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Ce cours a pour objectif de décrire la fonction “Porter”.

Les deux types


d'éléments porteurs sont présentés : le poteau et le mur. En dépassant les
simples aspects techniques, les apports architecturaux que peuvent
générer ces éléments sont présentés in extenso. Tous les matériaux sont
présentés. On s'appuie pour cela sur de très nombreux exemples
architecturaux, emblématiques ou plus usuels.
Notons que les instabilités ne sont pas abordées dans ce cours.

A l’issue de ce cours, l’apprenant aura approfondi sa connaissance des


systèmes porteurs et identifié combien ils peuvent être chargés de
signification dans les édifices.

COURS 01 : PORTER

Ce cours est consacré à la fonction “porter”. Elle assure le rôle de support ou bien d’élévation des
planchers et des toitures. On va montrer que, comme les autres fonctions, elle contribue, avec une
grande variété, à l’expressivité architecturale des édifices.

On peut classer les dispositifs qui portent en deux grandes catégories. D’un côté, les poteaux qui sont
isolés, plutôt élancés et qui fournissent un appui en un point, et qu’on appelle “appui ponctuel” ; et
de l’autre, les murs ou voiles qui fournissent un appui le long d’une ligne, qu’on appelle “appui
linéique”.

Les éléments isolés, qu’on appelle selon les situations piliers, colonnes, poteaux, piles, étais,
montants, expriment souvent le seul registre structurel puisqu’ils sont mono-fonctionnnels ;
contrairement aux murs qui eux assurent souvent la fonction contreventer et servent à enclore.
Toutefois, le concepteur dispose d’une grande liberté pour, selon son intention, jouer sur leur
expressivité et les rendre fins, massifs, élancés, moulurés…

Ils peuvent donc incarner sans ambigüité la lutte de la matière contre la gravité, la maîtrise par
l’homme de cette force tellurique, mais également évoquer l’élévation, la légèreté, et exploiter
toutes les métaphores associées, comme le tronc d’arbre, ou l’arborescence.

Évoquons également les câbles qui peuvent revêtir la fonction d’élever en renversant le sens de
parcours des charges. Dans ces différents exemples, le tablier du pont ou les planchers des édifices
sont supportés par des suspentes. On peut observer que ces dernières sont ancrées sur des éléments
de franchissement, que ce soit des arcs ou des poutres, pour ensuite être appuyés sur d’autres
éléments porteurs verticaux, qui par leur mise en évidence, contribuent à l’expression de l’édifice.
S’agissant d’éléments souvent verticaux, la conquête du ciel est également un thème que ces
éléments peuvent exprimer.

Avec ces exemples, on peut constater, que les éléments porteurs sont très souvent alignés et
forment ainsi des trames régulières. Au-delà d’un certain dogme de l’architecture classique, on
conçoit aisément l'intérêt constructif de cette régularité, qui simplifie la mise en œuvre dans la
répétition des éléments constructifs.

En corollaire, ils constituent un élément fort de la structuration de l’espace commun, aussi bien pour
l’usager dans sa pratique de l’édifice, qu’à l’échelle urbaine, où la façade, avec sa modénature
singulière contribue à la ponctuation de la cité.

Depuis le début du XXe, de nombreux concepteurs ont proposé de s'affranchir de cette régularité
structurelle en jouant sur faux rythmes, variations d’espacement et modelage des épaisseurs. Ce
renouvellement d’écriture structurelle, associé à l’évolution de techniques, est fondateur de
l’expression architecturale contemporaine.

Terminons ce petit tour d’horizon du potentiel expressif des éléments porteurs par quelques
exemples qui jouent sur le décalage entre la forme et ce que l’intuition nous indique comme étant
rationnel pour la fonction “porter”.

Tous les exemples précédents montrent que divers matériaux sont utilisés pour la fabrication des
poteaux et des colonnes.

Voici quelques exemples en bois et en bambou. On observe aisément que l’expressivité des éléments
porteurs provient en partie de la nature de l’assemblage qui les lie au reste de la structure. On y
remarque des jambes de forces, des encorbellements, des juxtapositions. (On verra dans les
prochaines séquences que). Ici, l’esthétique tire parti de la nécessité de confortement aux liaisons
pour compenser la faible résistance intrinsèque du matériau.

La pierre est également utilisée depuis l’antiquité pour construire les piliers et colonnes. Il peut s’agir
d’un empilement de tambours pleins (comme ces colonnades de temple grec), de colonnes d’un seul
morceau comme pour le parvis du Panthéon à Rome, de lits horizontaux appareillés, ou encore, pour
les larges piles, d’une ceinture de claveaux appareillés contenant un remplissage de moellons
maçonnés. Comme pour les poteaux en bois, les colonnes en pierre sont considérées articulées en
pied et en tête. Et de façon similaire au bois, les pièces d’appui aux extrémités, dénommées abaques
ornée de leur chapiteau et base, contribuent, comme le fut, à l'expressivité architecturale de
l’élément porteur.

Si la massivité en constitue l’identité majeure, la pierre peut également évoquer légèreté et


transparence comme le démontrent avec grâce les colonnades de l’Alhambra de Grenade.
Et de façon plus contemporaine, la pierre, avec les avancées techniques actuelles, détient toujours
autant de puissance expressive à l’image de la mairie de Murcia de l'architecte Moneo.

Le fer, ou plutôt l’acier aujourd’hui, peut également servir à la réalisation des poteaux, qui expriment
généralement une élégante finesse plutôt qu’une solidité massive. Selon le mode d’assemblage
utilisé pour ses extrémités, par soudage ou boulonnage, ou encore selon l’articulation ou
l’encastrement désiré pour les liaisons entre éléments, on constate que l’expressivité des extrémités
peut être traitée de façon très différente, invisible ou au contraire très exprimée.

Pour une architecture plus quotidienne, les éléments porteurs adoptent des formes simples et les
assemblages peuvent rester exclusivement technologiques. Néanmoins, on pourra leur trouver une
certaine élégance dans leur proportion, leur géométrie ou leur qualité d’exécution.

Le matériau béton, avec son mode de mise en œuvre par coulage, offre la possibilité d’une grande
variété formelle. Les poteaux peuvent être de forme simple, cylindrique ou rectangulaire, qu’ils
soient coulés sur place ou préfabriqués. Profitant de la phase de moulage, et à l’image des colonnes
classiques, certains architectes, comme ici Yves Perret avec sa salle hypostyle du palais de Chaillot,
donnent des textures à leurs éléments porteurs afin qu’ils accrochent mieux la lumière et
adoucissent leur présence.

Les évolutions techniques aidant, l’audace des architectes a permis de développer des éléments
porteurs dit organiques, donnant lieu à des expressions fluides et élégantes, apportant du même
coup des lettres de noblesse à un matériau béton souvent considéré comme peu qualitatif.

La deuxième grande catégorie d’éléments dont la fonction est de porter, ou d’élever, est constituée
d’éléments surfaciques qu’on désigne par les termes “murs” ou “voiles”.

C’est souvent par eux que la solidité est exprimée. Et puisqu’ils assurent également le rôle
d’enveloppe, leur conférant une importance visuelle plus importante que les poteaux, les murs sont
généralement des supports privilégiés d’expressions architecturales.

Si les colonnes sont plutôt travaillées en sculpture, avec leurs bases et chapiteaux ou leurs
assemblages mécaniques, le mur mettra davantage en scène les reliefs, les textures, le calepinage de
l’appareillage, les traces de fabrication, qui sont du registre de la construction.

Pour ces éléments encore, de nombreux matériaux conviennent.


Ainsi le bois n’est pas seulement réservé aux seuls systèmes poteau-poutre. Les murs porteurs
peuvent être réalisés en empilement de rondins comme de nombreux chalets de montagne, en
empilement de bûches dans le cas du bois cordé moyennant une liaison par mortier de chaux, ou
encore par assemblage de grands panneaux de bois lamellé croisé aussi appelé CLT pour Cross
Laminated Timber.

L’utilisation de la pierre pour les murs entre dans la catégorie des ouvrages de maçonnerie de blocs,
dans laquelle on trouve également la brique de terre cuite ou crue. La variété des appareillages pour
ces murs sont infinies, du gros bloc cyclopéen au petit galet, de l’ordre strict de la pierre massive à la
l’irrégularité spontanée des moellons avec une stratégie de récupération de briques, ou encore d’une
surface classiquement maçonnée à la rugosité plus marquée par jeu avec les empilements.

La terre est également une ressource très abondante et peu énergivore dans sa mise en œuvre. Ce
matériau présente des résistances mécaniques très appréciables, lorsqu’il est correctement mis en
œuvre, si bien qu’il est très utilisé dans de nombreux pays sur la planète. La mise en œuvre utilise
souvent la brique de terre crue, dite adobe.

En France, son utilisation structurelle se fait sous forme de pisé, où la terre est versée dans un
coffrage et damée, ou encore sous forme de bauge qui consiste en un empilement de mottes de
terre mélangée à la paille.

Les constructions usuelles en murs porteurs de béton armé sont les plus répandues aujourd’hui en
France, et dans le monde entier. Ces murs ne sont généralement pas mis en valeur et peuvent se
mettre au service de l'architecture par leur discrétion.

Toutefois, les voiles en béton ont cependant un vrai potentiel d’expression, comme en témoigne la
chapelle de Ronchamp du Corbusier avec ses murs épais aux ouvertures subtiles et sa couverture
matricée des planches de coffrage ou encore l’église de Hallgrímur à Reykjavík conçue par
Samúelsson s’inspirant des orgues basaltiques, des montagnes et des glaciers, présents en grand
nombre en Islande.

Quant à l’acier, il est rarement utilisé sous forme de plaques pour remplir la fonction de porter.
Signalons toutefois l’exemple saisissant de la Cathédrale de cristal de Los Angeles, en Californie où
les murs réalisés en treillis spatial triangulé assurent cette fonction.

Résumons-nous :

Les éléments qui assurent la fonction “porter”, ou “élever”, peuvent se classer en deux grandes
familles :

Il y a les poteaux qui sont isolés et élancés ; ils fournissent un appui en un point qu’on appelle “appui
ponctuel”
Et il y a les murs qui sont surfaciques ; ils fournissent un appui le long d’une ligne qu’on appelle
“appui linéique”.

A l’image de ces deux musées conçus l’un par Ricciotti et l’autre par Moneo, et au-delà de la nature
des ouvrages à porter et des questions de stabilité, le choix de leur utilisation dépend de l’intention
que le concepteur projette dans leur usage pour, par exemple, l’organisation du plan général, le
rythme, les circulations, le cloisonnement, ou encore la gestion des vues et des ambiances…

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