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MÉMOIRE
Maîtrise de Mathématiques
par
Olivier RODRIGUEZ
sous la direction de
Patrice L ASSÈRE
Juin 2004
À Linda.
Nous tenons d’abord à remercier Patrice Lassère pour son aide, ses conseils et
sa disponibilité.
Enfin, nous aimerions exprimer notre gratitude particulière envers Linda Lu-
quot pour son soutien, son aide concernant la mise en page sous LATEX et la patience
dont elle a su faire preuve durant la relecture de ce mémoire.
4
TABLE DES MATIÈRES
Résumé 8
1 Introduction 12
6
4 Démonstrations, variantes et conséquences du théorème
des nombres premiers 53
4.1 Reformulations et conséquences du
théorème des nombres premiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
4.2 Zéros de ζ, singularités de ζP et distribution des nombres premiers 57
5 L’hypothèse de Riemann 61
Conclusion 66
Références 71
R ÉSUMÉ
8
rème des nombres premiers.
Dans le quatrième chapitre, nous présentons différentes formes équivalentes et
conséquences du théorème des nombres premiers. Par ailleurs, les propriétés ana-
lytiques de la fonction ζ apparaissent ici comme une conséquence du théorème de
Hadamard et de la Vallée-Poussin.
Dans la suite, si F (p) désigne une expression dépendant d’un nombre pre-
mier pn , on écrira souvent
X Y
F (p)( resp. F (p))
p∈P p∈P
10
On a γ ≈ 0, 577215664. Cependant nous suivrons l’usage traditionnel (no-
tamment dans le chapitre 5) qui consiste à désigner également par γ la partie
imaginaire d’un zéro non trivial de la fonction ζ de Riemann.
5. La partie entière et la partie fractionnaire d’un nombre réel x sont notées
respectivement [x] et {x}.
6. Le signe d’affectation := indique que le membre de gauche d’une égalité est
défini par le membre de droite.
7. La fonction logarithme intégral est définie par
Z x
dt
li(x) = dt ∀x ≥ 2.
2 log t
(i). Ainsi, O(1) désigne une quantité bornée et o(1) une quantité qui tend vers 0.
C HAPITRE 1
I NTRODUCTION
12
Ils sont arrivés à la conclusion que cette répartition était plutôt anarchique et que
globalement, la proportion des nombres premiers va en décroissant.
Dès 1737, Euler avait fait usage de la fonction ζ, comme fonction de la variable
réelle, pour étudier la suite des nombres premiers. On rappelle que cette fonction
est définie sur le demi-plan ouvert {<e(s) > 1} par l’expression
+∞
X 1
(1.0.1) ζ(s) = .
ns
n=1
Cette identité montre en outre que ζ(s) ne s’annule pas sur le demi-plan {<e(s) >
1}.
Riemann exploite l’idée géniale de prolonger la fonction ζ en une fonction de
la variable complexe, ce qui permet de donner un sens à ζ(s) même hors du do-
maine de convergence de la série. Il établit en 1859 l’existence d’un prolongement
méromorphe à tout le plan complexe de la fonction ζ dont l’étude se prête re-
marquablement bien à la déduction de renseignements concernant π(x). Dans son
article «Über die Anzahl der Primzahlen unter einer gegebenen Grösse» (ii) , Rie-
mann met en évidence – quoique de manière largement conjecturale – le lien étroit
(ii). «Sur le nombre de nombres premiers inférieurs à une grandeur donnée».
entre la distribution des nombres premiers et les zéros de ζ dans le plan complexe.
Théorème
P+∞ 2.1.1. — Soit (un ) une suite de nombres complexes. On suppose que
n=0 |un | < ∞, alors :
1. le produit infini +∞
Q
n=0 (1 + un ) est convergent. On dit que le produit infini
est absolument convergent ;
2. soit P = +∞
Q
n=0 (1 + un ) un produit absolument convergent de nombres
complexes, alors P est nul si, et seulement si, l’un des facteurs 1+un est nul.
15
Q+∞ −1
En outre, si 1 + un est non nul pour tout n, le produit infini n=0 (1 + un )
est absolument convergent et
+∞ +∞
!−1
Y Y
−1
(1 + un ) = (1 + un ) .
n=0 n=0
hTb, ϕi = hT, ϕi
b ∀ϕ ∈ S (R).
a priori définie et holomorphe sur le demi-plan <e(s) > 1, lorsque <e(s) tend vers
1+ . Si l’on pose
Z = {t ∈ R∗ : ζ(1 + it) = 0},
on obtient ainsi que la limite
existe pour tout t ∈ R \({0} ∪ Z) et définit une fonction localement sommable sur
R – en fait, une fonction de classe C ∞ sur R \{0} ∪ Z qui admet des singularités
logarithmiques aux points de {0} ∪ Z.
et
+∞ +∞
π(ex )
Z Z
`(t)
(2.1.3) ϕ(t)dt = ϕ(x) dx.
ex
b
−∞ 1 + 2πit −∞
puisque <e(s) > 1. La convergence est clairement uniforme sur tout demi-plan
<e(s) ≥ η si η > 1.
Démonstration. Soit s ∈ C tel que <e(s) > 1. Pour tout p ∈ P, on a le dévelop-
pement en série absolument convergente :
+∞
1 −1 X 1
1− s = .
p pks
n=1
Il en découle que
Y −1
1 X 1
1− s = ,
p ns
p∈P n∈E (N )
p≤N
où E (N ) est l’ensemble des entiers > 0 dont les diviseurs premiers sont ≤ N .
Comme on a
E (N ) ⊃ {1, . . . , N },
il vient alors
−1 +∞ 1
X X 1
ζ(s) −
Y 1
1− s =
s
−
s
p
n=1 n n
p∈P n∈E (N )
p≤N
+∞ 1
X X 1 X 1
≤ s
− =
n=1 n ns ns
n≤N n>N
X1 X 1
≤ =
ns .
n>N n>N
n<e(s)
Son abscisse de convergence absolue est clairement ≤ 1, elle définit donc une
fonction holomorphe sur le demi-plan ouvert {<e(s) > 1}. Nous allons étudier
les propriétés du prolongement de ζP au demi-plan fermé {<e(s) ≥ 1}, sur les-
quelles va reposer la démonstration du théorème des nombres premiers. Pour ce
faire, nous nous appuierons sur le corollaire suivant de l’expression de ζ comme
produit eulérien.
Proposition 2.2.2. — Pour tout s ∈ {<e(s) > 1}, on pose
(2.2.2) g(s) = log ζ(s) − ζP (s).
La fonction g se prolonge en une fonction holomorphe sur le demi-plan {<e(s) >
1
2 }, bornée sur le demi-plan {<e(s) > ρ} pour tout ρ > 1/2.
Démonstration. Le développement eulérien de ζ(s) montre que, pour tout s ∈
{<e(s) > 1},
X
1
1
(2.2.3) g(s) = − log 1 − s − s .
p p
p∈P
Soit p ∈ P, soit s ∈ C tel que <e(s) > 0, alors 1/ps ∈ D où D désigne le disque
unité ouvert de C. On note log la détermination principale du logarithme sur le
disque ouvert D(1; 1), nous allons montrer que la somme du membre de droite de
(2.2.3) converge pour tout s tel que <e(s) > 1/2, normalement sur chaque demi-
plan {<e(s) ≥ ρ} pour tout réel ρ > 1/2, ce qui établira la proposition.
Soit ρ ∈]1/2; +inf ty[, il existe une constante C(ρ) ∈ R∗+ ne dépendant que
de ρ telle que :
∀u ∈ C, |u| ≤ 2−ρ ⇒ | log(1 − u) + u| ≤ C(ρ)|u|2 .
En effet, la fonction u 7→ log(1 − u) + u est holomorphe dans D, nulle ainsi que
sa dérivée en 0.
Pour étudier ζP (s) dans le domaine complexe, on utilise l’existence d’un pro-
longement méromorphe de la fonction ζ. Une version plus forte du résultat suivant
est citée en annexe (théorème 5.1.1), nous nous contenterons d’établir l’énoncé
élémentaire suivant :
Théorème 2.2.3. — La fonction ζ se prolonge en une fonction méromorphe dans
{<e(s) > 0}, holomorphe en-dehors de 1, et admettant un unique pôle en s = 1 ;
ce pôle est simple et le résidu correspondant est 1.
Autrement dit, la fonction
1
s 7→ ζ(s) −
s−1
a priori définie et holomorphe sur le demi-plan {<e(s) > 1}, admet un prolonge-
ment holomorphe sur le demi-plan {<e(s) > 0}.
P+∞ −s
Démonstration. Soit s ∈ C tel que <e(s) > 1. Pour étudier la somme n=1 n
définissant ζ(s), on considère l’intégrale
Z +∞
x−s dx.
1
On a d’une part :
+∞ +∞
x1−s
Z
−s 1
x dx = = ,
1 1−s 1 s−1
et d’autre part, on peut écrire :
+∞
X Z +∞ +∞
X Z n+1
−s −s −s −s
n − x dx = n − x dx .
n=1 1 n=1 n
on obtient :
+∞
1 X
ζ(s) − = ϕn (s).
s−1
n=1
Pour tout entier n ≥ 1, la formule (2.2.4) définit une fonction ϕn holomorphe dans
le demi-plan {<e(s) > 0} (en fait sur C tout entier). De plus, comme la dérivée de
t 7→ n−s − t−s est t 7→ s/ts+1 , elle satisfait sur ce demi-plan à
|s|
|ϕn (s)| ≤ sup |n−s − t−s | ≤
t∈[n;n+1] n<e(s)+1
La proposition 2.2.4 montre que si t ∈ R∗ est tel que ζ(1 + it) 6= 0, on peut
considérer la limite dans C :
ζP (1 + it) := lim ζP (1 + ε + t)
x→0+
2.3.1. La mesure µ
Pour analyser le lien entre la répartition des nombres premiers et les propriétés
des fonctions ζ et ζP sur la droite {<e(s) = 1}, on introduit la mesure positive sur
R X 1
µ := δlog p
p
p∈P
et sa transformée de Fourier. On a en effet :
Proposition 2.3.1. — (i) Pour tout ε > 0,
Z
x−1−ε dµ(x) < ∞.
R
(ii) Pour tout λ ∈ C tel que <e(λ) > 0, la fonction d’une variable réelle x 7→
e−λx est µ-intégrable et
Z
(2.3.1) e−λx dµ(x) = ζP (1 + λ).
R
Démonstration. (i) On a
Z X 1
x−1−ε dµ(x) = (log p)−1−ε
R p
p∈P
+∞
X 1
≤ < ∞.
n(log n)1+ε
n=1
= ζP (1 + λ) < ∞,
d’où l’identité (2.3.1) lorsque λ est réel > 0. Puisque pour tout λ ∈ C et tout
x ∈ R, on a :
−λx
e = e−<e(λ)x ,
cela montre aussi que x 7→ e−λx est µ-intégrable lorsque <e(λ) > 0 ce qui
permet de conclure.
(iii) On a :
Z X 1
ex χ]−∞;y] (x)dµ(x) = elog p χ]−∞,y] (log p)
R p
p ∈P
X X
= χ]−∞;y] (log p) = 1
p ∈P p ∈P
p≤ey
= π(ey ).
Soit ϕ : R → C une fonction continue. S’il existe ε > 0 tel que ϕ(x) =
O(x−1−ε ) lorsque x → +∞, alors il découle de (i) que ϕ est µ-intégrable. En
particulier, toute fonction ϕ ∈ S (R) est µ-intégrable, et la distribution définie par
la mesure µ Z
ψ ∈ D(R) 7→ hµ, ψi = ψ(x)dµ(x)
R
est tempérée, c’est-à-dire appartient à S 0 (R). Selon l’usage, cette distribution sera
encore notée µ.
? µ = gb · µ
D’après la formule de transfert g[ b, cela signifierait intuitivement que
x 7→ e−x π(x) admet comme transformée de Fourier la fonction
ζP (1 + 2πit)
t 7→ .
(1 + 2πit)
Il s’agira dans la suite de cet exposé de donner une signification rigoureuse à
ces assertions au moyen de la théorie de la transformée de Fourier des distributions
tempérées.
Autrement dit,
Z X 1
(2.3.4) ∀ϕ ∈ D(R), ζP (1 + 2πit)ϕ(t)dt = ϕ(log
b p).
R p
p∈P
et une fonction `ε : R → C
`ε (t) := ζP (1 + ε + 2πit).
La mesure µε est de masse totale finie p∈P p−1−ε et définit donc une distribu-
P
tion tempérée que l’on notera encore µε . Quant à `ε , c’est une fonction de classe
(k)
C ∞ et `ε est bornée sur R pour tout k ∈ N puisque la série de Dirichlet définis-
sant ζP est normalement convergente, ainsi que ses dérivées, sur chaque demi-plan
{<e(s) ≥ 1 + ε} avec ε > 0.
µ
cε = `ε .
Autrement dit,
Z
X 1
(2.3.5) ∀ϕ ∈ D(R), ϕ(log p) = ζP (1 + ε + 2πit)ϕ(t)dt.
p1+ε
b
p∈P R
soit
X 1 X 1
(2.3.6) lim ψ(log p) = ψ(log p).
ε→0+ p1+ε p
p∈P p∈P
Autrement dit,
Z Z
(2.3.7) ∀ϕ ∈ D(R), lim `ε (t)ϕ(t)dt = `(t)ϕ(t)dt.
ε→0+ R R
= p−2πit ϕ(t)dt,
R
on a :
X 1 XZ
1+ε
ϕ(log
b p) = p−1−ε−2πit ϕ(t)dt
p R
p∈P p∈P
Z X
= p−1−ε−2πit ϕ(t)dt.
R p∈P
P R
La permutation des symboles et est légitime, vu que
XZ
p−1−ε−2πit ϕ(t)dt = ζP (1 + ε)kϕkL1 < ∞.
p∈P R
tend vers 0 lorsque ε > 0 tend vers 0, d’où `ε tend vers ` dans L1loc (R), donc
dans D 0 (R) puisque L1loc (R) est dense dans D 0 (R) et que l’injection canonique est
continue.
= hb
µ, fy i = hµ, fby i
Z
= fby (t)dµ(t)
ZR
= et χ]−∞;y] dµ(t) = π(ey ).
R
ϕ(x)
be = fb0 (x) ? ϕ(x)
b
Z +∞
= fb0 (x − y)ϕ(y)dy
b
−∞
Z +∞
= ex e−y χR− (x − y)ϕ(y)dy
b
−∞
Z+∞
= ex e−y χ[x;+∞[ (y)ϕ(y)dy.
b
−∞
ce qui équivaut à
Z
`(t) X Z +∞
(2.3.11) ϕ(t)dt = e−y χ[log p;+∞[ ϕ(y)dy.
b
R (1 + 2πit) −∞p∈P
Il vient alors
Z +∞ X Z +∞
−y
e−y π(ey ) |ϕ(y)|
e χ[log p,+∞[ (y)ϕ(y)
b dy = b dy
−∞ p∈P −∞
Z +∞
≤ |ϕ(y)|
b dy < ∞,
−∞
b ∈ L1 (R). On peut donc permuter les symboles
P R
puisque ϕ et dans le membre
de droite de (2.3.11), on obtient ainsi :
π(ey )
Z Z
`(t)
ϕ(t)dt = y
ϕ(y)dy,
b
R (1 + 2πit) R e
d’où le résultat.
Soit ϕ ∈ D(R) telle que ϕ b soit positive, puisque les nombres premiers sont tous
positifs, le terme général de la série du membre de droite de (2.4.1) est positif, d’où
le résultat.
ρe(x) = ρ(−x).
On a alors ρe ∈ D(R) et
ρe(x) = ρ(x),
b d
et donc ρ ? ρe ∈ D(R) et
ρ(x)|2 ≥ 0.
? ρe(x) = |b
ρd
Il vient alors X
T ? Te = αk αk δak −a`
1≤k,`≤N
et 2
XN
\ −2iπa x
(T ? Te) = αk e k
≥ 0,
k=1
donc si ρ : R → C est de classe C∞ à support compact et de type positif, il
en est de même pour
X
(T ? Te) ? ρ : x 7→ αk αk ρ(x + a` − ak ).
1≤k,`≤N
En effet,
\ \
(T ? Te) ? ρ = T ? T · ρb
e
Ceci va permettre d’introduire une version «lissée» du théorème des nombres pre-
miers.
et par conséquent
d 1 d 1
log = lim log
dt it ε→0+ dt it + ε
i 1
= lim =:
ε→0+ it + ε t + i0
Or on sait que pour tout η > 0,
Z +∞
1
F (χR+ (x)e−ηx )(t) = e−2πixt−ηx dx = .
−∞ 2πit + η
écrire :
−1
−1 d 1
2πiyF log(1/it) f (t) (y) = −F log f (t) (y)
dt it
−1 d 1 1 0
= −F log · f (t) + log f (t) (y).
dt it it
et par conséquent
Z y
−1 d 1
lim F log · f (t) = lim 2πi F −1 f (x)dx
y→+∞ dt it y→+∞ −∞
Z +∞
= 2πi F −1 f (x)dx
−∞
= 2πif (0).
1 +∞
Z
1 1 1
ϕ(0) + o = ψ(x)dx + o .
y y y −∞ y
et donc par :
y+ε ε
π(ey−ε ) π(ey−ε )
Z Z
ψλ (x − y)dx = ψλ (t)dt.
ey+ε y−ε ey+ε −ε
Pour la majoration de la première des trois intégrales il est utile de remarquer que,
d’après la convexité de la fonction (x 7→ (x + 1)−1 ) :
1 y−x+1
∀x ∈ [0; y], ≤ ,
x+1 y+1
d’où Z y−ε Z −ε
M M
ψλ (x − y)dx ≤ (1 + |t|)ψλ (t)dt.
0 x+1 y+1 −∞
Par ailleurs, Z y+ε Z +∞
ψλ (x − y)dx ≤ ψλ (t)dt = 1,
y−ε −∞
et Z +∞ Z +∞
M M
ψλ (x − y)dx ≤ ψλ (t)dt.
y+ε x+1 y ε
Pour chaque ε > 0 fixé, il existe λ tel que
Z
(1 + |t|)ψλ (t)dt ≤ ε.
|t|≥ε
d’où
log x
lim π(x) = 1.
x→+∞ x
Ceci prouve la relation (1.0.2) et achève la démontration du théorème des nombres
premiers.
C HAPITRE 3
U NE SECONDE PREUVE DU
THÉORÈME DES NOMBRES PREMIERS
Nous exposons dans ce chapitre une preuve du théorème des nombres premiers
dont l’approche originale est due à E. Landau.
et on vérifie que cette égalité formelle possède un sens analytique dès que les trois
séries sont absolument convergentes.
1(n) = 1 ∀n ≥ 1.
37
à cette fonction arithmétique est
+∞ +∞ +∞
X τ (n) X 1 X 1
(3.1.1) = = ζ(s)2
ns ns ns
n=1 n=1 n=1
est un élément neutre pour la convolution et que l’ensemble des fonctions arith-
métiques muni de l’addition usuelle et du produit de convolution est un anneau
commutatif unitaire intègre. On peut aussi montrer que cet anneau est factoriel.
On a pour 1 ≤ y ≤ x :
x x
X X X x
(3.1.3) f ? g(n) = g(n)F + f (m)G −F G(y).
n m y
n≤x n≤y m≤x/y
L’identité classique
X 1 1
= log z + γ + O ,
m z
m≤z
√
appliquée à z = x permet de conclure.
Son existence est garantie par le fait que les fonctions multiplicatives forment un
sous-groupe de l’ensemble des fonctions arithmétiques inversibles. La multiplica-
tivité permet, pour le calcul de cet inverse, de se restreindre aux puissances de
nombres premiers. La relation de convolution 1 ? µ = δ fournit alors de proche
en proche µ(p) = −1 et µ(pν ) = 0 pour ν Q ≥ 2. On a donc, pour un entier n
ν
quelconque de décomposition canonique n = kj=1 pj j :
(
(−1)k si νj = 1,
µ(n) =
0 si max1≤j≤k νj ≥ 2, 1 ≤ j ≤ k.
(ii)
X d
f (n) = g(d)µ ∀n ≥ 1).
n
d|n
(b) Soient F, G : [1; +∞[→ C des fonctions complexes. Les deux conditions sui-
vantes sont équivalentes :
(i) X x
F (x) = G ∀x ≥ 1,
n
n≤x
(ii) X x
G(x) = F µ(n) ∀x ≥ 1.
n
n≤x
Par définition de µ, la somme intérieure vaut δ(k). Ceci implique bien (ii).
Remarque 3.2.3. — En appliquant le théorème 3.2.1 pour G(x) ≡ 1, on obtient
X hxi
µ(n) = 1 ∀x ≥ 1,
n
n≤x
et suggère que +∞
P
n=0 µ(n)/n → 0 lorsque x → +∞. Nous verrons au paragraphe
3.4.1 que cette relation est en fait équivalente au théorème des nombres premiers.
C’est à Tchébychev que sont dus les premiers résultats significatifs concernant
l’évaluation de π(x). Il utilise une forme faible de la formule de Stirling (i) :
X
(3.3.1) log n! = log m = n log n − n + O(log n) ∀n ≥ 2.
1≤m≤n
En effet, pour m ≥ 1, on a
Z m+1 Z m+1
t
0≤ log tdt − log m = log dt
m m m
Z m+1
t 1
≤ − 1 dt = .
m m 2m
où la somme est étendue à tous les couples (p, ν) tels que pν |m avec p premier et
ν ≥ 1. En remplaçant dans l’expression (3.3.1) et en intervertissant les somma-
√
(i). Démontrée en 1730 : lorsque n → +∞, on a n! ∼ nn e−n 2πn
tions, il vient
X
log n! = log m
1≤m≤n
X X
= log p 1
pν ≤n 1≤m≤n
pν |n
X n
= log p .
pν
pν ≤n
Notons B(n) le membre de gauche et posons B(x) = B([x]) pour tout x > 0. On
considère la fonction sommatoire de Λ,
X
ψ(x) = Λ(d).
d≤x
Démonstration. On pose
hui
χ(u) = [u] − 2 (u > 0).
2
Alors χ est une fonction 2-périodique vérifiant
(
0 si 0 ≤ u < 1,
(3.3.3) χ(u) =
1 si 1 ≤ u < 2.
X x log 2
ψ(x) ≤ + O(log x)
2j
0≤j≤K(x)
d’où
ψ(x) x
π(x) = +O .
log x (log x)2
Le théorème 3.3.1 permet de conclure.
π(x) π(x)
lim inf ≤ 1 ≤ lim sup ,
x→+∞ x/ log x x→+∞ x/ log x
autrement dit : si le rapport π(x) log x/x admet une limite lorsque x → +∞, cette
limite est 1.
avec Z x
R1 (x) = |E(1)b(1)| + |R(x)b(x)| + |R(t)b0 (t)|dt.
1
P
Démonstration. On pose A(t) = n≤t an . Le membre de gauche vaut
X Z x Z x
0
b(x)A(x) − an b (t)dt = b(x)A(x) − A(t)b0 (t)dt.
n≤x n 1
(iii)
+∞
X µ(n)
= 0.
n
n=1
Remarque 3.4.3. — L’assertion (i) est équivalente au théorème des nombres pre-
miers, c’est donc l’implication (ii) ⇒ (i) qui sera utilisée dans sa démonstration.
Démonstration du théorème de Landau. 1. (iii) ⇒ (ii). Supposons que
X µ(n)
m(x) := = o(1) lorsque x → +∞.
n
n≤x
On va montrer que
X
H(x) := f ? µ(n) = o(x),
n≤x
Comme y peut être choisi arbitrairement grand, ceci implique bien H(x) =
o(x).
3. (i) ⇒ (iii). Il sera fait usage de la majoration
X µ(n)
≤1
n
n≤x
où l’on a posé
X µ(m) log(m)
G(x) := .
m
m≤x
µ log = −Λ ? µ = (1 − Λ) ? µ − δ.
Posant X
P (x) := [x] − ψ(x) = 1(n) − Λ(n) = o(x),
n≤x
il vient
X |P (j)| X1
|G(x + 1)| ≤ 3 + 2ε + o(1),
j n
j≤j0 (ε) n≤x
d’où lim supx→+inf ty |G(x)|/ log x ≤ 2ε. Comme on peut choisir ε arbi-
trairement petit, cela montre bien que
G(x) = o(log x)
Théorème 3.4.4 (Ingham). — Soit (an ) une suite de nombres complexes tels que
|an | ≤ 1, on considère la série de Dirichlet
+∞
X an
F (s) := .
ns
n=1
Cette série converge dans le demi-plan ouvert {<e(s) > 1} et y définit une fonction
analytique. Si, en fait, F (s) est analytique
P+∞dans un voisinage du demi-plan fermé
{<e(s) ≥ 1}, alors la série de Dirichlet n=1 an n−s converge dans un voisinage
du demi-plan fermé {<e(s) ≥ 1}.
Démonstration. Supposons F analytique dans le demi-plan fermé {re(s) ≥ 1}.
On fixe w de telle sorte que <e(w) ≥ 1 : ainsi, la fonction (z 7→ F (z + w)) est
analytique dans le demi-plan fermé {<e(z) ≥ 0}. Soient
R ≥ 1,
1
δ = δ(R) tel que 0 < δ ≤ , M = M (R) ≥ 0.
2
de sorte que sur {−δ ≤ <e(z); |z| ≥ R}, on ait
avec n ∈ N. Sur ΓA , on a
+∞ N +∞
X an X an X an
F (z + w) = z+w
= z+w
+
n n nz+w
n=1 n=1 n=N +1
et on pose
N
X an
SN (z + w) =
nz+w
n=1
+∞
X an
rN (z + w) =
nz+w
n=N +1
puis
+∞ +∞ +∞
X 1 X 1 X 1
|rN (z + w)| = ≤ nz+w ≤
nz+w nx+1
n=N +1 n=N +1 n=N +1
Z +∞
dt 1
≤ x+1
= x
,
N t xN
et
+∞ +∞ N
X 1 X 1 X
|Sn (w − z)| = ≤ ≤ nx−1
nw−z nw−z
n=1 n=1 n=1
Z N
x−1 x−1 x 1 1
≤N + t dt = N + .
0 N x
On a alors sur ΓA :
rN (z + w)N z − SN (w − z) 1 z 1 1 1 2x 4 2
+ ≤ + + + 2 ≤ 2+
Nz z R2 x x N R R RN
d’où
rN (z + w)N z − SN (w − z)
Z
1 z 4π 2π
z
+ 2
dz ≤ + .
ΓA
N z R R N
On obtient alors
Z Z R Z 0
F (z + w)N z 1 + z dz ≤ −δ 2 2|x| 3
nx 2 dx
2
MN dy + 2M
ΓB
z R
−R δ −δ R 2
4M R 6M
≤ + 2 .
δN δ R (log N )2
Enfin, il vient
2 1 MR M
|F (w) − SN (w)| ≤ + + δ
+ 2 <ε
R N δN R (log N )2
pour N suffisamment grand, si on fixe R = 3/ε. Ceci achève la démonstration.
Il s’ensuit l’énoncé suivant.
comme il a été observé dans la section 3.2. Le théorème 3.4.3 fournit immédiate-
ment le résultat souhaité.
on a finalement
x ∼ π(x) log x lorsque x → +∞,
ce qui prouve le Théorème des Nombres Premiers.
C HAPITRE 4
D ÉMONSTRATIONS , VARIANTES ET
CONSÉQUENCES DU THÉORÈME
DES NOMBRES PREMIERS
Vers 1930, Wiener obtint une nouvelle démonstration du théorème des nombres
premiers, où les techniques d’analyse complexe sont remplacées dans une large
mesure par l’analyse harmonique de la fonction t 7→ ζ(1 + it). Cette philosophie
est menée à son terme dans la démonstration de Kahane que nous avons présentée
en premier lieu.
Mentionnons enfin qu’en 1949, Erdös [Erd49] et Selberg [Sel49] ont donné (i)
une preuve élémentairedu théorème des nombres premiers, c’est-à-dire une preuve
qui évite tout recours à la théorie des fonctions analytiques et n’utilise que des
inégalités d’analyse réelle élémentaire. L’outil essentiel est ici la formule asymp-
(i). La démonstration fut établie conjointement par Erdös et Selberg, mais ce dernier seul obtint
la médaille Fields.
53
totique suivante, aujourd’hui connue sous le nom d’identité de Selberg :
X X
(log p)2 + log p log q = 2x log x + O(x).
p∈P p,q∈P
p≤x pq≤x
La procédure est semblable à celle employée à la section 3.3 pour obtenir l’enca-
drement du théorème de Tchébychev 3.3.1 à partir d’une forme faible de la formule
de Stirling. L’introduction de l’exposant 2 permet ici d’obtenir immédiatement
une formule asymptotique. En utilisant l’identité de Selberg, Erdös a notamment
prouvé que le rapport pn+1 /pn de deux nombres premiers consécutifs tend vers 1.
Le théorème des nombres premiers admet en fait bien des reformulations, dont
l’équivalence découle de raisonnements élémentaires. Citons deux d’entre elles :
(4.1.1) pn ∼ n log n,
puis
π(k) log π(k) ∼ k.
En faisant k = pn , on obtient l’équivalent (4.1.1).
2. (4.1.1) ⇒ (1.0.2). Pour tout x ∈ [2; +∞[, on a :
D’après (4.1.1), on a :
d’où enfin
x
π(x) ∼ .
log x
3. (1.0.2) ⇒ (4.1.2). On va utiliser la formule de sommation suivante, qui ser-
vira à nouveau dans la prochaine section :
X N
X −1
(4.1.3) ap = π(N )an + π(N )(an − an+1 ).
p∈P n=1
p≤N
En effet,
X N
X
ap = π(k) − π(k − 1) ak
p∈P k=1
p≤N
N
X −1 N
X
= π(N )an + π(k)ak − π(k − 1)ak .
k=1 k=2
tandis que
1 1
π(n) log 1 + ∼ lorsque n → +∞.
n log n
Comme
N −1
X 1 N
∼ = o(N ) lorsque n → +∞),
log n log N
n=2
on a donc
N −1
X 1
(4.1.6) π(n) log 1 + = o(N ).
n
n=1
montre que
log x
lim inf π(x) ≥ 1.
x→+∞ x
Par ailleurs, pour tout η ∈]0; 1[ et tout x ∈ R∗+ , il vient :
X
log p ≤ π(xη ) ≤ xη log x,
p∈P
p≤xη
log x
lim sup π(x) ≤1
x→+∞ x
Or, on a
X log p X Λ(d) X log p
− =
p d pν
p∈P d≤x p∈P
p≤x p≤x,pν ≥2
X log p
≤ 1,
p(p − 1)
p∈P
d’où le résultat.
On remarque enfin que pour tout λ ∈]1; +∞[, le théorème des nombres pre-
miers montre que, lorsque x → +∞, on a
λx
π(λx) ∼
log x
et donc
(λ − 1)
π(λx) − π(x) ∼ .
log x
On en déduit l’énoncé suivant :
Proposition 4.1.4. — Pour tout λ ∈]1; +∞[, il existe x(λ) ∈ R+ tel que, pour
tout x ≥ x(λ), l’intervalle ]x; λx] contienne un nombre premier.
ζP (1 + σ + it) = o(log σ −1 )
lorsque σ > 0 tend vers 0 ;
la fonction t 7→ ζP (1 + it) est de classe C ∞ sur R∗ .
|bn − an | ≤ εan .
Comme
+∞
X
an n−σ0 = +∞,
n=1
on a :
+∞
X
lim an n−σ = +∞
σ→σ0+ n=1
et donc !−1
+∞
X N
X
lim an n−σ (|an | + |bn |)n−σ = 0.
σ→σ0+ n=1 n=1
X +∞
X
ζP (s) = p−s = π(n)[n−s − (n + 1)−s ]
p∈P n=1
+∞
" #
1 −s
X
= π(n)n−s 1− 1+ .
n
n=1
D’après (4.2.2), la seconde somme converge pour tout s tel que <e(s) > 0, norma-
lement sur tout compact de {<e(s) > 0} (car on a π(n) ≤ n), et définit donc une
fonction holomorphe sur ce demi-plan.
Pour étudier la première somme, on introduit la série de Dirichlet
+∞
X 1 1
Z(s) := .
log n ns
n=2
On vérifie que son abscisse de convergence absolue vaut 1 et que, si <e(s) > 1,
+∞
X 1
Z 0 (s) = = 1 − ζ(s).
ns
n=2
L’ HYPOTHÈSE DE R IEMANN
où γ désigne la constante d’Euler définie dans les Notations et conventions générales. On vérifie que
la fonction Γ ainsi obtenue coïncide bien avec la fonction définie par l’intégrale (5.0.2).
61
Théorème 5.0.3. — La fonction ζ se prolonge en une fonction méromorphe dans
tout le plan complexe avec un seul pôle au point s = 1 et ce pôle est simple.
L’équation fonctionnelle (5.0.1) vaut dans tout le plan complexe. La fonction ζ
de Riemann ne s’annule pas dans le demi-plan {<e(s) > 1}. Dans le demi-plan
{<e(s) < 0}, ses zéros sont les points s = −2n où n ∈ N∗ ; ces zéros sont simples
et sont appelés les zéros triviaux de la fonction ζ.
On pourra trouver une preuve des énoncés précédents dans [Wag03]. On peut
démontrer que la fonction ζ admet une infinité de zéros non triviaux qui sont donc
situés dans la bande dite critique {0 ≤ <e(s) ≤ 1}. On peut dès à présent faire
une remarque élémentaire concernant ces zéros : comme ζ(s) ∈ R lorsque s est
réel > 1, on a ζ(s) = ζ(s) pour s ∈ {<e(s) > 1}, donc pour tout s, la fonction
s 7→ ζ(s) étant méromorphe dans tout le plan complexe. Il en résulte que si s est
un zéro non trivial de la fonction ζ, il en est de même de s. D’autre part, l’équation
fonctionnelle montre que si s est un zéro non trivial, alors 1 − s est également un
zéro non trivial. Autrement dit, les zéros non triviaux sont distribués symétrique-
ment par rapport à l’axe réel et par rapport au point s = 1/2.
Ainsi l’absence de zéro de ζ sur la droite {<e(s) = 1} fournit déjà une très
bonne évaluation asymptotique de π(x). Dans son mémoire de 1859, Riemann
émet la conjecture suivante, qui n’a toujours pas été résolue aujourd’hui, malgré
les efforts conjugés de centaines de mathématiciens.
Conjecture 5.0.4 (Hypothèse de Riemann). — Tous les zéros non triviaux de la
fonction ζ de Riemann sont situés sur la droite critique {<e(s) = 21 }.
Cette conjecture, riche d’implications dans toutes les branches de la théorie des
nombres, possède des généralisations dans de nombreux domaines des mathéma-
tiques et se présente comme la garante de l’harmonie de la répartition des nombres
premiers.
Les formules établies par Riemann dans son mémoire et connues sous le nom
de formules explicites de la théorie des nombres, permettent d’évaluer π(x) en
fonction des zéros non triviaux de ζ et de mieux appréhender l’incidence de l’hy-
pothèse de Riemann sur la loi de répartition des nombres premiers. Nous énonce-
rons ici des expressions analogues plus simples pour ψ(x). La justification a priori
de telles formules tient au fait que la théorie de Hadamard permet de définir une
fonction analytique essentiellement par ses zéros et ses singularités. Dans le cas de
ζ, on a en effet
eAs Y
s 1
ζ(s) = 1 1 − es/ρ avec A = log 2π − 1 − γ
2(s − 1)Γ( 2 s + 1) ρ ρ 2
où γ désigne la constante d’Euler et où le produit porte sur tous les zéros non
triviaux de ζ. Les éventuels zéros multiples sont répétés avec leur ordre de mul-
tiplicité et on peut montrer que le produit infini converge absolument. Comme la
fonction ζ définit complètement ψ(x), l’existence d’un lien direct entre ψ(x) et les
zéros de ζ est clair. La formule explicite est
X xρ 1
(5.0.3) ψ(x) = x − − log 2π − log(1 − x2 ),
ρ
ρ 2
où la somme porte sur les zéros non triviaux ρ de ζ. Cette formule vaut pour x 6= pν
avec p premier, ν ∈ N. Au vu d’une telle formule, il n’est guère surprenant que la
taille du terme d’erreur du théorème des tombres premiers soit liée à la quantité
Θ := sup <e(s),
ζ(ρ)=0
soit encore
1
Θ= .
2
On sait qu’un tel résultat, s’il était démontré, serait optimal. Par ailleurs, il a été dé-
montré que la différence ∆(x) := π(x)−li(x) change de signe infiniment souvent.
On peut montrer que ces séries sont absolument convergentes dans le demi-plan
{<e(s) > 1}, où elles se développent en produit eulérien :
Y 1 −1
L(s, χ) = 1− s .
p
p∈P
En particulier,
Y 1 −1
1
L(s, χ0 ) = 1− s = 1 − s ζ(s).
p q
p∈P
(p,q)=1
Au-delà de telles considérations, l’attrait pour les mystères de cette théorie est
alimenté par les conjectures qui la font avancer. La plupart de celles-ci contiennent
l’idée sous-jacente que «tout ce qui n’est pas trivialement interdit est réalisé». Ci-
tons quelques-uns de ces problèmes profonds et non résolus :
– la conjecture des nombres premiers jumeaux : «Il existe une infinité de paires
(p, q) avec p et q premiers et q = p + 2», et sa généralisation proposée par
Hardy et Littlewood en 1923 ;
– la conjecture de Goldbach : «Tout nombre pair > 2 est somme de deux
nombres premiers» ;
– l’hypothèse de Riemann et sa généralisation aux fonctions L(s, χ) concer-
nant la répartition des nombres premiers dans les progressions arithmétiques,
que nous n’avons fait qu’effleurer dans le chapitre 5 ;
– l’existe d’une infinité de nombres premiers de la forme Mp = 2p − 1 avec
p premier, appelés nombres de Mersenne, dont on connaît une méthode
permettant de tester leur primalité et qui sert encore à produire de grands
nombres premiers.
Cette liste est bien entendu loin d’être exhaustive, et nous passons sous silence de
nombreuses autres questions d’origine algébrique et probabiliste.
La distribution des nombres premiers apparaît tour à tour harmonieuse, comme
le montre le théorème de Hadamard et de La Vallée-Poussin, et irrégulière, comme
le suggèrent les tables. Celles-ci mettent en évidence un aspect chaotique dont
le désordre apparent s’accorde finalement avec des modèles aléatoires classiques
(ii). En référence à Rivest, Shamir et Adleman.
66
issus, par exemple, de phénomènes physiques : certains comparent le modèle de
répartition des nombres premiers à celui d’un gaz parfait, soumis à la régularité
globale et à l’irrégularité locale. Il semblerait que les nombres premiers occupent
tout le “hasard” disponible, c’est-à-dire compatible avec la contrainte drastique qui
pèse sur eux : engendrer la suite ultra-régulière des nombres entiers.
A NNEXE : FACTORISATION DES
FONCTIONS ANALYTIQUES
Les résultats que nous mentionnons ci-après sont présentés de façon détaillée
et démontrés dans l’ouvrage [Wag03]. Nous nous bornerons ici à en donner les
énoncés.
E0 (z) = 1 − z
z2 zk
Ek (z) = (1 − z) exp z + + ... + pour ≥ 1.
2 k
68
La fonction M : R+ → R+ est croissante d’après le principe du maximum et
même strictement croissante si la fonction f n’est pas constante. On définit l’ordre
de f par
A
ρ = inf{A ≥ 0 : (∃r0 ≥ 0)(∀r ≥ r0 ) M (r) ≤ er } ∈ [0; +∞[.
On notera ord(f ) l’ordre de f . On dit que f est d’ordre fini si ρ est fini.
Il existe des relations étroites reliant l’ordre d’une fonction entière et la répar-
tition de ses zéros dans le plan complexe. Soit f une fonction entière non identi-
quement nulle, on notera (an )n≥1 la suite de ses zéros non nuls, chaque zéro étant
répété un nombre de fois égal à sa multiplicité. Si rn = |an |, on peut supposer la
suite (rn ) croissante, soit
0 < rn = |an |, rn ≤ rn+1 .
La suite (an ) peut être finie ; lorsqu’elle est finie, on a rn → +∞. On note k le
plus petit entier, s’il existe, tel que
+∞
X
rn−(k+1) < ∞.
n=1
Lorsqu’un tel entier n’existe pas, on pose k = ∞ ; k ∈ N ∪{∞} est appelé le rang
de la suite (an ). Le théorème de factorisation de Weierstrass permet d’écrire
f (z) = eQ(z) z m P (z)
où m = ω(f ; 0),
+∞
Y z
P (z) = Ek
an
n=1
et Q est une fonction entière qui n’est définie qu’à l’addition près d’un multiple de
2πi. L’exposant de convergence est une notion qui complète celle de rang. On le
définit comme suit :
+∞
X
ρc = inf{ρ ≥ 0 : rn−ρ < ∞} ∈ [0; +∞[
n=1
71