises (SNCF, ...).

• Mécanismes " assistanciels "


Ils mettent l'accent sur l'état de besoin à un moment donné (pas de condition préalable de contribution
antérieure). Ce sont dès lors des prestations non contributives qui sont servies, souvent dans le souci
de garantir des ressources minimales. Elles sont aussi envisagées dans le cadre d'une insertion :
ce sont des aides de différentes formes mais aussi des actions de prévention et de protection (cf.
sur cette évolution, « Droit et pauvreté : les métamorphoses du modèle assistanciel français », R.
Lafore, RDSS 2008, n°1, pp 111-126).

Exemple
Le minimum vieillesse, l'allocation pour adulte handicapé, l'ancienne allocation de parent isolé
remplacée depuis le 1er janvier 2009 par le RSA (revenu de solidarité active).

On évoque alors l'idée de droits subjectifs à prestation (en fonction du besoin) " représentant une
prérogative ou un pouvoir reconnu aux personnes qu’elles peuvent faire valoir à l’encontre de la
puissance publique(dès lors) que le demandeur fait la preuve de son état de besoin » (M. Borgetto
et R. Lafore, Droit de l'aide et de l'action sociales, Ed. Montchrestien, 7ème édition, 2009, n°100,
p.99) ".

On se trouve alors en présence de dispositifs d'aide sociale. Les droits qui en découlent présentent
trois caractéristiques :
• droits alimentaires (notion de besoin),
• droits subjectifs,
• droits subsidiaires (le bénéfice des prestations d'aide sociale supposant que les autres
mécanismes de prise en charge ne jouent pas, notamment ceux relevant des assurances
sociales).

Le principe de solidarité est excessivement présent en matière d'aide sociale.

En effet, elle regroupe " un ensemble de prestations en nature ou monétaires constituant une
obligation mise à la charge des collectivités publiques par la loi et qui sont destinées à faire face à
un état de besoin pour des bénéficiaires dans l'impossibilité d'y pourvoir (M. Borgetto et R. Lafore,
Droit de l'aide et de l'action sociales, Ed. Montchrestien, 7ème édition, 2009, n°83, p. 75) ".

En conséquence, on " bascule " de la solidarité de participation propre aux assurances sociales
à " une solidarité d'appartenance qui repose sur le simple fait d'être membre de la collectivité (M.
Borgetto et R. Lafore, Droit de l'aide et de l'action sociales, Ed. Montchrestien, 7ème édition, 2009,
n° p. 80) ".

• Des frontières brouillées entre assurance et assistance

Les prestations sociales sont donc schématiquement de deux types :


• prestations d'assurances sociales,
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• prestations d'aide sociale.
La distinction entre les deux devient délicate en raison de l'imprécision entourant certains des
concepts utilisés mais également de " la porosité des frontières (M. Borgetto, Le droit de la
protection sociale dans tous ses états : la clarification nécessaire, Dr. soc. n° 6/2003, p. 636)
". Il existe trois explications principales au brouillage de frontières.

Tout d'abord, la confusion est entretenue par les modalités de gestion de certaines prestations d'aide
sociale qui sont confiées aux organismes en charge des assurances sociales alors que ce sont
les collectivités publiques qui ont en principe compétence en matière d'aide sociale (département,
commune). On peut citer l'exemple de l'AAH (allocation pour adulte handicapé) qui appartient à
la catégorie des minima sociaux et dont le versement est assuré par les Caisses d'Allocations
Familiales. Il y a souvent lieu d'opérer une distinction entre le mode de financement, la gestion de la
prestation et les mesures d'accompagnement (ex : structures d'accueil des personnes handicapées,
accompagnement social de la personne handicapée).

Ensuite, les frontières entre assurances sociales et aide sociale perdent de leur lisibilité en
raison de choix politiques.Les modalités de prise en charge de certaines situations sont
teintées d'ambiguïté. L'illustration la plus évidente de ce phénomène concerne l'APA (allocation
personnalisée d'autonomie) en faveur des personnes âgées dépendantes. Pour l’instant, les
Pouvoirs publics réfléchissent à l’élaboration d’ un 5ème risque de Sécurité sociale (cf. sur ce
point le Rapport de la mission sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes présenté
à l’Assemblée Nationale le 23 juin 2010, rapport AN n°2647). Ils ont donc pris l'orientation de
confier la gestion et de faire supporter une grande partie du financement de cette prestation par les
départements. Au plan institutionnel, l'APA relève de l'aide sociale légale. Néanmoins, certaines de
ses caractéristiques la rapprochent d'une prestation de sécurité sociale : l'APA est universelle (le
niveau de ressources n'étant pas une condition d'octroi de la prestation, mais simplement un élément
de modulation du montant de l'aide) et uniforme sur l'ensemble du territoire (c'est le degré de perte
d'autonomie qui conditionne le bénéfice de l'aide et non les orientations des conseils généraux).

Enfin, l'évolution de la situation socio-économique de ces trente dernières années a elle aussi
contribué à " la porosité des frontières " entre assurances sociales et mécanismes assistanciels.
La massification du chômage et la montée de l'exclusion rendent le critère professionnel sur lequel
repose le système d'assurances sociales de moins en moins pertinent et multiplient à l'inverse les
situations de besoin. Autrement dit, " la solidarité de participation " est mise à mal par les problèmes
d'emploi et " la solidarité d'appartenance " présente un regain d'intérêt marqué.

La création de la CMU (couverture maladie universelle) constitue sans nul doute un révélateur de ce
brouillage puisqu'il s'est agi d'instaurer une protection sociale de base sur le seul critère de résidence
régulière en France afin de permettre aux personnes dépourvues de couverture obligatoire maladie
(faute d'emploi le plus souvent) de se soigner (faire face à leurs besoins de soins).

Remarque
Actuellement les débats autour de la mise en œuvre du 5ème risque portent sur les modes de prise
en charge de la dépendance (cf. sur ce point les travaux de la mission commune d'information sur
la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, présidée par Ph. Marini).

§ 2. Sécurité sociale
La notion de Sécurité sociale est intégrée dans celle de protection sociale. Elle est cependant plus
étroite puisqu'elle ne renvoie qu'à des mécanismes de base à caractère obligatoire.

Deux conceptions de la Sécurité sociale existent mettant l'accent soit sur les structures, soit sur le
contenu de la couverture sociale.

A. Une conception organique


Il s'agit là d'une approche classique, mais étroite, qui s'intéresse aux structures qui gèrent la
couverture sociale de base obligatoire des individus résultant de dispositifs légaux.
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Une telle conception ne permet pas d'inclure l'examen des régimes complémentaires obligatoires de
retraite des salariés (AGIRC et ARRCO) ni le système d'assurance chômage (UNEDIC) qui sont des
dispositifs de nature conventionnelle mis en place par les partenaires sociaux.

B. Une conception substantielle


La conception substantielle s'intéresse aux risques sociaux pris en charge par des régimes dits de
base à caractère obligatoire.

En conséquence, il y a lieu d'intégrer tant les régimes conventionnels obligatoires de retraite que
celui de l'assurance chômage. C'est cette approche qui sera retenue.

Remarque
A noter que la Convention n° 102 de l'Organisation Internationale du Travail (adoptée en 1952)
énumère neuf risques relevant du concept de sécurité sociale : la maladie (soins médicaux et
indemnités) - le chômage - la vieillesse - les accidents du travail et les maladies professionnelles -
les prestations aux familles - la maternité - l'invalidité - le décès (prestations aux survivants). Ces
neuf risques sont appréhendés par la Sécurité sociale française même si, au plan structurel (ou
organique), certains d'entre eux sont regroupés.

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Section 2. Fondements de la protection sociale
Il s'agit de montrer quels sont les fondements qui se trouvent à l'origine de l'idée même d'une
protection sociale " collective ".

Cependant, les dispositifs de protection sociale au sens contemporain du terme sont le fruit d'une
longue histoire et l'aspect collectif est apparu progressivement au fur et à mesure de la sophistication
des rapports sociaux et de l'évolution du monde du travail.

La notion de protection sociale est imprécise. Retenant une conception extensive, certains n'hésitent
pas à affirmer que

" la protection sociale recouvre l'ensemble des efforts tendant à permettre à chacun d'avoir sa place
dans la société et à lui garantir la conservation de cette place dans un avenir prévisible " (P. Laroque,
Réflexions sur l'avenir de la protection sociale en France, Administration 1990, n° 146, p. 7).

Mais, en général, on retient une définition centrée autour de la notion de risque social. La protection
sociale tend à assurer une certaine forme de sécurité contre des risques de l'existence en instaurant
un système reposant sur l'idée de solidarité.

§ 1. La protection contre certains risques de l'existence


La notion de risque est centrale en matière de protection sociale. C'est le fondement premier de toute
la réflexion ayant conduit à instaurer des mécanismes de prise en charge dans un souci de sécurité.

A. La notion de risque
On donne souvent une connotation négative à la notion de risque qui ne renverrait qu'à des
événements malheureux. Mais, en matière de protection sociale, la définition du risque est plus
large : elle renvoie à tous les événements auxquels un individu peut être confronté et qui sont en
mesure d'affecter son niveau de vie.

En conséquence, cela vise tant les risques au sens strict dont la réalisation occasionne une perte
de revenus (maladie, chômage, invalidité, vieillesse) que les autres événements dont l'apparition est
cause d'une diminution du niveau de vie par une augmentation des charges supportées (on pense
en particulier aux charges de famille).

Comme le décrit R. Ruellan , le risque social peut se définir tant par sa cause que par ses effets :

-par sa cause : le risque est un événement futur et incertain, involontaire et source de


dommage. (ex :la maladie qui oblige à cesser temporairement une activité professionnelle
rémunératrice).

-par ses effets : la survenance du risque se traduirait soit par une diminution des revenus de l'individu
qui en est " victime ", soit par un accroissement des dépenses lui incombant (ex : les charges de
famille).

D'ailleurs, l'article L.111-1 al.2 CSS dispose que " la sécurité sociale garantit les travailleurs et leur
famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de
gain. Elle couvre également les charges de maternité et les charges de famille ".

Cependant, il convient aujourd'hui de mettre également en évidence la notion de besoin qui est
davantage individualiste.

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Dès lors, peut-on retenir la définition donnée par F. Kessler : " le risque social est un événement
individuel aléatoire qui affecte la vie économique d'un individu, dont la réalisation n'est pas certaine
et qui constitue un désordre social auquel il convient de répondre "(F. Kessler, Qu'est-ce qu'un
risque social ?, Encyclopédie de la protection sociale, Ed. Liaisons-Economica, 2000, p. 250).

B. Le besoin de sécurité
Le fondement premier de la protection sociale (tant individuelle que collective) est le besoin de sûreté,
de sécurité des individus. De tout temps, les individus ont cherché à se prémunir, à se garantir, contre
les différents événements susceptibles d'affecter leur niveau de ressources, leur niveau de vie.

En droit français, c'est une sécurité de type économique qui est d'abord recherchée. " Le risque
social est essentiellement défini par ses effets sur le patrimoine des assurés (J.-P. Chauchard, De la
définition du risque social, TPS juin 2000, p. 4) ". La protection tend alors à compenser ces effets. Il
s'agit là d'une conception historique du risque social qui s'est construite avec l'avènement du travail
salarié (de type industriel). Il est fait place au fait que chacun doit pouvoir gagner sa vie (et celle de
sa famille) par son travail subordonné.

Cette conception est certes toujours d'actualité mais elle ne reflète qu'une partie de la réalité
contemporaine :
• d'une part, le besoin de protection n'est pas inhérent aux salariés ;
• d'autre part, la place du travail dans la société a subi une notable évolution.
Si elle demeure centrale, il n'en est pas moins exact que la raréfaction de l'emploi réinterroge les
mécanismes de protection sociale et le souci de sécurité économique. Prémunir un individu contre
le risque lié au chômage suppose-t-il seulement de prévoir un dispositif d'indemnisation ou doit-il
conduire à étendre la réflexion sur les moyens à mettre en œuvre - en amont et/ou en aval de la
perte d'emploi - pour éviter la survenance du risque ou en limiter la durée des effets, ce qui peut
passer par la recherche d'une " employabilité " améliorée ?

Dans un autre ordre d'idées, prendre en compte le risque maladie ne peut plus se limiter à rembourser
les soins dont l'assuré a eu besoin ; il convient de dépasser cette vision de type économique afin
d'agir sur les facteurs d'altération de l'état de santé (conditions de travail et de logement, qualité de
l'environnement...) et de développer une politique de prévention en matière sanitaire.

§ 2. La solidarité
Le risque devient social dès lors qu'il est pris en compte par la collectivité, qu'une garantie collective
est instaurée.

Comme le souligne F. Kessler, cela " rend compte de l'idée de communauté dont les membres se
reconnaissent suffisamment de liens communs pour accepter de supporter ensemble le risque qui
pourrait survenir à l'un d'entre eux " (F. Kessler, Qu'est-ce qu'un risque social ?, Encyclopédie de
la protection sociale, Ed. Liaisons-Economica, 2000, p. 244).

Le principe de solidarité est donc au fondement même du concept de protection sociale.

A. Une solidarité à plusieurs visages


La protection sociale au sens plein du terme n'existe pas tant que les personnes ne cherchent à se
prémunir qu'individuellement contre certaines vicissitudes de l'existence. En effet, la solidarité est le
sentiment qui pousse les membres d'une même communauté (un pays, un groupe social élargi, un
groupe professionnel) à une aide mutuelle.

• Solidarité élargie, nationale.


Historiquement, c'est avant tout une logique de solidarité nationale qui a prévalu relevant de l'idée
d'assistance publique (conception primitive de l'aide sociale d'aujourd'hui).

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Ainsi, Barère, rapporteur du projet du Comité de salut public, soulignait-il en 1794 qu'il fallait
rechercher " les moyens d'extirper la mendicité et les secours que doit accorder la République aux
citoyens indigents ".

C'est un droit à l'assistance qui est alors affirmé. Déjà, la Constitution de 1793 déclarait : " les secours
publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur
procurant du travail, soit en assurant les moyens d'existence à ceux qui sont hors d'état de travailler ".

Il s'agit donc d'une solidarité " dont le fondement réside dans l'idée d'appartenance soit au genre
humain (c'est le fait d'être homme qui impose l'obligation de prise en charge), soit à une collectivité
nationale (c'est le fait d'être citoyen qui impose la même obligation) ". (M. Borgetto et R. Lafore,
Droit de l'aide et de l'action sociales, Ed. Montchrestien, 7ème édition, 2009, n°86, p. 80.)

• Solidarité socio-professionnelle.
Avec l'expérience allemande Bismarck (discours fondateur en date du 17 novembre 1881), la
solidarité se fait professionnelle.

C'est donc au niveau d'un groupe plus restreint que sont mis en œuvre les dispositifs de protection
sociale, ce qui ne manque pas d'influer sur les modalités de financement. Alors que les prestations
relevant de la solidarité nationale appellent un financement public par l'impôt (donc, au plan des
principes, par chacun), la solidarité professionnelle repose théoriquement sur les contributions des
différents membres du groupe. La collectivité étant réduite, l'assiette de financement l'est également.

Mais le choix d'une solidarité de nature professionnelle ne signifie pas nécessairement que le
système de protection sociale repose sur une solidarité restreinte. En effet, l'organisation du dispositif
global peut tout à fait conduire à une reconnaissance de groupes socio-professionnels multiples. Si
tel est le cas (exemple français), la quasi-totalité de la population est susceptible de bénéficier d'une
couverture sociale (généralisation).

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Solidarité (nationale et/ou professionnelle) et risque social

B. Un fondement ébranlé ?
A l'heure actuelle, en raison notamment des difficultés de financement auxquels sont confrontés les
systèmes de protection sociale, le principe de solidarité paraît ébranlé.

De façon schématique, la confrontation intervient entre une option libérale (il appartient à chacun
de pourvoir à ses besoins selon le procédé de son choix) et une option service public (c'est à la
collectivité de fournir à chacun de ses membres les moyens de satisfaire les besoins qu'elle juge
essentiels).

Certains proposent de limiter le bénéfice des dispositifs de protection sociale aux plus démunis
(à l'instar du système d'aide sociale existant aux États-Unis). D'autres, au contraire, souhaitent le
maintien d'une protection sociale généralisée (mais à quel niveau ?). Les tenants de ce dernier point
de vue soulignent que les mécanismes de protection sociale contribuent - malgré les inégalités qu'ils
recèlent - à la cohésion sociale du pays. On est proche ici de la définition d’Émile Durkheim selon
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lequel le concept de solidarité désigne " l'ensemble des attitudes et des comportements qui assurent
la cohésion et la continuité de l'action collective d'une société ".

Il convient de ne pas réduire le débat à une discussion technico-financière. C'est à un choix primordial
de société que l'on se trouve confronté.
" L'esprit des mesures préconisées aujourd'hui dans une optique libérale, si elles peuvent prendre
des modalités très diverses, aboutit toujours à restreindre la sphère de juridiction de la propriété
sociale, et à transférer au patrimoine privé une part croissante de la responsabilité d'assurer la
protection... La remise en question de ce régime généralisé va donc bien au-delà d'un choix
technique et financier. Elle réactive un clivage lourd de conséquences entre deux catégories de
citoyens dont, en poussant la logique à la limite, l'une serait assurée, et l'autre s'assurerait elle-
même (R. Castel, L'assiette, Projet, n° 242 p. 9) ".

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Section 3. Fonctions de la protection sociale
Recherchant essentiellement une sécurité de type économique, notre système de protection sociale
assume une fonction socio-économique à l'égard des individus. D'un point de vue " macro ", il
constitue également un outil de régulation économique et sociale.

§ 1. La fonction socio-économique à l'égard des individus


Une double " mission " est confiée au système de protection sociale : assurer un revenu de
remplacement si nécessaire mais aussi permettre à l'individu de faire face à des dépenses
socialement utiles dont il ne peut ou même ne doit assumer seul la charge.

A. Garantir un revenu de remplacement en cas d'impossibilité (temporaire


ou définitive) de travail
Le travail est la source essentielle de revenu. Par conséquent, il incombe à la société de protéger
les personnes contre l'incapacité de travail à laquelle elles peuvent être confrontées en raison d'une
perte d'emploi, de problèmes de santé ou de leur âge.

C'est ainsi que la protection sociale met en place un système d'assurance chômage, d'assurance
maladie et invalidité, un régime d'accidents du travail, d'assurance vieillesse qui distribue un revenu
de remplacement lorsque le risque se concrétise (allocations chômage, indemnités journalières,
pensions de retraite).

En 1945, Pierre Laroque (père fondateur de la Sécurité sociale française) soulignait d'ailleurs que la
Sécurité sociale a vocation à " débarrasser les travailleurs de la hantise du lendemain " consécutive
à une éventuelle impossibilité de travailler.

B. Assumer la charge de dépenses socialement utiles


Le dispositif de protection sociale va au-delà de l'aspect économique consistant à pallier l'insécurité
du revenu. Il prend également en charge certaines dépenses qui sont utiles à la société dans
son ensemble mais dont le poids peut s'avérer excessif pour un individu ou une famille. Il en va
particulièrement ainsi des dépenses de santé (ex : frais d'hospitalisation) et des charges de famille.

D'une certaine façon, il s'agit également de reconnaître que la collectivité dans son ensemble doit
légitimement aider l'individu à faire face à ces situations, la carence " sociale " pouvant s'avérer
préjudiciable pour tous.

Exemple
Le mauvais état de santé diminue la capacité de travail de l'individu et affaiblit par voie de
conséquence le potentiel productif national - un faible taux de natalité entraîne un déséquilibre
démographique affectant le dynamisme d'une Nation.

§ 2. Un instrument de régulation sociale et économique


A. La régulation sociale
• L'idée de redistribution.
Les différentes prestations servies par le régime de protection sociale jouent parfois un rôle de
régulation sociale. En effet, elles assurent un revenu de remplacement (par rapport aux revenus
du travail) à des catégories de personnes, à des familles qui auraient autrement été privées de
ressources. Ainsi, le dispositif de protection sociale offre des garanties individuelles de sécurité et
de justice et tend à la cohésion sociale.

• Nature et effets de la redistribution.


Pour l'essentiel, la redistribution est horizontale : des bien portants vers les malades, des actifs
occupés vers les retraités et les chômeurs. La redistribution se réalise entre ménages placés dans
des situations différentes.
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Mais il importe de relativiser ce phénomène de redistribution. En effet, sur la durée de l'existence,
la plupart des individus passe de la catégorie des cotisants à celle des pensionnés. Les transferts
sociaux représentent donc une dérivation du flux des revenus.

Il est toutefois indéniable que la Sécurité sociale comporte une part de redistribution verticale selon
l'idée que chacun doit contribuer selon ses moyens et doit recevoir selon ses besoins. On doit dès
lors appréhender les transferts entre groupes de population (et non d'individu à individu). Autrement
dit, la redistribution verticale contribue à modifier la hiérarchie des revenus. Les prestations mises
sous condition de ressources participent de cette logique.

B. La régulation économique
Les transferts sociaux opérés dans le cadre du régime de protection sociale jouent un rôle régulateur.
Les prestations servies aux catégories les plus démunies sont en grande partie affectées à des
dépenses de consommation (protection de la capacité de consommation populaire).

Elles sont très largement réinjectées dans l'économie nationale, ce qui est à souligner car cela
correspond à des capitaux importants ... puisque supérieurs au budget de l'Etat.

Redistribution

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