Vous êtes sur la page 1sur 172

le calcul

Des no1nbres,
Bibliothèque
Tcing L'a.venture '"4thénia.tique
e

Tangente Hors-série n° 50

le calcul intégral
Des nombres, en somme...

POLE•
© Éditions POLE - Paris - Mars 2014
Toute représentation , traduction , adaptation ou reproduction , même partielle, par tout procédé, sur
quelque support que ce soit , en tout pays, faites sans autorisation préalable, est illicite et exposerait
le contrevenant à des poursuites judiciai res (loi du 11 mars 1957).
ISBN: 9782848841571 ISSN: 2263-4908 Commission paritaire: 1016K80883
Prochaine01ent
dans la Bibliothèque Tangente

EDITIONS.
POLE
L'intégrale
Aux origines de l'intégrale
Newton vs Leibniz
L'accueil mouvementé du calcul intégral
De Cauchy à Lebesgue
Le surplus du consommateur
L'intégration en physique
L'Abel intégrale

l •X•l-}1 i3,1 l'intégrale de Riemann


L'intégrale, outil analytique par excellence, répond à
l'origine à un besoin de nature géométrique : calculer
l'aire délimitée par des courbes du plan.

Aire et intégrale
La quadrature de la cycloïde
La construction de l'intégrale de Cauchy
Les sommes de Darboux et de Riemann
L'intégrale de Riemann
L'intégrale pour mesurer des grandeurs
Les formules de la moyenne

l •X•l-}1 i3;I Les bases du calcul intégral


Une fois l'intégrale définie et son usage délimité, se
pose la question de son calcul. Si certaines méthodes
n 'exigent qu'un minimum de technique, la plupart des
intégrales nécessitent un calcul qui passe par la
d étermination de primitives de la fonction à intégrer.

De la primitive à l'intégrale
L'intégration par parties
La technique du changement de variable
Les règles de Bioche
Les méthodes de quadrature
Calcul approché d 'intégrales
Les méthodes de Monte-Carlo
Les théorèmes de Guldin
L'élégance de l'intégration terme à terme
La formule de Wallis

(suite du sommaire au verso)


Hors série n° 50.
I •I•f}1i4,1 Extensions de la notion d'intégrale
L'histoire de l'intégrale ne s'arrête pas avec Riemann,
ni même avec Lebesgue ! Sa construction non plus. De
nombreux mathématiciens ont cherché à étendre la
notion d 'intégrale à des classes de fonctions de plus
en plus générales, pour simplifier la présentation ou
pour les besoins d'une application.

Les intégrales multiples


L'intégrale de Stieltjes
Théorie de la mesure et intégrale de Lebesgue
Y a-t-il une intégrale après Lebesgue?
Le passage difficile de l'intégrale de Riemann
à l'intégrale stochastique
Dérivées et intégrales dans le monde des o et des 1
Intégration dans le plan complexe :
Le théorème des résidus
La puissance de l'intégration fractionnaire
Les intégrales de Coxeter

l •X•f$1 i4,1 l'intégrale en analyse


L'intégrale est omniprésente en mathématiques et
dans les applications. Elle intervient aussi bien en
physique qu'en théorie du signal ou en tomographie,
et dans pratiquement tous les domaines de l'ingénie-
rie et de la finance.

Convergence d 'intégrales impropres


Intégrales de Fresnel, intégrale de Poisson
Suites et fonctions définies par une intégrale
Calcul de pi
Les intégrales eulériennes
La transformée de Laplace
Série et transformée de Fourier
Les atouts de la comparaison entre série et intégrale
Intégrales de bases
Le produit de convolution

En bref

Problèmes
Solutions

Ta.ngente Hors série n° 50. L'intégrale


par A. Zalmanski & E. Thomas EN BREF

L'origine étymologique d'un mot, dans son intégralité


Comme bea ucoup de mots du vocabula ire mathé ma- ments. » Le nom sera rendu au langage courant pour par-
tique tels qu 'ellipse, hyperbole ou dérivée, intégrale a ler d ' œ uvre litté raire ou musicale: l' intégrale des sy m-
été emprunté par les mathématiques au langage usue l. phonie de Schubert, l'intégrale de la poésie de Baudelaire .. .
Sa fi liati on en est pourtant plus noble pui sque l' adjec-
tif intégral est un déri vé- paradoxal, non ?- savant du On notera que le verbe inté-
lat in class ique integer - ve nu lui-même de in- (pri va- ANALYSE g rer ava it é té, qu a nt à lui ,
D ES MESU II. ES
ti t) et trangerer (touc her). Il s ignifi a it do nc « enti er, emprunté, dès 1340, au latin
UDUCTION OIS lN'TIIO aALU
co mplet, intact » . Il est attesté vers 1370 par Oresme, AUX LOGA R ITHMES, integrare (« réparer, renouve-
dans le sens, encore v iva nt au XVIIe s iècle, de « qui ler, et par extension recréer). Il
contribue à la qualité du tout ». Il est repris au XVII° siècle sera repris en mathé matiques
pour qu alifier ce qui n 'est l' objet d ' aucune diminuti on, dans le sens de « effectuer I' in-
d'aucune restriction -donc enti er. Cette acception, prise a..,
........
...
~'.:!h'::~.i.~!"C.:-
tégration de» .
~
au sens mora l, fo urni ra intègre. ,,r.,. ,.,, Uut,-• 1rn1ru-1•v..-i. Le verbe fo urni ra par la suite
À la fi n du XYil" siècle, le mathémati cien Jacques Ber- de nombreux term es mathé-
noulli empruntera au latin moderne l'empl oi de l'adjecti f matiques : in tégrable , intégrabilité, intég rateur. .. À la
integralis en mathématiques, pour parler de « calcul fin du XIXe s iècle, il reversera à l'argot étudi ant le sens
intégra l » . En mê me te mps a pparaît ro nt les te rm es de« rentre r », pui s dans le langage coura nt, celui d 'en-
mathématiques intégrer et intégration . Il fa udra attendre trer dans un e nsembl e. L' info rmatique l'a repri s récem-
1749 po ur vo ir imprim er le mot intégra le da ns un ment à son co mpte pour désigne r! ' incorporati o n d ' un
ouvrage. Charl es Wa lmes ley ! 'empl o ie dans le sens so us- progra mme ou d ' un gra phi sme dans un log ic ie l
« somme totale » , pa r oppos iti on à « so mme d 'élé- ou dans une page Web .

Quel est l'animal qui inuenta le calcul intégral 7


E n 1967 , le c ha nte u r po ur pseudonyme Évari ste et se lance dans la pop .
popul a ire É variste pose Sa chanson « Connais-tu l'animal qui inventa l' cal-
la question sui vante, qui cul intégral ?» est déja ntée, ma is truffée de c lins
lui appo rte ra un succès d 'œil aux mathé matiques.
c omm e rc ia l ce rta in : En partic ulie r, le légenda ire mathé matic ie n fran-
« Connais-tu l 'animal ça is É vari ste G a loi s ( 18 11 - 1832, voir Tangente
qui inventa ['calcul inté- Sup 60) est évoqué sous la form e d 'E varix le Gau-
gral ? » (Di se' AZ , E P loi s, qui pe rmet de re bo ndir sur Aplu sbegali x, du
1088). no m du chef qui défi e Abraracourc ix dans Astérix :
En fa it , Joë l Ste rnhe imer (de son vra i no m) é ta it le combat des chefs (Hache tte, 1967).
à l'époque un brill a nt c he rc he ur fra nçais . Doc - E t dès le dé but de la c hanson il prolonge la ques-
te ur e n phys ique théorique à 23 a ns (a près une tion que pose le titre : « Est-ce Leibniz ou bien
licence de scie nces mathé matiques), il éta it ass is- Newton ou bien est-ce que c'est moi qui déconne ? »
tant à Princeto n auprès du célè bre E uge ne Wig ner, La ré po nse se trou ve da ns ce numé ro !
prix No be l de phys ique e n 1963. Ma is e n 1966 les Après ce succès éphé mè re, Joë l Ste mhe ime r s' ins-
fra is de la g ue rre du Yiê t N a m condui sent à des ta lle ra comme c he rc he ur indé pe ndant , essentie l-
restric tio ns de postes dans les uni ve rs ités a mé ri- le me nt dans le do ma ine de la bi o log ie végéta le .
ca ines. En partic uli e r, ce lui de Joë l Ste rnhe ime r M a is o n pourra rete nir que g râce à lui des millie rs
est supp rimé. de pe rsonnes se sont pe ut-ê tre de ma ndé qui , de
S' inspi rant a lo rs du phé no mè ne A nto ine, c hante ur Newton o u de Le ibni z, a bie n pu in vente r le cal-
iconoclaste diplô mé de l'École centra le, il pre nd c ul intégra l. Et ce n 'est déjà pas s i (ani )ma l.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente


HISTOIRES par Élisabeth Busser

Hux origines de l'intégrale


D'Hrchimède à Pascal
Les mathématiciens ont, depuis l'Antiquité, mis beaucoup
d'énergie dans le calcul des aires, d'où est née la théorie de la
mesure et de l'intégration. Parmi les précurseurs, on trouve
Archimède, Cavalieri, Fermat, Pascal et bien d'autres. Leur
approche est essentiellement géométrique.
arti de la méthcxle d'exhaustion des ginez deux disques, D de diamètre d et

P géomètres grecs Euclide, Eudoxe


pui s Archimède, cheminant avec
les améliorations des savants arabes,
d 'aire a et D ' de diamètre d' et d' aire
a'. Il s'agit de comparer les rapports
dl d' et al a', ou plu s exactement de
prenant corps, mais sous le feu de la cri- démontrer que al a' est égal au carré de
tique, avec Cavalieri et ses « indivi - dl d'. Champions du raisonnement par
sibles », mis en beauté par les découpages l'absurde , les Grecs vont ici l' utili ser à
de Fermat ou Pascal, le calcul intégral plein : si, par exemple, a l a' était stric-
a mis deux millénaires à s'établir. Retour tement supérieur à (dl d')2, il existerait
sur sa préhistoire. un di sque ~d' aire b telle que
b la' = (dld')2 et on aurait alors a> b.
Hrchimède, le précurseur C'est donc que l' on peut inscrire dans
le disque Dun polygone d'aire c telle que
Ce sont les travaux d' Antiphon , contem- c so it entre a et b, soit a> c > b. Si on
porain de Socrate (vers 430 avant notre inscrit, paral lèlement, dans le di sque D'
ère), puis ceux, malheureusement per- un polygone d' aire c' semblable à D, on
dus, d 'Eudoxe de Cnide (-408, -355), sait pour l'avoir déjà démontré que
repris au Livre V des Éléments d'Eu- clc' = (dld') 2 = bla'. Or a' > c' , donc
clide (-330, -275), qui ont permis aux bla' < bic' et on a urait ainsi c < b, en
géomètres grecs de développer leur contradiction avec la position de ~ et
méthode d 'exhaustion et de l'appliquer du polygone d 'a ire c. On démontre de
aux calculs d'aires et de volu mes. Elle même que ala' ne peut pas être non
est l'ancêtre du calcul intégral. plus strictement inférieur à (dl d' )2. C'est
Reposant sur un principe simple, elle donc que finalement al a'= (dl d')2. La
va lier les rapports d'aires et de lon- méthode servit en particulier à Archi-
gueurs ou ceux de volumes et d'aires. Ima- mède à calculer l'aire du cercle: le cal-
cul d'aires autre que celles de polygones
était né !
La méthode d'exhaustion, appliquée Archimède a même fait mieux que cal-
aux calculs d 'aires et de volumes, culer l'aire du cercle; il a calculé celle
est l'ancêtre dù calcul intégral. du segment de parabole , c'est-à-dire

Tcingente Hors-série n°SO. L'intégrale


la quadrature de la parabole par Archimède
Archimède écrit son traité la Quadrature de la parabole (Ille siècle
8
avant notre ère) sous forme de lettres. À son ami Dosithée, il envoie
une méthode géométrique, réservant une méthode« mécanique», par
pesées, à Ératosthène.
N' utilisant que la seule géométrie, il construit à l'intérieur du seg-
ment de parabole dont il veut déterminer l' aire un premier triangle
dont la médiane est parallèle à l'axe de symétrie de la parabole,
démontrant au passage que son aire est maximale.
À Dosithée, il écrit : « Tout segment compris entre une droite et une
parabole est équivalent aux quatre tiers du triangle ayant même base
C et même hauteur que le segment » et il le démontre en utilisant une
itération de la construction : triangles ADC et BEC , etc., construits sur le modèle du triangle
ABC. Se fondant sur les propriétés de la parabole (F milieu de [AB], H de [AC], 1 de [BC]), il
obtient que la somme des aires des deux triangles ADC et BEC est le quart de celle du triangle
ABC. Il construit ainsi, étape après étape, une suite géométrique de raison 1/ 4 et il s'avère que,
après n étapes, l' aire polygonale Pn obtenue est égale à

(1) n+I
l- 4 4x Aire(ABC) - -1x (1)"
---- = - - x Aire(ABC).
1-! 3 3 4
4
Là s'exprime encore une fois tout le génie du géomètre grec : contournant ce que nous appel-
lerions aujourd 'hui le « passage à la limite », il privilégie une méthode d'exhaustion.
Considérant qu ' au bout d ' un nombre n assez grand d ' étapes l'aire P n est comprise entre
~Aire(ABC) et l'aire S du segment de parabole, il utilise « sa » double réduction à l'absurde:
3
• Si S était supérieure à ~Aire(ABC) , on aurait
3

1- )n+I] x 4 x Aire(ABC), donc P n :S 4 Aire(ABC). Contradiction.


P.
}
[ (4
=
3 3
• Si S était inférieure à ~ Aire(ABC) ,Archimède montre qu'on aurait P n > S, tout aussi absurde
3
vu la construction de P n· Voilà donc démontrée la propriété annoncée à Dosithée.

D'. disq ue d'aire a',


de diamèLre t/'
l'aire comprise entre une parabole, qu ' il
appelait fort justement « section du cône
D. diaque d'aile o.
de dillnl,ae d rectangle », et une droite en utili sant
également pour ce faire un double rai-
sonne me nt par l'absurde, ide ntique à
Polygone
d' aire c celui de la méthode d 'exhaustion.
Après les G recs , les mathé maticiens
à, diaque
arabes du Moyen Âge ne sont pas en
d'm b
La méthode d 'exhaustion.

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente


HISTOIRES Aux origines de l'intégrale

reste. Aya nt traduit en arabe les textes Les géomètres grecs comme les mathé-
des géomètres grecs, il s vo nt perfec- matic iens arabes l' ava ie nt bie n co m-
ti onner le urs méthodes. C 'est ainsi que pri s : pour calculer une aire, mieux vaut
Thabit Ibn Qurra (836-901 ) et Ibn al-Hay- la découper en morceaux, de préférence
tham (965- 1040), plus connu sous le très petits, mais cela va forcément mettre
nom de Alhazen , découpent autreme nt e n je u des techniques infi nités imales ,
la surface du demi-segment de parabole parfois controversées. Ainsi, Bonave n-
en choi sissant des droites dont les di s- tu ra Cavalieri ( 1598- 1647), mathéma-
tances sont proportionne lles aux entiers t ic ie n ita li e n qui ava it lu Euc li de et
impa irs, ce qui simplifie les calcul s . li s s' in spira it de la méthode d 'exhaustion
font , comme il s l'ont appri s des Grecs, d ' Arc himède a utant que de ce ll e de
appel à un double raisonnement par l' ab- Ke pler sur la théorie des quantités infi-
surde pour conclure, ce que nous ferions niment petites, bâtit vers 1629 sa théo-
aujourd ' hui par un simple passage à la rie des indivisibles pour calculer aires et
limite. Alhazen va plus loin en calcu- volumes. Pour lui , une surface pl ane est
lant le volume du solide engendré par la une juxta pos ition de lignes parallèles ,
rotation de ce segment de parabole autour segments - comme si on empil ait des
de di ve rs axes, antic ipant ainsi sur le fe uilles de pa pier - ou arcs de cercles
calcul des vo lumes par intégration. conce ntriques, les indivis ibles, po ur
s' inspirer de la termino logie de Ke pler.
Caualieri, le successeur Dans sa théorie, deux surfaces qui seraient
constituées de lignes de la même longueur
seraient égales, deux surfaces qui seraient
constituées de li gnes toujours da ns le
même rapport seraie nt ell es auss i dans
le même rapport. Po ur Cavali eri , donc ,
la surface d ' un parallélogramme de hau-
teur b et de base a est , tout comme celle
d ' un rectang le de mêmes d imensions ,
constituée de segments (les fameux indi-
visibles) tous de longue ur a, comme sur
le dess in . Il conclut qu ' e lles ont même
a ire , so it le produit de a par b.
Il é ta blit de la mê me faço n une cor-
respondance entre un cercle de rayo n
a et une e llipse de grand axe b et de
petit axe a, comprises toutes deux entre
des parall è les de di stance 2a. Les indi-
visibles sont ic i da ns le ra pport b / a ,
qui est do nc ce lui de l'a ire de l'ell ipse
à l' a ire du cercle . L'ellipse a donc pour
aire (b/a) x na 2 = nab . C avali eri uti -
li se e ncore ce princ ipe pour comparer
non plu s les lignes, m ais les puissances
Bonaventura Francesco Cavalieri (1598-1647). des lignes comme ce ll es d ' un parall é-
logramme et d ' un triangle constitué par
un de mi -para ll é logra mme.

Tangente Hors-série n"SO. L'intégrale


Comparant un à un les indi visibles des a a
deux triangles fo rmés dans ce para llé-
logramme de base e t de hauteur a, il
montre que leurs aires sont égales . En b
som mant ces indi visibles, il obtient que
le parallélogramme, d ' a ire a 2 = La, a
donc une aire double de chac un des tri-
·····0- - ................ .
ang les : a 2 = La = 2 Lx. C'est ai nsi
Les indivisibles de Cavalieri.
qu 'est née la fo rmule Jxdx = 9._.
" 2

2
0
A a
La méthode de Cavalieri n' avait cepen-
da nt pas qu e des ava ntages. Dans un
rectangle de côtés a et b , par exemple,
se lo n qu e l'o n co ns idè re les indi vi- a
sibles para ll è les au plu s gra nd o u au
plu s petit des côtés , on obtie nt que ces
ind ivisibles sont d ans le ra pport b/ a,
donc les aires des deux de mi-rectangles c
sera ient e ll es auss i d ans ce ra pport. .. Carré des lignes selon Cavalieri.
or e ll es sont éga les ! Che rc hez l'er-
1
reur ! La cont roverse va do nc naître a3 x q2 x ( - Cf, ) et a 3 x ( I - Cf, ).
co nt re Cava li e ri et ses indivisibles . 1-q 1-q

Rendant q de plus en plus proche de 1,


Fermat et Pascal, les passeurs il obtient de manière géométrique , là où
aujo urd ' hui no us parlerio ns de limite,
Par la suite , Fermat (vers 1601 - 1665) que l'aire sous la parabo le est , entre les
puis Pascal ( 1623- 1662) vo nt eux auss i droites d 'équation x = 0 et x = a, égale
s' intéresser à la quad rature de la para- à a 3 / 3. Pascal, lui , dans son traité Potes-
bo le , mais en procédant autrement. Le tam numerica rum Summ a de 165 4 ,
magistrat toul ousain Pierre de Fermat, construit, pour quarrer la parabo le , des
par ailleurs géni al mathé matic ien à ses rectangles de même largeur d. Il fa it la
heures, va , pour quarrer les paraboles somme de leurs aires et ex plique qu 'en
à l'infini, utiliser les propriétés des suites négli geant certains termes bien cho isis,
géométriques . li découpe l' aire sous la lorsque le no mbre de rectangles aug-
courbe entre les po ints d 'absc isse O et mente à l' infini , on peut obtenir la valeur
a en tranches parai lèles à l'axe de symé- de l'aire sous la courbe entre les droites
trie de la parabole. 11 approc he celle-c i d 'équ atio n x = 0 et x = a. D ' après ce
par la somme d'aires de rectangles situés raisonnement , ic i encore géométrique ,
so it sous la courbe so it au-dess us de e lle est compri se pour n subdi visio ns
cell e-c i et cho isit po ur épa isseur des d ' ab~cisses xk = ~· x (kl n), entre
tra nches a x q; où q est un nombre quel-
conque entre O et 1. Utili sant le ca lcul
dx 2x; et d x _L Xi+i
k- 1 k- 1
soit , en utili sant

de la so mm e des te rm es d ' un e la fo rmule donnant la somme des carrés


suite géométrique, il montre que l'aire en des n premiers entiers, entre
question est comprise entre (a 3 / n 3) x [0 2 + J 2 + 22 + ... + (n - l )2)
et (a 3 / n 3) x (0 2 + 12 + 2 2 + .. . + ,i2).

Hors-série n° 50. L'intégrale Ta.ngente


HISTOIRES Aux origines de l'intégrale

l'esprit des indivisibles revisité


La méthode des indivisibles (voir en page 8) consiste à vo ir une surface
plane comme une juxtaposition de lignes parallèles , de segments ou d' arcs
de cercle concentriques. Deux surfaces qui seraient consti tuées de lignes
de la même longueur seraient égales. De même , deux surfaces qui seraient
constituées de lignes toujours dans le même rapport seraient également dans
le même rapport. L' idée de la méthode des indivisibles n'est pas morte avec
Leibniz et le calcul intégral. Aujourd 'hui , elle revit avec la méthode inventée
par un scientifique arménien, Mamikon Mnat akanian . Longtemps après
Cavalieri et Roberval, Mamikon Mnatsak:anian a inventé une méthode dans
l'esprit des indivisibles. Elle est présentée ci-dessous dans le cas du calcul
Mamikon de l'aire d ' une arche de cycloïde pour accentuer le parallèle avec celle de
Mnatsakanian. Roberval (voir en page 35). Bien entendu , le résultat reste le même: l' aire
sous une arche de cycloïde est égale à trois fois celle du cercle qui l'engendre.
Voir les Transformations, de la géométrie à l'art (Bibliothèque Tangente 35 , 2009) , et en particulier
l' article Translater, c'est quarrer! des pages 100 à 103, pour plus de détail s.

La méthode de Mnatsakanian
B D Calcul de l'aire de l'arche de la cycloïde
selon Mamikon Mnatsakanian :
les aires en bleu sont égales.

2R Pour comprendre la méthode de Mamikon


Mn a tsaka ni a n , il ne s uffit pas d e
A décomposer l'aire au-dessus de l'arche
de la cyc loïd e e n seg me nts , il fa ut
également préciser les triangles sous-
OR j ace n ts, d e mê me qu e , po ur les
indivisibles, il a été nécessaire de préciser
les rectangles.

Recouvrement de la partie au-dessus


de la cycloïde par des triangles
recouvrant le cercle. L'égalité se trouve
à la limite.

Une preuve inattendue du


théorème de Pythagore !

La méthode de Mnatsakanian se géné-


ralise mais il est pl us intéressant d'en sim-

La méthode de Mamikon montre que


l'aire de la couronne en vert est égale
à celle du cercle en jaune.

10 Tc:in9ent:e Hors-série n°SO. L'intégrale


plement garder l'esprit. Par exemple,
l' aire d'une couronne se trouve ainsi
de manière élégante ... ce qui donne
la démonstration du théorème de
Pythagore la plus inattendue qui soit !
En effet, l'aire de la couronne est
égale à rrh 2 où h est la longueur de la
portion de demi-tangente au petit
cercle coupant le grand. Si on connaît
l' aire d'un cercle , cela donne
R2 = r2 + h2 où R et r sont les rayons
de deux cercles, c'est-à-dire le théo-
rème de Pythagore .
Il est ainsi possible de calculer un
grand nombre d' aires, comme celle
située sous une tractrice, c'est-à-dire
le lieu d' un point fixé par un segment
de longueur fixe à un point se déplaçant
le long d' une droite. Le segment reste
alor tangent au lieu. Sans aucun cal-
cul , et bien que 1' étendue sous la
courbe soit infinie , nous pouvons
affirmer que son aire est égale à celle En augmentant à l' infini le nombre de
du quart de disque dont le rayon est subdivisions , il vient que cette aire est
l , soit rrl2/4. égale à a 3 / 3.
H.L. Après ces deux résultats , l' aire du seg-
ment de parabole vient immédiatement,
par complémentarité : el le est éga le à
4a 3 / 3 . L' aire du triangle inscrit dans
la parabole entre son sommet et la
droite d ' éq uation y = a 2 étant a 3 , on
retrouve (heureusement !) le résultat
d ' Archimède.
Les passages à la limite , l'incidence du
mode de découpage des aires , on vient
de le voir, ne sont pas encore bien éta-
blis et il faudra attendre Leibniz et New-
ton , qui se sont largement inspirés de
Pascal et Fermat, pour décider de I'ave-
Tractrice obtenue en tirant un objet nir du calcul intégral et différentiel, le Iier
avec une corde de longueur constante l. au concept de dérivée et donner à la
notion d' intégration son véritable statut.

É.B.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente


HISTOIRES par Bertrand Hauchecorne

newton us Leibniz
Qui a inuenté le calcul intégral ?
Qui, de Sir Isaac Newton ou de Gottfried Wilhelm Leibniz, e st
le « vrai » inventeur du calcul intégral ? Cette question est
encore controversée de nos jours. Mais avant même de se la
poser, il convient de réfléchir à son sens.

ntre 1625 et 1665,de no mbreux Isaac newton, un génie précoce

E m a th é m a ti c ie n s e u ro pée n s
(co mm e Fermat e t Pasca l e n
France, Cavali eri et Torri celli en Ita-
Newton voit le jour en 1643.A près des
études à Cambridge, il rentre chez lui ,
lie, ou encore Barrow et Wallis en Angle- en 1664 , dans le Lincolnshire pour fu ir
te rre) o nt mes uré des surfaces, des la peste qui sév it dans les grandes villes.
longueurs de courbes. Ces trava ux cor- S 'ouvrent alors po ur lui deux années
respondaient en général à calculer ce que d' une féco ndité sc ie ntifi que exception-
Isaac Barrow no us appelons de nos jo urs une inté- ne ll e. Lorsque, en 1669, Isaac Barrow
(1630-1677). gra le. Parallè le me nt , il s o nt che rché le cède à son é lève sa chaire au Trin ity
lie n entre l'équ ati on d ' une courbe et Co llege de Cambridge, Newton a sans
cell e de sa tangente ; o n sait désorm ais doute déjà élaboré sa théorie du calcul
que c'est le lie n e ntre une fo nctio n et di ffé re ntiel et de )' intégrati o n depui s
sa dé ri vée. Ces sava nts préc urse urs plusieurs années. C'est cependant cette
l'ont fa it par des moyens très ingénieux année- là que co mmence à circule r la
mais spécifiques à chaque cas . Po ur- pre miè re monographie présentant ses
ta nt , ce n 'était pas suffi sa nt. Qu 'o nt réfl ex ions sur ce thè me. L'approche de
donc fa it de plu s Newton et Le ibni z? Newton est c inématique, avant to ut par
Il s ont remarqué que les opérati ons de souci pédagog ique ; il sait pertinem-
déri vation et d ' intégration sont inverses ment que sa méthode est plus généra le.
l' une de l'autre. Ain si le calcul di ffé- La tangente à une co urbe re présente
renti e l et le calcul intégral sont indi s- pour lui la vitesse, qu ' il nomme lajluxion;
soc iabl es l' un de l 'autre, e t c'es t la connaissant celle-ci, il cherche à déter-
découverte de ce lien qui fu t le sésame miner sa pos iti on, nommé la fluente, et
pour l'entrée dans un nouveau mo nde in versement. Preno ns l'exemple de la
mathé matique. courbe d'équation y= 1/( 1 + x). fl consi-

Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


Isaac Newton Gottfried Leibniz

dère des éléments infiniment petits voi- faits le plus souvent par une décompo-
sins de x et de y , qu'il note respective- sition de la fonction étudiée en une infi-
ment x + op et y + oq (nous écririons nité de termes (somme d ' une série) sans
x + dx et y+ dy aujourd ' hui). Il écrit justifier les convergences. Derrière ceci
alors se cache la notion de limite , qui n'ap-
y +oq= 1/( 1 +x+op) paraîtra que deux siècles plu s tard.
= 1/( 1 + x)[ l - op / ( 1 +x)+ ... ], Newton expose ses idées dan s un texte
et en déduit après quelques manipulations achevé en 1671 , M ethodus Fluxionum
algébriques et Serierum lnfinitarum. Cependant , cet
oq l op=- 11( 1 +x)2+op/(I +x) 3 . ouvrage ne sera publié qu 'en 1736, neuf
Négligeant op dan s cette somme, il en ans après sa mort.
déduit que le rapport de l ' accroissement
des y sur celui des x est donné par Gottfried Leibniz,
- 1/ ( 1 + x)2. C'est exactement ce que nous le philosophe mathématicien
nommons de nos jours la dérivée . Inver-
sement , connaissant l'équation de la tan- Leibniz, quant à lui , voit le jour en 1646.
gente , il cherche une fonction ayant pour Son intérêt pour les mathématiques lui
fluxion (nous dirions primitive) cette vient tardive ment. Envoyé en 1672 par
fo nction. De même , ayant une fonction , le prince de Hanovre à Pari s , il y fait la
il cherche à calculer sa quadrature (l'aire connaissance de Huygens, qui , voyant
située sous la courbe). Il utili se ensuite son intérêt pour les sciences, l'encou rage
sa découverte pour résoudre des pro- à les étudier. Le ibni z, très créatif, ne se
blèmes d ' ex trem um s o u pour d es contente pas d'apprendre ; tout en li sant
recherc hes de courbure ou de centre de D escartes et Pasca l , i I é labore d es
courbu re . méthodes nou velles. En 1673 , il se rend
Certes , le calcul différentiel est né , mais à Londres où il fréquente di vers mathé-
il reste bien des points obscurs. Pourquoi maticiens. Dès cette année , il réd ige une
peut-on négliger op dans le calcul du note , jamais publiée , dans laque ll e se
quotient de oq par ce même op ? New- retrouvent ses principales idées concer-
ton semble considérer la notion de vitesse nant le calcul intégral. Il écrit par la suite
instantanée comme étant naturelle , sans divers textes où il affi ne sa pensée et
la définir. Par ailleurs , ses ca lcul s sont prend un grand so in à trou ver des nota-

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 13


HISTOIRES Newton vs Leibniz

tions sati sfaisantes. gnon , qui la compléteront, la diffuseront


Leibniz se rend compte que la somma- et en feront un outil très efficace pour
tion (l ' intégration) est l'opération inverse la résolution de nombreux problèmes ,
de la différentiation ; ceci apparaît net- en particulier en physique.
te ment dan s deux notes manu sc rites
datant de l'automne 1675. Certes, ceci la bataille de la somme
se lisait en filigrane dans les œuvres de
Barrow et de Newton ; cependant le phi- Historiquement, de manière incontestable,
losophe allemand est le premier à l'ex- Newton a élaboré sa théorie une dizaine
primer. L'année sui vante il explique d 'années avant Leibniz. Ce dernier a-
comment trou ver les tangentes à une t-il eu co nnai ssance des résultats du
Christian Huygens courbe. Dans ses articles success ifs, on savant britannique ? En fait peu importe,
(1629-1695). voit clairement apparaître les proprié- aucune théorie mathématique ne s'est
tés générales de l' intégrale (comme l'in- construite sur le néant ; chaq ue pas en
tégration par parti es). Il é no nce des ava nt est redevable du précédent. Il est
résultats généraux sur les dérivées et en certain que l'approche c inématique de
tire des conclusions sur l' intégration. Newto n se di sti ng ue des recherches
Sa méthode de sommation est de consi- d ' aires du philosophe a ll e mand. Par
dérer de très petites variations de ('abs- ailleurs, chacun a contribué à sa manière
cisse, notée d.x (pour « différence des à l'avancement des connaissances. New-
x ») pour une fonction notée y, et il consi- ton , par de multipl es exe mpl es astu-
dère les valeurs de l'ordonnée, qu ' il note cieux , a élaboré les prémices de la théorie
d 'abord l (puis dy pour « différence des des courbes ; Le ibni z a mi s en place les
y»). Il calcule alors la somme des aires fondements du ca lcul intégral avec une
des rectangles de base d.x et de hauteur vision assez proche de celle que nous
l (en fa it f(x)d.x) . Il ex plique que si d.x avons encore, en particulier par un choix
est pris infiniment petit, alors on peut négli- judicieux de notations.
ger les petits« triang les» restants pui s- De plu s, malgré tout le ur génie, New-
qu ' ils sont infiniment petits comparés aux ton co mme Leibniz se sont in spirés de
rectangles. Chez Leibni z auss i, l'ab- mathématiciens comme Fermat ou Bar-
sence de notion de limite ne permet pas row, qui n'étaient pas loin d 'aboutir à
de défi nir rigoureusement ces notions. une théorie générale du calcul intégral.
Leibniz attend 1684 pour publier Acta Eru- Il s sont redevables aussi à le urs suc-
ditorum, texte dans lequel il reprend ses cesseurs : Tay lor e t MacLa urin pour le
écrits épars depui s 1673 . Par la suite, il premier, les frères Bernoulli pour le
poursuit ses recherches dans le domaine; second ; ceux -ci o nt com plété et rendu
iJ se penche sur la dérivation et 1' intégration plus access ibl e et féconde cette nou-
des fonctions exponentielles et applique ve lle théorie . On peut regretter cepen-
ses résultats à l'étude de courbes, par dant que cette querelle de primauté a it
exemple à la recherche de leurs cercles durable ment coupé en deux le monde
osculateurs. L'œuvre de Le ibniz est pro- scientifique (Leibni z fa isant foi sur le
fondément novatrice, elle recherche tou- continent et Newton outre-Manche) :
jours la généralité ; cependant , elle est il fa udra plu s d ' un demi-siècle pour
lacunaire, certains passages sont confus, renouer le di alogue et faire la synthèse
voire incompréhensibles, même par les des contributi ons des deux hommes.
frères Bernoulli ! Ce sont eux , ainsi que
Guill aume de l' Hospital et Pierre Vari- B.H.

14 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


par Bertrand Hauchecorne EN BREF

l'accueil mouuementé
du calcul intégral
Dans les années qui sui virent l'élaboration du
calcul différentiel et du calcul intégral, deux que-
relles virent le jour. D ' une part , au début des
années 1700, le débat sur la primauté de la décou-
verte fut pass ionné (vo ir aussi Tangente 137 ,
pages 36 à 42) . D' autre part, certains doutèrent
de ces nouveaux concepts et même s'y opposè-
rent , prétextant qu ' il s reposaient sur des notions
peu crédibles. Ce fut le cas de George Berkeley
en Irlande (vo ir Tangente 148, pages 30 et 3 1).
En France éga lement, les débats furent vifs et
passionnés .
Le 17 juillet 1700, Michel Rolle porte de violentes
attaques contre le calcul infinitésimal, lui repro-
chant de ne repo-
ser sur rie n de
ta ng ibl e e t de
mener à l'erreur.
"'c:0
George Berkeley (1685-1753), Pierre Varignon
par John Smibert. répond de façon
"'"'
"c:
.D
erronée pour le ,:::
u
pre mi e r a rg u- "'"'
ment (car il lui ~"
.c
u
ma nqu e un e ©
notion précise de Michel Rolle (1652-1719).
limüe). Pour le
second , il met en défaut tous les contre-exemples
de Rolle en septembre 170 L. Après cinq mémoires
de Rolle et six de Varignon, l'Acadé mie impose
le silence et nomme des juges . Ceux-c i laissent
traîner l'affaire pour ca lmer les deux hommes.
Le débat reprend cependant et l'arrêt sera rendu
en 1705 : on prie Rolle de dire les choses avec
ménagement et on re nvo ie le porte-parole de
Varignon « à son bon cœur » . À l' automne 1706,
Michel Rolle rend visite à Pierre Varignon, Ber-
nard de Fontenelle et Nico las Malebranche pour
reconnaître sa fa ute et ex primer sa contriti on
devant cette mauvaise querelle.

Pierre Varignon (1654-1722). Référence


Des mathématiciens de A à Z.
Bertrand Hauchecome et Daniel Su ratteau, Ellipses, 2008.

Hors-série n• 50. L'intégrale Ta.n9ent:e 15


EN BREF par É. Busser et B. Hauchecorne

la langue uniuerselle de Leibniz


Le ibni z , qui était ph ilosophe , sc ientifiq ue et juriste en plus d 'être mathé matic ien ,
rêvait d ' une langue fo rmelle uni verselle, qu ' il nommait « la caractéristique uni-
verselle », commune à tous les discours rationnels , et qu ' il voyait comme première
étape à la mécani sati on des raisonnements log iques, calculus ratiocinator. Si cette
langue est restée à l'état d ' utopie, on doit néanmoins à Leibni z de nombreux néo-
logismes dans le vocabulaire mathématique et de nombreuses notations nouvelles ,
en particulier en analyse, dans le do maine du calcul différe ntiel et intégral. On a
d'ai lleurs donné son nom à la notation dx ou 6.x pour dés igne r une quanti té infi-
nitésimale de x .
Jacques Bernoulli C'est lui encore qui in vente en 1692 le concept de fonction
(1654-1705). (au sens latin defunctio , exécuti on) et surto ut l' écriture
dy / dx , notée au départ dy : dx , comme pente de la tangente
à la courbe représentati ve de la fo nction qui à x associe y= f(x).
Si le mot « intégra le » (du latin integer , entier, total) est de Jacques Bernoulli
( 1696), Le ibniz, lui , en reste au « calcul sommatoire » , voyant) ' intégrale en ques-
tion comme somme d ' un nombre infini de qu antités infi nités imales, lesf(x 11 )dx11 ,
avec dx,, = x,,+i -x,,. Il la dés igne donc to ut nature llement par la lettre S (comme
le summa latin , pui squ ' il écri vait aussi bien en latin qu ' en français ou en allemand).
J
Le « S » s'est allongé, pour devenir mais il est resté , contraire ment au « I » Jean Bernoulli
qu 'aurait préféré Jean Bernoulli , frè re de Jacques . Notre fa meux Jf(x ) dx est donc (1 667-1748).
chargé de tro is siècles d' hi stoire.

l'introduction du calcul différentiel et intégral en France


Calcul différentiel et calcul intégral se sont vite implantés parmi les mathéma-
ticiens fra nçais . Pierre Varignon, né en 1654 à Caen , en fut un des principaux
promoteurs. Nourri à la Géométrie
de Descartes, il entretient une cor-
r espondance avec Newton, Le ibniz
mais surto ut avec les frè res Ber-
noulli . Il comprend très vite l' intérêt de ces nouveaux outils
mathématiques. Ceci lui permet de résoudre des pro-
blèmes de mécanique et de publier dès 1687 un ouvrage
au titre prometteur : Proj et d' une nouvelle mécanique.
Ardent défenseur de ces nouvelles techniques de calcul ,
iI écri t Éclaircissements sur l 'analyse des infiniment
petits, qui ne parait qu 'en 1725, trois ans après sa mort .
On doit cependant la première publication sur ce thème
à Guillaume de )' Hospital. Ce marqui s, épris de mathé-
matiq ues , sui t les cours de Jean Bernoulli . Il publie en
1696, e n langue fra nçaise (ce qui est rare à l'époque
pour un livre de mathé matiq ues) , un o uvrage do nt le
ti tre est clair : Analyse des infiniment petits pour l'in- Guillaume François Antoine
telligence des lignes courbes. de L'Hospital , marquis de Sainte-Mesme
(1661-1704).

Tcingente Hors-série n°50. L'intégrale


par Élisabeth Busser EN BREF

les traducteurs de newton en français


En France , les milieux sc ientifiques furent davantage marqués par Leibniz que par Newton . Il faut y
voir l' influence des frères Bernoulli , inconditionnel s du savant allemand et qui mobilisèrent tout leur
génie pour mettre en valeur ses méthodes en résolvant divers problèmes.

Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788),


par François-Hubert Drouais.

Pourtant , dans le courant du XVIIIe siècle, l'engouement pour Newton se


développa fortement sur le continent, en particulier dans notre pays. Le natu-
raliste Georges Buffon publia en 1740 une traduction en français de la
Méthodes des fluxions et des suites infinies (écrit en 1671 mais publié seu-
lement en 1736), permettant ainsi une diffusion des idées du savant britan-
nique . Sa longue préface est virulente : défenseur inconditionnel de Newton
dans la découverte du calcul différentiel et du calcul intégral , il dénonce le
savant allemand en ces termes : « Tout le monde sçait que Leibnitz a voulu
partager la gloire de l'invention, et bien des gens lui donnent encore au
moins le titre de second inventeur. »

Il poursuit , quelques pages plus loin : « Tandis


que Leibnitz cherchait querelle à l'inventeur du
Calcul, d'autres géomètres cherchaient querelle
au calcul même; Rolle, Ceva et quelques autres
prétendirent qu'il était erroné. » Encore un peu
plus loin , il s'en prend à l'évêque George Ber-
keley et sa mi se en cause du calcul différentiel.
De son côté, Émilie du Châtelet, après avoir lu
Leibniz, s' intéresse aux ouvrages de Newton .
Encouragée par Voltaire, elle traduit en français
les Principia mathematica, ouvrage fondamen-
tal de Newton publié en 1687. Elle meurt en
1749 et Alexis Clairaut fera paraître cette traduction
en 1756. Grâce à Georges Buffon et à Émilie
du Châtelet, l' œuvre de Newton fut élevée en
France sur un piédestal.

Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil,


marquise du Châtelet (1706-1749).

François-Marie Arouet,
dit Voltaire (1694-1778).

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente


par Bertrand Hauchecorne

De Cauchy à Lebesgue
Une épopée de près d'un siècle
Le calcul intégral apparaît à la fin du XVIIe siècle sous
l'impulsion de Newton et Leibniz. Au cours du siècle suivant,
Jacques et Jean Bernoulli, Euler, Clairaut, d'Alembert puis
Lagrange et Laplace font progresser le maniement de cet
outil. Le XIXe siècle marquera une rupture.

f f(x)dx
Q
u'entend-on par ?

L' intégrale ne représ.ente pas le


mê me concept pour Newto n
et Le ibni z au XV IIe siècle, pour les
savants qui vont l' appliquer aux grandes
qu esti ons de la ph ys ique au xv1ne
sièc le et pour les mathématiciens du
Augustin Louis X I Xe. E n effe t , de plu s e n plu s, le
Cauchy beso in se fait sentir de détacher les
(1789-1857). mathématiques de la physique, de fo n-
der les premières de manière théorique
et non plus sur l' expérience sensible,
et en co nséqu ence de co nstruire les
objets qu 'elles manient.

« Aussi longtemps /'Analyse mathématique


éveillera des ferveurs parmi
les hommes, aussi longtemps l'intégrale
de Lebesgue perpétuera le souvenir
d'un Français justement admiré. »
Arnaud Denjoy, parlant d'Henri Lebesgue.

18 Tangente Hors-série n•so. L'intégrale


l'intégrale de Cauchy vision est assez petit. La notion de conti-
nuité uniforme ne sera d 'ailleurs intro-
Dans son Résumé des leçons sur le cal- duite qu 'en 1871 par Eduard Heine , un
cul infinitésimal donné à ['École poly- élève de Karl Weierstrass. Cauchy conclut
technique , publi é en 1823 , Augustin alors en « rendant les élémens de la dif-
Louis Cauchy fournit la première tentative f érence X - x 0 infiniment petits» (de
de définition de l' intégrale d ' une fonc- nos jours nous dirions que le pas de la
tion continue. Comment procède-t- il ? subdi vis ion tend vers 0 ). Ainsi, « la
Il considère une subdivision d ' un inter- valeur de Sfini ra par être sensiblement
valle [Xi), X] , notexi,Xi, .. . x,,_ 1 des points constante, ou, en d 'autres termes , elle
intermédiaires dans cet intervalle et pose finira par atteindre une limite qui dépen-
S = (x 1- x0 )f(x0 ) + (x2 - x 1)f(x 1) + ... dra uniquement de la forme def(x), et
+ (X-x11_,)f(x11- 1)- des valeurs extrêmes x 0 , X attribuées à
Il donne de manière intuitive sa méthode : la variable x . Cette limite est ce qu 'on
« La quantité S dépendra évidemment appelle l 'intégrale définie. »
1 ° du nombre n des élémens dans les- Ensuite, Cauchy énonce et démontre les
quels on aura divisé la différence propriétés classiques de cette intégrale.
X - x 0 , 2° des valeurs mêmes des élé- Il justifie en particulier que si/est conti-
mens, et par conséquent du mode de nue et si F en est une primitive, alors
b
division adopté. Or, il importe de remar-
quer que, si les valeurs numériques des
f f(x)dx = F(b)- F(a) .
a

élémens deviennent très-petites et le On appelle souvent ce résultat le théo-


nombre n très-considérable , le mode rème fondamental du calcul intégral .
de division n'aura plus sur la va leur S
qu'une influence insensible. » le rôle de Riemann
Cauchy se lance dans une dé monstra-
tion qu 'i l veut rigoureuse . Il généralise
sa so mme S e n remplaçant f(x;) par
f(x; + 8;(x;+i -x;)), avec 8; dans l' inter- Georg Friedrich
va lle [O , 1] . Ceci correspond à ce que Bernhard Riemann
nous appelons de nos jours une somme (1826--1866).
de Riemann. Il encadre alors
f (x; + 8 ;(X;+ 1 - x;)) par f (x;) - E; et f (x;)
+ E; (avec E; > 0) et conclut que la somme
± e0 (x 1-x0) ± E 1(x2 -x 1)fi:X 1) + ... +
E11_1(X -x11_1) « est équivalente au pro-
duit de X - x 0 par une moyenne entre
ces diverses quantités [ .. .]et qu 'on n 'al-
térera pas sensiblement la valeur de S
calculé pour un mode de division dans
lequel les élémens de la différence X - x 0
ont des va leu rs numériques très
petites ... » Il ne voit pas cependant que Les avancées de l'analyse, principalement
son raison nement nécess ite la conti- les études sur le développement de fonc-
nuité uniforme afin que les E; soient tions périodiques en séries de Fourier,
tous inférieurs à un même E absol u (uni- montre le besoin d ' intégrer une classe
forme en i) lorsque le pas de la subdi - plus large que les fonctions continues.

Hors-série n• 50. L'intégrale Tc:ingente 19


De Cauchy à Lebesgue

Bernhard Riemann n'a que 28 ans lors- l'apport de Darboux


qu ' il s'empare du suje t à la fin d ' un
article sur les séries de Fourier. Il pose
la question sui vante :
b

« Was h at m a n unte r f f(x)d.x zu


verstehen ? » li

(voir traduc ti o n e n ou verture de cet


articl e) . Cette question prend en effet
tout son sens lorsque la fonctionf n'est
pas continue, puisque le lien entre pri -
miti ves et intégrales n 'est alo rs plu s
valable.
Il considère un intervalle [a, b] et une
subdi visio n Xp x 2 , . . . , xn-l. Il pose
ô 1 = x 1 -a,ô 2 = x2 -x 1, ••• ,
Ôn = b -x,1- 1 et, comme Cauchy avant lui ,
S = ôif(a+ t: 1Ô1) + ô 2f(x 1+ t: 2ô 2) + ...
+ ô,J(xn- l+ ënÔ,,), avec O 5 ê; 5 l
li dit alors que, si la quantité S admet une Jean-Gaston Darboux (1842-1917).
limite lorsque les ô deviennent infiniment
~e tits, alors cette qu antité s'appe ll e Dans un article publié en 1875, Gaston
f f(x)d.x . Dans le cas contraire, Darbo ux précise les conditions d'exis-
tence de l' intégrale d ' une fo nction sur
g
f f(x)dx n'a pas de signification . un segment. Une subdi vision étant don-
née, il introduit pour chaque intervalle
li

Il cherche ensuite les conditions d' ex is- [x;, X;+ i l la bo rne supéri eure M; et la
tence de cette limite. Si la fo ncti on est borne inférieure m; de la fo nction étu-
bornée, il note alors D; la plus grande diée. Il considère alors
vari ation de f sur [x;_p X; ] et pose S = ô 1M 1+ ô 2M2 + ... + ô 11 M11
D = ô 1D 1 + ô 2D2 + ... + ô,,D,, et {}.. la et s = Ô1m 1 + ô2m2 + ... + ô,,mn.
valeur maximale (c'est-à-dire la borne On obtient év idemment s 5 S. Darboux
supérieure) que peut atteindre D lorsque considère alors la borne infé rieure J des
le pas ô de la subdivision est infé rieur à S et la borne supérieure Ides s lorsq ue
un certain d > O. Il remarque que {}.. est 1' on décrit toutes les subdi visions de
une fo nction de d et montre que l'ex is- l' inte rva ll e; o n a bi e n sûr to ujours
tence de l' intégrale def équi vaut à ce 1 5 J . Il montre que S converge vers J
que D puisse être rendu aussi petit que lo rsque le pas de la subdi vision te nd
l' on veut lorsque d est rendu infiniment vers O (et de mêmes converge vers 1).
petit. La nouveauté chez lui c'est bien sûr Il mo ntre e nsuite que la fo nctio n est
d' introduire une notion de fonctions inté- intégrable (au sens défi ni par Riemann)
grables. Cauchy ne s' intéressait qu 'aux si, et seulement si, I = J et qu'alors cette
b
fo nctions continues ; seul lui importait
de définir la valeur de l' intégrale. Il aurait
valeur communevaut Jf(x)d.x. Il montre
li

pu se contenter de la défi nir à l'aide de enfi n que le théorème fo ndamental du


primitives ; sa méthode a en fin de compte calcul intégral ti ent touj ours si f' est
ouvert la voie à ses successeurs. intégrable. Pour ce fa ire, il uti li se un

Tangente Hors-séri n•so. L'intégrale


résultat dé montré sept ans plus tôt par « Intégrer, c'est pousser à l'infini les deux
Pierre-Ossian Bonnet , sui vant lequel la
déri vée d ' une fo nction , mê me s i e ll e
règles conjointes de Descartes :
n'est pas continue, vérifie néanmoins d'abord diviser la difficulté pour mieux
le théorème des valeurs intermédi aires la résoudre, ensuite recomposer
(ce résultat est connu sous le nom de ...
cette désagrégation préliminaire. »
théorème de Darboux). Il tran sforme
donc l' expression Henri Lebesgue, cité par Arnaud Denjoy.
f(b)-f(a) =(f(x 1)-f(x0)) + ... + (f(x,,)
- f(x,,_1)) et obtient!' (t 1)(x 1 - x 0 ) + ...
+f' (t,,)(x,,-x,,_ 1), c'est-à-dire une somme possibilité de donner une mesure à tout
de Riemann , ce qui lui permet de conclure ensemble. Il construit alors en 1898 une
en utilisant la continuité unifo rme intro- fa mille de parties de lffi contenant to us
duite quatre ans plus tôt. Lebesgue mon- les inte rva ll es, stabl e par passage au
trera en 1902 qu ' une fo ncti on bornée complémentaire , stable par union dénom-
est intégrable au sens de Riemann si, et brable (et donc par intersection dénom-
seulement si, l'ensembl e de ses points b ra bl e) ; c 'es t ce qu e ! ' on no mm e
de di scontinuité est de mes ure null e désorma is la tribu borélienne .
(c'est-à-dire inclus dans la réunion d ' un Son élève Henri Lebesgue complète cette
no mbre fi ni ou dé no mbrabl e d ' inte r- tribu bo ré lie nne en y adjoi g nant tout
valles dont la somme des longueurs est ensemble qui diffè re d ' un des éléments
auss i petite que l'on veut). déj à défini , d ' un en semble de mesure
nulle. Les ensembles ainsi obtenus sont
Enfin uint Lebesgue appelés mesurables . Pour l' homogénéité

;·:.-..., . . ·. -~.}-~,
..
du propos, cantonnons-nous aux parties
de l'ensemble lffi des nombres réels .

r~.
.
1/

.
~--
'
.

.
-~
Lebesgue assigne une mesure (dite mesure
de Lebesgue) à ceux d 'entre e ux qui
sont bornés ; e lle coïnc ide avec notre
notion intuitive de longueur. La mesure
~--.\~ . - · ~ de l' intervalle [c, d] vaut d - c; il défi -
• f
~- nit alors la mesure d ' un ensemble mesu-
rable borné quelconque en imposant à
la mesure d ' une réunion finie ou dénom-
brabl e de parties di sjointes d 'être la
Henri-Léon Lebesgue somme des mesures des é léments de la
(1875-1941). réunion . Lebesgue dit alors qu ' une fonc-
tion de lffi dans lffi est mesurable si, pour
À la fin du XIXe siècle, Camill e Jordan to ut ensemble mesurable C de lffi, l' en-
en France et Giuseppe Peano en Italie com- semble des éléments x de lffi tels que j{x)
prenne nt le besoin de gé né ral iser la est dans C est mesurable .
notion de longueur en dimension 1 (et Il introduit alors un concept d ' intégra-
d 'aire et de volume en dimensio ns 2 et bilité plus général puisqu ' il permet d ' in-
3). Émile Borel cherche à étendre cette tégre r sur d es e nse mbl es vari és, e n
notion à une classe la plus grande pos- di verses dimensions, des fonctions plus
sible de parties; il s'aperçoit de l' im- générales que le faisait Riemann . Prenons

Hors-série n" 50. L'intégrale TAngente


HISTOIRES 1
1
De Cauchy à Lebesgue

grable pour Riemann. (La nullité de cette


intégrale s'explique par le fa it que l'en-
semble des rati onne ls de [O , 1] est de
mesure nulle; de même , deux fo nctions
qui ne diffè rent que sur un ensemble de
mesure nulle ont la même intégrale.)
Lebesgue montre que si une fo nction/
es t dé ri va bl e e t s i sa dér ivée f' es t
b

bo rn ée , a lo rs f f'(x)dx = f(b) - f(a ).


a

Cependant , si/ est dérivable sauf sur un


ensemble de mesure nulle, on peut tou-
jo urs intég rer f (en posant n' importe
que lle valeur en ces points, ce qui ne
modifie pas l' intégrale) mais cette for-
mule ne tient plus.

Arnaud Denjoy en 191 2 puis Oskar Per-


une fonction numérique mesurable bor- ro n e n 19 14 pro posent indé penda m-
née et notons A et B sa borne supérieure ment une nouvelle généraUsation, certes
et sa borne inférieure respecti vement. intéressante mais très complexe, de la
On subdi vise alors l' intervalle [A , B] notio n d ' intégrale. Pavel A lexandrov
sur l'axe des ordonnées (et non [a, b] montre en fait l'éq ui valence de ces deux
comme le faisaient Cauchy et Riemann) théories. Jaroslav Kurzweil en 1957 et
en A= v0 , v 1, • .. , v,,_i, v,, = B. Ralph Henstock e n 196 1 créent, indé-
L' ensemble E; des points x de [a, b] te ls pendamment l'un de l' autre, ce que l' on
que v;_, ~ f(x) ~ V; est mesurable ; notons appe lle désorma is l'intégrale de Kurz-
m (E;) sa mesure. Posons alors weil-Henstock (ou intégrale de Rie-
S = v 1m(E 1) + ... + v,,m (E) mann co mpl é tée) , qu i gé né ral ise
et s = v0 m (E 1) + ... + v,,_1m (E,,). l' intégrale de Lebesgue et donne une
Il est clair que s ~ S. Lebesgue montre alors version simple et é légante de l' intégrale
l'égalité de la borne supérieure des set de Denjoy-Perron . Cependant , de nos
de la borne inférieure des S pour l'en- j o urs, le concept d ' intégratio n d ' une
semble des subdi visions de [A, B] ; il fo nctio n numérique semble achevé et
b
appelle Jf(x)dx cette valeur commune . l' intégra le de Lebesgue reste la réfé-
rence e n le do maine.
(/

B.H.
La cl asse des fo nctions pour lesquelles
b
Jf(x)dx à un sens est ain si beaucoup
a
plus large qu'avec Riemann . Par exemple,
la fonctio n de Dirichlet défi nie par
f(x) = l si x est ratio nnel et O sinon est
intégrable sur [O, l] (au sens de Lebesgue)
1

et Jf(x)dx = O. Cette fo nction n'étant


0
continue nulle part, elle n'est pas inté-

Ta:ngente Hors·séri n•so. L'intégrale


..

li
SAVOIRS par Hervé Lehning

Hire et intégrale
Les notions d'intégrale et d'aire sont liées. Pour le comprendre,
il est nécessaire d'expliciter une définition de cette dernière ...
et distinguer entre les ensembles avec aire et sans aire. En fait,
les ensembles quarrables ne manquent pas d'aire !

u'est-ce que l' aire d' un domaine

Q
p
du plan et comment la calcu-
ler ? L' idée la plus simple est de
un carré : un carré d ' un mètre
de côté mesure un mètre carré. C' est
l' unité de mesure.
Arrivé à ce stade, il est facile d'attribuer Un rectangle de trois mètres
une aire à toute partie décomposable en sur cinq peut être décomposé
un nombre fini de tels carrés. Par exemple, en quinze carrés d 'un mètre de côté.
un rectangle de troi s mètres sur cinq li mesure donc quinze mètres carrés .
peut être décomposé en quinze carrés
~

d ' un mètre de côté : il mes ure do nc


quinze mètres carrés.
Avec ce seul principe d' additi vité, il est
poss ible de mesurer un grand nombre
de surfaces. En particulier, tous les carrés 1

(un carré de côté a mètres a pour aire a 2


mètres carrés) et toutes les réunions de
carrés de côtés égaux .

ftpproximation d'une aire Surface décomposable


en quinze carrés de même côté a :
Si on ne pe ut pas réali ser un e te ll e son aire est égale à 1Sa2 •
opération , il est encore possible d'obtenir
un encadrement de l'aire de la surface
en considérant des carrés de même côté :

24 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


I
INTÉGRALE DE RIEMANN

1--"--'
le peigne du diable
/ ""' ........ Le diable a un peigne possible à concevoir mais impossible
à fabriquer par des mains humaines. Pour le décrire, nous
î
/

/ utilisons un système de coordonnées rectangulaires

\ I (0, x, y). Le peigne comprend l'ensemble des points de


coordonnées (x, y) tels que os x s 4 et os y s 1 auquel on
'
v / ajoute l'ensemble des (x, y) tels que os x s 4, 1 s y s 2 et
( / x rationnel (c'est là que se situe son côté diabolique).

"-
On obtient l'objet représenté ci-dessous.
/
Surface située entre deux réunions
de carrés d'un mètre de côté.
Son aire est comprise entre
15 et 40 mètres carrés.
Le peigne du diable :
Bien entendu , si on utilise l'encadrement il comprend une dent à chaque point d'abscisse rationnelle.
de cette figure, l'approximation est de Un humain peut l'imaginer, mais ne peut pas le réaliser.
mauvaise qualité. En utilisant des carrés
de côtés moitié, on peut l'améliorer. On montre facilement que l'aire intérieure de cet objet est
égale à 4 et son aire extérieure à 8. Le peigne du diable

V
v - ' I'-..
n'est donc pas quarrable. On peut également démontrer
que l'aire de sa frontière est égale à 4.
I ........

V
., /
' avec E. Elle admet donc un minimum .
Est- il toujours nul ? Malgré une intuition
/ fo ndée sur la considération des sutfaces
1,
usuelles, ce résultat est faux. Autrement
i.,.--- I dit, il existe des parties du plan n'assurant
/
I pas cette condition (vo ir en encadré).
De façon générale, notre démarche permet

" J
de définir une aire intérieure à chaq ue
domaine du plan : la borne supérieure des
Amélioration : la même surface sommes des aires des carrés di sjoints
est située entre deux réunions inclus (et, de même, une aire extérieure).
de carrés de cinquante centimètres Les domaines pour lesquels ces deux
de côté. Son aire est comprise entre aires sont égales sont dits quarrables. Cette
18,75 et 32 mètres carrés. aire commune est alors appe lée l'aire
du domai ne.
L'incertitude sur le résultat est encore éle- Il est plus facile de défi nir les domaines
vée mais elle ne peut que diminuer avec d 'aire nulle pui squ ' il suffit alors de se
la taille des carrés. Afin d 'être plus pré- limiter à l'aire extérieure:
cis, noton sj(E) la meilleure incertitude Une partie D du plan est d 'a ire nulle si,
que l'on pui sse obtenir avec des carrés pour tout E > 0 , D est inclus dans une
de côtés E. Cette fo nction j(E) décroît ré union de carrés dont la somme des

Hors-série n° 50. L'intégrale Tcingent:e 25


SAVOIRS Aire et intégrale

aires est infé rieure à E . de primiti ve. En effet, si f est continue


On démontre alors qu ' un domaine borné (et pos iti ve), le domaine situé sous la
es t qu a rrabl e s i e t se ul e me nt s i sa courbe d'équation y = f(x) entre les abs-
frontière est d 'aire nulle. En particulier, cisses a et x est quarrable donc possède
tout domaine limité par des courbes une aire, que l 'on note F (x). L'aire sous
usue lles (segme nts de droites, arcs de la courbe entre les abscisses x et x + h
cercles, de coniques ou plus généralement vaut F(x + h) - F(x), que l'on peut
de cou rbes d 'équ ation s y =f (x) o u approx imer par un rectangle de largeur
x =f(y), où f est une fo nction continue) h et de hauteur f(x), soit :
est quarrable. Ces définition s et cette F(x + h)-F(x)- hf(x). On en déduit que
propri é té s'é te nd a ux volum es des F est déri vable et que sa déri vée est f.
domaines de l'espace. On parle alors de Autrement dit , Fest une primitive def.
domaines cubables (en passant du pl an
à l ' espace, les carrés sont re mpl acés
par des cubes), et un domaine borné
F (x +h) - F (x)
est cubable si et seulement si sa frontière /(x) ········ ············
est de volume nul.
De façon plus générale, dans un espace
de dimension fini e quelconque, on parle
de mesure et de domaines mesurables. X x +h
Le théorè me précédent devient :
Un domaine borné est mesurable si et Approximation de la différence
seulement si sa fronti ère est de mesure de F entre x et x + h.
nulle.
Ces définiti ons montrent la proximité La relation entre aire et intégrale per-
des notions d' aire et d' intégrale. Pour pré- met parfois de calculer des intégrales ...
ciser la question au niveau du calcul , sans calcul. Considérons,
examinons le cas de l'aire du domaine
située sous la courbe d'équation y = f(x)
par exemple J( VI - x
0
3
- ~ l - x 5 )dx.

où f est une fo nction positive sur un seg- Un calcul numérique, effectué avec un
ment [a, b] . Si fes t intégrable au sens log ic ie l de ca lc ul fo rmel, pe rm et de
de Riemann sur [a, b], ses sommes de conjecturer que cette intégrale est nulle.
Da rbo ux in fé ri e ures e t supé ri e ures Cela corres pond à l'éga lité des deux
1 1

convergent vers I 'i nté- intégrales p .h-x 3 dx et J ~ l -x 5 dx . La


b

grale Jf(x)dx. En choi- 0

première intégrale correspond à l'a ire


0

sissan"t une subdivision sous la courbe d'équation y = V1- x 3 •


y adaptée, ces so mmes Cette aire ca lculée sous la fo rme Jydx
correspondent aux car-
rés ci-dessus et mon-
tre nt que le do ma ine
peut auss i bie n l'être en in versant les
axes, so it so us la for me xdy. Or,
3
y = ~ équi va ut àx= l -x 5 e t ,
f
est quarrable et que son quand x varie entre O et 1, y varie éga-
aire est égale à l' inté- le ment entre O et 1, donc
1 1
grale def. JVI-x dx = J~I - /
3
dy , ce qui prouve
0 X I La prox im ité de ces 0 0
Aire sous la courbe d'équation notions peut également le résultat.
y= v1- x 3 • être vue via la noti on H.L.

Tc:ingente Hors-série n°50. L'intégrale


par Herve Lehning · EN 'BREFa

La quadrature de la cycloïde
Voyons la méthode des indivisibles à l' œuvre
sur l'exemple de la cycloïde, courbe décrite
par un point d ' une ro ue roulant (sans glisser)
sur une ligne droite .
Pour calculer l' aire sous l' arche d ' une cycloïde,
Roberval , inventeur de la balance qui porte son
nom, fabriqua une arche de cycloïde en zinc et
la pesa. Il en dédui sit la conjecture suivante :
A l'aire de la cyc loïde est le triple de celle du
Arche de cycloïde, lieu d' un point de la circonférence cercle qui la génère. Comment le démontrer ?
d 'un cercle roulant sur une droite. Pour cela, Roberval définit d 'abord une nou-
Ici les longueurs OA (compté sur la droite) et AB velle courbe, qu ' il nomme la compagne de la
(compté sur le cercle tangent en A) sont égales. cycloïde, en reportant les segments AB du cercle
initial en CD le long de la cycloïde. Il remarque
que cette courbe est symétrique (par rapport au centre du rectangle de contour marron sur la fig ure). L'aire
en vert sous la compagne de la cycloïde est donc la moitié de celle du rectangle , soit :n:R2 , l'aire du cercle
générateur.

La courbe compagne de la cycloïde est le lieu des points


D quand A décrit le demi-cercle de gauche.
Par construction, selon la méthode des indivisibles
2R (voir page 10), les aires en bleu sont égales.

D 'autre part, la méthode des indivi sibles permet d ' af-


firmer que l'aire sous la cycloïde mai s au-dessus de
:n:R sa courbe compagne est égale à l'aire du demi-cercle ,
car elles sont engendrées par des segments parallèles de même longueur. En fait, on retro uve deux fois
la même somme de petits rectangles, comme la fig ure sui vante le montre :

Les segments décrits précédemment doivent être compris avec une épaisseur
pour voir le lien avec l'aire. Pour obtenir le résultat en toute rigueur,
il s'agit ensuite de faire un passage à la limite.

Hors-sene n 50. L'integrale Tan.gente


HISTOIRES par Jean-Philippe Villeneuve

la construction de
l'intégrale de Cauchy
L'intégrale a d'abord été introduite comme l'opération
inverse de la dérivée. Cauchy a réussi à unifier les techniques
de calcul d'aire sous une courbe, à faire un lien entre le calcul
de l'aire et la recherche de primitives.

n 1823 , Augustin Loui s Cauchy Or, l' inversion des règles de déri vation
RU, U M I:. UI:.~ U (O , s

E publi e qu arante leçon s sur le


calcul différentiel et intégral dans
le Résumé des Leçons données à l 'École
ne fonctionne pas pour toutes les fonctions.
Par exemple, la ta ngente ou la sécante
(secx = l / cosx) n 'ont aucune fo nction
royale p o ly techn iqu e s ur le calcul de base co mme dé ri vée. De plu s, il
infinitésimal . On y retrouve plu sieurs n'ex iste pas de règle d' intégration pour
innovation s : la définition « intuitive» la multiplication ou le quotient de deux
. . ...... _______.__ ..... de limite pour remplacer les infinitésimaux fo nctions ni pour la composition de deux
...,
e t pour d é finir la co ntinuit é e t la fo nctions. C'est pourquoi des techniques
convergence d ' une série ; les suites de d' intégration ont été développées. Cauchy
RM t~ llES LE(ONS SUR C auc hy ; les sommes de Cauchy ; la e n prése nte qu e lqu es- unes dans so n
LECALC L di stinction entre )' intégrale défini e et Résumé:
INFINITÉSlMAL
l' intégrale indéfini e ; ou e ncore une • L' intégrati o n directe des fo ncti o ns
démonstration du lien entre l' intégrale (Leçon 27),
définie et indéfinie. Bref, avec ces travaux, • L' intég ra ti o n p a r c ha nge me nt de
l' intégrale ne sera plus sous l'emprise de variables (Leçon 27),
la d é ri vée e t les math é m a tiqu es • L' intégration par parti es (Leçon 27),
X -::. çllipsc,
deviendront plus rigoureuses. • L' intég ra ti o n p a r s ub s t ituti o ns
tri gono métriques (Leçon 27 , Leçon
Dans l'ombre de la dériuée 30),
• L' intégration de fo ncti o ns tri go no-
Newton et Leibniz ont introduit l'intégrale métriques comme le produit
afin de résoudre le problème inverse de (sin 111x) (cos"x), avec m et n deux entiers
la déri vée : une dérivée étant donnée, (Leçon 31),
trou ver sa primitive . L' intégrale était • L' intégratio n par fracti ons partiell es
donc perçue comme l'antidérivée, et les (Leçon 28).
règ les d ' intégration s' obte naie nt par On co nn a issa it éga le me nt un e
l'équ ivalence suivante: interprétation géométrique de l' intégrale,
en tant que calcul d 'a ire, mais aucune
d
dx (F(x)) = f(x) = Jf(x)dx = F(x) + C.
méthode n'ava it été développée afin de

28 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


calculer sous une courbe « quelconque » .
En fa it , on réso lva it ce pro bl è me po ur Lorsque l'intégrale deuient définie
des co urb es p a rt ic uli è res o u e n et indéfinie
approx imant la fo nction par des séries
de Tay lor. C' est ce que fa it Eule r e n Cauc hy comme nce e n force ses leçons
1748 d a ns so n li v re Introduction à sur le calcul intégral da ns le Résumé :
l 'analyse infinitésimale. L' innovation l' introduction d' une méthode pour calculer
d' Euler consiste à réinte rpréter le calcul l'aire sous la courbe de toute fon ction
diffé rentiel et intégral e n présentant la continue , méthode que l' on appell e ra
no ti o n de fo nc ti o n , ma is il co nse rve les sommes de Cauchy. Il dé montre que
néa nm o in s l ' int ég ral e c omm e ces sommes conve rgent vers un nombre
l' antidéri vée. réel, qu ' il appe lle l' intégrale définie et
qu ' il note, sui vant Fourie r, f a
b
f(x)dx .

So itf une fon ction continue sur [a, b] et


soitP= {x0 , ... , xn } ,
avec a = x0 < ... < x 11 = b, une partiti o n
du mê me intervalle . Alors une somme
de Cauc hy def se calcule comme suit:

2
Il

S= (X; - X;_ 1)f(x;-i )·


i• I

Une somme de Cauchy de f (.r) ~ ..1 + 1

Leonhard Euler (1707-1783).

En 1797 , Lag range introduit le te rme


fonction dérivée et la notation « prime »
dans son ouvrage Théorie des fo nctions
analytiques. Il tente de définir l'intégrale
san le recours aux infinités imaux, car
depui s Newto n e t Le ibniz ces nombres Pour calculer ces sommes, qui représentent
infiniment petits étaient parfois considérés une vale ur approchée de l'aire sou s la
non nuls, et parfois considérés nuls dans courbe , Cauchy est ingénieux : il replace
les ca lc ul s . Cauc hy introdui ra la notio n les élé ments de la partition par une suite
intuiti ve de limite po ur re mpl acer les géométrique {a, aq, aq2, ...,acj' = b} avec
infinités imaux . q = (bl a) 11", ou par une suite arithmétique
Lagrange fut le pre mie r à « dé mo ntrer » {a, a + k , a + 2k , .. . , a + nk = b} a vec
le lie n e ntre l'antidé ri vée e t le calcul k = (b - a)/ n. Dans le pre mie r cas , les
d ' a ire so u s un e co urb e. Or , sa sommes de Cauchy de vie nnent :
dé mo nstration est très sommaire , c'est-
à-dire qu ' il n ' ava it a uc une façon de
S= 2 (a q;+ i - al)f(aq;)
11 - I

i-0
n- 1
définir la fo nctio n d 'aire sous la courbe .
Cauchy en présentera une plus rigoureuse.
= a(q - 1) 2 q;f(a q;).
i•O

Hors-série n° 50. L'intégrale Ta.n9ente


L'intégrale de Cauchy

uniforme afin de montrer que les sommes


de Cauchy forment une suite de Cauchy
lorsque la partition est raffinée. Il affirme
Augustin Louis donc avoir démontré que les sommes
Cauchy de Cauchy d ' une fonction continue
(1789-1857). convergent vers un nombre réel ... alors
qu ' il démontre en fait que les sommes
de Cauchy d ' une fonction uniformément
continue sont des suites de Cauchy !
Même les plus grands mathématiciens
ne sont pas à l'abri d ' une confusion . ..
Cauchy introduit l 'intégrale définie
comme la limite des sommes de Cauchy.
Pour la fonction puissance (fi.x) =xc) , le
Dans le second cas, on a: calcul de la Limite des sommes de Cauchy
S=b-aÎJ(a+ib-a) · est le suivant :
b a(bc+ 1 - a c+I)
n ;.o n x cdx =lim
En exemple, il calcule les sommes de f a a-0 (J +at•l -1
bc+I a c+I
Cauchy des fonctions qui à x associent
respectivementx, t!,a\x', 1 / x. Prenons c+1 c+1
f(x) = xC, avec c un entier naturel, et Or, cette limite peut s'écrire comme une
utilisons une suite géométriq ue avec différence entre deux valeurs d ' une
q =(bl a) 11" = 1 + a pourla partition. Le même fonction, en l' occurrence
X c+I
calcul devient :
11-\ F(x)=-.
S = ac+l(q- () c +l
2
i-0
q i(c+I )
. . bc+I
Ams1, - - - - - = - -
ac+I [ Xc+I ]x•b
.
n-1 i

= ac• 1a 2((1 + ay+') c +l c +l c+ l x- a


i•O De plus , cette fonction (nommons-la F)
est aussi une primitive def:

F I (x ) = -
(
-d- ( x c+1) =--x
C + ( c +l-1

c+ ldx c +I
= Xe = f(X) .

Une question vient donc naturellement


à l 'esprit: le calcul de la limite des
Cette technique est très intéressante , car sommes de Cauchy, qui est plutôt
les sommes de Cauchy ne s'expriment compliqué , peut-il être remplacé par une
plus comme une somme, mais comme différence entre deux valeurs d ' une
une expression qui ne dépend que de . fonction primitive ? Le théorème
Il est donc facile de passer à la limite et fondamental du calcul intégral affirme
d 'obtenir la va leur de l' intégrale ! La que c ' est possi ble. En fait , ce théorème
valeur approchée de l' intégrale devient permet de lier l' intégra le définie à
ainsi sa valeur exacte. l'i ntégrale indéfinie, et vice versa.
Pour démontrer que le s so mme s Pour lier l' intégrale définie à l' intégrale
convergent vers un nombre réel, Cauchy indéfi nie, Cauchy introduit la fonction
utili se un genre de « théorèm e des
moyennes », ainsi que la continuité
d'aire F(x) = J f(t)dt,
30 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale
INTÉGRALE DE RIEMANN

Il démontre que si f est co ntinue sur du calcul d' aire sous la courbe. Il n 'est
[a, b], alorsf est une dérivée de F. L' idée plus nécessaire de calculer les sommes
vien t de Lagrange. Si la fonction est de Cauchy!
croissante sur [x,x + h], alors l'aire entre Cauchy définit donc l' intégrale comme
x et x + h est comprise entre hf(x) et la limite des sommes de gauche d ' une
hf(x + h). fonction continue. D ' une part, il présente
,-.r
En posant F(x) = J f(t)dt, une définition plus générale des sommes
de Cauchy. À la Leçon 22 de ses Résumés,
hfix) s F(x + h) - F(x) :S hflx + h ). il considère les sommes suivantes :
En divisant par h et en passant à la limite, S = (x 1 -x0)f(x0 + 80 (x 1 -x0))
on obtient le résultat : + (x2 -X 1)f(x1 +81 (X2-X 1))
f(x) s F(x + h)- F(x) s f(x + h), + ... +
h (X - x11_1)JCx11- 1 + 811- 1(X - x11_,)) ,
11m . F(x + h) - F(x)
. f ( x ) s 11m s
. f( x + 1z) ,
11m où eo, e" ... , ell-l sont des nombres
•-o •-o h •-o quelconques positifs inférieurs à 1. Mais
soit F'(x) =f(x ) il n'e s t pas clair que ces nombre s
l..r ca lcul d'aire sous quelconques intéressèrent Cauchy, car
la rourbr dr / (.r ) = . ..2 + 1 il ne présenta que des sommes qu ' il
pouvait calculer.
/ (.r + /1 ) ..... . D 'a utre part , les généralisations de
l'intégrale de Cauchy porteront sur les
((.r ) ..................... . conditions à imposer à l'ensemble des
discontinuités d' une fonction. Cauchy lui-
même présentera le cas où cet ensemble
est de cardinalité finie : une fonction
continue par morceaux sera intégrable
n .- + Il si les limites à gauche et à droite aux
discontinuités existent. Au XIXe siècle,
Pour lier l'intégrale indéfinie à l'intégrale Peter Gustav Lejeune Dirichlet et Rudolf
définie , il faut remarquer que l'intégrale Lipschitz s'intéresseront au cas où les
indéfinie signifie toujours l' opération discontinuités sont infinies . Dirichlet
inverse de la dérivée . Si on réu ss it à posera une conjecture : une fonction est
trouver une primitive avec l' intégrale intégrable si, et seulement s i , ses
indéfinie , alors cette primitive peut être discontinuités forment un ensemble nulle
utilisée pour calculer l'aire sous la courbe, part dense. Lipschitz présentera un critère
car si Fest une primitive de J, alors : lorsque les discontinuités forment un
J. f(x)dx
b
= F(b)- F(a) .
ensemble ayant un nombre fini de points
d ' accumulation.
De plus, Cauch y d é montre que le s Riemann sera le prochain mathématicien
primitives de J ne diffèrent entre elles à ré interpré ter les recherche s s ur
que d ' une constante. Autrement dit : l' intégrale . Or, il croyait travailler avec
si F et G sont des primitives de J sur la même définition de l' intégrale que
[a , b], alors G (x) = F (x) + c pour tout Cauchy, a lors qu ' il caractérisera une
x de [a , b], où c est une constante dite nouvelle faço n d ' intégrer une fonction.
d 'intégration. Que sera donc l' intégrale de Riemann ?
Le problème de la recherche de primitives
permet donc de résoudre le problè me J.-P. V.

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente 31


SAVOIRS par Hervé Lehning

les sommes de Darboux


et de Riemann
Bernhard Riemann a défini son intégrale au moyen des
sommes qui portent son nom, ce qui a un intérêt pratique
pour le calcul de limites. Gaston Darboux a simplifié sa
définition... ce qui a un intérêt théorique, mais perd le
côté pratique.
aston Darboux eut l' idée de défi-

G nir l' intégration d ' une manière


particulièrement simple , mai s
en se limitant au cas des fonction s bor-
nées sur un segment [a , b] (avec a < b),
ne prenant que des valeurs réelles. Pour
cela , il considère les subdi visions du
segment [a , b], c'est-à-dire les suites
finies croissantes.
Une telle subdi vision a est donc la don-
née de points x 0 , x 1, ••• , x,, vérifiant : Gaston Darboux (1842-1917).
a= x0 < x 1 < ... < x,, =b . Outre les sommes portant son nom ,
On appelle pas de la subdivision a , et on on lui doit des études en géométrie
note p (a ), la plus grande longueur des des surfaces ainsi que le théorème
segments [x;, X;+i l de la subdivi sion a . selon lequel toute fonction
Si f est une fo nction bornée sur [a , b] et dérivée vérifie la propriété
a une subdi vision de [a , b], on consi- des valeurs intermédiaires.
dère la borne inférieure m ; de f sur le
segment [x;,X;+ il et sa borne supérieure Les sommes de Darboux inférieure et
M;ce qui , sauf exceptions, correspond au supé ri eure relativement à f et a sont
plus petit et au plus grand élément. respectivement défi nies par :
,,_ ,
s(a)= 2 (x;. - x;}m; et
1
;.o
11- I

S(a)= I (x;. - x;)M;.


1
Bornes de f sur i-0

un sous-segment. Si f est positive , ce sont des approxima-


tions de l' aire sous la courbe d'équation
y = f(x) , l' une par défaut et l'autre par
excès. Plus préc isément , si l' aire ex iste
X I·
(on la note alors A), pour toute subdivi-

32 Tcingent:e Hors-série n°50. L'intégrale


INTÉGRALE DE RIEMANN

sion cr, on a s(cr) :S; A :S; S (cr) et, de faço n


générale , il reste l' inégalité s (cr) :S; S (cr).
lEs? Sol"\ MES-:;i
cl.,- ~le.Mv." Ji Oa.rb1>11 ~

Sommes de Darboux inférieure


et supérieure pour une fonction
et une subdivision données.
La fonction caractéristique
des rationnels
Ainsi, l' ensemb le des sommes de Dar-
boux inférieures est majoré, donc admet La fonction caractéristique des rationnels est la fonction
une borne supérieure s et l'ensemble prenant la valeur 1 en tout point rationnel et la valeur
des so mmes de Darboux supé rieures Oen tout point irrationnel. Si <Test une subdivision d'un
est minoré, donc admet une borne infé- segment [a, b], pour tout sous-segment [x;, X;+i1 tel que
rieure S . X;+i -X;~ 0, m;= 0 et M;= 1,
=
donc s (u) 0 et S (u) 1. =
nu sens de Darboux = =
On en déduit que, de même, s 0 et S 1, soit s < S.
La fonction caractéristique des rationnels n'est donc
Dans le cas où s =S, on dit que la fonc- intégrable au sens de Darboux sur aucun segment.
tion est intégrable au sens de Darboux
sur le segment [a, b], l' intégrale (de Dar-
boux) def sur [a, b] étant cette valeur com- Toute fonctio n f n 'est pas intégrab le
mune , que l'on note ,, au sens de Darboux , mê me sif est bor-
r fo u J f(x) dx. née, comme le montre !'exemp le de la
J 1,1.bl
fonction caractéristique des rationne ls
"
On démontre que , da ns ce cas, s(cr) (vo ir l'encadré). Bien qu 'e ll e soit sou-
comme S (cr) convergent vers cette valeur vent présentée autrement de nos jours,
comm une f f quand le pasp(cr) tend Bern hard Riem ann ( 1826- 1866) pré-
J [ll.b]
se nta it son intégrale par des so mmes
vers O. On peut d 'ailleurs définir l' inté- proches de ce ll es de Darbou x : les
grale ai nsi. so mmes de Ri e mann.

Hors-série n° 50. L'intégrale Ta.ngente 33


SAVOIRS Les sommes de Darboux

Pour les définir, nous avons besoin de la me nt l' intégra le , les sommes de Ri e-
notion de subdivision pointée. Il s' agit mann ont de plus un intérêt pratique, pour
d ' une subdivi sion a où on a choisi de calcul er des limi tes . Bien souve nt , on
plus un point ç; dans chaque segment y utili se des subdi visions plus simples ,
[x;, X;+i l de la subdivi sion . On la note les s ubdi v isions e n segments égaux ,
(a,ç). La somme-de Riemann d'une fonc- cela donne le théorè me sui va nt :
tion boméef associée à une subdi vision Si une fonction! est intégrable au sens
pointée (a, ç) est égale à de Riemann sur un segment [a , b] et n
11- I

L (a , ç) = L (x;+i - x)f(ç;).
i-0
b-a
est un entier, on pose X; =a+ i - - et
n
Cette somme est naturellement encadrée o n considère un point Ç; dans chaq ue
par les sommes de Darboux : segment [x;, X;+il de la subdi vis ion ainsi
s(a ) 5 L(a, ç) 5 S (a). , , I , b-a
o b tenue . S on pas etant ega a - - ,
11
b n- 1 b
flu sens de Riemann lim ~
,,_ ao n
L f( ç;) =
i-0
Jf( x )dx.
"

Si la fonction est intégrable au sens de En considérant la fo nction x ~ xa (pour


Darboux , s(a) et S (a) tendent vers a~ 0), on en déduit que
f J quand le pas p(a) tend vers 0 , -I
J " ( ·
.!_
)a---+
I
J x dx ,cequi implique que
0

J 1a.bJ
n. ;. 1 n o
donc L(a, ç) aussi. Riemann avait défini la somme Ia + 2a + ... + n a éq ui va ut à
a+I
ain si son intégrale : f est intégrable au 11
- - quand n tend vers l' infini .
sens de Riemann si et seulement si L (a, ç) a+ 1
tend vers une limite quand le pas p(a) D e meme, o n d emo
A ' f --.
ntre que LJ I
tend vers O. Cette limite est par défini- ;. 1 11 +1
tion l' intégrale def sur [a, b] . Il est rela- converge vers ln 2. Les exemples sont
tivement facile de montrer que les deux no mbre u x et toute som me du type
n- 1
définition s sont équivalentes, et que la L f( ,;;) fai t penser à ce théorème ... ce
définition de l' intégra le de Ri e mann ;.o
donnée ici équivaut à celle donnée au qui exige parfois de penser à passer au
moyen des fonctions en escalier. loga rithm e, comme dan s le ca s de
La définition de Riemann est plus géné- 1 (Zn)! L 1· . , 1e a'4 / e.
-" - - . a 1m1te est al ors ega
rale que ce lle de Darbou x pui squ 'ell e n n!
couvre directe ment le cas des fonc -
tion s à valeurs compl exes , et mê me à H.L.
va le urs dan s des espaces plu s compli -
qués . L' important étant qu ' on pui sse y
additionner les é lé me nts et les multi -
plier par des nombres réels, ainsi qu'en
calculer les limites (la définition englobe
don c les es paces vectoriels réels de
dimens ion finie).

flpplications pratiques

Si les sommes de Darboux n 'ont qu ' un


intérêt théorique , pour défi nir simple-

Ta.ngent:e Hors-série n°SO. L'intégrale


par H. Lehning & J.-A. Roddier EN BREF

les planches des dictionnaires Roberual et la méthode


des indiuisibles

En des temps où l' image était largement sup-


plantée par le texte , un des attraits du diction-
naire résidait dans ses illustrations.
En 1902, Pierre Larousse présentait ainsi
un dictionnaire non seulement « complet »
mais « illustré ». On y trouvait des« planches »
donnant les aires et volumes des figures géo- Gilles Personne de Roberval (1602-1675).
métriques usuelles.
« Venons-en maintenant aux indivisibles, puisque
je dis qu'ils sont pour quelque chose . Le très illustre
Cavalieri les a-t-il inventés avant nous? Je L'ignore.
Je sais pourtant ceci : cinq ans avant qu 'il ne L'ait
dévoilée, cette doctrine m'a été utile dans la réso-
lution complète de ces difficiles propositions. Mais
ne t'inquiète pas, je ne retirerai pas L'invention
d'une si sublime doctrine à un tel homme. Qu'il en
dispose donc et qu 'il en prenne possession; qu 'en-
fin , il jouisse du titre d'inventeur. »
Lettre de Roberval à Torricelli ,
juin 1647.

Comme le cite lui-même Roberval , Cavalieri est


reconnu comme l'inventeur de la méthode des indi-
visibles; pourtant, Roberval l'a utilisée avant lui.
La raison tient en la démarche scientifique de
l'époque, très éloignée de la nôtre. On gardait ses
méthodes secrètes pour être le seul à les utiliser
dans les nombreux défis et concours qu ' on se lan-
çait, et qui portait souvent sur la même question. Il
est donc probable que la méthode des indivisibles
soit l'œuvre de Roberval plus que de Cavalieri.

Hors-série n• 50. L'intégrale Tcingent:e


1

Hl.~TiO,I R.E S i par Jean-Philippe Villeneuve

l'intégrale de Riemann
Riemann présenta l'intégrale comme le fit Cauchy, mais il ne
l'utilisa pas. Par contre, il démontra l'équivalence entre deux
conditions d'intégrabilité. Par la suite, l'intégrale de Riemann
généralisée ajustera la partition au comportement de la
fonction considérée.
n 1854, Bernhard Riemann ( 1826- co mme la co nverge nce des so mmes

E 1866) présente l' intégrale dans une


courte Note de trois paragraphes
qu' il inclut dans son mémoire la Possibilité
« qu e lconques » d ' un e fo nc ti o n
« quelconque », alors que Cauchy l'avait
définie pour le s so mmes de ga uc he
de représenter une fonction par une série (E; =0 pour tout indice i) d ' une fonction
trigonométrique. Or, cette Note sera une continue. C'est pourquoi les term es
préci sion , une généralisation et une « sommes de Riemann » et « intégrale
réinterprétation des recherches de Cauchy de Rie mann » remplacent maintenant
s ur l ' intégration et m è nera les les termes « sommes de Cauchy » et
mathématiciens à introduire une toute « intégrale de Cauchy » dans la plupart
nouvelle façon d ' intégrer une fonction. des manue ls.
Ces quelques paragraphes auront donc Une somme avec bomcs quelconques de
tout un impact sur les mathématiques ! (( .,·) i+ 1

Deux conditions d'intégrabilité

Riemann commence sa Note par une


question sur le sens de la notation
J: f(x)dx. Il affirme que l'intégrale définie
b

fait sens lorsque la so mme sui vante


converge :
S = oif(a + E101 ) + 02j(X 1 + E202)
+ OJ{x 2 + ë 3o3) + ... Or, Riemann n' utilise pas cette définition
+ ànf(xn- 1 + Enà) , de l'intégrale et ses recherches mèneront
lorsque les à; et les E; tendent vers O. les mathé mat ic ie ns à introduire une
Les à; = X; - X; _ 1 proviennent d'une deuxième façon de définir l' intégrale .
partition de [a, b] et O:s; E; :s; 1. Riemann En effet, Riemann affirme s ' intéresser
pose do nc la définition de ! 'i ntégrale à la définition de « l 'intégrale dans son.
dan s toute sa généralité, c ' est-à-dire sens le plus étroit », c'est-à-dire lorsque

36 Tangente Hors-série n•so. L'integrale


les fonctions so nt bornées et que ces intervalles où l'oscillation de la fonction
sommes convergent. Sous cette hypothèse est grande peuvent être rendus aussi
(qu ' il n ' utili se ra pa s), il démontre petits que l'on veut. De façon plus précise,
l'éq uivalence e ntre deux conditions Riemann montre l'équivalence entre les
d' intégrabilité. L' une de ces conditions deux conditions suivantes :
contient une nouvelle façon de définir
l' intégrale ; ! 'autre contient une nouvelle CRl : la fonction est à oscillation moyenne
façon de caractériser l' intégrabilité d' une nulle , c'est-à-dire que
fonction. "
lim ~D;c5; = lim (D,c5, + ... + D,,c5,,)
ô,-o i- l 6,-o
D'une part, l' hypothèse est problématique, où les O; sont les longueurs des sous-
car il n'y a rien qui assure qu 'une fonction intervalles I; = [x;_1, X;] d ' une partition
qui sat isfa it l' une des conditions so it P de [a, b] et D; = D1, ,_, .,, 1 est l'oscillation
intégrab le , c'est-à-dire que ses sommes de la fonction sur ces sous-intervalles.
de Riemann convergent. D 'autre part , CR2 : la somme totale des intervalles où
Riemann s' intéresse aux fonctions bornées l'oscillation de la fonction est plus grande
et tente de caractériser leur comportement, que a peut être rendue aussi petite que
tandi s que les recherches sur l' intégrale voulu. Autrement dit :
de Cauchy portent sur les conditions à (v't:>0) (Va>O) (3d>0) (Pune partition)
imposer à! 'ensemble des di scontinuités Cii P Il < d => s(P, a) < t:),
d' une fonction« continue » afin qu 'elle où s(P, a) représente la somme des O;
soit intégrable. Ainsi, Riemann réinterprète pour lesquels D;>a. Les symboles V et
la façon de caractériser l' intégrabilité 3 signifient respectivement « quel que
sans ré interpréter l' intégrale ! so it » et « il existe».
Les deux conditions d ' intégrabilité
présentées par Riemann portent sur Riemann utiljse CR2 pour montrer qu ' une
l'osc illation d ' une fonction sur un fonction dont l'ensemble des points de
intervalle. Soit f une fonction bornée discontinuité forme un ensemble dense
sur 1 = [a , b]. Alors l'oscillation D 1 de est « intégrable ». Une telle classe de
f sur I est la différence entre sa borne fonctions est importante car elle est un
supérieure et sa borne inférieure sur cet contrexemple à la conjecture posée par
intervalle: 0 1 = sup(J(x))- inf{J(x)) . Dirichlet dans son fameux article de
xS xS
1829 : une fonction est intégrable au
Des oscilla1ions de
/(.r) = 4 .r3 - 16 .r ' + 12 .r+ 12
sens de Cauchy si et seulement si ses
lb discontinuités sont nulle part denses .

Intégrales par excès et par défaut

En 1873 , I 'Allemand Carl Johannes


Thomae (1840-1921), puis en 1875, le
Français Gaston Darboux (1842-1917),
!'Italien Giulio Ascoli (1843-1896) et le
Britannique Henry John Stephen Smith
( 1826-1883) introduisent une nouvelle
façon de calculer l' intégrale à partir des
L' idée du critère d'intégrabilité est qu ' une travaux de Riemann. Les innovations
fonction doit être intégrable s i le s de ces travaux sont d ' introduire les

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente


. .R. ES
HISTOl1 L'intégrale de Riemann

so mmes d e Riem a nn supérieures e t le sommes de Riemann supérieures ou


inférieures d ' une fonction bornée , de inférieures ne soient pas un cas particulier
démontrer qu 'elles convergent toujours de so mmes de Ri emann . C'est le cas
vers ce qui sera appelée, avec les travaux pour la fonction g (vo ir le schéma ci-
de Vito Volterra ( 1860- 1940) de 188 1, dessous) s ur un sous- interva lle de la
l' intégrale par excès et l' intégrale par partition assez petit qui contient x = 2.
défaut , et de définir qu ' une fonction est
intégrab le lor que ces deux nombres Graph ique de ,,.'( r )

sont égaux. Formellement , les sommes


sont les sui va ntes :
s.(f,P,, )= }: ( sup f(x))(x 1 - x1_ 1) et
i- 1 (x,_ 1.x, )

s .(f,P,, )= }:( in f f(x) )(x1 - x1_ 1 ) .


- i-l lx,_ 1 , r, J

Elles convergent respective ment vers


b

S. (f,P,, ) et
f f(x)dx = IPlim
g , -OI

f" f(x)dx = IPlim S.(f,P,, ).


, -01-
Lorsque l' intégrale par défaut est éga le
Une somme de Riemann supérieure de
à 1' intégrale par excès, la fo nct ion sera
f( .r ) • 4 .r J - 16 .r"' + 12 .r + 12
dite intégrable . Cette nouve ll e façon
de défi nir l'i ntégrale porte parfoi s le
nom d'intégrale de Riemann, parfois
d'intégrale de Darboux. D' une part , il
est facile de voir que cette éga lité e t
équiva lente à la condition CR 1, car on
peut réécrire CRI pour fa ire apparaitre
les sommes supérie ures et inférieures .
Elle provient don c des tr avaux de
Rie mann et plu sieurs mathématiciens
l'ont dé montrée e n même tem ps.
Une somme de Riemann infêricurc de
'
/( .r) = 4 ..- J - 16 .r+ l2 .r+ l2
D 'autre part , Darbou x sera le seu l à
e n fa ire un e é tud e ap profondi e. Il
dé montrera le théorème fondamental du
ca lc ul pour cette nou ve ll e défi nition ,
l ' é qui va le n ce pour les fonction s
continues entre l' intégrale « de Cauchy »
et l ' intégra le « de Ri ema nn », et
prése nte ra un critère d ' intégrab ilité
plu s s impl e que CR2.
Or, les deux versions de l' intégrale de
Riemann sont mainten ant éq ui va lentes
li peut arriver que la borne supérieure pour les fonctions bornées (que l' on
ou la borne infé rieure ne so ient pas définisse l' intégrale comme la convergence
atteintes sur un interva lle , et donc que des so mm es de Ri e ma nn o u co mme

38 Tangente Hors-série n•so. L'intégrale


l'égalité entre les intégrales par défaut
et par excès, on obtie nt la même cl asse
de fo nctions). Alors, quel nom doit-o n
choisir?

Des problèmes insolubles

Les généra li sati on de l' intégra le de


Ri e mann (voi r par a ill e urs d a ns cet
ouvrage) commencent par la simplification
de la condition C R2. Dans le contexte
des fonctions continues, Darboux traduisit
la condition C RI en terme d 'epsil on-
delta : une fo nction est intégrabl e au
sens de Riemann si
(Ve > 0) (3 d > 0) (VP une partition te lle
que Il P Il< d), l'oscillation de la fo nction
sur chac un des sous- inte rva ll es de la
partition est inférieure à e (c'est-à-d ire
D; = supf(x)- in f f(x) < e) .
Cette condition' dev iendra (Ve > 0)
(3P partition), SR(f ,P)- SR (f ,P) < e.
Giuseppe Peano ( 1858- 1932) présente Giuseppe Peano (1858-1932).
en 1883 une conditi o n d ' intégrabilité
avec les sommes de Rie mann : (Ve > 0 ) fonctions réelles définies sur un intervalle
(3 d > 0) (VP, Q , deux partiti ons) te lles de nombres réels. Camille Jordan (1 838-
que Il Pli< d , Il QII < d, alors 1922) présente en 1892 l' intégrale de
I SR(f, P) - SR(f, Q ) 1 < e. Riemann dans le contexte des fonctions
de plu sieurs vari ables rée lles, et pour
Il suggère également une interprétation ce fa ire il développe, tout comme le fit
géo métrique, qu ' il préc isera e n 1887 Peano, un e théori e de l' éte ndue . En
lorsqu ' il présentera la théorie de l'étendue 1894, Thomas Joannes Stie ltjes ( 1856-
(la théorie à l'origine des théories de la 1894) propose une autre générali sation
mesure) et une interprétation de l'intégrale d ans laqu ell e le dx est re mpl acé par
da ns IR, IR 2 et IR 3 . une fo nction cp(x) monotone croi ssante.
He nri -Léo n Le besg ue ( 1875- 1941 ) Les sommes dev iennent alo rs
dé mo ntrera e n 1902, d a ns sa th èse
Intégrale, Longueur, Aire, que les fonctions
i: f (c;)q,(x; - X;_ ,).
"
i- 1

intégrables au sens de Rie mann sont les Ma is l' intégrale de Riemann rencontre
fo ncti ons co ntinues presque parto ut , quelques problèmes insolubles. En 1875,
donc les fonctions dont les discontinuités Darboux présente des séries de fonctions
fo rment un ensemble de mesure nulle. intégra bl es a u se ns de Ri e ma nn qui
convergent vers une fo nction qui n'est
Ces gé néra li sati o ns de la co nditi o n plus intégrable . En fait , il démontre que
d' intégrabilité permettent de déterminer la convergence do it être uni fo rme pour
l'ensemble des fo nctio ns intégrabl es év iter ce cas . En 188 1, Vo lterra donne
au sens de Riemann dans le contexte des un exemple d' une fonction dérivée bornée

Hors-série n• 50. L'intégrale Ta.ngent:e 39


HISTOIRES L'intégrale de Riemann

La définition est la sui vante : une fonction


f: [a, b] - ~+ est intégrable au sens
de Kurzwe il- Henstock s' il ex iste un
no mb re rée l L te l que, qu e l qu e soit
E > 0 , il ex iste une parti tion
Pt = {x0 ,xl' ... , x,,} de [a,b], un pointage
de la partiti on {c;: X;_ 1 :S c; :S x;} et une
j auge jt : [a, b] - ~+ avec
C; - j/c;) < xi- 1 :$ C; :$ X; < C; + j/c;) ,
r,our tout 1 ==,; i ==,; n , te ls que .
1t f(c; )(x; - X;_ ) - LI< E.

Toutes les fon cti ons intégrables au sens


de Ri emann seront intégrables au sens
de Kurzweil- Henstock, parce que
lx;-X;_1 I< 2j/c;) pour tout indice i . De
plus , il ex iste des fo ncti ons non bornées
qui seront intégrables , de même que des
fo ncti ons dont les di scontinuités sont
d e mes ure pos iti ve. Pa r exe mpl e la
fon ction de Dirichlet sera intégrable. La
fo nction d e Dirichlet assoc iée à un
Johann Peter Gustav Lejeune Dirichlet intervalle est la fo nction qui va ut l en
(1805-1859). les rationne ls de l' intervalle, et O ailleurs.
En co ns idé rant une é numé rati o n des
qui n'est pas intégrable et qui ne s'exprime nombres rationnels Q = {q; : i E N }, la
pas sous la forme d 'une série . Le problème jauge à utili ser est
vient de ses di scontinuités, qu i forment
un ensemble de mesure positive.
. _{El 2; Si.
J, (x)-
X = q;
.
I sinon
Une solution est proposée en 1957 par
Jaros lav Kurzwe il (né en l 926) e t e n La convergence uniforme de séries pourra
1961 par Ralph Henstock (1923-2007). aussi être remplacée par la convergence
L ' id ée es t d e rempl ace r , d a n s l a monotone ou la conve rgence dominée.
définition de l' intégral e de Ri e ma nn , Un autre avantage est que le théorème
les deltas (à; = x ; -X;_ 1) par des fonctions fondamental du calcul peut être démontré
de x. Ces fonction s seront e n fa it des unique me nt avec la conditi o n que la
jauges, donc des fon ction s stricte ment dérivée def doit ex ister, alors que pour
positives défini es s ur un inte rv a lle de l' intégrale de Riemann (et de Lebesgue)
nombres rée ls. (L es jauges ont e n fa it la dérivée doit être intégrable. Cette idée
été introduites par le mathé matici e n de voir les deltas comme des jauges aura
fran ça is Pierre Cousin en 1894 dans le donc permi s d 'amé liorer l' intégrale de
conte xte du prolongeme nt anal ytique Rie mann!
de fon ctions à n variables complexes.) J.-P. V.
Ces j auges permettront de conte nir le
comportement indésirable d' une fonction
e n aju stant les sou s-interv a ll es de la
partition à la fonction.

40 Tangente Hors-série n·so. L'intégrale


par Jean-Alam Rodd1er EN BREF
Pour déterminer une probabilité,
calculez l'intégrale ! l'expérience des aiguilles de Buffon
Dans l'ex pé rie nce des a iguilles de Buf- Le comte de Buffo n , botani ste français du XVIIIe s iècle ,
fo n, l'aiguille to mbe à cheval sur la lame est connu des mathé matic iens po ur une expé rie nce célèbre
de parquet que l' o n re ncontre e n par- qui lui est attribuée : ! ' e xpérie nce des aig uilles de Buffon .
coura nt le parquet da ns le sens de la
fl èche unique me nt lo rsque a est te l que
- a 1 5 a 5 a 1 et compris dans l' interva lle
]- n / 2, rc / 2[.

î
No us avo ns a lors la re latio n X = cos a 1• On se pl ace dans une salle do nt le sol est e n lames de par-
Par a ille urs , quets. On lance (au hasard) sur ce parquet des aig uilles
- a 1 5 a 5 a 1 <=> cos a 2:: cosa 1 = X. qui o nt to utes, pour long ue ur, la largeur (supposée uni -
Définissons A 1 ! 'évèneme nt « L' a ig uille ta ire) des la mes de parque t. Pour c haque aig uille, de ux
to mbe à cheval sur la pre mière lame que cas pe uvent se présente r :
l'on rencontre dans le sens de la flèche ». • e lle se re trou ve à c he va l sur de ux la mes de parquets ;
A 1 correspo nd aux couples (X , a) te ls • e lle reste sur une seule la me de parque t.
que - n / 2 5 a 5 n / 2 et O 5 X 5 cos a,
qui défi ni ssent une rég io n 0 1 du pla n . Cherchons la probabilité qu ' une a ig uille ,
On pe ut a lo rs ca lc ule r la probabilité de une foi s lancée, se retrou ve à c heval sur
A,: de ux la mes de parquets.
Aire( D 1)
P(A ) = - - - ~ -- La position d ' une a iguille, une foi s qu 'elle
I Aire ([O, IJ x [- n , nJ) a atterri sur le parquet, dé pe nd des valeurs
rr/2

f cosada pri ses par de ux variables aléatoires. Une


-rr./2 premiè re variable aléatoire, X , est égale
2n à la di stance qui sépare la tête (en rouge)
1[ . ]rr/2 2 1 de l'aig uille du bord de la pre mière lame
= 2rc Slll C/ -n/2 = 2rc = -;:;:· X
que l' on rencontre en parcourant le parquet
Cette é tude pe ut ê tre re pri se à I' ide n- dans le sen s de la fl èche.
t
tique pour déte rminer la probabilité de
l' évène me nt A 2 , « L'a ig uille to mbe à La seconde variable aléatoire , a, est l'ang le
cheva l sur la pre miè re la me que l'on orie nté re présenté sur la fi g ure c i-contre.
re ncontre dans le sens in verse de celui L'expé rie nce cons iste donc à produire un
de la fl èche » . On tro uve P(A 2) =P(A 1). couple aléatoire (X , a) é lé me nt du pro-
La probabilité que la la me to mbe à c he- duit cartés ie n [O , 1[ x [O , 2rc[ . Parmj ces
val sur deux lames de parquet vaut do nc couples , certa ins seul e me nt vont corres-
2 / n. Dans ce résultat, la prése nce den pondre à une pos ition de l'aig uille à c he-
est éto nn ante, car le pro toco le ne fa it va l sur de ux lames de parque ts .
inte rve nir ni di sques, ni cercles .

Hors-sene n 50. l'mtegrale Tangente 41


t:. s~~~irts.:. . ..· .· . . . ·
M j. 1 11 ~ • • ! • • ' f 1, ~ \ < • I • , • • ' • t .. j \
par Hervé Lehning

l'intégrale
pour mesurer des grandeurs
Le but initial du calcul intégral est la mesure des grandeurs :
aires, longueurs, volumes, masses, moments d 'inertie, et c.
Ce but implique pour l'intégrale certaines propriétés ... qui
éclairent ses divers sens. Elles expliquent ainsi plusieurs d e
ses approches , en particulier celle qui utilise les fonctions
en escalier.
our répondre au but du calcul inté- Ces quatre propriétés sont nature lles si

P g ral , on ch e rc he à définir un e
appli cation qui , à un seg me nt
[a , b] et à une fonctio n réelle f défini e
on lie l' intégrale à la notion d 'aire . Elles
abouti ssent à définir l' intégrale sur l'en-
semble des fo nctions continues par mor-
sur [a, b], associe un nombre que l'on ceaux, entre autres.
b

note J f(x)dx vérifi ant les quatre pro-


fonctions en escalier
priétés" sui vantes :
(1) l'additivité par rapport à l' intervalle, Tout d 'abord , les propriétés (4) et (2)
appelée auss i formu le de Chas les : amènent la définiti on de l ' intégrale des
fo ncti o ns co nstantes. La fo rmul e de
J f(x)dx = J f(x)dx + J f(x)dx,
a a b
Chasles ( 1) permet alors d 'étendre cette
définiti o n aux fo nctions constantes par
(2) la linéarité par rapport à la fo nc- morceaux, dites également « fo nctions
tion : en escalier », dont la définiti on est don-
J1af(x) + {3g(x) ] dx a JJ(x)dx + f3Jg(x)dx,

=
b b
née dans l'encadré Propriétés par mor-
"
0
° Ceaux, et dont l' idée est résumée dans
la fi gure c i-après.
(3) la positivité :
si f (x.) ~ 0 pour tout x .
a !> b) alors
b
E [a, b] (et
. ' )-----<
- .
'
>-------<
J f(x)dx ""0 , ' '
1 a b
(4) f dx =b -a. Graphe d ' une fonction constante
par morceaux.

42 Tangente Hors-serie n 50. L'mtegrale


. ' . ,: ' . ' :; INT,É GRALÉ DE RIEMANN
l q .•

À partir de là, si f est une fonction en Augustin Louis Cauchy


escalier, son intégrale a une valeur déter- fut le premier à définir
minée par les propri étés ( 1) à (4). Plu s rigoureusement !' intégrale
précisément, sif est constante sur chaque d'une fonction.
interva lle ] 1, 2[, ]2, 4[, ]4 , 5[, ]5 , 7[ et
]7, 8[ et y vaut 2, 3, - 4 , 5 et - 6 res-
pecti ve me nt , a lors so n intégra le sur
[l , 8] va ut :
2x l+ 3x2-4x l+ 5x2 - 6x l= 8.
En particulier, e lle ne dépend pas de la
valeur aux po ints de la subdi visio n . On
peut donc changer la valeur de f en un
nombre fini de po ints sans changer la
valeur de son intégrale. Propriétés par morceaux
Définir la notion de propriété par morceaux demande de
préciser celle de subdivision d'un segment. Il s'agit d'une
'' 1
suite ordonnée de points du segment commençant en son
~
origine et finissant en son extrémité. Par exemple, 1, 2 , 4,
5, 7, 8 est une subdivision du segment [1, 8]. Les intervalles
a b de la subdivision sont ici ]1, 2[, ]2, 4[, ]4, 5[, ]5, 7[ et ]7, 8[.
Une fonction est dite constante par morceaux (ou en esca-
Intégrale d'une fonction en escalier: lier) sur un segment s'il existe une subdivision de ce seg-
on compte positivement les aires ment telle que la fonction soit constante sur chaque
des rectangles en vert intervalle de la subdivision, ce qui n'implique rien aux
et négativement les rectangles en jaune. points de la subdivision.

De faço n généra le, si f est constante et


vaut m; sur ]x;, X;+ 1[ , a lors (\ ~
f
b

f(x)dx =
n- 1

~ m;(x;. , - X; ) +V ~~
1
"~
~ "-.Jr
1 1
· :
1 •
1

où a = x 0< x 1 < ... < x,, = b.


Bien sûr, cette définiti on n'est correcte
a b
que si on prou ve qu 'elle ne dépend pas
de la subdi visio n choi sie . .. ce qui est Graphe d'une fonction continue par morceaux.
relati vement fac ile. Il suffit de montrer
qu 'en ajoutant un po int à une subdi vi- Cette définition ne se généralise pas directement à toutes
sion convenable le résultat est inchangé. les propriétés par morceaux. La règle véritable comporte
Nous avons a in si défini l' intégral e des des contraintes aux points de la subdivision. La voici. Une
fo nctions en escali er sur un seg me nt. fonction est dite continue par morceaux sur un segment
Cette intégrale vé rifie les propriétés (l ) s'il existe une subdivision de ce segment telle que la fonc-
à (4) données en préambule. tion coïncide sur chaque intervalle de la subdivision avec
une fonction continue sur le segment ayant les mêmes
Extension aux fonctions continues extrémités. Autrement dit, la fonction est continue sur
tous les intervalles de la subdivision et a une limite à droite
La pro priété qui va pe rmettre d ' all er et une limite à gauche aux points de la subdivision.
au-de là des fo ncti ons e n esca lier est la

Hor -sen n 50. L'mtegr le Tangente 43


L'integral pour m

pos iti vité, o u plutô t ses conséque nces,


qui sont de nature analytiques et non plus
seule me nt a lgé briques. On dé mo ntre
une pro prié té d 'encadre me nt , valable à
ce stade pour les seul es fo nc ti o ns e n
escalier, mais qui l'est pour tout ensemble a
de fo nctio ns vérifi a nt les propriétés ( 1)
à (4): Fonction en escalier approchant
Si f, g e t h sont des fo nc tions e n esca- une fonction continue
I ie r s ur [a, b] (avec a s b) vé rifi a nt sur un segment. La fonction en escalier
f (x) s g(x) s h(x) pour to ut x de [a, b], est construite à partir d ' une subdivision
b b b
du segment en sept morceaux égaux.
a lo rs f J(x)dx s f g(x )dx s Jh (x)dx .
(I (I {I

Po ur dé mo ntrer cette pro prié té, il suffit Un no mbre E > 0 éta nt d o nné , l' uni -
d 'applique r la pos iti vité a ux de ux fo nc- forme continuité permet d 'assurer l'ex is-
tio ns g - f et h - g . te n ce d ' un no mbr e à > 0 te l q ue
Le second principe de l'extension est l'ap- lx - x ' 1 s à implique lf(x) - f(x') 1 s ë.
prox im ati o n des fo nc ti o ns co ntinues On c ho is it a lo rs n assez gra nd po ur que
par des fo nctio ns e n escalier. Po ur cela , (b - a)/ n < à. Ce la implique que
no us utili sons une proprié té des fo nc- cp11 (x)- E sf (x) s cp11 (x) + E en tout po int
tion s continues sur un segme nt , a ppe- x de [a, b] .
lée thé orè me de He ine :
Le no mbre A= J cp., (x)dx est calcul abl e
Toute fo nctio n continue! sur un segment a b

[a, b] y e s t uni fo rm é m e nt co ntinu e, d 'après ce qui précède et , s i f f(x)dx a


c'est-à-dire que, à to ut no mbre E > 0 ,
on pe ut fa ire c orrespondre un no mbre un sens , il vé rifi e la do ubl e inéga lité
à > 0 te l que: sui va nte:
lx - x' 1 < à implique lf(x) - f(x') 1 < E .
Ce tte proprié té d ' uniforme continuité
A-(b-a)e s f f(x)dx s A + (b-a)e.
a

ne di ffè re qu e de faç on subtil e de la Ce la suffit po ur lui attribuer une valeur


simple continuité, au point qu ' Aug ustin puisqu 'on peut la déterminer à toute pré-
Louis Cauc hy, qui ré introduit la notio n c is io n donnée d ' ava nce . Via la re latio n
de ri g ue ur e n ana lyse, les confondit un de Chas les, o n éte nd égale me nt l' inté-
te mps. On lui do it cepe ndant la trame de gration aux fo nctio ns réelles continues
la définition de ! ' intégrale qui est ex po- pa r mo rcea u x s ur un seg me nt e t o n
sée ic i. montre qu 'e ll e vérifie e ncore les pro-
À partir de cette propriété, pour toute prié tés ( 1) à (4).
fon c tion f continue sur un segme nt , il
dev ie nt poss ible de définir une suite de Dans le cadre des fo nctions continues par
fonction s e n escalie r (cp,,) 11 s'en appro- mo rceaux, la pos iti vité admet un codi-
c hant de plus e n plus près. Po ur cela, il c ille, qui est le cas de pos iti vité stricte:
suffit de subdivi ser le segment e n n par- Si f est une fo nc tio n continue par mor-
ties égales. Les points de la subdivis io n ceaux sur [a, b] (avec a < b), et sif(x) 2'.:: 0
sont donc les points po ur to ut x E [a , b] et f(c) > 0 e n un
X; = a + i (b -a)/ n . Comme fon ctio n cp11 , po int c de [a, b] o ùf est continue , alo rs:
b
o n peut cho isir celle qui vaut f(x) sur
[x;,X;+ i[ et f( b) e n b .
f f(x)dx > O.
a

44 Tange Ho
La démonstration de cette propriété uti-
lise la définition de la continuité (voir
Cas de stricte positivité
l'encadré ci-contre). Supposons que/ soit continue en c E ]a, b[ et que/(c) > O.
Nous en déduisons que, sif est continue D'après la continuité, il existe b > 0 tel que c - b :s x :s c + b
b

sur [a, b] (avec a< b) et JIJ(x)ld.x = 0 , implique/(x) ~/(c)/2.


"
alorsf est nulle.

Cette importante propriété ass ure que


b
f(c)
la fonction définie par ll!II = JIJ(x)ld.x
est une norme sur l' espace vectoriel des f(c) I 2 . .
--------,----------r------------
fonctions continues sur [a, b] alors qu'elle
ne l'est pas sur celui des fonctions conti-
nues par morceaux. c -ô c c +ô
La continuité def en c implique quefne s'éloigne pas trop
Inégalité et théorème de la moyenne de/(c ) autour de c.

La positivité implique également que , si En utilisant la formule de Chasles, on obtient :


une fonction f continue par morceaux
c-6 c+6
sur [a , b] vérifie m -5f(x) -5 M pour tout
x E [a , b] (avec a -5 b), alors:
f f (x )dx f f (x )dx + f f(x)dx + f
= f(x)dx.
a a c-6 c+6

m(b - a) s f f(x)d.x s M(b - a) , La positivité implique que le premier et le dernier terme


du membre de droite sont positifs et que le second est
"
ce que l'on écrit souvent sous la forme minoré par b/(c), et donc:
suivante :
I b
m s - -J f(x)d.x s M.
f f (x)dx .!,; fJf (c ) > O.
a
b-a "

Si met M sont les bornes inférieure et


supérieure respectivement de f sur [a, b], Ce dernier résultat est appe lé théorème
cette inégalité est appelée inégalité de de la moyenne. Il s'agi t e n fai t d'une
1 version intégrale du théorème des accrois-
la moyenne car la quantité - - Jb J(x)d.x
b-a sements finis .
"
est appe lée valeur moyenne de f sur H.L.
[a,b].

Sif est continue sur [a , b], alors l'image


du segment [a , b] est le segment [m, M],
soitf( [a, b]) = [m, M]. L'inégalité de la
moyenne s' écrit alors :
I b
- J J( x )dx E [m , M] = f( [a , b]) ,
b-a 0
ce qui implique l' existence d'un point
I b
c E [a , b] tel que - J f(x)dx =f(c)
b-a " .

Hors-serie n• 50. L'intégrale Tangente 45


EN BREF par Hervé Lehning

Quand la géométrie uient au secours de l'analyse


L' interprétation géométrique de l'intégrale e n termes d 'a ire est parfo is indi spensable à la compréhen-
sion de certaines propriétés. Considérons une fonction ! continue et strictement croi ssante sur [O , + oo[
à valeurs réelles te lle quef(O) = O. Pour fi xer les idées,f(x) = x 2 est un exemple d ' une te lle fo nction.
Soit g sa fon ction réc iproque, c'est-à-dire la fo nction te lle que y = f(x) équi vaut à x = g(y).

Dans cet exemple, g est définie par g(x) = Fx.


Les deux intégrales A= Jf(x)dx et B = Jg(x)dx
0 0
ont des interprétations géométriques
ab
simples . A priori , il ex iste trois cas
de fi gures. b ()-----'-/---.--__,
Dans ce lui re présenté c i-co ntre,
f(a) < b, et A+ B recou vre stricte-
B
ment le rectangle de côtés a et b,
X x = g(y)
d'où l' inégalité suivante: A+ B > ab.
La courbe d'équation y= f (x) Dans le casf(a) > b, le résultat est
a également pour équation x = g(y). le mê me. Le seul cas d 'éga lité est
celui où f(a) = b. a
Interprétations géométriques de deux intégrales :
on lit directement l'inégalité A+ B :!:: ab.

les formules de la moyenne


Les formul es de la moyenne sont attribuées à Pierre-Oss ian Bo nnet ( 18 19- 1892). La plus simple pro-
pose une évaluation de la moyenne d ' une fon cti on continue par morceaux sur un seg ment [a, b] :
1
- - f bf(x)dx. D'où son nom . Elles déri vent toutes de l' inégalité de la moyenne:
b- a "
I
si m $ f(x) $ M pour tout x E [a, b], alors m $ --f
b- a "
b
f(x)dx $ M.

Si f est continue sur [a, b] ,f([a, b]) est un segme nt [m , M] . D 'après l' inégalité de la moyenne,
I I
--J
b-a "
f(x)dx E [m , M] = f( [a, b]) donc il ex iste c E [a, b] tel que --J f(x)dx
b

b-a "
b
= f(c) .

Cette fo rmule est appe lée fo rmule de la m oyenne.

On l'écrit souvent f b

(/
f(x)dx = (b- a)f(c). Le mê me raisonne ment permet de générali ser cette fo rmul e

en introdui sant une seconde fo ncti on : sif et g sont deux fo ncti ons continues sur [a, b] avec g pos iti ve ,
b b
il ex iste c E [a, b ] te l que J. J(x)g(x)dx = f(c)J. g(x)dx. C'est la p remière fo rmule de la moyenne.

De manière plus subtile, on obtient : sif et g sont deux fo nctio ns continues sur [a, b] avecf pos iti ve et
décroi ssante, alors il ex iste c E [a, b] te l que f b

(l
f(x)g(x)dx =
c
f(a) f g(x)dx.
J{/
C 'est la seconde f ormule de la moyenne.

46 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


De la primitiue à l'intégrale 48
l'intégration par p ties 54
la technique dfl changement tle uariable 58
les règles de Bioche 61
les mithodes de quadrature 62
Calcul app tégrales 66
les lllit ilte-Carlo 72
les thé rèmes d 74
l'élé ance de l'i 76
la fo ul 78

rai
usage délimité, se pose
ines méthodes n'exigent
, a plupart des intégrales
nécessiten ar la détermination de
primitives de r. Des caractéristiques
comme la li s liées aux propriétés
de la déri gratlon par parties ou le
changeme sont alors bienvenues.

Hors-série n° 50. L'intégrale Ta:ngenf::e~


SAVOIRS par D. Delaunay et H. Lehning

De la primitiue
à l'inté raie
Même si la théorie ouvre la voie à de nombreuses méthodes
pour calculer une intégrale, dans la pratique, le calcul intégral
repose essentiellement sur la connaissance d'une primitive de
la fonction à intégrer.

d'une fonction est Y


initialement définie comme
étant une aire. Cette interpré-
tation suffit pour calculer plusieurs inté-
y= Ji-x'
grales de fonctions élémentaires : constante TC

(ou e n escalier), affine (ou affi ne par 4


morceaux) ...
Elle permet encore le calcul d'intégrales
0 X
particulières , comme le montre la figure
ci-contre.
Il existe aussi de nombreux cas où le L'aire d' un quart
calcu l d'une intégra le ne nécessite pas de disque donne
1
de grands moyens techniques . Ainsi,
on peut affirmer que
f '11 - X
2
dx = TC / 4.
0
1
o sans besoin de calcu ler de Mais ces interprétations perdent en effi-
f 1+tdtsm ,- 1
_
1
=
cacité s'il s'agit simplement de calculer,
primitive. Ce la tient simp leme nt à la par exemple, l' intégrale de x 2 entre O et
parité de la fonction que l'on intègre 1. D'autres outils semblent nécessaires ...
sur un domaine centré en O.
la notion primitiue de... prlmitiue
Si F est une primitive de f sur À la nai ssance du calcul différentiel ,
b le segment [a, b], Isaac Newton perçoit qu 'i l existe une

f f(x)dx = F(b)-F(a).
corrélation entre la notion de dérivation
et celle de calcul des aires. De nos jours ,
a on parle de primitive .

48 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

On appe ll e p rimitive d ' un e fo nction


réelle! définie sur un interval le toute fonc-
Primitives de fonctions usuelles
tion F défi nie sur ce mê me interva lle, La primitive indiquée est donnée à une constante près sur
déri va bl e et de déri vée éga le à f. Par chaque intervalle sur lequel la/onction est définie.
exemple, la fo nctio n x ~ x 2 admet une
x 01 tJx
pri miti ve sur IR, à savoir la fo nction
x ~ x 3 /3. Ce n'es t pas la seul e pos-
• Jx•dx .. -
n+l
sin ; t - let f- -lnlxl,
X
si bl e. En effet , lorsqu ' un e primiti ve
dx
existe, elle est déterminée à une constante
add iti ve près. Ain i, les fo nctio ns
•J--
x +1
-Arctanx.
2

x ~ x 3 / 3 + C o ù C pa rco urt IR so nt
toutes les primiti ves poss ibl e de la
• fe"dx-e".
fo nction x ~ x 2 .
En fa it, pour déterminer des primiti ves,
il suffit d ' in verser un tablea u de déri -
vati on : pui sque la déri vée de la fo nc-
•fb 1-x 2
= Arcsinx.
tion trigonométrique x ~ sin x est
X ~ COSX, les primiti ves de X ~ CO X
• Jsin(ax + b)dx .. -;cos(ax + b)
sont les fo ncti ons x ~ sin x + C. ..
Ex iste-t-il toujours des primiti ves? Le
théorè me fo nd a me nta l de l'ana lyse,
encore appe lé théorème fo nd ame nta l
• f cos(ax + b'Jdx • ;sin(ax + b).
du calcul diffé rentie l et intégral, répond
par l' affirm ati ve sous certa ines condi -
ti ons : s i une fo ncti o n f est continue 1(b) . Ce qui précède fournit al ors la fo r-
ur son intervalle de défi nitio n et si a mule fa meuse
dés igne un po int de cet intervalle, alors
la fo nction donnée par le calcul intégral
f f(t)dt = F(b)- F(a) .
" celle-c i, le calcul de l' inté-
À partir de
l(x) = f f(t)dt détermine une primitive de gra le dex2 sur [O , l] dev ient immédiat :
" 1
Jet, plus préc isé ment , la seule s'annu -
_,_ , _.!.x =.!..
2 3 3

lant e n a. f x dx =.!.3 x
0
1
3 1.,-o 3
Sous l' hypothèse de continuité sur un Dès lors, le ca lcul d ' une intégrale peut
intervalle, on est do nc ass uré de I'ex is- se ra mener au probl ème de détermin a-
te nce d ' une primiti ve , ma is o n pe ut ti o n d ' une primiti ve. E n dressa nt un
auss i, et c ' est là que l ' on souhaitait par- tableau de déri vatio n le plus complet
ve nir , ca lcul e r un e intég ra le pa r la poss ible, on peut imaginer pou vo ir en
con na issance d ' une primiti ve de l' in- le renversant déterminer des primiti ves
tégrande. En effet, si F est une primi - à l'essentie l des fon ctions.
ti ve de f, a lo rs ce ll e-c i di ffè re de la Ma is les choses ne sont pas toujours si
fonction l d'une simple constante. Puisque simpl es ! Si par exempl e on souha ite
la fo nction l s'annule en a, cette constante déterminer une primiti ve à la fo ncti on
ne peut être que F(a) et l' on peut donc inverse x ~ l / x, il po urrait sembl er
écrire : naturel de rechercher celle-ci parmi les
F(x ) = l (x) + F(a) . fo nctions rationne lles (c' est-à-dire les
Si l' on souha ite alo rs ca lc uler l' inté- fo nction qui sont les rapports de fonc-
grale def sur [a , b], il suffit d ' évalue r tions po lyno mj ales). Or on ne l'y trou-

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente


SAVOIRS De la primitive à l'intégrale

Pourquoi I est une primitive de t Se seruir de la linearité de l'mtégral

laux points où test continuel E n e ncadré fi gure une li ste de primi -


ti ves de fo nctions considérées comme
Bien entendu , l'étude de la fonction I définie par usuelles, grâce auxquelles il sera possible
X

l (x) = f f (t )dt dépend a priori de la notion d' intégrale de ca lcul e r un grand no mb re d ' inté -
a grales. Ces résultats peuve nt être vé ri-
utilisée. Cependant, dans la pratique, les différences fi és aisément en déri vant le membre de
sont minces. 1 est définie sur un intervalle J (contenant droite pour retrou ver celui de gauche.
a) sif est intégrable au sens de Riemann sur J , en par-
ticulier si elle y est continue par morceaux. Lorsque le calcul d ' une primiti ve n'est
La relation de Chasles donne alors : pas immédiat, il ex iste néanmoins des
x+h techniques c lass iques, vo ire algorith-
l (x + h ) - l (x) = f f (t )dt miques, que l'on pe ut applique r. On
X
commence souvent par décomposer l'in-
La fonction! étant bornée au voisinage de x, If(t) 1:s M tégrale d ' une somme en somme d ' inté-
pour tout t entre x et x + h à condition que h soit assez g ral es. On pe ut e nsuite transfo rm er
petit. Sous cette même condition, on obtient la majo- l'express ion de la fo ncti on intégrée .
ration 11 (x + h ) - 1(x) 1:s MI h 1, ce qui implique la conti- En partant du résultat fondamental qu 'est
nuité de 1. Une fonction intégrale est donc toujours la linéarité (J(af + bg) = a Jf + b J g) et
continue, que la fonction! que l'on intègre le soit ou non. des primiti ves de fo nct io ns us ue ll es
Et si f est continue en un point x , 1 est dérivable en ce comme celles des monô mes
n+ I
point. Pour le démontrer, il suffit de remarquer que, si (f x"dx =.::.____),on e n déduit a in si les
f est continue en x ,f (t) =f (x ) + q,(t- x) où limcp(u) = 0 n+ 1
u- o primiti ves de nombreuses autres fo nc-
car, par linéarité, on déduit que : tio ns comme celles des po lynômes.
h

l (x + h )- l (x) = hf(x) + ;(u)du f Alors,


0 J (3.x2 + 2x + 1)dx = 3J _x2 dx + 2J X dx
.. r r l (x+h)- l (x) / ( ) + f dx
ce qm 1mp 1que h~ h = x
= x 3 + .x2 + x
et donc I dérivable en x , de dérivée! (x ). (à une constante près) .
Ainsi, la fonction I est dérivable en tout point où la La linéarité suffit pour calculer un bon
fonction! est continue. De plus, la relation I' f montre = nombre de primitives. Parmi elles, celles
que , si la fonction f est dérivable, 1 l'est deux fois et de fractions rationnelles . Si on cherche
ainsi de suite, si f est n fois dérivable, 1 l' est n + 1 fois. par exemple à calculer
dx
fx 2
- 3x + 2'
vera pas ! C'est une fonction logarithme on constate que la fraction à intégrer se
qui est primitive de la fonction inverse décompose en
et ce tte dernière ne peut s' exprimer 1 1 1
2 =-- + --.
comme une fonction rationnelle . Plus X - 3x + 2 X- 2 X- 1
généralement , il existe de nombreuses
fonctions dont on sait qu ' on ne peut pas On en déduit :
exprimer les primitives à l' aide des fonc- dx
tions usuelles. Le calcul d ' une primi- fx 2
- 3x + 2
=f-x dx- 2 +f-xdx- 1' puis
tive est donc une aventure que l'on n'est dx
pas certain d 'achever ! f X
2
- 3x + 2
= ln lx-2llx- l l.

Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

Ce procédé de déco mpos ition en é lé-


ments simples se généralise à toute inté-
l'importance d'être un intervalle
grale de frac tio n rati o nne ll e (vo ir e n L'hypothèse de continuité sur un intervalle a une grande
encadré). De même, tout polynô me tri - importance, et son oubli amène son lot de paradoxes.
gonométrique (somme de termes égaux En effet, sur un intervalle, une primitive de f est par-
à des produits de fo nctions cos inus et faitement définie à une constante additive près. La
de sinus) se linéarise. question se complique si l'on en sort, comme le montre
Soit par exemple à calcu ler l'exemple suivant.
;r / 2
On considère la fonction/ définie par
J 4
COS I dt .
1
0
f(x) = Arctanx + Arctan - .
Par la fo rmule d 'Euler, on écrit : X
4 ( /' + e-;, ' 4 Cette fonction est dérivable, et sa dérivée se calcule
cos l = l - 2 - J aisément:
cos(41) + 4cos(21) + 3 f'(x)=-1 __ _!__ 1 =0.
8 1 + x2 x2 1 + 1 / x2
et l'on obtient pour primiti ve La fonction f est donc constante ... sur chaque inter-
sin(4t) sin(2 t) 31 valle où elle est dérivable, c'est-à-dire sur )-oo, O[ et sur
--+--+-.
32 4 8 )0, + oo[.
La valeur de l' intégrale est alors 3:n:I 16* .
Autrement dit, /(x) = /(1) = 2Arctanl = ~ six> 0
La linéarité de l' intégration permet de 2
calculer les primitives de tout polynôme et, vu la parité de/,flx) =-1t/2 six< O.
trigonométrique .
. . 1 1C
Il ex iste des méthodes de calcul inté- A ms1, Arctan-= sgn(x)·- -Arctanx
gral extrêmement utilisées reposant sur X 2
le calcul de primitives. Ce sont l' inté- où sgn (x) est le signe de x, c'est-à-dire vaut+ 1 six> 0
gration par parties et le changeme nt de et-1 six< O.
variable, qui fo nt l' objet d 'artic les plus

le paradoxe de la primitive
Une primitive de la fonction x 1-+ 1 / x est ln Ix 1. 1 dx
On pourrait alors, un peu rapidement, écrire que J- = Inlll- lnl-11= O.
-1 X

Ce résultat est pourtant faux. 1

Tout simplement parce que l'intégrale J~ n 'a aucun sens.


J -1
Dès lors que l'intégrale fdx n ' existe pas (voir l'article suivant de ce numéro), toute intégrale
o X
de la même fonction sur un intervalle plus grand n'existe pas non plus. L'utilisation d ' une pri-
mitive permet de le prouver puisque ln On 'est pas défini!
La faille? C' est que ln lx l n ' est pas primitive de 1/ x sur [-1, 1). En revanche, elle l'est sur tout
intervalle [e, 1) (où e > 0) de même que sur [- 1, - e[.
1

On voit alors que J~ = -lnE - + oo quand e tend vers O+,


• 1

ce qui prouve que l' intégrale fdx n' a aucun sens.


o X

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente 51


SAVOIRS De la primitive à l'intégrale

Décomposition d'une traction rationnelle


en éléments simples
La décomposition en éléments simples se s' intègrent directement,
généralise à toutes les fractions rationnelles. 1
2
demande un changement de
On montre par l'algèbre que toute fraction (x + px +q)°
rationnelle se décompose en une somme de variable et, éventuellement, une intégration
A par parties (voir articles suivants).
termes de la forme t
(x-a )
dx
où les a représentent les pôles de la fraction Exemple dans le cas de J X
2
+ X+l
(les racines complexes du dénominateur).
Dans le cas où on souhaite une décomposition (à lire après avoir assimilé les deux tech-
réelle d'une fraction rationnelle à coefficients niques).
réels, il convient d'ajouter aux termes de la Il importe de mettre le dénominateur sous la
forme
A
t des termes de la forme forme u2 + 1. Pour cela, on considère x2 + x
comme le début du carré de x + 1/2, donc:

r-~
(x - a)

~
Ax+B 2
2
(x + px+ql x +X = ( X +
où le trinôme du dénominateur n'a pas de
racines réelles. Le premier type d'élément
simple, A
(x - a)
k , s'intègre directement, le
~:x+t-(x+il' +~[(2FJ'J' +ll
2x+l
second est plus compliqué. Pour ce faire , Le changement de variable u =
l'idée est encore algébrique et consiste à simplifie donc le calcul en 13
décomposer le polynôme du premier degré au 213 du- = -
--J- 213 .
-Arctanu , soit
numérateur (Ax + B) en une combinaison de 3 u +1 3 2

lx + p et 1. Les termes de la forme


2x+p 213 Arc tan 2x + 1 .
2
(x + px+q)° 3 13

détaillés dans ce dossier. O n se conten- Pour déterm iner une primiti ve, il est fré-
tera ici de rappeler leur principe. que nt de te nter de reconnaître l' inté-
Si l' intégra le comporte un produit, une g ra nd e so u s un e for me u ' X f(u).
intégration par parties consiste à tra ns- En déterminant F prim iti ve def, on peut
former l' intégrale à calculer en une nou- affirm er que F (u) est prim itive de
ve lle pour se ramener à la détermi nation u ' x f( u) . 1

d ' une primitive d ' un nouveau type . Soit. par exemp 1e a' ca 1cu 1er J~
tdt ·
2
'
f
Par exemple, x 2 ln x dx , s'écrit, par inté-
o '>/ 1 +1

1 En considérant u =i2 + 1 et f : H 1/ J-; ,


gration par parties , on propose la primüi ve t H ~ et la
dx va leur de l' intégrale est .Ji - 1.
f' x 2 lnxdx= [ -1 x J x ln x ] ' - f' -1 x 3 x-.
1 3 1 1 3 X
Le nouveau calcul intégral est immé- M ais il n ' est pas to uj o urs immédi at
di at et l' obtie nt la valeur fi nale d' identifier la fo nction! dans la démarche
(2e 3 + 1)/ 9. ci-dessus alo rs que la fo nction u peut

52 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

(Aioll,J~
paraître e ntend ue. La technique du cal-
cu l intégral par changement de variable
Les primitives
permet de révé le r cette fo nc ti o n f. On que l'on ne sait pas exprimer
transpose a lors le pro bl è me initi a l de
détermi natio n de primiti ve e n un no u- On peut montrer qu 'il n'est pas possible d'exprimer une
vea u problè me . primitive de e·f à l' aide des fonctions usuelles. Cer tes,
beaucoup d 'élèves ont pu proposer e·f /2t , mais c'est
Il ex iste e nfi n un certa in no mb re de en oubliant qu ' il faut prendre en compte le dénomi-
formes fo nctio nne lles po ur lesque lles nateur lorsque l' on dérive !
on sait qu' il suffi t appliquer tel ou tel chan-
gement de variable pour se ramener à une De même sin (t)lt, et 1/ ln t sont des expressions clas-
situatio n fac ile à résoudre. Ce sont ces siques pour lesquelles il n'est pas possible (ça se démontre)
démarc hes a lgorithmiques que les log i- d'exprimer de primitives à l'aide des fonctions usuelles.
ciels de calcul s forme l comme M aple Cela n'empêche pas pour autant de manipuler ces pri-
o u Math e ma ti ca impl é me nte nt po ur mitives, il suffit de les dénommer et d 'étudier leurs
déte rm ine r des prim iti ves à de no m- propriétés !
bre uses expressions fo nctio nne lles. Par exemple, la fonction dilogarithme est la primitive
Pour revenir à l'exe;ple d ' intégration s'annulant en 1 de la fonction ln(l - t)lt.
de la fo nctio n x H 1- x 2 , un logic ie l
de calc ul forme l propose la primitive
* On peut, grâce à un.~hangement de vari able astuc ieux,
f(x~ +Arcsin x), retrouver la va leur de Jcos 4
t dt sans calcul de primitive.
0
où Arc s in x dés igne la bijectio n réc i- En utilisant le changement de vari able x = n/2 - t, on montre que
proque de la fo nctio n si nu s restre inte à
l' inte rvalle [- n/2, n/2]. r. 12 cos 4xdx = [." sin4xdx, donc f.'2cos 4xdx = -)f.'2 (sin4x + cos 4x)dx.
0 0 2 0

En développant (cos 2 x + sin 2 x)2, on obtient :


cos x + sin 4 x = l - 2 sin 2 xcos 2 x = 1 - (s in 2 2x) / 2.
4
D.D. & H.L.
O n en de' d u1t
. : [." cos 4 xdx = -1[." dx - -1[. " sin·, 2xdx.
2 4
if.
0 0 0

Or,[.'" sin 2
2xdx = sin 2 xdx , et, par le mê me ra isonnement
que précéde mment , r' sin' xdx = Jr"o cos' xdx = ~2 Jr"o dx.
Jo
12 3
D'où, sans le moindre calcul de primiti ve: r" cos• xdx = n .
Jo 16

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente 53


SAVOIRS par Daniel Justens

l'intégration par parties


( PP]
Le calcul intégral est fortement lié au calcul de primitives,
donc de dérivées. Un résultat très s imple de ce domaine, la
dérivée d'un produit, permet d'ouvrir de nombreux horizons.
Cette partie importante de l'intégration a pour nom ...
l'intégration par parties.
a nollt n d ' intégrale d ' une fonc- face. So it F une fo nction primiti ve def.
tion sur un domaine [a, b] revient, L' intégra le def sur un segment [a, b]
en dimension 1, à un calcul de revient au calcul de l' aire de la surface
sommes ou de différences des aires des dé limitée par l'axe des x, les verticales
surfaces délimitées par l' axe desx, deux e n x = a et x = b et la fo ncti on e lle-
verticales en x = a et x = b (a < b) et la même, à ceci près que les surfaces situées
fonction en elle-même. Comme on l' a e n dessous de l' axe des x sont pri ses
vu dans l'article précédent , la conna is- avec le signe « - » . Considérons une
sance d'une primitive de la fonction à inté- fonctionf positi ve sur [a, b] . L'aire cher-
grer permet de calculer facilement les aires chée (en vert sur le graphe) se ca lcule
ain si dé limitées. au moyen de :
b

/(x) J
Aire = f( x )dx = F(b) - F(a ).

La noti on de primitive d 'une fonction


et celle d' intégrale de la même fo nc-
tion sur un certain domaine donnent sou-
vent lieu à une confusion entre les deux
notions, due au fait que les deux concepts
sont liés par un théorème fond amental.
Si f(x) est une fo nction d ' une variable
a b X
réelle , on peut mesurer en chaque po int
l' intensité de ses variations in stanta nées
La formule fondamentale du calcul inté- par unité de mesure de x: c 'est la notion
gral est celle qui permet de transiter du de fonction dérivée . A contrario , à par-
calcul de primiti ve à ce lui d ' une sur- tir de cette fo ncti on déri vée , on peut se

54 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


poser la questio n : que lle é ta it la f onc- Itération de l'intégration par parties
tion primitive, celle que l 'on avait avant
dérivatio n ? On peut, bien sûr, itérer une intégration par parties
Notons F(x) une fo ncti o n primiti ve de pour faciliter certains calculs d' intégrale. Dresser une
f(x) . On a donc: F' (x) = f(x). Les fo nc- table permettant une lecture directe du résultat peut par-
tio ns pr imiti ves so nt dé fin ies à un e fois s'avérer efficace.
constante additi ve près . En effet , les • Après une première intégration par parties, on obtient
« va ri at io ns » d' une co ns ta nte é ta nt la formule classique :
b b
nulles , par défi niti o n , la dé ri vée d ' une
constante vaut 0, que ll e que so it cette
f
(1) u(x)v'(x)dx = [ u (x)v(x)]: - f u '(x)v(x) dx.
a a
constante. • Après une seconde telle intégration, si la fonction v est
Si F' (x) = f(x), o n a a uss i [F (x) + k]' la dérivée de v i, il vient :
b b
= f(x) que l que so it le rée l k. La nota- f f
(2) u(x)v' (x) dx = [u(x)v(x)]: - [u'(x)v, (x )dx]: + u"(x)v, (x)dx .
tio n c lass ique uti lisée po ur la primiti ve a a

de f(x) est a lo rs : • On imagine aisément, et cela se démontre par récur-


J f(x)dx = F (x) + k rence, qu ' après n intégrations,
f•
On constate que la constante additi ve
di sparaît dans le ca lc ul d ' une intégra le
.
(n ) u(x)v'(x)dx = [u(x)v(x)J: - [u'(x)v, (x)dxJ: + .. .

défini e (et unique me nt dans ce cas). .
+ (-l )"f u(•>(x)v, _,(x)dx ,

soit, plus précisément,


L'intégration par parties :
un retournement de la dériuée
f
b n- 1

f
b
u(x)v'(x)dx = ~ (-1) [u(-•>(x)v1(x)]! + (-1)' u(•>(x)v,_1 (x)dx ,
1

du produit où vn-l est la dérivée de vn·


Signes Les dérivées Les primitives
Étudio ns à présent une fon c tion consti-
tuée du produit de de ux fo nctio ns plus + u (t) - - - - v' (t)
élé me nta ires u e t v. u' (t) ..._____-------... V (t)
On af(x) = u (x).v(x). Que vautf'(x)? + u" (/) - - - = = = : v1 (t)
La fo rmule e n est bie n connue :
••• v2 ( / )
f'(x) = u'(x).v(x) + u(x) .v'(x).
L'écriture de cette dernière formule peut être réduite
Ma is que sig nifie-t-elle? On calcule les à la lecture de la table :
va ri a ti o ns pa r unité de f(x) pour des Une majoration de l'erreur grâce à l'itération de l'IPP
variations infimes de x. Lorsque x varie, Le résultat précédent s'applique bien sûr aux calculs
ces variations induisent des variatio ns de d ' intégrales de produits comme celles de x3sin x ou
la fo nctio n u (x), à savoir u ' (x). M a is e5x cos 3x mais on peut aussi l'utiliser pour obtenir des
ces va ri ation s so nt a mplifi ées par la résultats plus fins. Par exemple, après quatre itéra-
fo nctio n v(x), ce qui ex plique le te rme =
tions, on peut obtenir, avec u (t) sin t, v' (t) 1 et en =
u' (x). v (x). De mê me, les vari ations de . . . x 3 '(t- x) 4 cos t
v(x), à savo ir v' (x), sont a mplifiées par
cho1s1ssant v1 (t) =t - x, smx = x- - +
6 0
f 24
dt

u(x) do nnant a ins i le te rme u (x) .v'(x). et comme le reste écrit sous forme d'intégrale est majoré
La fo nctio n! subit do nc s imulta né me nt en valeur absolue par x5 / 120 on peut même connaître
les de ux va ri ati o ns. Reste à ex plique r l'erreur maximum commise en remplaçant
pourquo i il fa ut sommer ces deux varia- sinx par x - x3 /6.
tions. C'est tout simple me nt une consé- É.B.
que nce de la linéarité de la notion de

Hors-série n• 50. L'intégrale Ta.ngente 55


SAVOIRS L'intégration par parties

dérivée. La dérivée d'une fonction en On constate que l' intégration par par-
un point permet en fait une mise sous ties a pour effet de réduire le degré du
forme localement linéaire de cette fonc- polynôme d' une unité . Un polynôme du
tion au voisinage de ce point. Une fonc- troisième degré nécess itera donc troi s
tion dérivable est une fonction localement intégrations par parties successives pour
linéaire ! arriver au résultat et le reste à l'avenant.
Reprenons à présent le résultat : Nous laisson s au lecteur le cas d'un
f'(x) = [u(x).v(x)]' polynôme du 153e degré comme exer-
= u'(x).v(x) + u(x).v'(x). cice ! On vérifiera dans le paragraphe sui-
En primitivant chacun de ses trois termes , vant que le procédé reste inchangé lorsque
on arrive à l'on remplace la fonction sin x par une
u(x) .v(x) = f[u '(x) .v(x)]dx exponentielle .
+ f[u(x).v '(x) ]dx L'intégration par parties nous offre aussi
que l'on peut écrire: la possibilité de calculer la primitive de
la fonction « logarithme ». En effet, pour
f[u '(x).v(x) ]dx = u(x).v(x) calculer fin xdx, on donne à la fonction
- f[u(x).v '(x) ]dx multiplicative « 1 » le rôle de u' (x), lai s-
C'est sous cette forme que la formule sant le ln x à v (x). La primitive de !' unité
d'intégration par parties, parfois notée vaut x. La dérivée du logarithme natu-
IPP, est généralement exploitée. rel vaut la fonction inverse ( 1/ x).
Voyons ce que donne l'intégration par
Si on donne à u(x) la forme d ' un poly- parties :
1
nôme et à v(x) celle d'une exponen- fi ln xdx = x ln x- f x-dx
tielle, d'un sinus ou d ' un cosinus, on =xlnx- f d.0
peut vérifier que le calcul des primitives = x ln x-x + k.
de toutes ces fonctions composées est pos-
sible en intégrant le tout par parties. Des applications en finance
Prenons un exemple simple : comment
calculer f (3x + 2)(sin x) dx ? On peut donner une application inté-
C'est la fonction sin x à qui échoit le ressante de l'intégration par parties en
rôle de u ' (x) dans la formule d' inté- modélisant de façon continue l'épargne
gration par parties et à (3x + 2) celui de régulière et croissante d'un citoyen qui
v(x). On trouve immédiatement décide de placer toute son épargne dans
u(x) = - cos x et v'(x) = 3. Notre for- la même banque en bénéficiant d'un
mule d ' intégration par partie nous livre taux d' intérêt fixer sur une période don-
sans détours : née. Pour ce type de problème, on note
f (3x + 2)(sin x) dx = (3x + 2)(- cos x) généralement la variable (le temps) par
- f3(- cos x)dx. t, ce qui ne modifie en rien les formules.
La primitive de la fonction cos x est bien En finance continue , le facteur d 'ac-
connue (sin x). Pour être tout-à-fait rigou- croissement du capital placé au taux r pen-
reux, il nous faut encore tenir compte de dant une durée t est donnée par la fonction
la constante additive pour obtenir le e". Considérons à présent une épargne
résultat final : régulière , faite tous les moi s, de mon-
f (3x + 2)(sin x)dx = (3x + 2)(- cos x) tant annuel équivalent initialement à a
+ 3f cos xdx euro, et augmentant régulièrement, toutes
= (3x + 2) COS X les unités de temps (tous les ans par
+ 3sin x + k. exemple) de b euro. On peut représen-

56 TC1.ngent:e Hors-série n°SO. L'intégrale


-e' (T - 1)
ter l'épargne ou plutôt sa de nsité , c ' est- On trouve u ( t ) = - - et v'(t) =b .
à-di re son équi vale nt annuel à l' instant r

t, par la fo nctio n (a + bt). Supposons L' intégration par parties pe rmet d ' o b-
que l' on décide d 'épargner jusqu ' à l'ins- te nir la primiti ve souha itée :
tant T. Cet instant pe ut re présente r par - er( T -t) b
J <a + bt )e'<' -" dt = - , . - (a + bt) + -;f e'< ' -''dt
exemple le mo me nt de la retraite. La
petite é parg ne affectée à l' instant t sera - e r( T - 1) b r( T - 1)
= - - ( a + bt ) - -,,e + k.
donc pl acée pe ndant une durée (T- t ). r r·
Le montant é parg né à cet instant parti- Ca lcul de la valeur de cette primitive
ci pera do nc au capita l fi nal po ur une e n t =0 :
partie déterminée par (a + bt)erlT-tJ. Il eo.o,, 40 1OO
F (O) = _- - -(2000) - - - eo.o,, <0
reste donc à sommer toutes ces é pargnes . 0 ,03 0 ,0009
Ou encore à intégre r cette fo nctio n sur - -590243,0 1
l' intervalle qui no us inté resse, à savo ir
[O , T]. et e n t = 40 :
-1 100
F (40) = - (2000 + 100 x 40)- - -
0,03 0,0009
Pre no ns le cas d ' un é pa rg na nt de 30
ans qui compte pre ndre sa re tra ite à - -3 11111 ,11
70 ans ( il fa ut ê tre réa li ste : ce sera le
cas dans l'éventualité la plus o ptimiste). Nos petites éparg nes me nsuelles capi-
Il é pa rg ne à présent 2 000 e uro pa r a n ta li sées réguliè reme nt vo nt donc per-
et compte augme nte r to us les a ns son mettre la constitution d ' un capital retraite
épa rg ne de 100 e uro . Le ta ux qu 'on de : 590243,0 1 - 3 11 111 ,11 =279 13 1,90 euro.
lui propose es t de 3 % l'an (cec i es t
beaucoup da ns la conjo nc ture actue lle
ma is resto ns o ptimi stes). Pe ut-on esti -
mer le mo ntant de son capita l re tra ite
à terme ? La re lati o n à laque lle nou s
éti o ns arri vée po ur modé li ser l'apport
de son é parg ne à l' in sta nt t é ta it :
(a+ bt)erlT-tJ = (2 000 + lOOt)eO .OJ(40-t)

en plaçant l'origine des temps au moment


de la signature du cont rat lo rs des 30
ans de l' épargnant prudent et prévoyant.
Il reste à sommer to utes ces é parg nes La questio n a ngoi ssante et primordi ale
entre t =0 (30 ans et signature du contrat) est à présent : que l sera (' utilité de cette
et t =40 (70 ans et dé pa rt à la re tra ite - somme pour notre pe tit é pargnant cou-
un départ bie n mérité). Il fa ut do nc ca l- rageux et que pourra-t-il e n faire ? Ache-
cule r : te r un e m a is on ? Ou un e s impl e
T 40
J (a +bt )e'<T-•>c11 = J C2000+ I001)e0·03<40 -•>c11.
bi cyclette? C 'est que dans 40 a ns, les
0 0 prix auront bie n changé et bie n malin
Po ur y arri ver, il fa ut ca lcule r la primi- qui pourrait aujourd ' hui pré voir la situa-
tive:
f (a + bt )e'< r - ,id t . tio n économique mondiale dans un futur
auss i lointain.
On y arri ve par parties e n prena nt D.J.
u ' (t) = erlT-tJ et v(t) = (a +bt) .

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 57


par Daniel Justens

la technique du
changement de uariable
Dans l'inventaire des techniques permettant la recherche de
primitives, et donc le calcul intégral, le changement de
variable ( ou « substitution ») est la façon la plus courante de
traiter les compositions de fonctions. C'est aussi la technique
la plus délicate.
Le modèle:

L
a rec herche de fonctions primi -
tives étant l'opération inverse du la dériuée d'une fonction composée
calcul de fo nctions déri vées, il
es t bon de retrou ver les sources des Co mment déri ver cette fo ncti on de la
méthodes mi ses e n place lors des opé- vari able t ? La réponse à cette question
rati o ns de « primiti visati o n » . On se peut être trouvée intuiti vement en consi-
tourne ici vers les « fo nctions de fo nc- dérant la déri vation comme une mesure
tions », c'est-à-dire vers des fonctions des vari ations instantanées par unité de
compl exes co mposées d ' une ou plu - mesure, que l'on peut représenter fo r-
sieurs fonction s plu s élémentaires. me ll e me nt co mm e un qu oti e nt d'ac-
Con sidéron s par exempl e la fon ctio n cro isse me nt infinim e nt pe t its, les
exponentielle en base e, soit f(x) = ~- diffé rentielles. On peut écrire:
Supposons à présent que la variable x qui
intervient dans cette fonction est elle-même
f'(x) = df ou encore
une fo nction d ' une autre vari able t . Pre- dx
nons par exemplex =sin (2.nt + (/J). Par
l' intermédi aire de x,f devient également
f' [ x(t )] = c/f = c/f X dx .
une fo nction de dt dx dt
t : f [x (t)] = f* (t) = esin c2m + </J). Voici à li suffit donc de déri ver la fo nction! par
quoi ressemble le graphe de cette fo nc- rapport à x (que l' on rempl ace par son
tion pour (/J =O. ex pression en fo nction de t) et de mul-
tiplier ensuite le rés ultat par la dérivée
e sin (2.Jrt + </>) de la fo nction x (t). Dans le cas de notre
exemple , on trouve :

f' [x (t)] = ~ x 2.ncos (2.nt + (/J)


=2.ncos (2.nt + (/J) es in (2m + </J) .
L' allure de cette fo ncti on est contenue
dans le graphe de la page ci-contre.

Tangente Hors-serie n°50. L'mtegrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

Calculer une intégrale simple


grâce à une intégrale double
En coordonnées polaires, on représente un point du plan de coordonnées cartésiennes (x,y) en
joignant ce point à l'origine et en mesurant l'angle entre ce segment et l'horizontale (noté fJ)
et également la distance entre le point et l' origine (notée r ).
On a alors : x = rcos O ety = r sin O.
La variable r appartient à IR+ et O parcourt l' intervalle [O,
21ij. On remarque que dans ce cas, ce sont les« anciennes
y variables » qui s'expriment comme fonction des nouvelles
ce qui inverse le sens du calcul : il faut donc alors ajouter
le facteur « fonction des dérivées du changement de variable».
Le changement de variables en dimension deux (intégrale
double, voir page 37) doit tenir compte de toutes les déri-
vées possibles. Il nécessite de multiplier la fonction expri-
l---'-- - - - --'-- - - - - mée selon les nouvelles variables par le Jacobien , à savoir
le déterminant de la matrice des dérivées partielles des deux
variables de départ relativement aux deux nouvelles variables.
Prenons la fonction de deux variables réelles x et y définie par :
(x' +,')
ff e-- 2 - dxdy.
Voici ce que donne le changement de variables consécutif au passage aux coordonnées polaires :
iJx iJy
J=det iJr iJr =det l cosO sinO l =rcos 2 8+rsin 2 8=r.
iJx iJy - rsin8 rcos8
i)(J i)(J

La primitive double se sépare naturellement en deux intégrales simples :


(xl+/) rl

ff e-- 2 - dxdy = f d8f re- 2 dr.


La première primitive est évidente (et vaut 0). Pour la deuxième, il suffit de poser (une fois encore!)
? /2 = t ce qui donne rdr =dt pour trouver - formellement - car en pratique tout dépend du
domaine sur lequel porte l'intégration :
(.rl+/) rl r2

IJe-- 2 - dxdy= fd8fre -2 dr=8e-' +k=fJe-2 +k.

primi tive: notre fo ncti o n initi ale ! Cec i


2.?Tcos (21lt + </>) esin (2.,Tt + </>) no us amè ne à s implifie r to ute une série
de primiti ves constituées de produits de
\
fo nc ti o ns pre nant la fo rme
:· \ G (x) = f' (x) .g [f(x) ]
e n substitua nt la vari able t = f (x) à la
vari able x. Au lie u de substitution, o n
pa rle auss i de changement de variable,
ce qui est intuiti veme nt cl air. Forme l-
Ce qui sû r, c ' est que l'on e n connaît une le me nt , o n va écrire:

Hors-serie n 50. L'mtegral Tangente 59


Le changement de variable

Jr cx)g [f(x) Jdx = 8 c1)d1 . J la densité normale. Citons comme exemple


Le ca lcul peut se voir de faço n pure- les fonctions sinus, cosinus, tangente (eh
ment mécanique: si t = f(x), oui !), exponentielle ou logarithme.
alors dt= f' (x) dx . La fo nction densitéf(x) d ' une distribu-
ti on norma le de moyenne m et d ' écart-
Deux exemples simples type <r s'écrit :
1 1('- "' ) '
f(x)=--e i u
Vo ic i que lques exemples simples per- a&
mettant de bien appréhender la méthode . La primiti ve de cette fo nction peut être
Comment calculer la primiti ve simpli fiée e n introdui sant le change-
f 2x(x2 + 15 ) 15 dx? me nt de vari abl e : z = (x - m)/ <r qui
Certes, on pourrait déve lopper le po ly- no us donne dz = dx/ <r.
nô me et l' intégrer « terme à terme » La variable z ai nsi obtenue est ce que l'on
(bonne chance !). Mais il est plus simple appell e une vari able centrée réduite. Sa
d 'observer que la fon ction 2x est la déri - moyenne est nulle et son écart-type est
vée de la fonction (x2 + 15). On pose alors éga l à l' unité. Le recours aux vari ables
t = (x2 + 15) et le calcul de primiti ve se réduites e t parti culièrement important
ramène à l' intégrati o n d ' une fo ncti on lorsque l'on recherche le meilleur ajus-
é lémenta ire : tement linéa ire d ' un nuage de po ints et
1 16
que l'on dés ire conserver un maxi mum
J 2x(x 2 + 15)'5 dx = f t 15 dt =
16 + k d ' information, c'est-à-dire un max imum
(x i + l 5)1s de vari abilité. En termes de primiti ves ,
= + k.
16 on obtient :
ln x
Un autre exemple? Calculons J ---;-dx. J ~e-W~"')'<lt= J;;e-f dz.
0
li suffit de constater que la déri vée du M a is la primiti ve qui apparaît in fi ne
logarithme nature l apparaît expli c ite- dans le me mbre de d ro ite n'a pas de
me nt et de poser : re présentati on mathé matique usue ll e.
t = ln x . On a dt = dx/ x et notre calcul On aura it pu no mme r cette fo ncti o n
de primiti ve donne success ive ment : <P (x) et la tabuler comme on l'a fait pour
ln x 1
2
ln 2 x s in x. On ne l'a pas fa it. Reste néa n-
f ---;-dx = ftdt = +k = - - + k.
2 2 mo ins à tenter de résoudre tous les pro-
blèmes numériques afférant à !'utilisation
Intégrer par substitution : de la di stribution normale. On y arri ve
quoi de plus normal ? en trava ill ant en dimension 2 (et non 1)
to ut en effectu ant un changement de
Toute personne confrontée un jour ou variable qui consiste à passer aux « coor-
l'autre avec la di stribution norm ale a do nnées polaires» (voir encadré) .
appri s que sa fo nction densité« n'était C'est ce de rnie r résultat qui permit à
pas intégrable», ce qui justifie le recours George Edward Pe lh am Box et Mervin
à des tables, à un tableur ou une calcu- Edgar Muller de proposer dès 1958 une
lette. Cette façon de voir n'est pas tota- méth ode efficace de simul ati on de la
lement correcte. EUe vient tout simplement norm alité à partir de di stributi ons un i-
du fa it que l' on a pas baptisé la primi - fo rmes, qui est utili sée dans toutes les
ti ve de cette fonction. En effet, nombre résolutions heuristiques du type « Monte-
de fon ction s dites intégrabl es ne sont Carl o ».
pas plus calcul ables que la primiti ve de D.J.

Ta.ngente Hors-serie n°50. L'integrale


par Hervé Lehning EN BREF

les règles de Bioche


Alors qu'il était professeur de Terminale au lycée Louis le Grand ( de 1897 à
1925), Charles Bioche énonça des règles pour calculer les primitives de la
forme f R(cos x, sin x)dx où R est une fraction rationnelle à deux
indéterminées, c'est-à-dire le quotient de deux polynômes.

Des changements de uariable simplificateurs


La méthode générale utilisée par Bioche pour inté- da ns le premi er cas et 8 ln (3 + cosx) - 3cosx
grer le quotient de de ux pol ynô mes tri gonomé- + (cos 2 x) / 2 dans le second.
triques est simple dans son princ ipe, puisqu 'elle Sauf si on leur impose un changement de variable,
consiste à poser: t = tan (x/2) . les log iciels de ca lcul formel trouvent normale-
Les form ules de trigonométrie donnent alors : ment le premier résultat. Il n'est donc pas réduit à
COSX = ( 1 -t2)/(I + t2), sin x = 2t/( L + t2) sa forme la plus simple .
et dx = 2dt / ( 1 + t2) Les autres règles de Bioche sont analogues . Dans
f
donc l' intégrale R (cos x, sin x)dx devient l' inté- chaq ue cas, l' intégrale est rame née à celle d ' une
gra le d ' une fraction rationnell e en t , que l'on sait fraction ratio nne lle en t.
intégrer grâce à une déco mposition en é lé me nts
sim pl es (vo ir artic le pages 48 à 53). Règle 2
L' ennui est que la difficulté de cette opération croît Si l'élément différentiel est invariant par la substitution
rap idement avec le degré du dé nominateur. Les de :rc-x àx alors le changement de variable t = sin .x
règles de Bioche permettent de le réd uire. convient.

Règle 1 Règle 3
Si l'élément différentiel R (cosx , sin x) dx est inva- Si l'élément différentiel est invariant par la substitution
riant par la substitution de - x à x alors le change- de :rc + x à x alors le changement de variable t = tanx
ment de vari able t = cos x ramène l' intégrale à convient.
ce lle d'une fraction rationnelle en t.
Montrons 1' intérêt de ce résultat e n calcu lant : Règle 4
dx
f .
510
J
x . La méthode générale consiste à poser Si l'élément différentiel est invariant par de ux des
3+cosx troi s substitutions qui précèdent alors le change-
81 3dt
J( 1 + t )(2 + t )
t = tan (x / 2), e lle donne : 2 2
. ment de variable t = cos 2x convient.

La règle de Bioche indique que le changement de Bien entendu, on peut essayer d 'appliquer les règles
variable t = cos x et éga le ment possi ble . de Bioche dans des cas où R n' est pas une frac tion

Elle donne l'i ntégra le: J0tt.


+3
1
ratio nnelle, cela fo nctionne parfoi s.

Le degré de la fract ion rationnelle à intégrer est Par exemple, pour calculer l' intégrale:
beaucoup plus fa ible . Le calcul « à la main » est J 1+ cos2x dx
ai nsi fac ilité. On en déduit de ux ex pressions très .J1 - tan2 x '
différentes des primiti ves : on pose t = tan x , ce qui donne :
2 + tan \ x/ 2) 8 2 3.fi. r;:; sin x l . ~
8 1n 2 - , +( )2 --arctan v2 ~ + -smxv cos2x .
1+ tan (x/ 2) 1 + tan-(x/ 2) 2 + tan \ x/2) 4 vcos2x 2

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 61


SAVOIRS par David Delaunay

les méthodes de
quadrature
Il n 'est pas toujours possible de calculer une intégrale par les
méthodes classiques. Parfois même, la fonction à intégrer
n 'est connue que par un échantillon de valeurs issues de
mesures. On doit alors se contenter d'une approximation
numérique de la valeur de l'intégrale. Les outils utilisés sont
les méthodes de quadrature.

oit à calculer numériquement cette constante peut être donnée par

S l 'i ntégrale d ' une fonction


f: [a ,b]-+ R On commence géné-
ralement par découper l'i ntervalle en
une valeur pri se par f, par exemple sa
valeur en l'extré mité droite de l'in-
tervalle [a k-1' ad. On approche alors
sous- intervalles contigus l ' intégra le d e f par la formule s ui -
[a 0 , a i] , [ai, a 2], ... , [a,, _" a,J vante :
b "
Par la relation de Chasles, on peut écrire :
b n a.t J f(t)dt =}: (ak - ak- 1)f(ak).
2 Jf( t )dt.
a k· I
J f(t)dt =
li k- 1 O.t - l
C ' est la méthode fa meuse dite méthode
Sur chaque intervalle [ak- I , ak], on pro- des rectangles à droite illustrée ci -des-
pose alors une approximation 'Pk de la sous.
fonction! et l' on exploite celle-ci pour
\' /(1)
approcher l' intégrale de f sur [ak_,, ak].
En sommant ces intégrales approchantes,
on propose alors une valeur numérique
de l' intégrale de f grâce à l' estimation
suivante :
b n U,t

f J(t)dt = 2 f <A(t)dt.
a k• I U.t- l
a, •.,

méthode des rectangles et des trapèzes Ce protocole entre en résonance avec


la définition de l'intégrale comme limite
Un exemple é lé mentaire co nsiste à de sommes de Riemann , et l'on sait donc
approcher la fonction! sur [ak- l' ak] par que plus le découpage du segment [a, b]
une fonction constante. La valeur de e n sous intervalles [ak- I • ak] sera fin ,

62 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

meilleure sera l'approximation . En pra-


tique , et nous le feron s systématique-
La méthode du point milieu
ment par la suite , on découpe le segment Lors de la présentation de la méthode des rectangles,
[a,b] en n intervalles de même longueur, nous avons arbitrairement choisi de construire un rectangle
ce qui se fait en choisissant les points en prenant la valeur de la fonction en l'extrémité droite
b-a de l'intervalle. Graphiquement, il aurait sans doute été plus
ak =a+ k - - avec O :s k :s n .
n satisfaisant de travailler avec la valeur de celle-ci en le milieu
En faisant tendre n vers l' infini , on a de l'intervalle.
donc la propriété suivante : Cela produit la méthode du point milieu, qui est de même
b-a
- [J(a, ) + J(a , )+ ... + J(a , )]~
'
J f( t }dt .
qualité que la méthode des trapèzes. En fait, elle corres-
n • pond à la méthode de Gauss-Legendre dans son premier
Dans un objectif d'efficacité numérique , cas, p = o.
on souhaite que la convergence so it
« rapide » afin qu ' une faible valeur de
n permette d 'estimer correctement I' in- Pour une fonction! suffisamment régu-
tégrale. Ici , on peut montrer que si la lière , on peut montrer que la conver-
fonction f est continûment dérivable alors gence est en l / n2 , ce qui est meilleur,
mais encore facilement perfectible .. .

~ f( t )d1- -b-a 2n f(ak) sM


- I
n k- 1 n
méthode de Simpson
pour une certaine constante M dépendant
def. Pour améliorer notre méthode de qua-
Pour la pratique, cette convergence est drature , il convient de choisir des fonc-
trop lente : il nous faut faire mieux ! tions cpk « encore plus proches » def sur
Pour cela, il suffit de choisir une fonc- les intervalles [ak- l ' ak]. Nous choisis-
tion cpk qui soit « plus proche » de f sur sons des fonctions polynomiales de degré
l' intervalle [ak- 1' ak]. inférieur ou égal à 2 de la forme sui-
vante:
En prenant une fonction affine ayant les
mêmes valeurs quef aux extrémités ak- l
et ak, on obtient, au terme des calculs, Pour déterminer les valeurs des para-
l'approximation suivante: mètres pk, qk et rk , il suffit de convenir
• b - a ( J(a 0 )
[ J(t}dt=-n- - -+J(a,)
f(a,))
+ ... + J(a,_,) + -- . de trois valeurs prises par la fonction
2 2
cpk : nous allons choisir les valeurs prises
par f en ak- l , en ak et en le point milieu
C'est la méthode dite des trapèzes, illus- (ak- l +ak) /2.
trée ci-dessous. y =f(x)

I' /(r)

a, ,, •, ,, ._, •. On peut alors exprimer la fonction cpk,


calculer son intégrale et enfin approcher

Hors-série n• 50. L'intégrale TGngente 63


SAVOIRS Les méthodes de quadrature

Quand on ne dispose Les xk sont alors appelés les points de


quadr atur e, tandi s que les wk sont les
que d'un échantillonnage p oids assoc iés. L' intégrale se comprend
alors comme étant obtenue à partir d' une
La transformée de Fourier f d ' une fonction continue combinaison barycentrique des valeurs
f:IR - IR est définie par
Î (l;) =
-f
f (t)e -2;,r1;,dt.
pri ses par f en les points de quadrature.
Par les fo rmules de Tay lor, une fo nc-
tio n f « rég ulière » peut souvent être
Cette une intégrale importante en théorie du signal, bien approc hée par une fo ncti on poly-
mais difficile à calculer en pratique. On peut cepen- no mi a le. La mé th ode de qu ad rat ure
dant l'évaluer à partir d 'un échantillonnage des valeurs s'avérera alors d 'autant plu s efficace
de/ en procédant à ce que l'on appelle une transfonnation qu 'ell e est exacte po ur des fo ncti o ns
de Fourier discrète. Cette dernière s'interprète comme polynômes de degrés élevés. Nous allons
le calcul d' une intégrale par la méthode des rectangles ! alors déte rmine r les valeurs des poids
wk de sorte que la fo rmule de quadra-
ture so it exacte au moins pour les fo nc-
l ' intégra le initi a le pa r la fo rmu le tions polynomiales de degrés infé rieurs
suivante: àp.
f• f(t)dr =b-a
- I" ( J(a,_,) +4J (a_,__,_,
+a) +J(a, )) . En introdui sant un polynô me d ' inter-
a 611 k-l 2 polation de Lag range sui vant :
(t - x)
Cette démarche est la méthode de Simp-
Lk = f H
TI (x* - xi )
O•J•t>
j-.../.:
,

son. Ell e est souvent sati sfa isante en


pratique, car pour une fo nction! qu atre qui prend la valeur I en xk et la valeur
fo is continûment déri vable, une maj o- Oen les autres xj, on obtient la valeur des
ration de l'erreur est de l' ordre de 1 / n4 . poids, grâce à la relation sui vante:
1

Par les dé marches qu i précèdent , !'en-


f Lk(t)dt =
-1
jeu pour défi nir une méthode de qua- Wo x O+ ... + wk x 1+ .. . + w,, x O = w, .
drature consiste à estimer l' intégrale de
f sur un segment [ak_1 , ak] à partir de Pour ces cho ix de wk, la fo rmule d 'in-
valeurs pri ses par f sur ce segme nt. Par tégratio n est exacte sur les Lk et ce la
un c hangeme nt de vari able affine, on permet d 'établir qu 'elle est alors éga-
peut simp lifier l'étude en tra nsformant lement exacte sur les fo nctions poly-
le seg me nt [ ak- l' ak] e n le seg me nt nô mes de degré inférieur à p car ces
[- 1, 1] . Le problè me se ra mène alors à derniers peuvent s' exprimer à partir des
estime r l' intégra le sur [- 1, l] d ' une Lk. 11 ne reste alors plus qu 'à bien choi-
fonction (que nous noterons encore abu- sir les points de quadrature xk ...
siveme nt j) à partir de va le urs prises
par celle-ci en des poi nts Pour la méthode de Simpson, nous avons
x 0 < x 1 < ... < xP de [- 1, l] . L' intégra le travaillé avec p = 2, x 0 = - 1, x 1 = 0 et
défini ssant une opératio n linéaire, il est x 2 = 1. Par construction, la fo rmule de
naturel d'estimer celle-ci par une formul e quad rature est ass urément exacte pour
elle-même linéaire, et donc du type sui- les polynômes de degré inférieur à 2, et
vant : on peut aussi constater qu 'elle est encore
I p
exacte pour les po lynô mes de degré 3
f f( t )dt =}: wJ(x*). (c'est ce qui l' a rendue si efficace).
- 1 k-0

Tangente Hors-série n•so. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

Cepe ndant , e n chois issant ma inte na nt


1 1
Comparaison numérique
p = 1, x0 = - J3 et x 1 = J3 ,
Soit à calculer f e'dt , dont la valeur exacte est égale à
on obtient les mê mes pro prié tés, e t cela 0
en utili sant un po int de qu ad rature de e - 1. En utilisant les différentes méthodes présentées
moi ns ! La questio n se pose alo rs: com- ici, le graphique ci-dessous permet de visualiser une
me nt obteni r ses po ints d 'i nte rpo latio n mesure de l'erreur commise. E n abscisse fi gure le
optimaux? nombre n de valeurs prises pa r f ex ploi tées et en
ordonnée l'erreur d ' approximation en échelle loga-
méthode de Simpson rithmique. Pour une même méthode, les points ont été
reliés pour une meilleure lisibilité.
On commence par introdui re la fa mille
(U p\
des polynômes de Legendre : ..___
=------------------~M
: é:th:o:oe~d=~~rec
.:::w:ng:::I~
1 d"
u ex)= ___E_:__-(cx 2
- I)'' ). 10° Méthooe destrapè,.es
" (2p)! dX ''
10•
Les pre mi e rs é lé me nts de cette suite
sont 104
U0 (X) = 1, U 1(X) = X,
U2(X) = X 2- 1/3 et U3(X) = X 3-3X/5. 104
Les po lynô mes de Legendre possède nt
toutes le urs rac ines da ns l' interva lle
ou ve rt ] - 1, 1[.
10 12 14 16 18
Par intégrations par parties successives,
o n o bt ient , po ur to ut po lynô me Q de
degré stricte ment infé rie ur à p, la re la- A ins i, la fo rmule de quadrature s'avère
tion sui vante : exacte no n seule me nt po ur to ut po ly-
nô me de degré infé rieur à p , ma is a uss i
J U / t )Q(t )dt = O.
-1
e n fa it po ur to us ceux de degré stric te-
me nt infé rie ur à 2p .
Considérons ma inte nant un po ly nô me Par exemple, po ur p = 3, o n propose la
P de degré stric te me nt infé ri e ur à 2p . fo rmule de quad rature
1
Après une d ivis io n e ucl idie nne, o n pe ut
écri re P(t) = UpCt) Q(t) + R(t) avec Q et
f f(t)dt = -59 ! (-f3is )+ -89 J( 0)
-1

R des po lynô mes qui sont to us de ux de


degrés stric te me nt infé ri e urs à p. E n
+ %1(f3is).
vert u de la pro pri été précéde nte, o n a : C e ll e-c i est numé rique me nt très effi -
1 1
cace, ma is nécessite, po ur être mi se e n
f P(t )dt f R (t )dt.
=
œ uvre, de po uvoir c ho isir les po ints o ù
-1 -1

Choisissons a lors po ur po ints de qua- les vale urs def sont mesurées. Ce la est
dratu re les raci nes x0,x 1. . . xP de UP. On possible lorsque la fo nction! est do nnée
a P(xk) = R (xk) po ur to ut k = 0, 1. . . p par une ex press io n fo nctio nne lle, ma is
et on obtie nt a lors : Je sera plus diffic il e me nt s i la fo nctio n
f est produ ite par une série de mesures
f P(t )dt f R (t )dt
=
également espacées, comme celles issues
-1 -1
JJ f1
d' un échantillo nnage.
= I w*R(x*) = I w*P(x*). D.D.
k-0 k-0

Hors-série n• 50. L'intégrale Tcingente


SAVOIRS par Hervé Lehning

Calcul approché
d'intégrales
Les intégrales sont souvent impossibles à calculer de manière
exacte. On passe alors à des formules approchées, dont les
idées de base sont l'approximation de la fonction à intégrer, la
linéarité et la décomposition du segment en parties égales.

I
de ca lcul les polynômes. L' idée de départ peut
approché d ' une intégrale sembler abstra ite : la fo nction L défi nie
b 1
faf(x)dx sont di sponibl es . par L(f) = f_J (x)dx est une forme

Nous allons en présenter plusieurs, toutes linéaire (« forme » parce qu 'elle prend
de la même famill e . Mai s il en ex iste ses vale urs dans IR, « linéa ire » parce
d'autres, comme les méthodes liées à l' uti- qu 'elle vérifie
lisation du hasard et nommées pour cela L (af + bg) =a L (f) + bL (g) si a et b sont
méthodes de Monte-Carlo (vo ir plu s des scalaires,f et g des fo nctions).
loin dans ce dossier). Pour comme ncer L' intérêt de cette notion, a priori abstraite,
et pour simplifier les calcul s, on exc lut est que, si o n limite les fo nctio ns f à
les paramètres a et b e n effectuant le varier dans un espace vectoriel de dimen-
changement de variables sion fini e , comme celui des polynômes
b-a b+a d ... de degré au plus deux pour donner un
x = - - t + - - : ce Iacon mt ams1
2 2 exemple, l'ensemble des formes linéaires
à con sidérer l' intégrale d ' une fonctio n est un espace vectoriel de même dimen-
sur le segment [- J , 1], car sion. Cette dimension est égale à 3 dans
notre exemple . On en dédu it que L peut
b-a (b-a b+ a ) s'ex primer e n fo nction de trois fo rmes
rb f( x )dx =
Ja
-J f
2 -1
1
- t +-
2 2
dt . linéa ires, à condition qu 'e ll es so ient
indépendantes.
Une ques ion de llnean e Les fo rmes linéaires les plu s simpl es
que l'on pui sse imag iner - et surtout
Une idée simple pour approximer la calcule r - correspo nde nt aux valeurs
1
pri ses e n un po int x, c'est-à-dire à la
val e ur de l ' intégra le f_ J( x )dx est
forme Lx défi nie par Lx(f) =f(x). Il s'agit
d ' approcher la fonction / par une fonc- do nc de choisir troi s va le urs de x de
tion dont l' intégrale est facile à calcu- sorte que les formes linéaires associées
ler. Les plus simples d 'entre elles sont soient indépendantes. Il est logique d'es-

66 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

1
sayer les bornes - 1 et I du segment et
son milieu O. Ainsi, nous chercho ns s' il J P(x)d.x = _!_[3 P (-1 ) + 4P(O) + P (l)].
-1

est poss ible de trou ver troi s constantes Cette fo rmul e est-elle valable au-delà
a, b et c te lles que !'égalité suivante soit des trinômes du second degré ? Notre
vraie : remarque d 'algèbre linéai re est à nou-
L = a L_1 + bL0 + cL 1• veau fondamentale pour aborder la ques-
Cette égalité entre fo rmes linéaires équi- tion. Si elle est vraie pour les polynômes
vaut à: de degré 3, e lle est vraie pour P 3(x) = x 3
L(P) = a L_1(P) + bL0 (P) + cL 1(P) et réciproque ment d 'après le rai sonne-
pour tout trinôme du second degré P. me nt déjà effectué po ur les trinômes.
Elle se trad uit dans un premier te mps Ain si, la formule est valable pour les
par : polynô mes de degré 3 si (et seulement
fi P(x)dx = a P (-1 ) + bP (O) + cP (l ).
1
si) f 1

-1
x 3dx = 0, ce qui est vrai .
Cette équation peut sembler abstraite ; Nous ne pouvons pas aller plus loin car
elle se concréti se en l'écri vant pour des la fo rmul e est fa usse pour P/x) = x 4 .
trinômes particuliers P0 , P 1 et P2 . Les Ainsi, pour tout polynôme P de degré au
constantes a, b et c véri fie nt le systè me plus 3:
suivant : 1 1
J -1
P (x)dx = - [P (-1 ) +4P(O) +P( l)J.
3
Si on applique le changement de variables
1 initial à l'envers, on obtient l'écritu re
a P,(- 1) + bP1(0) + cP1(1) = J_t,(x)dx .
plus class ique :
1
a P2 (- l) + bP2 (0) + cPi( l)= f-iP2 (x)d.x
f, P(x)dx = -b-- a[P (a) + 4P (a+b)
b - -
2
+ P (b ) ].
6
Réciproquement , si a, b et c vérifie nt
ce système, et si P0 , P 1 et P 2 fo rment Appliquée à une fo nction quelconque,
une base de l'espace des polynômes de cette fo rmul e n 'es t plu s exacte, e ll e
degré au plus 2, alors pour to ut poly- dev ient approchée. Cette méthode est
nôme P il ex is te a, /3 e t y te ls qu e attribuée à Th o mas Simpson ( 1710-
P = a P0 + /3P 1 + y P2 , et il suffit de mul - 176 1) mais semble due e n fa it à Isaac
tiplier la première éq uation du système Newton .
par a, la deuxième par /3 et la dernière
par y pour obtenir! 'égalité du départ . ..
qui équi vaut do nc au système. Pour le
résoud re, l' idéal est de choisir des poly-
nômes P0 , P 1 et P2 tels qu ' il soit di ago-
Y= f(x)
nal. C'est possible ! Pour cela, on utilise:
P0 (x) = x(x- l), P 1(x)=(x + l)(x- 1)
etPi(x) = x(x + 1).
Le calcul pour détermine r les coeffi-
cients a, b et c est immédiat. La pre-
mière équati on s'écrit a a+b b
1 2
2a = J_/(x - l)dx, ce qui d o nn e
La formule de Simpson revient à confondre l'aire
a = l / 3 et de même pour b et c, d 'où le sous la courbe (en noir) et celle de la zone en vert
résul tat : (sous la courbe en rouge).

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 67


SAVOIRS Calcul approché d'intégrales

Calcul de l'erreur de méthode Po ur la suite, reveno ns à l' inte rva ll e


[- 1, l] . Pour une fo nctionf que lconque,
En reportant la valeur de R , E(/) est la somme de trois la fo rmul e n 'est va labl e qu 'en intro-
intégrales: la première sur [-1 , 1] et les deux autres sur du isant un terme correcti f E(j), appe lé
[-1, 0] et [0, 1]. En décomposant la première sur ces deux erreur de méthode. li est important de
intervalles , on obtient, pour la partie sur [O, 1], faire la différence entre les termes « faute »
et « erreur ». La méthode de Simpson
t[fo (x~t)3 f 4l(t )dt]dx. consiste à remplacer sciemment la fo nc-
ti on! par un po lynôme de degré au plus
Cette intégrale correspond à une intégrale double sur 3, sachant que le résultat dev ient appro-
le triangle T, en orange sur la figure: ché et non plu s exact. Il suppose do nc
un terme d'erreur, égal à :
t t 1 1

1 1
f_, J(x)dx = -3 (!(- 1)+ 4/(0)+ JO)] + E(f).

Bien entendu , on ne peut calculer expli -


t c ite ment E (j), sino n on pourrait obte-
nir une fo rmu le exacte, ma is on peut
trouver un majorant de I E (j) 1. Une idée
X 1 X t X s imple po ur cela est d' uti li ser la for-
mu le de Tay lor avec reste intégral, car
L'expression donnée correspond à la décomposition de e lle permet de déco mposer une fo nc-
gauche où, pour chaque valeur de x entre Oet 1, t varie ti on de c lasse C4 (c'est-à-di re dont la
de O à x (segment en rouge). En utilisant la décompo- déri vée quatriè me est continue) en un
sition de droite où, pour chaque valeur de t entre O et po lynô me de degré au plus 3 plus un
1, x varie entre t et 1, on obtient l' intégrale reste :f = P + R , o ù
2

r [J,r (x - t? dx ] /
Jo 4 . ent:e crochets
\ t )dt. La partie
P(x) = f(O) + xf'(O) + .::_ f"(O)
3
2
6
+ .::_ !"' (0)
s'intègre facilement et on trouve - r (l 24
Jo
- t) ! <4)(t)dt. 6
et R (x) = r" (x - t)3 J' 4 l(t)dt .
E n faisant de même pour l'autre partie, on a bien Jo 6
E(f ) = f. q,(t )/4l(t )dt. La fo rmu le donnant P est accessoire ici.
L' important est que l' égalité de Simp-
son soit vraie pour P et donc que E (P) = 0,
'
OU <p (t ) = (1 + t)3 ( t - -1) SI. t E [- 1, 0]
24 3 ce qui donne E(j) = E(R), d'où:
1
et q,(t ) = -
(1- t )3 ( t + -1) si t E [0, 1].
E(f) = f
1
R(x)dx - - [ R(- 1) + 4R(O)
-1 3
24 3
,+R (l )).
On en déduit la majoration :
IE(f)I S (t. lq,(t)I dt) ,:~r,)J<(t)I . 4
l
E n po rtant la va le ur de R dans cette
ex press io n, et en calculant un peu, on
La fonction <p est négative et paire, donc déte rmine une fo nctio n <p te lle que

f -••lq,(t)I dt = 2Jro (l 24- t )3 (t + !.)dt,


1

3
ce qu ' il est facile E(f) = fi cp(t)J' l(t)dt.
1
4

1 On en déduit la majoratio n :
de calculer. On trouve bien f lq,(t)I dt
1
= - •
-I 90 IECf)I S ( / , lcp(t)I dt ) ,!~P.)f' 4l(t)[.
Tangente Hors-série n°50. L'intégrale
BASES DU CALCUL INTÉGRAL

Un calcul intégral simple mais fast i-


dieux permet de montrer que E Em
1 1
f-!
l<p(t)ldt = - . (voir l' encadré) .
90
En revenant à l' intervalle initi al :

/J(x)dx = b~a(f(a) + 4f ( a;b)

+ f( b )) + E(f),

où IE<J)I :s M (b - a)5 limite n


2880
Dans cette fo rmule : M = sup
1E{a.b )
l/ 4
>(t )I, L'erreur de méthode Em décroît fortement avec n tandis que
l'erreur de calcul Ec croît. À l'intersection des deux courbes ,
on trouve une limite à ne pas dépasser.
SUbdlulsion de l'lnterualle
qui demande le calcul de la déri vée qua-
La fo rmule de Simpson est rarement uti- trième de f, notée f 4l. On se contente en
lisée sans que l' on subdi vise d 'abord le général d' un ordre de grandeur. Si A= 1
segment d' intégration [- 1, l] en n mor- et si les calculs se fo nt sur di x chiffres,
ceaux égaux (vo ir l' article précédent). soi t ô = 10- 10 , il co nvie nt de ne pas
On est donc amené à considérer les points dépasser n = 100. Ensuite, l'erreur de
ak = - l + k / n, ain si que calcul dev ient prépondérante. Ain si, le
lk = _!_ [f(a u ) + 4 f(a 2k+ 1) + f(a2k+2 )).
3n
calcul approché de J exdx
1

0
= e - 1 pour

On en déd uit : n = l OO donne l ,71 828 1828 alors que


l 11 - I

f _J(x)dx = I
k-0
lk + E(f). pour n = 1 000 il donne 1,71 828 1820 , et
pour n = 10 000 on trouve 1,71 828 1852 .
Dans cette fo rmul e, l'erre ur E(f) se Avec la précision fi xée, la valeur correcte
déco mpose e n de ux parti es. La pre- est ce lle obtenue po ur n = 100.
mière, Em (j), est le report des erreurs de
méthode vues précédemment , donc La méthode de Simpson se générali se
IE 01 <J)I :s M 4 où M
90n
= sup
, ei- 1.11
l/ 4
>(t )I. à d 'autres no mbres de points, elle porte
alo rs le nom généra l de méthode de
La seconde, Ec (j) , est l'erreur de caleu I Newton-Cotes. L'erreur de méthode a
faite sur la somme des lk, qui prov ient la même forme que précédemment. Voici
des erreurs d 'arrondi s. Si chaque calcul de ux exemples .
se fa it avec la préc ision ô, alors • Méthode des trapèzes :
IEc(J) I :5 nô. La méthode des trapèzes utili se de ux
Ces majorants des erreurs constituent points, les extrémités du segment a et b,
des incertitudes, que l'on note de même ce qui donne la fo rmule
Em(j) et Ec(j), pour simplifier. f b f(x)dx = b - a [J(a) + f( b )] + E(f) ,
Ja 2
Pour de grandes valeurs den, l'erreur de (b a)3
avec IE<J)I :s M -
calc ul l'e mpo rte. Po ur déte rmin er la 12
valeur limite à ne pas dépasser, il est où M = sup lt<2>(t )I.
nécessaire de ca lculer le coefficient A, IE{a ,b)

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 69


Calcul approché d'intégrales

Isaac Newton (1643-1727) fut membre de la Royal Society tout comme Thomas Simpson (1710-1761).
George Boole (1815-1864) fut élu membre en 1857.
L 'institution était située, jusqu'en 1967, à la Burlington House à Picadilly à Londres.

1
• Méthode de Boo le-Yill arceau : f-iQ (x)dx = 0,
La méthode de Boole-Villarceau utilise
1 1 ,
cinq points, ce qui donne la fo rmule f-i xQ(x )dx = 0 et f-i x -Q(x )dx = O.
/: f(x)dx = b - a [ 7 J(a) + 32f ( a + b ~ a) + l 2f (a + b; a) On tro uve une so luti on de degré 3 :
90
Q (x) = 5x 3 - 3x, résultat fac ile à véri-
+ 32! ( a + l~a ) + 7f(b) ] + E(f) fier puisque la première et la dernière inté-
gra le sont a lors null es par ra ison de
(b - a)1 parité , la deuxième étant éga le à
avec IECJ)I s M---
1
1935360 4 2 3 1
(5x -3x )dx =[ x 5 -x
où M = sup l/ >(t)I .
6 f -1
]
-1
= Ü.

t E[a ,bJ Ce polynôme Q est appelé polynôme de


Le choix optimal des points appelle d' in- Legendre de degré 3. Dans ce qu i suit ,
troduire une notion nouvelle , celle d 'or-
thogonalité . Deux po lynômes P et Q
on considère ses zéros, à savo ir 0, JI 5
1 et-JI.
sont orthogonaux si f-iP (x)Q(x)dx = O.
La qu alité d ' une for mule du type étu-
Cette notion présente une fo rte analogie dié dépend du degré max imal des poly-
avec l' orthogonalité des vecteurs , ana- nômes pour lesque ls ell e est exacte.
logie qui conduit à penser qu ' il ex iste un Re prenons le cas de tro is poi nts, qui
polynôme de degré 3 orthogonal à tous nous a conduits à la for mule de Simp-
les polynômes de degré au plus 2. so n, mais e n les re mplaça nt pa r les
Du point de vue calculatoire, cela revient zéros du polynôme de Legendre . Comme
à chercher un polynôme Q vérifia nt les on l'a déjà vu , on pe ut tro uver a, b et
trois équations : c tels que:

Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


fi P(x)dx = a P(-..fiÎ5) + bP(O) C6 , o n obtie nt :

+ cP(..fiÎ5 ). / J<x )dx = i-[5! (-~)+ 8f(O) + 5f (~)] + E(f)


Pour cela, il suffi t de l'écrire pour les poly 64
avec IEU)I s - - M ,
nômes sui vants : 7875
P0 (x ) = x (x -..fiis ) , où M = sup
tEl-1. 1]
l/ \ t)!.
6

pl (x) = (X+..fiis)( X- ..fiis), Via le changement de variables déj à uti-


et P(x)
2 = x (x + ..fiis). li sé, cette fo rmule se tra nspose à un
intervalle [a , b] quelconque :
On en dédui t alors la fo rmule :
/ 1P(x )dx = i [sP(-..fiis) + 8P(O) .
rbf( x )dx = !!....=!:
J(/ 18
[51 ( ~ - ~!!....=!:) + 8! ( ~ )
2 2 2

+ sP( ..fiis)] . + 5f ( a; b + ~ b ; a)]+ E(f)


Elle est vérifiée pour tout polynô me de
degré au plu s 2. Considérons mainte- avec IEU)I s M - -
(b - a/
nant un polynôme P de degré au plus 15750
5 et di visons- le par le po lynô me de où M = sup l/ >(t)I.
6

Legendre Q : t Efa.b )

P (x) =T (x) Q (x ) + R (x) , En utili sant une subdi visio n de l' in -


où Tet R sont de degrés au plus 2 . tervalle en n morceaux égaux, la valeur
limite de n à ne pas dépasser est plu s
L' orthogonalité implique que fa ibl e que dans le cas de la méthode
L T (x)Q (x )dx 0 , donc
1
=
de Simpson pui sque l'erreur est main-
tenant de la fo rme A / n7 +no . Pour des
L P(x)dx L R (x )dx , d ' où
1
=
1
ca lc ul s sur di x c hiffres s ignifi cati fs ,
une subdi vision e n JO à 20 morceaux
/1 P(x )dx = i [sR(-..fiis) + 8R(O) doit suffire .
H . L.
+ SR( ..fiis)] .
Or R et P prennent les mêmes valeurs aux
po ints O et ±i pui sque Q s ' y annule,
0.5
d' où la fo rmul e :
/
1
P(x)dx = i [5P(-..fiis) + 8P(O) . E
cr 0

+ sP( ..fiis)J .
-0.5
Elle est donc vérifiée pour tous les poly-
nômes de degré au plus 5 . On vérifie
fac ilement qu 'e lle ne l' est pas au-de là. ·1

Cette méthode est appe lée méthode de ·1 -0.5 0 0.5

Gauss , elle se généralise à tous les degrés.


Polynômes de Legendre.
Si on l' applique à une fonction! de classe

Hors-série n• 50. L'intégrale Tcin9ente 71


ACTIONS par Hervé Lehning

les méthodes de
L'origine des méthodes de Monte-Carlo datent des
expériences de Buffon d'utilisation du hasard pour le calcul
du nombre rt, mais elles n 'ont pris une réelle importance
qu'avec le projet Manhattan et les calculs demandés par la
réalisation de la première bombe atomique.

P
our ca}culer une intégrale
1= f, f( x )dx a u moye n d u

hasard , une idée est de l'exprimer comme


l 'es pé ran ce d ' une vari a bl e a léa to ire
réelle Y. Pour cela, il suffit de considé-
rer une vari able aléato ire T de loi uni-
fo rm e s ur le seg me nt [O , 1] e t
Y= (b- a)f(a + (b - a)T ), pui sque:
E(Y ) = J (b - a)f (a + (b - a)t )dt
0
1

b
=f {/
f(x) dx = 1

par changement de variables.


Comme nt réa li se r T ? On pe ut , pa r
exemple, jeter dix foi s une pièce de mon-
naie, noter 1 pour pi le et O pour face. Si Si on dés ire réa li ser T cent fo is, il fa ut
on obtie nt la suite donc mille jets de pièces . Dans la pra-
I-O- I- I-0-0- 1-0- l- l , tique, on ne procède donc pas ainsi, on
on lui associe le nombre d'écriture binaire utili se un générateur de nombres pseudo-
0 ,1011001011 , c'est-à-dire aléatoires, que l'on trouve dans tout logi-
1 1 1 1 1 1 ciel, tableur ou langage de programmation
2+l3 +ï"4 +2'7 +29 +i°. sc ie ntifi qu e (son no m est e n généra l
Dans le systè me déc ima l, ce no mb re Rand , Random ou Alea). Dans le contexte
s'écrit 0 ,698242 1875 , mais peu importe. de la méthode de Monte-Carlo , il n'y a

Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

aucun inconvénient à remplacer un choix


aléato ire par un cho ix pseudo-aléato ire,
ce qui n 'est pas le cas da ns d 'autres
do maines comme la cryptographie .
La réa lisation de T un grand no mbre de
fois donne une suite de nombres entre
O et 1, notés li, 12 , .. . , 111 • L'espérance
E(Y) est alors approchée par
b a "
X,, = - -- }: J(a + (b-a)t;).
n ;. 1
Prenons un exemple, celui du calcul de
1
f oexdx , dont on connaît la valeur via

e - 1 = 1,7 18, à 0,00 1 près. On utilise


un générate ur de no mbres a léato ires, calcul du volume de la sphère de centre
qui fo urni t les nombres 11 , t 2 , ... , t , puis O et de rayon 1. On peut l'écrire sous
1 "
on ca lcule -
n
Le'·.En re prenant cinq
;. 1
n
la fo rme de l' intégrale triple, sur le cube
[- 1, 1] 3 , de la fo nction caractéristique
fo is l'expérience pour plu sieurs vale urs de la sphère, c'est-à-dire la fo nctio n !
den, on obtient le ta bleau sui va nt : valant I à l' intérie ur de la sphère et O
à l'extérie ur :

Exp. 1
••
1,8 19 1,733
•100•
1,7 19 1,7 16
V= Jffio.iiJ(x,y,z)dxdydz.
xp. 2 1,741 1,700 1,715 1,720 Autre ment dit , on tire une série de n tri-
Ex p. 3 1,7 11 1,735 1,7 16 1,7 18 plets de tro is nombres X;,Y;, Z; au hasard ,
Ex p. 4 1,732 1,698 1,718 1,718 et f(x;, Y;, z) = 1 si x/ + y/
+ z/ ~ 1, 0
Exp.5 1,733 1,707 1,722 1,7 19 sinon. On fa it la somme des f(x;, Y;, z)
et o n di vise par n . E n re prenant cinq
La méthode étant fo ndée sur le hasard , fo is ('expérience pour plusieurs valeurs
iI ne fa ut pas s'étonner du caractère aléa- de n, o n obtient le tableau :
toire des résultats. Cependant, on remarque
que la préc ision a tendance à s'amé lio- 100 1 • 10• 100•
rer. L'ex plicatio n ti ent dans un ca lcul Exp. 1 4,080 4,056 4,208 4 ,201
de probabilités. Plu s précisément , si a IE xp. 2 4,400 4,320 4,202 4 ,188
est l'écart type de Y, alors la pro babilité Exp.3 4,000 4,024 4,185 4,180
que l'erre ur IE(Y)- X 11 I soit inférieure xp.4 4 ,800 4,080 4,205 4,179
à 1,96 ~ est de 95 %. Cette rac ine Exp.5 4,480 4,184 4,203 4,193

carrée montre que pour gagner un chiffre 4


Le résultat exact est n soit 4, 189 à
signi fica tif il fa ut multiplier le nombre 3
n par 100. 0,001 près, ce qui rend bien compte des
La méthode de Monte-Carlo donne donc prév isions sur l'erre ur. Bie n e ntendu ,
une préc ision très modeste. Son inté rêt ce calcul dé bouche sur une approx ima-
est d'être va la ble, avec la mê me fo r- tion den, il suffit de considérer les tro is
mu le d'erre ur, pour les intégra les mul - quarts des résultats tro uvés.
tiples. En gui se d 'exempl e, voyo ns le H. L.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente


HISTOIRES par Jean-Jacques Dupas

les théorèmes
de Guldin
Paul Guldin a eu une vie bien remplie : il fut témoin et acteur
des balbutiements du calcul intégral, il léguera deux théorèmes
bien connus des mécaniciens, il sera au centre d'une polémique
et il échangera même longuement avec Kepler.

uldin naît en 1577 à Saint-Gall ,

G en Suisse, dans une famille d'ori-


g ine jui ve, récemme nt conver-
tie au protestanti sme . Il se con verti ra
au catholi c isme à ! 'âge de 20 ans, et
changera son pré no m de Habakkuk à
Paul . Il entre chez les jésuites, qui , consta-
tant ses fac ilités pour les sciences, l'en-
voient faire des études de mathématiques
à Rome. Il est alors âgé de 32 ans. Gul -
din de vient rapide me nt professe ur de
mathématiques au co llège des jésuites, Paul Guldin (1577-1643).
pui s il sera envoyé à Gratz . Gravement
malade, il va à Vienne, et rev ient à Gratz L'annexe de ce To me I conti e nt un e
en 1637 , où il séjournera jusqu 'à sa mort notice sur l' utili sation des logarithmes.
en 1643. Un a ncêtre de l' intégrati o n é ta it la
méthode des indi visibl es de Cava lieri
la polémique des indiuisibles (vo ir en début de numéro), présentée en
1635 dans sa Geometria l ndivisibilis
L'œuvre maje ure de Guldin reste son Continuorum Nova. Paul Guldin a été l'un
Centrobaryca seu de centra gravitatis des cri tiques les plus sévères de cette
trium specierum quantitatis continuœ, en méthode. Il po inta du do igt que les indi-
quatre to mes, publié de 1635 à 164 1 à visible n'étaient j amais cl airement défi-
Vienne. Dans le tome 1, Guld in déter- ni s. De plus, il donna plusieurs exemples
mine le centre de grav ité de courbes et où l' utilisation de la méthode des ind i-
de solides à la manière d ' Archimède. visibles produisa it des résultats erronés.

74 T«n9ente Hors-série n°50. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

Pour cette pri se de pos itio n , plu s ie urs d s un é lé me nt de l'arc r , est éga le à
aute urs ont c ri tiqué Guldin , qui ne fa i-
sa it q ue son trava il de mathé mati c ie n
A = 2n Jrr ds.
en s ig na lant des manques de ri g ue ur. Or, par définiti o n du centre de grav ité,
Dans le to me 2, il décrit ses célè bres l étant to ujo urs la lo ngue ur de la courbe,
théorè mes. Dans le to me 3, il détermjne la di stance d de la dro ite D au centre de
les surfaces et vo lumes des cônes, des
grav ité G va ut d =! r r ds.
cy lindres, des sphères ... Dans le to me [J r
4, il critique l' usage des indi visibl es. D o nc A= 2:mll.
Les théorè mes de Guldin sont surto ut
bien connus des mécanjciens. Voici le pre- Déjà chez Pappus !
mie r : l'ai re e nge ndrée par un arc de
courbe plane r to urnant auto ur d ' un axe On trou ve les th éo rè mes de Guldin
D situé dans son plan mais qu ' iI ne coupe da ns ... l'œuv re de Pappus (290-350) !
pas est égale au produit de la lo ng ue ur Or les travaux de Pappus furent publiées
l de )'arc par la longueur du cercle décrit e n 1588, 1589 e t 1602. Guldin , fin let-
par son centre de g rav ité G . tré, ne po uva it les ig no rer, ce qui a fa it
dire qu ' il é ta it un pl ag ia ire. Plus tard ,
George Abram Mi) Ier ( 1863- 1951 ) vien-
dra au secours de Guldin en notant qu 'au-
c un auteur de l'époque n'avait remarqué
ce théorè me c hez Pa ppus, pas mê me
Joha nnes Ke ple r, et que l'éno ncé c hez
P appus n 'éta it pe ut-être pas suffisam-
me nt cl a ir po ur que les mathé matic ie ns
de l'époque le re marque nt .
À pro pos de Ke pler e t de Guldin , jus-
te me nt , o n pe ut s'éto nne r que le pro-
testant et le jésuite ruent eu une abondante
correspo ndance . Les jésuites espéraient-
Deuxième théorème : le volume du solide ils convertir Ke pler et) ' incorpore r à leur Références
balayé par un élément de surface plan tour- ord re? Ont-ils voulu se servir de Keple r • Was Paul Guldin a
nant autour d ' un axe situé dans son plan po ur lutte r contre les théories de G a li- plagiarist? G .A.
mais qu ' il ne coupe pas est égale au pro- lée? Quo i qu ' il e n so it , il nous reste Miller, Sc ie nce
duit de l'aire de l'é lé me nt de surface o nze lettres de Ke pler à Guldin , écrites LXIV, n° 1652,
par la lo ngueur du cercle décrit pa r son e ntre 16 18 et 1628 (les le ttres de Gul- aoû t 1926.
centre de grav ité. din à Keple r sont hé las perdues) . Au tra- • Kepler 's relation
Avec les intégra les, les théorè mes de vers de cette correspo ndance, il semble to the Jesuits. A
G ul di n sont s imples à dé mo ntre r (ce que Guldin ait a idé Keple r pour la publi- study of his
n'est évidement pas la méthode que Gul- cati o n d 'ouvrages, qu ' il ait intercédé correspondence
d in a e mployée, et Cavalie ri lui -mê me auprès de l'empereur pou r lui o bte nir with Paul Guldin .
trouvera plusieurs erreurs dans sa démons- son poste, e t qu ' il l'a it consta mme nt Georg Schuppener,
tratio n). Voyons comme nt. So it un arc e ncouragé. À cause de )'asymé trie de NTM Zeitschrift
r tournant auto ur de la d ro ite D . L'aire la correspo nd a nce conservée, il res te für Geschi chte der
A de la surface engendrée par la rotation cepe ndant diffic ile d 'évaluer la nature Wissenschaften,
de r a uto ur de la d ro ite D , s i r est la exacte de le urs re latio ns ... Tec hnik und
dis tance d ' un po int M pa rcourant r e t J.-J. D. Medi z in, 2008.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tcin9ente


SAVOIRS par David Delaunay

ance
de l'intégration terme à terme
La linéarité de l'intégrale, qui est l'une de ses propriétés
de base, permet de transformer l'intégrale d'une somme en
une somme d'intégrales. Bien employée, elle peut être
redoutablement efficace !

ar linéarité de l' intégrale, on peut <-ir -' = 1

PL
f (-1 )" -' d1 .
éc hanger intégrales et sommes n Jo
fini es, ce qui revient à écrire : En intégrant terme à terme , on obtient :
b N N b N 1 1 N
2, I n<r)dt
,,_ ,
= 2,J. 1,,<t)dt .
11-1
2,fo (-t)"-'dt
11•1
= fo2, (-t )"-'dt .
n• I

Cette identité est une intégration terme Cette transformation ramène à une somme
à terme . Après étude de la limite quand que l'on sait ex primer, pui squ ' il s'agit
N ---+ + oo , ce procédé permet sou vent d ' une somme géo mé trique de ra iso n
de calculer des sommes infinies à par- q = - t . On obtient alors l' identité
tir d ' intégrales connues ou , inversement, N (-J )"- l 1[+ (-tt
de calculer des intégra les à l' a ide de
2, -n= J
n• I +t O
dt .
)

sommes infinies connues . Il ne reste a lors plu s qu ' à passer à la


limite , en explo itant
Calcul de séries Ir' <-it s r'1Nd1 = - 1
~ o 1+ t
dtl
Jo N+I
-
N-- o,
Par définition , la série harmonique alter- pour obtenir :
née est : +oo (-J )"- l I dt
(-J )"- l J J J 2, - - = J - =ln 2.
O 1+ t
+oo
n
2, -
n•I n
- =)- - + - - - + ...
2 3 4
n- 1

Cette somme infinie se comprend comme Dans cette étude, l'idée de génie a consisté
la limite de sommes finies : à e mpl oyer un sy mbo le « intégrale »
+oo (-[)"- 1 . N (-) )"- 1
2, --=
n
11• 1
hm
N-+oo n•I
2, -n- . pour transformer une somme que l' on ne
sait pas ca lculer en une autre parfaite-
On ne sait pas ex primer plu s simpl e- me nt ex primabl e . De faço n très ana-
ment ces sommes fini es. Cependant , on logue , et en ex plo itant à nouveau une
peut interpréter le terme sommé par une sommation géométrique, on peut aussi
intégrale: ca lcul er que

76 Ta:ngente Hors-série n°50. L'intégrale


BASES DU CALCUL INTÉGRAL

a+nb
+co
I -
11 • 0
(- 1)"
1+t
=JcO -
1 t'' - 1
bdt. Décomposition de fonctions
Inve rsement , on pe ut auss i calculer des La plupart des fonctions usuelles peuvent être décom-
intégrales e n les transformant e n des posées en somme infinie de fonctions simples, comme
sommes par intégration terme à terme. la fonction exponentielle :
l"
Considérons l'exemple de l' intégrale
impropre convergente
e' = 2-n! pourtEJR .
+oo

11-0
I ln t On peut alors, par intégration terme à terme, justi-
f- dt.
J o 1- t fier l'élégante relation suivante:
On ne peut calculer directeme nt cette +œ 1 ldx
intégrale, ni par détermination de pri - 2 ~ = fo x,·
n•I

miti ves , ni par intégration par parties Pour établir des intégrations terme à terme avec des
ou changement de variable. Cependant , sommes infinies, on peut aussi utiliser des théorèmes
on peut décomposer la fonction inté- prêts à l'emploi! L'un d'eux consiste à observer que,
grée à l' aide d ' une somme géométrique,
en écrivant que :
-=
lnt +œ
11
2 t lnt pourt E ]O , I [.
-
si l'on dispose d'une fonction continue s'écrivant
2 l navec des fonctions l ntoutes continues,
n•O

1- t 11-0 alors on peut écrire


b +oo b
J. 2 J.,(t)dt II. J,, (t )dt ,
+oo
Comme lors du calcul de la somme har-
=
monique alternée, on démontre que l' in- n•O n•O
tégration terme à terme est poss ible, et sous la seule réserve de la convergence de la série
ceci fo urnit : 2llln (t )ldt.
I lnt +œ I
1120
Jo~t= 2 J/' lntdt .
I t 11•0 Ce résultat vaut pour les intégrales sur un segment et
Les intégrales ainsi introduites se calculent pour les intégrales généralisées.
par intégration par parties , et l'on obtient :
I lnt +œ I JT,
fc ~ t = - 2 2 =--.
o 1- t 11 • 1 n 6 pour tous a > 0, b > O.
L' idée géni ale ic i est d ' avo ir décom-
posé, pour le prix d ' une somme infinie , M alhe ureusement , il assez fréq uent que
une fo nction compliquée en somme de cette transformatio n transpose une inté-
fonct ions « simples », dont les intégrales grale que l'on ne sait pas exprimer en une
sont aisément calcul ables . On exp lo ite som me infinie que l'on ne sait pas non
souvent l' identité géométrique plus calculer. C'est le cas pour la constante
1
-- =

1- u 11-0
2u 11
valabl e pour t E ]- 1, 1[,
,
de Catalan, égale à
+œ (- 1)" 1 lnt

pour transformer en somme une inté- 6 (2n + I)2 =-f o 1+t 2 dt.
grande comportant un quotient. C'est D. D.
ai nsi que l'on pe ut aussi obtenir
1ln(l+ t ) •00 (- 1) 11 " 1 Jt
2

Ic - - dt = 2 - 2 = -
O t 11 • 1 n 12
ou encore
2rr e-ùrO }

fo 2- /0 de= 211+ ! pour n EN,


et même la form ule généra le
+oc ,e-(lf +oo I
r-dt= ~ - -
J o 1- e-b, · f:-6 (a+ bn )2

Hors-série n• 50. L'intégrale Tcingente


EN BREF par Jean-Alain Roddier

Des intégrales à la formule de Wallis


Au xvue siècle, le mathématicien britannique John Walli s étudie la
suite d ' intégrales qui porte son nom.
,,,2
Elles sont définies , pour tout entier naturel n, par W,, = J(
sin x )" dx.
0
Cette suite conduit à laformule de Wallis, selon laquelle
~= n(
2n - 1)( 2n + 1)
:n: +.J (2n)2 .
Ce produit infinj converge en fait« très lentement ». La suite des inté-
grales de Wallis vérifie la relation de récurrence suivante :
n+I W
w,,.2 =
n+2
,,.
Cette relation s' obtient à l'aide d ' une simple intégration par parties John Wallis (1616-1703),
11 1
(voir dans le dossier qui suit), en posant u (x) = (sin x) + et par Sir Godfrey Kneller.
v'(x) = sin x dans la définition de W 11 +z· Ce calcul conduit à
W 11 +2 = (n + l )(W,, - W 11+2 ), et donc à la formu le annoncée. On peut alors en déduire la formule exp li -
cite pour les termes de rangs pairs (lorsque n est égal à 2p, avec p un entier nature l), à savoir:
W = (Zp)! X!:_
2p 22''(p!)2 2
De la même manière, on obtient une expression explicite pour les termes de rangs impairs (lorsque n est
égal à 2p + 1, avec p un entier naturel) :

On établit par ailleurs que la suite (W,), suite à termes positifs, est strictement décroissante.
Cette remarque permet ainsi d 'écrire que W 11+2 < W 11+ 1 < W 11 , ce qui conduit à
I W
1- - - < ___!!±.!. < 1.
n+2 W,,
w 01
On en déduit que lim w,,., = 1, et donc en particulier que lim W2 P• 1 = 1. On forme ainsi le qotient ;" :
n-œ w,, ,,-oo w 2p 2p

W 2p+I
W,P
2( 2p+
=-;;:
2p 2p-2 2p-4 4 2)( 2p 2p-2 2p-4 4 2)
l x2p- l x2p-3x .. . x5x3 2p- l x2p-3x2p-5x ... x3xl ·

expression que l'on peut réarranger ainsi : ~ = w,p,, (~) ( 3 x 5 ) ...( ( 2 P- I) x C2 P + 1)) .
1t w,p 2x2 4x4 2px2p
En passant à la limite sur p, on obtient la formule de Walli s, qui permet d 'ex primer 2/n sous la forme
d ' un produit infini :
2 3x3x5x5x7x7x9x9x llx ...
Jt 2x2x4x4x6x6x8x8x l0x l0x ...

Graphe des fonctions w11 (x) = (sin x)"


sur l'intervalle [0, :n;/2], pour n = 1, 2, 3, 4, Set 6.
On constate que plus n augmente,
plus le graphe de la fonction w,, s'écrase sur l'axe des
abscisses. La fonction limite, lorsque n tend vers l'in-
fini, est la fonction qui vaut O sur [O, ,t/2[ et 1 en ,t/2.
On se convainc alors intuitivement (mais le démontrer
est une tout autre histoire !) que n-œlim W" = O.

Ta.ngente Hors-série n°SO. L'intégrale


Les Intégrales multiples 80
L'intégrale de Stieltjes 88
Théorie de la mesure et intégrale de Lebesgue 92
Ya-t-il une Intégrale après Lebesgue 1 96
Le passage difficile
de l'intégrale de Riemann lt l'intégrale stochastique 1OO
Dérluées et intégrales dans le monde des Oet des 1 106
Intégration dans le plan complexe : le théorème des résidus 112
La puissance technique de l'intégration fractionnaire 114
Les intégrales de Coxeter 118

Extensions
de la notion
d'intégrale
L'histoire de l'intégrale ne s'arrête vec Riemann, ni
même avec Lebesgue ! Sa constnlcjion no
breux mathématiciens, essentielleme !Aiidi
au début du :xxe sfècle , ont cherché * en
d'intégrale à des classes défcrnctions de plus en plus géné-
rales, soit pour simplifier la présentation, soit pour les
besoins d'une application.
SAVOIRS par Hervé Lehning

les intégrales
multiples
Les intégrales multiples visent les mêmes propriétés de base
que l'intégrale simple. Cependant, leurs définitions sont
rendues compliquées par le passage de la dimension 1 aux
dimensions 2, 3 et supérieures. Heureusement, les liens avec
la géométrie demeurent.
eut-on adapter la notion d ' inté- Ces quatre propriétés sont naturelles si

P grale au cas de fonctions à plusieurs


variables ? Commençons par I' in-
tégrale double . De même que pour l' in-
on lie l' intégrale à la notion d' aire. Elles
supposent que le domaine est quarrable
(possède une aire) et est fermé (c'est-
tégrale simple , on cherche à définir une à-dire qu ' une suite ne peut s'en échap-
application qui , à un domaine D du plan per à la limite). On se restre indra aux
et une fonct ion réelle f définie sur D , fo nctions continues. De manière natu-
associe un nombre , que l'on note relle , la définition de l' intégrale simple
ff f(x,y)dxdy, vérifiant les quatre pro- utilisant les sommes de Riemann peut être
0
adaptée.
priétés suivantes :
(1) )'additiv ité par rapport au domaine: Des sommes de Riemann
aux aires élémentaires
LrrJ o uo
1 2
J(x,y)dxdy = LrrJ o J(x,y)dxdy +
1 •

ffo, f(x ,y)dxdy On défi nit donc la notion de subdivi-


si D 1 n D 2 est d ' aire nulle, sion d'un domaine D (fermé et qu ar-
(2) la linéarité par rapport à la fonction : rab le) en un nombre fini de domaines
fJJ af(x ,y) + fjf(x ,y) ]dxdy =
(fermés et quarrables) D; : la réunion
des D; est égale à D et les intersections
a JJ0 f(x,y)dxdy + J3 ffJ(x,y)dxdy deux à de ux sont d 'aire nulle. Le pas
(3) la positi vité : d ' une te lle subdivi sion est l'aire maxi-
si f(x, y) ?: 0 pour tout (x, y) E D alors male des D;. En choisissant un point M;
JJJ(x,y)dxdy ~ 0, dans chaque sous-domaine D;, on peut
défi nir ainsi la somme de Riemann asso-
(4) Jfodxdy = aire(D). c iée à la subdi vision pointée L et à la

Ta.ngente Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

fo nctionf: s(J,I) = I J( M;)a ire (oJ


On démontre que, si J~st continue, alors
S (f, L) conve rge quand le pas de la sub-
division tend vers O. La limite est, par
défi nition, l' intégrale defsur D .
Cette définiti on permet de dé mo ntre r
que l' intégrale vé ri fie bien les proprié-
tés ( 1) à (4). Elle fo urnit par ailleurs une
approx imati o n de la va le ur de I ' inté-
grale : il suffit de commencer par les
som mes de Rie mann pui s de passer à Un domaine symétrique.
la limite. En revanche, e lle ne permet
pas son ca lcul . Ce tte propri é té se d é mo ntre sur les
Le terme dxdy est appe lé l'aire élé- sommes de Ri e mann e n utili sant une
mentaire. Il rappelle la définition comme subdi vision sy métrique pui s par pas-
limite des sommes de Rie mann sage à la limite. Elle permet de démon-
tre r sans calcul que
s(J,I )= 2 / (M ; )aire (D; )
i

où les D; forment une subdi vision de D.


ff oxy~ .x 2
+ y2 dxdy = O si D est le disque
Intuitivement, l'aire élémentaire est celle de centre O et de rayo n 1.
de la surface balayée lorsque l'on fai t varier
l' absc isse de x à x + dx et l'ordonnée de la formule de f ubini
yày + dy.
Le calcul est possible dans un cas par-
y

, ~ - 1-....
r, ,
D ticulier très général , celui où le domaine
D est décrit comme une réunio n de seg-
I " me nts verticaux (ou hori zontaux) dont
les bo rnes vari ent continume nt. Plu s
dy l"
,.
- I
1
préc isément , s' il ex iste deux fo nctions
continues y 1 et y2 sur le segment [a, b]
' ... ... , ~

-- vé ri fia nt y 1(.x) :5 yi(.x) po ur tout x, et


te lles que
D = {(x,y), a :5 x :5 b ,y 1(x) :5 y :5 yi(.x)}.
dx X

L'aire élémentaire est en rouge


sur la figure.

Yi(x) ---- ---------


Co ns idéro ns le cas d ' un do ma ine D
symétr ique, de symétries . Supposons D
que D est la réunion de 0 1 et 0 2 avec
0 2 = s(D 1) et 0 1 n 0 2 d 'aire null e.
Sif(s(M)) =f( M) pour tout M , alors
ff f(x,y)dxdy = 2ffo,f(x,y)dxdy.
0
a X
Sif(s( M)) = - f( M) pour to ut M , alors
JJ f(x,y)dxdy
0
= O.
Un domaine décrit par des segments
verticaux.

Hors-série n" 50. L'intégrale Tangente


SAVOIRS Les intégrales multiples

On décompose ce domaine en segments


Guido Fubini verticaux puis on applique la for mule
(1879-1943). de Fubini pour obtenir
dxdy
ffo x + y= fi12 rJi_, x dy+ y
I X l
dx.
L' intégra le entre crochets est égale à la
variation de ln (x + y) entre 1 -x etx, ce
dxdy I
qui do nne :Lrr - - =
J ox + y J 112
1n(2x,1x. r
Cette derniè re intégra le s' intègre par
parties. On trou ve fin alement la va leur
ln 2-1/2.

le calcul de uolumes
Si f es t une fo ncti o n posi ti ve sur un
domaine D , le volume du domaine com-
Dans ce cadre, l' intégra le do ubl e se pri s entre le pl an de cote nulle et la sur-
décompose en deux intégrales simples : face d 'équation z = f(x, y) e t égal à

L'JrrDf(x,y)dxdy =f [f.
2
b (x) f(x,y)dy ] dx. ff J(x,y)dxdy. E n gui se d'exe mp le ,
a Y1(X) 0

La démonstration de cette fo rmule (di te ca lcul o ns le vo lume d ' une sphère de


fo rmule de Fubini) utili se une décom- rayon R . Par sy métrie, il est égal à
pos iti o n de D e n rectang les de côtés 2 2
8ff ~R - x - y2 dxdy où D est le quart
parallè les aux axes, et un regroupement O

le long des segments. Quand on l' utilise, de disque de centre O et de rayon R.


on do it garder en mé mo ire ce décou-
page en segments . Prenons l'exemple
de l' intégra le Lrr
dxdy
J ox + y
où D = {(x,y),y :s; x :s; l ,x + y ~ l }.
Ce do ma ine est un tri ang le qu ' il es t
fac ile de déterminer en traçant les droites
d 'équationsy = x,x = 1 et x + y = 1.
X R
Décomposition d'un quart de disque
x+y = I y=x
en segments verticaux.

E n appliquant la fo rmule de Fubini , on


D x= l obtient

y 1(x) = 1 - x --------- -----: ---- 8foRflR'-,' ~ R 2 - X2 - y2 dy ldx.


E n posant y = R .J 2
- x 2 sin t dans l' in-
1/ 2 X
tégrale simple, elle devient
Le domaine D = {(x, y) ,y ~ x ~ 1, x +y ~ 1}
et sa décomposition.
(R
2
- x
2
) fo 7 12
cos tdt .
2

82 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

Le changement de variables t = n/2- u vecteurs : acp du et acp dv .


montre alors que : au av
,7/2 r" ' 2 L' aire élémentaire est donc donnée par
fo 2
cos tdt = Jo sin 2 tdt
le produit vectoriel de ces deux vec-
I
2Jo 4.
=
n /2 ( 2 2
cos t + sin t dt=
) TC teurs, ce qui correspond bien à la valeur
absolue du jacobien multipliée par dudv.
Le volume cherché est donc égal à Cette remarque peut être utile pour cal-
culer l'aire élémentaire sans calcul de jaco-
2nt(R 2 2
- x )dx = 1nR 3
.
biens, comme par exemple dans le cas
Sous certaines conditions de régularité des coordonnées polaires.
vérifiées dans tous les cas usuels , si cp
est une fonction bijective d' un domaine Passage en coordonnées polaires
fermé et quarrable D sur un domaine
de classe C 1 dont la réciproque cp- 1 est Prenons l'exemple du calcul de
aussi de classe C 1, alors Il= cp(D) est aussi
un domaine fermé et quarrable et, sif est
fJ xy~ x
0
2
+ 4y2 dxdy où D est le quart

une fonction continue, de disque de centre O et de rayon l situé


dans le premier quadrant.
ffJ(x,y)dxdy = ff0 fo cp(u,v)IJ / u,v)ldudv
Le passage en coordonnées polaires
où J est le jacobien de cp, c ' est-à-dire :
ax ax
rc/2 !-------,
J = au av = ax ay - ax ay
"' ay ay au av av au
au av
D M
si x et y sont les coordonnées de cp. 9
Géométriquement , cette formule (du
changement de variable) correspond à une
subdivision selon les courbes coordon-
nées de cp. L' aire élémentaire corres- 0 X 0 r

pond à la surface balayée quand les Le domaine D et les coordonnées cartésiennes


nouvelles coordonnées varient de u à et polaires d'un point Met le domaine A correspondant.
u + du et de v à v + dv .
revient à poser : X = rCOS eet y = rsin e.
La fonction à intégrer devient alors :
<p (11, V+ dv) <p (11 + du, v) xy~ x 2 + 4/ = r 3 cos8 sine.Jcos 2 e + 4 sin 2 e .

Le domaine D décrit par (x , y ) doit être


remplacé par Il, celui décrit par (r , e) .
L'aire élémentaire dw correspond L'aire élémentaire dxdy doit être rem-
à la surface en bleu. placée par celle correspondant aux coor-
données polaires. On peut la calculer de
Cette surface est approximativement un deux façons très différentes.
parallélogramme dont les côtés sont les La première est l' utilisation de la formule
vecteurs utilisant le jacobien. Ici ,
cp(u , v)cp(u + du , v) et cp(u , v)cp(u , v + dv)
Le théorème des accroissements fini s cp(r ,8 ) =
x = r cos e
. donc J =
lcose -r sin81
.
= r.
donne deux approximation s de ce s l
y = r sme cp sine rcose

Hors-série n" 50. L'intégrale Tangente


SAVOIRS Les intégrales multiples

L' aire é lé mentaire est donc éga le à contenant la courber, que l'on suppose
dw = rdrd(). La seconde mani ère est mainte nant orientée. On définit sur ce
géométrique. On retrouve bien le même champ de vecteurs V la circulation de
résu ltat. V le long de r comme
l' intégrale curvili gne frV(M) · dM ,
so .it encore f{/b-V(M(t))·-(t)dt.
dM
dt
Si V a pour coordonnées (P ; Q), alors
V(M) · dM = Pdx + Qdy, ce qui permet
L'aire élémentaire des coordonnées
polaires correspond à la surface de définir l'i ntégra le curvili gne d ' une
en rouge, un rectangle curviligne forme différentie lle Pdx + Qdy .
de côtés rd(J et dr dont l'aire est rdrd(J. Supposons mainte nant que r est une
courbe fermée simple orientée posit i-
L' intégrale proposée devient vement , et soit D son domaine intérieur.
Si P et Q sont deu x fonctions de classes
Jft. r 4 cos (}sin 8.Jcos 2 (} + 4 sin 2 8drd8.
C 1 sur un ouvert conte nant D , la for-
La formule de Fubini donne alors mule de Green- Riemann s'écrit:
(J~r dr )(J: cos8sine,./cos 8 + 4sin 8d8 ) .
4
12
2 2
f,r (Pdx+ Qdy) =LrrJ o (aQ
ax
- aP)dxdy.
ay
En posant t =cos 2 (} + 4sin2 (}, la seconde Cette formule est utile e n particuli er
.mtegra
, 1e est ega
, 1e a' - lfi4/.
...;tdt , ce qui . pour calculer l'a ire d ' une boucle. Pre-
6 1 non s l'exemple du domai ne D intérieur
donne , pour l'i ntégrale proposée, 7 / 45 . à la cardioïde r d 'éq uation polaire
r =2a ( 1 + cos 8), décrite entièrement si
La formule de Green-Riemann () varie de O à 2n.

La formu le de Green-Riemann utilise l'in-


tégrale d ' une fonction continue f ie long
d ' une courber du plan , appelée pour
cette raison intégrale curviligne et notée
J J(M)ds. Si la courbe est décrite par O

George Green un point M de coordonnées x (t) et y (t)


(1793-1841). pour t variant d'une valeur a à une valeur
b, alors par défi nition

f rf( M )ds = l J{M(t))II~ (l)l\d1. Le domaine intérieur à la cardioïde,


en jaune ici.
Cette égalité ne dépend pas du paramé-
trage choisi. La longueur de la courbe D' après la formule de Green- Riemann ,
est simplement égale à l'intégrale cur- l'a ire est égale à
1
viligne de la constante 1.
ffodxdy = 2fr(xdy- ydx).

Considérons un champ de vecteurs (c'est- En coordonnées pol aires,


à-dire une fo nction qui , en chaque point , x dy - y dx =? d(). L'aire cherchée est donc
associe un vecteur) défini sur un ouvert éga le à

84 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

La no tion d' intégra le double concerne


l ' intégration d ' une fonct ion s ur un
domaine du pl an . On pe ut la gé nérali -
ser à celle d' une fonction sur un domaine
d' une surface autre que le pl an . Une sur-
face est l'ensem ble des points de l' es-
pace engendré par un point M dépendant
de deux para mè tres u e t v. L' aire é lé-
mentaire der est celle du domaine engen-
dré quand les paramè tres varie nt de u à
u + du et de v à v + dv . Ces paramètres
ont souvent un sens géométrique. Par
exemple , pour une sphère , on utili se les
coordonnées sphériques .

George Gabriel Stokes (1819-1903).

segme nts [0 , n] et [-n/2, n/2]. On en


déduit l'aire de la sphère :

R
2
(r~;2
cos<pd<p )(l" de)= 4nR
2

La form ule de Green-Riemann se géné-


m
ra li se a lors sous le nom de formule de
Stokes. Si S est une surface orie ntée
limitée par une courbe orientée positi-
Coordonnées cartésiennes vement par rapport à S, si V est un champ
et coordonnées sphériques : de vecte urs de classe C 1 sur un o uvert
(J est la longitude et <p la latitude. contenant S, a lors :

Il suffit de connaître les re lations dans


fi, Y(M)·dM = ff rot(Y(M)} · da.
5

un triang le recta ng le pour déterminer Dans cette formule , il faut comprendre


ce lles qui lient coordonnées sphériques que , si le vecteur V a pour coordonnées
et coordonnées cartésiennes. Si R est le (P; Q ; R), alors :
rayon de la sphère, on a :
Ji-Y(M) · dM = fr(Pdx + Qdy + Rdz).
X = R cos cpcose ,y = R coscpsi n e,

z = R s in cp. Par ai lleurs , rot V est le vecteur de coor-


L' aire é lé me ntaire correspond à celle donnée s ( iJR _ iJQ · iJP _ iJR · iJQ _ iJP)
d' un rectangle de côtés Rdcpet R cos cpde , iJy iJz ' iiz iJx ' iJx iJy '
d ' où d = R2 coscpdedcp. La surface de et da est le vecteur norma l à S unita ire
la sphère est donc éga le à or ienté multiplié p a r der. D e faço n
Ifsda= R ffocos<pded<p
2
où D est le générale , ffs V(M) · da est appelé le flux

do mai ne de variation de e et cp, so it les de V à travers la surface S.

Hors-série n° 50. L'intégrale Ta.ngente 85


Les intégrales multiples

les intégrales triples


D
De même que pour l' intégrale double ,
la définition de l' intégrale triple exige
de définir la notion de volume des par-
ties de l'espace, que l'on dit alors cubables.
La notion de somme de Riemann s'étend
à ce cas et on définit l' intégrale triple d'une
fonction continue f s ur un domain e
cubab le D . Elle vérifie les mêmes pro-
priétés que ) ' intégrale double . Toute-
fois, l' intégrale de la constante 1 sur D
donne le volume de D et non son aire .
Le même esprit préside à la formule de
Fubini qui , toutefoi s, se subdivi se en Le principe de l'intégration
deux : l 'intégration par piles et l 'inté- par tranches.
gration par tranches selon le découpage
du domaine d ' intégration . L' intégration par tranches revient à sup-
poser que le domaine D est décrit comme
l'ensemble des points (x, y, z) tels que ,
D pour chaque z d'un segment [a , b], (x,y)
varie sur un domaine plan dz. La fo r-
mule de Fub ini s'écrit alors :
fJIJ(x,y,z)dxdydz =.
z 1 (x,y)
l [IL, f(x,y, z)dxdy ]c1z.
Comme précédemment , on peut) 'écrire
de deux faço ns différentes.

En gui se d 'exemple, calculons


fIIo(x2 + y2 + z2 )dxdydz

Le principe de l'intégration par piles. où D est le tétraèdre OABC , 0 étant


l'origine du repère , A , B et C les points
L'intégration par piles revient à suppo- sur les axes de coordonnées (a , 0 , 0) ,
ser que le domaine D est décrit comme (0 , b, 0) et (0 , 0 , c).
l'ensemble des points (x, y, z) tel s que ,
pour chaque (x,y) d'un domaine d du plan, D 'après la symétrie des ca lculs , il suf-
z varie de z 1(x,y) à zz(x ,y), où les fonc- fit de calcu ler) ' intégrale de x 2 . La for-
tions z 1 et z2 sont conti nues sur d. La mule de Fub ini donne :
formule de Fubini s'écrit alors : 2 2
fII0 x dxdydz = I ;' x [IL, dydz ]dx.
rrr f(x,y,z)dxdydz = rr [ r''(x.y) f(x, y,z)dz ]dxdy.
JJJ o JJ ct J ,,cx.y) L' intégra le doubl e e ntre crochets est
On peut l'écrire e ncore de deux façons égale à l'aire du triangle dx, qui vaut
différentes en privilégiant l'axe des x
ou celui des y au lieu de celui des z. be( 1-~r
86 T,ni.gente Hors-série n°SO. L'intégrale
EXTENSIONS

Une décomposition par tranches.


2

J:x
Il reste à évaluer be
2
( 1- ~) dx , que

l' on calcule en posant t = x / a , ce qui


a 3bc I a 3bc
donne - - f 12( 1- 1)2 d1 = - - .
2 Jo 60
L' intégrale cherchée vaut do nc :
-abc ( a-, + b'- + c, ) .
60 Mikhail Vassilievitch Ostrogradsky (1801-1862).
Les changements de va riables se font
de la même mani ère que po ur l' inté- En fa it , toutes ces formul es peuvent être
grale double . Prenons le cas des coor- vues comme des cas particuliers de la for-
do nnées sphé riques déj à vues . lei , le mule de Stokes, qui peut être énoncée
rayon r dev ient variable, mais longitude de manière très générale ... à condition
et latitude sont identiques au cas déjà d ' introduire des outil s et des notion s
vu (voir la fi gure). Le volume é lémen- plus sophi stiqués.
ta ire es t ce lui du do ma ine e ngendré H.L.
quand les coordonnées vari ent de r à
r + dr, de() à() + d() et de cp à cp + d cp.
On trouve dw = r2 cos cpdr d() dcp.
La fo rmule d' Ostrogradski (ou fo rmule
de Gauss) peut maintenant être énon-
cée. Si S est une surface fe rmée orien-
tée sui va nt la normale extérieure et D le
domaine intérieur à S , si V est un champ
de vecteurs de cl asse C 1 sur un ou vert
contenant D , alors :
ffsY(M) ·da = Jffodi v(Y(M)~.xdydz.
Dans cette fo rmule, il fa ut comprendre
que, si le vecteur V a pour coordonnées
(P ; Q ; R), di v V est le nombre
éiP éJQ éJR
- +- +- .
àx ày àz

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente


ACTIONS par Daniel Justens

Tout comme celle de Lebesgue ou celle de Itô, qui seront


présentées plus loin dans ce dossier, l'intégrale de Stieltjes est
une extension de l'intégrale de Riemann. Elle se trouve être
un outil idéal pour la modélisation en théorie de la décision
d'investissement.
our intégrer la fonction f selon Le passage à l' intégrale de Stieltjes se fait

P Riemann s ur un intervalle rée l


[a , b], on commence par introduire
une subdivision de l ' intervalle d e
par l' introdu ction d ' un e fonction de
comptage g. Au lieu de sommer les valeurs
de la fonction! proportionnellement aux
définition de la variable : variations de la variable x, comme on le
Xo =a< X1< .. . < X; < ... <XII = b. fait pour l' intégrale de Riemann , on les
Dan s chaque intervalle [x;, X;+ 1[, on somme proportionnellement aux variations
considère un point intermédiaire noté de la fonction g sur les mêmes intervalles.
x;"> . On approche la fonction f par la Formellement, on a success ivement :
fonction en escalier J,,, en lui donnant
la va leur f(x;"> ) dan s tout point de
f~J,,(x)dg = i !( xt>
i- 1
)(g(x;) - g(x;_ 1 ) ) ,

l' intervalle [x;,X;+i [. On définit l' intégrale


de la fonction approchée par :
t f(x)dg = ).~ ! J(x)"> )( g(x; )- g(x;_ 1)) .
i- 1

l !,,(x)dx = i f ( x;"> )Cx; -


i- 1
X;_ 1 ) .
Cette modification n'est pas que formelle :
elle s ' avère é tonnamme nt fertile e n
L' intégrale de Riemann s ' obtient e n applications pratiques !
prenant la limite de la suite obtenue (s i
cette limite existe) lorsque le nombre Une application économique
d ' intervalles n tend vers l' infini , e n
veillant à ce que la norme de la subdivision Construisons un modèle continu devant
(la longueur du plus grand intervalle) représenter ('activité économique d ' une
tende vers O. Formellement: entreprise. Dans ce contexte, la variable
b b
f. f(x)dx !Ln:!f, !,, (x)dx
=
est le temps et se note t . Plutôt que de
considérer individuellement chaque flu x
= Jim {, f( x;"> }(x; - X ;- 1).
financier positif ou négatif tradui sant
,,-oc LJ
i- 1 chacune des activités de l'entrepri se, on

88 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


EXTENSIONS

préfère opter pour l' utili sation d ' une


fonction densité de flux f. En effet, la
les fonctions
multipli cation des activités rend toute à variation bornée
présentation di scrète réaliste beaucoup
trop complexe. D 'a utre part , la La notion de variation bornée a été introduite par Camille
considération de flux regroupés tous les Jordan en 1881. Pour toute fonction f: ~ - + ~ et toute
mois ou tou s les ans (bilans) ne rend subdivision u= (x0 ,x 1, ... ,x,,) d'un intervalle de~ on définit
n
pas fidèlement compte de la réalité .
V(f,a) = I IJ(x;_ 1) - f(x;)I.
i- 1
Par définition, une fonction densité de La variation totale de f sur ~ est
flux f re nd compte des activités de V8 (f) = sup V(f ,a) E[O,+oo].
l'entreprise sur l' inte rvalle [a, b] si, et a

seul ement si, pour tout intervalle [a,,6] La fonction! est à variation bornée si VR(f) est finie.
inclus dans [a, b], l' intégrale de Riemann
{ f(t)dt représente le so lde des flux
positifs et néga tifs e nre g istrés par d'inflation: il prend également en compte
l'entreprise sur cet intervalle de temps. l' activité spécifique du secteur d 'activité
Considérons le cas particulier où a éco nomique. Il intègre également la
représente le présent (a = 0) et où f3 notion de risque.
représente un instant variable t du futur :
f3 = t . Sous certaines conditions On peut à présent définir une fonction
d ' intégrabilité (f à variations bornées, V valeur actuelle des flux financiers
par exemple) , on peut définir une fonction futurs. Reprenons notre subdivision de
flux cumulé A qui reprend l'évolution départ:
pro g re ss ive du compte ré s ultat s de t0 = 0 < t 1 < ... < t; < ... < t,, = t.
(' entrepri se : Supposons n « suffisamment grand » et
A(t) = tJ(s )ds. les intervalles de temps « suffisamment
petits» pour que la fonction d'actualisation
Cette façon de faire permet de représenter ne varie pas significativement durant cet
le solde de toute activité économique intervalle. Avec ces conventions, notre
durant un intervalle [a , (3] par fonction V peut être approchée par :
[A ({3)-A (a)] mais n'est pas totalement
réaliste à long terme. En effet, les résultats V(t) = i
i- 1
e-", ( A(t;) - A(t;_ 1 ) ).
différés ne peuvent être pri s en compte
pour la totalité de leur valeur. Us subissent On somme les valeurs actuelles des
les effets du marché de l'argent et de activités futures de l'entreprise sur la
l' inflation : bref, ils doivent être actualisés . s ucce ss ion d'intervalles pris en
En temps continu , les flux futurs sont considération. Après passage à la limite ,
généralement tempérés par une fonction on constate que la fonction « valeur
d'utilité de type exponentielle négative . actuelle» V de l'activité économique
Un flux financier C échéant à l' instant coïncide avec l' intégrale de Stieltjes du
futur ta une valeur actuelle (ou présente) processus d'actualisation relativement à
égale à C X e-,, . Dans cette expression, la fonction flux cumulés A. On a donc,
r représente le taux de dépréciation (ou taux pour un proces s us d'actualisation
d' actualisation) des flux financiers futurs. quelconque , dépendant du temps et
Ce taux r n'est pas nécessairement identique éventuellement à taux variable r , noté
au taux d ' intérêt du marché ou au taux (l)(t,r(t)):

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 89


ACTIONS L'intégrale de Stieltjes

Thomas Stieltïes Voyons ce que cela donne dans le cas


parti culier d ' une acti vité écono mique
stable de densité constantef(t) = c pour
tout t. La fo nction flu x cumulé s' identi fie
à une re lation affine A (t) =et. Pour une
fo nction d 'actuali sation usuelle, de type
exponentielle négati ve, la valeur actuelle
nette des activités de l'entreprise devient:
V(t) = J~e-''d(cs) = c~ e-'' ds
=-C ( I -e -n ).
r
Cette ex press ion généra li se en tem ps
continu la fo rmule cl ass iqu e dite des
annuités constantes en mathématiques
financières (valeur actuelle de succession
de flu x égaux équidistants dans le temps),
tout en se diffé renciant de cette dernière.
Le mathématicien néerlandais Thomas Joannes En effet , la re lati o n qui v ie nt d 'être
Stieltjes (1856-1894) est issu de l'université de Leiden établie tie nt compte de )'aspect continu
(ou Leyde). Il décide vers l'âge de 30 ans d'opter pour et permanent des acti vités, alors que la
la nationalité française et achève sa trop brève existence formul e des annuités constantes diffè re
comme professeur à l'université de Toulouse. Ses un e pa rti e d e ces ac ti v ités po ur les
travaux couvrent de nombreux domaines, allant des regrouper en fin de période. L' intégral e
méthodes de quadrature de Gauss permettant le calcul de Stie ltjes est plus générale, en ce sens
numérique d'intégrales définies, aux polynômes qu 'e ll e pe rm e t de tra va ill e r s ur des
orthogonaux, en passant par les fractions continues. interva lles de durée que lconque. Ell e
C'est d'ailleurs à l'occasion d'un travail dans ce dernier est plu s réali ste pui squ 'e ll e prend en
domaine qu'il introduit en 1894 l'intégrale qui porte compte les flu x positifs et négati fs au
son nom. moment exact de le ur échéance.

Les travaux de Stieltjes ont aussi contribué de façon D.J.


significative à la création des espaces de Hilbert, à
l'étude des séries divergentes et des fonctions
discontinues. Malheureusement, sa santé fragile ne
lui permettra pas de mener l'ensemble de ses travaux
à leur fin.

Y(t) = J~q:i (s, r (s) )dA(s).


Lorsqu e la fonction den s ité de flu x
financi er f est à vari ation bornée s ur
l' intervalle de définition , on peut calculer
explicitement :
V(t) = J~qi (s, r(s) )J(s)ds.
90 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale
par Hervé Lehning

Une simplification de l'intégrale la longueur d'une courbe


ais pas de la primitiue
Une courbe étant donnée par une représentation para-
sin xdx
. ,
Cons1derons l' mtegrale : 1=
. ,
f 5111.
n ii
3
X + COS X
3
.
métrique t - M(t) continue où t varie sur un segment
[a, b] , comment définir sa longueur? Comment la cal-
0
e changement de vari able : culer de façon approchée ? De façon exacte ?
= n / 2 - t montre que : L' idée pour définir la longueur d ' une courbe C vient
n /l COS tell , . du calcul approché. On considère un polygone inscrit
1= f .3 3
que l'on ecnt :
0 5111 1 + cos I partant de on origine et allant jusqu ' à son extrémité,
n ii cosxdx dans l' ordre. Ce polygone Pa une longueur, notée /(P) .
I= f0
sin x + cos 3 x·
3
Si l' ensemble des l(P) a une borne supérieure, on dit
Soi t en fa isant la somme, que la courbe C possède une longueur, ou qu'elle est
21-
tr / 2 ·
_f
s111 x+co x dX. rectifiable . Même continue, toute courbe n' est pas rec-
O
sin 3 x+cos 3 x tifiable ! En revanche, toute courbe admettant un para-
Or, de faço n généra le : métrage dérivable , à dérivée continue, l'est.
u3 + v3 =(u + v).(u 2 - u v + v2 ) donc :
n /2 d l (t+M) - l (t)
21=
1-sin xcosx
f X .
0

Les règ les de Bioche indique nt alors de


M(t)
poser t = tan x ce 9,!J i donne :
• dt
Approximation de la longueur entre M (t) et M (t + At)
21
= f1
0
2 - 1+ 1.
si At est petit.
La décompos ition : Dans ce cas , notons l (t) la longueur de la courbe
2 2
, ( entre M (a) et M (t) . Si on accroît t de !1t, la longueur
1- - 1 + 1= 1 - 21) + 43 = 43 ( 21J3- 1) +1
entre M (t) et M (t + !1t) est exactement la différence
incite à poser le changement de variables : l(t + !1t) - l(t). On montre qu'elle est équivalente à
21- I la longueur du segment IIM(t)M(t + M)II , elle-même
u= J3 ce qui donne :
l'étant àlldd~ll~t.On en déduit quel est dérivable et
J3 ·~ du J3 n I
l =- f - - = - - +Arctan-
3 _1,Jï u 2 + 1 3 2 ,fj. que sa dérivée vaut l'(t) lldd~ (t)II·
=

I n La longueur de la courbe est donc égale à l' intégrale


Comme Arc tan- =-
J3 6'

on en de' du1t
· 1e resu 2n,J3
' 1tat : I = - -.
Îlldd~ (t)lrt.
9 Appliquons ce résultat pour calculer la longueur d'une
arche de cycloïde, courbe décrite par un point d'une roue
roulant (sans glisser) sur une ligne droite .
Une représentation paramétrique de la cycloïde est
x (t) = R(t-sint) ,
M(t) ou R est le rayon du cercle.
l
y(t) = R(l - cost)
L' arche est obtenue en faisant varier t entre O et 2n.
lldd~ (t)II se simplifie en 2R sin (t/2), si bien que la lon-
2n

gueurde l'arche de cycloïde est égale à2R Jsin!_dt = 8R.


0 2

Hors-série n• 50. L'intégrale Tcingente 91


SAVOIRS par Daniel Justens j

Théorie de la mesure
et intégrale de Lebesgue
Après l'intégrale de Stieltjes, génér alisation élémentaire de
celle de Riemann, voici l'intégrale introduite par Henri Lé on
Lebesgue (1875-1941), qui ouvre les portes du calcul des
probabilités et qui est adaptée à de nombreuses applications.

our comprendre l' in tégra le de co nditi o ns de p ro tect io n d u capita l.

P Le besgue, il fa ut acce pter des


dé to urs p a r qu e lqu es no ti o n s
pré limina ires. On se restre indra ic i à la
Lo rsque le panier affiche un re ndement
négatif, la banque n' impu te aucune perte
au client (et ne lui allo ue aucun coupon).
dimension 1, mais l' intégrale de Lebesgue Po ur se couvrir, la banque limi te les
peut également être définie dans IR" avec gain s des c lie nts e n cas de croissance
n ~ 2 . Voyons d 'abord en quo i l' intégrale dé mesurée du pa ni er. E ll e va pro poser
de R ie ma nn s'avère in suffisante da ns d ' offrir par exemple tous les ans les trois
certa ines applications. On c ite souvent qu arts du re nde me nt du panier si celui -
le cas de la fo nctio n caracté ri stique des c i est pos itif, avec un max imum de 6 %.
rationnels sur l'intervalle [O, I] (fonctio n B ref, si le panie r affiche un rende me nt
valant 1 po ur to ute vale ur ratio nne lle et négatif o u nul , le re nde ment « cl ie nt »
O pour toute vale ur irratio nne lle). Dans es t de O % ; s i le pa ni e r affic he un
le cadre « Rie mann » , il est cla ir qu 'e n re nde me nt stricte me nt compris e ntre O
cho is issant po ur po ints de subdi visio n et 8 % , le c li e nt pe rço it un co upo n
des rationne ls o u des irrati o nn e ls o n co rres p o nd a nt a u x t ro is qu a rt s d u
obtiendra des valeurs différe ntes pour les re nd e me nt rée l ; s i le re nde me nt d u
sommes à considérer, ce qui induit que pa nie r est supérie ur o u éga l à 8 %, le
cette fo nction n'est pas intégrable dans c li e nt se vo it crédi té d ' un co upo n de
ce sens . Des subdi vis io ns rati o nne lles 6 % . Le re nde me nt du clie nt parcourt
vo nt donn e r uni fo rm é m e nt 1 ; d es l' inte rva lle [O; 0,06]. M ais o n sent bien
subdi visions irrationne lles vont donner O. intuiti ve me nt que les va leurs « 0 » et
« 0 ,06 » sont di ffé re ntes des autres, en
Vo ic i un second exemple issu du mo nde ce sens que leur est attribué un poids, une
de la finance contemporaine . Considérons mesure (à dé fini r) d' une a utre nature
le cas d ' une banque proposant un produit que le po ids o u la mesure que l'on peut
fi nanc ie r basé sur un panie r d 'acti o ns , attribuer aux valeurs intermédia ires . La
comme le CAC 40 , e n do nna nt to us les valeur « 0 » porte tout le poids des valeurs
a n s à l ' in ves ti sse ur un e p a rti e du négati ves. La valeur 0 ,06 po rte celui des
re nd e me nt du pa ni er so u s ce rta in es va le urs du pa ni e r s upérie ures à 8 %.

92 Ta.ngente Hors-série n°50. L'intégrale


EXTENSIONS

omment probabiliser le produit financier


ue nous venons de créer en construisant Félix Édouard Justin
sa fo nction densité de faço n adaptée et Émile Borel
surtout intégrable sur tout interva lle de (1871-1956).
la dro ite réelle ?

a démarche de Lebesgue

oit un ensemble X auque l on souha ite


ssoc ier une certa ine « mes ure » (au
ens qui vient d 'être ébauché) . Dans le
ad re de notre exemple, X= [O ; 0 ,06]. Un e tribu pa rti c uli è re joue un rô le
n deho rs de cet inte rva ll e , o n pe ut fo ndamental en théorie de la mesure et
conve nir d ' embl ée que la mes ure est en calcul des probabilités: c'est la tribu
nulle, les valeurs n'étant pas observables . boréli enne, o u trib u de Bo rel , a in s i
L' in for mation dont o n di s pose po ur no mmée d 'après le patron yme de son
mesurer X est toujours partie lle et ne créateur, le mathématic ien probabiliste
permet générale me nt pas de mesurer et homme politique français Émile Borel,
tous les sous-e nsembl es de X . Si o n qui introdui sit pour la première fo is le
acce pte l' ax io me du c ho ix , o n pe ut concept en 1898. Borel s'est aussi illustré
montre r que to us les sous-e nse mbl es e n tant que vul gari sate ur de géni e en
d e [O ; 0,06 ] ne po urront pas ê tre publi ant une analyse à la fo is profo nde
mesurables, quelJe que soit la mesure qui et agréable à lire du calcul des probabilités
va être défin ie . (Le Hasard , paru e n 19 14). Il fut par
On convient de limiter l'ensemble des sous- a ill eurs l' un des précurseurs de l' idée
e nse m bl es à ceux po ur lesqu e ls une de la construction d ' une Europe politique
mesure est permise . L'ensemble de ces et soc ia le.
sous-ensembles bien particuliers de X Si a est une tribu sur X, le couple (X , A)
constitue ce que l' on appe lle une tribu. constitue un espace mesurable . On peut
En calcul des probabilités , on parle de alors lui adjoindre une m esure, à savoir
<T-algèbre. Une tribu est un ensemble une fonction µ associant un réel ou hyper-
non vide de sous-ensembles de X , stable réel (une mesure peut être infinie) positif
par co mpl é me nt arité e t par ré uni o n à chaque é léme nt de A , et joui ssant des
dénombrable : toute réunion dénombrable deux propri étés sui vantes : la mes ure
d 'éléments de la tribu est un élé ment de de l'ensemble vide est nulle,et la mesure
la tribu (le « <T » de « <r-algèbre » fa it assoc iée à la réunio n (éventue lle ment
référence au caractère déno mbrable de dénombrable) de sous-ensembles disjoints
cette propriété) . Pour tout é lément e de de X appartenant à A est égale à la somme
la tribu, X\e est un élé ment de la tribu . des mesures associées à chaque sous-
En calcul des probabilité , les éléments de ensemble. L' axiomatique de Kolmogorov
la tri bu co nstitu e nt l' e nse mbl e d es e n ca lc ul des pro babilités es t le cas
évènements auxquels on peut associer particulier de cette définition , qui associe
une probabilité. Dans ce sens, la <r-algèbre une mesure « l » à l'ensemble X (qui ,
constitue une bonne représentation de da ns ce cas, se note Q et re présente
la quantité d' information dont on dispose: l'e nsembl e fond a me nta l de to us les
plus la <r-algèbre comporte d 'élé ments , résultats poss ibles lors de la réa li sation
plus fine pourra être la probabil isation . d ' une ex périence aléato ire) .

Hors-série n° 50. L'intégrale Tc.ingente


SAVOIRS Théorie de la mesure ...

Des résultats fraichement accueillis g, positive et vérifiant (selon une intégrale


de Riemann)
À la lecture des travaux de René-Louis Baire (1874- 0.08

1932) sur les fonctions discontinues, Lebesgue sent


Po + Jo g(x)d.x + P1 = !.

que l'on peut aller beaucoup plus loin. Se basant sur Pour définir son intégrale, Riemann avait
les résultats d'Émile Borel et de Camille Jordan (1838- subdi visé l' intervalle de variation de la
1922), il formule dès 1901 sa théorie de la mesure variable [a, b], qu i correspo nd ici au
dans un article devenu célèbre, Sur une généralisation fa meux ensemble X. Il avait approché
de l'intégrale définie. C'est là qu'il définit l'intégrale la fo nction à intégrer par une fonction
qui porte aujourd'hui son nom et dont on peut dire en escaliers (constante par morceaux) .
qu'elle a révolutionné le calcul intégral en l'étendant
à toute une classe de fonctions non régulières, ouvrant
ainsi la voie à de nombreuses modélisations et
applications concrètes. Le tout sera complété dans
sa dissertation doctorale, sous le titre Intégrale,
longueur, aire. Malgré plusieurs autres publications
plus didactiques, reprenant ses idées avec clarté, ses
résultats seront fraîchement accueillis, surtout en
France : il subit l'hostilité ouverte de tous les analystes À ce concept , Lebesgue substitue celui
« classiques » . de fonction étagée en subdivisant non pas
l'i ntervalle de variation de la variable,
situé sur I '« axe des x », mais bien l'image
Si l'on travaille avec la tribu de Borel par la fonction à intégrer de cet intervalle,
sur les réels, la mesure qui est associée c'est-à-dire une partie de I'« axe des
à chaque intervalle peut être sa longueur y». For me ll e me nt, noto ns [A , B ]
(différence e ntre borne supérieure et )'intervalle parcouru par la fo nction (sur
borne inférieure). C'est cette mesure J'axe des y) lorsque la variable parcourt
part ic uli è re qui es t util isée d a ns la X. On divise cet intervalle selon
définiti on de l' intégra le de Riemann . A= Yo < Y 1 < Yi < · · · < Yn = B ·
En calcul des probabilités, la mesure
associée à un borélien est sa probabilité.
Dans Je cas de notre exemple, les mesures
associées aux deux points particuliers
O et 0 ,06 représentent respectivement
la probabilité p0 d'observer pour le panier
sous-jacent une valeur négative ou nulle
et la probabilité p 1 d'observer une valeur
du panier supérieure ou égale à 0,08 :
µ(0) = p0 et µ(0,06) = p 1• Lebesgue effectue une partition de X en
considérant l'ensemble des valeurs de X
Pour les intervalles de l'ouvert JO ; 0 ,06[, q ui o nt des im ages s ituées dans la
comme Je produit ne donne que les trois fo urc hette [Y;, Y;+ 1 [, e nsemb les qu'il
qu arts des re nde me nts du panier, les nomme E; (en rouge sur Je graphique) .
mes ures so nt ce ll es assoc iées a u x Ces ensembles peuvent être très complexes
probabilités d'observer des valeurs du (pe nser par exemp le à la fonction
panier comprises entre Oet O,08, lesquelles caracté r istiq ue des ration ne ls sur
sont décrites par une densité de probabilité l' intervalle [O , Il).

94 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

Néanmoins, si ces ensembles peuvent relativement à la distance euclidienne


être mesurés, c'est-à-dires' ils font partie de la fonction caractéristique des rationnels
de la a--algèbre A définie plu s haut , sur [O , 1] vaut donc zéro: fo 10 dµ = O.
1

Lebesgue peut construire deux nouvelles


sommes encadrant l' intégrale qu ' il entend Dans le cas de notre exemple financier,
défi nir. On a en effet : l' intégrale de Lebesgue de la fonction 1
" Il
selon la mesure de probabilité définie
2 Y;µ(E;) < f J(x)dµ <2Y;+ 1µ(E ;).
i-0 i·O plus haut, sur tout intervalle [a, b] de la
On a toujours deux « aires de rectangles » droite réelle, permet de quantifier la
encadrant l' intégrale à calculer, mai s la probabilité d 'observer un rendement
base de ces rectan g le s peut être appartenant à cet intervalle. Attention à
excess ivement « compliquée » . Un bien prendre en considération les
pas sage à la limite permet in fine de intervalles ouverts ou fermés qui, en les
défi nir l' intégrale de Lebesgue lorsque deux points particuliers , de mesure
les deux sommes convergent. Voici ce individuelle non nulle , donnent des
que Lebesgue lui-même avançait pour
comparer sa définition à celle de son
résultats différents : P{[a ,,BJ) = Ja Idµ.

illustre prédécesseur : « Imaginez que je On peut aussi définir une fonction de


doive payer une certaine somme ; j e répartition. Attention aux deux points
peux sortir les pièces de mon porte- particuliers . Selon qu ' ils font ou non
monnaie comme elles viennent pour partie de l'intervalle considéré, on obtient
arriver à la somme indiquée, ou sortir deux valeurs différentes, ce qui fait que
toutes les pièces et les choisir selon leur notre fonction de répartition présente
valeur. La première méthode est l'intégrale deux points de discontinuité (ou sauts)
de Riemann, la deuxième correspond à en x = 0 et en x = 0 ,06 . Les valeurs
mon intégrale. » exactes sont représentées en vert sur le
graphique et l' on vérifie que la fonction
Les rationnels sont de mesure nulle est continue à droite.

Revenons sur le cas de la fonction


I',
caractéristique des rationnels : l'étagement
de Lebesgue se traduit par la définition
de deux sous-ensembles E 1 et E 2 de Fonction
l'intervalle [0, 1], correspondant aux de répart tion F(x)- { ,. ldµ .
sous-ensembles des rationnels et des l'o
I irrationnels de cet intervalle. En optant
pour une mesure de type distance , chaque
réel pris individuellement a une mesure
nulle , correspondant à ce que Borel Enfin, on peut calculer le rendement
appelait des ensembles négligeables (par moyen du produit proposé par notre
définition, de mesure nulle). Toute réunion banquier favori en passant par une
dénombrable d'ensembles négligeables intégrale de Riemann ordinaire. Que
est un ensemble négligeable. L'ensemble rêver de mieux ?
des rationnels sur notre intervalle a donc +œ 0 ,08 3 0.08 3
r =f xdµ =f -xdµ+p 1 x0 ,06=f -xg(x)dx+p 1 x0,06.
une mesure nulle ! On en déduit que "' -œ Jo 4 Jo 4
l'ensemble des irrationnels a une mesure
sur [0, l] égale à 1. L' intégrale de Lebesgue D.J.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tcingente 95


SAVOIRS par Bertrand Hauchecorne
'

Ya-t-il une intégrale après

e es ue?
La théorie de l'intégrale présentée en 1902 par Henri Lebesgue
semblait être l'aboutissement de la notion d'intégrale.
Pourtant, divers mathématiciens ont tenté de poursuivre la
démarche visant à intégrer toujours plus de fonctions.

Denjoy s'ex prime ainsi dans son intro-

A
rnaud Den10J n'a que 28 ans
lorsqu 'i l propose,en 1912, dans duction : « L'intégrale de Riemann a un
une communication à I'Acadé- sens quand la fonction intégrée f est
mje des sciences, une extension de l' in- continue ou quand ses points de dis-
tégrale de Lebesg ue . Élève de Paul continuité forment un ensemble de mesure
Painlevé et d'Émile Borel , grand admi- nulle. L'intégrale de Lebesgue s 'ap-
rateur d 'Henri Lebesgue , il voulait défi- plique à toute fonction f, d'une part
nir une intégrale qui généralise à la fois mesurable et d'autre part bornée, ou
celle de Riemann mais surtout celle de plus généra lement sommable. » 11
Paul Painlevé Lebesgue , comme l' indique le titre de remarque que si une fonction g est inté-
(1863-1933). son texte. Par exemple, la fonction de Diri- grable au sens de Lebesgue sur un inter-
ch let qui vaut l en les points rationnels valle l , alors l'intégrale indéfinje de g prise
et O sinon est intégrable sur tout seg- entre a fixé et x variable, est une fonc-
ment (et même sur IR) pour Lebesgue tion absolument continue (voir en enca-
et non pour Riemann ; à l' inverse, la dré) , dérivable sauf peut-ê tre en un
fonction sinus cardinal sine définie par ensemble de points de mesure nulle, et
sine (x) = sin (x) / x pour x *- 0 qu ' aux points x où elle est dérivable sa
et sine (0) = 1 est intégrable au sens de dérivéef' (x) est égale à g (x). Il constate
Rjemann sur [O , + oo[ mrus n'a pas de sens cependant qu'à l'inverse « il est pos-
pour Lebesgue. sible de former des fonctions dérivées qui
ne sont ni intégrables selon Riemann, ni
Dans le contexte des fonctions continues, sommables selon Lebesgue ».
On peut citer par exemple la fonction F
Darboux démontra l'équivalence
définie sur IR par
entre l'intégrale de Riemann F(x) =x2 sin(I !x 2) six *-Ü
et l'intégrale de Cauchy. etF(O)=O.

Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

Cette fon cti on est dériv abl e s ur ~ et


admet pour déri vée
Arnaud Deniov
f(x) = 2xs in ( l /x2)-(2/x)cos( l !x2) . Arnaud Denjoy (1884-1974) suit à
Pourtant , cette dernière n'est pas inté- l'École normale supérieure les cours
grable au sens de Lebesgue; c'est d'ailleurs de Borel et de Painlevé. Cela influen-
un exemple que lui-même a proposé . cera ses choix tant au niveau des
Pour remédier à cette situation (qui ne met domaines de recherche mathéma-
pas le théorème fond amental du calcul tiques que sur le plan politique, puisque
intégral en défaut), Denjoy introduit une ces trois hommes auront des fonc-
générali sati on de l' intégral e e n de ux tions électives. Passionné par la philosophie, la psy-
étapes . Un premier article paraît en 191 2 chologie et les sciences sociales, Denjoy siègera de
sous le titre Une généralisation de l 'in- 1920 à 1940 au Conseil général du Gers. Il possédait
tégrale de Lebesgue. Sa méthode, très par ailleurs un grand talent littéraire et affectionnait
complexe, est impossible à ex p)jquer ic i. le style hyperbolique, comme dans cet extrait de la
En gros, il appe lle totalisable s ur un notice sur la vie et l'œuvre d'Henri Lebesgue pro-
interva ll e 1, toute fonctio n f vérifi ant noncée à l'Académie des sciences le 21 octobre 1946.
tro is conditi ons portant sur son co m- « La science va vers sa destinée à la façon d'un.flux
portement sur des sous-ensembles par- de lave lourde et boueuse. Dans l'épaisseur de la
faits (c'est-à-dire fe rmés et sans po int masse et lui imprimant son mouvement, mille bêtes
isolé) ; il obtient la totalisation de cette grouillent, se multiplient en une fièvre active. De loin
fo ncti on en additi onnant une infinité en loin l'une d'elles, monstrueuse, surgit de la surface
dénombrable d ' intégrales de Le besgue et brise le front du.flot. La traîne visqueuse pendant
sur des sous-intervalles de 1. Lorsque f de ses élîtres [sic., ailes] et pattes de faucheux dépose
est intégrale pour Lebesgue, elle est tota- sur le sol la trace où se déviera un bras du paresseux
lisable et sa totali sation est son intégrale . courant. Et après bien des années, à l'aisselle de la
Denjoy répond de plus à son objecti f. Si bifurcation, la science laissera un emplacement vierge
/est déri vable sur l'intervalle [a, b], alors de son passage, tandis qu'une grosse artère de cette
sa fo nction déri vée g est totali sable et circulation fluide aura pris pour amorce et gonflé
sa totali sation sur [a, b] vaut f( b)-f(a) . le sillage marqué jadis par la souveraine hardiesse
d'un être se détachant seul devant tous.
Lousine, Khintchine, encore Denjoy, Les promoteurs de la science lui impriment, au
et Perron moins pour un temps, le tour de leurs attraits de
pensée et de leur goût, bref leur style. La science
en formation présente un caractère changeant et
humain qu'elle perd avec le recul de l'époque, en se
décharnant du superflu, en se rétractant à l'essen-
tiel, pour devenir impersonnelle. »

sine travaille sur la théorie de la mesure ;


il généralise la notion de fonction à varia-
ti on bornée et de fo nction absolument
Alexandre lakovlevitch Khintchine continue. Alexandre Khintchine, alors qu' il
(1878-1959). fi nit ses études à l'université de Moscou,
en fa it une nouvelle générali sati on en
Deux mathématiciens russes sont attirés 19 16, pu is étend la notion de fo nction
par les travaux du Français. Nikolaï Lou- dérivée, qu ' il dénomme asymptotique.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tcingent:e


SAVOIRS Une intégrale après Lebesgue ?

lousine persécuté Il géné rali se lu i aussi la no tio n de fo nc-


ti o n dérivabl e, qu ' il a ppe lle approxi-
par les Soviétiques m ative. Bi e n qu 'aya nt t rava ill é
indépendamment, il parvient à une notion
En 1936, Nikolai Lousine fut victime d'une violente d ' intégrale analogue à celle de Khintchine.
campagne orchestrée par les autorités soviétiques et
relayée par la Pravda. Sous prétexte qu'il privilégiait
les revues étrangères pour ses publications, il fut

'. . !
accusé de propagande anti-soviétique. Arnaud Den-
joy déploya énormément d'énergie pour défendre le
mathématicien russe, devenu son ami ; il alerta de
nombreux scientifiques occidentaux et les autorités
françaises. En cherchant à se débarrasser de Lou- ,,.t ., ~
sine, le pouvoir soviétique tentait d'occulter l'héri- 1
:
·~.-·
•f .
'\
tage de l'école mathématique de Moscou d'avant 1 .... ·~

l'URSS~ Devant la pression internationale, il dut céder


et le réhabiliter. Contrairement à son maître Dimitri
Egorov, mort en prison à Kazan en 1931, Lousine Oskar Perron (1880-1975).
échappa de peu à l'élimination physique.

Pavel Sergueïevitch Alexandrov


(1896-1982).
Nikolaï Nikolaïevitch Lousine
(1883-1950). Oskar Perro n est lui un mathématicien
a ll e m a nd . Il introduit égale me nt , e n
Pour Khintchine, une fonction g est inté- 19 14, une no uvelle notio n d ' intégrale.
grable s i, et seule me nt si, il ex iste une Il nomme sur-primitive defsur [a, b] une
fo nctio n! absolume nt continue généra- fo nctio n F déri va ble te lle que F (a)= 0
li sée do nt la dé ri vée asy mptotique est e t F'(x) ?:. j(x) po ur to ut x dans [a, b] ;
égale à g presque partout. L'égalité fo n- il définit de mê me les sous-primitives
da me nta le du ca lc ul intégral est a lo rs G de f. li dit a lo rs que f est intégrable
vérifiée : sur [a, b] s i la borne infé rie ure des F(b)

f(x) = J:
g(t )dt .
est égale à la borne supé rieure des G (b),
et cette vale ur commune est l'intégrale
Te nu info rmé des résultats obte nus par defsur [a, b] .
les de ux ma thé m atic ie ns moscov ites, Le mathé mati c ie n russe Pavel A lexan-
De njoy publie un nouvel article en 19 16 . drov (élève de Nikola:i Lousine) démontre

98 Ta.ngente Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

les fonctions absolument continues


Sig est intégrable pour Lebesgue, l'intégrale indéfinie J: g(t)dt
f(x) =

est dérivable presque partout et, en ces points,! '(x) = g (x). Cependant, si une
fonction f est dérivable presque partout, sa fonction dérivée n'est pas forcé-

ment intégrable et, i elle l'est, rien ne permet d'affirmer que f(x) = J: f'(t)dt.
Plusieurs mathématicien se penchent alors sur la question de savoir quelle
condition supplémentaire il faudrait ajouter surf pour qu'une telle relation soit
vérifiée.
Le jeune Beppo Levi (1875-1961) cerne bien le problème et comprend qu'il
faut que tout ensemble de mesure nulle soit envoyé par f sur un ensemble lui-
même de mesure nulle. C'est cependant à Giuseppe Vitali (1875-1932) que
l'on doit la réponse à cette question. Dans un article publié en 1905, il écrit qu'une
fonction est absolument continue sur un intervalle I si, pour tout E > 0, il existe
r, > 0 tel que, pour toute famille [x;, y;] d 'intervaJles disjoints dont la somme
des longueurs lest inférieure à r, , la somme des longueurs IJ(x;)-f(y;) 1 est infé-
rieure à E. Cette propriété entraîne la continuité uniforme, et a fortiori la conti-
nuité. Vitali montre alors que , dans le cadre de la théorie de Lebesgue, les
fonctions absolument continues sont exactement les intégrales indéfinies de
fonctions intégrables, que ces fonctions sont dérivables presque partout, et

qu'elles vérifient f(x) = J: f'(t)dt.

Jaroslav Kurzweil (né en 1926). Ralph Henstock (1923-2007).

en 1915 des résultats profonds sur les À la fin des années 1950,enfm, Jaroslav
ensemb les boréliens et les ensembles Kurzweil et Ralph Henstock donneront
parfaits. li se penche alors sur les inté- une méthode plus élégante pour construire
grales de Denjoy et de Perron et démontre, ces intégrales.
en 1920 . .. la stricte équi va le nce des B.H.
deux définitions !

Hors-série n° 50. L'intégrale Ta.ngente 99


SAVOIRS par Daniel Justens

le passage difficile de l'intégrale de Riemann à


l'1n é raie stoc astique
Dans certains cas concrets, les intégrales de Riemann, de
Stieltjes, de Lebesgue et même leurs généralisations ne sont
pas exploitables. Il faut alors recourir à un outil spécifique
très utilisé en finance, l'intégrale stochastique.

les plus simples


d ' introduire (' intégrale d ' une
fonction , on l'a largeme nt vu
dan s les doss iers précédents, se fait par
le moyen du calcul de la mesure de l'aire
de la surface (au signe près) comprise entre
deu x valeurs de la vari abl e (a et b), la
fo nction et l' axe de la variable . Ce calcul
fait apparaître explicitement le processus
de so mm ation qui inte rvie nt da ns la 1/ 12 211 2 311 2 411 2 ~ 12 111 2 7/ 12 8112 9112 10'12 111121 211 2

procédure et également la nécessité d' un


passage à la limite . Con s idé ron s par L' idée est de considérer non pas le chjffre
exempl e la vari able « chiffre d 'affa ires d ' affaires, mais bien sa densité, c 'est-à-
(CA) d ' une e ntre pri se » . Le CA tota l dire sa valeur correspo ndante sur une
es t év id e mm e nt la so mm e d e s C A durée d ' un an . Lo rsque l' o n trava ill e
co rres po nd a nt à d es pé ri o d es par moi s, on obtient la densité annuelle
intermédiaires : le CA de la de rni è re en multipli ant par 12. En travaill ant par
a nn ée es t la somm e des d o uze C A jour ouvrable, on multiplie le CA journalier
mensue ls de cette année , ou encore la par environ 300 . Sous cette convention,
somme des troi s cents CA journa lie rs le ca lcul du CA total dev ient l' intégrale
Uo urs o uvrabl es) de cette année. Ces de la fonction « densité de flux financier ».
chiffres d ' affa ires sont vari ables d ' un Cette intégra le est représentée par la
j o ur à l 'a utre , d ' un m o is à l ' a utre. surface e n j aune sur le graph ique ci -
Comment représenter mathématiquement contre et représente le chiffre annuel de
ces objets ? l'entreprise. On constate que le calcul des
surfaces des rectangles fa it ap paraître
de s fac te urs ( 1 / 12) q ui justi fie nt la
En univers aléatoire, les accroissements multiplication par 12 des CA observés
sont proportionnels à .Ji. mensuellement . Cette faço n de procéder

OO Tcingent:e Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

n'est pas tri viale : e lle ouvre la porte à le glissement uers un monde aléatoire
une représentation concrète sophistiquée
des plus intéressantes. Revenons à notre exemple des chiffres
d ' affaires . Lorsque l'on se tourne vers
Lorsque la va ri able est le temps , o n la le passé, les c hiffres d ' affa ires sont
no te ha bitu e ll e me nt t. La fon c ti o n connus. Ce n'est plus le cas lorsque l'on
construite dans le cadre de l'exemple veut proposer une présentation axée vers
est naturellem ent e n esca li e rs. Po ur le futur. On a dans ce cas sans doute une
intégre r une fo ncti o n mathé matique idée des CA , mais on ne les connaît pas
usuellef, il fa ut provoquer l' apparition totalement. On postule alors l'ex istence
d' une fo nction de ce type . On le fa it e n d ' une va ri a bl e a léatoire qu a ntifi ant
introduisant une subdi vision de l'intervaUe l' incertitude sur les acti vités économiques
de définition de la variable. Dans chaque futur es. Pe ut-on a rri ve r à un e
intervall e a in si déte rminé , o n c ho is it représentation du CA total au moyen
une valeur arbit raire et on considère la d' une express ion du type
b b
fo nc ti o n co mm e co nsta nte d a ns ce t CA ,o,al =f f( t )dt +f u(t ,w )d t
(I (I
intervalle en lui attribuant cette va leur Il

particul ière. Formellement, si l'intervalle = 2, f( t;a) )(t; - f i- 1)


i- 1
sur lequel on ve ut ca lculer 1' intégra le Il

est noté [a , b[ , on introduit n + 1 po ints + 2, u(t; >,w)(t; - 1;_


0
1)
i- 1
de subd ivisions
t0 = a < t 1 < .. . < t ; < .. . < t,, = b . d a ns laqu e lle, co mm e plu s ha ut , la
Dans chaque intervalle [t;, l;+i [, on choisit fo nct ion f re prése nte l' espé rance de
un point intermédiaire 1;0 >. On approche densité de CA et la vari able aléato ire u
alors la fo ncti o n f par la fo ncti o n e n quantifie l' incertitude sur cette densité
0
escalier!,, , en lui donnant la valeur f(t ; >) de chiffre d'affaires? La notation u(t , w)
pour tout point de l' interva lle [t;, t;+ 1 [ . décrit un processus stochas tique, c'est-
On intègre la fo nction approchée selon à-dire l'évolution d'un phénomène évolu-
la fo rmule ant aléato irement (w) au cours du temps
i
b Il
(t). Atte ntion : un événement w corre-
f( t )dt = 2,,_, f(t ; >)(t; - 1;_
0
1) .
spond en fai t à une des trajectoires envis-
En choisissant de plus en plus de po ints ageables du processus dans l' espace Q
de subdi visions dans [a, b[ et en veill ant de tous les futurs possibles. Après ces pré-
à faire tendre les longueurs des intervalles cisions, revenons à notre question. La
[ti--1, t;[ vers 0, on approche progressivement réponse est : non ! Voyons pourquoi. Il
la mesure de la surface . À la limite , la fa ut d ' a bord é m e ttre une sé ri e
valeur trouvée est « exacte » sous certaines d ' hypothèses concernant la fon ction u ,
conditions. a fin d e re ndre la re prése nta ti o n
« économiquement réaliste ». On suppose
f(t)
tout d ' abord que la vari able aléatoire
u (t , w) est indépendante de u (s, w) pour
tout t < s . La justifi cation économique
de cette hypothèse repose sur le fait que
l' on ne pe ut antic iper des mouvements
imprévisibles à un moment en connaissant
les va ri ati o ns a léatoi res passées. On
suppose ensuite que ('espérance de cette

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 101


SAVOIRS

variable aléatoire est identiquement


L'intégrale stochastique

du temps qui s'écoule , et non au temps


J
nulle : E (u (t , w)) =0 pour tout t. Cette lui-même .
hypothèse équivaut à dire que toute Ce résultat n ' est pas intuitif, mais on
l' information sur l'activité économique peut s'e n convaincre en regardant le
de l'e ntreprise est contenue dans la modèle simplifié suivant. Supposons
fonction f. Sous ces conditions, u que pour tou s les intervalles de temps,
représente ce que l'on appelle un bruit la variation aléatoire X; se traduise so it
blanc. On suppose enfin que la variance par une petite hau sse h du CA , soit par
de u est finie pour tout t : il existe un réel une petite baisse - h et que les probabilités
K tel que V (u(t, w)) < K pour tout t . Il associées à ces deux évènements soient
est en effet impossible de gérer un identiques (égales à 0,5). Le CA 10 1a1
phénomène infiniment variable. Sou s devient:
b n
ces conditions, on peut montrer que la CA,o,al = J:. f(t)dt + 2 X;.
variance du chiffre d ' affaires total est i=I

identiquement nulle, ce qui revient à Il faut étudier la somme den variables


dire que l ' on est resté en univers aléatoires X; identiques, indépendantes.
déterministe : il n' y a pas de composante Chacune de ces variables a une moyenne
aléatoire dans le modèle ! nulle :
Y(CA,0101 } = v(J: u(t,w)dt) = O. E (X;) = 0 ,5 x h + 0,5 x (- h) = O.
La variance de ces variables « petites
D'où vient le problème ? La démonstration variations » est clairement finie :
du résultat précédent se fait en majorant V(X;) =0,5 x h2 + 0,5 x (-h )2 = h2 .
la variance par une quantité tendant
uniformément vers O lorsque le nombre Passons à présent à la variable CA1013 1 et
de points de subdivisions de l' intervalle calculons-en moyenne et variance :
de définition tend vers l'infini. Le calcul
E( CA,o,al) = f~f(t)dt'
explicite de la variance conduit à une
expression du type : la moyenne d' une somme étant la somme
v( CA , v(/ u(t ,w)dt) K Î (t; - t;_,)2 .
0101 ) = s
des moyennes. Quant à la variance d'une

En choisissant n intervalles de longueur


·-· somme de variables aléatoires
indépendantes, elle est égale à la somme
identique (b-a)/ n , le majorant devient : des variances des termes de la somme.
Y( CA,0 10 1 ) s K n(b ~ a) en simplifiant,
2


(b - a)2
Ainsi , v(cA'°" 1}= f
i-1
v(x;}=nh
2

Y(CA,0101 ) s K - - .
n Dans cette expression, n représente
Le passage à la limite dans le cadre de toujours le nombre de « mini-intervalles »
notre modèle annule complètement sa de temp s constituant notre horizon .
composante aléatoire ! En supposant Supposons que chaque intervalle de
que la somme contenue dans la seconde temps (identique) se noter. On sait alors
intégrale (l ' intégrale aléatoire) était que l' horizon considéré b - a est égal à
constituée de termes proportionnels aux nr. Et donc que n = (b - a)h:.
accroissements de temps , on l ' a Notre variance peut alors s'écrire:
condamnée à la nullité presque sûre. v(CA ) = (b - a)h2
!Olal
Ceci est dû à une propriété étonnante : r
en univers aléatoire, les accroissements Une mesure objective des variations
sont proportionnels à la racine carrée aléatoire en est l'écart type cr.

102 Ta.ngente Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

Notre calcul mo ntre que cel ui -ci est


proportionnel à la racine carrée de
l' horizon considéré b- a:

a(CA,0 ,. 1) = ~ =.Jb-a ~-

a
l'intégrale stochastique d'Itô

Il convient donc de remplacer le temps ,


intervenant directement dans la
construction des intégrales de Riemann,
par un processus de comptage aléatoire
jouissant de toutes les propriétés
souhaitées pour être utilisable en pratique.
En quelque sorte, on va construire une
intégrale de Stieltjes très particulière. Sous ces conditions, la variance d'un
C'est le rôle que va jouer la formalisation tel processus est toujours proportionnelle
du mouvement brownien. On se souvient au temps. Et donc son écart type, qui
du botaniste irlandais Robert Brown est une mesure plus ou moins objective
(1773- 1858), qui s'était signalé en de ses variations, est proportionnel à la
publiant en 1828 son observation des racine carrée du temps écoulé.
mouvements erratiques du pollen de On uniformise enfin le processus e n
Clarkia pulchella dont les particules introduisant le mouvement brownien
semblaient se mouvoir aléatoirement standard w(t, w),encore noté B (t, w) ou
dans tous les sens. Ce type de mouvement z (t , w), pour leq ue l la variance es t
est aujourd 'hui modélisé par un processus rigoureusement égale au temps.
dit stochastique, c'est-à-dire un
phénomène évoluant aléatoirement au
cours du temps. On donne à ce processus
le s propriétés « éco nomiq ueme nt
raison nables » qui ont été ava ncées
plus haut : espérance finie, et
accroissements indépendants et
stationnaires . C ' est toujours l' idée qu'il
ne nous est pas possible d'appréhender
les variations aléato ires futures à partir
des observations passées de ces mêmes Le mathématicien américain
variations a léatoires qui prévaut. On Norbert Wiener (1894-1964) fut l'un
suppose aussi que les effets aléatoires des premiers à donner du mouvement
ne se manifestent pas instantanément. brownien une représentation moderne.
On donne enfin traditionnellement à
ce processus une distribution normale, On peut donc en gros voir le processus
ce qui permet des sommations sans standardisé comme un e distribution
aucun problème (la distribution normale normale donnant à tout moment l'intensité
étant la seule distribution de variance cumulée de variation a léatoire
finie stable par sommation) . imprévisible so us la forme d'une

Hors-série n• 50. L'intégrale TAngente 103


SAVOIRS L'intégrale stochastique

pre mi ère intég ra le quantifie notre


information sous forme d'une espérance,
la seco nde est une vari abl e aléato ire
ex primant le ni veau de variabilité que
l' on peut attendre.
b b
CA,0 '" 1 = f f(t)dt + f a(t)dw(t ,w)
Ja )a

= f f (t ;"> )(t; -11 _;)


i- 1

+ f
i- 1
a(t;a> )(w(l;,W) - w(l;_i, w)).

On constate ici, formellement, une certaine


pare nté avec 1' intégrale de Stieltjes.
Mais le rô le de la fonction de comptage
« g » apparaissant dan s l'intégrale de
Stieltjes est ic i joué par une vari ab le
aléatoire, ce qui modifie significativement
la nature de l' intégrale défi nie.
L'ex press ion qui vient d 'être introduite
n'est malheureusement pas encore réaliste.
En effet, les variations aléatoires ne sont
perç ues e t mes ura bl es qu e tous les
intervalle de temps. Il n'est pas raisonnable
Le grand mathématicien japonais Kiyoshi Itô (1915-2008), de supposer que ('observateur soi t au
l'un des pionniers du calcul stochastique moderne. fait des variations d 'a mplitude de la
variation a léatoire entre deux instants
di stribution normale d'espérance nulle d' observation ! C'est le phénomène de
et d ' écart type égal à la racine carrée non-anticipativité. Il convient donc, dans
du temps écoulé depui s le début de notre intég ra le stoc has tiqu e, de ne
l' observation du phénomène. Ce type co ns id ére r pour la vo la tilit é que
d 'objet mathématique porte le nom de l' information dont on di spose, c'est-à-
bruit blanc (sans tendance). dire la valeur de cette volatilité au début
Le fait d 'avo ir standardi sé le processus d e chaque int e r va ll e . Les points
stochastique permet d' introduire la notion intermédiaires t;"> sont donc remplacés
de volatilité de la variation aléatoire , par les in stants « débuts » de chaq ue
sou s la forme d ' un coefficient <T(t) intervalle de temps, à savoi r 1;_1 • Nous
proportionnel au MBS , qui quantifi e voici e nfin arrivés à une ex press io n
exactement l' ampleur de cette variation. pres qu e défi nitiv e de l ' int égra le
C'est cette volatilité dont on parl e stochastique: par défi nition ,
quotidiennement en finance et dont peu b b

d 'acteurs sont capables de donner une


J, f (t )dt + J, a(t )dw(t ,w) =
définition correcte ...
Il est maintenant poss ible de proposer
f 1(1t> )c,i
i-1
-11_; )

une premi è re dé finition du chiffre +fa( 1;_1 )( w(I; ,w) - w(t; _i,W)).
d ' affaires total , défi ni d ' une part par i• I

une intégrale ordinaire et d' autre part au Que nous manque-t-il encore? Le fameux
moyen d' une intégrale stochastique. La passage à la limite pour un no mb re

ri O Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


EXTENSIONS

d' in sta nts inte rméd ia ires te ndant vers


l' in fi ni , la durée des mini - inte rva ll es
Movenne et variance
ent re de ux o bse rva ti o ns s uccess ives d'une intégrale stochastique
tendant égaleme nt vers O. Nous sommes
alors e nfi n e n présence de l' intégra le L'objet que nous avons construit est manifestement
stochas tiq ue issue des travaux d ' Itô. une variable aléatoire. Il est possible d'en calculer
moyenne et variance. Revenons à sa définition avant
Certes, la constru c ti o n de l' intégra le passage à la limite.
est labo ri e use. E ll e est le résultat de
décennies de recherches, dans lesque lles
E{J: a (t )d w(t ,w)) Î,-1 E{ a (t; _
= 1
) ( w(t; ,w ) - w(t;_ 1 ,w))).

se sont impliquées des pe rsonna lités du Si la volatilité du processus est indépendante du mou-
monde sc ie ntifique auss i médi atiques vement brownien, on sait également que l'espérance
qu'A lbert E inste in e n personne. M a is le des produits est égale au produit des espérances, ce
résultat est à la mes ure de l'effort. On qui donne:
dis p ose à prése nt d ' un o util de
re prése nta ti o n efficace e t util e. Les
E( J. a (t )d w(t ,w)
b

,-1
)
=
Il
}:E(a(t;_ 1)}E( w(t;,w) - w(t;_i,w) ).

conséquences en sont surto ut visibles e n En effet, les espérances des browniens standards w
fi na nce, un d o m a in e d a ns le qu e l la sont identiquement nulles. Le calcul de la variance est
modéli satio n qui vient d 'être présentée un peu plus complexe mais particulièrement inté-
a permi s la va lo ri sat io n o bjecti ve de ressant : il transforme le calcul en celui d'une intégrale
produi ts de plu s e n plu s complexes, à de Riemann ordinaire. Comme la moyenne de l'inté-
commencer par les options (droit d'acheter grale est nulle, sa variance est égale à l'espérance de
ou de vendre un actif donné à un moment son carré:

,w)) E( (~ a(t;_
2
do nné à un pri x do nné). Ces derniè res
ont permi s au marc hé de multiplier les v{J: a(t)d w(t = 1) ( w(t; ,w ) - w(t;_ 1 ,w) )) ) .

produits dépe ndant de sources de risque


identiques, ce qui a uto ri se une gestio n L'espérance du carré du second membre se simplifie
respo nsable min imi sant les ri sques . On notablement : le brownien étant à accroissements
s' attendrai t donc à observer une certa ine indépendants, toutes les covariances relatives à des
morali sati o n du secte ur fin anc ier, qui durées disjointes sont nulles et il ne reste plus dans
po urra it gé rer ses ac ti fs de m a ni è re le membre de droite que la somme des carrés, les
responsable. Mais ces produits présentent doubles produits disparaissant. Supposons la vola-
éga le me nt de fo rts effets de lev ie r , tilité déterministe pour simplifier les notations :
perme tta nt la réa li sati o n à très court
terme d 'énormes bé néfi ces, o u de pertes
v{J: a (t)d w(t ,w)) Î,-1 a 2ct;_ )E((w(t; ,w ) - w(ti-1, w ))2 ).
= 1

giga ntesques. Cette proprié té e n fa it la Les espérances des carrés d'accroissements de brow-
c ible des spécul ateurs, qui ne se pri vent niens standards sont par définition égales aux durées
pas d'abuser de ces o ppo rtunités, sans auxquelles ils correspondent, ce qui fournit bien
to ujours pre ndre conscie nce des ri sques
encourus. C'est qu ' une utilisation optimale
V( J. a (t )d w(t ,w)
b )
=}: an

,-1
2
(t;_ 1)(t; - t;_ 1) =J. a
b 2
(t)dt .

des modèles nécessite une maîtrise totale après passage à la limite.


des concepts et des fo nde me nts de la
théorie ! Les dérapages observés montrent
d'a ille urs à que l po int cette maîtri se fa it
défa ut à un gra nd no mbre d 'acte urs
écono miques . ..
D. J .

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente


SAVOIRS par Jean-Paul Delahaye

Dériuées et intégrales dans


le monde des Oet des 1
La valeur en x de la dérivée de la fonctionf de IR dans IR est la
limite, si elle existe, de (f(x + t) - f(x)) / t lorsque t tend vers
zéro en restant non nul. Si les valeurs de f sont binaires,
quelles notions correspondent aux dérivées et aux primitives ?
Et à quoi ça pourrait bien servir ?
maginons une fonction de la variable Pour simplifier les notation s et en pen-

I réelle à valeurs dans {O, l} . Peut-


on défi nir pour une telle fonction
discrète des notions de dérivée ou de
sant à l'écriture binaire d'un entier (qui
est une suite finie de « 0 » et de « 1 » ) ,
on identifiera la suite finie
primitive ? Eh bien oui, et en outre c'est (s,,)0,.;,_ 11 = (s 0, s 1, • •• , s,,) à la suite infi-
assez simple à concevoir ! nie (s 0 , s 1, ... , s11 , 0 , 0, 0, ... ) et à l' écri-
D 'abord , à la place des fonctions de IH ture binaire d'un entier m:
dan s IH, on considère déj à des suites s,, s,,_, ... s I s0.
infinies de « 0 » et de « 1 ». On note for- Las uite( l , 1,0,0, l)estdonc à lafois
mellement (s),,;,o = (s0, si' ... , s11 , . . . ) la suite infinie ( 1, 1, 0, 0, l , 0, 0, 0 , ... )
les fonctions de N dans '1l. / 2'1l. : quitte et l'écriture binaire de l' entier 19 , soit
à se placer dan s un monde di scret, il 10011 (attention au sens de lecture !) :
est naturel de considérer un temps di s- (1, l , 0, 0 , l ) =(1, 1, 0, 0, 1, 0, 0, 0 , ... )
cret, donc entier. Pour simplifier, on se = 10011.
limitera aux suites de « 0 » et de « 1 » Dans les calcul s, les chiffres Oet 1 sont
ne possédant qu'un nombre fini de « l » , considérés comme les éléments de '1l./ 2'1l. ,
mais l'extension aux suites infinies quel- on a donc:
conques de « 0 » et de « l » se fai t 0 + 0 = 0,
immédiatement. l + 1 = 0,
L'équivalent de la limite O+l=l+O=l,
(j(x+t)-f(x))I t lorsque t tend vers zéro a-b=a+b
en restant non nul est simplement : (il y a identité entre !'addition et la sous-
(sk+I - sk)I 1 = sk+ I - sk traction).
car on doit rempl acer t par l' intervalle Avec cette notation commode, on obtient
de temps le plus petit poss ib le non nul , par exemple que la dérivée de la suite
donc l. f = IOO IOIOOestf'= 11011110.

106 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


EXTENSIONS

La méthode de calcul peut aussi se décrire L'observation de ce tableau permet de


directement : repérer de multiples propriétés, que l'on
• Le premier chi ffre def' est le premier prouve sans trop de mal par récurrence
chi ffre def(ce lui en tête de l'écriture et en se basant sur les propriétés du déve-
binaire) et donc un 1, puisque le pre- loppement binaire des entiers. En voici
mier chiffre d'un nombre écrit en binaire une première qui pennet, sans avoir à pas-
(à l'exception du nombre 0) est toujours ser par les développements binaires des
un 1 ; entiers, de dess iner jusqu 'à l' infini la
• Le second chiffre def' est O si le pre- colonne b (m)' des déri vées des déve-
mier et le second chiffre def sont iden- loppements binaires des entiers.
tiques, et I sinon ; Propriété 1 : le dernier chiffre dans la
• Le tro isième chiffre de f' est O si le co lonne b (m)' est donné par la suite
second chiffre et le troisième chiffre de périodique 11 OO 11 OO 11 OO .. . La colonne
f sont identiques, et I sinon ; de l'avant-dernier chiffre est identique
• etc. en doubl ant chaque élément de la der-
nière colonne que l'on fait précéder d' un
Dériuer les entiers, vide (noté_), ce qui donne
en calculer les primitiues _ I I J 10000 J 11111 000000 111111 OO ... ,
et le même procédé permet de passer
La première question qui vient à l'esprit d' une colonne quelconque à la précé-
est: quelle est la déri vée de l'écriture dente (le nombre de vides en haut des
bin aire d' un entier m? Les suites obte- co lonnes est donc successivement
nues ont-e lles des propriétés parti cu- 0 , 1,3, 7, .. . ,2k- l , ... ).
Iières ? Que ls li ens y a-t-il entre les Cette propriété décrit parfa itement la
dérivées de deux entiers consécutifs ? colonne b (m)' du tableau, mais elle est
Menons le calcul systématiquement. un peu lourde. Elle est en fait équi valente

m b(m) b(m)' m b(m) b(m)'


1 1 1 17 10001 11001
2 10 11 18 10010 11011
3 11 10 19 10011 11010
4 100 110 20 10100 11110
5 101 111 21 10101 11111
6 110 101 22 10110 11101
7 111 100 23 10111 11100
8 1000 1100 24 11000 10100
9 1001 1101 25 11001 10101
10 1010 1111 26 11010 10111
11 1011 1110 27 11011 10110
12 1100 1010 28 11100 10010
13 1101 1011 29 11101 10011
14 1110 1001 30 11110 10001
15 1111 1000 31 11111 10000
16 10000 11000 32 100000 110000

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 107


SAVOIRS Le monde des O et des 1

à la sui vante , qui redonne la co lo nne 1, 2, 1, 3, 1,2, 1,4, 1,2, 1, 3, 1,2 , 1, 5, 1,


b (m) ' avec une plus grande fac ilité : 2, 1, 3, 1,2, 1, 4, 1, 2, 1, 3, 1, 2, 1, 6, 1, 2,
Propriété 2 : pour passer de la ligne m 1, 3, 1,2, 1,4, 1, 2, 1, 3, 1, 2, 1, 5, 1, 2, 1,
à la suivante de la colonne b (m)' (c 'est- 3, 1,2, 1, 4 , 1,2 , 1, 3, 1, 2, 1, 7, ...
à-dire pour passer de b (m) ' à
b (m + ))') , on ne change qu ' un seul Dériuer et intégrer sont inuerses
chiffre (c'est remarquable !), qui est le l'un de l'autre !
dernier si b (m)' possède un nombre pair
de 1, et qui est celui précédent juste le Une question naturelle se pose : comment
derni er I sinon. à partir d' un code de Gros-Gray connaître
l'entier représenté (c'est-à-dire le numéro
Soit par exemple la colonne de de la ligne m) ? C' est ici que l' intégra-
b (m) ' = 1101 OO 11100 (nul beso in de tion dans "71. / 2"71. va entrer en pi ste.
connaître m). Son dernier 1 (souligné) En toute logique , si pour passer du code
est suivi de deux Oet précédé d'un 1. C'est binaire au code de Gros-Gray on calcule
ce chiffre que l' on change e n le re m- la dérivée des fonctions de N dans Z/ 2"71.,
plaçant par un O. On obtient do nc alors le passage du code de Gros-Gray
b (m+ 1) ' = 1101OO10100 (toujours sans au code binaire (qui permet le calcul de
connaître m). m) se fe ra en calcul ant la primitive de ce
En fait , la colo nne b (m) ' contie nt ce code de Gros-Gray. Pour que cela ait
que l' on no mme le code de Gros-Gray un sens , il fa udra it défini r un e te ll e
des entiers m . Le clerc de notaire Luc- notion ! Réfl échi ssons.
Agathon-Loui s Gros publi a un articl e Dans le cas continu , l' intégra le d' une
sur le sujet en 1872 , et depui s sa suite fo ncti on sur un intervalle s' obtient en
a été redécouverte par d 'autres, dont le considérant la somme des aires des rec-
physicien américain Frank Gray en 1953 tangles :
(ce qui conduit les gens mal informés à • do nt les hauteurs sont les va leurs def
parler de code de Gray). évaluées en des points x 0,x 1.. . xk (avec
x 0 < x 1 < ... < xk) di stants d 'au plu s E,
Chaque entier possède un code binaire • et do nt les bases sont les écarts entre
donnée par la colo nne b (m) et un code deux points d 'évaluati on def.
de Gros-Gray donné par la colonne de L' intégrale est ce que l'on obtient quand
la dérivée b (m) ' . Les codes de Gros- on passe à la limite en fa isant tendre E
Gray fournissent comme les codes binaires vers O. Dans notre mo nde di sc ret, la
une énumération exhaustive sans répé- base des rectangles est 1, év idemment ,
tition des suites fini es de Oet de I com- et donc cette somme des aires des rec-
mençant par un 1. Ce lle de Gros-Gray tangles de la définition de l' intégrale se
é vite les cascades de retenues que l' on traduit en écri vant simple me nt que la
connaît bien dans le code binaire quand primiti ve de la suite
on passe du code bin aire de 2k - 1 à s,, s 11 _ 1 s,,_2 •• • s I s0 est
celui de 2k. S11 S11 + S11 _ 1 S11 + S11 _ 1 + s,,_2 .. •
Cela résulte de ce qu ' avec les codes de s,, + Sn- 1 + .. . + Sz + S I
Gros-Gray le passage du code de m à celui s,,+sn- 1 + ... +sz +s 1 +sa,
de m + 1 change un chiffre exactement. l'opé rati o n d ' additi o n éta nt ce ll e de
Sa position est d 'a ill e urs donnée (e n "71./ 2"71. .
numérotant de droite à gauche) par) ' in- On calcule les sommes d 'a ires des rec-
téressante suite d 'e ntiers sui vante: tangles en pre nant de plu s e n plus de

108 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


EXTENSIONS

rectangles, ce qui donne des « inté- code pour avoir toujours k chiffres) et en
grales » dépendant den , et donc la pri- suivant les entiers par ordre croissant, on
mitive de la suite. passe par tous les sommets une fois et
Exprimé de manière directe, cela donne : une seule.
pour avoir les Oet les l de la primitive Mais ce ne sont pas ces parcours qui
d' une suite, on calcule les sommes d'un, rendent les codes de Gros-Gray les plus
puis de deux, pui s de troi s etc. termes de intéressants. Ce qui les rend fascinants,
la suite , ce qui revient (dans le monde c'est un ancien et célèbre casse-tête.
binaire) à évaluer la parité du nombre de
fois que le l apparaît dans ces sommes le baguenaudier
de plus en plus longues . La primitive
deg = LOJOOOIOO estdoncf= 110000111. En effet, iI se trouve qu'un parcours
On vérifie et on démontre sans peine hamiltonien du cube à k dimensions est
que s i f est la primitive de g alors exactement ce qu'il faut pour résoudre
f'= g. La dérivée de la primitive de g est le casse-tête du baguenaudier. Voici un
g. De même , la primitive de la dérivée baguenaudier :
de f est bien f. L'opération « calcul de
primitive » est dan s ce cadre exacte-
ment l'inverse de l'opération « calcul
de la fonction dérivée ». Et c'est encore
plus simple que dans le monde continu
puisqu'il n'y a aucune condition à impo-
ser àf pour avoir ces propriétés !
Le passage du code de Gros-Gray au
code binaire est donc un calcul d ' inté-
grale , et cela en donnant au mot inté-
grale le sens le plu s naturel que l'on
puisse imaginer dans un monde de Oet
de 1.

Ce code de Gros-Gray des entiers sert-


i! à quelque chose ? li en existe de formes assez variées, mais
Oui . En informatique , il sert à détermi- les contraintes mécaniques imposées
ner un parcours hamiltonien (on ne par- par les anneaux, les tringles horizon-
court que des arêtes du cube, et on passe tales et verticales (et parfoi s des cordes)
par tous les so mmets) du graphe des qui le composent produi sent toujours le
arêtes du cube à k dimensions. De tel s même effet, et donc conduisent à la
parcours sont parfoi s utiles pour orga- même solution ... quand on la trouve.
niser les connections de! 'ensemble des L' examen attentif de l'objet (et sa mani-
processeurs d ' un ordinateur utili sant des pulation pour qui en a un à disposition)
nombreux processeurs. En parcourant va montrer qu ' il fonctionne comme un
une arête, on ne change qu'un seul chiffre é numérateur de codes de Gros-Gray,
du code de Gros-Gray (c'est la propriété car la règle énoncée par la propriété 2
2), donc en considérant les coordonnées y est mécaniquement réali sée.
des sommets d ' un cube à k dimensions Tenez-le devant vous (comme s ur la
comme des codes de Gros- Gray (avec photo) et interprétez chaque anneau dans
autant de O qu ' il faut en tête de chaque lequel passe la tringle mobile du haut

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 109


SAVOIRS Le monde des O et des 1

LE IIAGUENAUOIER codée 000 .. .OO . Pour résoudre le casse-


LES DEUX MOINEMENTS (b) ET (c) POSSIBLES D'UN BAGUENAUDIER ),. 6 ANNEAUX
),. FWmR DE LA POSITION DE œPART (a).
tête, il faut donc passer du code de Gros-
Gray de m à ce lui de m - 1, pui s à celu i
a de m- 2 . .. jusqu 'à celui de 0, qui libère
la tringle. Une fo is le premier mouve-
ment déterminé (celui du code de Gros-
Gray de m à celui de m - 1), les autres
mouvements sont fac il es car, à chaque
POSITION DE ŒPART : 111111 ENCODEDEGROS-ORAY, 101010 • 42 ENCODE BINAIRE
foi s , il fa ut fa ire celui des deux seul s
b
mou veme nts re ndu s poss ibl es par la
mécanique du casse-tête qui ne ramène
pas à la pos ition précédente. Un mani -
pulateur du casse-tête attentif à ne jamais
reve nir à un e pos iti o n déj à occ upée
avance donc droit vers la solution dès qu' il
POSITION CORRESPON~),. : 111110 EN CODE DE GROS-ORAY, 101011 • 43 a pri s la bonne directi on au départ. Un
EN CODE BINAJRE : ON EST PARTI DANS LA MAUVAISE DIRECTION.
c peu d 'entraînement permet d 'opérer un
mouvement to utes les deux secondes .

Voici un exemple d 'application de cette


théorie di scrète de l' intégration. Imagi-
nons un baguenaudier à sept anneaux
(il e n ex iste à c inq , six, sept et jusqu ' à
POSITION CORRESPON~),. : 111101 EN CODE DE GROS-ORAY, 101001 • 41 di x anneaux) qui se tro uve dans la posi-
EN CODE BINAIRE : IL FAUT CONTINUER PAR LA JUSQlf),. 000000
tion représentée par 10101 00. Que faire?
Illustration tirée de l'article « Voyageurs et baguenaudiers » Il fa ut trouver lem te l que
de la revue Pour la science mentionné dans la bibliographie b(m)' = 101 0 100. D'après ce qui a été
vu, o n l'obti ent en calculant la primi -
co mme un I e t c haqu e ann eau da ns ti ve de 10 10 100, qui est 11 00 111 .
leque l e lle ne passe pas comme un O. On en déduit que m est l'entier
En le manipul ant un peu, vous décou- 64 + 32 +4+ 2 + 1 = 103 .
vrirez que, si le bag uenaudier est dans li fa ut donc passer à l'entier 102, qui en
la positi o n re présentant l'enti er me n bina ire s'écrit 110011 0 et en code de
code de Gros-Gray, alors seules deux posi- G ros-G ray (par déri vati on du précé-
tions sont access ibles : celle du code de dent) 1010101 . Connaissant ce premier
Gros-Gray de m + 1 et celle du code de mouvement (ici, bouger le dernier anneau),
Gros-Gray de m - 1. Ce la résulte du les autres mouvements sont fac il es par
fa it que l'on peut to ujours changer la application de la remarque fo rmulée au-
pos iti on du dernie r anneau et la pos i- dessus : ne jamais reveni r à une position
tion de l'anneau à gauche de l'anneau déj à occupée.
re présentant le l le plu s à droite, et que
ce sont les deux seul s anneaux dont on Il est très amusant de connaître la clef
peut modifier l'état Oou 1 (cette contrai nte fo nd a me nta le du bag ue naudie r et de
mécanique est exactement celle que la savo ir qu 'e lle se ramè ne à une petite
propriété 2 énonce). théorie de la déri vati on et de l' intégra-
La position correspondant à la libéra- tion des suites binaires. Pourtant , une
tion de la tring le hori zonta le est ce lle fo is la théorie fo rmulée, on peut en tirer

TClngente Hors-série n°SO. L'intégrale


EXTENSIONS

Le Spin-Out est un casse-tête dont la solution s'appuie sur les mêmes raisonnements
que le baguenaudier, bien que cela ne soit pas évident au premier coup d'œil.

une règ le prag matique simpl e et par-


fa itement efficace qui suffit pour tous les
pro bl èmes de bague naudi er, que l que La représentation graphique
so it leur nombre d 'anneaux et la posi- des codes de Gros-Gray
tion de départ . La voici. (en écrivant un rectangle noir
Si vo us êtes dans la pos ition re présen- pour O et un rectangle blanc
tée par la suite! de Oet de 1, alors l'an- pour 1) les uns en dessous
neau qu ' il fa ut fa ire bouger pour avancer des autres donne naissance
d ' un pas vers la sortie est le dernier si à une sorte de motif fractal.
le nombre de I defestimpa ir,etleseul
autre que l'on pe ut fa ire bouger (ce sera
ce lui à gauche du I le plu s à droite,
d 'après la propriété 2, mais il n 'est pas
nécessaire de le savoir car la mécanique
du je u l' impose) si le nombre de I est
pai r. Ensuite, il suffira de continuer en
s'appliquant simpl ement à ne pas reve-
ni r en arri ère d ' un co up à l'autre, ce
qu ' on obtiendra en modifi ant la posi- Bibliographie
tion du dernier anneau une foi s sur deux • Jean-Paul Delahaye , Jeux mathématiques et mathématiques des
exactement. jeux, Chapitre 13. Édilion Belin/Pour la science, 1999.
J .-P. D. • Jean-Paul Delahaye , Voyageurs et Baguenaudiers, Pour la
Science, n°238, août 1997 .
• Jean Lefort , Le Baguenaudier et ses variantes , Dossier Pour la
science n°59 avril-juin 2008.

Hors-série n• 50. L'intégrale Ta.ngente 111


SAVOIRS par Hervé Lehning

Intégration dans le plan complexe


le théorème des résidus
Le théorème des résidus concerne l'intégration des fonctions
complexes le long d'une courbe. Pourtant, il est fort utile pour
calculer des intégrales réelles, de fractions rationnelles en
particulier.

ne fonction complexe est une fonction continue f le long de r par :

U fonction qui, à un nombre com-


plexe z = x + i y d ' un certain
domaine du plan complexe, en associe
f rf(z) dz r>(z(t)) z'(t)dt.
=

Cette définition ne dépend pas du para-


un autre :f(z) = P(x, y) + iQ(x, y). Les métrage de r choi si.
polynômes comme les fraction s ration- Prenons un exemple pour montrer
nelles sont des fonction s complexes. comment les ca lculs s'opèrent, celui de
Paramétrage la fonction f qui à z associe 1 / z sur le
du cercle La notion d'intégrale curulllgne cercle r de centre O et de rayon I par-
parcouru couru dans le sens positif.
dans le sens Considéron s une courbe du plan com-
positif. plexe, décrite par un point z(t) D ' après la définition donnée,
e; 1
~
quand t varie de a à b. Si
z est de classe C 1 sur
f r f(z) dz Jr dzz f o ieue dt= 2irr..
= = 2n
11

\ \ le segment [a , b] D ' autre part,


(c'est-à-dire que f(z)dz = [P(x, y) + i Q~r, y)] (dx + idy), ce
z est dérivable qui donne le lien avec l' intégra le cur-
sur un intervalle viligne d ' une forme différentielle (voir
0 ouvert contenant l'article sur les intégra les multiples
[a , b] et que sa dans ce même doss ier) :
dérivée z' y est
continue) , alors frf(z)d z = f r(Pd x -Qd y )
on définit l' inté-
grale curviligne d' une + if r(Qd x + Pd y).

TQ.ngent:e Hors-série n°50. L'intégrale


r
Les fonctions COffp le'.\es ~r~vables La courber
r
dans le sens où f l z + h f l z ) a une englobe deux
h des pôles de J.
limite quand h tend vers Oen tout point
z d' un ouvert U sont dites holomorphes
sur U. Cette condition est bien plus
-R R
forte que dans le champ réel à cause du

.
11en
.
z = x + 1y, ., . ,. az
car 1 1mp 1que: - =
l
Soit r une courbe fermée simple
ax orientée positivement, f(z) dz -~-J
et -az . N ous en 2m r
= t. de' d u1sons
. que, s1. f
ay est égale à la somme des résidus de f
est holomorphe, alors af = i af, ce qui aux pôles inclus dans le domaine inté-
ay ax rieur à r.
équivaut au système suivant :

~: Ce théorème permet de calcu ler fa-


ci lement des intégrales comme

j
= ~;'
•., _dx. La fonction f défi-
aP
-=--.
aQ Jo x4 + 1
ay ax
nie par f(z) = - / - est le quo-
Ces équations sont dites équations de z +1
Cauchy-Riemann. tient de deux fonctions holomorphes.
Si r est une courbe fermée telle que f Ses pôles sont tous simp les et égaux
soit holomorphe sur un ouvert conte- à ±é"'4 et ±e3;"'4 • On considère alors la
nant r et son domaine intérieur, alors, courbe r décrite sur la figure ci-dessus.
d'après la formule de Green- Riemann
et les équations de Cauchy- Riemann , Les résidus de f en z 1 et z2 sont égaux à
f rf (z)dz=O. - 1- et - 1-, donc :
4 z1 4z2
On considère les rapports de fonctions
holomorphes sur le plan complexe f r ~=2in(-I
z +1
+ -1 )=nJ2.
4z 4z 2
entier, soit f = g / h. Les zéros du dé- 1 2

nominateur h sont appelés pôles de la En décomposant en le segment [-R, R]


fonction f On peut alors développer f et le demi-cercle CR de rayon R, on ob-
en fonction de z - a, où a est un nombre tient:
complexe quelconque. Le coefficient
de _l_ est appelé le résidu de f en a. Il dx
J-Rx4+1
R J d z J2
z -a + c•z4 +1 =Jt2 .
est facile de le calculer si a est simple Quand on fait tendre R vers l'infi-
en tant que pôle de f puisqu ' il s'agit ni , la première intégrale tend vers
alors de la limite en a de (z - a) f (z),
+"' dx
c' est-à-dire g((a )) si g(a) *" O.
2 J O X
- 4
-
+I
et la seconde vers 0, d'où :

h' a f "' ~=Jth.


Dans ce cas, le théorème des résidus
O
x4 +1 4
s'écrit: H.L.

Hors-série n°50. L'intégrale Ta.ngente


ACTIONS ; par François Lavallou

la puissante technique
de l'intégration fractionnaire
Les notions de puissance et de factorielle, définies initiale-
ment pour des valeurs entières, ont été généralisées avec suc-
cès sur les nombres réels. De façon plus surprenante, une in-
tégration non entière peut être définie, avec des applications
en physique et en traitement du signal.

A
u début était le nombre. On d ' une notion mathématique repose
l'appelle entier depuis l'ap- donc avant tout sur une « bonne défi-
parition d ' un rationnel, noté nition ».
m / n, solution de l'équation nx = m,
avec m et n (non nul) deux entiers, et Une demi-intégration
naturel à l' arrivée du signe moins. Le
passage aux réels s' est effectué natu- On doit à Leibniz la notation d''y / dx' de
rellement, avant même que Peano ne la dérivée énième de la fonction y par
les définisse mathématiquement, par rapport à la variable x, ou encore D"y
continuité. On note conventionnelle- quand il n' y a pas d'ambiguïté sur la va-
ment a" la multiplication du réel a par riable de dérivation. La composition des
lui-même, n fois . On accepte des expo- dérivations s' écrit alors D" o D"' = D 11+m
sants rationnels en considérant les solu- et la dérivée d ' une fonction composée,
tions, notées aP1q , de l'équation~= aP, [D 1(f o g)](x) = [D'(f) o g](x ) x [D' (g)](x).
puis des exposants réels par continuité, Des valeurs négatives de l'exposant n
ce qui définit la fonction exponentielle correspondent à des intégrations , opé-
de base a> 0 viaf(x) =a' = e' 1" 0
• rations inverses des dérivations, et on
Le passage aux valeurs réelles semble notera I" = D-". Cette notation conduit
difficile pour la factorielle n ! . Par aussitôt Leibniz à envisager une gé-
contre, en la considérant comme néralisation des dérivées à des ordres
une fonction continue f telle que non entiers. Et lorsque le marquis de
f(x) = xf(x - 1), on obtient la fonc- L'Hôpital lui pose la question pour un
tion Gamma (voir par ailleurs dans ce ordre 1 / 2, il répond , dans une lettre
dossier). La généralisation potentielle du 30 septembre 1695 , que cela mène

Tcingent:e Hors-serae n°SO L'intégrale


EXTENSIONS

à un paradoxe dont on tirera un jour Plusieurs dérivées


d ' utiles conséquences. Cette premjère fractionnaires
évocation d ' une dérivée d 'ordre non de la fonction
entier imposera le nom de dérivée frac- exponentielle.
tionnaire à cette généralisation, qui
s'étend pourtant à des exposants réels
quelconques.
Pierre-Simon Laplace définit une dé-
rivation fractionnaire en généralisant
la dérivée énième de la fonction y dé- li s'agit maintenant de définir une in-
finie par y(x) = x", qui a pour expres- tégration ou dérivation fractionnaire
pour une fonction quelconque. On
. d"y m! m-11 Il
s10n - = ( ) x pour n s m. définit l'opérateur intégration comme
dx" m-n !
opérateur inverse de la dérivation en
semble suffisant de se servir des choisissant, arbitrairement, une inté-
généralisations des fonctions puis- gration à partir de x =O. Ainsi :
sance et factorielle pour écrire

0
r(m + 1) [1 (f)](x) = [D- (f)](x) = Jf(t)dt.
1 1

D y= x'"-a. Pour a= 1 I 2 0
r(m-a+l) En ré~étant cette iptégration, on ob-
et m = 1, .
on obtient D1'2(x ) = 2.Jx
J;, , tient : lI2(f)](x) =
1
J[1
(f)](t)dt ,
0

déjà établie par le grand Euler en


1730. On vérifie sans difficulté que
= l[[ f (u) du] dt,
D" o D~ = D•+~ ~ur les monômes, et qui correspond à l'intégrale double
puisque D ' (v'x} = r(3!2) = J;, 12,
12

on a, fort heureusement pour la JJ f(u)dudt, où le domaine d ' inté-


consistance de la généralisation, r
[D 112 o D 112](x) = 1. gration est le triangle T = {(t, u) ;
La fonction exponentielle, de dévelop- Ost s x, 0 sus t}. L'ordre d ' intégra-
tion peut être interverti , ce qui donne :
~

l
, • X Xk •
pement en sene e = ~ -, est mva-
bO k! [I2(f)](x)= f(u)[l dt]du
riante par dérivation : dex = ex . Ainsi , X
Références
dx
d" X
en itérant n fois, _e_ = ex . Par contre,
= Jf(u)·(x-u) · du. • La fonction
0 Gamma.
dx" En itérant ce processus, on montre que : Tangente 131,
! ' application de la dérivation fraction-
naire à la fonction exponentielle fournit
d v x
_ e_ = } : x
k- v
et ne conserve
[r (f)](x) = (n~l)! l f(u)(x -ut
1
du
2009.
• Gamma: une
fonction pour
dxv bO r(k-v+J) pour tout entier naturel n. En utilisant bêtas. Tangente
donc pas cette invariance pour v réel la fonction Gamma, cette expression Sup 48, 2009.
positif non entier. est généralisable sous la forme de l' in- • La dérivation
tégrale dite de Riemann-Liouville : fractionnaire.
Tangente Sup 72,
[r(f)](x)= - (1
ra
)Îo f(u)(x-ur du. 1
2013.

Hors-sene n- . L intégrale Tangente 115


.
!~~Tl.~NS . . .. La puissante technique ...

Courbes tautochrones
Une courbe située dans un plan vertical est tautochrone si le temps mi s par un point matériel glis-
sant sans frottement sur cette courbe sous l'effet de la gravité seule jusqu 'à son point le plus bas
(y = 0) est indépendant de son altitude de départ (y = Y) . Christian Huygens (1629- 1695) prouva
en 1659 qu'une telle courbe était une cycloïde.
Plaçons-nous dans le cas d' un potentiel « presque » quelconque V(y), en place du potentiel gravita-
tionnel V(y) = mg y. On considère, sans perte de généralité, un point matériel de masse unüé partant
sans vitesse initiale du point (X, Y) sur la courbe x(y) pas ant par l' origine, pour laquelle V(O) = O.
2
La conservation de l'énergie donne~= Y(Y)-Y(y) où v = - ds / dt est la vitesse et s l'abs-
2
cisse curviligne de la courbe de l'origine au point courant (x(y), y). En intégrant cette équa-
tion, écrite sous la forme .J2
dt = J ds , du point de départ où t = 0 et y = Y
\1 V(Y)-V(y) v
au point final où t = T et y = 0, on obtient .J2 T = f I
ds . Avec f(l / 2) = ../n
O vY(Y)-Y(y)

et une réécriture, on trouve J2Ïrr, T = 1 JY ds / dV (y) dV (y) qui devient


v(v) r(112) a ~v(Y)-v(y) '
1
../2 / JT. T = - () f I
J ds du
r 1/2 0 vY(Y)-u
du avec le changement de variable u = V(y).

puisque ds / dV (y)= [ D 1 ( s)] (Y (y)) , on peut reformuler cette équation sous la forme fractionnaire

112 1
../2/nT=[I (D (s))](v(Y)), ou encore ../2/nT=[D 112 (s)](v(Y)) en utilisant la composition
fractionnaire .
Le temps T étant constant pour ce problème, l'abscisse curviligne est obtenue en composant par

2
l'opérateur inverse : s=../2/nT[1 112 (1)](v(Y)) , c'est-à-dire s= .J2T ~Y(Y) (voir en-
Jt

cadré en page suivante). L ' existence d'une courbe tautochrone nécessite donc un po-
tentiel variable. Pour un potentiel V(y) donné, il reste à résoudre un problème clas-
sique de géométrie différentielle pour déterminer la courbe tautochrone associée.
Pour un champ de pesanteur, V(y) = mg y, et donc y= Cs2, qui est une relation caractéristique de
la cycloïde (Abel , 1823). Pour un potentiel quadratique V = k y2 et s = KT y. Les courbes tauto-
2
chrones associées sont alors des droites de pente 1 / K T 2 - 1.

Ce type d ' intégrale n'exi ste que pour a usuelles quand a est un entier natu-
réel strictement positif. Formellement, re l, mais une singularité forte apparaît
il suffit de changer le signe de l' expo- pour la dérivée. On peut contourner le
sant pour obtenjr une expression de la problème, selon l' idée de Maria-Cris-
dérivation fractionnaire : tina Caputo, en décomposant un réel
[D 0 1
(f)](x ) = - ()
r -a
f (x-u)
O
f(u)a+I du. a = [a] + 9(a) en la somme de sa par-
tie entière [a] et de sa partie fraction-
Par construction, ces écritures corres- naire 9(a), avec O ::5 9(a) < 1, et on
pondent aux intégrations et dérivées écrit oa= 1-u = D" 0 J"-<t où n = [a] + 1.

Tcin9ente Hors-série n°50 L'integrale


Pui sque alors n - a= 1 - 8(a) > 0 , 111---0 a Citons enfin l' intégrale de Weyl:
un sens, et par suite 0 ° = 0 " 0 l"--{l aussi .
[i~(J))(x)=-()j f(u)(x-ur'du,
1
On constate alors que la dérivée frac- ra X

tionnaire d ' une constante est non nulle ! qui est le pendant del' intégrale de Rie-
mann- Liouville.
Depui s Leibni z, les idées fondamen- Ces outils d 'analyse, apparus au mj-
tales du calcul fractionnaire, concernant lieu du xxc siècle, prennent de plu s
les opérateurs intégration et dérivation en plus d ' importance en physique par
d ' ordre non entier, ont eu de nombreux leurs capacités à synthétiser, forma-
développements avec des mathémati - liser, simplifier les calculs. Heaviside
ciens de renom comme Joseph Fourier, introdui sit le calcul fractionnaire, sans
Sylvestre-François Lacroix , Joseph grande rigueur mathématique, dans
Liouville, Bernhard Riemann ou Her- l'étude de la transmjssion des lignes
mann Weyl , avant d 'attirer l'attention électriques. Depui s, ce calcul est utilisé
des ingénieurs avec Oliver Heaviside pour décrire les frottements visqueux
vers 1890. Il faut néanmoin s attendre entre fluides et solides, pour étudier la
1974 pour que la première monogra- propagation des ondes sonores dans les
phie sur le sujet soit publiée ! milieux poreux , pour contrôler le dé-
La première application du calcul frac- placement de véhicules électriques au-
tionnaire est l' œuvre d ' Abe l pour dé- tonomes, pour la détection de contour
terminer la solution de l'équation in- en imagerie et dans tous le phéno-
tégrale du problème tautochrone (voir mènes physiques de structure fractale.
en encadré). Il a établi à cette occasion
une transformation éponyme dont une F.L.
version se rencontre en tomographie
(voir en fin de numéro) :
Dérivation des monômes
A0 [J](x)= jf(u)~~
0 (x-u
avec O <a< 1 Pour calculer Da [x"] = r a [ x"] = -()
f -a
1
f (x-u)u" a+l du ,
o
pour que l'intégrale existe. D ' après ce on effectue le changement de variable u = tx, d ' où :
qui précède, on peut écrire : n-a I n
A [f]( x) = f(l-a)[ D (f))(x) ,
0
0
-
1
Da [x" ] = ~()
r -a
J(1-tt t' dt . En utilisant la valeur de
O
ce qui permet d 'établir directement une
formule d ' inversion: l' intégrale eulérienne de première espèce, on obtient
1
f(x)= r(l~a)[I°- (A [J]))(x) . 0
a[x "] = r(n+l) ) x -a. Cette
Il
D ( expression correspond
1
En écrivant 1°- =D 1°, on a :
O
r n+l-a
J(x)= ( l )[D ola (A 0 [J]))(x), bien à celle établie dans le texte. On vérifie que
f 1-a
Do[.x''] = :x'', Dk[ x"] =
-n( ! ) x"-k, mais pour une fonc-
n- k !
qui devient, en utili sant l'expression de
l' intégration fractionnaire: tion constante (n = 0) , Da [l] =
r
t ),1-a
-a
qui n 'e t nulle

f(x) =sin(na) !!:...[J A [f](u)(x- ur' du]. 1


0
que pour a entier positif (car - () = 0 pour n entier po-
lt dx o . .f) 1.
Sltl
f -n
On a utilisé la formule des complé- En particulier, D
12
' [1] = i"= et 1 [1]
vrtx
12
' = ~ Fx.
vrt
ments d'Euler.

Hors-série n°50. L'intégrale Tc:1ngente


EN BREF par Jean-Jacques Dupas

les intégrales de Co1eter


Le premier papier du géomètre H. S. M. Coxeter fut une courte note dans la Mathematical Gazette
(13 , 1926, p. 205). En fait, l'article fut envoyé par son professeur Alan Robson, en son nom . Il invi-
tait les lecteurs à justifier, par des calculs élémentaires, les valeurs des trois intégrales suivantes :

5n 2
r arccos 1 +cosx
Jo
" 12

2cosx
dx = -- '
24
/3 COS X .7r 2
fo arccos
1 + 2cosx
dx = -
8
,

/3 1- COS X l l.7r 2
fo arccos
2cosx
dx = --.
24
Depuis, elles sont devenues les intégrales de Coxeter. Le seul qui répondit fut Godfrey Hardy, alors
en poste à Oxford. Il indiquait qu ' il n'avait jamais pu résister au défi du calcul d' une intégrale défi -
nie. Coxeter, alors jeune étudiant à l'université de Cambridge, reçut trois lettres , pour un total de qua-
torze pages manuscrites . Les quatre premières pages contenaient une ingénieuse, mais néanmoins
élémentaire, vérification (voir les références ci-dessous).

Harold Scott MacDonald Coxeter calcula ces intégrales par des considérations géométriques. Pour un
système de symétrie de réflexion donné en dimension n, on peut découper l' hypersphère de dimen-
sion n en un nombre entier d'hypertétraèdres sphériques, délimité par les plans de symétrie du sys-
tème de symétrie et l'hypersphère qu'il découpe. Dans le cas de la dimension 2, la symétrie est la symétrie
diédrale, engendrée par deux miroirs (segments rouges sur la figure) formant un angle de 2rr,/ n.
L' hypersphère est le cercle (en bleu) et l'hypertétraèdre est un triangle (en rouge) défini par les deux
miroirs formant un angle de 2rr,/n et l'arc de cercle qu ' ils délimitent.

Le cas de la dimension 2.

La surface du triangle peut s'exprimer à l'aide d' une intégrale.


Pour une symétrie donnée, la surface du cercle se divise en un
nombre entier de fois par la surface du triangle. On obtient donc,
sans calcul, la valeur de l' intégrale. Coxeter a simplement fait la
même chose pour les dimensions supérieures ! Le volume de l' hy-
pertétraèdre avait déjà été calculé par Ludwig Schlafli (1814-
1895) en fonction d'intégrales . Mais le volume de l' hypersphère
est facile à obtenir et le nombre d' hypertétraèdres se déduit d'autres
considérations, en particulier l'ordre du système de symétrie. Ainsi la géométrie peut venir au secours
du calcul intégral !

Références
• Les intégrales de Coxeter. Tangente 114, 2007.
• Les intégrales de Coxeter. Quadrature 50 , 2003.
• The Beauty of Geometry. H.S.M. Coxeter, Dover, 1999.
• Regular and Semi-Regular Polytopes Ill . H.S.M. Coxeter,
Mathematische Zeitschrift 200, 1988 .

TC1.n9ente Hors-série n°50. L'intégrale


Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 119
SAVOIRS par Gilles Cohen

Conuergence
d'intégrales impropres
Peut-on étendre la notion d'intégrale à des intervalles non
bornés ou à des fonctions non bornées ? La réponse est « oui »
dans un certain nombre de cas, ceux pour lesquelles on dit
que l'intégrale impropre est convergente.

ne intégrale de la forme f
b

U
f(t)dt

est a priori définie pour une


fonction! continue par morceaux sur le
segment 1 =[a; b], c'est-à-dire quef
admet en tout point de I une limite à
gauche et une limüe à droite. Un objec-
1 ...... .. . . tif intéressant consisterait à étendre cette
définition dans le cas où f est continue
par morceaux sur un intervalle I semi-
ouvert, 1 pouvant même être non borné.
Si , parexemple,I =[a; b[ ou 1 =[a;+ oo [,
L'intégrale de/ on sait que l' intégrale def sera définie Joseph Louis François Bertrand
entre Oet 1 sur tout segment inclus dans 1. Pour (1822-1900).
sera convergente si étendre cette notion à 1, la première idée
l'aire jaune qui vient à l' esprit est de considérer la première est quand cet intervalle n' est
est bornée. pas borné (c'est le cas où 1 =[a;+ oo [) .
fonction F définie par F (x) =f f(t)dt et
" Quand la borne impropre est finie
de chercher si elle admet une limite
quand x tend vers b (respectivement vers
l'infini). Lorsque c' est le cas, on dit que L'autre cause est quand la fonction f
l' intégrale def converge sur l' intervalle n'admet pas de limite (ou admet une
impropre 1. limite infinie) en b. En effet, si elle
Si on s'interroge sur la raison pour admettait une limite finie en b, il suffi-
laquelle l'intégrale de f n ' est pas défi- rait de prolonger la fonction par n' im-
nie au sens classique sur 1, on voit donc porte quelle valeur en b pour qu ' elle
qu'il y a deux causes essentielles . La soit intégrable sur [a ; b]. La valeur de

Ta.ngente Hors-série n°SO. L'intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE

Convergence des intégrales de Bertrand


1
Une fonction B de Bertrand est définie par la relation B(x ) =
lxlP llnxlq
Pour pet q positifs, ces fonctions sont continues sur tout R, à l'exception de Oet 1.
Ainsi, l'intégrabilité de B devra être étudiée aux bornes-oo, o-, o+, i-, 1+ et+ oo. Mais pour des
raisons de parité, l'étude aux bornes opposées est équivalente; on peut donc se limiter à O+, 1,
1+ et+ oo.
• La première étude, en 1, va utiliser la comparaison de B aux fonctions de Riemann R de la
forme R(x) = __ l _q .En effet, tandis que lx lP tend vers 1, IInxlq tend également vers 1
Il - xi 11-xlq
(donc est borné).
Ainsi, l' intégrale de B sera de même nature que celle de Rau voisinage de 1+ comme de 1-.
D'après l' étude des fonctions de Riemann faite en O (équivalente grâce au changement de
variable y = x - 1), R sera intégrable au voisinage de 1 si et seulement si q < 1.
• L'étude en + oo va également utiliser le critère de Riemann correspondant.
=
Si p > 1, on pose p 1 + 2h. Le dénominateur de B (x ) s'écrit alors x 1+h x [xh l lnx Iq].
Or, on sait qu ' une puissance de x , au voisinage de l' infini, l'emporte sur une puissance de
ln x . Ainsi, B (x ), pour x suffisamment grand, sera inférieur à ~ , dont l'intégrale converge.
x• +
Si p < 1, de la même façon, on montre que, cette fois , l' intégrale diverge au voisinage de l'in-
=
fini. Enfin, si p 1, le changement de variable y= lnx permet de ramener la convergence de
B à celle de la fonction _!_ . L'intégrale converge si et seulement si q > 1.
yq
• Il reste l'étude en O. Elle s'opère dans un premier temps exactement comme en+ oo.
=
Si p < 1, on pose p 1- 2h. Le dénominateur de B (x) s' écrit alors x •-h x [x-h llnxlq]. On
conclut à la convergence de l' intégrale.
Si p > 1, de la même façon , on montre que cette fois , l'intégrale diverge au voisinage de O.
=
Enfin , si p 1, le changement de variable y= ln x permet de ramener la convergence de B à
celle de la fonction _!_,
yq
mais ... au voisinage de l' infini! L'intégrale converge si et seulement
si q > 1.
On a bien mis en évidence à quelles conditions sur p et q une intégrale de Bertrand conver-
geait à chaque borne impropre. Mais force est de constater qu'il n'existe aucun couple (p, q)
pour lequel elle converge en chacune des bornes.

la fo ncti on e n un po int ne change e n


effet ni l' intégrabilité, ni la va leur de
On pose F(x) = Jf( t )dt et on cherche sa
X

l'i ntégrale. limite quand x tend vers O. Un calcu l


Considérons par exemple la fo nction!: é lémenta ire de prim itive do nne :
x ~ X-" sur l' intervalle ]O ; 1] .
1-x' - P
Pour p > O,f admet une limite infi nie en F(x) = - - si p '#- 1 etF (x) = - ln x
1-p
O. L' intégrale sur [O; I] n'est pas défi -
ni e, ma is q u 'en est-il d e l' intég ra le si p = 1.
impropre sur ]O ; 1] ? On app lique la Ainsi, F admet une limite si et seule-
méthode suggérée plus haut. me nt si p < 1, et dans ce cas

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente 121


'
SAVOIRS Convergence d'intégrales impropres

méthode de Simpson
1 1
ft -pdt = --.
0 1- p
Lorsque le calcul de l'i ntégrale impropre Deuxième cas de convergence d'une
est ex igé, les méthodes de calcul inté- intégrale impropre: l'étude de l'inté-
gra l figurant dans les dossiers de ce grabi lité d'une fo nctio n ! continue par
numé ro seront à utili ser. Mais le mathé- morceaux sur un intervalle l non borné ,
mati c ie n se po sera fréquemment la du type [a;+ oo [ (ou]- oo ; b]).
si mple question de l'ex iste nce . Cette fois, on dira quef est intégrable sur
Des critères de comparaison suffiront
alors souvent , en particulier dans le cas
l s i F (x) = f f(t)dt
" b
d ' intégrales de fonctions positives. On (res pectiveme nt F (x) =f f( t )dt) ad met
se limitera ici à ce cas s implificateur.
En effet, dès lors quef est positive sur une limite quand x tend vers l' infini .
Dan s le cas où f est une fonction posi-
[a ; b[ , F, définie par F(x) =f f(t)dt ,
tive, cela se ramène à dire que l'i nté-
est une fonction croissante de"x. Elle gra le converge s i et seule me nt s i Fest
aura donc une limite en b si et seule- bornée .
ment si elle est bornée. Ains i, une inté- Encore une fois, les fonctions de Riemann
grale de fonction positive f sur vont jouer un rôle importa nt , non seu-
l = [a ; b[ sera convergente si et seule- lement parce qu 'on saura dé te rmine r
ment s i les intégrales de f sur tout seg- leur intégrabilité, mai s parce qu 'elles
ment inclus dans I sont bornées. serviront d 'échelle de comparaison pour
En particulier, si la fonction pos itive f déterminer) ' intégrabilité d 'autres fonc-
reste , dans un voisinage de b, majorée tions positives .
par une fonction dont l' intégrale converge Il est clair que la fonction défi nie par
sur [a ; b[, elle sera elle-même intégrable f(x) = [P sera intégrable au voisinage
sur [a ; b[. À l' inverse , si elle est mino- de l' infini s i et seulement si p > 1. On
rée par une fonction pos itive dont l' in- remarque qu 'au voisinage de O comme
tégrale diverge, elJe ne sera pas intégrable. au voisinage de l' infini , l' intégra le de
Une telle comparaison sera souvent faite la fonction l / x est divergente.
avec une fonction de Riemann vue plus Le critère de Rie mann de convergence
haut. Elle donne lieu au critère dit « de consistera à majorer la fonction! à inté-
Riemann » . Ainsi , pour une fonction f posi- grer par une fonction du type [P où
tive , s'il existe p < l tel que ~f(x) soit p > 1, le critère de divergence consistera
bornée dans un voisinage de b, alorsf est à la minorer par la fonction 1 / x.
intégrable sur [a ; b[ . On peut d 'a illeurs passer de l' une des
l
Par exemple, la fonction tn x l, bien que formes de borne impropre à l'autre e n
tendant vers l' infini en 0 , est négligeable, utili sant un changement de variable.
par exemple, devant _I_ , Ainsi, le changement de variable en
Fx I lx transforme l'i nte rvalle ]0; l] en
dont l' intégrale converge en O. La fonc- [ l ; + oc[, ce qui relativise le décou-
l I
tion 1n sera donc intégrable. page de l' étude de la convergence d'in-
Inversement , s'il existe p > 1 tel que tégrales impropres en de ux cas distincts.
xP f(x) soit minorée dan s un voisinage
de b, alors f n'est pas intégrable s ur G.C.
[a ; b[.

i1 22 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


par Hervé Lehning EN BREF
1

les lnt611r1la ll1 Fresnel


En étudiant la diffraction de la lumière, Augustin Fresnel
introduit les intégrales qui portent aujourd'hui son nom :
2 2
C(t)• J;cos(u )du et S(t)- J;sin(u }du .. On démontre

que J: 00
2
cos(u )du - f: 00
2
sin(u )du - ~- Ces deux intégrales

impropres sont également appelées intégrales de Fresnel.


La courbe de paramétrage x = C(t) et y = S(t)
est utile dans un domaine a priori éloigné de
l'optique : la construction des voies à grande
vitesse ! En effet, cette courbe est celle que suit
une voiture lorsqu'elle roule à vitesse constante
et que son volant est tourné uniformément. Elle
Augustin Fresnel (1788-1827). fut étudiée pour la première fois par Jacques
Bernoulli () 654-1705).
Alfred Cornu (1841-1902) la rencontra également. Elle lui
doit le nom de spirale de Cornu. Un peu plus tard, Ernesto
Cesàro ( 1859-1906) la nommera plus poétiquement clothoïde
car sa forme rappelle celle du fil s'enroulant autour du métier
à tisser (clotho signifie« je file (la laine)» en grec).

l'intégrale de Poisson
Po ur résoudre le problè me de Diric hlet sur un di sque, Siméon
Po isson fut ame né à introduire l' intégrale Ion 2
ln ( 1- 2x cost + x )dt ,
qui pe ut semble r imposs ible à calc ule r. Po urta nt, e n dé riva nt
la fo nctio n à intégre r par rapport à x, o n o btie nt l' intégrale
n 2 (x - cost)
Jo ) - 2x
- - - --
COS t + X2
dt , à laque lle o n peut applique r les

règ les de Bioche. On pose do nc u = tan i, ce qui


2
la ramè ne à l' intégrale d ' une fraction rationne lle, que
l' on décompose e n é lé me nts simples . Que lques ca lcul s
a lgébriques mène nt à 2 Jt s i I x 1> l et O s inon.
X
Siméon Denis Poisson
On en déduit : Ion 2
ln( 1- 2x cos t + x )dt= 2nln jxj si I x 1 > 1 (1781-1840).
et O sino n. Bie n sûr, pour légitime r ce résultat, il est
nécessaire de mo ntre r qu ' o n pe ut bie n dé ri ver sous le sig ne somme.
Référence : Mathématiques supérieures et spéciales, tome V (ana lyse fon cti onne lle).
He rvé Le hning, M asso n, 1988.

Hors-série n°50. L'intégrale Tc:1:ngent:e


SAVOIRS par Hervé Lehning

Suites et fonctions
définies par une intégrale
Quand une suite ou une fonction est définie par une intégrale,
on peut en général l'exprimer de deux façons différentes. Elles
mènent à deux théorèmes importants, dont le plus célèbre
porte le nom de théorème de convergence dominée. Les appli-
cations à l'analyse sont nombreuses.

onsidérons une suite dont le le théorème de conuergence dominée


terme général s'écrit sous la
forme u11 = J 1
!,, (x )dx. L ' in- Dans l'autre cas, la suite s'écrit sous
d ice n apparaît dans l' intervalle et la forme u11 = f J,, (x) dx, où les fonc-
1
dans la fonct ion. Un changement de tions !,, sont continues par morceaux
variables permet souvent de chasser n sur l' intervalle 1. Si la suite de fonc-
de l'intervalle ou de la fonction, ce qui tions!,, converge simplement vers une
conduit à deux cas. fonction! continue par morceaux sur I,
J
Dan s le cas où un= 1 f(x)dx, on étu- c'est-à-dire si !,, (x) converge vers f(x)
die la limite de la sû ite d ' intervalles pour tout x, on peut conjecturer que la
111 • Si e lle existe et est égale à I, il est limite est alors u = f J(x) dx.
pen sable que la suite ait pour limite C'est bien le cas s' il existe une fonc-
u = f J(x)dx. Mai s ce résultat souffre tion g continue par morceaux et inté-
d 'exceptions. Il est donc nécessai re grable sur l dom inant lesf,,, c'est-à-dire
d 'examiner la question à chaque IBis. vérifiant 1 !,, (x) 1 ~ g(x) pour tout n et
Prenons l'exemple de u" = r·.J. X
o 1+ x4
, tout x. Ce résultat se nomme théorème
de convergence dominée.
La limite probable est u =
r+"' r:--;,
J ,O
dx En gu ise d'exemple, considérons la
4
vl+ x I
Il I
suite u = f x n-; dx. La fo nction
qui a bien un sens. Il s'ag it d ' une in- " J o l+ x
tégrale impropre convergente. On de' f"mie
. par <p ( x ) = -
X ln X .
- est continue
2
l+ x
en déduit la convergence de la sui te
(u ) vers u. Deël même, on démontre donc bornée sur le segment [O, 1]. Il
""
que un = J
2n X
r:--,3 tend vers O car
n vl +x
ex iste M te l que 1 <p (x) 1 ~ M pour tout

r+"' dx
l' intégrale impropre J , - - - est
x. On en déduit que lx" ln-;I s M x"-1 ,
l+ x
o ~
convergente. donc la suite de fo nctions converge

Ta.ngente Hors-série n°50. L'intégrale


simple ment vers O et est do minée par
M. D 'après le théorème de conver-
Le théorème de convergence monotone
gence do mjnée, o n e n déduit que Le théorè me de convergence do mjnée possède une
(u,,) 11 tend vers O. Dans ce cas, cepe n- versio n e n appare nce s implifiée, mais valable dans
dant, o n aurait pu raisonner plus sim- un nombre plu s limité de cas : s i une suite s'écrit
ple ment grâce à la majo ratio n de <p car u,, = f J,, (x ) dx, où la suite (J,,) 11 est une sui te croissante
U 11 S Mf o'X n-1d X S -Mn. de fo nctio ns continues par mo rceaux et positives sur
l' inte rvalle 1, et s i la suite de fon ctio ns (J,,) 11 converge
De faço n généra le, une fo nctio n I s imple me nt ve rs une fo nctio n f continue par morceaux
défin ie par une intégrale s' écrit L 1, alo rs (u,,) 11 converge vers u = f J (x ) dx.

F(x) = J b(x) f (t, x ) dt. Il est nature l de


a(x) cos (xu)
uH est continue sur [l , 2)
u
se de mande r si une telle fo nctio n est
cos (xu)
continue et dé ri vable et, dan s ce cas, (pour to ut x réel), et x H est
com ment calc ule r sa déri vée.
u
Pour répo ndre à ces questio ns, de mê me continue sur IR (pour tout t dans [ l , 2)).
q ue pour les suites, o n essaye de chas- La condition de do minatio n est égale-
ser la variable x des bo rnes de l' inte r- ment vérifiée, la fo nction dominante
va lle ou de la fo nction que l'o n intègre. é tant égale à 1. On e n dédu it que la
S i x n' ap paraît plus dans la fo nctio n, o n fo nctio n est continue en 0, do nc la li-
peut se ramene r à l' intégrale fo nctio n
de sa borne supé rie ure. Dans l'autre cas . c he rc hee
nute , Je a,
, est ega f i-du = 1n 2 .
I u
(qui no us intéresse), la fo nctio n s ' écrit
sous la fo rme F(x ) = f J (t, x ) dt. Pour Po ur la dé rivabilité, o n ajo ute, aux
la continuité sur un intervalle J, il est conditions précéde ntes concernant la
natu re l de supposer que t ~ f( t, x) est continuité, la condition sui vante : af
continue par morceaux sur 1 (po ur to ut ax
x dans J), et que x ~ f( t, x) est continue ex iste et t H af (t,x ) est continue par
sur J (po ur to ut t apparte nant à 1). On
ax
peut alors concl ure à la continu ité de morceaux sur 1 (po ur to ut x dans J), et
F si de plus la cond itio n de do minatio n
sui va nte est satisfa ite : x H af ( t, x ) est continue sur J (pour
lf(t, x) 1 ~ g( t) po ur to ut t e t to ut x
ax
où g est une fo nctio n continue par mor- to ut t é lé me nt de 1). On pe ut alors
ceaux et intégrable sur 1. conclure à la déri vabilité de F si de plus
Étud io ns ainsi la limite quand x te nd la conditio n de do mination sui vante est
vers O de f 2x cost dt. On a inté rêt ici à satisfaite :
X t
l! (t ,x)lsh(t) po ur tout t et tout x
se rame ner au théorè me de continu ité
sous le signe somme e n posant t = xu, o ù h est une fo nctio n contin ue par
qu i est un changeme nt de variable li- mo rceaux et intégrab le sur 1. Da ns ce
c ite à cond ition que x soit no n nul. On cas, la déri vée se calcu le par dé ri vatio n
2 cos (xu) sous le s ig ne somme, c'est-à-dire:
obtient fI du , qui se tro uve
u
dans le cadre du théorè me : F ' (x ) = f 1 af (t ,x)dt .
ax
Hors-série n°50. L'intégrale Tangente
, SAVOIRS Suites et fonctions ...

Calcul d'intégrales
Intégrale dépendant d'un paramètre
Dans l'enseignement. en France. il est d'usage d'appeler L ' application du théorème de dériva-
1· intégrale fJ(l ..r) dl i111égralc dé11c11da111 d ·,,,, pww11hre. tion sous le signe somme peut aboutir
Le paramètre est donc ici la variable .r. Dans le monde au calcul de l' intégrale. C'est le cas par
anglo-saxon. on parle plutôt d'intégrale paramétrique.
Ce terme n'existait ni chez Leibniz ni chez Cauchy.
qui en traite dans sa trente-troisième Le\DII de calc11/
exemplede
f O
n /2
ln ( asin 2 t+bcos 2 t ) dt .

Î1!/Ï11i1é.1i111a/ do1111ée à /'frole poly1cch11ic111e sous le On démontre que l'on peut dériver
titre DUféri'llcimio11 el i111égrn1io11 .10111 le signe J. La
variable .r y est bien désignée comme une variable et non f(a) = J 0
n
12
ln(asin 2 t+bcos 2 t) dt
un paramètre. L·appellation « intégrale dépendant d'un
paramètre » se trouve en revanche dans des ouvrages sous le signe somme en appliquant le
d'enseignement de la fin du x1x" siècle et depuis . Par théorème précédent. On obtient :
exemple. c'est le terme utilisé par Paul Appell en 1898 2
dans ses Élé111c111s d'wwlyse 11w1hé111miq1œ. cours donné f '( a ) = f n12 sin t dt , que I' on
à I'École centrale de Paris.
O asin 2 t+bcos 2 t
peut calculer au moyen du changement
de variables u = tan t. On trouve :
Ce théorème, dû à Leibniz, permet
d'étudier des fonctions défi nies ~ar ~ne
intégrale telles que F(x)= f ex' dt.
0
Dans cet exemple, les hypothèses de
domination ne sont pas vérifiées sur Si a ;t: b, ( au 2 +b ) ( u 2 + 1)
IR, mais elles le sont sur tout inter-
valle ]-00, A] puisque lex'' Is eA pour b 1
t E [O, 1] et tout x E ~-oo, A], et de b-a au 2 +b - b - a u 2 + 1'
même pour la dérivée. F est donc donc:
continue et dérivable sur tout inter-
valle ]-00, A], donc sur leur réunion ,
f '(
a)- [ f +"' -du
_ -1 b r+"' -du
- - J, -J
O 2 O 2
c'est-à-dire sur R La dérivée vaut b-a au + b u +1
2
F'(x)= f ~t ex'' dt. La fonction Fest
donc strictement croissante. On en dé- = 2(b1t-a) [ Ja,;-i] .
2
duit l'inégalité F'(x)~ J ~t dt=i,, et
Cette égalité reste vraie si a = b par
donc F(x)-F(ü) ~ ~ ,, d ' où l'on tire continuité, donc il existe une constante
3
C telle quef(a) =1t ln (Va + -Vb) + C si
que F tend vers l'infini quand x tend a> O. Orf(b) = 1t / 2 ln(b), donc:
vers l'infini. Le même type de procédé C =- 1t ln 2 et :
montre que F tend vers O quand x tend
vers -oo.
Jn' tn(asin
0
2 2
t+bcos t) dt
2

= 1t ln Fa+ JE .
Allure du graphe 2
de la fonction F.
H.L.

126 Ta.n9ent:e Hors-série n°50. L'intégrale


par Hervé Lehning EN BREF

Pi et l'arc tangente
Le nombre 1t = 3, 14159265359 ... se trouve souvent dans le résultat quand on calcule une intégrale :
intégrales de Gau ss, de Walli s, de Fresnel, et fonction r. Cela fournit également des méthodes de
calcul de cette constante.
Voici un premier exemple faisant intervenir l'arc tangente . Cette fonction donne un grand nombre de
"1ormu 1es : arctan oc = -n , arctan I = -n , et arctan ' x = -1- •
2
2 4 1+ x

La plus simple est f +œ dx , = n, mai s elle ne se prête pas bien au calcul, à cause des bornes infinies.
-œ J + X-

~
1
La formule f dx 2 = est plu s intéressante de ce point de vue.
Jo )+ X 4
• , •
On obtient une sene d 'approx1mat1ons de
• •

Jo l + X2
1t en

calculant les mtegrales u,,
,
= r x" (1 - x)" dx.
1

En effet, l'expression x ( l - x) est maximale en 1 / 2, ce qui permet un encadrement de u,, : 0 < u,, < 1 / 4".
En effectuant la di vision de x" ( l - x)" par 1 + x2, on peut calculer u,, en fonction de 1t et ln 2, selon le
reste de la divi sion . Pour n =4 , on obtient u 4 = 22/7-n,d'où l'encadrement 22/7 -1/256 < Jt< 22/7,
qui rappelle une approximation obtenue par Archimède .
De même , pour n = 8, 47 171/ 15015 < n < 47 17l/15015 + 1/262144,
ce qui donne n avec cinq décimales exactes.

Pi et les intégrales
Les intégrales abéliennes, contenant des racines carrées, peuvent également mener à Jt.
dx dx
Par exemple : f-1
1 ,.--------i
v1- x- dx = -
1t

2
, f- vJ-x
,.-----,
I

1 2
= n ou rb

J a .j(b- x)(x -a)


= n.

Plus ophistiquée, la formule r'œ dx = Jt fait intervenir la moyenne arithmé-


Jo ~ x(x +a 2 )(x+b 2 ) M(a , b)
tico-géométrique M(a, b) des deux nombres a et b, c' est-à-dire la limite commune des suites u,, et
u0 = a, v0 = b
v,, définies par
l U n+ I -
-
u +v
- ''--
2
" ' Vn+I --
N,. . UV
11 n

Peu utilisables pour le calcul, n intervient dans un grand nombre d'intégrales aux bornes infinies ,
comme celles du type f o+œ si:: x dx, qui valent C,, Jt où les constantes C,, sont rationnelles .
, . , 1 1 1 D f , , l
Pl us prec,sement: C 1 = , C2 = ,C = 3,C = }°.. e açon genera e :
2 2 8 3 4

2ln-li (n - 2k)"- I
n.}:(-l)k _ __
C = k-0 k!(n - k)!
n
2"

De même, r+œ COSX


~=-
Jo x + 1
Jt
2e
et, en utilisant le logarithme,
+œ COSX J't I dt
r ~ = -2e et Jro 1
Jo x + 1
ln -
R =
C_
vn.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 127


SAVOIRS par Hervé Lehning

les intégrales
eulériennes
Les intégrales eulériennes sont apparues avec Wallis pour
être ensuite étudiées par Euler et ne devenir « eulériennes »
qu'avec Legendre. Depuis, elles font partie des fonctions dit es
spéciales qui ont envahi les mathématiques pures comme ap-
pliquées.

u xv11° siècle, John Walli s étu- approximation de n! sous la fo rme

A di a les intégrales, qui portent


aujourd'hui son nom, reli ant
le calcul intégral à la fonction fac-
n! - ~2nn(~ )" , fo rmule particulière-

torielle n! (produit des entiers de l à ment étonnante pui squ 'e lle fa it entrer
n /2

f
n) : Wn = O sin"x d.x. En utilisant la
relation li ant sinus et cosinus et une
les deux nombres transcendants e et n
dans le domaine de l'arithmétique!
intégration par parties (voir dans le
deuxième dossier), on obtient la rela- Les fonctions Gamma et Bêta
Jacques Philippe t1on '
. de recurrence W" = -n-J
- Wn- 2 • L e
Marie Binet calcul des deux premiers téfmes donne Les intégrales de Walli s sont en fait
(1786-1856). alors deux formul es : des cas particuliers des fo nctions nom-
mées Bêta depui s JaJ.ues Binet et dé-
1 · 3 · 5 .. · ( 2n + 1) n
w 2n = - et . .
f mies par B( x,y ) = i t x- 1 (1 -t ) y- 1 dt .
0
2 · 4 · 6 .. ·(2n) 2 En effet, le changement de variables
t = sin 2 x permet de montrer que :
2 · 4·6·· ·(2n)
2
W n+ I = 3 ' 5 ' 7 " ·( 2n + ] ) . W11 =_!_B(n+I
2 2 '2
1-).
Le changement de variables t = 1 - u
Walli s en tire la formule qui porte montre la sy métrie entre les variables
24" ( 1)4 x et y, à savo ir : B (y, x) = B (x, y) . En
son nom : lim n· 2 = n. James intégrant par parties, on obtient la fo r-
n H +oo n{(2n)!) mule suivante :
Stirling ( 1692- 1770) en déduira une x B (x, y + 1) = y B (x + 1, y).

Tangente Hors-série n°50. L' intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE

Pour des valeurs entières des variab les ,


l'intégrale de Gauss
cette formule conduit à : L'intégrale de
Gauss est l'aire
(n-l)!(m-1)!
B(n ,m)= ( ) . (en bleu) sous la
n+m-1 !
courbe en cloche.
Au xv111< siècle, Leonhard Eu ler a gé-
néralisé cette formule en introduisant L'intégrale de Gauss est liée à la fame use courbe en
la fonction Gamma. cloche, utilisée en statistiques. Plus précisément, il

La fonction Gamma est définie par


J +"' '
s'agit de _., e-x dx. Il existe un nombre incalculable de
méthodes pour trouver sa valeur : .Jn. La plus é lémentaire
r(x )= fo+"'
e-tt x-ldt, ce qui suppose utilise le calcu l préliminaire de l' intégrale double
x > 0 si on reste dans le domaine réel. Jf O e-x' -l dx dy sur deux domaines D. Tout d'abord sur

En intégrant par parties, on montre que le disque DR de centre O et de ra on R. rie i:iassage en


f(x + 1) =x f (x), d 'où l'on déduit que coordonnées polaires donne alors
1
lfo2n
d8 Jlf:0R e-,'
rdr),
f (n + 1) = n!. La formule précédente qui se calcule facilement. On trouve :n:{ 1- e }.
n inté?ra~~ sur le carré PR = [- R , R]2, on trouve
se générali se alors en :

- r(x)r( y )
J:: e-x dx} . Un passage à la limite, quand R tend vers
\: infini, permet de conclure. Pour le justifier, on peut
B ( x,y ) -
r ( x+y ) . encadrer PR par DR et DR 12 .
La fonction Gamma vérifie une for-
mule que Carl Gauss choisit comme
définition , sans doute parce qu ' e lle ex- 1 /
clut la notion d ' intégrale, ce qui la rend 1/
plu s faci le à générali ser au domaine
complexe:
. n!nx
r( X ) = 1Im - - - - - - -) -2 -1
n-+œ X(X+1) ... (X+ n) .

Cette formule lai sse deviner que la Graphe de la fonction Gamma dans
fonction Gamma se générali se au plan le domaine réel. Il possède une
complexe privé des entiers négatifs ou f\ asymptote verticale en chaque entier
. nul s. En particulier dans le domaine négatif ou nul.
I
réel, le graphe de la fonction Gam-
ma ad met une asymptote verticale en La fonctio n Gamma intervient dans un
chaque entier négatif ou nul. grand nombre de domaines. Elle s'as-
La formule de Gauss permet de mon- socie en particulier naturellement à la
trer la formule des compléments reliant fonction zêta de Riemann , qui a un lien
la fonction Gamma à la fonction sinus : avec la distribution des nombres pre-
miers. Dans le domaine des mathéma-
r(x)r(l - x) = . ( ).
sm :n:x tiques appliquées, elle donne naissance
P!u~) x = 1 / 2, cette formule donne à la loi Gamma en probabilités, une loi
r .l = J;,. En posant t = x2, on en dé- particulièrement utilisée pour modé-
du ·t ' intégrale de Gauss : li ser la durée de vie. Ses applications
sont donc nombreuses tant au niveau
r·"' e-x' d x = J;,. théorique qu'au niveau pratique.
Jo 2
H.L.

Hors-série n°SO. L'intégrale Tangente


SAVOIRS par Hervé Lehning

la transformée
de Laplace
Les logarithmes transforment les multiplications en addi-
tions. Pour suivre la même idée, pourquoi ne pas transformer
les équations différentielles en équations algébriques? C'est
ce que fit Heaviside en utilisant la transformée de Laplace ...
mais sans le savoir !

omment transformer une Plus précisément, on considère

C ~quat'.on différentielle
equat1on algébrique ? Pour
être concret, considérons un exemple
en Y= L(y) où Y(p) = J:"'e-P'y (t)dt. La
transformation se nomme L, en réfé-
rence à Lapl ace. Mais s' il est d' usage
particu lier, l'équation du second ordre de nommer la variable p, ce n'est pas
avec conditions in itiales : une référence au prénom de Laplace !
y"+3y '-4y=0 Bien entendu, la transformation L n'est
{ y(O) = 3, y'(O) = -2. pas définie pour toute fonction y. Une
Cette équation a une solution unique condition suffi sante pour cela est que y
Pierre Simon sur ~ d'après le théorème de Cauchy- soit continue sur [0, +oo[ et qu ' il existe
Laplace ( 1749- Lipschitz. Une idée étonnante pour en M > 0 et a tel s que y vérifie la condi -
1827), mathémati- tro uver la solution est. .. de la modifier tion ly(x) 1 ~ M«.1.r pour tout x, ce qui
cien, physicien et en util isant une transformation intro- sera supposé.
astronome. duite par Pierre Simon Laplace.

lniectivité de l
f "'
Soit June fonction telle que L(f) = 0 , c' est-à-dire que [L(f)l(p) = 0 e-P' f(t)dt = 0 pour tout p.
S' il est possible de dériver sous le signe somme, il vient[L(!Jj'(p) = f +"' (-t) e-P'f(t)dt =0 pour
tout p. On peut recommencer, ce qui donne : [L(f)J"(p) = fo(-t )" e-P' f(t )dt= 0 pour tout p.
En combinant ces équations, on démontre que, si Pest un polynôme, L(Pf) = O. Si f est un poly-
nôme, on en déduit que L(f2) = 0, soit J:"' e-p, f 2 (t )dt= O. Comme la fonction intégrée est positi ve,
e-P'j2(t) = 0 pour tout t, d'oùf = O. Sif n' est pas un polynôme, une approximation par un pol ynôme
permet de conclure.Lest donc injective.

Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE

la résolution
La transformée en zet les équauons aux différences
Peut-on exploiter l'idée sous-jacente à la transformation
de Laplace pour résoudre une équation aux différences

u 2 + u 1 - 2u = 0 , .
comme : 11

11
" • ? La reponse est out et
{ u =2, u =-1
0 1

passe par la transformée en z. Sa définition comporte une


série et non une intégrale : à toute suite u = (u,,) 11"°, on
"'
associe la fonction Z(u) définie par [z{u )]{x) = I u,,x-".
n- 0

Le raisonnement fait dans le cas de la transformée de


Olher Heaviside (1850-1925), physicien, Laplace s'adapte à cette situation. Pour cela, notons D
inventa une méthode pour résoudre l' application sur l'ensemb le des suites correspondant au
des équations différentielles qui fut décalage d 'i ndice: (Du),,= u,,. 1• De même que L(y') se
très critiquée en son temps car il ne calcule en fonction de L(y), Z(Du) se calcule en fonction
la justifiait 1>as correctement. Elle
"' "'
ne le fut que plus tard, en utilisant la de Z(u) : Z{Du) = I u,,. 1x -" = X I u,,x-" = x[Z(u )-u0 ].
transformée de Laplace. 11-0

En itérant: Z (D 2 u) =x2 Z(u)-x2u0 -x u 1 puis, en utilisant


Il est clair que L est linéaire et la linéarité de Z, il vient: (x2 + x -2) Z(u) = 2x2 + x, soit
donc, si y est la solution de l'équa- 2
tion différentielle considérée, z(u) = 1- - -
;x +x = 2+- 2 -. Cette dernière fonc-
L(y") + 3L(y') - 4L(y) = O. On calcule x +x-2 x-1 x+2
les transformées des dérivées de y en tion est une transformé en z que l'on retrouve grâce à des
intégrant par parties : développements en série entière classiques :
[L(y')](p) = - y(O) + p[L(y)](p) et, en
itérant, 2+-1- - -2-=2+1._l__ l_l_=2+ fx -" +Î{---2)" x-".
X --- ) X+ 2 X ) _ _!. X 1+ l n• I n• I
[L(y'))(p) = - y'(O) - py(O) + p2[L(y))(p).
X X
Ainsi , Ce qui donne pour solution à notre équation aux diffé-
- 7 - 3p + (p 2 + 3p - 4)[L(y)](p) = 0, rences : u,, = 1 + (-2)".

7
d'où [L{y )](P) = /P+ .
p + 3p-4
On en déduit :
2
On en déduit que, pour trouver y, il [L(r H 2e' + e-4' )](P) = -- + -1-
suffit de savoir inverser la transforma- p-l p+4
tion de Laplace L. Au niveau calcul, donc [L(t~ y(t)-2e'-e-4') ](p) =0. On
la linéarité de L pousse à décomposer démontre que L(/) = 0 implique f = 0
la fraction du second membre en élé- (voir encadré), donc y(t) = 2e' + e-4 1,
ments simples : ce qu ' il est facile de vérifier. Cette
3p+7 = -2- + _ l __ démarche est valable pour toutes les
p2+3p-4 p-1 p+4 équations différentielles linéaires à
Une petite manipulation permet de coefficients constants avec conditions
trouver alors une solution. En effet : initiales.
[L(t1-Ha1 )]{p)= f "'
o
e(a-p)' dt=-1- .
p-a
H.L.

Hors-série n°50. L'intégrale Tangente


SAVOIRS par Hervé Lehning

I •

er1e
et transformée de f ourier
Il est difficile de dissocier série et transformé e de Fourier, la
seconde pouvant être considérée comme une généralisation
de la première. Elles ont toutes deux des implications
importantes dans la résolution des é quations différentielles
et en physique.
n 1807 , Joseph Fourier s' inté- et en utili sant la condition X (0) = 0, il

E ressait à la propagation de la cha-


leur. Dans le cas simple d'une
barre métallique dont on connaît la di s-
vient X (x) = sin wx (à un coeffic ient
multiplicatif près). La seconde condi-
tion X (L) = 0 impose sin wL = 0, donc
tribution de température à l' instant ini - que w soit de la forme w = nn! L où n
tial t = 0, la température u = u (x, t) (où est un entier.
x varie sur [O , L] et t sur [O, + oo[) est régie L'équation en T est plus simple à résoudre,
par l'équation aux dérivées partielles on trouve T = e -cw'r (toujours à un coef-
fi cient multiplicatif près). Les solutions
au = caiu
- - (o ù c > 0) , avec 1a con d 1t1on
".
ai ax 2 stationnaires sont donc de la forme :
initiale (du temps) u (x, 0) = f(x) pour tout -c(11-~r I ( Jt )
x et les conditions aux limites (de la u,, (x, 1) = e L sin 11L x .
barre) u(O, t) = u(L, t) = 0 pour tout t,
ce qui supposef(O) =f( L) = O. Déueloppement en séries
Fourier cherche d 'abord des solution s trigonométriques
sous la forme d ' un produit d ' une fonc-
tion de t et d ' une fonction de x, c'est-à- L' idée de Fourier est de chercher la solu-
dire sous la forme u(x, t) = X(x) T (t), que tion générale à l'équation de la chaleur
l'on nomme solutions stationnaires. sous la forme d'une combinaison linéaire
Cette stratég ie a boutit à l 'équ a tion des solutions stationnaires, soit:
XT ' = cX" T, pui s aux deux équation s ~
u(x , 1) = LJ A ,,e -+-'f sin (n-x
L Jt ) .
X "= À.X et T ' = cÀ T , où À est une ,,~o L
constante. Elles se résolvent facilement. 2
La linéarité de l'éq uation au = c a u
La première est accompagnée des condi- ai ax 2
tions aux limites X (0) = X (L) = 0 , ce ass ure que u est solution si la som me
qui implique À< O. En posant : À = -w2 ne comporte qu 'un nombre fini de termes.

132 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE

La conditi on initi ale s'écrit alors :


I A n sin (n~x) = f( x).
n>O L
Cette écritu re pose la question du déve-
loppement d' une fo nction en somme de
sinu s et, plu s géné ra le me nt , de fon c-
tions tri gonométriques.

Une telle somme étant fo rcément pério-


dique, il est logique de partir d' une fonc-
tion périodique. L' usage le plus fréquent
e st de co mme nce r pa r co ns idé re r la
période 2n, pour év iter d'avoir à di vi-
ser par un nombre L. Le problème est donc
d 'écrire une fo ncti o n pé ri odique, de
période 2n, en une somme :
f(x) =a0 + a 1cos x + b 1 sin x
+ a 2 cos2x + b 2 sin 2x
+ a 3 cos 3x + b 3 sin 3x + ...
Le premier terme est fac ile à calculer, si
on remarque que toutes les intégrales
sur un segment d'amplitude 2n des fonc-
tions de la somme c i-dessus sont nulles.
En effectuant les calcul s comme si la Jean Baptiste Joseph Fourier (1768-1830).
somme était fini e, si on peut intégrer f,
il reste : et, sin~ 1,
{ J( x)d.x = 2rra0 .
I J
Cette méthode de calcul des coefficients
an = -J f(x)cos(nx)d.x et bn -J f(x)s in(nx)d.x.
n

Jt -n
=
n

Jt -n

semble s'arrêter là. Mais en fait , on peut La di ssy métri e d a ns les coeffi c ie nts
obteni r celui de cosx (c'est-à-di re a 1) a 11 est résolue e n utili sant la formul e
de la même façon, si on multiplie d'abord générale
par cosx: 1 " J n
an(!)= ; J J(x)cos(nx)d.x et b,, (f) = ; J J(x)sin(nx)d.x.
f(x)cosx =a0 cosx + a 1 cos 2 x
+ b 1 cos xs in x + a 2 sin 2xcos x Alors:
+ b2 cos2xcosx + ... f(x)= 00
(!) + I( a/f)cos(nx) + bn(f)sin(n.x)),
Ic i encore , presque toutes les intégrales 2 n• I

sur une période 2n sont nulles, d 'où : cette égalité n'ayant lieu que sous cer-
J_", J(x)cosxd.x = aiJ_", cos xd.x. 2 taines conditions. En particulier, la conti-
nuité ne suffit pas pour l'assurer, mê me
Par raison de sy métrie : si e lle suffit pour donner un sens aux
2 2 coeffici ents du me mbre de droite , tou-
(, cos xd.x = { . sin xdx
jours appe lé série de Fourier de f.
I
= -J
2
n
(cos x + sin
-n
2 2
x)d.x = 1t.
La con vergence des séries de Fourie r
La même démarche permet d 'obtenir : vers la fo nctio n qui les génère est un

00 = -I J f(x)dx.
21t -n
n suj et très dé licat qui e st pe ut-ê tre à
l' ori gine de la ré volution cantorienne

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente :13


SAVOIRS Série et transformée de Fourier

des infinis ! Si une fonction! est pério- précisément , les sauts de di scontinuité
dique de période 2n, de classe C I par sont augmentés d 'environ 18 % . Le phé-
morceaux , alors sa série de Fouri er nomène , remarqué à travers des in stru-
converge vers la fonction qui la génère ments de mesure phys ique, a d'abord
e n tout point. . . à condition de rem- été attribué à des e rreurs matérielles .
placer f(x) par Ïa demi somme e ntre Willard Gibbs est le prem ie r à avo ir
ses limites à droite et à gauche e n x e n reconnu l'origine mathématique du phé-
tout point x de di scontinuité. C'est le nomène qui porte aujourd ' hui son nom ,
théorème de Dirichlet. même s' il n' est pas le premier à l'avoi r
constaté ni celui qui l' a complètement
le phénomène de Gibbs élucidé. Dan s le cas de la fonction cré-
neau, le premier maxi mum après Otend
En gui se d 'exemple , exam ino ns le cas
- x·dx, qm. vaut b',en 1, 18 a, 001
vers -2 Jcnsin ,
de la fonction créneau , c'est-à-dire de Jt o X

la fonction f, de période 2n, impaire , près, ce qui explique l' excès de 18 % .


valant 1 sur ]O , n[ et O en O. L' imparité Bie n e nte ndu , ce phénomène n' a pas
implique que tou s les coefficients a 11 li e u qu and la fonction est co ntinu e ,
sont nuls. même dans le cas de la fonction en dents
Il reste b,, 2 "
= - f sin(n.x)dx. de scie , c ' est-à-dire la fonction f , de
11) 0 période 2n, paire, affi ne sur ]0, n[, valant
L' intégration est imméd iate et mène à l en O et - 1 en n. La parité implique
di stinguer les cas selon la parité den. que tou s les coefficients b sont nul s.
4 2
On trouve b 211 =0 et bi... 1 =
rt(2n + 1)
, Il reste a,, = ~J
" ( 1- :) cos(nx)dx.
0

' , 4 ~ sin[(2n+l )x] L' intégration se fa it par parties et mène


d ou : f(x) = -LJ .
rt ,,, 0 2n + 1 à di stinguer les cas selon la parité den.
En utili sant cette égalité pour x = n/2, 8
On trouve a 2 11 =0 et 0 2,,. 1 = 2 , ,
Jt (211 + 1)-
on obtient la somme 1-- (- 1)"
2n + 1
n,O
Jt
= -.
4 ' , . - ~ ~ cos[(2n+ l)x]
d ou . f(x)- 2 LJ 2 •
Du point de vue graphique , cela donne: Jt ,,,o (211 + 1)
Cette égalité utili sée en x =0 permet de
1 trouver ~
LJ 1
2
= -
n:2 . En d'1stmguant
.
n,O (2 n + 1) 8
les termes pairs des impairs,

0 1
1---,n·I - =1 (211 +l 1)2+1-(2n)I 2·
n> I n>O n i

1
Et comme ~ - -2 =_!_ ~ ...!.._2
6 (2n.) 4 6n '

., ~I Jt2
ce Ia con du1t a LJ 2 =- .
Fonction créneau (en rouge) et son approximation n:t l Il 6
par des sommes de sinus (ici n = 10). On remarque En que lques lignes se trouve résolu le
des turbulences au niveau des discontinuités, problème de Bâle, posé par Pietro Men-
ce qui est général et porte le nom de phénomène de Gibbs. goli en 1644 et qui demandait de trou-
ver la valeur de la somme des carrés des
Au niveau des points de discontinuité, inverses des entiers. Il fut réso lu par
l' approximation par les sommes de sinus Leonhard Euler en 1735 par une toute
(et cosi nus) est de mauvais qualité. Plus autre méthode.

Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE

Du poi nt de vue graph ique, cela do nne:

Approximation de la fonction en dents


de scie par des sommes de cosinus
(ici n = 10). Les deux courbes se confon-
dent très vite, l'approximation est bien
meilleure qu 'en cas de discontinuités.

L'égalité de Parseual

Sous la seule cond itio n quef so it pé rio-


d ique de période 2n et continue par mo r-
ceaux , o n a:

_!_J•
2Jt
IJ(x)l2dt = lao<J)i2
-n 4

+ _!_ I [lanut + Ibnu>l


2
]-
2 11:t l

Cette fo rmule (égalité de Parseval) pe ut


se dé mo ntre r pa r le ca lc ul intégral o u
par des cons idé ratio ns phys iques s ur
l' é ne rg ie. Elle impli q ue que les coeffi-
c ients de Fourie r te nde nt vers O qu and
n te nd vers l' infi ni .
Si o n l'applique à la fo nc ti o n c ré neau , Josiah Willard Gibbs (1839-1903).

on obtient 1= _!_ I 2
2 n,O Jt (211 + 1)
2
16
, de laquelle
E n effectuant le changement de variables
on de' d u1t
. a' no uveau ~ ~ 1 Jt2
= -.
x = 2m! T dans la fo rmule
n ,O (211 + 1)
2
8 IJn
an =; -n g(x)cos(n.x)dx o n Obtie
. nt
En l' appliquan t à la fonctio n e n dents de
scie, on o btie nt a (!) = '!:_J Tti J(t)cos ( 11 2 Jt 1) dt
2 n T - T/2 T
1 "( 2x) I~ 64
; fo I --;- dx = 2n,o Jt4(2n + 1) 4 ' et de mê me pour les b,,. Sous les condi -
64 Jt4 tio ns du théorème de Diri c hl e t , on a
de laque lle o n tire ~ 4
= - .
n>O (211 + 1)
96 a lors:
En d istin g ua nt les te rm es pa irs d es
. . . ~ 1 Jt4 2
I,,., 2
T
2
J(x) = ao<f) + (an(f)cos(n Jt x) + bn(f)sin (n Jt x)).
T
1mpa1rs, o n trouve a uss i ~ 4 = - .
,,. , 11 90
Po ur gé néra liser les résultats concer- C haque te rme de la somme est appe lé
nant les fo nctions périodiques de période une harmonique, ce qui réfère a u cas
2n aux fo nctio ns f de période T , il suf- où f re présente une o nde sono re pé rio-
fit de considé rer la fo nc tio n dique, mais est applicable à to ut s ig na l
pé riod ique, comme les s ig naux é lec-
g(x) = J ( :
2
x) , qui est de période 2n. triques pa r exempl e.

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente 13


Série et transformée de Fourier

Revenons à la propagation de la cha- f est une fonction réelle , sa transformée


leur. Il s'agit de résoudre l'équation aux de Fourier est la fonction F défi ni e par
, . , partie
denvees . Il es -au -2 ( ou, c > 0)
ca2u
= F(x) = { : f(1)e -"1d1.
ai ax
avec la condition initiale u (x, 0) = f(x) On note souvent F = Î- Au niveau de la
pour tout x et les conditions aux Iimües définition , plusieurs conve ntion s sont
u(O, t) = u(L , t) = 0 pour tout t , ce qui poss ibles selon les di sc iplines (mathé-
supposef(O) =f(L) =O. Fourier cherche matiques, physique , électricité), les di f-
la solution de cette équation sou s la férences sont cependant minimes et ne
forme : portent que sur des coefficients .
2

-c(n~)
u(x , t )= }: A,,e L
1 (
sin n-x .
J't ) La transformée de Fourier est effecti-
n~ L vement définie sif est continue par mor-
La condition initiale s' écrit alors ceaux et absolument intégrable sur IR,
J(x)= }: A,,sin(n~ x). so it f ]J(1)lc!1 < +oo. On peut en retour
n•O L
Pour obtenir une telle éga lité avec la calculer f à partir de F :
théorie précédente, il convient d 'étendre 1 +oo .
f(x)=- J F(1)e"1d1.
la définition de f sur IR en une fonction 2J't - OO

impaire , périodique de période 2L, coïn- C 'es t la transformation de Fouri er


cidant avec les valeurs connues sur [O , L], inverse .
ce qui donne alors : Comme les séries de Fourier ou la trans-
formée de Laplace, les transformées de
An = _!_J L f(t)sin(n~t) dt .
L -L L Fourier jouent un rôle dan s la résolu-
Il est alors souvent délicat de montrer tion des équations différentielles car, en
que la fonction u est effectivement solu- intégrant par parties, f'(x) = ixf(x).
tion , mais c'est bien le cas . La méthode En guise d 'exemple, examinons ('équa-
de Fourier se retrouve dan s d 'autres tion différentielle y" - y= g où g est la
questions de physique (cordes vibrantes, fonction valant 1 sur [- 1, l] et O ai lleurs,
traitement de l' image , holo g raphi e avec les conditions aux limites
numérique .. . ). lim y(x) = O. En admettant qu 'elle ait une
sÔÏution y, la transformée de Fourier
En utili sant les formules d 'Euler, vérifie y" - y=g. Le calcul de G = g est
i .x + e-a eu - e-u relativement simple ; on trouve
cosx=--- et sin x = - - -
2 2i ' sin x •
G(x) = 2--. En notant Y= y,
on peut écrire la série de Fourier e n uti - X .
, .f.1e done Y (x)
Y ven = -2 smx .
lisant des exponentielles complexes. En x(x 2 + 1)
revenant aux fonction s de période 2n,
si on pose en(!)= - I JnJ(x)e-'""dx,
. sous . y (x ) = --I f .., sin1e" cl1,qui.
On en de' du1t
J't
-
1(1•
1

?- -
+ 1)
2J't -n -oo

les hypothèses de Dirichlet on peut écrire : est la seule solution possible. Il est facile
de montrer que y est bien solution.
J(x) =
2 cn(f)e-inx, où n varie sur 71...
n

Une onde périodique f peut donc être H.L.


représentée par une série de Fourier.
Peut-on faire quelque chose d 'analogue
sif n'est pas périodique ? La répon se
tient dans la transformée de Fourier. Si

136 Tangente Hors-série n"SO. L'intégrale


par Jean-Alain Roddier EN BREF

l'aire de l'ellipse : s =8ab Uolume du cône (ou pyramide)


Dan s le plan muni d ' un repère orthonormal , on
de hauteur h : V = Ah/ 3
2 2
considère l'e llipse d 'équation \ +y = 1.
a b2

__:-?'-__ bg
-a 0 !X a
Un cône, dans le sens le plus général , est obtenu ,
à partir d ' une base B plane quelconque d'aire
- b -b g 2
A (on situera cette base dans le plan z = 0) , en
joignant tous les points de B à un sommet S . Soit
Soit (E) la surface située à l' intérieur de cette ellipse, h la cote de S (la hauteur du cône). Le cône
2 2
« classique » a une base circulaire, une pyramide
dont les points vérifi e nt l' inéga lité : x, + L2 :s 1.
a- b est un cône dont la base est polygonale. On
Pour calcu ler son aire S, on effectue la descrip- appelle D (z) la section du cône par le plan de
tion hiérarchisée de (E) : c'est l'ensemb le des cote z. Par réduction de coefficient à partir de
couples (x, y) tels que - a :S x :Sa la figure plane de base , son aire est égale à

et -b g g
:s y :s b 1 - -

Calcul de l'a ire, en unités d 'a ire:


a2
2

.
A(h - z) 2 /h 2 • Il suffit donc d ' intégrer cette
expression entre 1 eth pour obtenir le volume :
Ah/3. C ' est le principe de Cavalieri qui per-
D
bv' --;;, met d ' énoncer que les formules sont les mêmes

S• If,duly • f d< ~• ~ dy • [2b~I - ;: d< pour tout cône ou pyramide oblique.

f~
On effectue le c hangement de variab le Uolume de la sphère
X = a sin 8 OÙ 8 E [ - :n/2, :n/2],

et donc dx = a cos e de
V= 4/3rtR3
rr / 2 ,r / 2 Considérons la sphère de centre 0 , origine du repère,
S = 2b J acos 8d82
= ab J (1 + cos8)d8 = :rcab. et de rayon R . Elle admet pour équation :
-Jr/2 -,r / 2 x2 + y2 + z2 =R2.
Pour a= b = R , on retrouve , bien sûr, l'a ire du On effectue la description hiérarchisée (par-
di sque: n R2 . tielle) de (S), intérieur de la sphère .
C'est l'ensemble des triplets (x, y, z) tels que :
z - R :S z :S R et x2 + y2 :S R2 - z2.
Cela correspond à considérer les points des
disques D(z) de rayon racine de R 2 - z2 obtenus
par section de la sphère par plan de cote z.
A lors , V= JJJ/xdydz= J(Jfo<,> d.xdy)dz
-R
y R
2
= f :rc(R - z2 ~ z.
-R
Soit, en unités de volume, V= (4/3):rtR 3 .
X

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente


SAVOIRS par David Delaunay

les atouts de la corn raison


entre série et intégrale
En analyse, le calcul de séries peut très vite devenir
redoutable. L'un des puissants outils dont dispose le
mathématicien dans cette tâche consiste à comparer la série à
calculer avec une intégrale. Leonhard Euler, un orfèvre en la
matière, est à l'origine d 'une formule célèbre.

une somme dont les Si les vari ati ons de la fo nction/ ne sont
termes seraient des valeurs prises pas « excessives » , iI est raisonnable de
par une fo nction réellef sur une penser que la somme présente une cer-
success ion d 'entiers : taine prox imité avec l' intégrale. Or, il est
L" J(k)
k• I
= 1c1) + 1c2) + .. . + 1cn). souvent plus commode de calculer une
intégrale que de ca lculer une somme !
Cette somme peut s'i nterpréter comme On peut alors espérer tirer profit d ' une
l' aire d ' une réunion des rectangles de compara ison de la somme et de l' inté-
base de largeur 1 et de hauteurs respec- grale associée ...
ti ves f (l ) ,/(2), ... ,f(n).
Les joies de la monotonie
j{l)
Si la fo ncti on f est monotone (di sons
j{2) décroissante), il est poss ible d 'encadrer
le terme f(k) par deux intégrales :
j{3) j{4) k+ I k
J k f( t )dt :S f(k) :S J k_ J( t )dt.

0 1 2 3 4

La formule sommatoire d'Euler et


MacLaurin a permis à Euler de calculer
une vingtaine de décimales de la somme
des inverses des carrés des entiers. k- 1 k k k+1

138 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE

En sommant ces encadrements, on somme


des intégra les conti guës. En vertu de la
Séries et intégrales
relation de C hasles, on obtient alors : de Riemann
K +I f(t)dt s !k• I
f(k) s J ~' f(t)dt .
La série
1
fo B"(t converge si, et seulement si, a > 1.
Cet encadre ment permet souvent une
estimation de la somme étudiée . La condition est la même pour l'intégrale impropre
La série harmonique est la suite (H,,),,;,; 1 +"' dt

des som mes H,, = I -·k Il I fi ~-


k• I Ce phénomène s'explique très bien par une compa-
En considéra nt la fo ncti on décroissante raison entre série et intégrale. Quand a > 0, la fonc-
f(t) = 1/ t, on obtient : tion t ~ 1/ t0 est décroissante, ce qui permet d'écrire :
N dt N- I 1 N 1 N dt
r"•I dt s H . f - s "" - et "" - s 1 + f - .
) 1 t Il J I ta fina na fi
JI ta
Par ailleurs, en isolant le terme d ' ind ice L'intégrale et la somme croissant avec N, la conver-
I afi n de ne pas introduire d 'i ntégra le gence de l'une entraîne par majoration la conver-
im prop re d ive rgente, on a : gence de l'autre.
1 11 dt
Il

H = 1 + "" - s 1 + f -.
Il fjk J1 t
On en déduit : S i l'o n suppose de plu s la fonc ti o n !
I
ln(n + 1) s I -k s 1
Il

k-2
+ In n.
pos iti ve, la suite des e rreurs g loba les
(E,,),,;,; 1 apparaît croissante et majorée, elle
Cet encadrement permet de justifier que est do nc convergente. En introdui sant
la suite (H,,) 11;,; 1 tend vers l' infi ni , mais f sa limite, on a alors obtenu :
fo urnit a uss i une app roxi mati o n des 1
! J(k) -Ji'l+ J(t)dt ,, _ •., f.
termes de la série harmonique quand k• I

N --+ + oo . On peut mesurer la qualité Pour la série harmonique, cette limite


de cette approx imation . f "" 0 ,577 est appelée la constante d'Eu-
ler. Elle est usuelle ment notée y et per-
Pour mesurer l'erreur locale commi se met d 'écrire:
lorsqu 'on approc he le terme f(k) par H 11 = ln n + y + e11 avec e11 --+ O.
k +I
Cette écritu re approfo ndit le comporte-
l'i ntégra le f k f( t )dt, o n introduit la
ment quand n tend vers l' infin i du terme
suite des erreurs locales (ek\·.ei, avec H,,. En fa it , pour établir la convergence
k +I de l'erreur g lobale E 11 , la monotonie de
ek = J(k)- J k f(t)dt .
la fo nction! n'est pas nécessaire . Il suf-
En sommant les termes success ifs de fit quef soit dérivable et que (' intégrale
cette suite, on obtient l'erreur globale impropre ( "' lf'(t )ldt converge pour que
d ' approx imati on :
E,, = ! ek = ! J(k)-
k· I k• I
fi',. J(t)dt.
1
la conclusio n perdure.

Si f est décroissante, ('encadrement de "/ et au-delà


l' intégrale l k +I
f (t )dt par f(k) et f(k + 1)
Si l'on dés ire e ncore a pp rofo ndir la
fo urnit O5 ek 5 f(k)-f(k + 1). En som- connaissance du comportement de H 11
ma nt , on obtient , après té lescopage : à l' infini , il serait souha itable d 'esti -
E11 5f( l )-f(n + 1). mer le te rme e11 • Or, ce probl è me se

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente 139


SAVOIRS Atouts de la comparaison ...

Polvnômes et nombres f(11)- f(O) +


2
i
~ ( !121-11(11)-J''l- 11(0))+ R, (11).
, ., (21) .

de Bernoulli avec le res te intégra l


1
R ,,(11 ) - -- r"
(2p+ l)!Jo
J''''''(r)B,,.,(r-[r])dr.
La suite (B")";e0 des polynômes de Bernoulli est défi-
nie par récurrence. On commence par poser Dans ces ex press ions, B 2p+ 2 et les b 2j
B0(x) = 1, puis, une fois Bn connu, on détermine Bn+ I corres po nde nt aux po lynô mes et aux
par les deux conditions suivantes : nombres de Berno ulli (voir en encadré) ,
1
et [] correspond à la partie entière. Cette
B\+i = (n + 1) B11 et f oB,,(t)dt = O.
fo rmule som matoire se démontre sim-
La première condition détermine B"+i à une constante plement par récurrence : on découpe le
près, la seconde donne la valeur de cette constante. terme intégral en 1, 2, 3 , ... , n. - 1 mor-
Les premiers polynômes de Bernoulli sont : ceaux, pu is on procède à une intégra-
B 1(x) = x- 11 2 etBi(x) = x2-x + 1/6. tio n par parties avec chaq ue intégrale
La suite (b,.),,;e0 des nombres de Bernoulli est formée expri mée.
des valeurs en odes polynômes Bn. En dehors de b" E n ex plo itant cette form ule pour
les coefficients d'indice impair de cette suite sont f(t) = ii avec i ent ier tel que 2p ~ i, on
nuls. Ses premiers termes sont
b , = -1/2, b2 = 1/ 6, b4 = - 1 /30 , b6 = 1/42 ...
peut exprimer directement 2" k; car le
k-1

res te intégral est a lors nul.


Par exemple,
2
résout encore par une comparaison entre " " 4 n b b
}: k4 =
3
Jc l dt + - + -2(4n ) + ...i.(2411)
série et intégrale ! En effet, pui sq ue la k- 1 ° 2 2! 4!
constante y est la limite de H N - ln N f · l 5 l 4 l 3 I
donne LJ k = - n + - n +-n --n.
quand N --+ + oo, on peut écrire : k•I 5 2 3 30

E,,= H ,, -ln n-y= li m LJ f (f " ---


dt ' ). Appliquée à l'étude de la série harmo-
N-+oo k-n+I n-1 f k nique, la formule sommatoire fo urn it :
Le terme ici sommé est associé à une " 1 1 I' b2. 1
}: -= lnn+y + - - }: ~ .
fo nction décroissante, et ! 'on établi t, k
k- i 2n j· I 21 21
n
après calcul , que : Cette approximation peut être uti lisée
n n- 1 pour calculer numériquement la constante
1 + n ln - - s E,, s 1 + (n- l ) ln - - .
n+ I n y avec une bo nn e précis io n . H istori-
Cet encadrement permet de justifier que quement, la for mule sommatoire d'Eu-
le terme t: 11 est de l' ordre de l /2n, ce ler-Maclaurin a permis à Euler de calculer
qui permet d 'écrire: une vi ngtaine de décimales de la somme
.~ 1
l
H ,,= ln n + y+-.
2n
2 2 avant d 'établir que celle-ci valait
k•I k

En fa it , o n pe ut poursui vre ce déve lop- exactement n2 t 6.


pement à un ordre quelconque à l'aide D.D.
de la formu le sommatoire d'Eule r-
Maclaurin:
Si la fo nction! est déri vable un nombre
suffisamment de fo is, on peut exprimer
de faço n exacte la diffé rence entre la
somme Î J(k) et l' intégrale J~'J(t)dt
k• I

par la quantité

ri 40 Tangente Hors-série n°SO. L'intégrale


SAVOIRS par François Lavallou

Les mathématiques s 'occupent de relations entre structures,


le fond prenant le pas sur la forme. On applique ainsi le
vocabulaire et les méthodes naturelles de la géométrie
euclidienne aux fonctions. Ces outils de « géométrie
fonctionnelle » sont au cœur des traitements du son et des
images de notre monde numérique.

a géométrie , modéljsation mathé- xxesiècle , sont introd ui tes en analyse


L matique des for mes du mo nde
par les Grecs, a subi une révolution
culture lle avec le début de son algébri -
fo ncti onne lle naissante les premières
études sur des es paces vectorie ls de
dimension infi ni e.
sati o n due à l'introduction des coo r-
données par Descartes , vers 1636 . Si la le produit scalaire
notion d ' espace vectoriel est im plicite-
ment présente, il fa ut attendre Giu sto Un espace vectoriel E est, en toute géné-
Be llav iti s ( 1803- 1880) pour une pre- ralité , un ensemble d'éléments, appelés
mière définiti on des vecteurs e n consi- vecteurs , stables par combinaison linéaire :
dérant un bipoint comme un segme nt V ( ü , V) E E X E et V (a , {3) E K X K ,
orienté. Il défi nit une re lation d 'équi - alors aü + {J ïi E E, où les coeffic ients
valence entre deux bipoints, l'équipol- (a, {3) sont des scalaires appartenant à
le nce, e t é t a blit un « ca lc ul d e un corps K . Il fa ut de plus muni r l' es-
l'équipollence » , qui n'est rien d 'autre pace vectoriel d' une métrique, pour pou-
que le calcul vecto rie l. Il influe ncera voir définjr distances et angles. On défirut
grande me nt l 'a utodid ac te He rm a nn alors un produit scalaire ü . ïi E K pour
Grass mann , qui présentera, en 1844, les deux vecteurs ( Ü , v ) E E X E, notion his-
concepts, initié par Cauchy, de dimen- torique de la géométrie euclidienne géné-
sion , d ' indépendance linéaire, le pro- ra li sée à tout espace vectoriel réel (voir
duit scalaire et même la notion d' algèbre. en e ncadré). Si les scalaires sont réels
Une définition moderne des espaces vec- (K = !Rl) , o n parle d 'espace vectoriel
toriels est donnée par Giuseppe Peano euclidien , s' il s sont complexes (K = IC),
à la fin du XIXe siècle et, au début du d 'espace vectoriel hermitien . On choi-

Tc:ingente Hors-série n°SO. L'intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE

sira, sans manquer de généralité, de ne


considérer que des espaces euclidiens.
Produit scalaire
Cette structure fondamentale s'applique Pour un espace vectoriel euclidien E sur le corps K,
aussi bien à des vecteurs en géométrie le produit scalaire, ou produit intérieur, de deux vec-
de toute dimension qu' à des ensembles teurs ( ü , ïi) E E x E, noté ü . ïi E K, est symétrique,
de suites, de polynômes ou des so lu- ü . ïi = ïi .ü et linéaire par rapport à chacun de ses
tions d'équations différentielles. composants, (aü + f3v).w = aü .w + f3v .w, ce qui jus-
Un espace euclidien , comme son nom l'in- tifie le terme « produit », par analogie avec les pro-
dique , est un objet algébrique qui géné- priétés du produit usuel. Le produit scalaire d'un vecteur
ralise naturellement la géométrie des par lui-même est égal au carré de sa norme, ou longueur,
Éléments d'Euclide et en emprunte le et doit donc être positif: ü .ü = llü 112 :2:: 0, et défini :
vocabul aire. L'orthogonalité, en géo- llü Il= 0 <=} ü = O. Toutes ces propriétés sont réunies
métrie classique, est associée à un angle en disant que le produit scalaire est une forme bili-
(gonia) droit (o rthos). Ce terme est plu- néaire symétrique définie positive. Ces propriétés
tôt réservé pour des directions ortho- sont devenues définition, et toute forme bilinéaire
gonales dans l'espace, alors que deux symétrique définie positive est un produit scalaire.
droites coplanaires se coupant à angle droit De même, toute forme quadratique homogène q (ü)
sont dites perpendiculaires. Deux vec- permet de définir un produit scalaire, en posant, par
teurs sont dits orthogonaux lorsque leur exemple, ü . ïi = [q (ü + ïi) - q (ü) - q ( ïi)]/2. Cette forme
produit scalaire est nul. quadratique est en fait le carré de la norme : q ( ü ) = Il ü 112.
Si deux vecteurs sont ortho-
En ana lyse fonctionnelle, le rôle des gonaux, ils constituent avec
vecteurs est joué par des fonctions, qui V leur somme un triangle rec-
doivent être stables par co mbin aison tangle. Le théorème de
linéaire, comme les fonctions continues u Pythagore s'écrit alors
par exempl e. Il s'ag it de trou ver une q(ü +v) = q(ü) + q(v),
forme bilinéaire symétrique pour pou- et donc ü . ïi = O.
voir définir un produit scalaire. L' inté- Dans un plan muni d'un repère orthonormé, le choix
gra ti on , opé ration lin éa ire qui fait de la forme quadratique q (x, y) = x2 + y2, associé à la
correspondre un sca laire à une fonction, norme euclidienne d'un vecteur ü (x, y) de coordon-
est une bonne candidate et on note par nées (x, y), donne le produit scalaire ü. ïi = xx' + yy'
exemple, pour le produit sca laire des pour les vecteurs ü (x, y) et ïi (x', y') .
J
fo ncti ons! et g, (fig)= f(t)g(t)dt et Un vecteur ïi, faisant
un angle e avec un
IIJll 2
~J
= f 2 (t)dt pour la norme asso- li.V
vecteur ü , peut être
ciée. Les fo nctions doivent alors appar- décomposé en un vec-
tenir à l'ensemble des fonctions de carrés teur parallèle à ü de
intégrables , noté L2, cas particuli er des longueur ll ïï llcos e et
espaces fonctionnels U des fonctions un vecteur perpen-
de puissances p-ième intégrable, dont diculaire de norme
ll ïï li sine. Les vecteurs
la norme IIJII,, = (Zt"(t)dt)"" vé rifi e orthogonaux ayant
un produit scalaire
l' inégalité de Holder : llfg 11 1 ~ llf11P ll g llq nul, on a ü .v =llüllll ïï llcose. Leproduitscalaireestdonc
, ·r·1ant -i + -i = 1 <on d.1t le produit de la norme d'un vecteur par la projection
pour p et q ven
p q de l'autre sur ce vecteur.
qu ' il s sont conjugués) .

Hors-série n° 50. L'intégrale Tcin9ent:e 143


SAVOIRS Intégrales de bases

Les conditions de bilinéarité et de symé- scalaire usuel dans IR 11+ 1 pour une base
trie de ce produit scalaire sont remplies, orthonormée. La base pol ynomi ale
et o n a bien ll!II! = Jf 2
(t)dt .!: O. Pour (x") k=0., .... 11 est orthogonale pour ce pro-
duit scalaire , mais pas pour les autres .
une fonctio n continue (ce qu 'on sup- À chaque fonction poids p du produit
posera),ll/1 lz = 0 <=> f = O. On est main- scalaire ( 1>P est assoc iée une fa mille
tenant formeUement en mesure de définir d e pol y nô mes orthogonaux . Pou r
e
un angle (f, g) de deux fonctions par p (t) = l , les pol ynô mes orthogonaux
pour le produit sca laire ( I >L sont les
l'ex press ion cos(8Cf,g)]= j{l~l , polynômes de Legendre (P11 ),,;;,0, et pour
la gauss ie nne p (t) = e-1' et le produit
11 2

pui sque l(f,g)I s ll!ll 2 llgll 2 par l' inéga- assoc ié ( 1 >H , ce sont les polynô mes
lité de Cauchy- Schwarz, cas particulier <l'Hermite (H11 ) 11;e0 (vo ir e n encadré). li
de celle d' Holder (p = q = 2). Deux fonc- suffit de divi ser chacun de ces poly-
tions orthogonales sont alors te lles que nômes par sa norme pour obtenir des
(fig)= o. bases orthonormées de E,, pour chacun
des produits sca laires . Cette orthogo-
Les bases fonctionnelles nalité ne dépend pas de la dimension de
E11 , et est donc valable pour l' ensemble
Dans un plan euclidien, une base ortho- E 00 de tou s les pol ynô mes , qui est de
normée, notion bien connue, est consti- dimension infinie.
tuée de deux vecteurs (i ,]) orthogonaux
(i .]= 0) , donc indépendants, et nor- Cette exte nsion de la notion d ' espace
més : Il TIl = Il ] Il = l . Tout vecteur ü euclidien en dimens ion infinie est appe-
s'exprime , avec unicité, comme com- lée un espace de Hilbert . Un vecteur est
binai son des vecteurs de base alors re présenté par une série infinie
ü =ai +(3] ,où a = ü .Tet f3 = ü .] sont dont il faut garantir la convergence. Un
les coordon nét;,s. De même, tout poly- exemple en est donné pour la base cano-
nôme P,, (x) = 2 akx k de degré inférieur
k-0
nique (x")k o avec le développement en
série de Tay lor des fonctions . En dimen-
ou égal à n est déterminé par ses coor- sion fin ie , un espace euclidien est com-
données (ak)k=O 1 11 dan s la base de plet, c ' est-à-dire qu ' une somme finie
monômes (x")k=0:,.:::;,. L'ensemble E11 de de pol ynô mes es t un polynôme , un e
ces polynômes constitue un espace vec- somme finie de fo nctions continues est
toriel de dimension n + 1, de structure une fonction continue.
en tout point identique à (' espace [R 11 + 1• L'espace L 2([-1 , l]) des fonctions de
Parmi l' infinité de produits sca laires carré intégrable sur [- 1, l] est complet,
dont on peut munir l'espace E11 pour lui mai s ce n' est pas systématiquement le
donner une structure euclid ienne, inté- cas en dimension infinie où il fa ut être
ressons- nou s aux produits prudent, car de no mbreux théorèmes y
(PIQ),, = l t (t)Q(t)p(t)dt prennent une autre forme qu ' en dimen-
sion finie.
"
et (PIQ)0 = 2 akbk Les polynômes orthogonaux permettent
k·O d'expliciter la meilleure approx imation
pour P(x) = 2akx k et Q(x ) = 2" bkxk.
" au sens des moi ndres carrés. Pour une
k-0 k-0 fo nction f E L 2([- 1, 1]), on calcu le les
Le produit ( 1>o correspond au produit coefficients a,,= <ri P,, >111 P,, 11 2 .

Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE
"
2>kp
A lo rs , l ' a pp rox im a ti o n k
J,, =
Polvnômes onhogonaux classiques
k·O
d'o rd re n converge versf au sens que
Les polynômes orthogonaux les plus utilisés entrai-
}~~Jf - J,J,(1-1.11> = O. tement du signal portent les noms des mathémati-
La figure sui vante mo ntre les différentes ciens Legen~ (t) = 1), Hermite (p (t) = e--"), Chebyshev
approx imatio ns d ' un co nto ur à l'a ide l/
(p (t) = .J1 - x 2 ) et Laguerre (p (t) =e-·' ).
d' une décompos itio n e n po lynô mes de En dérivant n fois le polynôme (x2 - 1) 11 , qui est de
Legend re . L' ordre zéro est un cerc le degré 2n, on obtient un polynôme de degré n, le n-ième
do nna nt le rayo n vec te ur moyen . Le
contour présentant une oscillation d 'ordre polynôme de Legendre: P (x) =
1 d" r<x 2
- ln
" 2"n! d.x"
3, il faut « attendre » l'ordre 3 po ur avoir
une approx imatio n correcte de sa forme. défini sur [- 1, l]. Le coefficient est choisi de sorte
À l' o rdre 4 , l' écart e ntre la courbe test que P/ 1) = 1.
e t son a pproximati o n est infé rie ur au Ces polynômes ont le degré et la parité de leur indice,
de mi po urcent. vérifient la relation de récurrence
(n + l )P11+ 1 (x) - (2n + l )xP11 (x) + (2n + l )xP11_ 1 (x) =0,
et (P11 1 P,) = 2/(2n + 1).
La famille des fonctions p., (x) = ~ P.. (x) constitue
donc une base hilbertienne orthonormée de L 2( [- 1, l]).
Ces polynômes sont solutions de l'équation différentielle
du second ordre (1 - x2)y" - 2xy' + n(n + l )y = 0, qui
apparaît en mécanique, classique et quantique (spin
del' électron), en électromagnétisme, et en général dans
Approximations d ' un contour les problèmes présentant une symétrie sphérique.
(ordres 0, 2, 3 et 4). Pour une base de fonctions de carré intégrable sur
[- oo, + oo] pour p (t) = e-f-, on construit la base de polynômes
Cette technique de décomposition d ' une d" r _,, 1
fo ncti o n sur une fa mille de po lynô mes <l'Hermite: H ,,(x) = (-l)"ex' ~ ..· .
o rthogonaux est à l' o ri g ine du déve- Les fonctions <l'Hermite, comme celles de Laguerre,
lo ppe me nt d ' une bra nc he des m athé- ont de nombreuses applications en physique mathé-
matiques très utili sé e n tra ite me nt du matique, mécanique quantique et, comme l'ensemble
s ignal, l'ana lyse harmo nique, do nt de des bases polynomiales, en théorie de l'approxima-
célèbres créations sont les décompos i- tion et en analyse numérique.
tio ns de Fourie r et en o nde lettes.
F. L.

-10 ............__ _ ___..___ _ _ ___,


-2.5 +2.5
Polynômes de Legendre d 'ordre O à S. Polynômes d ' Hermite d'ordre O à S.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tangente


ACTIONS par François Lavallou

le produit
de conuolution
Souvent introduit ex nihilo en mathématique, le produit de
convolution de deux fonctions apparaît naturellement dans
de nombreux problèmes de la physique, et particulièrement
en traitement du signal. Tout ingénieur est un jour confronté
à inverser ce produit, problème souvent délicat.
' tion mathématique, alors que son exis-

L
introduction des coordon -
nées en géométrie par Des- tence est une nécessité en physique.
cartes fut la première étape Tout lycéen est un discret monsieur
menant à la définüion des vecteurs au Jourdain de la convolution discrète. Le
x1x< siècle, et, rapidement, à la notion n

d 'espace vectoriel. Cette structure produit des polynômes A ( x) = L akxk


peut s'appl iquer à d ' autres éléments m
k-0
que des vecteurs, comme des fonc- et B(x) = L bkxk est le polynôme
tions. On parle alors d'espaces vecto- n+m
k-0
riels fonctionnels . De même que l' on C(x) = L ckxk avec ck = L a;bj,
fait correspondre à deux vecteurs un k-0 i+ j·k

réel au moyen d ' un produit scalaire, puisque le terme en xk de C(x) est la


on peut définir un produit scalaire de somme du produit des termes en :>! de
deux fonctions. Le produit vectoriel A(x) et des termes en xj de B(x) tels que
classique est une loi de composition Lo
i + j =k. La suite ( en est alors le pro-
interne qui construit un vecteur à partir duit de convolution des suites ( an Lo et
de deux vecteurs. Le produit de convo- (bnLo·
lution est lui aussi une loi de compo- On va maintenant établir la version
sition interne, mais pour les espaces continue du produit de convolution
vectoriels fonctionnels. en considérant le principe d'une ex-
périence de détection neutronique. Un
Une réalité en physique faisceau de neutrons, d ' activité tempo-
relle <D(t), est envoyé sur un détecteur,
Le produit de convolution est souvent un scintillateur constitué d 'un matériau
« parachuté » très scolairement en riche en hydrogène. Quand un proton,
cours d 'analyse avec sa simple défini- noyau de l'atome d'hydrogène, est per-

Tc:ingen'f:e Hors-série n°50. L'intégrale


cuté par un neutron , particule neutre de Détection
masse semblable, il recule sous le choc, S(T) - C.O.N. neutronique.
comme le font deux boules de billard.
Cette particule chargée est alors frei- ~
, 1
née par le champ électromagnétique / ,s(T-t)
; 1
du matériau et émet un rayonnement
visible collecté par un convertisseur
optique numérique pour donner un si-
gnal temporel.
f'

La sensibilité de détection augmentant T


avec le volume du sc intillateur, ce der-
nier doit avoir une épaisseur suffisante convolution. , dont l'expression , pour le
pour garantir un signal de mesure. produit h des fonctions/ et g, est:
L' interaction d ' un neutron, pouvant +oo

être localisée, i elle a lieu , dans toute h(t)=(/ *g )(t)= f f(r)g(t-r)dr.


l'épai sseur du scintillateur, n' est donc
pas instantanée. En négligeant le temps Cette modélisation est générale car
de transit des photons, un neutron qui de nombreuses mesures, pour des rai-
arrive sur le scintillateur à l'instant t, et sons pratiques, consistent à prendre la
interagit avec le scintillateur après un moyenne d ' une variable autour d' un
temps r, participe au signal enregistré point de mesure avec une certaine pon-
au temps T = t + r . dération . Le travail du physicien est
Chaque sc intillateur possède une alors , connaissant la mesure h(t) et la
courbe de réponse temporelle qui lui fonction de transfert g(t) du détecteur,
est propre, sa jonction de transfert, que de déterminer le signal incident f(t).
l' on notera s( r). La valeur s( r) de cette On parle de décon.volution. C 'est un
fonction à l'instant r est proportion- problème souvent instable, en ce sens
nelle à la densité de probabilité qu ' un que la présence, inévitable, d ' un bruit
neutron interagisse avec le scintilla- ajouté à la mesure peut faire diverger
teur au temps r . Si <l>(t) représente le le processus d' inversion.
flux neutronique incident sur la face
d'entrée du scintillateur, alors <l>(t) dt Écrire (! * g) (x) = f f (u) g (v) du
neutrons arrivent sur le détecteur pen- u+v-x

dant l'intervalle temporel [t, t + dt]. signifie que l' intégration est sy-
La quantité s(r) <l>(t) dt participe donc métrique vis-à-vis des variables
au signal S(T) à l' instant T = t + r. En u et v. On peut aussi bien écrire
sommant les contributions sur tout le (/*g)(x)= f
f(u)g(v)dv, c' est-à-
support temporel du flux neutronique, u+v-x
+"'
on obtient, pour l'expression du signal dire (/*g)(x)= f f(x-r)g(r)dr.
de détection :
S(T)= f s(i:)cp(t)dt Le produit de convolution est donc
t+"t •T commutatif (symétrique) : f * g = g *f
+"' Bien sûr, le produit de convolution a
= f s(T-t)cJ>(t)dt . été introduit avec des fonctions repré-
On vient de définir le produit de sentant des phénomènes physiques, à

Hors-série n°SO. L'intégrale Tcingente


ACTIONS Le produit de convolution

énergie finie, qui ont le bon goût d 'être nul quand leurs supports sont di sjoints.
à support borné et qui ne posent donc Le support total du produit de convolu-
pas de problème d'existence pour leur tion est donc la somme des supports :
intégrale. Une définition plus mathé- Supp(f * g) =Supp(f) + Supp(g).
matique impose quelques contraintes En plus de la commutativité, le pro-
sur le comportement des fonctions , que duit de convolution est associatif :
l'on supposera satisfaites. f * (g * h) = (f * g) * h, di stributif
par rapport à l' addition : f * (g + h) =
lf * g ) + lf * h), et alf * g) = (af) * g
=f * (ag) pour a réel. Ces propriétés
Support de ,. confèrent à l'ensemble des fonctions
convolution. . . .....· continues sur les réel s, par exemple,
: ...../'~(b- ,) une structure d ' algèbre commutative.
:.. , ..
X b Une autre propriété importante est une
Supp(j'g) loi de conservation des surfaces. L ' in-
tégrale d ' un produit de convolution est
La figure ci-dessus illustre le processus le produit des intégrales des fonction s

l
de calcul d'une convolution. L 'expres- convoluées :
sion g(x - t) = g(-(t - x)) représente le
symétrique de g(t) translaté de x. On
Z(! * g )(x )cit [Z f (x )clt ][Z g(x )clt
=

symétrise donc le graphe de la fonction


g par rapport à l'axe des ordonnées , on Quand on parle de produit en mathé-
le translate de x et on effectue le produit matique, on pense « inverse », et donc,
de g(x - t) par f(t). L ' intégrale de cette dans un premier temps, à « élément
fonction produit est la valeur du pro- neutre ». Le produit de convolution
duit de convolution en x. Dans le cas possède-t-il un élément neutre e tel
de deux fonctions à support fini , l' in- que, pour toute fonction f « accep-
tégrande du produit de convolution est table », f * e = f? Pour que l' égalité
+oo

Somme de densnés de probabllnés Jf(x-i:) e(i:)di: = f( x ) puisse avoir

Calculons la densité de probabilité h de la variable aléa- lieu pour toute fonction J, il faudrait
toire Z =X+ Y, somme des variables aléatoires indépen- idéalement que Supp(e) = {0}, c'est-à-
dantes X et Y de densités respectives! et g. La probabi- +oo

lité que la variable Z appartienne à l'intervalle [z, z + dz] dire e(t) =0 pour x;tO, et Je(i:)di: = 1,
est h(z) dz. Les variables X et Y étant indépendantes,
X doit prendre d ' abord la valeur x avec la probabilité ce qui est impossible pour une fonc-
f (x) dx et ensuite Y la valeur y = z -x avec la probabilité tion nulle presque partout. Qu'im-
.... porte, cette « fonction » fut introduite
g(y) dy = g(y) dz. O n a donc h(z )dz .. Jf( x )g(y )dxdz , et utilisée dès 1926 par Paul Dirac
.... (1902- 1984) avant d 'être justifiée ma-
c ' est-à-dire h(z ) .. Jf( x )g( z -x)dx. La densité de pro- thématiquement par Laurent Schwartz
( 1915- 2002) dans sa théorie des distri-
habilité de la somme de deux variables indépendantes de butions, ce qui lui vaudra la médaille
densités! et g est h f * g.= Fields en 1950. Une distribution gé-
néralise la notion de fonction et trouve

Ta.ngente Hors-série n°50. L'intégrale


une utilité particulière en physique, sociativité du produit de convolution, la
en traitement du signal et, en général, fonction de transfert est devenue f * h,
pour les problèmes présentant des dis- de spectre H(v)F(v), dont l' inversion
continuités. peut être améliorée par un bon choix
L'existence de cette di tribution de Di- du filtre. Chaque problème réclame
rac, notée o, permet alors de définir la donc un traitement spécifique, mais la
notion d'inverse de convolution d ' une solution obtenue ne pourra qu'être ap-
fonction f comme étant la fonction g prochée.
o.
telle que f * g = Mais il faut impo-
ser des contraintes (continuité, dériva- La relation f * g = f g explique que les
bilité ... ) à la solution pour la rendre propriétés de la multiplication usuelle
unique. Le problème est trop complexe se transposent au produit de convolu-
pour être abordé ici. tion . L3-.!ransfqonation de Fourier in-
verse r• J
(V)= f (t)e+2i,rvt dt étant si-
le lien auec f ourier milaire à la tra~ma!!_on-directe, on
en déduit aussi fxg = f * g.
Une des propriétés fondamenta les uti- Le principe de ces traitements s'ap-
li sées par les ingénieurs en traitement plique aussi à des données spatiales, en
du signal est que la transformée de traitement des images. Le flou d'une
Fourier d ' un produit de convolution image n'est rien d 'autre que la convo-
est le produit (usuel) des transformées lution de l'image issue d'une source
de Fourier. Notons par une lettre ma- ponctuelle par la forme de la source !
juscule F(v) la tran sformée de Fourier La convolution apparaît en probabilité
A +oo (voir en encadré) et indirectement en
f(v)= Jf(t)e- 2;,rv,dt d ' un signal statistique avec le produit de corré-
lation. Elle est également utilisée en
temporel f(t). Alors, pour le signal de cristallographie pour la détermination
sort ie s = e * h d ' un système linéaire d ' une structure cristalline, en méca-
de fonction de tran sfert h(t) soumis nique quantique et, de façon générale,
à un flux entrant e(t), on a la relation pour la résolution d 'équations diffé-
S(v) = H(v) E(v) entre les spectres rentielles linéaires associées à de nom-
de ces fonctions. Les spectres S(v) breux problèmes physiques.
et H(v) étant connus, on en déduit
E(v) = S(v)/ H(v) et, par une transfor- Enfin, il existe une convolution multi-
mation de Fourier inverse, on obtient le plicative (f v g )( x) = J
f (t) g ( -r) dt ,
signal incident e(t). Ainsi , la déconvo- tXT•X (

lution est formellement effectuée. pour laquelle le rôle de la transformée


Dans la pratique, les zéros ou les de Fourier est joué par la transformée
faibles valeurs du spectre H(v) posent +"'
problème, et le travail de l'ingénieur de Mellin M[f](s) = Jf(t) t'- dt due
1

consiste à modifier ce spectre par


« filtrage » pour que cette inversion au mathématicien finlandais Hjal-
soit possible. Il peut, par exemple, mar Mellin (1854-1933) on a aussi
convoluer le signal de sortie par une M(f v g) = M(f)M(g).
« fonction filtrante » f pour obtenir F.L.
a= s * f = (e * h) * f En utilisant l'as-

Hors-série n°50. L'intégrale Tangent:e


ACTIONS par Jacques Bair

Le recours au calcul différentiel est fréquent dans les théories


économiques classiques. Pour ce qui est du calcul intégral,
une application fait intervenir le concept d'intégrale définie.
Il s 'agit de la question du surplus du consommateur.

les trava ux du Français lorsqu e la qu antité q de mandée aug-


Antoin e- Au g ustin Co urn o t me nt e, le p rix unit ai re p dim inu e
( 1801 - 1877), le père de !' éco- (et réc iproque ment) se lon la for mule
nomie mathématique , le concept mathé- sui vante :
matique de déri vée est souvent exploité 25p = 100 - (E(q) + 0 ,5) 2 ,
par les économi stes : la déri vée de cer- dans laque ll e les vari ables pet q sont
taines fo nctions intervient dans leur di s- ex primées dans des unités adéqu ates
cours par l'ajout de l'adjectif « marginal » (par exemple e n e uros pour les prix et
après le nom de la fo nction considérée. e n tonnes pour les qu antités) tandis
Par exemple, la déri vée du coût de pro- que E(q) dés igne le plu s grand entier
duction P= f(x) de la quantitéx d' un bien infé rieur ou éga l à q. Les di ffé rentes
s'appe ll e le coût marginal : celui-c i poss ibilités de pri x , pour un e co m-
mesure approximativement le supplément ma nde infé ri eure à 8 unités , sont pré-
de coût par unité additionnelle produite . sentées dans le tabl eau et sur la fig ure
Si le recours au calcul différe ntiel est c i-dessous.
donc fréquent dans les théories écono-
miques classiques, l' intervention du cal - Quantités q Prix unitaires p
cul intégral y semble a priori plus rare. De O à moins de 1 3,99
Voici toutefoi s une situation économique, De I à moins de 2 3,9 1
si mple et classique, dans laquelle se ren- De 2 à moins de 3 3,75
contre une intégrale définie. Il s'agit du De3à moins de4 3,51
co ncept éco nomiqu e de surplu s du De 4 à moins de 5 3,19
consommateur. De 5 à moin s de 6 2 ,79
De 6 à moins de 7 2,3 1
Un cas discontinu De 7 à moins de 8 1,75

Considérons le marché d ' un bien pour Fi xons notre attention sur un consom-
lequel est connue la loi de de mande : mateur qui dés ire acheter 5 unités du

Ta.ngente Hors-série n°50. L'intégrale


INTÉGRALE ET ANALYSE

~
~
~

8 q

produit au pri x unita ire de 3. Comme


ce prix est infé rieur à celui dicté par la
lo i de demande (pour q inférieur à 5), le
cl ient réali sera un gain éga l à 0 ,99 sur
la première unité acqui se, à 0 ,9 1 sur la
deuxième unité, à 0,75 sur la troi sième
et 0 ,19 sur la quatrième. Ainsi, son béné-
fice net sera égal à :
0,99+0,9 1 + 0,75 + 0,5 1 + 0,19=3,35 .
On peut observer que ce total représente
l' aire de la région en bleu sur la fig ure
précédente.

Un cas continu Peinture d'Alfred


ta ire reste fi xé à 3 , le con sommateur Marshall
Assez souvent, les économi stes ne fo nt enreg istre a lors un ga in donné par la par William
pas appe l à une fo nc ti o n étagée po ur fo rmule Rothenstein.
caractériser la demande, mais utilisent
une fo nction continu e .
Illu stro ns ce cas en modifi ant légère-
ment le petit exemple introductif et envi-
sageons à présent le cas pour leque l la
demande obé it à la lo i sui vante:
25p= 100 -q2,soitp=4 -(q! 5)2.
Analysons le comportement d'un consom-
mateur qui souha ite e ncore acheter 5
unités du bien en questio n. Admettons
que le client commande une petite quan-
tité add itionnelle !).q après avo ir effec-
tivement ac heté q unités, avec toutefois
q + !).q < 5 . D 'après la lo i de de mande,
le consommateur do it s 'attendre à payer, ,, s<1+ Llo Q. =5 Q

po ur cet ac hat suppl é me nta ire, un e La somme de tou s ces pe tits profits
somme égale en moyenne à : lo rsqu e les quantités additionne ll es
dev iennent sans cesse plus petites tan-
dis que leur nombre n croît indéfiniment
(c'est-à-dire quand !).q-+ 0 et n-+ + oo)
où ç dés igne un no mbre compri s entre représente pour l' acheteur con sidéré le
q et q+ !'!,.q . Par aille urs, si le pri x uni- bé néfi ce total , c' e st-à-dire un « sur-

Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente


ACTIONS Le surplus du consommateur

plus». Il s' ag it en fait de la différence neur de l' économi ste britannique Alfred
entre le montant g lobal que le consom- Marshall ( 1842- 1924), indique la quan-
mateur est prêt à payer pour acquéri r 5 tité du bien considéré que celui -ci va en
unités du bien dans un régime mono- princ ipe co mm ander en fo nction des
poli stique (qui ne comporte qu ' un seul pri x sur le marc hé et de so n reve nu.
vende ur confronté à une multitude de Consi dérons ic i le cas où la quantité
demandeurs, de sorte que le pri x est fixé demandée dépend du prix uni ta ire du
par le monopoleur et est uni voquement bien acheté , les prix des autres produits
déterminé grâce à la loi de demande) et ainsi que le revenu étant supposés fixés.
le prix total qu ' il donnera it pour rece- On peut alors écrire q =f(p) où f est une
voir cette même quantité 5 dans un mar- fo ncti on souve nt s upposée déri va bl e.
c hé parfaite me nt co nc urre nti e l (qui De plu s, cette fo ncti on/, appe lée fonc-
comprend un grand nombre d 'offreurs tion de dema nde , es t gé néra le me nt
vend ant un produit ho mogè ne et o ù décro issante, car o n comm ande sou-
chaque unité de bien est mise sur le mar- vent mo in s lorsq ue le pri x augmente
ché au même prix car un producteur sait (le co nt ra ire es t to utefo is poss ibl e :
que les pri x de tous les biens ne seront c'est le cas pour les biens Giffen, a insi
pas influen cés par les acti o ns d ' un e nommés e n ho mm age à l'économiste
entrepri se particulière ; ce prix fi xe est écossa is Ro be rt G iffen (1837- 1910) ,
déterminé par la loi de demande appli- qui sont plus souvent ac hetés lorsque
quée à la dernière unité considérée) . Ce le ur prix aug mente) . La représentation
bénéfi ce total vaut l'a ire de la rég ion graphique de la fo nction/ porte le nom
plane comprise entre la courbe de demande de courbe de demande directe (ou plu s
(d 'équation 25p = 100 -c/), la droite hori- simple me nt , courbe de demande).
zontale d 'équation p = 3, l'axe vertical
d 'équation q = 0 et la droite verticale Quand la fo nction/ est injective, ce qu i
d 'abscisse q = 5 . On peut do nc calculer est très souvent le cas, elle admet une réci-
ce surplu s au moyen d ' une intégral e proque, notée g ou 1- 1 • La représenta-
définie, qui vaut préciséme nt tion graphique de g est baptisée la courbe
de demande inverse. Celle-ci exprime donc
5 ( q
[~1-(s-) )
2\ .
dq, so it [ q - ;
35
5
t, soit le pri x en fo nction de la quantité deman-
dée ; en d 'autres te rmes, la courbe de
demande in verse indique, pour chaq ue
10
encore ni veau de commande , le pri x nécessaire
3
pour que le consommateur cho isisse ce
Il convient de noter que cette derni ère ni veau d 'ac hat. Ell e mes ure do nc la
valeur est assez proche de la réponse même relation que la courbe de demande
obtenue dans le cas, traité plus haut , où di recte, mais procède simplement « sous
la fonctio n de de mande présenta it un un autre angle ». On peut alors écrire
graphique composé de « paliers hori- que p = g(q) est équi valent à q =f(p) .
zontaux » .
En guise d' illustration, on a, sur l'exemple
Et dans le cas génér l ? ci-dessus et pour p compris entre Oet 4 :
2

Une loi de « demande c lass ique » d ' un p=g(q)=4-(%) '


c on s omm a te ur , e n c ore a pp e lée
« de mande marshallie nne » en l'ho n-

:152 Ta.ngente Hors-série n°50. L'intégrale


que lquefo is pour mesurer! ' utilité asso-
so it q = f(p) = S.j4- p. ciée à la consommati on de ce bien. Par
a ill eurs, le nombre Po% li vre la va leur
Supposons à présent le pri x unitaire de de la dépense totale pour l'achat d ' une
ce bien patfaitement détenniné, de valeur quantité% du bien au pri x unitaire fixé
p 0 , et la quantité correspondante ache- à p 0 . E n co nséqu e nce, le surplu s du
tée éga le à q0 . Par exempl e, dans un consommateur SC donne les bénéfi ces
rég ime de concurrence patfaite,p0 et q0 nets découl ant de la consommati on de
peuvent respectivement coïnc ider avec % unités du produit en question, de sorte
le prix et la quantité ass urant l' équilibre que SC est patfo is appelé le surplus net
du marché, c'est-à-dire avec les coor- du consommateur.
do nnées d u po int d' inte rsec ti o n des Il est poss ible de calculer SC à partir de
courbes de de mande et d 'offre. Toute la fo nction/ de de mande (directe et non
personne qui compte acheter sa mar- plus inverse),en adoptant comme variable
chandise à un pri x supérieur à p 0 réali- indé pe ndante p (et no n plu s q) ; ce la
sera év ide mme nt un ga in e n payant simplifie parfois les calcul s. À cet effet,
effectivement p 0 . Sous certaines condi - o n cherche la valeur m0 de l'ordonnée
tions économiques, le ga in total de cet du point d ' intersection de l'axe vertical
acheteur est représenté par l'aire de la (Op) avec la courbe de demande inverse;
rég io n plane située e n dessous de la ce nombre peut être interprété comme
courbe de demande inverse et au-dessus étant la somme à payer lorsque rien n'est
de la dro ite ho ri zo nta le d 'équ at io n acheté (par exemple, ce sont les fra is
P =Po· fixes po ur o uvrir un doss ie r admini s-
trati f). Dans ces co nditio ns, o n peut
p
écrire (vo ir la fi gure ci-contre) :
Po

SC= f f(p)dp.
"'o

Pour notre exemple type, o n obtient la


q = fl.p ) +-+ p = g(q) ré ponse un peu plus rapide ment que ci-
dessus, pui sque l'on a :

f
SC= s.J4 - pdp = -5 [~(4 - p)312 ] •
3 3 3
10
3

Le concept de surplu s du consomma-


teur peut par ailleurs être introduit d'autres
La mes ure de cette aire a été appe lée maniè res, avec di verses vari antes o u
par Marshall le surplus du consomma- notions vo isines (comme le surplu s du
teur, qui est noté SC. On a donc : producteur, par exemple) . li admet éga-
qo qo lement plusieurs interprétations écono-
f
SC= f (g(q)- Po )dq = g(q)dq - Po%· miques intéressantes : ainsi, il permet
0 0
d 'estimer la somme que le consomma-
q"
teur ex igerait pour renoncer à la consom-
L'ex press io n Jg(q)dq re présente le mation de ce produit , ou encore donne
0 une indication quantifiée du bi en-être
bénéfice brut , e ncore appe lé le surplus de l' indi vidu considéré.
brut du consommateur ; ce no mbre sert J. B.

Hors-série n° 50. L'intégrale Ta.ngent:e


ACTIONS par Nicolas Delerue

L'intégration

en s1 ue
Les intégrales sont omniprésentes en physique. De nombreuses
formules, d'allure très esthétique, les utilisent. Elles permettent
de calculer des flux, des vitesses ou des champs. De
l'électromagnétisme à la mécanique quantique, voici un tour
d'horizon de l'utilisation des intégrales en physique.
n ph) ~l<.JUL , les intégra les se entre v itesse à un in stant t et l'accélé-

E cachent même dans des problèmes


les plus simples de la vie de tous
les jours. Nous avons tous eu à résoudre
ratio n a (u) s'écrit donc fac il ement :
v(t) =
1

J a(u)du.
0

un problè me dans le style« une voiture Il est a lors fac il e de combiner les deux
se dépl ace à une vitesse v = 75 km / h . intég ra les po ur obte nir une intégra le
Que lle di stance d aura-t-ell e parcourue double qui donne la relation entre la dis-
au bout de deux heures ? » Pour résoudre tance parcourue et l'accélération (sans
ce problème, nous fa isons sans le pen- faire apparaître explicitement la vitesse):
Tmu
ser une intégratio n : le résultat est l' in-
tégra le de v de O à 2 h ! Cependant tout
d = f f a(u)du.
0
conducte ur sait à quel point il est diffi - Il est auss i possible d ' utiliser la relation
c ile de rester à une v itesse con stante entre v itesse et di stance dans l'autre
pe nd ant de ux heures (s urtout s i l'on sens pour calcul er le temps de parcours
n'est pas sur une autoroute). En utili- T:
sant une intégrale, la réso lution du pro- d dx
blè me est la même , avec cette fo is-c i v T = [ v(x)·
une fonction du temps, v (t) : Les pil otes de Formule I ont tendance
r=
d = f v(t )dt .
à rester sur un circui t( !), il est donc pos-
sible de fa ire une intégration sur le che-
0

Cepe ndant , à moins d 'être un pilote de min fe rmé défini par le c ircuit :
Formule J (et encore ... ), il est d iffi c ile T=di dx_
de démarrer une voiture à 75 km / h , il J'circui1 v(x)
va fa ll oir accélérer progress ivement (et Après les problèmes de vitesses, inté-
décélérer à chaque feu rouge) . Une accé- ressons-nous aux problèmes de robinet
lération s'exprime en m / s2 . La relation (vo ir auss i à ce suje t Tangente Éduca-

Tangente Hors-série n"SO. L'intégrale


tion 25,j uillet 20 l 3): il est fac ile de se
rendre compte que la quantité d'eau qui
remplit un sceau est l' intégrale par rap-
port au temps du débit du robinet. Pour
une rivière qui remplit un lac, c'est un
peu plus compliqué car le débit va chan-
ger selon les saisons. Cependant, on peut
(approximativement) calculer le volume
V d 'eau passant sous un pont: il suffit
de mesurer la vitesse de l'eau et la sur-
face d' une section du lit de la rivière. On
peut écrire :
V= Lrr
J 111
v(u)du .

flux et intégration
en électromagnétisme

Cette notion d' intégrale sur une surface


La question des unités de mesure
nous amène à une autre noti on souvent En physique, il faut toujours faire attention aux unités pour
utilisée en physique: la notion de flux , s'assurer que l'on n'ajoute pas des choux avec des hectares
c'est-à-d ire par exemp le la quantité de pommes. Il faut donc bien faire attention aux unités du
d'eau passant à travers le plan défini résultat d'une intégrale.
par un pont donné. li est possible de L'unité du résultat est le produit de l'unité de la quantité
définir un flux pour de nom bre uses intégrée par l'unité du chemin selon lequel on intègre. Ainsi,
quantités physiques . Ainsi , e n é lectro- dans le cas du calcul de distance dans la première inté-
magnéti sme, il est courant de s'inté- grale, on intègre une vitesse (distance par temps: km/h)
resser au flux du c hamp é lectriq ue, selon un temps (h) et on obtient donc une distance (km).
c'est-à-dire (de manière quelque peu Pour le débit de la rivière, on intègre à nouveau une vitesse
si mplifiée) a u nombre de li gnes de (dans ce cas le plus souvent en m/ s) par une surface (m 2 )
champ é lectrique passant par une su r- et l'on obtient donc un volume par unité de temps (m 3 / s).
face donnée. La loi de Gauss dit que le
flux de champ é lectriq ue passant à tra-
vers une surface S délimitant un volume face donnée est égale à la variation du
V est éga le à la cha rge é lectriq ue Q champ é lectrique le long de ce chemin.
contenue dans ce volume (divisée par Cela peut s'écrire de manière conden-
la permittivité du vide), et cette charge sée:
électrique est e ll e-même l 'intégra le -Jrs-as - m E- · dt-.
at .dA = :Jas
triple de la densité de charge dans ce
volume. La jolie relation suivante résume En fait, toutes les équation s de l 'élec-
l'ensemble de ces exp li cations : tromagnétisme (appelées équations de
- - Q I Maxwell) pe uvent s'éc rire sous une
'.(J5 E·dS =-;- =-;-
0
Jffv pdr .
0 forme intégrale. Il ne faut pas sous-esti-
Une autre loi importante de l'électro- mer leur importance car ces quatre équa-
magnétisme utili sant le flux à travers tions décrivent tous les phé nomè nes
une surface est la loi de (' induction , qui é lectromagnétiques que nous connais-
stipule que la variation du flu x de champ sons, de la téléphonie 4G à la dynamo
magnétique passant à travers une sur- de notre vélo en passant par l'optique !

Hors-série n° 50. L'intégrale Tc:a.ngent:e 155


L'intégration en physique

la loi du moindre effort chemin donné. Heureusement, dans la plu-


part des cas, ces che min s se simplifie nt
E n 1744, M aupertui s écri vait : deux à deux par symétrie en ne laissant
« Lorsqu'il arrive quelque changement que le chemin de mo indre action !
da ns la nature, la quantité d'action
employée pour ce changement est tou- L'expérience des trous d' Young est très
jours la plus petite qu'il soit possible. » célèbre en physique: elle est utilisée pour
Ce principe de moindre action pe ut se montrer les phénomènes d' interférence.
traduire en équations. Tout d 'abord , il Des particules sont envoyées sur un écran
fa ut définir l'acti on entre deux instants en passant à travers deux trous. Si ces
Pierre Louis t0 et t I à laide d ' une intégrale : parti c ul es so nt capabl es d'i nterfére r
Maureau
de Maupertuis
S= f 2mv
,, ( 1
0
2
-
)
V dt
ensemble, e lles vont fo rmer ce qui s' ap-
pelle un motif d'interférence.
(1698-1759). où m dés igne la masse de l'objet , v sa Le motif d'i nte rfé re nce dépend d' une
vitesse et V son énerg ie potentie lle. quantité que l'on appelle la phase. Max-
well a confirmé à la fi n du xrxesiècle
Le principe de moindre action avance que ce que de nombreux autres savants, dont
la déri vée de cette intégrale par rapport Hu yge ns et Po isso n, avaient di t avant
au chemin parcouru do it être nulle. lui : la lumière peut-être décrite par des
ondes (ce n'est qu ' une trentaine d 'année
Ce qui est vrai à l'échelle macroscopique plus tard qu 'Ei nstei n et Pl anck montre-
ne 1'est pas toujours de la même manière ro nt qu 'elle pe ut auss i être décrite par
à l'échelle microscopique . La mécanique des particules, com me l'avait proposé
quantique régit les interactions entre par- Newton). L'exemple le plus connu d'onde
ticules fo ndamen- en phys ique, ce sont les vagues sur un
Richard Feynman tales. Le physicien pl an d'eau avec des hauts et des bas.
(1918-1988). américain Richard Une quanti té cp appe lée phase indique où
Feynman a mon- l'on en est dans l'osc ill ation. La phase
tré que, pour aller rev ient à zéro chaque fo is que la vague
d ' un po int A à un a parcouru une longueur d 'onde .il. Sous
point B, une par- fo rme intégra le, o n po urra it écri re la
ticule quantique ne ph ase d ' une onde aya nt parcouru une
va pas sui vre seulement le chemin le plus d istance d sous la for me sui va nte:
I d
court : en fa it , e lle va prendre tous les
<p=-J dx.
chemins possibles, chacun avec une pro- Ào
babilité fa ible mais non nulle ! Cette fo r- Cette fo rmule pe ut paraître ex trême-
mulation mathématique de la mécanique ment triviale. Elle 1'est cependant beau-
quantiques' appe lle formulation del' in- coup mo ins si la particul e traverse un
tégrale des chemins. champ A qui modifie sa phase. Dans ce
Pour rendre le calcul plus fac ile, on peut cas, sa phase dev ient :
I d
décomposer le che min a ll ant de A à B
en N segments et écrire ce chemin sous
<p = -JA(x)dx.
Ào
la fo rme sui va nte : Or, nous avo ns vu précéde mme nt les
( i ,, \ lo is de l'électro mag néti s me qui décri-
Jr;i ··Jr;i exp l ,;[ P (x(t))tx, ... dx,, ve nt pa r exe mpl e la di s tr ibuti o n du
champ magnétique dans l'espace . Depuis
où P (x(t)) est la probabilité de sui vre un la fin des ann ées 1920, no us savons

56 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


qu ' il est poss ibl e de fa ire l'ex périence
des trou s d ' Youn g avec des é lectron s
(ce la a été proposé p ar Loui s de Bro-
glie e n 1924 et confirmé par Clinton
Dav isson et Lester Ge rmer quelques
a nn ées plu s tard ; to us ces trava ux
seront récompensés par des prix Nobel).
La ph ase d ' un électro n se co mporte à
peu près co mme ce ll e d ' un photon ,
écr..-. avec écran Observation
sauf qu 'elle est perturbée par un champ deux fentes d'ct>servation ( vue da face)

mag nétique . En ajouta nt une bouc le


de co ura nt a utour de l ' un des de ux Motif d ' interférence créé par l'interaction de particules
tro us , on modifi e donc la ph ase des passant par deux trous.
électro ns arri vant sur l' écran et ain si le
moti f d ' interférence. En réa lité, il est gente par une valeur mesurée expéri -
mê me poss ibl e d ' induire un change- mentalement s'appelle renormalisation.
me nt de phase pour un é lectron mê me En mécanique quantique, une particule
sans qu ' il traverse le c ha mp magné- peut suivre un grand nombre de chemins
tique, simple me nt e n passant à côté. pour aller d ' un état à un autre. Dans
En ph ys iqu e, ce la s'a ppe ll e l ' effe t certains cas, l' intégration sur l'ensemble
Bohm- Aharonov. de ces chemins peut conduire à un résul-
tat divergent. Pour résoudre cette di ver-
Les intégrales diuergentes gence, il faut la renormaliser, c'est-à-dire
et la renormalisation re mpl acer cette intégral e di vergente
(ou au moins une partie de cette inté-
Lorsque l' on s' intéresse aux particules g ral e) p a r un
les plus petites qui soient connues, on est rés ultat équi va-
parfois confronté à des intégrales diver- lent mesuré expé-
gentes. C 'est le cas par exemple si l'on rime ntale me nt. Louis Victor
essaie de calculer la masse de l' électron La physique s'ap- de Broglie
me en considérant le champ électrique pui e a b o nd a m - (1892-1987).
qu' il rayo nne. En c he rchant dans un me nt s ur les
li vre de phys ique, o n peut tro uver la intég rales pour
relation suivante : déc rire l 'ensemble des phé nomè nes
2

m, =J.·=(~)
'• 4nr
2
4nr dr ,
que nous voyon s . Les ondes électro-
magnétiques de nos téléphones mobiles,
où re est le rayon de l' électron. Cepen- la vitesse à laquelle nous nou s dépl a-
dant , cette fo rmule a le mauvais goût çons ou la lumiè re que nou s voyons
de diverger quand le rayo n re de l 'élec- pe uvent être décrit par des intégral es.
tron dev ient nul (et les théories actuelles Dans certains cas, ces intégrales sont
considèrent que l'é lectron est une par- tri viales (et sont souvent omises), alors
ticule ponctuelle). Pour éviter cette diver- que dans d 'autres cas elles sont beau-
gence, il fa ut donc utiliser la valeur de coup plus complexes, et il fa ut utili-
la masse de l'électron mesurée expéri- ser des méc ani smes math é matiques
mentalement et dire que c'est le résul- complexes pour les résoudre .
tat de cette intégrale . Ce processus qui N.D.
consiste à remplacer une intégrale di ver-

Hors-série n• 50. L'intégrale Ta.ngente


ACTIONS par François Lavallou

l'Hbel intégrale
Météore du monde mathématique, Abel a établi des critères
de convergence de séries et de nombreuses techniques de
calcul d'intégrales. Voyons une inversion géométrique origi-
nale d'une intégrale dite abélienne utilisée en tomographie.

ne demande courante des phy- dépend des longueurs et densités

U siciens ou médecins est de


connaître, sans intrusion, la
cartographie des densités et interfaces
des matériaux traversés. Pour une
source monoénergétique, l'atténua-
tion du rayonnement peut être modé-
internes d'un objet. Les principaux ou- lisée par une expression de la forme
tils de contrôles non destructifs sont
l'imagerie par résonance magnétique Kexp(- f f (M}dM), où f(M)
(IRM) et les tomographies électron-po- ME(A)

siton (rayons y et X) . Pour une radio- représente la carte de densité et K


graphie médicale, le médecin extrait est une constante. À une transfor-
directement l'i nformation de l'image. mation logarithmique près, on ob-
Mais pour un tomographe comme le tient une équation intégrale du type
scanner, la mes ure est une série de ra-
diographies X planes prises dans diffé- p(t.) = J f(M} dM. Cette relation
rentes directions, et une transformation ME(A)
numérique des données est nécessaire générale est connue sous le nom de
pour obtenir une image 30 du patient. transformation de Radon.
Cette inversion tomographique n'est Pour un objet à symétrie axiale , une
possible que si la collecte d ' informa- seule radiographie, de direction per-
tion est complète. pendiculaire à l'axe de ymétrie, suf-
fit pour effectuer une reconstruction
Hbel-Radon tomographique. Si le rayonnement X
peut être considéré comme parallèle,
L'interaction du rayonnement X avec le problème tomographique , initiale-
l'objet le long de la droite (t.) donne ment 30 , se ramène alors à un en -
une projection p (t.) dont la valeur semble de tomographies 20.

Tcingente Hors-série n°SO. L'intégrale


Niels Henrik Abel 11802-18291

Proj ection
tomogr aphique
20.

La valeur cp(r) de la projection d ' une


sphère, de densité radiale /(p), cor-
respond à l' intégration de la ligne de
visée (il) d 'abscisse linéaire À. passant

cp(r)=
.
à la di stance r du centre de la sphère :
.,
J J(p)dÀ. La symétrie cen-

traie implique que l' intégration le long


de cette ligne de visée est symétrique

écrirecp(r) = 2
.f f
par rapport à son périgée. On peut alors
.,
(p )dÀ, où p est la dis-
o
tance d'un point courant de la droite au « Le nom d'Abel est à jamais inscrit parmi les noms
centre de la sphère. Le théorème de Py- des mathématiciens les plus célèbres du XIX' siècle,
thagore impose la relation À.2 = p2 - ?, et la brièveté même de sa carrière si courte et si
et, par voie de conséquence, puisque r féconde a contribué encore à accroître sa renom-
est fixé, les variations des quantités À.2 mée. On lui doit en algèbre la première démons-
et p2 sont identiques : À.dÀ. = pdp. On tration rigoureuse de l'impossibilité de résoudre
par radicaux les équations de degré supérieur au
p·dp p · dp quatrième, et une classe remarquable d'équations
en déduit dÀ = -- = . Pour
À ~p2-r2 résolubles est restée dans la science sous le nom
À. variant de O à l' infini , p varie der à d'équations abéliennes. Dans la théorie des fonc-
tions elliptiques, Abel, s'élevant bien au-dessus des
l'infini et cp(r)=2Ï p/(p) dp. points de vue d'Euler et de Legendre, voit le pre-
r ~p2 -r2 mier l'importance capitale du problème de l'inver-
On écrit alors cp(r) = A [f] (r), où A est sion et de la double périodicité ; ses mémoires sur
l'opérateur d'Abel, étudié par Abel dès la multiplication, la division et la transformation
1823, un siècle avant Radon. Par suite, des fonctions elliptiques présentent une admirable
f = A- 1[cp], où A- 1 est l'opérateur in- unité, et il a fallu une incomparable pénétration
verse, dont il est possible de déterminer pour ramener à leurs véritables principes les pro-
géométriquement l' expression. blèmes traités. » Émile Picard

Hors-série n°50. L' intégrale Tangente


'
ACTIONS L'Abel intégrale

Dans la pratique, les erreurs expen-


Une intégrale classique mentales s'add itionnent pour s'accu-
Le calcul direct de <D(r) = II fix)dÀ.dµ donne, avec les muler au centre de l'o ignon. Ce pro-

l
notations de l'article, blè me est dit mal posé, c'est-à-dire

<1>(r)=4f •
00

'
p p -r
(+"'f ~
p
xf(x)
X
·dx
-p
dpqui ,aprèsi nter-
que la solution diverge en présence de
bruit. On reste fort heureusement dans
le monde parfait des mathématiques :
version de l'ordre d ~~ntégratir et adap:ti:n des borlnes, on va établir, par des procédés géo-
métriques, une expression analytique
devient <l>(r) = 2 ~ xf(x\ ~ ~(x 2 -p~)(P 2 -r 2) dx . de l'i nversion de la transformation
d ' Abel.
+oo Partons d' un objet à symétrie sphérique
En comparant avec l'expression <1>(r)=2nf xf(x)dx entièrement déterminé par son rayon
extérieur R et sa densité radialef(r). Le
obtenue, on en déduit n - j, J(x2 -p2)(p2
2
pdp '
-r2)
. Au problème est donc à une dimension. La
radiographie de cette sphère donne une
changement de variable u = p2 près, on a donc établi, image plane qui conserve de la sphère
d objet une symétrie ci rculaire. Effec-
f" ~( b-u )( u-a) = :n; pour tou s a et b.
b
sans calcul, que tuons maintenant la tomographie de
cette image, réalisant ainsi , en quelque
Ce résultat classique peut être obtenu par le magnifique sorte, la tomographie de la tomographie.
changement de variable u = a cos2(8) + b sin 2(8) pour Avant tout calcul , explicitons ce pro-
8 E [O , :n;/2), qui correspond à un paramétrage elliptique. cessus, illustré par la figure ci-contre.

lnuersion géométrique

Pour ce problème à symétrie axiale, on


peut essayer de donner une idée heuris-
tique de l'inversion tomographique en
s'inspirant de ... l'épluchage d' un oi-
gnon. Un bel oignon de Roscoff peut être
schématisé par un empilement de sphères
concentriques. Le bord extérieur de sa
projection ne concerne que la pelure ex-
terne. Connaissant la taille de l'oignon,
on en déduit la longueur de la couche
extérieure traversée par le rayonnement
et on peut donc en déduire sa densité. La Itération de la transformée d 'Abel.
tranche suivante de la projection contient
les informations des deux couches ex- La projection F(p) = A[!] (p) de la
ternes. Connaissant les caractéristiques sphère, de densité radiale f(x), corres-
de la couche extérieure, on trouve celles pond à l' intégration le long de la ligne
de la seconde couche. En itérant le pro- d'abscisse linéaire µ passant à la dis-
cessus, on obtient la valeur des densités, tance p du centre de la sphère, avec
couche après couche. x2 = µ 2 + p2.

Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


Réitérons le processus en effectuant on a <D(r) = A [F](r) = A2 [J] (r). On
maintenant la projection parallèle peut aussi écrire <D(r) = fffl.x) dÀ.dµ.
d ' une sphère de densité F(p). Pour une Illustrons ce que doit nous fournir
ligne de visée à la di stancer du centre et le calcul de cette intégrale double,
d'abscisse linéaire À., avec p2 = 11.2 + r2, sachant que x2 = À.2 + p2 et p2 = µ 2 + r2.

L1a.111111111t••11111
~c
8
Abel présenta sa transfonnation éponyme dans un article norvégien en 1823,
O
puis en 1826 dans le Journal de Crelle, comme résolution d'un problème E
de mécanique:« Soit BDMA une courbe quelconque. Soient (BC) une droite M P
horiwntale et (CA) une droite verticale. Supposons qu'un point sollicité par
la pesanteur se meuve sur la courbe, un point quelconque D étant son point de A
départ. Soit i- le temps qui s'est écoulé quand le mobile est parvenu à un point donné
A, et soit a la hauteur EA. La quantité i- sera une certaine fonction de a, qui dépendra de la
forme de la courbe. Réciproquement la forme de la courbe dépendra de cette/onction. Nous allons
examiner comment, à l'aide d'une intégrale définie, on peut trouver l'équation de la courbe pour
laquelle i- est une fonction 52..ntinue donnée de a. »
Soient AM= s l'abscisse curviligne du point courant M, AP = x et soit t le temps que le mobile
emploie à parcourir l'arc DM. D'après les règles de la mécanique, la conservation de l'énergie to-
tale implique que la variation d'énergie cinétique, proportionnelle au carré de la vitesse, est égale
à la variation d'énergie potentielle, proportionnelle à la variation de hauteur. En normalisant les

constantes pour alléger l'écriture, on a v • - : • .Ja - x. Il s'ensuit, lorsque l'on prend l'intégrale
0 0

depuis x =a jusqu'à x =0, que 't • - f --;!!.- • f --!f!.-~


O va-x O va-x
Abel généralise le problème en considérant l'équation 't • q> (a) • j ds n, de laquelle il cherche
o (a-x)
à déduire l'expression de l'abscisse curvilignes en fonction de x. Dans le premier article, il effec-
tue un développement de Taylor de l'abscisse s pour obtenir le résultat suivant, qu'il qualifie de
remarquable :

Î
s(x)• sin(mt) qi(u)~n.
:n: o (x-u)
Dans le second article, il utilise une méthode intégrale, manifestement guidé par la connaissance
du résultat. i ( )du
Pour n = 1 I 2, on obtient s (x) • ! f(u ) . « Voilà donc l'équation qui détermine l'arc s de la
:n; o x-u
courbe cherchée par l'abscisse correspondante x; on en tirera facilement une équation entre les
coordonnées rectangulaires, en remarquant que l'on a ds2 =dx2 + dy2. »
Il montre alors que, pour une courbe isochrone (telle que q>(a) =c), on a s(x)- 2c Ji, qui est
« l'équation connue » de la cycloïde. :n;

Hors-série n°50. L'intégrale Tangente


ACTIONS L'Abel intégrale

préciser les bornes, décidons du choix

.,. ... ...


,,. ,,. ,,. ... ...
--- =-........-.::.-':'.,. ... de la variab le d ' intégration entre x et
R. Puisque R2 = x2 - r2 et que r est fixé,
,,. R '
"t1 , '
... on a cette fois-ci RdR = xdx. Comme
1 ... ' X:2:c r,
: ' '
1 ' '
"'
: ', P(µ, À) on a finalement <I>(r)=2:rtJ xf(x)dx
------- t>
.... :, 0

,,, ..
\
1 \ \ (voir les détails en encadré).
, : \ \

,,,' :: \
\ 1
' En dérivant cette expression, on ob-
1 1 1 1 tient <l>'(r) = -2nrfi..r), d'où:
1
~ r , µ 1
,,
'
'' 1 1
I I f(r) = - --<I>'(r). Pui squef = A- 1 [F]
'' ' ' I I 2:rtr
', ...... ______ ,,, ,,,' I I
et <l> = A [F] , la dernière relation peut
s'écrire:

Paramètres de la double intégration. A-' [F](r) = _ _ l _sl__A [F](r) .


2:rtr dr
En posant R2 = x 2 - r2, les contraintes On vient de démontrer, sans calcul in-
précédentes imposent 'A.2 + µ 2 = R2 . r f(r)
Pour r fixé, et x :2:: r, le point P de tégral, que si g(x) = 2 J~
+"'

x r2 -x2
dr ,
coordonnées (A,µ) se situe donc sur le
cercle de rayon R = -J x 2 - r 2 • Lorsque
I d +
J"' rg(r)
le point Q parcourt le cercle de rayon alors f(x)=--- ~ - Pour
x, le point P associé parcourt le cercle :7tX dx x r2 -x2
de rayon R. Par su ite, lorsque le point une fo nction f représentant une densité
Q parcourt la couronne circulaire « physique », c'est-à-dire s'annulant
entre les rayons r et x, le point P bien avant un improbable infini , le
couvre tout le disque de rayon R. calcul de la dérivée donne :
En faisant tendre x vers 1' infini , le
domaine d'existence du point P est f(x) = _l Jg'(r)dr.
le plan tout entier. L' intégration dans :7t x -Jr 2
-x 2
le plan peut se faire en coordonnées Mais cette expres ion théorique est,
cartésiennes en intégrant l'élément dans la pratique, de peu d' utilité car
de surface rectangulaire ds = d'A.dµ , très sensible au bruit, du fait de la pré-
pour Â. etµ variant de zéro à l'infini , sence de l'opérateur de dérivation .
ou en coordonnées polaires (R, 0),
pour lesquelles ds = R dR d0, avec F.L.
R variant de zéro à l'infi ni et 0 dans
[O, 2n]. Pui sque le problème est
axi-symétrique, la dépendance est
uniquement radiale. On peut faire une
première intégration sur l'angle 0 pour
obtenir <l>(r) = f fi..x) 2nR dR. Avant de

Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


·~{

Abonnez-vous à tan~ nte ;l't;:


-~
••• Tangente le magazine des mathématiques ••• ••• Les hors-séries « kiosque » •••
Pour mieux comprendre le monde : Tangente 4 fois par an , un hors-série " kiosque " d 'au moins
Le seul magazine au monde 56 pages, explorent l'actualité des grands dossiers
sur les mathématiques. du savoir ou de la cultu re mathématique.
Tous les deux mois depuis 25 ans. ~ff!-~11· des
Théorie des jeux, Les ambassadeurs
maths, Les maths de l'impossible
••• Les hors-séries Disponibles
Bibliothèque Tangente ••• 1 - chez votre marchand de journaux
Ce sont de magnifiques ouvrages d'en
moyenne 160 pages (prix unitaire
:r - avec l'abonnement PLUS
- avec l'abonnement Math+.
19,80 €), richement illustrés, approfon-
dissant le sujet du dernier numéro
••• Spécial Logique •••
Nouveau! Dans la collection
des HS « kiosque .. de Tangente. Tangente Jeux et Stratégie, un
Disponibles trimestriel contenant près de
- chez votre libraire 200 jeux : tests de logique, grilles à
- avec l'abonnement SUPERPLUS remplir, énigmes mathématiques ...
- avec l'abonnement Math++ Accès numérique gratuit pour les
à un prix exceptionnel (33% de réduction). abonnés à la version papier.

••• Tangente Sup ••• ••• Tangente Éducation


6 numéros par an (ou 4 dont 2 doubles), desti- Trimestriel qui traite de thèmes pédagogiques
nés à ceux qui veulent aller plus loin ou aux étu- variés : les programmes, les TIGE, la formation
des enseignants, MathC2+, l'informatique et les
diants de premier cycle. Dans chaque numéro,
un dossier: Galois, Prévision, Poincaré, Exponentielle ... .... sciences du numérique ... Permet l'accès à de
nombreuses ressources en ligne.

codif : 81850 Bulletin d'abonnement à retourner à:


Espace Tangente - 80, Bd Saint-Michel - 75006 PARIS
Nom .......................... Prénom ........ ......... ... . ... . . ..... .. . . ... . ... .. .. . .. . . .
Établissement ................................ ......... .. ..... . .. . ............ .. ... ........ .
Adresse . ............. .. ............ . .. . ... . .. .. . .. .. . . . .. .... . .. . . .. ... . . ... .. · · · · · · · · · · · ·
Code Postal . . . . . . . . . . . . . . . . Ville ........... .. .............................. . .. . . . .. . .... .
Profession .. . .. ......... . .......... ... . . .... E-mail .... . . . ...... . .. .... . . . ......... . .. .. . .

Oui, je m'abonne à FRANCE MRROPOUTAINE EUROPE AUTRES


1 AN 2 ANS Supplément par an
TANGENTE . 36 € . 68 € • + 12 € • + 15 €
TANGENTE PLUS • 56 € • 108 € • + 20 € • + 25 €
TANGENTE SUPERPLUS • 88 € • 172 € • + 24 € • + 30 €
TANGENTE SUP • 25 € . 46 € • +6 € • +8 €
TANGENTE ÉDUCATION • 12 € • 22 € • +2 € • +3 €
SPÉCIAL LOGI QU E • 19,50 € . 37 € • +8 • + 10,50 €
ABONNEMENT MAT H + * • 105 € • 199 € • + 30 • + 30 €
ABONNEMENT MATH++ ** . 135 € • 260 € • + 32 • + 32 €
ABONNEMENT SOUTIEN *** • 155 € • 300 € • + 35 € • + 35 €

• Tous les titres avec les HS «kiosque "· •• Tous les titres avec les HS Bibliothèque. ••• Tous les titres avec les deux HS.

Total à payer
Je joins mon paiement par (établissements scolaires, joindre bon de commande adm inistratif) :

O Chèque (uniquement payable en France)


O Carte (à partir de 30 €)numéro: 1 1 1 1

Date et Signature: crypto: 1....._...__...__. Expiration le: ... ..... ./ ........ .


JEUX & PROBLÈMES par M. Criton et H. Lehning

Niveau de difficulté
) très facile
V facile

Intégrales
VV pas facile
VVV difficile
VVVV très difficile

à tout ua
HS5001 - L'aire d'une sphère t/ HS5004 - Un exposant
peu rationnel vvv
On découpe une sphère en ron-
delles infi niment petites . Évaluez l' intégra le sui vante :
2
Montrez que l'aire de chaque dx
rondelle est la même que celle 1= fo l + ( tan
"'

x)
Jï 2

d'une rondelle de même hauteur
du cylindre circonscrit à la sphère. HS5005 - L'aire d'une ellipse vvv
En utilisant cette propriété, retrou-
vez la formule de l'aire de la sphère. X
H,

HS5002 - ma tasse de thé vv


On verse du thé concentré au fond d' une
tasse cy lindrique . On observe la cou-
leur du fo nd de la tasse telle qu 'on la
voit à travers le thé. On dilue ensuite le
thé concentré en ajoutant de l'eau.
Est-ce que la couleur du fond de la
tasse apparaît plus claire ? En utili sant la for mule permettant de
Même question avec une tasse conique ca lculer un e a ire A e n coordo nn ées
12 2
et avec une tasse e n fo rme de cô ne
inversé.
polaires, A= J-' --
" (8)d8
02
, sur l' ellipse
défini e par X = 4 COS 8 et y = 3 sin ()
HS5003 - La boule éuidée vt/ e
(0 !> !> 2n) , on obtient :

On év ide une boule de bowling, A= Jl 6cos


2
"
2 2
8 + 9sin 8 dB = 12 Sn
2 .
l'év idement ayant la fo rme d ' un 0

cy lindre dont la hauteur mesure au lieu de 3 x 4 x n= 12:rr:.


exactement di x centimètres. Où est l'erreur?
Quel est le volume de matière
restant dans la boule évidée ? HS5006 - Quant la trigo
s'en mèle vv

Calculez une primitive de ex sinx.

164 Tangente Hors-série n°50. L'intégrale


HS5007 - Intégrale
de la gaussienne vvv
Calculez rr -1 e-('
' + J ') dxdy.
J}R> 2

HS5008 - Urai ou faux? vvv


Il ex iste des réels a 1, a2 , ... , a11 tels que,
pout tout x, on ait :
al COSX + a 2 COS 2x + '" + allcosnx > O.
Est-ce vrai ou faux ?

HS5009 - n'oublions pas la racine


cubique vvv
dt
HS5014 - Hrchimède reuisité vv
Calculez f ,. ,,. .
-..JI +~t
Peut-on approcher l't en considérant
1 4 4
x (l- x)
HS501 O- Changer les uariables v
• ,
l' mtegraleJ dx?
o 1 + xi

Quelle est la valeur exacte de HS5015 - Une fonction bornée


,.,2 dx
?
sur [0, 1] vvv
f 1 + sinxcosx
0
Soitf une fonction continue sur [0 , 1] telle
HS5011 - l'homme est encore
le meilleur! vvv que f f(x)dx = O.
0

Quelle est la valeur exacte de l' intégrale Soient a le minimum def et b le maxi-
12
dx ?
mum def sur [O , l] .
f
"

1 +sinxcosx . 1

Montrez que f J2<x)dx s -ab.


HS5012 - la dériuée qui tache v 0

Source des problèmes


• Problèmes proposés par Raphael Douady (HS500 l , HS5002 ,
HS5007)
• Forum www.ilemaths.net (HS5003 , HS5006)
Calculer la valeur de l' intégrale • William Lowell Putnam Mathematical Competition (HS5004)
• Mathematics Maga zine , Mathematical Association of America
f Arcsin
fj (
~
2 )
X + J
dx . (HS5005)
O
• Supermath , Pierre Bornsztein , Vuibert, 1999 (HS5008)
HS5013 - Une intégration par parties, • Science et Infos Prépas , POLE (HS5009)
s'il uous plaît... v v • Mathématiques supérieures et spéciales (tome 3, intégration et
sommation). H. Lehning, Masson, 1985 (HS5010 à HS5015).
Que vaut l' intégrale
I dx
[,~ +~?
Hors-série n• 50. L'intégrale Tangente 165
SOLUTIONS par M. Criton et H. Lehning

HS5001 • La sphère est découpée en bandes On constate que le résultat ne dépend pas du
infinitésimales parallèles orthogonales à l'axe rayon R de la sphère mais seulement de la
nord-sud de la sphère. On intègre par rapport hauteur (ici 10 cm) du trou . Ce volume est
à la latitude cp avec z = sin cp. Chaque bande d'ailleurs égal à celui d'une boule non évidée
infinitésimale a un rayon égal à R cos cp, mais de rayon 5 cm.
une inclinaison :rrJ2 - cp, donc une surface
HS5004 • Effectuons le changement de variable
, , 2:rrrdzcoscp d
ega1e a = 2 :rrr z. u = n/2 - x. Nous avons :
sin(:rr - rp) n /2
- du n /2 (t
anu ),fi d
1
c'est-à-dire la surface de la bande infinité- = .[ 1 + (cotan u)J'i = .[ (tan u)J'i + 1 u .
simale correspondante par projection sur un On en déduit :
2
cylindre parallèle à l'axe de la sphère et de n/ 1 + (tanx),/2 n/2 :rr .
2I=J dx=fdx= - . puisl=n/4.
même rayon. O
l+(tan x)J'i O
2

HS5002 • La couleur sous laquelle on voit le HS5005 · Lee qui intervient dans x = 4cos e et
fond de la tasse dépend de la quantité de y = 3sin0 n'est pas l'angle polaire requi s
matière opacifiante traversée par unité de sur- dans le calcul de l'intégrale .
face, entre la surface et le fond. Si la tasse est En effet, y/ x = 0,75 tan eau lieu de tan e .
cylindrique, cette quantité par unité de surfa-
ce n'est pas changée lorsqu 'on dilue le thé HS5006 •
avec de l'eau : on intègre une densité divisée e'" sin xdx = e'" sinx - J e'" cosxdx
par le rapport de dilution, sur un intervalle = e'"si nx -e'"cosx- J e'"s in xdx
dont la longueur est multipliée par le même
rapport. Si la tasse est évasée, alors la couleur , ù
d o
J.e.x smx
. dx = e' (sinx-cosx) .
2
s'éclaircit, et si elle est en forme de cône
inversé, alors au contraire plus on rajoute de HS5007 • En posant x + y2 = r 2 et 2

l'eau, plus le fond devient foncé ! dx dy = r dr de' on obtient :


-(x2 + y2) {+oo x2 \ 2
\L /
,2

HS5003 • 2 2
JJT dxdy = ) = 2:rr .[ re dr =2:rr.

HS5008 • Soient des réels a 1, a2 , ... , a,, tels que


la fonction f définie par
a I cos x + a2 cos 2x+ ... + a,, cos nx soit stricte-
ment positive sur IR.
La fonction f est continue sur IR, on a donc :
2n
Considérons la demi-sphère évidée, de rayon J f( x )dx > O. Or, pour i E {I, 2, ... , n} ,
R. Le volume V de la sphère évidée peut se 0

calculer de la manière suivante : bJa;cosixdx= [~ sinix


]b =0.
5 O I O
V~ 2J:rr(R
2
- /~y- t0:rr(R 2
-25) 2n
0 Donc , par linéarité, J f(x)dx = 0, d ' où une
2 250 500:rr contradiction. o
= 10:rrR --:rr+250:rr=--. ),
3 3
'---~·---.. .~""''"'--~~~----~~~~~-~..__,.,..w,J;··
16& Ta.n9ente Hors-série n"SO. L'intégrale
HS5009 • En posant t = if; , on obtient HS5013 • Par parité, puis en multipliant par la
13
6J-d1 , partie conjuguées, on obtient
l+l
I~~
',/ 1 + x - - ',/ 1 - x -
ce qui conduit directement au résultat : J 2 d.x.
o X
2J";, + 3~ + 6if; + ln( 1+if;}+ constante .
Une intégration par parties donne alors:
HS5010 • Le changement de variable
t = tan (x/2) donne -,JIJ-~J' -J'(_-l_+_l_\dx
[ x' l,JIJ ~) ' 0 0

dt . 2(1 + t) d' ,
dx=--2 et 1 + smxcosx = - --
2
ou d'où le résultat: -2- ln(Ji- I)+ ~-
1+ t 1 1+ t 2
dt
J-=ln2.
0 1+ t
HS5014 • En effectuant la division euclidienne
HS5011 • Les logiciels de calcul formel sem- du numérateur par le dénominateur, on
blent incapables de calculer cette intégrale. obtient:
Elle est pourtant élémentaire. 4
x (l-x
4
) 6 s • 2 4
En posant x = ni 2 - x, on montre que - - - = x -4x +5x -4x + 4 - - - .
1+ x' 1 + x'
,r / 2 · 3 tr /2 3
Sin X d.x = COS X d.x.
f
0
3
sin x+cos x 3
f0
3
sin x +cos 3 x On en déduit que l'intégrale vaut 3+_!_-n.
7

On en déduit qu'elle est égale à la demi-somme L'étude des variations de cette fonction fournit
de ces deux intégrales .. . l'inégalité Os x(l - x ) s _!_ ,
ce qui. se s1mp
. ]1 " en -1"J/2dx qui. vaut :,r /4 .
"f 1e 4
2 ,
0 de laquelle on déduit : 0 s 3 + _!_ - n s _.!!._.
HS5012 • Il est logique d'intégrer par parties car 7 1024
la dérivée de la fonction à intégrer s'exprime Un petit calcul algébrique donne alors l'enca-
simplement. A priori , elle vaut : drement suivant:
1 2(x 2 + 1)- 2x(2x ) l .n
Os3+--.ns--.
(x 2 + 1)2 7 1024
l-(): 1f qui est légèrement meilleur que celui
10 1
d 'Arc h.1me' de: 3+-sns3+-
une expression qui se simplifie, mais attention 71 7
aux racines carrées de carrés ! HS5015 • ,
Elle vaut ainsi - 2 - 2 entre O et l, et l'opposé On a l'inégalité J (J(x)-a)(b-f(x))dx2:0,
au-delà de l. 1+ x 0

de laquelle on déduit que


On trouve finalement n .fj . 1 1 1

Ce résultat peut également être trouvé au moyen


3 f
J af(x)dx + bf(x)d.x - J (J\x)- ab )dx 2: O.
0 0 0
du changement de variable x = tan(t/2). La Le résultat suit.
même difficulté se retrouve.
On peut enfin le calculer à l'aide d ' un logiciel
de calcul formel. Ils trouvent généralement le
bon résultat.

Hors-série n° 50. L'intégrale Tcingente 167


Ta.ngen'f:e Hors-série n° 50
L'intégrale

Tcingente
Publié par les Éditions POLE
SHS au capital de 42 ooo euros
Slege social
80 bd Saint-miche! - 75006 Paris
Commission paritaire : 1016 K 80883
Dépôt légal aparution
Directeur de Publication et de la Rédaction
Gilles COHEn
Rédacteur en chef adjoint
Herué LEHnmG
Secrétaire de rédaction
Édouard rnomns
Ont collaboré a ce numéro
Jacques BHIR, Élisabeth BUSSER,
Jean-Paul DELHHHYE, Dauld DELHUOHY,
nicolas DELERUE, Jean-Jacques DUPHS,
Bertrand HHUCHECOROE, Daniel JUSTEOS,
François LHUHLLOU, Herué LEHnmG,
Jean-Hlain RODDIER, Jean-Philippe UILLEOEUUE,
Hlain ZHLmnnSKI
maquette
Guillaume GHIDOT, morgan KEITH,
natacha LHUGIER

Photos : droits réserués


Dessins : Julie Lambert (catoune.com)
Abonnements
abo@poleditions.com
01 47 07 51 15 - Fax : 01 47 07 88 13

Achevé d'imprimer pour le compte des Éditions POLE


sur les presses de l'imprimerie SPEI à Pulnoy (54 France)
Dépôt légal - Mars 2014
en son1n1e ...

Sous le nom d'intégrale se cache


une idée simple, belle et puissante,
qui a mis plusieurs siècles pour
arriver à maturité. Comment
calculer l'aire d'une zone délimitée
par une courbe?
Le génial Archimède découpe
la surface à mesurer en objets
géométriques élémentaires,
puis procède par encadrements
successifs.
C'est le point de départ d'une
théorie qui se précisera au fil
des siècles. Newton et Leibniz
s'emparent de la question et leur
petite guerre débouchera sur la
fondation du calcul intégral. Grâce
à eux, l'analyse se met au service de
la géométrie. La machine est lancée
et ne s'arrêtera plus. Le XIXe siècle
sera celui de l'utilisation du calcul
intégral dans toutes les branches
de la physique et des progrès de la
théorie, notamment avec Riemann.
Elle débouche aujourd'hui sur des
extensions permanentes.
C'est cette histoire, accompagnée
d'explications théoriques
détaillées, que raconte cet ouvrage.

E: DITI ONS .
Prix: 19,80 € POLE

Vous aimerez peut-être aussi