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Zé'aventure ntatnefnat^q^e

Les
TransforMiM

de la géoméii rie à l'art


EDiTiONS HS n° 35
POLE ISSN 0987-0806
Bibliothèque
:e
Ij'avenizzire yna'fcHé'ma'tique

Tangente Hors-série n° 35

Les
Transformations
de la géométrie à Fart
Sous la direction de Hervé Lehning

ËDiTiONS

POLE

© Editions POLE - Paris 2009

Toute représentation, traduction, adaptation ou reproduction, même partielle, par tous procédés, en
tous pays, faite sans autorisation préalable est illicite, et exposerait le contrevenant à des poursuites
judiciaires. Réf. : Loi du 11 mars 1957.
I.S.B.N. 9782848840970 I.S.S.N. 0987-0806 Commission paritaire 1011 K 80883
^ m M\ ^
Les Transformations

Sommaire
DOSSIER Les origines artistiques de la géométrie
Qui a inventé les notions de point, de ligne et de surfa
ce ? Des arpenteurs, des artistes ? L'étude de la préhis
toire des formes mathématiques houscide les idées
reçues.

Transformations géométriques, tout un art


Que voyons-nous dans l'eau ?
Image dans une boule de Noël
Transformations à l'Âge de pierre
Réflexions sur le miroir
Découpages siamois
Projection et photographie
L'anamorphose

DOSSIER Le regard du mathématicien


À quoi servent les transformations géométriques en
mathématiques ? La réponse se trouve dans le pro
gramme d'Erlangen. Les groupes de transformations
structurent la géométrie en ses diverses branches : affi
ne, métrique...

Les isométries
Les similitudes et les transformations affines
Les groupes, concrets et abstraits
La transformation du boulanger
Formes, déformations et invariances
Transformer, c'est gagner !
Les formes du second degré
L'œil du topologue et le morphing
La projection centrale et l'homographie
La géométrie projective

(suite du sommaire au verso)

Hors série n"35. Les Transfc rmations Tangente


L'inversion et l'arbelos
L'inversion et la chasse au lion
Coxeter, de la géométrie à l'art
Histoire de bouchons
Translater, c'est quarrer
Points et figures invariants
Formes des groupes d'ordre six

DOSSIER Transformer pour créer


Que ce soit pour représenter l'éloignement spatial dans
un tableau à deux dimensions, pour paver une surface
à l'aide d'un motif sans trou ni chevauchement, ou pour
"tricoter" des entrelacs magnifiques mais complexes,
on utilise une transformation !

Peintres et géomètres
Fuites et perspectives
la perspective cavalière
La géométrie descriptive
La géométrie des fortifications
Représenter et déformer un objet en 3D
Les «Imajustages» de Myriam Labadie
Calissons et perspectives
L'art de paver
Des groupes pour construire des pavages
Entrelacs

Jeux et problèmes
Problèmes 29, 33,
46, 79
Solutions 156

En Bref 15, 19,


47, 87,
91, 95,
99, 135

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Tangente Hors série n°35. Les Transformatic


\
DOSSIER

Tradlformations géoniétuguisriout un art


Qirlj(Qyons-nous dani 1^ ? •>5-

\ ImageoànHiQe^uà de^Noël
Mransformationsl^ge de pierrj
Réflexions suMémiroIr ' ^
Décollages siamois
^^Jlieiéction et photographie
L'anapiorphose
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SAVOIRS par Elisabeth Busser

Les transformations géométriques,

tout un art
Des céramiques « Rubané » du Néolithique à Vart contempo
rain, quel artiste n'a pas utilisé de transformation géomé
trique ? Panorama de la mise en œuvre graphique d'un
concept mathématique.

AuNéolithique, entre le 8*^ etle


7® millénaire avant notre ère,
retrouvés par exemple le long du
Danube de véritables frises formant un
l'homme, devenu sédentaire, ruban autour du récipient : ce sont les
avait besoin de jarres pour la conserva céramiques du « rubané ». Les motifs
tion et la cuisson des aliments. Il se mit de base sont élémentaires : points, seg
donc à fabriquer des vases en poterie ments, cercles. Quelques figures géo
mais il fit bien plus : il les décora. métriques simples les accompagnent :
Mieux : il choisit comme motifs de triangles, losanges et même spirales,
décoration des objets géométriques et comme sur le dessin ci-après. Le des
les combina en de savants entrelacs. sin de base est reproduit autour de la
On vit ainsi fleurir sur des vases « panse » du récipient soit par transla-

Transformer une image c'est simplement la dupliquer ou alors la


modifier pour obtenir un effet artistique. Nos ancêtres de l'Age de
pierre combinaient des motifs géométriques simples pour orner des
poteries, les céramistes arabes du XIP siècle inventaient sans le
savoir les groupes de pavages pour dessiner les plafonds de
l'Alhambra de Grenade, Holbein cachait dans l'un de ses tableaux
un crâne méconnaissable, Vasarely et bien d'autres tordent et défor
ment carrés, cercles et triangles pour le plaisir des amateurs d'art
aujourd'hui. Tous ces artistes utilisent abondamment dans leurs
œuvres des transformations géométriques. Faisons ensemble le tour
de leurs techniques.

iyvte Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

Vase décoré du Néolithique.

i Pour paver le plan au lieu de


Poterie du
remplir des rubans, les possibi
Néolithique.
lités sont là aussi limitées, mais
à dix-sept. On trouve de magni
fiques exemples de tous ces
tion soit par symétrie, s'il n'est pas pavages sur les mosaïques ou les
déformé, soit par homothétie pour don fresques ornant les plafonds
ner par exemple des losanges emboî du palais de l'Alhambra à
tés. Raffinement suprême : on sait Grenade. Commencé au XIL
décorer deux vases de taille différente siècle, le magnifique édifice a
avec le même motif : il suffit de le vu les artistes arabes se succé
transformer par similitude. der pendant environ quatre
cents ans pour peaufiner leurs
Esthétique des frises et pauages ornementations, s'ingéniant à
Une des mosaïques
représenter la totalité des dix-sept pos
de l'Alhambra.
Loin d'abandonner l'idée de motifs sibilités de styles de pavages.
répétitifs, les artistes ont continué au fil
des siècles à l'utiliser en décoration, Camouflage par anamorphose
créant sans cesse de nouveaux modèles
offrant symétrie et régularité. Dentelles Les peintres ont traité la symétrie de
à l'aiguille ou au fuseau de la bien d'autres façons qu'en complétant
Renaissance, « dentelles de bois » ou un ruban ou en remplissant le plan.
lambrequins ornant les maisons créoles Certains ont inclus dans leurs œuvres
du XIX® siècle, autant d'exemples de des dessins cachés, n'en représentant
ce que les mathématiciens appellent que l'image déformée par un miroir de
« frises ». L'esthétique de ces jolies forme particulière. Ils ne deviennent
réalisations, qui semblent présenter visibles qu'en regardant le tableau à
d'infinies variantes, réside plus dans la travers ce miroir ou en se déplaçant
beauté et l'originalité des dessins de pour le voir sous un certain angle.
base que dans la variété de leur agen L'une des astuces de ces représenta
cement. La géométrie nous dit en effet tions se nomme « anamorphose » et de
que le nombre possible de leurs dispo nombreux artistes l'ont utilisée :
sitions est limité à sept. Léonard de Vinci vers 1488, dans un
dessin de visage d'enfant avec un œil.

.ngen±e
table couverte d'instruments symboli
sant d'une part les sciences du ciel,
d'autre part les choses terrestres.
§ Jusque là, rien que de conventiormel.
Pourtant, au bas du tableau, im étrange
« os de seiche » blanchâtre qui appa
remment n'a rien à faire là et ne repré
sente rien... sauf si on regarde le
tableau de biais en incidence rasante.
L'objet incongru devient alors identi
fiable : pas de doute, c'est un crâne qui
nous regarde à notre insu, rappel à
l'ordre du peintre sans doute pour
dénoncer la vanité du monde.

L'anamorphose est aussi utilisée par de


nombreux artistes contemporains,
comme Julian Beever, qui trace magis
tralement sur les trottoirs des dessins
ou très évocateurs ou très bizarres
« Œil en anamorphose » ou, plus près selon le point de vue du spectateur, tel
de nous, Salvador Dali. ce Babyfood, terrifiant de réalisme
d'un côté et complètement insignifiant
Le tableau-phare de l'anamorphose est d'un autre.
cependant celui de Holbein, Les
Ambassadeurs, de 1533. Sur ce
tableau, deux Traitement de ['image d'aujourd'hui

'' ' •" figurent de part Les artistes contemporains, on vient


et d autre d'une d'en voir un exemple, n'hésitent pas à

Babytood de
J. Beever,
l'envers du décor

Tangen-te Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER: LES ORIGINES ARTISTIQUES

Les sept types de frises


On peut compter les types de frises en faisant appel aux transformations du plan et à leur com
position. Les mathématiciens les répertorient comme le feraient les cristallographes :
• avec un « f » , comme « frise », pour la translation horizontale, qu'on retrouve dans tous les
modèles,
• un « 2 » si dans la répétition des motifs on trouve une symétrie centrale, un « 1 » sinon,
• un « m » à gauche si on y trouve une symétrie-miroir (réflexion) d'axe vertical,
• un « m » ou un « g » à droite s'il y a réflexion ou symétrie glissée (composition d'une
réflexion et d'une symétrie d'axes parallèles) d'axe horizontal.
Il n'y a donc que sept dispositions possibles : fl, flg, flm, fml, f2, fm2 et f2m. Cette nota
tion a le mérite d'être claire ; dans le type f2m, on fait par exemple subir au dessin de base
une symétrie d'axe vertical puis à l'ensemble obtenu un demi-tour ou symétrie centrale puis
on translate le tout jusqu'à reconstituer la frise entière.

Un lambrequin
du type fml.

Dentelle de
type flm.

Un lambrequin du type f2m

ir

déformer les images et pas seulement tries, translations, rotations, homothé-


par anamorphose. Ils sont nombreux - ties. Il savait si bien jongler avec toutes
sans être mathématiciens - à utiliser la ces transformations et les combiner
géométrie des transformations pour que ses dessins, pavages réguliers ou
donner à leurs œuvres un caractère ori non, hanteront longtemps notre imagi
ginal. naire.
On pense immédiatement au cas du
graveur M.C. Escher (1898 - 1972), Autre magicien des formes géomé
paveur extraordinairement inventif qui triques et de leurs transformations,
recouvrait le plan de motifs jointifs Victor Vasarely (1906-1997) nous a
déduits les uns des autres par symé laissé d'inoubliables ensembles où

Tungen±e
SAVOIRS Les transformations...

L'anamorphose
L'anamorphose est un procédé per-
mettant de représenter les objets réels
de façon géométriquement déformée
pour qui les regarde de face. L'image
véritable ne peut se rétablir que par
un déplacement de l'œil du spectateur.
Mathématiquement, l'anamorphose
associée à une eertaine courbe c, prise
comme miroir, et à un point O, le
« point de vue », transforme un point
M en son symétrique M'par rapport à
la tangente à c au point T
d'intersection entre (OM) et e. Ainsi,
un observateur dont l'œil serait en O,
croirait voir M alors qu'il voit M'
puisque le rayon lumineux provenant de M'lui arrive droit
dans l'œil via la courbe c.
Voir les articles sur le sujet, pages 12,16 et 36.

Tangente Hors-série n°35. Les transformations


1
INES ARTISTIQUES

cubes pour représenter


des personnages... à
condition de les regarder
sous un certain angle.

Timbre
p o s r r i ig?i
IliANCJ
Hommage à
l'hexagone
de Vasarely.

VASARELY

Mathématiques et arts
sont indiscutablement
liés, cela nous le savions
déjà. Nous venons, après
L'un des pavages les plus connus de Escher. cette promenade à tra
vers ces quelque œuvres
apparaissent souvent très claire- d'art, de voir quel rôle essentiel
ment les transformations mises en jouent les transformations géomé
jeu. Il a su mieux que tout autre triques dans cette « osmose », ce
« mettre en mouvement », tout sim qui nous permettra peut-être,
plement en utilisant les transforma comme le disait Vasarely, de
tions du plan, des formes géomé « reconnaître la géométrie inté L'une des ana
triques simples comme le carré, le rieure de la nature ». morphoses de
cercle, le triangle. E.B. Paul Kichilov.
La plasticienne Irène Rousseau
s'inspire, elle, des transformations
de la géométrie hyperbolique en
donnant à ses sculptures et ses
peintures « l'illusion d'épaisseur
d'un espace tri-dimensionnel ».
Elle rejoint en cela certaines des
gravures d'Escher comme la série
des Circle Limit.

Paul Kichilov, un autre artiste


d'aujourd'hui qui marie arts et
mathématiques, utilise à fond
l'anamorphose dans ses sculptures
éclatées enchâssées à l'intérieur de

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente


SAVOIRS par Manuel Luque

Que uoyons-nous
dans feau ?
Les jambes des baigneurs dans une piscine semblent minus
cules. Les objets sous Veau nous apparaissent déformés.
Pourquoi ?

n petit poisson, un petit oiseau Cette chanson de Juliette Gréeo

S'aimaient d'amour tendre (paroles de Jean-Max Rivière (1926-


Comment attra 1996)) expose le problème avec poé
Mais comment s'y prendre
per un poisson sie. De façon prosaïque, nous pouvons
Quand on est dans l'eau
quand on est penser au héron guettant le poisson, et
Un petit poisson, un petit oiseau
oiseau ? Comment à celui-ci cherchant à l'éviter.
S'aimaient d'amour tendre
éviter l'oiseau
Mais comment s'y prendre
quand on est Peut-être avez-vous le souvenir de vos
Quand on est là-haut
poisson ? premiers pas dans l'eau et de
l'angoissante question que vous vous
posiez ; « Jusqu'où puis-je avancer,
aurais-je encore pied si je vais plus
loin ? » Les apparences sont trom
peuses. Le fond de l'eau apparaît plus
près qu'il n'est en réalité, le poisson
que l'on croit pouvoir attraper facile
ment est un peu plus loin qu'on
l'imagine. Les images des objets et des
poissons dans l'eau, que nous obser
vons depuis notre espace aérien, nous
apparaissent différentes de ce qu'ils
sont en réalité : ils nous semblent plus
proches, plus petits, distordus. Ce qui
est en cause est le phénomène de la
réfraction. Pour comprendre ce phéno
mène, nous considérons un point lumi-

Tangenize Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

neux A dans l'eau et un point B dans


l'air. Parmi tous les rayons lumineux Un bâton dans
émis (ou diffusés) par ce point A, l'eau semble cassé
essayons de déterminer la trajectoire au niveau de ia
du rayon qui après avoir traversé la surface. On peut
surface de l'eau passe par B. Ensuite, distinguer le reflet
dans une deuxième étape nous consi de la partie supé
dérerons un objet ou un poisson dans rieure (à gaucbe)
l'eau et un spectateur au-dessus de de la réfraction de
l'eau dont nous essayerons de reconsti la partie inférieu
tuer l'image qu'il en perçoit. Pour ter re (à droite) grâce
miner nous inversons la situation, que à l'anneau noir.
voit un poisson qui regarde ce qui se
passe de l'autre côté de la surface, dans
l'espace aérien ?

Trajet d'un rayon lumineux


par rapport à la normale. Les données
y sont donc A (x^, et B (Xg, yg). Il
B s'agit de trouver I (xj,yj).
Si P et Q sont les projections orthogo
1\
1 \ nales de A et B sur la surface de l'eau

1 \(2 n, le point d'incidence I appartient au


1 segment [PQ] d'où : PI = tPQ où
1 \ I p n
r £ [0, I]. La figure précédente se situe
Q \ 1
1 dans le plan vertical passant par les
i\\ 11 points A et B. Le problème est donc de
\ 1 trouver I aligné avec les projections de
\ 1
A et B sur II. n = «j /«j est l'indice de
l'eau par rapport à l'air. Les relations
trigonométriques dans le triangle rec
Trajet d'un rayon lumineux partant de tangle montrent que la racine x, de
A et passant par B. l'équation :

Il s'agit de calculer les coordonnées du


point d'intersection I (de coordonnées + ^6
Xj et y,) d'un rayon lumineux émis par
comprise dans l'intervalle [x^, Xg]
un point A (x^, y^) situé dans la pisci
donne la solution du problème.
ne, par rapport à la surface de l'eau,
pour qu'après réfraction en I (le trajet
du rayon suit les lois de la réfraction de • i.d'jifii lie f iitidye
Descartes : «, sin /, = rij sin ce poisi l'obseruateur
rayon parvienne au point B (xg, yg)
censé représenter un observateur. On On considère un point A, situé dans
prend «2=1 pour l'air et «j = 1,33 pour l'eau, émettant des rayons lumineux
l'eau. /, et sont les angles mesurés dans toutes les directions et on isole.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente


SAVOIRS Les transformations...

par la pensée, un mince pinceau lumi


Comment un poisson perçoit-il
neux qui après réfraction à la surface
notre iiniuers ?
de l'eau pénètre par la pupille dans
l'œil d'un observateur. L'œil ne
Grâce aux lois de la réfraction, nous
« voit » pas les lignes brisées et inter
pouvons reconstituer ce qu'un poisson
prète les rayons qu'il reçoit comme
peut voir au-delà de la surface de
s'ils venaient tout droit. L'observateur
l'eau.
voit A' qui est l'image, virtuelle, de A
par réfraction. En appliquant ce princi
pe à tous les points de l'objet observé,
on peut reconstituer l'image totale. Sur
les figures, la position réelle est grisée,
l'image observée est en couleurs.

À l'extérieur de
l'eau, l'œil voit le
poisson en couleurs
alors que sa po.sition
réelle est en gris.

Un poisson ne voit pas l'oiseau où il est.

M.L.

Tangente
an fil de
l'eau

'14 Tangenize Hors-série n°35. Les transformations


par E. Busser EN BREF

Paul Kichllou, Julian Beeuer,


l'anamorphose en actes champion du trompe |
Cet artiste contemporain, né à Moscou,
Français vivant en Grèce, aimerait, nous l'œil par anamorphose
dit-il, « revenir en arrière, s'en retourner,
pour quitter ce monde de lois mathéma Dessinateur de trottoir depuis plus de dix
tiques pour un monde oublié de rires ans, l'artiste britannique Julian Beever a
mathématiques ». travaillé dans le monde entier, représen
Apparemment fasciné par l'algèbre tant aussi bien des tableaux de maîtres que des
linéaire, il dessine des espaces vectoriels en dessins originaux très
forme de rosaces et des matrices dont les inventifs. Sa spécialit >
éléments sont des totems et des paysages. et son originalité, c'est
Il cherche alors à « obtenir une tête sur l'anamorphose don
l'élément en haut à gauche soit en échan nant une parfait illu
geant deux totems soit en échangeant deux sion de 3D. Vu sous
paysages ». Nous retiendrons de lui sur un certain angle, cela
tout de lui son usage « abusif » de l'ana ne ressemble à rien,
morphose : dehors, c'est le bâti d'un cube mais vu sous l'angle
en bois. Dedans, c'est le monde intérieur adéquat, c'est autre
d'un poète. De quoi est-il fait ? A priori de chose...
divers objets suspendus à des fils de pêche,
à l'intérieur du cuhe. Un écran est fixé sur
l'une des faces. Sur la face opposée, un spot
projette une lumière violente sur les objets.
Leur ombre reconstitue le visage du poète
sur l'écran. Magique, non ?

Paul Kichilov
et son anamorphose de Henri Thomas
Julian Beever par David Shankhone

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente "15


SAVOIRS par Manuel Luque

Images dans une


boule de iloël
Regardez une boule déeorant un sapin de Noël. Le monde
alentour s'y reflète, mais de façon déformée. Quelle loi régit
eette réflexion ?

Reflet d'une
C'estla belle nuit deNoël
La neige étend son manteau
sortie d'un garage ou à un carrefour est
insuffisante, ou bien dans certains
sculpture de blanc magasins pour des motifs de sur
Jacques Coquillay Et les yeux levés vers le ciel, veillance, on voit également des
dans une boule de A genoux, les petits enfants. miroirs bombés donnant de
Noël. La différen Avant de fermer les paupières, l'environnement un panorama très
ce de proximité Font une dernière prière. large. On peut prendre aussi une boule
avec la boule rend
argentée ou dorée que l'on suspend aux
son buste démesu
Cette chanson de Tino Rossi (paroles branches des sapins de Noël, pour voir
ré par rapport à
de Raymond Vincy (1904-1968)) fait le décor se réfléchir dans la boule avec
ses jambes,
penser aux arbres de Noël et à leurs une distorsion bien particulière.
comme le montre
décorations : les fameuses boules.
l'original photo
Dans les villes, lorsque la visibilité à la Les Égyptiens et les Phéniciens fabri
graphié de face.
quaient des miroirs en verre et
d'après Pline, cité par Louis
Figuier dans son livre Les
Merveilles de l'industrie, c'est
en Phénicie que furent inven
tés les miroirs de verre : « Ils
sont circulaires et ont cinq à
six centimètres de diamètre.
Leur face extérieure est
légèrement convexe » (voir
l'encadré « Les miroirs de
sorcières »).

16 Tangen-te Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

Les miroirs
de sorcières
Les miroirs de verre qu'évoquent quelques
auteurs du Moyen Âge sont de petits
miroirs bombés, de médiocre qualité,
mais déjà jugés supérieurs aux miroirs de
métal. Ce sont ces miroirs, appelés miroirs
de sorcières, que représentent les tableaux
flamands : celui qui est posé sur la table
du Prêteur et safemme, 1514, de Quentin j
Metsys (1466-1530) ; celui qui pend au
mur de la chambre du Mariage de
Giovanni Arnolfini, 1434, de Jan van Eyck
(1390-1441) ; c'est aussi dans un miroir Le prêteur et sa femme, 1514,
bombé que se mire, fascinée, la licorne de de Quentin Metsys. Remarquez le petit
l'allégorie de la vue dans la tapisserie La miroir sphérique.
Dame à la licorne... Pas plus grands qu'une
soucoupe et toujours bombés, ils déforment l'image. Ces miroirs étaient fabriqués en
soufflant une boule de verre fixée à un pointil et à laquelle était imprimée une rotation
rapide : le verre s'évase alors en une sorte de plateau dans lequel on peut découper de
petits carreaux. Pour obtenir un miroir, il fallait ensuite pratiquer l'étamage, c'est-à-
dire appliquer du plomb à froid dans la partie concave. Cette dernière opération a évo
lué lentement. On a d'abord remplacé le plomb par l'étain puis, au début du XVI® siècle,
les miroitiers ont utilisé le mercure, comme semble l'indiquer le grand trafic de vif-
argent transitant alors par Anvers.

Sabine Melchior-Bonnet, Histoire du miroir (1988).

Description du phénomène On considère un point lumineux A


émettant des rayons lumineux dans
toutes les directions et on isole, par la
pensée, un mince pinceau lumineux
qui après réflexion sur le miroir
pénètre par la pupille dans l'œil d'un
observateur. L'œil ne « voit » pas les
lignes brisées et interprète les rayons
qu'il reçoit comme s'ils venaient tout
droits. Il s'agit d'étudier la réflexion
d'un mince pinceau conique émis par
A se réfléchissant sur le miroir sphé
L'œil interprète tous les rayons rique et pénétrant dans l'oeil de
comme droits, il imagine donc le l'observateur. Ce problème est com
point A en A'. plexe et a été étudié exhaustivement

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 17


SAVOIRS Images dans une boule de Noël

par Henri Bonasse (1866-1953) au début Pour avoir une idée de la loi de défor
du XX® siècle (voir son livre : Optique mation supposons l'oeil assez loin
géométrique supérieure, Delagrave pour que les rayons réfléehis qui y par
(Paris), 1917). De nos jours, il est pos viennent soient quasi-parallèles.
sible de l'étudier de façon approchée, Appelons p' la distanee d'un rayon à la
grâce à la puissance de calcul des ordi droite (TB). Soit R le rayon de la
nateurs. Nous pouvons également effec boule. L'angle d'incidence / vérifie :
tuer quelques calculs simplifiés. sini-i
Expérience de
Expérience de uislon dans une boule Le point où le rayon eonjugué coupe
vision dans une
l'écran E est à une distanee p de (TB)
boule.
Pour effectuer l'expérience, on se sert donnée par la formule :
d'une boule de jardin p = D tan 2i.
achetée dans le com Une relation entre p et p' en découle
merce, ou d'un petit via les formules de trigonométrie. Le
ballon de verre de nombre p devient infini quand l'angle i
5cm de diamètre envi est égal à 45° ce qui correspond à
ron dont on argente la p' = 0,7 R environ. En eonséquence, si
surface extérieure. On grand que soit le earton, son image
peut également argen- occupera moins des sept dixièmes du
ter extérieurement une diamètre de la boule.
bille. Sur une très gran Cette formule a permis de eréer
de feuille de carton l'image de « Tangente » ci-dessous.
blanc E, on trace un
quadrillage en traits noirs épais. On M.L.
regarde l'image de ce quadrillage par
un petit trou percé au centre du carton
(voir la figure « Expérience de vision
dans une boule »).
Le quadrillage La distance D = TB est prise d'une
de la feuille trentaine de centimètres. Le quadrilla
apparaît défor ge apparaît déformé en barillet, mais
mé en barillet. parfaitement net.

On écrit « Tangente » sur une feuille de


papier quadrillé vertieale et « l'aventure
mathématique » sur une feuille horizontale,
ensuite on place ces deux feuilles devant la
boule avec le texte du côté du miroir. Par un
petit trou pereé au centre de la feuille verti
cale, on observe l'image obtenue dans le
miroir, c'est celle-ci qui est reproduite.

18 Tangente Hors-série n°35. Les transformations


par B. Hauchecorne et J.-J. Dupas EN BREF

Architectes
et mathématiciens !
Savez-vous que l'architecte de l'église Sainte Sophie
d'Istanbul, joyau de l'art byzantin, était aussi un
mathématicien ? Lorsque l'empereur Justinien décide
de reconstruire cette basilique pour montrer sa puis
sance, il souhaite la surmonter de la plus grande cou
pole jamais construite. Il fait appel à Anthemios de
Tralles connu pour ses travaux mathématiques sur les
coniques. On doit à celui-ci la méthode de construc
tion d'une ellipse avec une ficelle et une étude des
propriétés du foyer d'une parabole. La construction commencée en 532 s'acheva cinq ans plus tard.
La fin des travaux furent l'œuvre d'Isidore de Milet, Anthemios étant décédé en 534.

Plus de onze siècles plus tard, la reconstruction de la cathédrale Saint Paul à Londres, suite à
l'incendie qui ravagea la capitale anglaise en 1666, fut aussi l'œuvre d'un mathématicien. Christopher
Wren a calculé la longueur de certaines courbes et a montré que l'hyperboloïde à une nappe est
engendré par une droite qui tourne autour d'une autre droite non située dans un même plan.

Les larves de mouches


et les maths
Hubert Duprat est né en 1957, il vit et travaille au sud de la France,
c'est à partir des années quatre-vingt qu'il s'est fait connaître par
son travail sur les larves des mouches utilisées par les pêcheurs.
Mais ici son inspiration est géo
métrique comme avec ce magni
fique polyèdre hlanc qui semble
être un cristal. Si on regarde de
plus près, des coniques (cercles,
ellipses, paraboles, hyperboles)
apparaissent. Comme si les plans
du polyèdre avaient coupé un
monde fait de cônes. Car si pour
Platon, les éléments sont des
polyèdres réguliers, pour Hubert
Duprat, dans cette œuvre, la
matière est faite de cônes.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 19


HISTOIRES par Olivier Keller

Transformations
à l'Age de pierre
L'homme préhistorique a-t-il inventé la géométrie ?
Plusieurs transformations géométriques se trouvent déjà
dans Vart de l'Âge de pierre.

Depuis la Préhistoire, rhomme


impose des régularités aux
gestes réguliers. Très vite, on passe aux
premiers façonnages de galets : un
matériaux qu'il utilise. La tranchant est créé par enlèvement de
taille des outils de pierre en est une quelques éclats de chaque côté. La
preuve aux périodes les plus reculées symétrie existe, au moins dans le geste
(Paléolithiques inférieur et moyen : du tailleur. Elle crée deux surfaces,
jusque vers -40 000). L'art pariétal et dont l'intersection donne le tranchant.
mobilier en sont deux autres au Cependant, cette symétrie gestuelle ne
Paléolithique supérieur (à partir de se traduit guère en une symétrie réelle
-40 000 en Europe). Ces régularités du galet taillé (voir la figure « Galet
sont des embryons de géométrie. taillé »).
Il en est autrement lors de la grande
Symétrie et similitude dans les bifaces époque des bifaces, que l'on trouve par
Galet taillé sur deux milliers dans de nombreux sites. Elle a
faces. Hadar, Les premiers outils connus sont des duré un million d'années jusque vers
Éthiopie, vers-2,3 éclats tranchants informes, provenant -500 000 en Afrique et plus tard encore
millions d'années. du débitage d'un galet au moyen de en Europe. Le façonnage s'étend alors
au galet tout entier, et tend à produire
deux symétries orthogonales par rap
port à deux plans perpendiculaires :
une symétrie en vue de profil et une
symétrie en vue de face (voir la figure
« Biface »).

D'abord outils grossiers, puis de plus


en plus perfectionnés au cours du
temps, il semble que les tailleurs ont

20 Tangente Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

Projections et symétries
dans l'art pariétal

Les chevaux, bisons, rennes, mam


mouths, rhinocéros etc. que nous admi
rons dans les grottes ornées du
Paléolithique supérieur peuvent être
considérés comme des projections. Ils
reproduisent sur la paroi rocheuse
l'image visuelle de ces animaux, c'est-
à-dire la projection de l'animal réel sur
la rétine. Mais ce n'est que partielle
Biface, avec ses deux plans de symétrie ment vrai, et dans ce « partiellement »
perpendiculaires. Aurillac, vers réside tout l'intérêt de l'étude géomé
-300 000 ? trique de l'art pariétal.
Une fois la direction choisie (vue de
cherché à réaliser des symétries par dessus, de profil, de face, de trois-
faites et, par conséquence, les objets quarts etc.), la projection, au sens
les plus beaux. Dans les symétries les mathématique, ne fait correspondre à
plus réussies, le pourtour du biface chaque point de l'objet projeté qu'un
contenant le tranchant utile est
situé dans le plan de la symétrie
en vue de profil. Les premières
lignes planes que sont les tran
chants des bifaces sont créées
par l'action symétrique du
tailleur. Les préhistoriens ont
repéré quelques formes stan
dards de bifaces (voir la figure
« Quelques types de bifaces »).
Quelques types
Qui dit formes standards dit pro de bifaces :
portions déterminées, donc simi triangulaires
litudes. Le simple relevé de la (ligne du haut),
largeur maximale et de la hau cordiformes
teur de bifaces peut montrer une (ligne du milieu),
corrélation remarquable (voir la ovalaire, limande
figure « Diagramme »), même si et discoïde
la recherche sur la question est (ligne du bas).
loin d'être achevée.
Les tailleurs du Paléolithique
inférieur ont créé, avec un cer
tain sens de la similitude, des
lignes planes, ayant dans certains
cas des formes prédéterminées.
Mais la ligne proprement dite
n'apparaît qu'avec l'art pariétal.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente


HISTOIRES Transformations à l'Âge...

point de la surface de projetée. Et comme l'art pariétal


représentation ; d'un point montre aussi des contours pointillés,
de vue strictement géomé ils ont aussi inventé le point en
trique, nous n'avons à symbolisant la ligne (voir la figure
prendre en compte ni les « Bouquetins »).
couleurs, ni les effets de
relief éventuels, et nous ne
devons considérer qu'une
tache uniforme, une ombre
projetée. Une peinture de
bison avec ses riches
nuances est par conséquent
bien davantage qu'une
projection. Il n'y a guère
Diagramme illus que les « mains », négatives ou posi Bouquetins affrontés, dont un en poin
trant une assez tives, qui puissent être qualifiées de tillé. Noter la symétrie des deux bouque
bonne similitude projections au sens strict (voir la figure tins et le signe rectangulaire. Grotte de
des bifaces du site « Main négative »). Lascaux (Dordogue), vers -15 000.
de Kilombe
(Kenya), Par ailleurs les artistes du Paléolithique
vers -700 000. supérieur, loin de se laisser guider par
l'impression visuelle spontanée, utili
sent au contraire librement diverses
projections dans une même image pour
construire une figure. C'est par
exemple ce que l'on appelle la « pers
pective tordue », où le corps d'un bison
est représenté de profd, alors que les
cornes sont vues de face ou de trois-
Main négative. quarts (voir la figure « Bison gravé »).
Grotte de Pecb-Merie (Lot), vers -16 000
Certains chevaux de Lascaux représen
Mais il y a aussi, et en très grand tés de profil semblent montés sur rou
nombre, des images pariétales limitées lettes, comme les rhinocéros de la
à des contours gravés, peints ou dessi grotte Chauvet ; il est probable qu'il
nés au charbon de bois ; et ces images- s'agit de sabots en vue de face ou de
là, quant à elles, sont bien moins dessous. On connaît même des cas
qu'une projection, puisque nous n'en extrêmes avec ces représentations de
avons que le contour, et que celui-ci chars mis à plat, fréquents en Chine, au
n'est que le signe d'une projection. Sahara et en Europe duNordà l'Âge du
C'est une frontière qui est ainsi mar bronze (voir la figure « Chars de l'Âge
quée, une limite entre l'image projetée du bronze »). Sans discuter les raisons
et son extérieur, matérialisation de de ces constructions, il est clair qu'elles
l'idée de ligne. Si l'on accepte ce rai sont volontaires, puisque les peintres et
sonnement, nos ancêtres de la dessinateurs de l'époque savaient très
Préhistoire ont inventé la ligne sous sa bien reproduire l'impression visuelle
forme de contour, symbole de l'image spontanée.

22 Tangen±e Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

Frises et rondelles dans l'art mobilier tée de motifs qui se déduisent l'un de
l'autre par une même translation le
Le décor en frise apparaît sur des long d'un axe ; le type d'une frise est
objets allongés en os ou en bois animal défini par les transformations qui lais
(baguettes, propulseurs, harpons etc.) sent celle-ci invariante. On démontre
dès les débuts du Paléolithique supé qu'il y en a sept (voir le tableau « Les
rieur. Dans les premières périodes, il sept types de frises ») ; le type I est le
ne s'agit que d'une succession type « maximal », invariant par la tota
d'entailles perpendiculaires à l'axe de lité des transformations possibles :
la pièce ; plus tard, ces frises s'affinent translations, symétrie orthogonale par
comme si une longue pratique avait rapport à l'axe, symétries orthogonales
provoqué une analyse isolant et combi par rapport à des droites perpendicu
nant les transformations possibles. laires à l'axe, symétries par rapport
Expliquons-nous. Une frise est faite à des points de l'axe et symétries
d'une succession théoriquement illimi glissantes (produits d'une symétrie

Types de frises Transformations présentes

Toutes : translation parallèle à l'axe


(t), symétrie par rapport à l'axe (s),
symétries par rapport à certains axes
perpendiculaires à l'axe de la pièce
(s'), symétries par rapport à certains

HH points de l'axe (p), symétries glis


santes (sg).

Toutes sauf s.
U U
T t et p.
I
/ /
t, s et sg.

t et s'.

Les sept types


r
f de frises.

t et sg.
/ /

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 1531


HISTOIRES Transformations à l'Âge...

Le type VI est le type « mini


Objet Types de frises mal », invariant uniquement
par des translations. Entre les
deux figurent les autres types
Os gravé de La-Roche-
invariants par deux, trois ou
Lalinde. Périgord.
quatre transformations.

Or, le type 1 « maximal » est


Alignements de chevrons le seul présent dans les pre
(type IV) et zigzags (type mières frises, simples suites
11). Bois de rerme gravé, d'entailles perpendiculaires à
Laugerie-Basse, Périgord. l'axe, alors que les autres ne
contenant qu'une partie des
transformations possibles
Incisions obliques (type n'apparaissent que dans la
111). Bois de rerme gravé, dernière période du
grotte des Espélugues, Paléolithique supérieur. Tout
Pyrénées. se passe comme si une
longue pratique avait provo
Chevrons superposés et qué une analyse de la frise de
alignés (type V). type 1, la plus « globale »,
Gravure sur os du Placard, conduisant ainsi à la décou
Charente. verte empirique des divers
types de frises, tous présents
dans l'art mobilier comme on
Frise d'animaux (type VI). peut le constater dans le
Bois de cervidé, Laugerie- tableau « Exemples de
Basse, Périgord. frises ».

Gravure sur baguette d'os La plupart des frises structu


(typeVll). Saint Marcel, rent la surface de l'objet
décoré suivant deux direc
Indre.
tions, l'axe de la pièce et sa
perpendiculaire, alors que les
Exemple de compositions géométriques sont rares
« perspective dans l'art pariétal ; dans ce sens, à tra
tordue ». Bison vers l'art mobilier, on trouve l'idée de
gravé, La Grèze surface comme objet « de dimension
(Dordogne), vers deux ». Les graveurs préhistoriques
-18 000. avaient une idée de symétrie orthogo
nale, et donc une idée de ligne droite et
d'angle droit. Dans ces conditions, si
l'on accorde le statut de frise à un
motif tel que celui de l'os gravé de
orthogonale par rapport à l'axe et Lalinde (voir le tableau « Exemples de
d'une translation parallèle à cet axe). frises »), les quatre figures centrales

Tangente Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

que l'on y voit peuvent être appe


lées rectangles. L'analyse de l'art Rectangles, grotte
mobilier amène à attribuer aux de Lascaux.
décorateurs de la fin du
Paléolithique l'invention des
figures standard en dimension
deux. Nous avons parlé de certains
rectangles, il y en a d'autres à
Lascaux par exemple (voir les
figures « Rectangles » et
« Rondelles »), et il y aurait une
recherche intéressante à faire sur
les triangles gravés découverts en
2005 dans la « Grotte du Triangle » Rondelles d'ivoire
(voir le site Internet ®(>0, de Sungir
http ://www.cavemes-saintonge.info/ (Russie),
rcdec.htm) en Charente-Maritime. vers -23 000.
Il nous reste à dire un mot des
cercles. tout lorsque les rayons contiennent
le même nombre de points comme
dans une rondelle de Sungir (voir la
figure « Rondelles »).

De longs développements seront


encore nécessaires, au Néolithique
et dans les empires primitifs
(Égypte et Mésopotamie), pour
transformer ces inventions en
Exemple de l'un des nombreux concepts et en systèmes de
chars de l'âge du bronze en Chine, concepts, et doimer enfin naissance
en Afrique et en Europe. Gravure au plus ancien texte connu de
rupestre, Chine. science de la géométrie : les
Eléments d'Euclide, à Alexandrie,
C'est principalement dans les der vers -300.
nières périodes du Paléolithique O.K.
supérieur que l'on trouve de nom
breuses rondelles d'os, d'ivoire ou
de bois animal, généralement POUR EN SAVOIR PLUS
considérées comme des objets de
• Keller, Olivier. Aux origines de la géométrie. Le
parure. L'intérêt pour nous est
Paléolithique et le monde des chasseurs-cueilleurs.
qu'elles ont presque toujours un
Paris ; Vuibert, 2004.
trou en leur centre et que nombre
• Keller, Olivier. La figure et le monde. Une archéolo
d'entre elles ont un décor rayon
nant ; il est difficile de ne pas y voir gie de la géométrie. Peuples paysans sans écriture et
premières civilisations. Paris : Vuibert, 2006.
la matérialisation de l'idée de
cercle, ou au moins de disque, sur-

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente


ACTIONS par Thierry de La Rue

Réflexions
sur le miroir
Pourquoi le miroir échange-t-il notre bras gauche avec notre
bras droit mais pas notre tête avec nos pieds ? Si, avant de
passer au travers, Alice avait d'abord tenté de discuter avec le
miroir, ce dernier lui aurait sans doute expliqué quelques
problèmes de symétries...

Tout en mettant sa
boucle d'oreille
droite, Alice s'amu
sait de voir que son reflet
dans le miroir exécutait les
mêmes gestes qu'elle, mais
au niveau de son oreille
gauche. Laissant maladroite
ment tomber son autre
boucle, Alice se baissa pour
la ramasser. Naturellement
son reflet fit de même, et cela
suscita chez Alice une inter
rogation qu'elle ne put s'em
pêcher de formuler à voix
haute. Il est impossible de superposer
— Dis-moi miroir, pourquoi inverses-tu un objet à son reflet dans un
En général, toujours la droite et la gauche, mais miroir.
un objet jamais le haut et le bas ?
et son rejlet Ayant toujours considéré le miroir des gens, mais un phénomène empêche
en général que l'objet réel et son reflet
ne sont pas comme un objet un peu magique, Alice
ne s'étonna pas de l'entendre répondre. soient superposables : dans l'image
superpo- reflétée, l'espace a changé son sens
— Tu vois, Alice, je suis doté du pou
sables. voir de dupliquer l'image des objets et d'orientation.

Tangen±e Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER; LES ORIGINES ARTISTIQUES...

— Qu'est-ce que cela veut dire ? miroir, mon beau miroir


— Imagine trois arêtes partant d'un
sommet d'un cube. Elles représentent — Oh, je n'y suis pour rien, répondit le
les trois directions de l'espace : droite- miroir. Pour moi, les directions droite-
gauche, haut-bas, devant-derrière. gauche et haut-bas me sont absolument
Colorie-les de trois couleurs diffé indifférentes. Cela tient plutôt à la géo
rentes, et représente-toi le reflet de cet métrie du corps humain : la droite et la
objet : il est impossible de le superpo gauche du corps étant à peu près symé
ser à l'objet de départ, car si tu fais triques l'une de l'autre, il est possible, à
coïncider deux des trois couleurs, la quelques détails près, de superposer la
troisième arête part toujours du mau vraie Alice à son image reflétée en échan
vais côté ! geant les côtés droit et gauche. C'est
— Tu as raison, confirma Alice après comme si l'une des trois arêtes du cube
avoir essayé toutes les possibilités. Mais avait été prolongée de manière symé
je constate aussi que je peux choisir trique de l'autre côté du sommet : le reflet
celle des trois arêtes qui se trouvera devient alors superposable à l'objet réel,
reflétée du mauvais côté. Cela ne m'ex si on échange les deux extrémités de
plique pas pourquoi, dans l'image que tu l'arête symétrique. En résumé : la
me renvoies, ce sont toujours la droite et gauche et la droite sont inversées pour
la gauche qui sont échangées. ton image dans le miroir parce que le

Illustration de John Tenniel pour la suite des aventures d'vMice,


De l'autre côté du miroir de Lewis Carroll.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangen-te IZ71


ACTIONS Réflexions sur le miroir

Une main droite est toujours une


main droite

— Euh, oui... Tu semblés avoir raison,


convint le miroir. C'est bizarre, laisse-
moi réfléchir un peu... Oui, il me semble
voir une différence essentielle entre toi

(// Un miroir
et ce croissant de lune : pour toi, la
droite et la gauche sont définies de
manière intrinsèque, c'est-à-dire que ta
double main droite est toujours ta main droite,
n'inverse pas peut importe d'où l'on te regarde. Mais
les images pour le croissant de lune, c'est différent :
ce que toi tu nommes la moitié gauche
de la lune serait la moitié droite pour
quelqu'un qui serait de l'autre côté !
corps humain possède une symétrie — Bon, dit Alice, mais le haut et le bas
gauche-droite, mais pas haut-bas ! ne sont toujours pas échangés !
— Bon, dit Alice, si ta théorie est bonne, — Là encore, je n'y suis pour rien !
tu devrais donc pouvoir échanger le haut C'est toi seule qui dans ce cas peux
et le bas d'un objet qui possède une symé décider d'inverser Tune ou l'autre
trie par rapport à un plan horizontal... direction.
— C'est un défi ? — Je ne vois vraiment pas comment...
— Exactement, dit Alice qui cherchait — En fait, tu observais la lune par la
déjà des yeux un objet qui posséderait fenêtre et tu t'es retournée pour voir le
une telle symétrie. reflet. Naturellement tu es restée debout
Ne trouvant rien qui convienne dans la et tu as pivoté autour d'un axe vertical
pièce, elle se retouma et regarda par la pour me faire face. Cela n'a pas changé
fenêtre. pour toi le haut et le bas, mais les objets
— Ah ! Voilà qui devrait faire l'affaire ! qui étaient à ta gauche sont maintenant à
dit-elle. Vois-tu ce croissant de lune ? Le ta droite. Imagine que pour te retoumer,
haut et le bas sont symétriques, mais tu aies pivoté autour d'un axe horizontal
certainement pas la droite et la gauche, (une barre fixe, comme en gymnastique,
puisque seule la moitié gauche est éclai placée parallèlement au miroir). La tête
rée. Voyons ce que tu peux faire avec un en bas, regarde le reflet de la lune ; c'est
tel objet. toujours la moitié gauche qui est éclairée,
Lorsqu'elle se retourna, l'image de la mais cette fois le nuage est en bas.
lune que lui renvoyait le miroir rendit Comme tu vois, je suis tout aussi capable
Alice encore plus perplexe. d'échanger le haut et le bas que la droite
— Décidément, tu ne sais vraiment et la gauche !
qu'inverser la droite et la gauche ! T.R.
Pour le reflet de la lune, c'est mainte
nant la moitié droite qui est éclairée ;
mais le petit nuage qui voilait le haut Bibliographie
du croissant lorsque je regardais par la
fenêtre est toujours en haut ! Martin Gardner, L'Univers ambidextre,
Dunod, 1967.

rzsi Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


par Michel Criton JEUX & PROBLEMES

Essais à Niveau de difficulté


o très facile
✓ facile
✓✓ pas facile

transformer ✓✓✓
✓✓✓✓
difficile
très difficile

HS3501 - La frise O HS3503 - Les dents de la mer o

Une frise est constituée d'une figure d'une Ce puzzle est constitué de deux
forme curieuse qui se répète 40 fois. pièces identiques posées sur un
support plan. Les
seuls mouve
ments autorisés
sont les mouve
1 2 3 ments de transla
Sachant qu'un petit carreau repré tion dans le plan commun des
sente Icui^, quel est le périmètre dela deux figures.
frise ainsi construite ? En combien de mouvements, au
minimum, peut-on les désolida
HS3502 - Une frise qui défrise ✓ riser l'une de l'autre ?

Thomas a découpé quarante formes HS3504 - Les iiesaminos ✓


identiques à celle représentée ci-contre.
Il a commencé à les assembler en une Un hexamino est un assemblage de six
frise régulière. petits carrés identiques (l'assemblage
se faisant par les côtés des carrés). Il
Lorsqu'il aura fini de poser la 40® existe 35 hexaminos différents (sans
forme, compter les symétriques).
3 cm
quel sera Quels sont ceux qui possèdent un ou
le péri plusieurs axes de symétrie ?
1 cm mètre de Quels sont ceux qui
la frise possèdent un centre
ainsi for de symétrie ? 1234 567 8 9 10

mée ?
m

0,0» 0 0 0 i,

Source des problèmes


Championnat des Jeux Mathématiques et Logiques (HS3501, HS3502)
Revue Ciibism forfun (HS3503) Manuel Aventore Math (HS3504)
Suite en page 33.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangen±e |


ACTIONS par Michel Criton

Découpages
siamois
Kimmo Eriksson a trouvé un algorithme permettant de véri
fier si une figure est composée de deux parties superposables.

Les problèmes de découpages


sont considérés plutôt comme
clut pas l'existence d'un autre décou
page, comme le montre Lm Carafe.
des puzzles que comme de De même, toute figure admettant un
véritables problèmes. La raison en est centre de symétrie peut être partagée
que très peu de méthodes existent pour en deux parties congruentes, et ce
étudier les découpages, et que l'intui d'une infinité de façons (sans retourne
tion inspirée est souvent plus utile que ment). Un exemple en est donné par
le raisonnement pur. Il existe cepen les symboles yin et yang.
Un simple dant quelques pistes pour les étudier
puzzle peut systématiquement.

être à l'ori
Nous considérerons les découpages
gine d'un d'une figure en deux parties superpo
algorithme sables. Nous ne citerons que pour
mémoire les figures présentant un axe
de symétrie, qui, de
manière évidente,
Le Taijitu (symbole du YînYang).
sont « découpables » Le jeu devient plus intéressant, mais
(sécables) en deux plus difficile aussi, pour des figures ne
parties superpo présentant aucune symétrie. Ainsi, la
sables (après retour « silhouette d'usine » (voir L'Usine)
nement de l'une des peut être découpée en deux parties
deux). On notera superposables.
cependant qu'un tel Il est facile de construire un tel pro
découpage selon un blème : on assemble deux exemplaires
La carafe.
axe de symétrie n'ex d'une même figure, l'un des deux ayant

1301 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: LES ORIGINES ARTISTIQUES.

éventuellement été retourné au préa départ parmi les points de l'ensemble S,


lable. Il est beaucoup moins facile de et, dans une moindre mesure, dans le
le résoudre. choix des sens de déplacement (il n'y a
que quatre possibilités à essayer).
Lorsqu'une tentative n'aboutit pas, de
deux choses l'une. Soit on se trouve
confronté à une impossibilité de déplace

L'usine.
La méthode de Kimmo Eriksson

Kimmo Eriksson, brillant et éclectique


mathématicien suédois, a imaginé une ment pour l'un des deux tracés avant que Méthode de
méthode systématique de résolution de ce ceux-ci ne se soient refermés (il y a Kimmo
problème. Pour cela, on considère l'en impossibilité si chacun des deux tracés, Eriksson.
semble S des « sommets » (A, D, F et H par exemple, doit sortir de la figure pour
sur la figure) auxquels on adjoint les suivre l'autre). Soit les deux tracés se
milieux des « côtés » (B, E, G et I) du referment, formant ainsi deux parties
polygone à découper. On choisit deux superposables, mais il reste une partie de
points de l'ensemble S (D et F ici) et un la figure qui n'est incluse dans aucune des
sens de déplacement à partir de chacun deux parties.
de ces deux points (il y a donc quatre
choix possibles). Questions ouuertes
On se déplace alors
« parallèlement » Afin que vous puissiez vraiment tester
sur le bord de la cette méthode, nous avons rassemblé
figure en partant pour vous 38 figures à partager en deux
des deux points. Le parties superposables. Quelques ques
mot « parallèle- tions demeurent ouvertes :
Préliminaire de ment » ne doit pas 1 - Existe-t-il des cas où la méthode de
la méthode de gtj-g p^s dans le Kimmo Eriksson est inapplicable ?
K. Eriksson. ggjjg littéral, il 2 - Est-U toujours suffisant de prendre les
signifie que les trajets engendrent des tra sommets et les milieux des côtés ?
cés superposables. L'algorithme de 3 - Existe-t-il des figures non triviales
Kimmo Eriksson repose sur le fait que, si décomposables de plus de deux façons ?
une figure T est décomposable en deux M.C.
parties superposables (on dira que ces
deux parties se correspondent), alors il
existe deux parties du bord de T qui se Kimmo Eriksson né en 1967 en
correspondent. Autrement dit, l'image du Suède est professeur de mathé
bord de T dans la correspondance entre matiques à l'université de
les deux parties ne peut être entièrement Mâlardalen en Suède. Il est
incluse dans l'intérieur de T. notamment spécialiste de combi
La seule difficulté, non négligeable, natoire et de théorie des jeux.
réside dans le choix des deux points de

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente I3n


SAVOIRS Découpages siamois

Solutions en page 156.

Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


par Michel Crlton JEUX & PROBLEMES

HS3505 - Symdoku ✓ de 0 à 9 s'affiche grâce à Niveau de difficulté


l'allumage de certains cris o très facile
0
La grille ci-dessous est une grille de taux dans une matrice fixe
✓ facile
sudoku classique dans laquelle on a la de sept cristaux liquides ✓✓ pas facile
règle supplémentaire suivante : (voir figure ci-dessus). Les ✓✓✓ difficile
la somme des nombres situés dans deux matrices de l'écran sont ✓✓✓✓ très difficile
cases symétriques par rapport au centre régulièrement espacées.
de la grille est toujours égale à 10. L'affichage de certains nombres à trois
chiffres, lorsqu'il apparaît sur l'écran,
présente un centre de symétrie.
Combien y a-t-il de nombres à trois
chiffres (ne commençant pas par un
zéro) présentant cette propriété ?
Remarques ; Le chiffre 1 s'affiche tou
jours à droite dans la matrice. Dans la
symétrie, on ne prend en compte que
les cristaux allumés.

HS3508 - Symétrie sans retournement


✓✓

Complétez cette grille. On veut découper le triangle ABC,


puis déplacer les morceaux sans les
HS3506 - L'effet miroir ✓✓ retourner et les réarranger de façon à
recouvrir exactement le triangle DBF.
Anna est en train de se
faire belle, car elle sort
aujourd'hui... Soudain,
elle aperçoit sa pendule
dans le miroir (c'est une
pendule à aiguilles et elle
est à l'heure). Horreur, il
est exactement l'heure où C E
elle devrait partir et elle
n'est pas prête ! Elle jette alors un coup À vous de jouer !
d'œil à l'horloge de l'église (qui est à
l'heure), par la fenêtre, et elle constate
qu'elle dispose encore d'exactement une
heure pour se préparer. Source des probièmes
Dessinez les positions de la petite et Championnat des Jeux Mathématiques et Logiques
de la grande aiguille de l'horloge de (HS3506,HS3507)
l'église. Waaaéi Aventure Math (HS3505)
121 rapidos et autres énigmes mathématiques (HS3508)
HS3507 - Symétrie à trois chiffres ✓✓

L'affichage de cette calculatrice est à


cristaux liquides. Chacun des chiffres Suite en page 46.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente


SAVOIRS par Hervé Lehning

Projection
et photographie
Comme la peinture, la photographie consiste à représenter l'es
pace sur un plan, donc à réaliser une projection, dans le sens
général utihsé en cartographie par exemple.
Lanotiondeprojectionaunsens
précis en géométrie. Elle est
Cette définition point par point per
met de visualiser la projection d'ob
très utilisée en dessin industriel jets plus compliqués. Son principal
(et en géométrie descriptive) comme défaut est de ne pas permettre de
en infographie. La peinture et la pho voir l'éloignement et l'épaisseur des
tographie utilisent une transformation objets. Par exemple, l'image d'un
très proche de celle-ci. tétraèdre peut être un quadrilatère
avec ses diagonales intérieures ou un
La projection de M Projection orthogonale triangle, ou encore d'autres figures.
sur P est le point m
tel que (mM) soit Par définition, la projection d'un point
orthogonale à F. M sur un plan P est l'unique point m de
P telle que la droite (mM) soit orthogo
nale à P. Projections de tétraèdres sur un plan.

34 Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES...

Photographie Rngle de prise de oue

La photographie n'utilise pas une pro En photographie, nous avons le choix de


jection orthogonale mais la transforma la position de l'objectif et du plan du
tion décrite sur la figure « Visualisation capteur (O et F sur la figure Sculpture de
en photographie ». Visualisation en photographie). Cela Françoise Naudet
Si l'objet photographié est situé à l'in donne des effets « naturels ». Le vue sous différents

fini, les rayons passant par O sont pra même objet pourra apparaître angles.
tiquement paral dans ses dimensions normales, Sous un même
éclairage, les cou
lèles, l'image est allongés ou rétrécis suivant
leurs sont de plus
alors la projection l'angle de prise de vue.
modifiées.
de l'objet sur P. H.L.

Visualisation en photographie. Le plan


de vision F est sjanétrique du capteur
numérique ou de la pellicule par rapport
à l'objectif 0. Les rayons issus de O
découpent l'image (triangle en jaune) de
l'objet (triangle en vert) sur P.

En première approximation, nous pou


vons donc considérer cette transforma
tion comme une projection orthogonale.
Photogi-aphie : Hei-vé Lehning

La vue en stéréo Une projection cartographique consiste àétablir une correspon


dance biunivoque entre la surface de la terre etune surface qui puisse être étalée sans déformation sur
un plan, une surface développable. L'intersection d'une droite etd'une surface fermée strictement Astrol<:ib6
convexe définit deux points. Àchaque droite passant par un point fixe, le pôle de la projection, cor
respond alors un point unique de notre surface. La projection stéréographique de pôle Sétablit
simplement une bijection entre un point Mde la surface,autre que S,et la trace de la droite (SM)
sur une surface, que l'on choisit développable pour eneffectuer une carte exploitable.Cette sur
face de projection est habituellement un plan, perpendiculaire au diamètre passant par le pôle,
dans le cas d'une sphère. Cette projection conserve les cercles, hormis les méridiennes qui sont
transformées endroites, etles angles, ce qui facilite letracé des loxodromies, courbes maritimes
à cap constant. L'apogée dela notoriété decette projection sesitue à l'époque médiévale
puisque les cercles constituant le tympan d'un astrolabe correspondent aux projections stéréo-
graphiques des éléments constitutifs de la voûte céleste :cercles des tropiques, de l'équateur et
del'écliptique (projection dela trajectoire du soleil). Elle estencore actuellement utilisée encristal
lographie. Une magnifique illustration animée de la projection stéréographique setrouve sur le site ;
http://www,dimensions-math.org/Dim_fr.htm.
François Lavallou

Hors-série n° 35. Tangen-te 35


SAVOIRS par Alain Zalmanski

L'anamorphose
ou l'art de la perspectiue secrète
Comment peindre un objet au sol ? Comment cacher une image
dans un tableau ? Aucune magie dans la réponse, mais
l'anamorphose.

Ô blasphème del'art ! ô suiprise fatale ! Une question d'ombre


La femme au corps divin, promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicéphale ! L'anamorphose est un facteur de réa
Charles Baudelaire, Le masque. lisme, car elle restitue la troisième

L'anamorphoseestuneparticu
larité étonnante de la perspec
dimension. Au contraire de la perspec
tive, avec qui elle partage cette propriété,
elle entraîne une déformation « fantas
tive, que Charles Baudelaire tique » et « aberrante » qui a passionné
évoque dans ces vers extraits des Fleurs nombre d'artistes, de Léonard de Vinci
du mal. Découverte dans l'art dès le (1452-1519) à Salvador Dali
Moyen Âge, c'est l'une desapplications (1904-1989) ou Maurits Cornelis
des travaux liant la vision des objets et Escher (1898-1972).
leur projection de Piero délia Francesca Léonard de Vinci a donné une méthode
en 1469. Elle fut analysée et étudiée par pour obtenir une image plane anamor-
un disciple de Mersenne, le Père Jean- phique : « On place une source lumi
François Nicéron en 1636, en tant que neuse derrière une plaque de fer
défonnation réversible d'une image à percée d'un trou en son milieu, on pose
l'aide d'un système optique - tel im l'objet ou la figure à dessiner près
miroir courbe - ou par un procédé mathé d'un mur, on trace le contour de
matique (voir l'article Image dans une l'ombre sur le mur... » La représenta
boule de Noël). Déjà en 1525, Dûrer men tion murale ne restituera une image
tionnait avec admiration cet « art de la fidèle de l'objet que si l'on se place à
perspective secrète » qui permet à la fois l'endroit où se trouvait la source lumi
de rendre compte de la vision réelle d'un neuse.

observateur tout en trompant son œil. Autrement dit, les premières anamor
phoses sont les ombres portées sur le
L'anamorphose est un facteur de réalisme, sol ou les murs (voir la photographie
car elle restitue la troisième dimension. Taureau chargeant).

36 Tangen-te i!ors-série n° 35 Les transforma


LES ORIGINES ARTISTIQUES DE LA GÉOMÉTRIE

De même, le tableau Les ambassadeurs,


de Hans Holbein le Jeune (1497-1543),
contient l'anamorphose d'une tête de
mort que l'on ne peut voir qu'en regar
dant le tableau avec une vue rasante
(voir l'article Transformations géomé
triques, tout un art). Il s'agit d'un mes
sage caché. Ce tableau et les
anamorphoses ont fasciné le psychana
lyste Jacques Lacan (1901-1981), qui en
a fait le thème de son séminaire sur le
regard et la subjectivité de la vision
immédiate, illustration de son schéma R
(pour Réalité). Dans ce concept, le fan
tasme s'intercale entre le Sujet et
l'Autre (son image déformée ou subli
minale). La Réalité est à distinguer du
Réel, puisqu'elle sert, via le fan
tasme, à s'en préserver.

Hnamorphoses Taureau chargeant un toréador, à


indirectes gauche, et son ombre portée au
sol, à droite (redressée pour
sembler verticale). Corrida à
Il existe d'autres
Arles, 2007. Photographie :
types d'anamor Hervé Lehning;
phoses, où l'on
interpose un
miroir quel
conque sphé-
Anamorphose conique de la
rique, conique Joconde, réalisée grâce à un
ou cylindrique logiciel de simulation.
entre l'observa
teur et le dessin qui,
déformé, s'y reconsti
tue. C'est le phénomène
des miroirs déformants que
l'on trouve dans les animations
foraines où des cuillères dont les
enfants se servent pour examiner leur
propre reflet (voir l'article Image dans Paysage polaire
une boule de Noël et la figure où se cache le
Anamorphose conique de la Joconde). portrait de Jules
Verne. Pour le
Le sphinx des glaces contient ainsi un
voir, il est néces
étrange paysage polaire. En y plaçant saire de placer
un miroir cylindrique à la place de la un miroir cylin
lune, on peut y voir le visage de l'au drique à la place
de la lune.
teur ; Jules Verne (1828-1905).

-es transformations Hors-série n° 35. Tangente 37


SAVOIRS L'anamorphose

il faut projeter une image plus large.


Les formats de projection larges peu
vent être obtenus en réduisant la hau
teur de l'image sur la pellicule, et en
l'agrandissant à l'écran. Mais si l'on
grossit trop l'image, on obtient une
image de qualité médiocre car la réso
lution liée à la pellicule est limitée. Le
système du CinemaScope consiste à
compresser l'image dans le sens de la
Restitution du por largeur sur la pellicule (soit à la prise
trait de Jules Verne.
de vue, soit lors du tirage), puis à la
De nos jours, les anamorphoses possè décompresser à la projection.
dent des champs d'action très diversi
fiés, soit pour transformer l'image et Cartographie
mieux la restituer, soit pour la travestir
en réservant le décryptage aux seuls Les anamorphoses sont utilisées en
initiés, soit enfin pour résoudre des cartographie statistique pour montrer
problèmes techniques. l'importance d'un phénomène donné.
On les trouve dans les trompe-l'œil des La carte ne représente alors plus la réa
peintures murales ou en architecture. lité géographique mais la réalité du
Elles consistent à peindre d'une façon phénomène. Par exemple, une com
Mur peint par ana déformée et calculée une image qui se mune sera agrandie par rapport aux
morphose à GentiUy.
reconstituera en fonction d'un point de autres si elle contient plus de chômeurs
Réalisation :
Dominique Antony vue donné et donnera à la peinture que la moyenne des autres.
(voir l'encadré L'Art murale une impression de relief et de
de la peinture réalité spatiale.
murale). ^wrbourg S.^sbou

Br*»l •

Rennes
/ \ \ ' Rouen

I I / /) / A

ClennonI
Ferrandy"
• Bordeaux

/Montpellier

Toulouse

Perpignan

Carte de France où les distances représen


tent les temps de transport par le train.

Projection cinématographique On fabrique également des cartes en


anamorphose pour percevoir les effets
Une salle de cinéma est toujours plus des réseaux de transport. C'est ainsi
large que haute ; si l'on veut une image que l'on a réalisé des cartes de France
plus grande, pour un « grand spectacle », où la distance entre les villes n'est pas

Tangente rse
M Am-ISTIQUES DE LA GÉOlVIÉTRiE

liée au nombre de kilomètres qui les


séparent mais au temps nécessaire
pour aller de l'une à l'autre en train.
Lyon est plus loin de Paris que
Vézelay par la route, cependant on
peut se rendre beaucoup plus rapide
ment à Lyon par le TGV. Ainsi, l'es
pace peut être différemment perçu si
l'on considère la vitesse de transport.
La signalisation routière peinte direc
tement sur le sol fait également appel à Signalisation sur le sol, telle qu'est vue par les usagers de la route
(à gauche) et telle qu'elle est peinte (à droite).
l'anamorphose afin que les usagers de
la route aient une vue non déformée
d'une image ou d'un texte lorsqu'il se sus. Dans le même esprit, sur les ter
situe à une certaine distance. Dans de rains de sport, on peint certains mes
nombreux pays, une anamorphose sert sages publicitaires par anamorphose,
à indiquer une piste cyclable, par un quand ils se trouvent à des endroits où
vélo peint sur le sol et qui semble étiré la prise de vue est rasante.
en hauteur quand on le regarde du des- A.Z.

L'anamorphose consiste à peindre de façon déformée et calculée une image qui se reconsti
tuera, vue d'un point de vue préétabli, et donnera à la peinture murale une impression de
relief et donc de réalité spatiale. C'est l'effet de surprise créé par l'anamorphose : elle saute
I Awl m tfv'vi 11h ii i • i iTTa TuTT l^as, vue sous cet angle. Le site de Dominique Antony
f Hîfp://www.peinturemurale.com/f tient davantage d'exemjples.

Les ombres montrent que l'homme sur cette image


ne fait partie du trompe-I'œil. 6
•H s'agit dfiJ'auteur (Dominique Antony).
• rr l'une de ses réalisations.

Les transformations Hors-série n° 35. Tangen-te


SAVOIRS L'a rniorph«

et séométri ià i';:
m
Avant de construire une anamorphose, il est néeessaire d'en analyser et d'en définirles paramètres, tels que
la taille ou la surfacede l'image anamorphique , la positionde l'observateur O^, la taille de l'image à
traiter P qui se trouve dans
un plan p, en général ortho
gonal au plan a.
Les relations géométriques
entre les divers paramètres
sont données dans la
figure ci-après et le
graphique montre
qu'à tout pointde P correspond un pointde P^.
11 s'agit du cas le plus simple: celui d'une anamorphose plane,dans laquelle on chercheen fait l'intersection
d'un tronc de pyramideou de cône et d'un plan perpendiculaire à la base de ce solide. N'oublions pas que
l'une des premières projec-
lions déformantes fut celle de
Gerardus Mercator en 1569,
projection cylindrique du
globe terrestre sur une carte.
Les parallèles et les méridiens
sont des lignes droites et l'in
évitable étirement Est-Ouest
en dehors de l'équateur est
accompagné par un étirement Nord-
Sud correspondant, de telle sorte que l'échelleEst-
Ouest est partout semblable à l'échelle Nord-Sud. Une carte de
Mercatorne peut couvrirles pôles : ils seraientinfiniment hauts.
À titre d'exemple, traitons le problème inverse et supposons qu'un cône de révolution
réfléchissant, de sommet S, soit posé sur une table sur laquelle une figure P a
été tracée. L'œil O, placé sur l'axe de révolution, au-dessus du sommet S, per
çoit, après réflexion sur la surface latérale,une image P' qui lui paraît provenir
également de la surface de la table.
Comment déterminer F de manière telle que F' soit une figure préalablement
imposée ? Les solutions analytiques existent, en polaire comme en paramé
trique. Mais il est possible de traiter le problème graphiquement, en utilisant
des méthodes élémentaires de la géométrie descriptive dont les bases, énon
cées par Durer, ont été formalisées par Gaspard Monge (1746-1818).
Le plan de projection est constitué par la table et le plan de projection sera un
plan verticalpassant par l'axe du cône. Soit P un point de la table. Nous sou
haitons trouverun point P' de la table tel qu'un rayon lumineuxissu de P' soit
réfléchi suivant la droite (PO). Les lois de la réflexion fournissent une solution
immédiate pour les points P situés dans le plan de projection.
Imposons à l'espace unerotation autour de l'axe de symétrie du cônequiamène le point P surun point Q situé
dans le planvertical. Le rayon réfléchi LFO" (quiprolonge Q'U') provient d'un rayon incident Rlf émanant
d'un point R'' de la table. La rotation inverse de celle utilisée précédemment amène R'' en le point P''' recherché.
L'avènement de l'informatique a bien entendu grandement facilité la constructiond'une très grande variété
d'anamorphoses.

40 Tangenlze r .30 Les Iran:


Les Jijijjjjîirliii: |j. 42
Les similitudes aï i;ijjji:ijj;jjjii] !S p. 48
Les groupes* ai p. 50
La tronsfdrmation ^ p. 54
Formes, iliJunjjîjilijjjj: si jjjyuj'Jijjj] p. 56
Transformer, iju^us; J p. 62
Les formes iJu iiimjjil iJiijri p. 66
Uœit du topologue aï jjjijjjjijjjjij p. 74
La projection centrale aï p. 80
La géométrie jjrojiiLijyij p. 82
L'inuersion aï ïuibaïaz p. 84
L'inuersion aï lu i:ijui:i:ii uu Ijujj p. 88
Coxeter, ils lu -iiîujjjiirji; ii ru;i p. 92
Histoire lia iiuuijjujji p. 96
Translater, ijuurri; p. 100
Points aï ij-uu/u^ juyu/iujjlu p. 104
Forme ilii: ij/uujjiii: iJ'uriJji; jjiî p.110

À quoi servent les transformations géométriques en


mathématiques ? La réponse se trouve dans le programme
d'Erlangen. Les groupes de transformations structurent la
géométrie en ses diverses branches : affine, métrique etc.
Nicolas Bourbaki généralisa cette idée en plaçant la notion de
groupe au centre des mathématiques.

série n° 35. Les transformations Tangente


SAVOIRS par Michel Criton

Les isométries
du plan
L'usage du papier calque sur une planche à dessin donne une
bonne idée de ce que sont les isométries du plan. Une figure
quelconque peut être reproduite n'importe où sur la planche, à
l'identique et sans aucune déformation, le calque ayant été
retourné ou non selon le cas.
e mot « isométrie » (des mots
Les taches du
pelage des zèbres
répondent à une
L' grecs isos, « égal » et metron,
(« mesure ») est d'utilisation
assez récente. Jusqu'au début des
règle de forma
années 1960, on employait plutôt les
tion, que l'on
expressions « figures égales », « figures
peut reproduire
superposables » ou plus savamment
de manière algo
« figures congruentes » pour parler de
rithmique, ce
figures isométriques. Une isométrie est
qu'Alan Tiiring a
une bijection du plan sur lui-même qui
fait en 1952 (voir
Tangente 123).
conserve les distances : si M et N sont
deux points quelconques du plan et si
Â
Par endroits,
nous retrouvons

des trafislations.
M' et N' sont leurs images respectives
Photographie :
par une certaine isométrie du plan,
Hervé Lehning
alors on a M'N' = MN.
Les isométries se classent en deux types.
Dans les « déplacements » ou « isomé
tries directes » (ou encore « positives »),
les figures ne sont pas retournées dans
la transformation. On peut imaginer
1 qu'on a seulement fait glisser le papier
calque sur la planche à dessin, sans à
aucun moment le soulever de la
planche, avant de reproduire ime figure.

TdSrtjgjen'Ée+l<5FS-^rie _n^
DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Dans les « antidéplacements » ou « iso- sible de superposer cette figure et son


métries indirectes » (ou « négatives », image par une isomérie négative sans
ou encore « opposées »), les figures un retournement. Dans le plan, quatre
sont retoumées dans la transformation. types d'isométries suffisent à décrire
On peut imaginer qu'on a retourné la toutes les isométries. Toute isométrie
feuille de papier calque sur la planche positive du plan est soit une transla
à dessin avant de reproduire une tion, soit une rotation. Toute isométrie
figure. Si une figure contient au moins négative du plan est soit une symétrie
trois points non alignés, il est impos orthogonale, soit une symétrie glissée.

Translation Rotation

Dans une translation de vecteur non nul, il n'y


a aucun point qui soit sa propre image.
Autrement dit, il n'y a aucun « point fixe » ou
« point invariant ».

Symétrie axiale
Dans une rotation de centre O et
d'angle non nul, il existe un seul point
invariant : le centre de rotation. La
symétrie centrale (symétrie par rapport
à un point) est un cas particulier de
rotation d'angle égal à 180°.

Symétrie glissée
Dans une symétrie orthogonale (ou
symétrie « axiale » ou encore «
réflexion ») d'axe (A), les seuls points
invariants sont les points appartenant
à l'axede la symétrie. ^

Dans une symétrie glissée de vecteur


les quatre types non nul, il n'y a aucun point invariant,
mais l'axe (A) est globalement invariant :
d'isométries la droite glisse sur elle-même.

Hors-série n° 35. Tangente 43


SAVOIRS Les isométries du plan

Composition de
deux symétries
orthogonales
d'axes parallèles.
Le lapin est trans
laté d'un vecteur
double de celui
de la translation
qui transforme le
premier axe en le
second.

Isométries et structure de groupe (voir l'article Les groupes, abstraits et


concrets).
L'ensemble des isométries du plan, L'ensemble des translations constitue un
muni de la composition des applica sous-groupe du groupe des isométries du
tions (la composée de deux isométries plan. Toute isométrie du plan peut
du plan est toujours une isométrie du s'écrire comme composée d'au plus trois
plan) possède une structure de groupe symétries orthogonales. La composée de

La composition
de deux symétries
orthogonales
d'axes sécants en
un point O est
une rotation de
centre O.

i44 Tangente Hors-série n° 35


DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

52
Le groupe des isométries du
plan n'est pas commutatif
(S'j OS'2 + S'2o S'j).

S20 s.

deux symétries orthogonales d'axes trie parrapport à une droite). À la diffé


parallèles est une translation tandis que la rence du plan, où l'on peut mentalement
composée de deux symétries orthogo retourner une figure pour se représenter
nales d'axes sécants est une rotation. son image par une symétrie orthogonale
(mais on sort alors du plan), il n'est pas
Les isométries de l'espace possible de se représenter un déplace
ment permettant de passer d'un solide
Les isométries du plan se généralisent non plan à son image-miroir. La symé
aisément à l'espace : la translation trie glissée s'effectue également par rap
associée à un vecteur donné et la rota port à un plan. A ces transformations, il
tion associée à un axe et d'angle donné faut en ajouter une : le vissage, compo
se transposent telles quelles à l'espace sée d'une rotation et d'une translation
à trois dimensions. La symétrie ortho dont le vecteur a même direction que
gonale ou réflexion devient symétrie l'axe de la rotation.
par rapport à un plan (au lieu de symé M. C.

0 Le vissage d'axe.
D, d'angle 0 et
de vecteur u.

Hors-série n° 35. Tangen±e


JEUX & PROBLEMES par Michel Criton

HS3509 - Le podium olympique ✓✓ Gérard

Un podium olympique revêt, vu de


côté, la forme de la figure.
Sauriez-vous le découper, selon les
lignes du quadrillage, de façon à
obtenir deux morceaux identiques, à
une translation et une rotation près, et
un troisième morceau
similaire, à une trans
lation et un retourne
ment près, dont tous
les côtés sont dilatés
d'un même facteur par 2. On suppose maintenant qu'un et un
rapport aux deux seul des convives est en face du carton
autres ? portant son prénom.
En tournant la table, est-on certain
HS3510 - Une table tournante ✓✓ d'améliorer la situation ? On consi
dérera que l'on a amélioré la situation
Pour ce repas, la maîtresse de maison si le nombre de convives assis en face
avait prévu la place des sept personnes du carton portant leur prénom a aug
présentes en indiquant le prénom de menté.
chacune sur un carton.
Malheureusement, elle avait laissé les HS3511 - Le parchemin ✓✓✓
cartons retournés de sorte que chacun
s'est assis n'importe où et, lorsqu'on a Sur ce parchemin
retourné les cartons, on a pu constater ne figurent qu'un
que personne n'était assis à la place carré, trois seg
prévue pour lui. ments et trois
« Qu'à cela ne tienne, lança un invité, indications de
faisons tourner la table, nous évite longueur.
rons déjà à certains d'entre nous de Déterminer
changer de place ! » l'angle 'AFD'.
1. En choisissant la rotation imposée On pourra construire l'image de cette
à la table, les invités sont certains de figure par la rotation de centre A
pouvoir mettre combien d'entre d'angle 90° qui transforme le point B
eux, au minimum, face au carton en le point D.
portant leurs prénoms ?

O très facile
✓ facile
✓✓ pas facile
Source des problèmes ✓✓✓ difficile
Championnat des Jeux Mathématiques et Logiques (HS3509) très difficile
Revue La Recherche (HS3510)
Affaire de Logique, journal Le Monde (HS3511)
Suite en page 79.

46 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


par E. Busser EN BREF

Irène Rousseau : jeter des ponts


« En tant qu'artiste, dit Irène Rousseau, Irène Rousseau ne se prive pas, dans ses
peintre et scnlptenr américaine née en 1941, œuvres, d'utiliser les transformations géo
jeter des ponts entre arts, sciences et métriques, au point même de donner le titre
mathématiques m'intéresse. D'où mes Transformation à l'une de ses sculptures
sculptures, où j'explore la lumière comme garnies de mosaïques. Elle utilise couram
l'espace et le temps comme un "médium" ment, comme elle dit, la symétrie mais aussi
artistique. [...] la rotation ou la similitude, comme dans la
Mes sculptures sculpture murale Formes volantes.
sont géomé
triques et j'ex
plore le concept
d'ambiguïté et
de paradoxe.
Mes règles en
géométrie sont
les problèmes de
symétrie utili
sant des
modules et la

Sculpture monumentale parfois


tapologie,
les
de I. Rousseau : Sculpture murale : Formes volantes.
pavages.
Transformation.

Née à Londres en les effets d'optique. Ses


1931, cette artiste, œuvres en noir et blanc
qui met la percep- n'utilisant qu'un nombre
"•TlïiTlTl~B cœur de ses limité de formes géomé
_ ~i I lllllllll I I tableaux, nous fait triques, produisent à la foi;
CILB 11IJil111 I nous interroger sur une sensation de mouve

• VlVlllII iVl ce que nous ment, d'espace et d'effets


lumineux. Ses tableaux uti
Mouvement en carrés voyons, ou plu
(B. Riley, 1961) ^êt ce que nous lisent en permanence des
croyons voir. Respiration transformations géomé-
Son œuvre est en effet basée sur les formes (B. Riley, 1966) triques simples mais
géométriques et les effets d'optique. C'est spectaculaires comme la
vers 1950, en représentant des paysages translation et l'homothétie conjuguées. Le
proches du pointillisme de Seurat (1859- Musée d'art moderne de la Ville de Paris lui
1891), que B. Riley en est venue, subissant a consacré une exposition rétrospective au
aussi l'influence de Vasarely, à travailler sur cours de l'été 2008.

Hors-série n° 35. Les Transformations Tangente


ACTIONS par Michel Criton

Les similitudes
et les transformations affines
Les similitudes sont à la base de la géométrie métrique et les
transformations affines à la base de la géométrie affine.
Comment sont-elles définies ?

La classification des trans


formations du plan et de
coefficient k strictement positif (ce coef
ficient est appelé rapport de similitude),
l'espace se fait à partir des cette transformation est une similitude.
propriétés de conservation. Lorsque les • Si 0 < /c < 1, la similitude est une
distances sont conservées, on a affaire réduction,
à des isométries. Lorsque ce sont les »sik= 1, la similitude est une isométrie,
rapports de distances, il s'agit de simi * sik> 1, la similitude est un agrandis
litudes ; lorsque la conservation ne sement.

touche que le parallélisme des droites, Une similitude est toujours la composée
les transformations sont dites affines. d'une homothétie et d'une isométrie. On
rappelle qu'une homothétie de centre G
Similitudes et de rapport r (non nul) est une trans
formation du plan qui à tout point P
Une similitude Si, dans une transformation, toutes les donne pour image le point F' tel que :
distances sont multipliées par un même • G, P et F' sont alignés,
est toujours la
•OT' = rÔP.
composée
d'une honio-
thétie et d'une
isométrie.
»] El

Dans l'exemple ci-dessus, en B, le cavalier de la figure A a subi une similitude


directe de rapport le < i ; en C, il a subi une similitude directe de rapport fc > l ;
en D, il a subi une similitude indirecte de rapport fc < i.

Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: LE REGARD DU.

L'ensemble des similitudes forme un


sous-groupe du groupe des transforma
tions, qui contient le sous-groupe des Des similitudes particulières : les
isométries.
homotiiéties
Transformations affines
Les homothéties sont des similitudes particulières
définies de la façon suivante.
Le terme « affinité » a été introduit par
Une homothétie se caractérise par la donné d'un
Euler en 1748. Dans un texte dont le
point O, le centre de l'homothétie, et d'un nombre
titre est « De la similitude et de l'affi réel non nul k, le rapport de l'homothétie.
nité des courbes », Leonhard Euler L'homothétie est la bijection du plan sur lui-même
remarque que si, dans un repère du qui, à tout point M, associe le point M'tel que :
plan, on change x en ax et y en by, les
OM' = fc X OM.
courbes ne sont pas semblables lorsque
Si /t = 1, il s'agit de l'identité. Si ^ = -i, il s'agit de la
a ^ b, mais qu'elles ont néanmoins symétrie centrale.
entre elles une certaine « affinité ». Les
Lorsque /c it i, le seul point invariant est le centre de
transformations affines sont des trans l'homothétie.
formations qui conservent l'aligne L'image d'une droite (D) par une homothétie est une
ment des points, le parallélisme des droite parallèle à (D).
droites, les barycentres. De façon plus Deux triangles dont les côtés sont deux à deux
surprenante, elles conservent aussi les parallèles sont homothétiques.
rapports d'aires. Plus précisément, Deux cercles quelconques du plan sont toujours
quand on la transforme, l'aire d'une homothétiques.
figure est multipliée par une constante.
L'ensemble des transformations
affines du plan ou de l'espace est un
sous-groupe du groupe des transforma
tions du plan ou de l'espace.
M.C.

Dans l'exemple représenté ci-


dessus, l'échiquier a subi une
transformation affine.
L'image d'une droite et d'un cercle
par une homothétie de centre O
et de rapport k = 2,5.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente


SAVOIRS par Hervé Lehning

Les groupes,
concrets et abstraits
Invisibles, les groupes sont au centre de la géométrie, et des
mathématiques en général.

L'article«Formes, déformation
et invariances » propose une
• l'identité Id (la transformation qui ne
transforme rien !) fait partie de G,
définition de la notion de forme, • si les transformations/et g appartien
utilisant celle de groupe. Pourquoi intro nent à G alors leur composée go/aussi,
duire une notion abstraite à propos d'une • si la transformation/appartient à G,
question concrète ? soninversef~ ' aussi.

notion de groupe Définitions de l'identité,


de la composée et de
Pour répondre à cette question, il est l'inverse

nécessaire de définir correctement la


notion de groupe. Pour cela, nous nous
limiterons à celle, un peu plus
concrète, de groupe de transformations
du plan (ou de l'espace) E.
Un ensemble G de transformations de
E est dit un groupe s'il vérifie les trois
axiomes suivants :
gof

Malgré sa simplicité, la structure de groupe n'a été dégagée qu'au début du xix®
siècle par Évariste Gaiois pourune question algébrique (la résolution des équa
Les notions tions par radicaux, voir le Hors Série 22 sur les équations algébriques). Un demi-
abstraites se siècle plus tard, Félix Klein montra que cette notion était centrale en géométrie
(voir i'articie Klein et le programme d'Erlangen). Ce ne fut qu'au xx® siècie que
justifient
Nicolas Bourbaki l'établit au centre des mathématiques. Cette conception est à ia
par leurs base de la réforme dite des mathématiques modernes dans ies années soixante.
applications Malheureusement, l'usage d'un formalisme stérilisant n'a pas permis au mes
sage d'arriver à leurs destinataires.
concrètes.

50 Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

À partir de la composition, on peut Une figure a la même forme qu'elle-


définir les puissances entières de tout même car l'identité appartient à G. Si
élément du groupe : une figure a la même forme que F', il
existe/dans G tel que F' =/(F) alors
/*=/r=/o/,/^=/o/o/,etc. F=/-i(F')
et / ' appartient à G donc F' a la
On ajoute la convention :/® = Id pour même forme que F.
que la relation : ^ f of m Si la figure F a la même forme que F'
souffre d'aucun cas particulier (ici, p (F' = /(F)) et F' la même forme que
ou q nul). F" (F" = g (F')) alors F" = g o/(F) et
Dans cet ouvrage, nous rencontrons go/appartient à G donc F a la même
plusieurs groupes de transformations : forme que F". Les axiomes de groupe
ceux des translations, des isométries, correspondent donc exactement à
des similitudes ou des affinités. Nous ceux de relation d'équivalence. Ces
verrons que les trois derniers sont notions abstraites sont donc l'écriture
associés à des notions de forme et à d'une notion très concrète : celle de
des types de géométries. forme.

Équiualence des formes Groupes finis

Quelle que soit sa définition, la rela Les groupes ayant un nombre fini
tion « avoir la même forme » se doit d'éléments ont une propriété impor
d'être une relation d'équivalence, tante. Si/est un élément d'un groupe
c'est-à-dire posséder les trois proprié fini G, il existe un nombre entier N tel
tés suivantes : que soit égal à l'identité. Pour
démontrer cette propriété, il suffit de
• réflexivité : une figure a la même remarquer que, comme le groupe est
forme qu'elle même, fini, les puissances de / ne sont pas
• symétrie : si la figure F a la même toutes distinctes. Il existe donc p < q
forme que la figure F' alors F' a la tels que :f
même forme que F, La transformation / admet un inverse
• transitivité : si la figure F a la même / ^ ', en composant à gauche p fois
forme que la figure F' et F' la même l'égalité précédente, on obtient :
forme que F" alors F a la même forme /'^ = W
que F". pour :'H = q-p.
Ces propriétés sont si triviales qu'on La théorie des sous-groupes permet de
hésite à les étudier. Pourtant, elles montrer que N est un diviseur du
équivalent aux axiomes de groupes à nombre d'éléments du groupe.
travers la définition suivante : En itérant suffisamment une transfor
mation, on revient toujours à l'identité.
Soit G un groupe de transformations La question peut sembler abstraite et
de E. Une figure F de E est dite avoir sans intérêt pratique.
la même forme (selon G) que la figure Il n'en est rien.
F' de E s'il existe un élément/de G tel Elle signifie la possibilité de revenir à
que F' =/(F). Les axiomes de groupe l'image initiale, à partir d'une image
correspondent alors exactement aux modifiée par ce type de transforma
propriétés énoncées ci-dessus. tions.

Hors-série n" 35. Tangente 51


SAVOIRS Les groupes

Transformations d'Images
Le criminel ((innocent»
Photographie de Cette propriété se retrouve dans les Chrlstopher Nell, un Canadien de
l'auteur et sa
transformations bijectives d'image. 33 ans, surnommé VIco, a diffusé
transformation
Toutes admettent une réciproque, donc la sur Internet des centaines de pho
par tourbillon. Ce
type de transfor possibilité d'un retour à l'image initiale tos de lui-même commettant des
mation est bljec- (voir l'article La transformation du bou actes criminels. Il croyait se proté
tlve. Autrement langer). Méfiez-vous donc des méthodes ger en brouillant l'Image de son
dit, la photogra de dissimulation offertes par les logiciels visage par une sorte de spirale :
phie transformée
de retouches photographiques. Une transformation mathématique
permet de retrou
ver l'originale. du plan a été appliquée. Il est pos
sible de la reconstituer à partir du
centre de rotation, l'angle dépend
visiblement de la distance au
centre.
À partir de ces éléments, on peut
la reconstituer et trouver la trans
formation inverse. C'est ce qu'a
fait Interpol jusqu'à ce qu'un
visage humain apparaisse, le
même sur plusieurs photos.
Le portrait diffusé dans le monde
entier a permis de reconnaître
Retour à l'original Chrlstopher Nell. On peut être cri
Le rétablissement
minel et d'une innocence qui
de l'Image origi Comment faire pratiquement pour dépasse l'entendement.
nale n'est pas décrypter une photo ainsi transformée ? Visage de
Immédiat. Après Tout d'abord, remarquez que le centre du Vico
avoir sélectionné tourbillon est facile à détecter ainsi que le brouillé
correctement le
rectangle sur lequel il a été opéré. Il reste en spirale
rectangle où
s'opère la trans à déterminer l'angle, ce qui peut être fait à
formation, Il s'agit partir de plusieurs essais. Voicice que cela
de trouver l'angle donne sur la photographie précédente.
utilisé. Après plu H. L.
sieurs essais, on
retrouve une
Image proche de
la réalité.

Visage de
Vico
débrouillé

52 Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Générateurs d'un groupe


Toute permutation d'un nombre fini d'éléments est le produit d'un nombre fini de transpositions
(voir l'article Formes des groupes d'ordre six). Autrement dit, le groupe des permutations est
engendré par les transpositions. De même, le groupe des isométries du plan est engendré par les
symétries axiales.
D'après la liste des isométries planes, pour le démontrer, il suffit de prouver que rotations et trans
lations sont produits de deux symétries. Cela est facile en utilisant les résultats de l'article sur les
isométries, comme nous le voyons plus loin.
De même, le groupe des isométries de l'espace est engendré par les symétries planes.
Ces résultats permettent de trouver facilement la composée de deux isométries. Par exemple, la
composée d'une rotation et d'une translation est une rotation, comme le montre la figure.

Décomposition d'une rotation^ ^


Une translation t de vecteur V est le produit de deux symétries d'axes orthogonaux à V distants
de la moitié de ce vecteur. Mis à part cette condition, le choix des axes est arbitraire.
De même, une rotation r de centre O et d'angle 0 est le produit de deux symétries par rapport à des
axes passant par O et faisant un angle moitié entre eux. Ici encore, le choix est arbitraire, mis à -
part cette condition. Pour calculer le produit rot, nous nous arrangeons pour obtenir une décom- j
position sous la forme : = o 5, et r = 5| o i'2 car le carré d'une symétrie (ici ^j) est égal àl'iden- |j
tité. La liberté du choix des symétries le permet, comme le montre la figure.
Nous obtenons : r o t . ce qui correspond à une rotation d'angle 0.
Son centre est à l'intersection des axes de 5-2 •^3-

J
Hors-série n° 35. Tangente
ACTIONS
J par Alain Zaimanski

La transformation
du boulanger
Avez-vous déjà fait de la pâte feuilletée ? Si oui, vous connais
sez déjà le côté pratique de la transformation du boulanger.
Mais en avez-vous percé tous les mystères ?
Latransformationduboulanger
fait partie des transformations
Groupes, concrets et abstraits). Le
nombre d'étapes avant de voir réappa
bijectives d'image, c'est-à- raître l'image est parfois très grand et
dire qu'il s'agit d'une transformation dépend d'une part de la transformation
d'une image finie às a x b pixels sur et d'autre part de la taille de l'image.
elle-même. Chaque pixel est déplacé, Par exemple, une image carrée dont le
aucun n'est perdu, ce qui s'appelle en côté est une puissance de 2 reviendra
mathématiques une permutation (ou très vite, alors qu'avec deux nombres
bijection) de l'ensemble des pixels et, quelconques, le retour peut-être extrê
en langage courant, un mélange. mement long. Durant ces étapes, on
Par exemple, la transformation de passe parfois par des reconstitutions
l'image {a x b) qui déplace le pixel très proches de l'image initiale.
{i,j) en {i + \,j) (où / + 1 = 0 si t = a)
correspond à un décalage d'un pixel Chaoset boulangerie
vers la droite, n applications de cette
transformation redonne l'image initiale. La « transformation du boulanger » est
Cette propriété est générale : pour une transformation conservant l'aire
toute transformation bijective d'image, initiale de l'image, qui tire son nom de
il existe un plus petit entier k tel que, l'assimilation avec le travail du bou
appliquée k fois, la transformation langer fabriquant de la pâte feuilletée :
redonne l'image initiale. il prend un morceau de pâte de la
La transfor
forme d'un carré, par exemple, et
mation du Le groupe caché derrière l'étiré avec un rouleau à pâtisserie,
boulanger : replie les morceaux débordants dans
un exemple Ce résultat est une conséquence immé les emplacements devenus vides du
diate du fait que l'ensemble des trans carré puis recommence.
d'aventures
formations bijectives d'une image a x À la manière de la pâte du boulanger,
chaotiques. b est un groupe fini (voir l'article Les l'image est étirée, puis repliée en dessous.

Tangente
DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Transformation du
boulanger sur La
Joconde.

ment différentes et inattendues. C'est


ainsi qu'avec une découpe de la figure
initiale en 256 x 256 cellules et un traite
ment par ordinateur,on retrouve la figure
initiale après 17 transformations, ce qui
Deux lignes consécutives sont imbriquées ne permet pas de préjuger de ce qui se
l'une dans l'autre (oj, Uj, Uy.. et by ôj' passe avec des découpages inférieurs,
by.. donnent a,, i,, «2'^2» ^3- • comme le montre le tableau suivant.
obtient donc un rectangle deux fois plus
16x16 9
large et deux fois moins haut. Celui-ci est Passage aux crêpes
18x18 15300
coupé en deux, la partie droite est placée
20x20 1 244880
en dessous après avoir été retournée. Ce Une autre transformation, sensiblement
240x160 27720023 335722958656
qui redonne assez rapidementla taille ini plus complexe que celle du boulanger, 256x256 17
tiale dans la mesure où l'image est de nous permet de rester dans le chaos et...
forme carrée ou rectangulaire avec des la pâtisserie ! Il s'agit de la transformation
côtés puissances de 2. Ce « mélange » est appelée « crêpe » par Jean-Paul Delahaye
souvent utilisé pour décrire une applica et Philippe Mathieu. Ils traitent l'image
tion concrète de la théorie du chaos. ligne par ligne par paquets de 4 consécu
tives. La première est mise dans le paquet
Étude du processus du haut, la dernière dans le paquet du bas
et les deux du milieu restent dans le
L'étude théorique du processus a fait paquet du milieu. Les images obtenues
l'objet de très nombreux travaux, de sont donc aplaties à la manière d'une
même que sa programmation informa crêpe. Le nombre de lignes doit évidem
tique et la détermination du nombre de ment être un multiple de 4. Avec un
transformations pour revenir à la figure découpage en 256 lignes, il faut II 020
initiale. Elles illustrent la marche des cycles pour retrouver la figure initiale. Et
phénomènes chaotiques dont la princi pourtant, à de nombreuses reprises, l'état
pale caractéristique est d'être sensible initial semble proche alors qu'à 20 cycles
aux conditions initiales : des points voi du but le découragement nous gagne !
sins peuvent vivre des avenmres totale A.Z.

transformations Hors-série n° 35. Tangervte fssl


SAVOIRS par Hervé Lehning

Formes,
déformation et Inuarlances
Quand dit-on que deux objets ont même forme ? La géométrie
peut se bâtir sur les réponses à cette question. Ses théorèmes
sont conséquences des invariances qui en découlent.
Direque deux objets ont même
forme dépend de la façon dont
irmations

on les regarde. Pour préciser la


question, considérons plusieurs figures La notion de forme est liée à celle de
simples telles que celles du dessin déformation. D'un point de vue mathé
« Quatre objets ». Peut-on dire qu'ils matique, déformer un objet consiste à
ont même forme ? lui appliquer une transformation (du
plan ou de l'espace). Après l'avoir
effectué, dans certains cas, nous disons
que l'objet a changé de forme, dans

Al
d'autres, non. La question demande
des précisions.

\ Si la transformation est une isométrie


(rotation, symétrie et translation du
plan, voir l'article sur le sujet), les
deux objets sont dits superposables ou,
Quatre objets. Si vous posez la question autour de par abus de langage, égaux. Chacun
Lesquels ont la vous, tous penseront que les deux seg s'accorde pour dire qu'ils ont même
même forme ? ments ont même forme. En revanche, forme. Une première définition de
les avis seront partagés pour les tri cette notion est donc :
angles. Certains penseront que oui, Deux objets ont même forme si et
d'autres que non. seulement s'il existe une isométrie
Pourquoi ? faisant passer de l'un à l'autre.
Faisons une remarque très abstraite :
les isométries constituent un groupe
(voir l'article sur les isométries).
La notion de forme est à la
Concrètement, cela implique que la
hase de la géométrie. relation « avoir la même forme » est

56 Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

une relation d'équivalence. Autrement B


dit, elle partage avec l'égalité les trois
propriétés suivantes :
• Un objet a la même forme que lui-
même,
• Si A a la même forme que B, alors
B a la même forme que A,
• Si A a la même forme que B, et B
la même forme que C, alors A a la
si
même forme que C.
Difficile d'imaginer propriétés plus V
banales ! Il serait absurde de parler de A
« forme » sans elles ! Que pourrait-on
dire par exemple d'un objet qui n'aurait
pas la même forme que lui-même ? Ou
B Déformation d'un
d'un objet A qui aurait la forme de B,
segment en un
mais B n'aurait pas celle de A ? Les
autre. Nous avons
mathématiques se construisent en met
appliqué successi
tant ce type d'axiomes en évidence.
vement une rota
La démonstration de cette propriété uti
tion, une
lise directement celles des groupes (voir
translation puis
l'article « Les groupes, concrets et abs
une homothétie de
traits »). De ce fait, les généralisations
rapport AB/CD
de la notion de forme reposent toutes
pour passer de
sur un groupe incluant celui des isomé-
[CD] à [AB].
tries. Chacune repose sur une vision
particulière du plan ou de l'espace.
deux triangles sont semblables si et
Géométrie métrique seulement si leurs angles sont égaux
(ou leurs côtés proportionnels). Les
Limiter la notion de forme à celle cercles sont tous semblables entre eux.
d'objets superposables n'est pas la
règle commune. Un objet garde sa
forme si on le recopie à une certaine
échelle, comme dans les maquettes. La forme au sens classique est invariante
Cela revient à troquer le groupe des par similitude. D'autres notions sont inva
isométries contre celui des similitudes. riantes : parallélisme de droites, aligne
On parle alors d'objets semblables (au ment de points, concourance de droites,
lieu de superposables). Ainsi, deux rapports de longueurs ou d'aires, mesure
segments de droites sont toujours sem algébrique, barycentres (milieu, centre de
blables (voir la figure « Déformation gravité, etc.), orthogonalité et angles. La
d'un segment »). géométrie euclidienne étudie ces proprié
Cette définition correspond à la géo tés invariantes par le groupe des simili
métrie métrique classique. Dans ce tudes. Nous voyons plus loin qu'une
contexte, deux triangles n'ont pas for partie d'entre elles sont également affines,
cément même forme (ne sont pas for et ont intérêt à être traitées dans ce cadre.
cément semblables). On montre que Ces invariances sont utiles pour prouver

Hors-série n° 35. Tangente 57


SAVOIRS Formes

des théorèmes de géométrie euclidienne s'autorise, en plus des isométries, des


comme celui de Pythagore par exemple. changements d'échelle horizontaux et
Voyons comment l'idée fonctionne. Soit verticaux différents. On parle alors de
ABC un triangle rectangle en A et H le transformation affine (voir l'article Les
pied de la perpendiculaire menée de A similitudes et les transformations affines).
sur (BC). Les trois triangles ABC, AHB Deux objets de même forme dans ce sens
et CHA sont semblables. sont dits affines (au lieu de semblables
dans le cas des similitudes et de superpo-
sables dans celui des isométries).
Le tliéorème de
Deux triangles ont alors toujours même
Pythagore. Les trois forme. Pour le montrer, on prouve
triangles ABC, ABH d'abord que c'est le cas pour deux tri
et ACH sont sem
angles rectangles en utilisant l'idée utili
blables.
sée ci-dessus pour deux segments (voir la
figure « Déformation d'un triangle rec
tangle »).
Pour achever la preuve, il suffit de mon
L'invariance des rapports de longueurs trer qu'un triangle quelconque est de
entraîne les trois égalités : même forme qu'un triangle rectangle
(voir la figure « Construction d'un tri
BC _ AC
et angle rectangle »).
BH ~ AB ' AC ~ CH
B
AH CH
BH AH'

Les deux premières égalités donnent


des expressions des carrés de AB et de
AC:
AB^ = BC . BH et AC^ = BC . CH.
En les additionnant, nous obtenons :
AB^ -H AC^ =BC . (BH + HC) = BC^.
Le théorème de Pythagore est donc une
conséquence de l'invariance de la lon
gueur (ou plus exactement des rapports
de longueur) en géométrie euclidienne. A
Nous voyons plus loin que l'invariance Déformation
des aires permet de démontrer des théo d'un triangle
rèmes de géométrie affine. rectangle en
un autre. Nous i
Géomé:;:. avons appliqué
successivement
Il est légitime de dire que deux triangles une rotation,
quelconques ont même forme puisqu'ils une translation
ont tous les deux des caractéristiques puis un change
communes : trois côtés, trois angles. Il est ment d'échelle
possible d'intégrer cette façon de voir différent selon
dans notre modèle, en étendant le groupe chaque côté de
de transformations utilisé. Pour cela, on l'angle droit.

Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Ainsi, deux triangles se déduisent tou


jours l'un de l'autre par une transfor
mation affine. Autrement dit, du point
de vue affine, deux triangles ont tou
jours même forme.

affines

Parmi les propriétés invariantes par


similitude, lesquelles le sont égale
ment par transformation affine ?
L'exemple des triangles montre que
nous perdons longueur, orthogonaiité
et angles. De façon assez surpre
nante, nous conservons les notions de
mesure algébrique, de barycentre et
d'aire. Malgré l'intuition commune,
elles sont affines. De ce fait, elles se
trouvent au centre des démonstra
tions de géométrie affine (voir l'en
cadré Théorème de Ménélaûs). De Construction d'un triangle rectangle A'BC affine
façon encore plus primordiale, de ABC dans le cas où le pied de la hauteur H
voyons l'intérêt de distinguer pro menée de A est située entre B et C. A' est l'inter
priétés affines et métriques. section du cercle de diamètre BC et de la droite
Deux triangles quelconques sont AH. Le changement d'échelle le long de la per
affines l'un de l'autre si bien qu'une pendiculaire est égal au rapport A'H / AH. Si H
propriété affine démontrée pour un tri n'est pas entre B et C, on recommence en privi
angle particulier est vraie pour tout tri légiant B ou C au lieu de A.
angle.
En guise d'exemple, considérons la
propriété « les médianes d'un triangle
sont concourantes ». Il s'agit d'une
propriété affine puisqu'elle n'implique
que les notions de milieu et de
concourrance. Ainsi, pour démontrer
ce théorème, il suffit de le démontrer
pour un triangle particulier.
Considérons donc un triangle équilaté-
ral, médianes et médiatrices se confon
dent. Le concours des médiatrices
entraînent donc celles des médianes !
Dans l'article Transformer, c 'est gagner, B P

nous voyons d'autres exemples de cette Théorème des médiatrices. Le point O de


méthode de démonstration. Nous pou concours des médiatrices (AP) et (BQ) est équi-
vons approfondir la question en intro distant de B et C d'une part, et de A et C d'autre
duisant les homographies et les formes part. Ainsi, il est équidistant de A et B donc sur
projectives. la médiatrice de [AB].

Hors-série n° 35. Tange-nte


SAVOIRS Formes

Topo[ogie cercle ont la même forme qu'un carré.


Quelles notions sont invariantes par
Si nous remplaçons le groupe des déformations continues ?
transformations affines par celui des La plus simple est sans doute celle
homéomorphismes, c'est-à-dire des d'intérieur et d'extérieur. En défor
déformations continues (dont l'inverse mant continûment un cercle, nous
est continu), nous obtenons une notion obtenons une courbe partageant le plan
de forme où une droite a la même en un intérieur et un extérieur. Ces
qu'une parabole. Tout se passe comme questions sont développées dans l'ar
si nous dessinions les objets sur une ticle L'œil du topologue.
feuille de caoutchouc et les défor
mions. Dans ce sens, un triangle et un H. L.

Le théorème de iénélaiis
Si ABC est un triangle et D une droite coupant ses trois côtés en P, Q et R, alors :

PB ^ QC RÂ _ ,
PC ^ QX W"
Pour le démontrer, nous devons distinguer deux cas de
figure. Nous traitons le cas de la figure ci-contre. Les ^
rapports de longueurs (sans signe) de la relation
peuvent être interprétés comme des rapports
d'aires. Plus précisément, les hauteurs des
triangles PBR et PCR étant identiques :

aire(PBR) _ PB
aire (PCR) PC"

Au signe près, le premier membre de la relation de Ménélaùs s'écrit donc :

aire (PBR) ^ aire(QCR) ^X aire (PAR) aire(QCR) aire (PAR)


aire (PCR) aire(QAR) aire (PBR) simpiitie en : -X aire (PBR) '
D'après le principe précédent, chacun de ces rapports d'aire est un rapport de longueur. On

OR PR
obtient : X qui est égal à 1. En tenant compte du signe de chacune des mesures algé

briques, on en déduit la relation de Ménélaùs.


Il reste alors à analyser l'autre cas de figure où P, Q et R sont extérieurs aux côtés du triangle
ABC. Il est possible d'éviter l'analyse de ces différents cas de figure en introduisant une notion d'aire
algébrique.

Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Si le nom du mathématicien allemand Félix Klein (1849-1925) reste


attaché à de nombreux objets mathématiques (groupe de Klein, bou
teille de Klein...), la pensée de cet universitaire, d'abord professeur à
Erlangen puis à Munich, Leipzig et Gôttingen, rayonne encore sur la
géométrie d'aujourd'hui. On lui doit en effet le
fameux Programme d'Erlangen qui a profondé
ment modifié le développement et l'évolution de la
géométrie.
C'est à l'occasion de sa nomination comme profes
seur à l'Université d'Erlangen, en Bavière, en 1872
que Klein, alors âgé de 23 ans, présenta, sous
forme de « dissertation », le programme de
recherche publié dans le mémoire « Étude compa
rée de différentes recherches en géométrie »,
connu désormais sous le nom de Programme
d'Erlangen.
Jusqu'alors coexistaient différentes géométries,
classées comme telles selon que leurs axiomes
contenaient ou non l'axiome d'Euclide : la géomé
trie euclidienne, puis celle de Bolyai-Lobatchevski
où par un point pris hors d'une droite on peut
mener une infinité de parallèles à cette droite, celle
aussi de Riemann où par un tel point on n'en peut
mener aucune. Le mérite de Klein dans le pro
gramme d'Erlangen est d'avoir rapproché ces trois Félix Klein
géométries en les regardant sous un jour nouveau, celui des transfor
mations et plus particulièrement des groupes de transformations.
Introduite en 1830 par Évariste Galois, la notion de groupe s'applique
fort bien aux transformations, dont la propriété essentielle est précisé
ment de redonner par composition une transformation du même type.
Klein va fonder son programme sur une hiérarchisation de ces
groupes, les emboîtant les uns dans les autres (le « groupe principal »,
celui qui n'altère pas les propriétés des figures, est contenu dans celui
des similitudes, qui conservent la forme des figures, lui-même
contenu dans celui des transformations affines, qui conservent le
parallélisme...). Sa ligne de conduite est désormais : « Étudier les
êtres du point de vue des propriétés qui ne sont pas altérées par les
transformations du groupe », c'est-à-dire s'intéresser aux invariants
de ces groupes. La distance euclidienne est par exemple un invariant
du groupe des isométries. Avec cet éclairage, toute géométrie sera
donc la donnée d'un groupe de transformations opérant sur un
espace et c'est la notion même de groupe de transformations, avec
ses invariants, qui devient essentielle.
E. B.

Hors-série n° 35. Tangente


SAVOIRS par Hervé Lehning

Transformer,
c'est gagner !
Pour obtenir une ellipse, il suffît de transformer un cercle
par affinité. Les propriétés affines des cercles se transpor
tent ainsi aux ellipses.
u'est-ce qu'une ellipse ? On appelle cercle principal de l'ellipse,
IPlusieurs définitions sont pos le cercle de diamètre CD (les deux
sibles. La plus simple utilise points de l'ellipse sur l'axe focal
^uets et une ficelle. (AB)). On démontre que l'ellipse se
On se donne deux points A et B, appe déduit du cercle par l'affinité d'axe
lés foyers. On note c la moitié de la (AB) et de rapport OE/OF, E et F étant
longueur AB (AB = 2c) et on considère les points de l'ellipse et du cercle sur la
a > c. On appelle ellipse l'ensemble médiatrice de [AB]. Bien entendu, une
des points M tels que : AM + BM = 2a. affinité est une transformation affme.
Cette remarque suffit pour transporter
toutes les propriétés affines du cercle
L'ellipse (en bleu)
aux ellipses.
est l'ensemble des
points M tels que
Tangente au cercle
AM + BM = 20.
Elle se déduit du
A priori, les propriétés du cercle sont
cercle de diamètre
métriques. Prenons celles liées à la
CD (en rouge) par
notion de tangente.
l'affinité d'axe (AB)
Soient D une droite, C un cercle de
et de rapport
centre O et de rayon R et H la projec
OE / CF.
tion de O sur D,
si OH < R, D coupe C en deux
points distincts,
si OH = R, D coupe C en un seul
Comme toutes les notions abstraites, point, le point H,
si OH > R, D ne coupe pas C.
les groupes permettent de voir l'unité là où
De plus, la droite D est tangente à C si
semble régner la différence. et seulement si OH = R.

E(5I2 Tangente Hors-série n° 35


DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

d'une ellipse, il suffit de partir de la


construction métrique de la tangente
en un point d'un cercle ;

Si O est le centre du cercle C, R son rayon


et H la projection de O sur D, D coupe C
en deux points si OH < R, en un point si
OH = R et en aucun point si OH > R.
Elle est tangente à D si et seulement si Construction métrique de la tangente (en traits pleins) en un
elle coupe C en un seul point. point M d'un cercle : on trace le rayon OM partant de M puis la
perpendiculaire en M à (OM). Construction affine (en poin
tillés) : on trace ime parallèle à (OM) coupant le cercle en P et Q,
La démonstration de cette propriété on place le milieu I de [PQ] puis la parallèle en M à (01).
repose sur le théorème de Pythagore
(voir l'encadré Une
conséquence de Une conséquence de Pvtliagore
Pythagore). A priori, Soit M un point de D. D'après le théorème de Pythagore :

elle est vraie pour


U if"
tous les cercles. OM-^ = Off -f- HM^ >
Comme sa démons
tration repose sur une D'où l'on déduit que si OH > R
propriété métrique, alors OM > R pour tout point M
elle n'est pas appli de D donc aucun de ces points
cable aux ellipses. n'appartient au cercle C puisque celui-ci
Pour cela, une réécri est l'ensemble des points M
ture affine est néces tels que OM = R.
saire. En voici une : Si OH = R, le même
Une droite D coupe raisormement montre que
un cercle C en 0,1 H est le seul point de D
ou 2 points. Elle est appartenant à C.
tangente à C si et Si OH < R, M appartient
seulement si elle le à C si et seulement
coupe en un seul si HM^ = R2 - OH^ ce qui
point. donne deux points symétriques
Cette deuxième pro par rapport à H définis par :
priété est donc vraie hm = ±Vr^-oh^
pour les ellipses.
Pour en déduire la D'autre part, le seul cas où D est tangente à C est celui où OH ^ -• R c'est-
construction de la à-dire où D coupe C en un seul point.
tangente en un point

Hors-série n° 35. Tangente l£2j


SAVOIRS Transformer, c'est gagner !

Bien entendu, la méthode ne convient L'unification des coniques


pas pour une ellipse. Comment faire ?
Une idée est de transformer la construc Ce passage d'une propriété du cercle à
tion métrique exposée précédemment une propriété de l'ellipse peut être
en construction affine c'est-à-dire ne généralisé à toutes les coniques. Pour
faisant intervenir que des notions cela, on doit agrandir un peu le plan en
affines comme celles de milieu ou de ajoutant un point à l'infini sur chaque
parallélisme. Pour cela, il suffit de remar droite ce qui donne une droite à l'in
quer que la perpendiculaire menée du fini. Le plan ainsi agrandi est nommé
centre à une corde [PQ] est la droite le joi le plan projectif. On considère alors les
gnant au milieu de [PQ]. Cette remarque propriétés projectives (alignement,
nous foumit une constmction affine de la parallélisme ou concours, ces deux der
tangente en un point d'un cercle. nières ne formant qu'une propriété :
Comme elle est affine, cette construc deux droites parallèles sont deux
tion est valable pour toutes les ellipses. droites se coupant en un point à l'in
fini). On introduit alors les transforma
Construction de la tions conservant l'alignement ce qui
tangente en un permet de montrer que :
point M d'une une droite D coupe une conique C en
ellipse : on trace le 0, 1 ou 2 points (dont un éventuelle
rayon OM puis une ment à l'infini) et, si D coupe C en un
parallèle à (OM) seul point alors elle est tangente à C.
coupant l'ellipse en Les propriétés projectives des
deux points P et Q. coniques peuvent toutes être démon
On place le milieu I trées dans le cas du cercle. Autrement
entre P et Q, on le dit, une propriété projective vraie pour
joint à O puis on Dans l'encadré Un problème de géo un cercle l'est pour toutes les
trace la parallèle à métrie affine, nous voyons un exemple coniques.
(01) passant par M. montrant notre démarche à l'œuvre sur H. L.
un problème de géométrie affine.

Un problème de géométrie affine

Une ellipse E étant donnée,


cherchons le lieu des points
M tels que par M passent
deux tangentes à E en P et Q
telles que le centre de gravité
du triangle MPQ soit sur E.
Le centre de
Nous remarquons que le pro
gravité G du
blème ne fait intervenir que
triangle
des notions affines, il suffit
MPQ varie
sur le même donc de le traiter pour un
axe que M. cercle C.

Isa Tangente Hors-série n° 35


DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Nous remarquons alors que le problème est invariant par rotation autour du centre O du cercle C. Il
suffît donc de trouver les points M (s'il en existe) appartenant à une demi-droite d'extrémité O.
Faisons voyager M sur cette demi-droite du point sur C à l'infini, le centre de gravité G du triangle
MPQ est situé sur la même droite. Il part de l'intérieur de C pour aller continûment vers l'infini et son
abscisse est strictement croissante
P donc il existe une et une seule
position de M telle que G soit sur
C. Il nous reste à la trouver.
Considérons le cas de figure où OM
\ \ est égal à deux fois le rayon R de C.
Notons H l'intersection de OM et
H
de C. Le triangle OPH est équilaté-
Q \ \ M rai et le triangle PHM isocèle. En
utilisant le fait que le triangle OPM
est rectangle, on en déduit que les
angles du triangle MPQ sont tous
égaux à 60°. Il s'agit donc d'un tri
angle équilatéral. Son centre de gra
Cas de figure où OM est
vité est H qui est donc égal à G dans
le double du rayon de C.
ce cas particulier.
Donc le seul point M tel que G appartienne au cercle C est le point M tel que OM = 2R. Le lieu C
cherché est donc le cercle de centre O et de rayon 2R. Il reste à transcrire ce résultat en énoncé
affine pour pouvoir le transporter aux ellipses. Pour cela, il suffit de remarquer que C est l'homo-
thétique de C dans l'homothétie de centre O et de rapport 2.
Le lieu des points M tels que par M passent deux tangentes à E en P et Q telles que le centre de
gravité du triangle MPQ soit sur E est donc
l'ellipse homothétique de E dans
l'homothétie de centre O
et de rapport 2.

Lieu des points


M par lesquels
passent deux
tangentes à E
en P et Q tels
que le centre de
gravité du tri
angle MPQ soit
sur E.

Hors-série n° 35. Tcmgen±e m


SAVOIRS par Hervé Lehning

Les formes
du se( egré
Quelle est la forme d'une courbe ou d'une surface du second
degré ? La réponse tient en quelques transformations affines
et un répertoire de formes simples.
i le plan est rapporté à un repère changeons le repère (Oxy) en un autre
cartésien (Oxy), l'ensemble C des (AXY), nous changeons d'équation mais
points de coordonnées (x, y) pas de degré car les formules de change
vérifiant une équation du second degré ment de repère sont de degré un. Par
telle : exemple, dans le repère AXY défini par
+ 2xy + lOx- 14^^-1-28 = 0 les formules :
est, mis à part quelques cas dégénérés,
Antenne parabo X = X - Y + 3
lique. une courbe appelée conique. Si nous
y = Y + 2

l'équation de C devient :
{X- Y+3f + 2{X- Y+3){Y+ 2)
+ 2{Y+2f-\(i{X- F-t3)
-14(7+2)+ 28 = 0.
Après réduction, nous obtenons :
X^+Y^-\=0
qui, dans un repère orthonormal, est celle
du cercle de centre A et de rayon 1.

7 7x

A \I X

j
Ce qui est valable pour les coniques 0 i X

l'est aussi pour les quadriques Définition géométrique du repère (AXY).

GG Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER ; LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Four solaire

•• I

La transformationfaisantpasser d'un point


de coordonnées (x,y) dans un repère ortho- Dans notre cas particulier, nous sommes
normal (Oxy) au point de mêmes coordon tombés comme par miracle sur un
nées dans un repère cartésien quelconque repère rendant la forme de la conique
(AXY) est une transformation affine. Pour évidente. Comment faire dans le cas
la visualiser, le plus simple est de considé général ?
rer un maillage régulier du plan et son Le plus simple est de s'occuper d'abord
transformé. Une telle transformation res de la partie du second degré :
pecte les formes au sens affine du terme aif + 2bxy -F cy^
(voir l'article Formes, Déformations et où les nombres a, b et c ne sont pas tous
Invariances). Plus précisément, elle fait les trois nuls. Cette expression peut être
passer d'un cercle à une ellipse. vue comme un produit scalaire.

Dans un repère cartésien


quelconque, l'équation
X--hY^-i = o
représente une ellipse.

Hors-série n° 35. Tangente


SAVOIRS Les formes du second degré

Plus précisément :
a:)?" + Ibxy + =
x(ax +by) +y(bx +cy) =(^'^\ Si A et // sontnon nuls les formules de
changementde rep
où V et/(^) sont respectivement les
vecteurs de coordonnées (x, y) et (ax +
by, bx + cy) c'est-à-dire :
correspondant à un changement d'ori
y = xi +yj gine (donc à un repère (AAT)) fournis
et sent l'équation :
fiV) ={ax +by)l+{bx +cy)J,
OÙ d est une constante à déterminer que
7 et 7 étant les vecteurs de base du nous pouvons supposer positive en chan
repère (Oxv).
geant les signes de tous les termes de
L'application /jouit des propriétés de
l'équation si besoin est Si cette constanted
linéarité et de symétrie suivantes :
estnulle,nous obtenonsdes cas dégénérés :
f{aXJ +0) =a/(Û)+ C est un point, une droite ou deux droites.
(Â7|/(Û)) =(Û|/m) De même, si A et // sont tous les deux
strictementnégatifs, C est vide. Nous écar
pour tout couple de vecteurs et tons tous ces cas et considérons donc celui

tout couple denombres réels {oc,/i). où l'un au moins des deux coefiBcients A
et fL est strictement positif. Au besoin en
échangeant les axes du repère, nous pou
vons supposer qu'il s'agit de A . En divi
sant par celui-ci, suivant le signe de //,
Ces deux propriétés ont un rôle central
nous obtenons l'une des deux équations :
dans ce qui suit. De façon générale, une
telle application stabilise les axes d'un
repère orthonormal. e
Autrement dit, si T et J sont les vecteurs où A: et 7? sont des constantes à déterminer
de base de ce nouveau repère, il existe et où, pour simplifier les notations, nous
deux nombres réels X et JU tels que : avons noté (Oxy)notre nouveau repère.
fit) =Xt et

En posant =xT+yJ =-XT + yj , par Notons g l'affinité orthogonale d'axe


linéarité : (Ox) et de rapport k, c'est-à-dire l'ap
f{^) =xfit)+YfO) =AJïî+//yJ plication qui au point M de coordonnées
donc : (x, y) associe le point P de coordonnées
ax^ + 2bxy + c}P-= (x, ky). Une telle transformation corres
pond à une dilatation suivant l'axe (Oy).
= XX^ +juY^ La courbe C est la transformée par g de
compte tenu de l'orthonormalité du repère la courbe d'équation :x^±)P- = R^.
(OXY), La première (signe plus) est le cercle de
L'équation de G s'écrit donc : centre O et de rayon R. La seconde
XX^ +juY^ +aX+b'Y +c=0 (signe moins) l'hyperbole équilatère
où a', b' et c' sont des constantes à détermi dont les asymptotes sont les deux bis
ner. sectrices des axes.

Tangente Hors-série n'' 35


DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

La courbe C est alors une ellipse ou


une hyperbole. Les deux formes sont
mises en évidence par celles du cercle
et de l'hyperbole équilatère et l'affinité
g : il suffit pour les voir d'aplatir (ou
allonger) la courbe d'origine suivant
l'un des axes.

Si A ou // est nul, nous pouvons sup


poser jU =0 et X quitte,
au besoin, à échanger les axes (O^ et
(07)- De même que dans les cas non
dégénérés, un changement d'origine
du repère permet d'obtenir l'équation :
= 2py
où p est une constante à déterminer. Il
s'agit bien entendu d'une parabole.

Ellipse affine du cercle


de rayon R dans le rap-

Hyperbole afhne de
'hyperbole équilatère
d'équation - y^ = R-
dans le rapport k.

Hors-série n° 35. Tangen±e


SAVOIRS Les formes du second degré

Il est facile de transfor oàkttR sont des constantes à déter


mer une droite en para miner. Notons g l'affinité orthogonale
bole et vice versa. La de plan (Oxz) et de rapport k, c'est-à-
même transformation dire l'application qui, au point M de
convient pour n'im coordonnées {x, y, z), associe le point
porte quel graphe d'rme P de coordonnées (x, ky, z).
fonction continue sur La surface S est la transformée par g
IR. En revanche, il est de la surface 2 d'équation :
impossible de transfor yf +y^ = z^.
mer une droite en un 2 est obtenue par rotation de la droite
cercle (voir l'encadré d'équation :x = Rz autour de l'axe (Oz)
Déformation d'une (voir l'encadré Les Surfaces de révolu
courbe). tion). C'est donc un cône de révolu
tion. La quadrique S est l'image par
affinité de ce cône de révolution : il
s'agit d'un cône elliptique.
Une parabole

Tout ce qui vient d'être vu dans le cas


des coniques est également valable Si la constante d est non nulle, par la
dans celui des surfaces du second même discussion que précédemment
degré, c'est-à-dire les quadriques. suivant les signes de X, jJ, et V, nous
Soit S une telle surface, dans un repère obtenons l'équation :
orthonormal. ,,2
La partie du second degré de son équa =±R^
tion s'écrit donc ;
k^ K"-

XX'^ +IdY^ +vZ'^. où k,KetR sont des constantes à déter


miner. S est l'image par l'affinité précé
Si les trois constantes A, // et V sont dente g de la surface de révolution :
non nulles, un changement d'origine
foumit l'équation : x^ +y^±^=±R^
XX'^ + + VZ'^ = d
où d est une constante à déterminer. Si obtenue par rotation de la courbe d'équa-
cette constante d est nulle, l'équation 2
de S s'écrit : tion •. x^± — =±R^ autour de (Oz)
A^'^ +//r2 +vZ'2 = 0.
(voir l'encadré Les Surfaces de révolu
Si A, // et V sont du même signe, la tion). Cette courbe est une ellipse ou une
quadrique S se réduit alors à un point. hyperbole suivant les cas. Cette rotation
Sinon, en multipliant par - 1 et en permet de voir la forme de S.
échangeant les axes au besoin, on peut Dans le premier cas, nous obtenons un
supposer les deux premières positives ellipsoïde, dans le second un hyperbo-
et la troisième négative. En divisant loide à une nappe et dans le troisième un
par X, on obtient l'équation ; hyperboloïde à deux nappes.
Le deuxième se trouve dans notre pay
sage : il s'agit de la forme des tours de
refroidissement des centrales électriques.

ITCl Tangen±e Hors-série n° 35


DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Coniques engendrant
les formes des quadriques non
dégénérées par rotation.

Nous rencontrons ensuite les cas où


l'un des trois coefficients A, // et V Château d'eau en

est nul. Nous pouvons supposer qu'il forme d'hyperbo-


loïde de révolution à
s'agit de V. Comme précédemment,
une nappe à
un changement d'origine du repère B 0 u k a r a
fournit l'équation : (Ouzbéldstan).
Àx^ +jly^+az = d Un des intérêts de
où a et sont des constantes à détermi cette surface est

ner. Si a est nulle, S est donc le qu'elle est engen


drée par deux
cylindre dont les direetrices sont paral
familles de droites.
lèles à (Oz) et dont une génératrice est
la courbe d'équation :
+lJ.y^ = d

HjqDerboloïde à une nappe. Hvperboloïde à deux nappes.

Hors-série n° 35. Tangente


SAVOIRS Les formes du second degré
Un paraboloïde
elliptique

Un paraboloïde
hyperbolique

qui est soit un cercle, soit une hyper Dans le cas d'im signe plus, S se déduit
bole soit encore un couple de deux par une affinité de la surface de révolu
droites (voir l'encadré Les cylindres). tion : x^+ = 2pz, elle même obtenue
Si a est non nulle, un changement par rotation d'une parabole autour de son
d'origine permet de mettre l'équation axe. Il s'agit d'un paraboloïde elliptique.
sous l'une des deux formes : Ce type de quadrique se trouve égale
ment dans nos paysages. Elle est utilisée
x^±^ =2pz . pour les fours solaires et les paraboles
k de réception de télévision par satellite.
Dans le cas d'un signe moins, S se
déduit par une affinité de la surface
Les cylindres d'équation :
Une courbe plane C et une direction D étant données, on x^-y^ = 2pz.
appelle cylindre de directrice C et de génératrices parallèles Il s'agit d'un paraboloïde hyperbolique
à D la surface S engendrée par l'ensemble des droites paral également nommé selle de cheval du
lèles à D passant fait de sa forme. Il a été utilisé pour les
par im point de C. toits de certains monuments car, comme
Si la direction est l'hyperboloïde à une nappe, il peut être
(Oz) et si la courbe engendré par deux familles de droites,
C est dans le plan ce qui est pratique en construction.
(Oxy), l'équation Il reste ensuite à considérer les cas où
de S est la même deux des trois coefficients X, JJ. qX V
que celle de C ! En sont nuls.
effet, un point M Nous pouvons supposer A = // = 0.
de coordonnées (x, Un changement de repère permet alors
y, z) appartient à S de se ramener à l'équation :
si et seulement si x^ = 2pz.
le point de coordonnées (x, y) du plan {Oxy) appartient à C. Il s'agit d'un cylindre parabolique.
H. L.

Tangentte Hors-série n° 35
DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

En faisant tourner une courbe autour d'un axe de son plan, on obtient
une surface de révolution. Une telle surface est facile à visualiser.
Par exemple, en faisant tourner une droite du plan (Oxz) passant par
O (équation : x = Rz) autour de (Oz), on obtient un cône :
On appelle méridienne d'une telle surface son intersection avec un
plan méridien, c'est-à-dire un plan conte
nant l'axe de révolution. Dans le cas du
cône, la méridienne est composée de deux
droites symétriques par rapport à (Oz).
Dans (Oxz), les équations de ces droites
sont •.x = ±Rz donc l'équation de la méri
dienne est : x^ = P?z^.
Soit M un point de coordonnées (x, y, z).
M appartient au cône si et seulement si il
appartient à l'une de ses méridiennes. Le
plan méridien passant par M coupe (Oxy)
suivant un axe (Op).
Dans le plan (Opz), les coordormées de M
sont (p, z) où p^ = x^ + d'après le théorème de Pythagore. M
appartient au cône si et seulement si : p^ = donc si et seulement
si : x^ +y = i?^z^ qui constitue ainsi l'équation de ce cône.
De même, si la méridienne d'une surface de révolution a pour équation :
/(x^, z^) = 0, la surface derévolution a pour équation :
/(x^+Z, z^) = 0.

Déformation d'une conme


Supposons que l'on puisse transformer une droite en un cercle. Il existe alors une application continue/
de C (le cercle unité du plan) dans R telle que/(C) = R. Considérons alors la fonction g définie sur le
segment [0, 2n'\ par : g (i) =f(cos t, sin t).
Cette fonction est continue et l'image du segment [0, iTt] est R ce qui est absurde puisque l'image
d'un segment par une application continue est un segment. Ainsi, une droite ne peut se déformer
continûment en un cercle. Elle peut seulement être transformée en cercle privé d'un point au moyen
de la projection stéréographique.

Le cercle C est tangent à la droite D. On considère P le point diamétralementopposé au point de contact.


Àtout point Mde D, on associe/(M) l'intersection de ladroite (PM) etdu cercle. La transformation/
est continue ainsi que son inverse et transforme la droite D en le cercle C privé du point P.

Hors-série n° 35. Tangente 73


ACTIONS par Hervé Lehning

L'œil du topologue
et le morphing
La géométrie métrique s'intéresse aux propriétés invariantes
par déplacement, la topologie aux propriétés invariantes par
déformation continue. En pratique, cela débouche sur ce que
l'on appelle le morphing.
Plaisanterie matheuse :com
ment reconnaître les topo-
on peut les superposer (voir l'article
Formes, Déformations et Invariances).
logues sur une plage bondée ? Pour reprendre l'esprit de la plaisante
La réponse : ils sont les seuls à rie, nous sommes tous géomètres. Plus
confondre bouée canard et ballon sau précisément, nous faisons de la géo
teur. Si vous vous trouvez au bar de la métrie euclidienne et nous nous inté
plage, c'est encore plus simple. Ils ressons aux objets définis à un
Un topologue prennent leurs tasses de café pour des déplacement près. Si nous étions des
confond tasses et beignets aux ponunes. spécialistes de géométrie affine, nous
beignets. nous intéresserions aux objets définis à
une transformation affine près. Ainsi,
nous ne verrions pas de différence
entre cercle et ellipse, balle de tennis,
ballon de football ou de rugby.
On peut passer d'une ellipse à une
autre au moyen d'une transformation
affine. Cette façon de voir donne un
classement des objets du plan et de
l'espace. En géométrie euclidienne,
cercle et ellipse sont des objets appar
tenant à deux rubriques différentes.
Le topologue La uue des géomètres Les cercles sont caractérisés par leurs
ne distingue rayons et les ellipses par la longueur de
pas Comme beaucoup de plaisanteries, leurs axes. En géométrie affine, ils
bonnes ou mauvaises, celle-ci possède sont non seulement tous classés sous la
COUDE et
son fond de vérité. Pour les gens nor même rubrique, mais ils ne sont pas
IDIOT
maux, deux objets sont identiques si distinguables l'un de l'autre.

74 Tangenie Hors-série n° 35 Les transformations


DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

^ quoi ça sert ? La uue des topologues

Ces abstractions ne sont pas gratuites. Le topologue est un extrémiste : il


Les propriétés géométriques sont de confond les objets pouvant être obte
plusieurs types. Certaines sont des pro nus l'un de l'autre par déformation
priétés métriques : elles concernent les continue. L'utilisation de l'expression
notions de distance et d'angle. Dans ce « l'un de l'autre » signifie que la défor
cas, si une propriété est vraie pour un mation est réversible. On peut passer
objet, elle est également vraie pour de l'un à l'autre, puis revenir à l'un si
tous les objets superposables. Une pro on le désire. Voici par exemple la
priété peut aussi être affine et ne déformation d'une tasse en un beignet
concerner que les notions d'aligne (bas de page).
ment, de mesure algébrique, de rapport
d'aires, de barycentre (milieu, centre Propriété topologique du cercle
de gravité, etc.), de parallélisme ou
d'objets concourants. Dans ce cas, une De même que les propriétés affines du
propriété vraie pour un objet l'est éga cercle se transportent à toutes les
lement pour tous les objets s'en dédui ellipses (voir l'article Transformer,
sant par une transformation affine. c 'est gagner !), les propriétés topolo
Ainsi, une propriété de ce type vraie giques du cercle se transportent aux
pour un cercle l'est également pour courbes obtenues du cercle par défor
toutes les ellipses. Ce procédé se mation continue. L'exemple le plus
retrouve dans tous les domaines des simple est sans doute le suivant : le
mathématiques. L'avantage de l'abs cercle sépare le plan en deux parties.
traction est de voir la même chose là Deux points de la même partie peuvent
où chaque cas peut sembler particulier. être joints par une ligne continue, mais
pas un point de l'une des parties à un
point de l'autre, car la ligne coupera
forcément le cercle. C'est une consé
Déformation continue (et réversible) quence du théorème des valeurs inter-
d'une tasse en beignet.

Les transformations Hors-série n° 35. Tangente 75*


ACTIONS Le morphïng

médiaires (voir l'encadré Passage de


l'intérieur à l'extérieur). Lecture déformée
Le topologue parfait a les plus
grandes difficultés à lire les textes
tapés dans certaines polices de
caractères. Par exemple, en Arial,
il ne distingue que neuf lettres
capitales sur vingt-six : A, B, C, D,
E,H,P,QetX.
On ne peut pas passer Plus précisément, voici les groupes
continûment d'un point de lettres confondues :
à l'intérieur du cercle à
AR
un point à l'extérieur.
B
C G IJ L M N S U VW Z

D'autre part, l'une de ces parties est DO

bornée et l'autre non. La première se EFTY

nomme l'intérieur du cercle et l'autre H K

son extérieur. Ces propriétés sont inva P

riantes par déformation continue, elles Q


sont donc valables pour toutes les X

courbes que l'on peut obtenir du cercle Comment distinguer alors coude
par déformations continues réversibles et IDIOT ?

(c'est-à-dire images du cercle par une


bijection continue dont l'inverse est Passage de l'intérieur
continu). On montre qu'il s'agit de
à l'extérieur
toutes les courbes fermées (continues)
On considère le cercle de centre G
sans point double. Les courbes possé
et de rayon R, A un point intérieur
dant des points multiples, comme celle
et B un point extérieur. Si l'on peut
de la figure suivante, n'en font pas par
passer continûment de A à B entre
tie puisqu'elles ne possèdent pas la
un instant a et un instant b, soient
propriété topologique des cercles vue
M(r) la position du point mobile à
ci-dessus.
l'instant t etM(r)(v(r), y(t)) sescoor
données dans un repère orthonormé
de centre 0. Considérons la fonc
tion /définie sur le segment [a, U]
par/{t)= [x(t)f+ [y(0]^- Cette fonc
tion est continue et vaut OA^ <
en a et OB^ > R^ en b. D'après le
théorème des valeurs intermé
diaires, il existe donc t dans [a, b]
tel que [OM(t)]^ = R^. À cet instant
t, le point mobile M(t) est sur le
cercle. Nous avons donc prouvé que
Courbe non déformable continûment en
l'on ne peut passer d'un point inté
cercle :
on ne peut passer d'une des parties gri rieur à un point extérieur au eercle
sées à l'autre sans couper le cercle. sans le couper.

Tangente Hors-série n° 35 Les transformations


DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Classification des surfaces


Le morphing (1)
Nous disposons des photographies de deux objets topolo-
La sphère possède exactement la même
giquement équivalents. Comment définir la transforma
propriété topologique dans l'espace :
tion qui fait passer de l'un à l'autre ? Admettons qu'il
elle définit un intérieur bomé et un exté
s'agisse de deux carrés. Une idée est de décomposer le
rieur non bomé. La propriété se trans
premier en une collection de triangles ne se coupant que
porte à toutes les surfaces obtenues par
le long de leurs côtés (voir la figure volontairement très
déformation continue réversible. Le tore
simplifiée Triangulation d'un carré).
(la bouée) possède la même propriété
bien qu'il soit impossible de passer
d'une sphère à un tore par déformation
continue. Pourquoi ? Tout simplement sa

parce que le tore ne partage pas une


autre propriété topologique de la
sphère : sur une sphère, toute courbe
fermée est rétractable continûment en un G
P
point. Ce n'est pas le cas sur le tore,
comme le montre la figure suivante. C
o

Nous déformons alors cette triangulation tout en en


Sur une sphere, toute courbe peut se conservant les caractéristiques principales. Plus précisé
rétracter en un point, pas sur un tore. ment, nous déplaçons les sommets des triangles. Nous
obtenons une nouvelle triangulation :

Il existe bien entendu des surfaces bien


plus compliquées que celles qui peuvent
être déformées en une sphère ou un tore,
mais les topologues ont récemment réussi
à toutes les classifier. Ce n'est pas (encore)
le cas dans les dimensions supérieures,
c'est-à-dire pour les objets de dimension 3
dans un espace de dimension 4, etc.H. L.

Les transformations Hors-série n° 35. Tangente


ACTIONS Le morphing

le morphing (2)
Sur chaquetriangle du premier carré, nous utilisons alors une transformation affinepour passer au tri
angle correspondant (de même couleur sur la figure) dans le second. Cela est toujours possible
(comme nous le voyons dans l'article Formes, Déformations et Invariances). Cette transformation
correspondà la notion de barycentre(voir la figurePassage d'une triangle à un autre).

Passage d'un triangle à un autre. Les sommets des triangles intermé


diaires sont barycentres des sommets des triangles extrêmes. En parti
culier, L, M et N sont les milieux de [AP], [BQ] et [CR].
Si les triangles extrêmes sont ABC et PQR, les sommets des triangles intermédiaires sont les bary
centres de A et P, B et Q, C et R, donc les points :
f A+ (1 - 0 P, tB + (1 - 0 Q et /C + (1 - 0 R
où t varie entre 0 et 1.
Ceci définit une transformation d'un triangle en l'autre. En réunissant ces différentes transformations
affines, nous obtenons une transformation continue d'un carré en l'autre. Les logiciels de morphing
fonctionnent ainsi. Ils définissent automatiquement une triangulation à partir des sommets donnés des
triangles. Bien entendu, une telle triangulation n'est pas uniqueet des surprises peuventsurvenir. Pour
corriger les erreurs, il suffit en général de distribuer les points dans un ordre logique. La figure
Transformation d'un chamois en lion montre un exemple de ce que l'on peut réaliser ainsi. Bien
entendu, il est facile de proposer des morphings plus troublants.

Transformation d'un cha


mois en lion par mor
phing. La triangulation
utilisée suit les contours
des visages de ces ani
maux.

Photographies et trucage :
Hei-vé Lehning.

Tangente Hors-série n° 35 Les transformations


par Michel Crlton JEUX & PROBLÈMES

HS3512-Transcoloriage ✓✓✓ HS3513 - Cinq d'un coup ! ✓✓✓

On dispose de soixante-quatre petits Thomas Thématic a été capturé par les


cubes de même taille numérotés de 1 à 64. terribles Logicos, qui veulent tester son
On les range de la manière suivante raisonnement. Il est enfermé dans une
pour constituer un grand cube : salle dont la porte s'ouvre grâce au sys
tème suivant :
Trente-deux
cadrans circu
laires trico
lores, ne
pouvant tour
ner que dans le
sens des
aiguilles d'une
La seconde tranche est constituée de la montre, sont
même façon en commençant par le placés « rouge
cube 17 placé au-dessus du 1, le cube en bas ».
18 placé au-dessus du 2... La porte ne peut s'ouvrir que si les trente-
Ordonnée de la même façon, la troi deux cadrans sont placés « blanc en bas ».
sième tranche débute par le numéro Mais la manipulation des disques est
33, la quatrième par le numéro 49... soumise aux conditions suivantes ;
Une fois le grand cube constitué, on le • on doit, à chaque « coup », tourner
peint extérieurement en vert, sur ses six cinq cadrans à la fois, ces cadrans étant
faces, puis on le démonte dès qu'il est sec. (ou non) consécutifs ;
On utilise alors les petits cubes pour • chaque cadran ne peut tourner que
reconstituer un grand cube de la d'un tiers de tour à chaque « coup ».
manière suivante : Dès que l'une de ces deux conditions est
le cube numéro transgressée, la porte devient irrémédia
12 3 4 59 60 61 62 63 64 blement bloquée.
se translate à la place qu'occupait le Quel est le nombre minimal de coups
cube numéro : nécessaires à Thomas pour ouvrir la
6789 64 1 2 3 4 5 porte ?
dans le 1" grand cube.
Chaque déplacement se faisant par une HS3514 - Partition du plan ✓✓✓
translation, les orientations de cubes
sont conservées. Est-il possible de partitionner le
Ce deuxième grand cube étant consti plan en trois ensembles A, B, et C, de
tué, on le peint extérieurement en telle façon que :
rouge, sur ses six faces. une rotation de 120° autour d'un cer
Après ce deuxième coloriage, com tain point P applique A sur B, et qu'une
bien de petits cubes comportent rotation de 120° autour d'un certain
exactement deux faces colorées, point Q applique B sur C ?
l'une en vert, et l'autre en rouge ?

Source des problèmes


Championnat des Jeux Mathématiques et Logiques (HS3512, HS35I3)
Revue Crux Mathematicorum (HS3514)

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 1751


SAVOIRS par Jacques Lubczanski

La projection centrale
et rtiomographie
La projection centrale est une modélisation de notre vision,
ou plutôt de la photographie. Elle est au centre de la géomé
trie projective.
Lemot «homographie »vient
du grec. En linguistique, il
Projection centrale autour du pivot P :
A se projette en B, A' en B' et A" en B".
signifie « s'écrire de la même Plus A s'éloigne de O, sur D, ^a
plus son image B se
manière ». Ainsi, le verbe « être » eonju-
rapproche an contraire
gué à la troisième personne du singulier de O, et vice versa.
de l'indicatif présent et la direction
opposée à l'Ouest sont homographes,
même s'ils se prononcent différemment.
Quel rapport avec l'homographie mathé
matique ? La réponse vient de l'hyper
bole.

Projectioncentrale

La projeetion eentrale est l'une des trans Le pointAq de D appartenant à laparallèle


formations géométriques les plus simples. à A passant par P résiste à la projection
On se donne deux droites D et A se cou centrale : il estsansimage. De même, Bg,
pant en un point O, et un point P. À tout l'intersection de A et de la parallèleà D
point A, on associe B qui est l'intersection passant par P, est sans antécédent.
de AP et de A.Ce point B est appelé la pro Cesdeux points jouentdesrôles A
jeetion de A. privilégiés,comme
nous allons le voir.

Géomètre, c'est sûr, il l'est f.a projection q ^


Notre auteur venu de l'est. centrale de

Dissonances homographiques, centre P, A,, le point Ag


de D sans image, et
Maxime de Ruelle B„le point de Asans antécédent.

m Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Recherche d'une formule une hyperbole d'asymptotes parallèlesà D


et A, passant par P.
Peut-on trouver une formule reliant l'abs
cisse d'un point et celle de son image ? La
question est simple si on utilise O comme
origine, Aq le point sans image, et Bg le
point sans antécédent pour former un
repère. Le point M de
coordonnées
.Y et y décrit
une hyper
bole

En fait, la courbe dessinée est incom


plète. n lui manque une branche : H_, celle
qui est décritepar les points symétriquesde
D
par rapport au point P. Michel Chasles
Les deux triangles en vert (1793-1880) a introduit ce terme d'homo
et bleu surlafigure ont leurs ^ graphie à cause de la construction de cette
angles égaux, ils sont donc semblahit s.
courbe. On obtient l'hyperbole complète
Les deux triangles AAgP et PBgB ont en traçant l'une de ses branches et en com
leurs côtés parallèles et donc leurs plétant le graphe en le reproduisant à l'en
angles égaux : ils sont semblables. vers de l'autre côté de P. La branche H_ est
Leurs côtés sont ainsi proportionnels : une homographie de au sens littéral.

BoB AqP
L'homographie générale
BqF AoA

Si nous notons a, b,x et y les abscisses La projection centrale n'est qu'un cas par-
(d'origine O) deAg, Bg, A et B, cette rela ticuher d'homographie. De façon générale,
tion s'écrit : on appelle ainsi les transformations s'ex
primant sous la forme :
y-b b
x-a ax + b
ex+ d
que l'on peut également écrire
(x - a){y -b) = ab. Si le nombre c est non nul, le graphe d'une
Notre raisonnement, a priori valable telle fonction est toujours une hyperbole,
seulement si x > a, se généralise au formée de deux branches symétriques.
cas X < a. La transformation homographique se
généralise ensuite au plan complexe.
La branche cachée de l'hyperbole Géométriquement, il s'agit de la composée
d'une inversion et d'une similitude. Elle
Quand A décrit D, le point M de coordon joue un rôle important en analyse dans
nées Xet y, dont les projections sur D et A l'étude des fonctions complexes.
parallèlement à A et D sont A et B, décrit J.L.

Hors-série n° 35. Tangente


HISTOIRE par Michel Criton

La géométrie projectlue
ou l'unification des coniques
On peut définir les coniques
(l'ellipse, dont le cercle est un
cas particulier, la parabole et Les coniques
définies
l'hyperbole) de plusieurs comme

façons : géométrique, analy intersection


d'un cône
tique et enfin prcjective. et d'un plan
(ellipse, parabole
Le géomètre grec
Apollonius de Perge
ou hyperbole selon
que le plan est sécant
avec les génératrices
(iif siècle av. J.-C.) du cône, est parallèle à
entreprit une étude systé une génératrice du
cône, ou coupe les
matique des intersections deux nappes du cône,
d'un cône avec un plan, respectivement).
appelées pour cela sec
tions coniques, ou plus
simplement coniques.

En géométrie projective,
il n'existe qu'une
conique.

Une question de perspectiue

Cette conception des coniques restera avec les prémices de ce qui deviendra
la seule jusqu'au xvii" siècle. Les la géométrie projective, et le second
mathématiciens Girard Desargues avec l'invention de la géométrie analy
(1591-1661) et René Descartes (1596- tique. Cette dernière connaîtra un
1650) apporteront chacun un nouveau grand succès : chaque conique est défi
point de vue sur le sujet, le premier nie par l'équation cartésienne de sa

82 Tangervte Hors-série n° 35 Les transformations


DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Un observateur s'avance vers un


cercle dessiné sur le sol. Il voit
tout d'abord une ellipse, qui se
déforme jusqu'à devenir un
cercle, puis une parabole et enfin
une branche d'hyperbole.

courbe dans un repère, et ses proprié Les homographies


tés découlent d'égalités algébriques. A
contrario, l'œuvre de Desargues aura Les applications bijectives d'un espace
peu de diffusion et tombera même projectif dans lui-même s'appellent
dans l'oubli, jusqu'à ce qu'elle soit des homographies.
redécouverte au milieu du xix*^ siècle. Dans le plan complexe, une homographie
Desargues s'est appuyé sur les travaux peut se définir comme une bijection du
des peintres de la Renaissance (Piero plan complexe privé d'un point sur le plan
délia Francesca, Filippo Brunelleschi...) complexe privé d'un (autre) point, du type
qui ont codifié la perspective pour
az + b Au Luxembourg, des balus
construire une théorie mathématique
cz + d trades circulaires du xviiF
rigoureuse, celle de la géométrie pro- siècle ferment la perspec
jective. Ce n'est qu'en 1847 qu'on oùci^O, {a, b) et (c, d) ne sont pas pro tive des jardins. Vues de
retrouvera une copie d'un de ses textes portionnels, die. l'intérieur, il s'agit donc
d'une hyperbole parfaite,
de 1639 intitulé Brouillon projet d'une Les homographies sont une généralisation que l'on peut comparer avec
atteinte aux événements des rencontres des similitudes à l'espace projectif. Elles la bouche d'égout elliptique
du cône avec un plan. Les mathémati conservent certaines propriétés des au sol. La parabole quant à
ciens Jean-Victor Poncelet (1788-1867), figures, notamment le birapport (voir elle appartient au monde
des idées, cas limite entre
Jakob Steiner (1796-1863) et Christian encadré).
l'hyperbole et l'ellipse, que
von Staudt (1798-1867) redéfiniront les M.C. l'on pouiTait voir en se posi
bases de cette nouvelle géométrie, en tionnant parfaitement sur
abandonnant le vocabulaire par trop la colonnade.

obscur de Desargues.
En géométrie projective, on adjoint à Le birapport de quatre points
l'espace affine (l'espace « ordinaire » A B C D
dans lequel nous vivons) une droite à
l'infini. Deux droites parallèles de cet Cette notion de birapport (ou rapport anharmonique) a été
espace affine ont alors toujours un définie par le mathématicien Michel Chasles (1793-1880).
point en commun, situé sur cette droite QA DA
Il s'agit du rapport de mesures algébriques : .
à l'infini. Ce point en commun corres CB DE
pond au « point de fuite » bien connu Ce rapport est indépendant du repère choisi sur la droite,
des peintres en perspective centrale et il est conservé dans toute projection.
(dite aussi perspective conique).

Les transformations Hors-série n° 35. Tangente [831


SAVOIRS Par Michel Criton

L'inuersion
et l'arbelos
Cette transformation peu connue trouve son origine dans
les travaux de Jean-Victor Poncelet (1788-1867), inventeur
de la géométrie projective, et de Jacob Steiner (1796-1863),
qui découvre l'inversion en 1824.

C'est ensuite le mathématicien


italien Giusto Bellavitis (1803-
sont les points du cercle de centre O et
de rayon \/| k \ (ce cercle, représenté
1880), inventeur de la notion en rouge sur la figure, est appelé le
d'équipollence, qui étudiera l'inver « cercle d'inversion »).
sion de façon systématique (il la nom
mait « transformation par rayons
vecteurs réciproques »), dans son livre
Théorie des figures. En 1847, Joseph
L'inversion Liouville (1809-1882) démontrera que
transforme toute transformation conforme de l'es
pace est réductible à une suite d'inver
un cercle en
sions et de similitudes.
droite, ce qui
adesapplica- Définition
tions en
mécanique Dans le plan, l'inversion de centre O
(ou de pôle O) et de puissance k (non
nulle) est l'application du plan privé
du point O dans lui-même, qui à tout Le cercle d'inversion (en rouge)
point M associe le point M' de la droite est invariant, connue les cercles
(OM) tel que ÔM~ X OM ' = k . qui lui sont orthogonaux (en
L'inversion est dite positive si > 0 et bleu). Le cercle de diamètre OM
négative si â: < 0. Cette transformation (en noir) se transforme en la
ne conserve pas les longueurs, mais droite orthogonale à (OM) pas
elle conserve l'orthogonalité et les sant par M' (en hleu foncé).
angles. Les points invariants du plan

84 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER : LE REGARD DU...

La droite (OM) privée du point O est de l'arbelos ont déjà été remarquées et
transformée en elle-même. Le cercle étudiées par le mathématicien alexan
de diamètre [OM], privé de O, s'ouvre drin Pappus au IV® siècle de notre ère.
et se transforme en la droite perpendi On veut démontrer que le centre du n®
culaire à (OM) passant par M'. Tout cercle de la chaîne (à partir du plus
cercle passant par O, privé de O, se grand) est situé à une distance de la
transforme en une droite. Tout cercle droite (AC) égale à 2n fois son rayon.
orthogonal au cercle de l'inversion est
globalement invariant : il se transforme
en lui-même.
La définition de l'inversion se généralise
à l'espace à trois dimensions en rempla
çant les cercles par des sphères et les
droites par des plans. Les inversions
sont des involutions : une inversion est
sa propre réciproque et la composition
d'un inversion avec elle-même donne
l'application identique. Dans le plan, les
inversions conservent l'ensemble des
L'arbelos.
droites et des cercles : l'image d'une
droite ou d'un cercle par une inversion La démonstration de cette jolie pro
est une droite ou un cercle. Dans l'es priété se fait facilement en utilisant
pace, elles conservent l'ensemble des l'inversion. Considérons l'inversion de
plans et des sphères : l'image d'un plan centre A et dont le rayon est choisi de
ou d'une sphère par une inversion est un façon à laisser invariant le n® cercle de
plan ou une sphère. Elles conservent les la chaîne. Cette inversion transforme la
angles : ce sont des transformations droite (AC) privée du point A en elle-
dites « conformes ». même, les cercles de diamètres [AD]
et [AC] en deux droites parallèles (voir
Un exemple : l'arbelos la figure ci-dessous qui prend
l'exemple du troisième cercle inscrit
Dans l'article « L'inversion et la dans l'arbelos). Elle transforme le n®
chasse au lion », nous voyons une uti cercle en lui-même, et tous les autres
lisation humoristique de cette transfor cercles de la chaîne en des cercles tan
mation. Donnons ici un exemple plus gents entre eux et tangents aux deux
sérieux d'utilisation pour résoudre un droites parallèles, donc de même dia
problème. Dans la figure ci-après (on mètre, ce qui établit la propriété.
appelle cette figure, étudiée en son
temps par Archimède, un arbelos), on
a construit une chaîne de cercles tan
gents entre eux et tangents aux bords
de l'arbelos. On appelle de telles
chaînes de cercles des chaînes de
Steiner, du nom du mathématicien
suisse Jacob Steiner. Ces chaînes de
cercles tangents construits à l'intérieur

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 85


SAVOIRS L'inversion et l'arbelos

Inversion et machines à vapeur


Un officier français, Charles Peaucellier
(1832-1913) inventa un mécanisme qui, en
transformant un mouvement circulaire en
mouvement rectiligne, réalisait une inver
sion géométrique. Ce mécanisme fut
ensuite utilisé dans les machines à vapeur
et améliora le système de transmission dû
à James Watt (1736-1819).

Une propriété analogue peut être mise


en évidence en partant non plus d'un
arbelos, mais d'une « corne »,
c'est-à-dire d'un arbelos privé de son
plus petit demi-cercle.
On peut alors démontrer, et de façon
analogue (voir la figure cicontre), que
le centre du rf cercle de la chaîne (à
partir du plus grand) est situé à une
distance de la droite (AC) égale à
2n - 1 fois son rayon.
A D C M. r .

L'inversion de centre A laissant invariant le n"


cercle (en rouge) transforme les deux cercles de
diamètre AD et AC en les deux droites parallèles
(en rouge) et les autres cercles en des cercles tan
gents à ces droites (en rouge), donc de même
rayon. Cela prouve que la distance de son centre
à la droite (AC) est égal à 2n fois son rayon.

j 8G Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


par H. Lehning et F. Lavallou EN BREF

tes géemétries cachée


-

Salvador Dali (1904 - 1989)


est connu pour ses provoca Douce Perspective
tions et sa démesure. Il fut
aussi un excellent technicien Cet ouvrage n'est pas un traité didactique et
de la peinture, comme en technique sur la géométrie projective, mais piu-
témoignent ses trompe-l'œil et tôt une invitation à suivre ie ient cheminement
ses anamorphoses (voir des idées sur ia perspective au cours des âges.
l'article « Les transformations
De Bruneiieschi, ie génial Florentin, à son coi-
géométriques, tout un art »
iégue lyonnais Desargues, en passant par
dans ce numéro). Les déceler
Piero deila Francesca et Leonardo da Vinci,
n'est pas chose facile. Parfois,
nous suivons les avancées et errements d'une
quelques détails étonnent, des
nuages étrangement disposés notion pas toujours bien définie se situant entre
par exemple. Faut-il y voir un théorie et pratique, science et art, vision et géo
message de l'auteur vu dans métrie. À une époque encore sous le joug des
un miroir cylindrique ou sphé- conceptions aristotéliciennes, et où les seg
Léda atomica (1949). rique ? (voir l'article « Image ments n'osent se transformer en droites, de
Outre les nombreux sym
dans une boule de Noël »). peur de côtoyer un infini qui ne peut être que
boles qu'elle contient,
cette toile de Salvador
Dans Léda atomica. Gala et le divin, des peintres frôlent le sacrilège en intro
cygne s'inscrivent dans un
Dali a été construite sur duisant sur leur fenêtres de toiles les points de
un pentagone régulier. pentagone régulier. Le souci
fuites de leurs perspectives. Nous découvrons
des proportions est rappelé
ia géométrie secrète de leurs tableaux au cours
par une équerre et l'ombre d'une règle. Les transforma
de chapitres dont l'ordre de lecture peut obéir à
tions géométriques sont une des clefs pour comprendre
l'humeur du lecteur. Les auteurs, désireux de
les œuvres de Salvador Dali.
raconter plutôt qu'expliquer,
ont manifestement cherché

Douce Perspective à donner à voir « ia douce


Une histoire de science et d'art perspective » à des géo
mètres, peintres, historiens
Définition de l'anamorphose
ou esprits ouverts, refusant
de choisir, pour reprendre
Les anamorphoses sont des représen
Descartes, entre « doctes et
tations volontairement déformées
curieux ». N'hésitez donc
d'un objet, dont l'apparence réelle ne
peut être retrouvée qu'en regardant pas à assister à cette excep
Déni» Fivennec
tionnelle rencontre entre
l'image sous un angle particulier ou >'• Emmanuel RIboulel-Deyri»

au moyen d'un miroir courbe, souvent une science et un art !


'^lljpscfc
conique ou cylindrique. Elles peuvent
être créées optiquement ou géométri
quement. Il s'agit en fait d'une variation
de la perspective dont chaque point Denis Favennec en collaboration
avec Emmanuel Rlboulet-Deyris
observé se retrouve à l'intersection d'une
Éditions Ellipses, 2007, 242 pages.
ligne de fuite et d'une courbe.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 87


ACTIONS Par Hervé Lehning

L'inuersion
et la chasse au lion
Hector Pétard, gendre du divin Bourbaki, mathématicien
de génie, sut appliquer les transformations géométriques
les plus abstraites à des domaines aussi concrets que la
cynégétique.

Le lion est un animal constam


ment sur ses gardes. Comment
Stratégie de capture d'un lion

l'attraper vivant sans éveiller


L'idée géniale d'Hector Pétard pour
ses soupçons ? Hector Pétard, illustre
chasser le lion sans danger est de dis
mathématicien du XX" siècle, apporta
poser d'une cage dans laquelle il
des réponses magistrales à ce problè
s'enferme seul. A l'instant initial, le
me. La principale concerne l'objet de
lion est donc à l'extérieur. 11 opère
cet ouvrage.

L'humour est mathématique


Cet article sur la chasse au lion est un exemple caractéristique d'humour
mathématique. Celui-ci frise souvent l'absurde. Hector Pétard est le pseu
donyme de Ralph P. Boas (1912-1992). Ses articles les plus cocasses ont été
rassemblés par la Mathematical Association of America dans Lion hunting
& other mathematical pursuits. Contemporain de la grande époque
Bourhachique (1930-1960), il s'est imaginé converger en justes noces avec
la fille du maître polycéphale. Son faire-part de mariage évoque ce temps
béni des structures abstraites. Tangente est née de leurs dégâts collaté
raux, quand leurs prosélytes ont créé un enseignement « moderne » des
mathématiques, oubliant leurs applications. Nous dédions cette sonnerie
aux morts à notre magistral chasseur de lions.

88 ?a.ngen-te Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : LE REGARD.

Lionne en Namibie.
%
Cet animal est
constamment sur ses

gardes. Seule la ruse


permet de le eaptu-
rer vivant.
Photo Hervé
Lehning (prise de la
cage, avant mver-

•' 'C. - .

iv

alors une transformation échan


geant intérieur et extérieur de la
cage. De ce fait, le lion se trou
ve dans la cage et lui à
La transformation qui à
l'extérieur. L'idée générale
M associe M' vérifiant :
étant trouvée, quelle cage et
OM.OM' =
quelle transformation utiliser ?
échange extérieur (en
bleu) et intérieur (en
Propriété d'une inuersion rouge) de la sphère de
centre O et de rayon R.
L'étude des articles qui précè
dent donne la solution : la cage
doit être sphérique et la trans
formation, une inversion, dont on com
Capture du (Ion
prend à ce propos le nom. Il s'agit
d'inverser cage et monde extérieur ! Prenez une inversion à effet limité afin
d'éviter la surpopulation dans votre

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente


ACTIONS L'inversion et la chasse i?ion

cage. Placez-la à proximité du lion, génie d'Hector Pétard ne s'arrêtait pas


avec vous à l'intérieur. Opérez là. Il sut imaginer des méthodes pure
l'inversion. Vous vous trouvez à ment physiques, par exemple celle-ci
l'extérieur, et le lion à l'intérieur. que nous vous conseillons : un lion est
Malgré la simplicité de la méthode, de masse non nulle si bien qu'il a des
nous vous conseillons toutefois de moments d'inertie. Attendez l'un
l'essayer d'abord sur un chat domes d'eux. Quand il se produira, vous
tique avant de vous lancer dans la n'aurez aucun mal à l'attraper.
chasse au lion. La rédaction de
Tangente décline toute responsabilité
en cas d'accident de chasse. H.L.

Cette méthode fait honneur à l'esprit


mathématique le plus abstrait. Mais le

Faire-part de mariage de Betii Bourbaki


Monsieur NICOLAS BOURBAKI, Membre Canonique de l'Académie Royale de Poldévie,
Grand Maître de l'Ordre des Compacts, Conservateur des Uniformes, Lord Protecteur des
Filtres, et Madame, née BIUNIVOQUE, ont l'honneur de vous faire part du mariage de
leur fille BETTI avec Monsieur HECTOR PETARD, Administrateur Délégué de la Société
des Structures Induites, Membre Diplômé de l'Institute of Class Field Archeologist, secré
taire de l'Œuvre du Sou du Lion.

Monsieur ERSATZ STANISLAS PONDICZERY, Complexe de Recouvrement de Première


Classe en retraite. Président du Home de Rééducation des Faiblement Convergents,
Chevalier des Quatre U, Grand Opérateur du Groupe Hyperbolique, Knight of the Total
Order of tbe Golden Mean, L.U.B., C.C., H.L.C., et Madame, née COMPACTENSOI, ont
l'honneur de vous faire part du mariage de leur pupille HECTOR PETARD avec
Mademoiselle BETTI BOURBAKI, ancienne élève des Bien Ordonnées de Besse.

L'isomorphisme trivial leur sera donné par le P. Adique, de l'Ordre des Diophantiens, en
la Cohomologie principale de la variété universelle le 3 Cartembre, an VI, à l'heure habi
tuelle.

L'orgue sera tenu par Monsieur Modulo, Assistant Simplexe de la Grassmannienne Qemme
chanté par la Schola Cartanorum). Le produit de la quête sera versé intégralement à la mai
son de retraite des Pauvres Abstraits. La convergence sera assurée. Après la congruence.
Monsieur et Madame BOURBAKI recevront dans leurs domaines fondamentaux. Sauterie
avec le concours de la fanfare du 7® Corps Quotient. Tenue canonique (idéaux à gauche à la
boutonnière)

C.Q.F.D.

lâOJ Tangenize Hors-série n°35. Les transformations


par Elisabeth Busser EN BREF

Philippe Decrauzat, des compositions uertigineuses


Ce jeune artiste suisse, né à Lausanne en 1974, sait à merveille jouer de la perspec
tive. Il nous suggère par exemple, dans des jeux perspectifs complexes, un point de
vue vertigineux dans un petit couloir, créant bien souvent dans ses expositions un
univers de science-fiction. Des bandes, des lignes, de grands aplats noirs et blancs
font « vibrer » les surfaces planes et nous donnent, grâce aux transformations géo
métriques, une autre perception de l'espace.

^ Komakino, peinture murale, 2005,


Philippe Decrauzat.
. Ce dessin provient du site du Musée d'art
moderne et contemporain de Genève :
www.mamco.ch

Stéphane Dafflon, artiste du futur


Autre jeune artiste L'artiste utilise même
suisse, né en 1972 à parfois complètement la
Neyruz, Stéphane symétrie par rapport à
Dafflon adopte, lui, un plan, puisqu'il faut
les méthodes du des dans certaines de ses
sin assisté par ordi compositions retourner
Silent Gliss 1 056 nateur, de la le tableau pour avoir une vue complète
(S. Dafflon, 2004)
conception et du de l'œuvre.
design industriels. Chacun de ses
tableaux, conçus sur ordinateur, met en
valeur des formes
géométriques
simples, transfor
mées le plus souvent
par homothétie,
sans toutefois jouer
sur les effets d'op ATSiog etATSioo (S. Dafflon, 2008)
tique de l'Op art.
Tsm (S. Dafflon, 2001)

Hors-série n°35. Les Transformations Tangen±e 9r


SAVOIRS par Elisabeth Busser

Coxeter
de la géométrie à l'art
Célèbre pour avoir conçu desformes dans des espaces multi-
dimensionnels, Coxeter a non seulement réhabilité la géomé
trie, mais aussi inspiré de nombreux artistes.

H.S.M.Coxeteradisparu depuis
2003 mais sa conception de la
La muse d'Esclier

géométrie survit encore en Coxeter, passionné de géométrie au


nous. II passe même pour le « sauveur point de parcourir dans les années
de la géométrie », comme l'a qualifié soixante les États-Unis pour raconter
récemment S. Roberts dans aux professeurs les « merveilleuses
le Boston Globe, dans un propriétés des triangles », aimait
monde dominé par l'algèbre avant tout la beauté : celle des mathé
et l'analyse, œuvrant durant matiques, celle des formes géomé
toute sa longue carrière triques mais aussi celle de l'art. Ce
d'universitaire à replacer la n'est pas pour rien qu'il se lia d'amitié
beauté des formes dans le avec le graveur hollandais M.C. Escher
monde des mathématiques. dès 1954 et assista l'artiste dans sa
« Aujourd'hui encore, la quête pour appréhender la notion
géométrie possède toutes les d'infini. « l'm Coxetering today », se
vertus que les éducateurs lui plaisait à dire, en travaillant à la série
attribuaient il y a une géné- de ses Circle limit, l'artiste qui étonnait
ration elle existe toujours dans la si fort le géomètre. Représenter dans
nature et attend qu 'on la découvre et un disque des motifs répétitifs rapetis
qu'on l'apprécie. [...] Elle possède sant à l'infini vers les bords : c'était le
encore l'attrait esthétique qu'elle a défi d'Escher. Coxeter lui apporta la
toujours eu et la beauté de ses résultats solution : la géométrie hyperbolique
ne s'est pas estompée » nous dit sur le disque de Poincaré, où les droites
Coxeter dans l'introduction à son sont ou des diamètres ou des arcs de
ouvrage paru en 1971, Redécouvrons cercles orthogonaux au contour du
la géométrie. disque. Escher put ainsi effectuer avec
la précision toute mathématique du

lazJ Tangenize
EGARD DU
y
par ses suggestions permit à
l'architecte Richard Buckminster
Fuller (1893-1983), un autre de ses
amis, de le franchir. Les travaux du
mathématicien sur les symétries de
l'icosaèdre, polyèdre régulier à vingt
faces en forme de triangles équilaté-
raux, inspirèrent en effet à l'architecte
passiormé de géométrie le concept du
dôme géodésique réalisé pour le
pavillon des États-Unis à l'Exposition
Le disque hyperboliaue Universelle de Montréal en 1967.
de Poincaré 200 000 de ces dômes ont été édifiés
depuis à travers le monde, construc
tions permanentes ou éphémères,
toutes basées sur les polyèdres régu
liers qu'affectionnait Coxeter, offrant

Coxeter,
biographie
CItcle LImIt I, succincte
gravure de M.C. Escher
9 février 1907 : naissance à Londres de
géomètre une construction que son Harold Scott MacDonald Coxeter.
intuition d'artiste lui avait suggérée. Jusqu'en 1931, date de son doctorat,
L'association de l'artiste, qui ne études au Trinity Collège de Cambridge.
connaissait guère de mathématiques, 1926 : découverte d'un nouveau poly
et du géomètre - sa muse en quelque èdre régulier, une « éponge
sorte - qui savait les expliquer a donné régulière », assemblage de polyèdres
des gravures comme Circle Limits I, en archimédiens qui pavent l'espace.
noir et blanc, puis Circle Limits III, une 1931-1935 : recberches aux États-Unis.
variante en quatre couleurs. « Si 1934 : publie une classification des
Escher l'a fait par intuition, moi je l'ai groupes dits « de Coxeter », comme par
fait par la trigonométrie » disait exemple les groupes d'isométries de
Coxeter pour résumer leur fructueuse polyèdres réguliers.
collaboration. 1936 : nomination comme professeur à
l'Université de Toronto, où il
L'inspirateur de Fuller restera jusqu'à son décès.
1954 : rencontre avec le graveur Escber.
Du pavage du disque de Poincaré par 1968 : rencontre avec Tarcbitecte Fuller.
des triangles à son extension à 31 mars 2003 : décès à Toronto.
l'espace, il n'y a qu'un pas. Coxeter

-fil'u rf: ions J93


SAVOIRS P- -:S
Coxeter, de la géométrie à l'art

Le dôme un maximum de solidité pour un mini the Geometry of thinking, dans le style
géodésique de mum de structure. C'est dire que les fleuri qui lui était propre : « Au géo
Montréal. recherches du géomètre ont débordé mètre de notre remuant XX^ siècle,
bien au-delà du cadre conservateur terrestre - spontanément
des mathématiques salué- de l'invention historique de la
théoriques. science des modèles analytiques ».
Ce n'est d'ailleurs
qu'après sa construc Une géométrie de l'art
tion que Coxeter
découvre le dôme de Toujours avide de faire sortir les
Montréal ainsi qu'une mathématiques des sentiers battus,
structure semblable, Coxeter collabora également à plu
mise en place par sieurs rééditions du très populaire livre
Fuller à titre de rem de Rouse Bail : Mathematical récréa
placement de sa maison brûlée. À ce tions and essays et n'est pas étranger
niveau, l'élève a dépassé le maître aux divers problèmes de coloriages de
puisqu'il reste plus de ces construc cartes ou de pavages de figures planes.
tions le nom de leur architecte que L'art, qu'il soit celui de constructions
celui de « l'aventurier des polyèdres » mathématiques sophistiquées, de
qui les a inventées. Notons également figures esthétiques dans le plan ou de
au passage que Fuller a aussi donné constructions architecturales eom-
son nom - fullerène- à la molécule du plexes, a donc été le moteur de l'action
carbone 60, découverte en 1985, dont de Coxeter. Ce travailleur infatigable
la forme, celle d'un icosaèdre tronqué, qui jamais ne s'ennuyait y a avec
a été largement étudiée au préalable délices consacré sa vie , affirmant sou
par Coxeter. De quoi perturber un peu vent « J'ai eu la chance incroyable
les relations entre le géomètre et d'être payé pour ce que j'auraisfait de
l'architecte ! toute façon ».
Et pour cause... Il nous a, en soixante-
Coxeter cependant était très admiratif dix ans d'une incessante activité, laissé
de l'œuvre de Fuller et a échangé avec douze livres, cent soixante-sept
lui une intense correspondance. Fuller articles, allant bien au-delà de la
lui a à son tour dédicacé l'un de ses recherche mathématique. La réputation
ouvrages, Synergetics : Explorations in de Coxeter s'est faite sur ses études sur
les polytopes, polyèdres dans les
espaces de dimensions élevées, mais il
QUELQUES QUVRA6ES QE COXETER a aussi beaucoup publié pour la géo
Mathematical Récréations and Essays (W.W.R. Bail et métrie plane, des ouvrages si limpides
H. S.M. Coxeter ; Dover 1987), Introduction to geometry que même des non-mathématiciens les
(H.S.M. Coxeter ; Wiley 1989), The real projective plane ont étudiés avec plaisir pour y puiser
(H.S.M. Coxeter et G. Beck ; Springer 1992), Redécouvrons bien souvent des idées artistiques. Il
la géométrie (H.S.M. Coxeter et S.L. Greitzer ; traduction restera pour nous non seulement le
française, Gabay 1997), Non-Euclidean Geometry (H.S.M. plus ardent défenseur et le promoteur
Coxeter ; Mathematical Association ofAmerica ; 1998), le plus éloquent de la géométrie mais
The beauty of geometry : Twelve Essays (H.S.M. Coxeter ; aussi l'inspirateur d'artistes reconnus.
Dover 1999).
E.B.

Tangente Hors-série n°35. Les transformations


EN BREF

Les « Imajustages » de Rlyriam Labadie

Vieillards plastiques, encre sur papier,


20cm X 20cm, 2008.

Alphabestiaire (A), (B) et (C),


encre sur papier,
Le drapeau... pirate, acrylique sur bois,
lôcm X i6em, 2005.
50cm X 50cm, 2007.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 95


ACTIONS par Michel Criton

Histoire
de bouchons
Un casse-tête classique, et dont l'intérêt semblait limité, peut
être relancé, à condition de le considérer sous un nouvel
angle, et de le relier à d'autres problèmes.

Le casse-tête représenté ci-


après est un classique des
« Facile ! », penserez-vous, mais
contrairement à un bouchon de bou
jeux mathématiques. On le teille de Champagne, qui ne peut pas
trouve dans le livre Curiosités géomé passer à travers le goulot de la bou
triques d'Emile Pourrey, qui date des teille et tomber à l'intérieur, votre bou
années 1900, mais il est certainement chon, s'il doit obturer parfaitement les
plus ancien. Ce casse-tête est habituel trois ouvertures, doit aussi pouvoir les
lement présenté ainsi : traverser complètement (ce que vous
« Vous avez devant vous une planche essayez généralement d'éviter, pas tou
de bois présentant trois ouvertures, jours avec succès, lorsque vous débou
l'une carrée, la seconde triangulaire, chez une bouteille de bon vin).
Alphabétiques et la troisième circulaire. Vous devez
ou purement trouver un bouchon qui convienne
géométiiques, pour les trois ouvertures. »
les formes de
toutes sortes
ont toujours
inspiré aussi
bien les
artistes que les
géomètres et
autres esprits
vagabonds. Trouvez un bouchon convenant poiu- les trois ouvertures.

196 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: LE REGARD DU...

La solution de ce problème est repré nit lui-même un triplettre comme « un


sentée ci-dessous : il s'agit d'un onglet bloc taillé de telle sorte que son ombre
présentant une vue carrée, une autre projetée dans trois directions orthogo
triangulaire, et une troisième circu nales donne trois lettres dijférentes ».
laire. Le mot « vue » est ici utilisé dans L'idée lui en est venue, dit-il, en un
le sens que lui donnent les dessinateurs éclair, un soir où il cherchait la
industriels : « vue de face », « vue de meilleure façon de fusionner les noms
côté », « vue de dessus ». En effet, le de Gôdel, d'Escher et de Bach en une
problème peut être formulé autrement : forme frappante.
il s'agit de trouver un solide dont les
projections selon trois axes deux à
deux orthogonaux sont respectivement
un triangle, un carré, et un disque.

Bouchon remplissant tous les trous.

Le problème GEB

Dans un livre plus récent, Gôdel,


Escher, Bach, les brins d'une guirlande
éternelle, de Douglas Hofstadter
(1979), on trouve un problème simi
laire, portant non pas sur des formes Des problèmes similaires ?
géométriques, mais sur des lettres de
l'alphabet. Les deux problèmes, celui de la
Le livre de Douglas Hofstadter se planche à trois trous, et le problème
divise en deux parties : la première des triplettres, semblent, à première
partie a pour titre G E B, et la seconde vue, similaires. En fait, ils ne le sont
E G B (G est l'initiale de Gôdel, un pas totalement. En effet, dans le pro
logicien dont les découvertes ont révo blème de la planche à trois trous, il
lutionné la façon dont les mathémati doit exister trois sections du solide
ciens considèrent leur science ; E est solution ayant les formes respectives
l'initiale de Mauritz Escher, un dessi des trois trous, de façon à ce que le
nateur et graveur hollandais pour qui solide puisse réellement boucher her
les mathématiques ont été une puis métiquement chacun des trois trous.
sante source d'inspiration ; B, enfin, est Dans le problème des triplettres, cette
l'initiale de Jean-Sébastien Bach, qu'il condition n'est pas nécessaire, puisque
est inutile de présenter). seule l'ombre projetée est importante.
Pour illustrer le titre de chacune des On notera par ailleurs que le problème
deux parties de son livre, Douglas des trois lettres d'Hofstadter pouvait
Hofstadter a cherché une image forte difficilement être présenté sous la
et percutante, et il a imaginé ce qu'il forme traditionnelle de la planche, à
appelle un « triplettre ». L'auteur défi- cause des évidements de la lettre B. Un

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 97


SAVOIRS Histoire de bouchons

autre élément de réflexion dans la tions différentes sur les deux autres
comparaison des deux problèmes est le faces visibles, ce qui donne seize pos
fait qu'il n'y a qu'une solution pour le sibilités. En échangeant les places des
disque, le triangle et le carré, alors que lettres B et E, on obtient seize autres
les lettres B, E, et G conduisent à au possibilités, ce qui porte à trente-deux
moins deux solutions. le nombre total des solutions. Nous
laissons le soin au lecteur de trouver
quelles dispositions permettent de
construire effectivement un
« triplettre » (on aura intérêt à partir de
lettres s'inscrivant dans un carré, et
présentant le plus de symétries pos
1 sibles : par exemple la lettre B, qui est
symétrique par rapport à un axe hori
/ 1 zontal, ce qui n'est généralement pas le

7
/ .
1
cas pour les caractères d'imprimerie
standard).
7 Si l'on avait trois lettres ne présentant
aucune symétrie comme la lettre G, le
Mais existe-t-il seulement deux solu nombre de solutions serait encore plus
tions à ce problème ? Cela dépend si grand. Nous vous laissons le soin de
vous acceptez ou non de vous contor- les dénombrer.
sionner le cou pour lire les trois
ombres. En effet, vous lisez les ombres M.C.
de la figure ci-dessus d'un seul coup
d'œil, c'est-à-dire que ces ombres ont
la bonne orientation haut/bas et
droite/gauche. Si l'on supprime cette
condition, il existe d'autres solutions.

De nombreuses solutions

Bibliographie

Curiosités géométriques. Émile


Fourrey, Vuibert (Paris), 427
pages, 2001. Édition originale
1907, chez Vuihert, 437 pages.

Godel, Escher, Bach, les brins


d'une guirlande éternelle.
Douglas Richard Hofstadter,
Dunod (Paris), 883 pages, 2008.
On peut faire l'inventaire de ces solu Édition originale 1979en anglais,
tions. Supposons que la lettre G soit en chez Basic Books (New York),
face de nous, avec la bonne orientation 776 pages.
pour la lire. Les lettres B et E peuvent
alors prendre chacune quatre orienta-

Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


par E. Busser et H. Lehning EN BREF

Uictor Uasarely, père de l'Op art


On ne présente plus Vasarely (1906-1997), artiste hongrois proche du mouvement
du Bauhaus, tant ses images optiques ont hanté l'imaginaire collectif des années
60-70 et ont eu un profond impact sur l'architecture, la mode et la conception
informatique de la peinture. N'utilisant qu'un petit nombre de formes et de cou
leurs, il développe son propre modèle pour nous offrir un art abstrait, géométrique,
jouant pleinement sur les transformations du plan ou de l'espace, reconnaissable
entre tous. Avec Victor Vasarely, le mouvement est entré dans l'œuvre d'art et son
seul nom va définir un style.

Ceci n'est pas un Uasarely

L'œuvre de Vasarely sort d'un livre de


mathématiques ! En particulier, il a fait
un grand usage de transformations géo
métriques.

Ceci n'est pas im Vasarely, mais im hom


mage. Œuvre originale de l'auteiu- et ins
pirée des idées de Vasarely.
Plusieurs de ses toiles consistent en un
quadrillage auquel il a fait subir une
transformation complexe. L'idée est
reproductible à l'infini, ce que Vasarely
lui-même souhaitait. Pour lui rendre
hommage, nous vous en proposons deux
qu'il aurait pu concevoir. La gourman
Hommage à Vasarely en forme de tri-
poutre de Penrose, œuvre de l'auteur.
dise de ses ayants droit explique cette
substitution.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 99


ACTIONS Par J. Bair et V. Henry

Translater,
c'est quarrer !
Peut-on calculer des aires de figures compliquées sans calcul
intégral ? Réponse avec quelques translations et le théorème
de Mamikon.

omment trouver l'aire d'un Comparaison d'aires

C domaine délimité par deux


courbes ? La réponse usuelle
est : en calculant quelques intégrales.
Commençons par une espèce de devi
nette. Nous traçons cinq domaines
Pourtant, il est aussi souvent possible limités par deux courbes et nous
de le faire en translatant des segments demandons de comparer leurs aires.
de façon adéquate pour transformer la
figure en une autre plus simple dont le
calcul de l'aire est élémentaire (disque,
triangle, etc.). Cette approche, fort
visuelle, a été mise au point par
Mamikon Mnatsakanian, qui l'a pré
sentée en 1981, mais en russe, de sorte
que son travail est passé inaperçu.
Depuis le début du XXP siècle, Tom
Apostol - un mathématicien américain Comparez les aires de
réputé, né en 1923 - s'est chargé de ces cinq domaines.
mieux faire connaître les travaux de
Mnatsakanian ; il a montré, dans plu On peut s'en douter. Les aires semblent
sieurs articles dont certains rédigés en différentes, la réponse est donc sûre
collaboration avec son collègue russe, ment : elles sont identiques. Au-delà
esprit du la simplicité et la puissance de cette d'un argument de type devinette, pour
calcul intégral approche reposant principalement sur quoi cette égalité ? Pour le com
prendre, remarquons que chacune des
est meilleur ^ théorème de
, Mamikon, présenté ci-dessous. régions considérées peut être
que sa lettre. construite en menant, depuis chaque

100 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: LE REGARD DU...

point de la courbe intérieure, un seg nous l'appelons la concentration tan


ment de droite, de longueur fixée l, tan gentielle associée à l'étendue tangen-
gent à la courbe. Tous ces segments
tangents remplissent exactement l'an
neau central. Si on les translate de sorte
que les points de tangence soient ame
nés en un même point O, les segments
translatés décrivent un cercle de centre
O et de rayon / comme illustré sur la
figure « en translatant les segments ». L'étendue tangentielle (à gauche)
et la concentration tangentielle
associée (à droite).

Le théorème de Mamikon affirme que


Vaire de l'étendue tangentielle est
égale à celle de la concentration tan
En translatant les segments gentielle associée. Ce résultat reste
tangents, on obtient un cercle vrai lorsque les segments tangents ne
de même aire que le domaine sont pas nécessairement de même lon
initial.
gueur ; pour s'en convaincre, on peut
Si chaque triangle curviligne est faire appel à de petits triangles transla
d'angle au sommet infinitésimal, ceux tés depuis l'étendue tangentielle jus
de couleurs identiques à droite et à qu'à la concentration tangentielle
gauche sont d'aires égales (même associée.
angle au sommet et côtés égaux). Au
total, l'aire de la figure de gauche est
Quadrature de la cycloïde
celle du cercle à droite, soit jt/^ . Nous
rencontrons ici l'esprit du calcul inté
Nous allons à présent montrer la puis
gral : la décomposition en morceaux
sance de ce théorème en calculant
infinitésimaux.
l'aire située sous une arche de
cycloïde, la courbe décrite par un point
Concentration tangentlelle fixe sur un cercle roulant sans glisser
sur une droite (donc par la valve d'une
Ce raisonnement très simple peut être roue de vélo, par exemple).
généralisé. En effet, considérons une
courbe lisse G, non nécessairement fer
mée. De chaque point M de G, menons
un segment de droite tangent de lon
gueur fixée l : quand M parcourt G,
tous les segments en question décri
vent une région plane que nous nom
mons étendue tangentielle. Translatons 23tR

les segments considérés pour que tous Cycloïde et son cercle générateur.
les points de tangence soient confon
dus en un même point O : ces seg Une arche de cycloïde est inscrite dans
ments translatés génèrent une portion un rectangle de hauteur égale au dia
du disque de centre O et de rayon l ; mètre 2R du cercle générateur, et de

Hors-série n°35. Les Transformations Ta.n.gen±e Toi


SAVOIRS Translater, c'est quarrer !
base égale à son périmètre 2jtR. L'aire
de ce rectangle vaut donc 4jtR^, c'est- Quarrer et quadrature
à-dire quatre fois l'aire du disque géné
rateur. L'aire A recherchée (en bleu sur
Autrefois, « quarrer une figure »
la figure « cycloïde ») est égale
signifiait « calculer son aire ».
A = 4jtR^ - B, où B est l'aire de la
Pourquoi ? Tout simplement parce
région (en jaune) située dans le rec
que le problème était vu géométri
tangle au-dessus de la cycloïde. En
quement : il s'agissait de construire
fait, B vaut exactement l'aire du disque
un carré de même aire que la figure
de rayon R. Pour le montrer, considé
donnée. L'exemple le plus classique
rons le cercle générateur et les points
est la fameuse quadrature du cercle,
M, F et Q (M est le point « courant »
problème impossible si l'on impose
de la cycloïde, voirla figure L'Étendue
la construction à la règle et au com
tangentielle de la cycloïde). Le seg
pas, en un nombre fini d'étapes.
ment [QP] est un diamètre du cercle.
Lorsqu'il parcourt un déplacement court cette dernière, les segments [MP],
« infinitésimal » sur la cycloïde (qui limités par le côté supérieur du rec
peut alors être « assimilée » à la tan tangle, balaient la région (en jaune sur
gente correspondante), le point M la figure) d'aire B et forment ainsi une
subit une « rotation instantanée » étendue tangentielle.
autour du point Q, de sorte que la tan Le théorème de Mamikon garantit
gente à la cycloïde en M est perpendi l'égalité entre les aires de cette étendue
culaire au rayon [QM] de cette rotation. tangentielle et de la concentration tan
En conséquence, le point M est le som gentielle associée. Au total, l'aire sous
met d'un triangle rectangle inscrit dans une arche de cycloïde vaut donc :
le demi-cercle de diamètre [QP] et la A - 4TtR^ - JtR^ = 3jtR^.
corde [MP] de ce demi-cercle est tan En d'autres termes, cette aire vaut bien
gente à la cycloïde. Dès lors, si M par- trois fois celle du disque générateur,
p

Quadrature de la tractrice

Nous pouvons ainsi calculer


un grand nombre d'aires, par
exemple celle située sous la
tractrice. L'histoire de cette
L'étendue tangentielle de la cycloïde. courbe commence en 1670
quand Leibniz rencontre un
médecin éclectique nommé
Claude Perrault (1613-1688).

r
Ce dernier sort sa montre, la
pose sur une table, déplace
l'extrémité de la chaîne le
long du bord rectiligne de la
L'étendue tangentielle se décompose en une mul table et demande à Leibniz quelle est
titude de petits triangles dont chaeun correspond la courbe décrite par la montre. Nous
à un triangle de la concentration tangentielle. pouvons tracer cette courbe expéri
Les aires totales sont donc égales. mentalement :

102 Tangen±e Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: LE REGARD DU.

Tractrice obtenue en tirant un objet avec une corde de longueur constante Z.


Sans aucun calcul, et bien que l'éten
due sous la courbe soit infinie, nous
pouvons affirmer que son aire est égale
à celle du quart de disque dont le rayon
est /, soit Jt/^/ 4.
J.B. et V.H.

Mamikon Mnatsakanian

Mamikon A. Mnatsakanian conçoit sa méthode de


calcul en 1959 alors qu'il est étudiant à l'université
d'État d'Erevan (capitale de l'Arménie, alors répu
blique soviétique). Ses idées sont d'emblée rejetées
par ses professeurs : « Cela ne saurait être correct ; on
ne peut résoudre de tels problèmes aussifacilement ».

Son doctorat de physique en poche (1969), il devient


professeur d'astrophysique à Erevan. Il continue de
développer sa méthode, qu'il appelle « cake-ulus ». ; I . i
Son collègue Viktor Amazaspovitch Ambartsoumian,
académicien, présente ses travaux, qui seront synthétisés et pubhés en 1981 (en
russe !) dans les Comptes rendus de l'Académie arménienne des sciences.
Au moment de l'effondrement du bloc soviétique, Mamikon se trouve en
Californie. Il trouve un emploi à l'université de Californie à Davis, où Ugénéra
lise sa méthode innovante, qui est bien reçue par les enseignants et les élèves.
En 1997, il rejoint Tom Mike Apostol (mathématicien américain né en 1923) au
California Institute of Technology (Caltech). Ensemble, ils travaillent sur
Project MATHEMATICS!, qui, depuis 1987, vise à produire des vidéos ludiques
et pédagogiques sur les mathématiques. Ils reçoivent en 2005 puis en 2008 le
prix Lester R. Ford pour leurs articles publiés dans The American
Mathematical Monthly.

Pour plus d'informations et des aperçus visuels :


http://www.its.caltech.edu/~mamikon/caIculus.html

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 103


SAVOIRS par Bertrand Hauchecorne

Points fixes
Isométries ou similitudes se déterminent grâce à leurs points
fixes. Quelles sont les conséquences pour l'étude des trans
formations laissant une figure invariante ?
Je hais le mouvement Points fixes d'une isométrie
qui déplace les lignes
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal Si une isométrie du plan laisse un point

En mathématiques comme en
poésie, ou ailleurs, les inva
O fixe, il s'agit soit d'une rotation de
centre O, soit d'une symétrie par rap
port à une droite passant par O (voir
riances sont des signes dignes l'article sur les isométries).
I^a symétrie iiai d'être étudiés, des indices sur la voie de la L'ensemble des points fixes d'une
rapport au plan 1 découverte. Dans les transformations du rotation de l'espace est une droite,
laisse l'invariant plan ou de l'espace, certains points restent appelée axe de la rotation. Dans la
point par point et rotation de la terre sur elle-même, il
fixes (ou invariants). Ils jouent alors un
les droites perpni
diculaires D glol i rôle particulier, souvent révélateur. s'agit de l'axe des pôles. La surface
lement terrestre ne contient donc que deux
D
invariantes. M
points invariants : les pôles.

/(M)

Quand tout se transforme, Dans un miroir, l'image d une


cherchez ce qui reste fixe... main droite est une mam gauche.

Tangen±e Hors-série n° 35
DOSSIER LE REGARD DU MATHÉMATICIEN

Plus simplement, lorsqu'une toupie Familles de courbes Inuariantes


tourne sans mouvement autre que la
rotation, les points de l'axe ne bougent Jusqu'ici, nous n'avons parlé que de
pas alors que la vitesse peut être points invariants. Certaines formes res
importante à la surface externe du tent également invariantes, comme
jouet. De même, lorsqu'on effectue nous le voyons dans l'article Formes,
une symétrie par rapport à un plan, les Déformations et Invariances. Les iso-
points de ce plan restent fixes. La métries, et plus généralement les simili
réflexion dans une glace en donne un tudes, conservent globalement
exemple. l'ensemble des droites ainsi que celui
des cercles. Inversement, étant donnés
Points fixes d'une inuersion deux cercles, il existe une similitude qui
envoie l'un sur l'autre. De même pour
L'étude des points fixes n'est pas tou les droites avec les isométries. Pour les
jours aussi simple. Prenons l'exemple inversions, l'image d'une droite n'est
de l'inversion de centre O et de rapport pas nécessairement une droite, ce peut
k (voir l'article L'Inversion et l'arbe- être un cercle. Cependant c'est l'un ou
los). L'image M' d'un point M est sur l'autre. On voit ainsi que l'ensemble des
la demi-droite [OM), à une distance droites et des cercles est une famille
OM' du point O égale à kIOM. Cette invariante par l'inversion.
transformation a la propriété d'éloi
gner de O les points proches de lui et Figures inuariantes
inversement. Si on l'applique deux
fois, on revient au point initial. On dit Intéressons-nous maintenant aux trans
que l'inversion est involutive. Quels formations laissant une figure inva
sont ses points fixes ? Ce sont les riante. On n'impose plus à chaque point
points M tels que OM^ = k. S,\ k est d'être fixe mais que tout un ensemble de
positif, il s'agit donc du cercle de points, par exemple une droite ou un
centre Oet de rayon /k . cercle, le soit. On parle alors de figure
globalement invariante. Notons que,
dans le cas des isométries, des simili
"~^C' tudes et des applications affines, cette
propriété implique l'invariance du
centre de gravité de la figure, s'il en
existe un.
D
Par exemple, une figure F étant donnée,
considérons toutes les isométries qui la
laissent fixe. Si l'isométrie/laisse F glo
'O 1 balement invariante, la transfonnation
réciproque, c'est-à-dire celle qui envoie
/ c le point/(M) sur M, laisse également F
invariante. Par ailleurs, si les isométries
D /et g laissent F invariante, la transfor
mation composée, notée go/ (résultat
L'inversion de ceiiti-e O lai.^se inw'i i
point par point le cercle G, laisse hi de/suivie de g) laisse aussi F invariante
droite D globalement inv ariante et (voir l'article Les groupes, concrets et
transforme la droite D' en le cercle t abstraits).

Hors-série n° 35. Tangen-te 105


SAVOIRS Points fixes et figures...

Il en est de même pour la transforma Étudions le cas d'un rectangle ABCD


tion identité qui laisse tous les points non carré. Toute isométrie laissant
invariants. Ces propriétés confèrent à ABCD invariant admet son centre de
l'ensemble de ces isométries une struc gravité O comme point fixe. Il s'agit
ture de groupe. donc soit d'une rotation de centre O,

Sous l'affine, le linéaire


A toute isométrie f (voir l'article Les Isométries) nition même de g. Ainsi, une translation est une
correspond une isométrie vectorielle g, c'est-à- application affine dont la partie linéaire est l'iden
dire eoncemant les vecteurs et non les points. Sa tité (et réciproquement).
définition est simple et naturelle : à un vecteur Si l'application / admet un point fixe O, elle se
ramène à sa partie linéaire puisque :
AB queleonque, g fait correspondre le vecteur
A'B' où A' et B' sont les images de A et B. Cette
0/(A)=g(ÔA).
isométrie vectorielle g est dite la partie linéaire def. La recherche des points fixes est donc primor
Par exemple, les isométries vectorielles directes sont diale. Il s'agit d'un problème eoncemant essentiel
les rotations, les indirectes sont les symétries axiales. lement la partie linéaireg. En effet, si O' est l'image
Cette définition pose problème. La valeur de parf d'un point O, chercher un point fixe A consiste

l'image d'un vecteur AB semble dépendre du àehercher Atel que : O'fiA) =g(oA) c'est-à-
choix des points A et B. Pour qu'elle soit valide, dire : {g - id){oA) =O'O où id est l'applica
il est nécessaire de démontrer que, si AB = CD tion identique.
Si la partie linéaire g est une rotation du plan, dis
alors A'B' = CD', ce qui se fait en remarquant tincte de l'identité, un tel point existe toujours et
qu'un parallélogramme est changé en un parallé l'application / est une rotation. Les isométries
logramme égal. Il en est de même pour les simili affines directes du plan sont donc les rotations et
tudes et les applications affines. les translations. Ainsi la composée d'une rotation
Si nous connaissons la partie linéaire g d'une appli et d'une translation est une rotation, seul le centre
cation affine/ la connaissance de l'image O' d'un est modifié. Ce résultat est revu dans l'encadré
point O suffit pour la déterminer entièrement. Plus Générateurs d'un groupe de l'article Les
précisément : 0'/(A) =g(oA) d'après la défi- Groupes, concrets et abstraits. Le même raison
nement ne s'applique pas si g est une symétrie
D D'
axiale.
Si la partie linéaire g d'une application/est une
homothétie distincte de l'identité (soit
g(v) =kW où A: / 1),/est également une homo
thétie. Pourquoi ? Tout simplement parce que
cette application admet un point fixe. En effet,
l'équation précédente s'écrit :
{g-id){'ÔA) =Wo,
c'est-à-dire (A: - 1)(oa) =O'O, qui a toujours
une solution.
Définition de la partie linéaire d'une application Dans l'encadré Un Concours dans l'espace,
affine. Si A' est l'image de A et B' celle de B, nous voyons une application de ce résultat.
l'image du vecteur AB est le vecteur A'B'. On H. L.
démontre que, si CD = AB alors CD' = A'B'.

100 Tangente Hors-série n° 35


DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

soit d'une symétrie par rapport à un nombre. Comme précédemment, le


axe contenant O. Les sommets étant centre de gravité O du tétraèdre est fixe.
échangés, les seules rotations sont De plus, une isométrie qui conserve T
l'identité et la symétrie par rapport au effectue une permutation sur les som
point O (rotation d'angle 180°), et les mets A, B, C et D. On montre qu'inver
seules symétries sont celles ayant pour sement, toute permutation sur les
axes, les médiatrices des côtés. Le sommets induit une isométrie de l'es
groupe de ces isométries possède pace car les distances entre deux som
quatre éléments. mets sont toutes égales. Ainsi le sommet
A a quatre images possibles. Celle-ci
fixée, il reste trois images possibles pour
B, puis deux pour C, et le point D est
envoyé sur le dernier sommet restant.
On obtient ainsi 1x2x3x4 = 24 per
mutations. Ce groupe, appelé groupe
symétrique, est celui des permutations
de quatre éléments. Les 24 isométries se
déterminent alors simplement (voir l'en
Les symétries du rectangle. cadré Groupe du tétraèdre).

Si la figure est un carré, quatre nou


veaux éléments s'y ajoutent : les deux
rotations de centre O et d'angle 90°
dans un sens ou dans l'autre ainsi que
les symétries par rapport aux diago
nales du carré.

Dans le cube bleu,


les tétraèdres
rouges et verts
sont réguliers.
Le problème du cube se ramène au pré
cédent car ses huit sommets se subdivi
sent en deux tétraèdres réguliers (voir la
Les symétries du carré figure). Une isométrie qui conserve l'un
des tétraèdres (il y en a 24) conserve
Figures Inuarlantes aussi l'autre. La symétrie de centre O,
centre du cube, intervertit les deux
Dans l'espace, le problème est plus délicat. tétraèdres. Si on la compose avec les 24
Prenons l'exemple des quatre sommets isométries déjà trouvées, on obtient 24
d'un tétraèdre régulier T, c'est-à-dire de nouvelles isométries qui intervertissent
quatre points A, B, C et D dont les dis les deux tétraèdres et conservent donc le
tances mutuelles sont égales à un même cube. Nous obtenons ainsi 48 éléments.

Hors-série n° 35. Tangervte 107


SAVOIRS Points fixes et figures...

Une application En chimie, la structure de certains eris-


taux s'explique aussi par de telles
À quoi tout cela sert-il ? Comme nous considérations. Ainsi la théorie des
le voyons dans l'article de paver, groupes, branche théorique de l'al
les motifs remplissant un plan se ramè gèbre, vient au secours de la géométrie
nent à des groupes laissant invariant pour résoudre de nombreux problèmes.
une figure : on en trouve 17. B.H.

Soient OABC un tétraèdre non aplati et P


Mil uusSuiiiurè
un plan parallèle à (ABC). Soient A', B' et
dans l'espace C les milieux des côtés [BC], [CA] et
[AB], A", B" et C" les intersections des
droites (OA), (OB) et (OC) avec le plan P.
Montrer que, en général, les droites (A'A"),
(B'B") et (C'C") sont concourantes.
La démonstration de ce résultat est faeilitée
par une remarque très simple. Une homo-
thétie h permet de passer des points A, B et
C aux points A", B" et C". Son centre est
le point G et son rapport k est égal au quo-
OA'
tient De même, une homothétie g
OA
permet de passer de A, B et C à A', B' et C.
Son centre est le centre de gravité G du tri

angle ABC et son rapport égal à —

La transformation composée h o g~^ fait


passer de A', B' et C à A", B" et C" res
pectivement. Sa partie linéaire est l'homo-
thétie vectorielle de rapport - 2k. Si cette
homothétie est distincte de l'identité, c'est-
à-dire si - 2A: ^ 1,/î o g~ ' est unehomothé
tie affine.
Le centre de eette homothétie appartient à
ehacune des droites (A'A"), (B'B") et
(C'C"), qui sont donc concourantes si ki^
1 1
. Dans le cas particulier {k = -—), le

plan P est l'homothétique du plan (ABC)


dans l'homothétie de centre G et de rapport

—La composée h o g -1 ayant pour par

tie linéaire l'identité est une translation. Les


trois droites (A'A"), (B'B") et (C'C") sont
donc parallèles.
H. L.

108 Tangente Hors-série n° 35


DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Groupe du tétraèdre régulier


Le groupe du tétraèdre régulier correspond au groupe des permutations de
quatre éléments A, B, C, D. Pour le déterminer géométriquement, c'est-à-
dire en termes d'isométries, il nous reste à trouver une isométrie pour
chaque permutation. En effet, nous avons prouvé que celle-ci est unique.
La permutation identique (celle qui laisse A, B, C et D invariants) corres
pond à l'identité. Les isométries laissant fixe le point A et transformant
BCD sont au nombre de cinq, autant que de permutations de BCD
'2.71
moins l'identité. Il s'agit des rotations d'angle ±—

autour de l'axe (OA) et des symétries par rapport aux


plans (OAB), (OAC) et (OAD). Le nombre prévu / i\\
étant atteint, nous avons ainsi trouvé toutes les per
mutations laissant A fixe. Le résultat vaut égale l/
ment pour B, C et D. *% ' \
En tenant compte des doublons, nous obtenons --V' /
271
l'identité, huit rotations d'angle ±-^ autour des / '***

axes (OA), (OB), (OC) et (OD) et six symétries


par rapport aux plans (OAB), (OAC), (OAD),
(OBC), (OBD) et (OCD).
Nous avons ainsi atteint les permutations laissant
fixes au moins un point parmi A, B, C et D. Il en reste
Tétraèdre régulier
neuf. Considérons celles qui transforment A en B. Le point
ABCD, I et J sont
B peut alors être changé en A, C ou D. Chaque cas ne donne
les milieux des
qu'une permutation. Nous obtenons donc trois permutations, celles côtés opposés [AB]
qui transforment ABCD en BADC, BCDA et BDAC. La première corres et [CD]. Le milieu
pond au retournement (ou rotation d'angle n) autour de l'axe joignant les G de [IJ] est le
milieux I et J des arêtes opposées [AB] et [CD]. centre de gravité
La seconde permutation est moins facile à trouver. Pour cela, remarquons du tétraèdre.
qu'on peut l'obtenir en effectuant d'abord la transposition de A et D (qui
laisse B et C invariants) puis la permutation laissant A invariant et modi
fiant BCD en CDB. Pour trouver l'isométrie correspondante, il suffit de
composer les deux isométries associées, c'est-à-dire la symétrie par rap-
OjT
port au plan (OBC) et la rotation d'axe (GA) et d'angle

De même, pour la troisième permutation, il suffit de composer la symétrie


271
par rapport à (OBD) et la rotation d'axe (OA) et d'angle - —.

Les retournements du premier type sont au nombre de trois (autour des


axes joignant les milieux de deux arêtes opposées). Les composées du
second type sont au nombre de six. Nous obtenons donc les 24 isométries
prévues.
H. L.

Hors-série n° 35. Tangente 109


SAVOIRS par Hervé Lehning

Les formes
des groupes d'ordre 6
Les groupes d'ordre six s'obtiennent tous comme groupes
d'isométries ou de rotations laissant une figure invariante.
Ils n'ont que deux formes possibles, liées au triangle équilaté-
ral et à l'hexagone régulier.
Ladémonstrationestlaborieuse,
mais le résultat simple : les
trois sommets du triangle par exemple.
Les rotations correspondent aux permu
groupes d'ordre six n'ont que tations circulaires ({B, C, A}, {C, A, B},
deux formes possibles. Plus précisément, {A, B, C}) et les symétries aux transposi
ils sont isomorphes à deux d'entre eux. tions ({A, C, B}, {C, B, A}, {B, A, C}).
Le premier, le groupe diédral, est le Plusieurs de ses parties sont elles-
groupe des isométries laissant le tri mêmes des groupes, c'est-à-dire sont
angle équilatéral invariant (voir l'en des sous-groupes. Tout d'abord, l'en
cadré Groupe d'isométries et groupe semble des rotations forme un sous-
de permutations) ; le second, le groupe groupe d'ordre trois. Ensuite, nous
cyclique, est le groupe des rotations lais trouvons trois sous-groupes d'ordre
Le groupe diédral
est constitué des sant l'hexagone Isomorphe deux, engendrés
rotations de centre régulier invariant. par les symétries.
signifie avoir la même forme Ces propriétés se
O et d'angle o°,
120° et 240°, et Groupe diédral retrouvent dans la forme de sa table de
des symétries par Pythagore (voir l'encadré). Par exemple,
rapport aux
Le groupe diédral d'ordre six est le sous-groupe d'ordre trois correspond
droites (OA),
(OB) et (OC). constitué des rotations d'angles au carré en haut et à gauche de la table.
0°, 120° et 240° dont le centre Les similitudes entre les différents car
est celui du triangle, et des rés 3 x 3 du tableau visualisent des pro
symétries par rapport à ses priétés de ce groupe.
médiatrices.
Le groupe diédral est Groupe cyclique
également le groupe
des permutations Le groupe cyclique d'ordre six est
de trois objets constitué des rotations d'angle 0°, 60°,
{A, B, C}, les 120°, 180°, 240° et 300°. Il a un sous-

110 Tangente Hors-série n° 35


DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

ci/l,C4*ÙlÂ/)Je4

•• Hervé Lehniiii'

Table de Pythagore du groupe diédral, avec la liste des permutations circu


laires et des transpositions (à droite). Acrylique sur toile, Hervé Lehning.

groupe d'ordre trois, celui des rotations forme différente de la précédente. En


d'angle 0°, 120° et 240°, comme le particulier, elle est symétrique par rap
groupe diédral. En plaçant ces trois rota port à la première bissectrice, ce qui
tions en tête, nous trouvons le même signifie que le groupe est commutatif
carré en haut et à gauche de sa table de (pour tous/et g,/o g = gof).
Pythagore. Celle-ci a cependant une H. L.

Table de Pythagore
Un groupe fini est donné par sa 11 13

table de Pythagore. Tous les élé 10 11 12 13


ments du groupe sont placés en 8 9 10 11 12 13 14
première ligne et première colonne, 9 10 11 12 13 14 15
ce qui définit un quadrillage. 10 11 12 13 14 15 16
Chaque carré correspond à une
11 12 13 14 15 16 17
ligne et une colonne, donc à deux
10 11 12 13 14 15 16 17 18
éléments du groupe x et y. Nous
plaçons dans ce carré le composé Il 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19

de X et y dans la loi du groupe. La 310 11 12 13 14 15 16 17 ^ 19 20


table de Pythagore de l'addition (0n 12 n 14 15 16 17 18 19 20 21
ordinaire commence donc ainsi : m 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22

Hors-série n° 35. Tangente llJl


SAVOIRS Les formes des groupes.

Table de Pythagore du groupe cyclique, avec la liste des permutations circu


laires (à droite). Acrylique sur toile, Hervé Lehning.

Groupe d'isométries et groupe de permutations


Si une isométrie laisse le triangle équi- Ceci assure que toutes les permutations sont
latéral ABC invariant, elle laisse son atteintes : il sulïit de composer ces symétries.
centre de gravité O également invariant On trouve ainsi les trois rotations de centre 0
et elle permute les sommets A, B et C. et d'angle 0°, 120° et 240°.
Elle correspond donc à une permutation Dans d'autres eas, il est possible que toutes
de trois objets (ici A, B et C). les permutations ne soient pas atteintes.
Réciproquement, à une permutation de L'important est d'examiner d'abord qu'elles
A, B et C correspond au plus une iso sont les transpositions atteintes. Prenons le
métrie laissant le triangle ABC inva cas du carré ABCD.
riant. En existe-t-il une pour chaque Toutes les transpositions ne sont pas
permutation ? Si c'est le cas, le groupe atteintes. En fait, nous n'obtenons que celles
du triangle équilatéral a six éléments car qui échangent deux sommets opposés (A et
Les transpositions
de ABCD ne sont les permutations de trois objets forment un C d'une part, B et D d'autre part). Le groupe
pas toutes réali groupe à six éléments, engendré par les trans du carré est un sous-groupe de celui des per
sables par des iso- positions (ou échanges de deux éléments), mutations de quatre éléments. Son nombre
métries. Il est par c'est-à-dire qu'tme permutation est toujours d'éléments divise donc 24. On trouve facile
exemple impos
le produit d'un nombre fini de transpositions. ment quatre symétries (par rapport aux axes
sible de transposer
A et B sans trans Examinons la permutation échangeant A et B en rouge sur la figure) et leurs composées,
poser simultané (et laissant donc C invariant). Une isométrie soit les rotations d'angle 0°, 90°, 180° et
ment C et D. simple réalisant cette transposition est la 270°. Nous obtenons huit isométries.
symétrie d'axe (OC). Nous obtenons ainsi les On montre que ce sont les seules.
trois symétries d'axe (OA), (OB) ou (OC). H. L.

112 Tangente Hors-série n° 35


m

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àjyiijiiiJ iUifiàJ m!
^J^'-' rkiixljsiji! i! jJLïJii: iJiiJiiïJJâîlî>x!£}., uuûF
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Urjmssi^lj^" - «r*

••-as» 1 vj I CJ - o ^} 10 n° 35. Les transformations Tangente i 13


ACTIONS Par Francis Dupuis

Peintres
et géomètres
Donner à voir l'espace au moyen d'une œuvre plane, telle
est l'impossible gageure à laquelle peintres et mathémati
ciens se sont attaqués en découvrant, puis en transgres
sant les lois de la perspective.

Vous avez certainement déjà


vu des reproductions de
avant tout de montrer des éléments,
personnages ou objets, clairement
fresques et de bas-reliefs identifiables dans leur nature et dans
égyptiens ; le torse est vu de face, pour leur action.
bien discerner les deux bras, mais les
jambes, de profil, pour montrer la Grands hommes et menu peuple
marche.
Souvent, la taille relative des person
Les artistes de la préhistoire ou de l'an nages ne représente par leur éloigne-
Des décou tiquité ne cherchent pas à représenter ment, mais marque leur importance.
vertes géomé la vision exacte d'une scène, telle que Ainsi, les personnages puissants,
l'œil la perçoit à partir d'un point dieux, rois ou pharaons son dessinés
triques sont
donné. Ce qui compte pour eux est plus grands que des esclaves ou des
nées du désir gens du commun. L'artiste
des peintres attache plus d'importance
de représenter au symbole qu'à une
vision scientifique globale
la réalité.
du monde, il n'a donc
guère le souci de règles
trop contraignantes. Les
instruments imparfaits de
l'époque auraient-ils
d'ailleurs permis
livre des morts de Khonsoumes (nom du défunt)
d'appliquer de
datant d'im millénaire avant Jésus-Christ.
telles règles ? Les
Les torses des personnages sont vus de face mais
Grecs eux-mêmes,
les jambes, de profil.
pourtant portés sur

i 14 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER : TRANSFORMER POUR CRÉER

la théorie, n'étaient semble-t-il pas la navigation, la gnomonique


gênés par cette lacune. Il est vrai que (science des cadrans solaires)
représenterle réel pouvait leur sembler se développent. Partout appa
un but bien trop pragmatique. raît la nécessité urgente d'une
Nous avons cependant trace de connaissance scientifique pré
quelques recherches visant à donner le cise de l'espace. Les artistes,
sens de la profondeur, reprises par les peintres et architectes sont
Romains, notamment dans les villas de également saisis de cet appétit
Pompéi. Des lignes obliques marquent de découvertes.
l'encadrement d'une ouverture en Le précurseur semble avoir été
trompe-l'œil, mais leur inclinaison l'architecte florentin Peinture à
n'est pas régie par des règles précises. Brunelleschi (1377-1446), soucieux à Pompéi (premier
Ces tentatives tardives et imparfaites la fois de théorie et de pratique. C'est siècle après
semblent davantage relever de l'intui en urbaniste, à l'échelle de la ville, Jésus-Christ).
tion d'artistes habiles que d'une théorie qu'il met en œuvre ses principes, pour L'effet de pers
systématique. rechercher une harmonie d'ensemble, pective existe
Le Moyen Âge là où ses prédécesseurs construisaient mais correspond
marque à nou au coup par coup. plus à rm artiste
veau une période doué qu'à une
Des règles géométriques théorie sous-
de représentation
toute subjective
jacente.
de la réalité. « Et ici, nom imaginons les rayons
L'importance de comme s'ils étaient des fils extrême
certains éléments ment fins formant une sorte de fais
(mains, visages, ceau très étroitement lié dans l'œil... »
etc.) est volontai Ce texte de l'architecte Léon Battista
rement exagérée Alberti (1407-1472) est le premier à
pour rendre donner les règles géométriques de la
Mois de mars compte des prio perspective, par écrit. Il décrit un tracé
du livre des rités de l'artiste. pour construire les écartements
Très Riches inégaux associés à des éloignements
Souvent, le
Heures du duc
peintre veut mon en progression régulière. Ainsi, on
de Berry (XV^ trer à la fois plu peut mettre en place un quadrillage
siècle). sieurs lieux qu'on codifiant les dimensions des objets sui
L'artiste a cher
ne peut normale vant leur éloignement (voir les articles
ché à rendre
ment saisir en un sur la perspective). Cette méthode se
visible les tra
seul regard : un répand rapidement auprès des contem
vaux de la terre,
jardin derrière porains, avant même que le traité
pas a proposer
j des remparts et la d'Alberti ne bénéficie de la récente
des proportions ^
invention de l'imprimerie.
vraisemblables, campagne envi
ronnante, par Les premiers utilisateurs, à la fois
exemple. Proche ou éloignée, chaque artistes et géomètres, furent aussi des
scène est figurée à une échelle suffi théoriciens. Parmi les plus grands,
sante pour en montrer les détails. citons Piero délia Francesca (vers
Tout va bousculer dans le bouillonne 1420-1492), séduit par la profondeur
ment de la Renaissance. L'astronomie, et l'étagement, Léonard de Vinci

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente


ACTIONS Peintres et géomètres

Curabeile ou Desargues P
Pour la coupe des pierres, Desargues offiât dedéfendre labonté deses méthodes contre les attaques
del'architecte Curabeile par un pari de loo ooo livres. Le défi fut accepté pour loo pistoles, mais
n eut pas de suite parcequ'on ne pouvait s'entendresur le choix desjugesdu débat.
Desargues, nous apprendCurabeile, voulait s'en rapporteraux dires d'excellents géomètres et autres
personnes savantes et désintéressées, et, en tant qu'ilserait besoin aussi, desjurés-maçons de Paris.
Cela fait voir évidemment, ajoute Curabeile, que ledit Desargues n'aaucune vérité à déduire qui soit
soutenable, puisqu'il ne veut pas des « vrais » experts pour les matières en conteste : il ne demande
que des gens desa cabale, comme des pursgéomètres, lesquels n'ontjamais eu aucune expérience
des règles des pratiques en question, et notamment dela coupe des pierres enarchitecture, qui estla
plus grande parties des œuvres en question...

(1452-1519), peintre mais aussi ingé permettaient pas d'obtenir un résultat


nieur, curieux de tout, et l'Allemand « naturel ». Ainsi, certains traités com
Albrecht Durer (1471-1528), qui fit un portent des erreurs flagrantes à nos
voyage en Italie pour étudier les tech yeux. Pourtant, personne ne les avait
niques les plus récentes. décelées à l'époque. Jusqu'à Diirer lui-
même, qui connaît la construction de
l'ellipse et pourtant en trace une
comme s'il s'agissait d'un œuf. Sa
propre théorie n'avait pas encore
emporté la conviction de ses sens !

Lin« ellipGs.
f

La Résurrection de Piero délia


Francesca, dont le personnage Dans Instruction pour la
à gauche du Christ est un auto mesure à la règle et au com
portrait. pas, Diirer explique (correcte
On remarque l'utilisation pré- ment) comment tracer la
eise de règles de la perspective section d'un cône par un plan,
sur les arbres.
pour tracer finalement une
Cette nouvelle vision n'avait rien d'évi courbe en forme d'œuf.
dent. Les méthodes utilisées étaient
complexes, et surtout, les habitudes
visuelles héritées du Moyen Âge ne

116 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: TRANSFORMER POUR CREER

Enfin, Desargues uint... Etsi l'espace était courbe?

La période classique utilisa la perspective Après cette maîtrise de l'espace « ordi


dans les domaines les plus variés. naire », il restait un nouveau pas à fran
Peintres, architectes, charpentiers, chir, la généralisation à des espaces qui
tailleurs de pierres, arpenteurs avaient ne seraient plus limités aux trois dimen
chacun leurs méthodes, dont certaines sions usuelles ou aux règles habituelles
étaient fausses. Girard Desargues tenta de qui régissent les parallèles ou les dis
poser les bases mathématiques d'une tances : les espaces non-euclidiens. C'est
théorie unificatrice, la géométrie projec- précisément au moment où les mathéma
tive. Bien qu'utilisés par Biaise Pascal, ticiens franchissent ce pas, en quête de
ses travaux ne furent guère diffusés de géométries plus vastes, que les peintres
son temps. Un style parfois obscur, et eux-mêmes renoncent à la simple des
diverses pressions (voir l'encadré concer cription physique pour traduire autrement
nant Desargues et les tailleurs de pierre) leur vision intérieure du monde : l'art abs
aboutiront à l'oubli de son œuvre pendant trait est né.
près de deux siècles. Il faudra attendre les FD.
lendemains de la Révolution pour trou
ver de nouveaux développements de la la géométrie projeciive de Desargues
perspective. L'enseignement de la géo
métrie descriptive va dominer le début du La géométrie projective considère sur chaque direction de
siècle avec le rayonnement des droites un point à l'infini. Un faisceau de droites concou
toutes nouvelles Grandes Écoles. rantes ou un faisceau de droites parallèles deviennent
ainsi deux cas particuliers différents d'une même situation.
Cette géométrie fait appel à des transformations particu
lières qui ne conservent en général ni les distances, ni les
angles, ni les proportions mais conservent l'alignement.
Le théorème de Desargues est un outil fondamental en
géométrie projective : lorsque deux triangles ABC et A'B'C
sont tels que (AA'), (BB') et (CC) soient concourantes,
alors leurs côtés se coupent en des points alignés.

Picasso :
étude pour Le Marin (1907).

Hors-série n°35. Les Transformations Ta.ngen±e 117


SAVOIRS par Francis Dupuis

Fuites
et perspectiues
Comment s'y prendre povu' représenter un objet en perspective ?
Voici plusieurs méthodes pour partir à la conquête de l'espa
ce sur les traces de Desargues et d'Alberti.
a perspective classique des interprétée par notre cerveau, nous per
peintres ou des photographes met de rétablir la distance. De plus, notre
est ce qu'on appelle une pers œil gauche et notre œil droit ne perçoi
pective centrale. Nous représentons sur vent pas exactement la même image. Les
un tableau ce que nous verrions au tra procédés qui cherchent à recréer la vision
vers s'il était transparent, et si notre 3D (stéréoscopie, hologrammes) doivent
œil était assimilé à un point unique, ce obligatoirementrestituer ces deux images
qui n'est pas tout à fait vrai. Notre distinctes. Mais, si nous nous plaçons à
vision de l'espace est en réalité bino une distance suffisante, la perspective
culaire. Nos deux yeux, lorsqu'ils fixent centrale rend assez bien ce que nous
le même objet, ne visent pas exactement pouvons observer dans la région cen
dans la même direction. Cette différence. trale de notre champ de vision.

Reconstruction d'un
sommet A. Son abs
cisse et sa cote se
retrouvent sans mesure
à effectuer grâce à la
construction en évi
dence sur la figure.

Notre vision
est binoculaire.

Tangente Hors-série n° 35
DOSSIER : TRANSFORMER POUR CRÉER

point A'. La vue de dessus nous donne


l'abscisse x de A' et la vue de côté, sa
Imaginons la situation représentée sur la cote z. 11 ne reste plus qu'à le recons
figure Un parallélépipède. Nous vou truire sur la vue de face, comme le
lons dessiner un parallélépipède sur le montrent les tracés en pointillés de la
tableau T, tel qu'on le voit à partir du figure Reconstruction d'un sommet.
point de vue V (l'œil du bonhomme On reconstruit alors chacun des huit
sur la figure). sommets du parallélépipède pour obte
nir celui-ci tel qu'il est vu du point de
vision V. Le tracé devenant vite
encombré, nous ne reproduisons que la
A construction d'une face (voir la figure
V
Uneface du parallélépipède).
Ô' Avec un peu d'entraînement, beaucoup
de patience et une bonne règle, l'appa
reil photo devient inutile !

Un parallélépipède. Vue de côté et


\ue de dessus. Le sommet A est \ai sur
le tableau T en A'.

La construction la plus simple mathé


matiquement est laborieuse. Soit A
l'un des huit sommets du parallélépi
pède, nous traçons le segment [VA] sur
chacune des deux vues (de côté et de Face du parallélépipède telle qu'elle est
dessus). 11 coupe le tableau T en un vue du point de vision.

Hors-série n° 35. Tangente 119


SAVOIRS Fuites et perspectives

fit de tenir compte de leur hauteur, que


l'on peut mesurer en carreaux ! La
construction d'un carrelage en pers
pective permet donc de dessiner n'im
porte quel motif sur notre tableau.
Comment tracer notre carrelage ? Pour
les lignes perpendiculaires au tableau,
pas de problème. Elles convergent toutes
Les « projec Petites fuite;:, vers le point de fuite situé face à notre
tions » de deux regard. En partageant régulièrement le
droites paral Le résultat réserve quelques surprises. bord inférieur du tableau, nous pouvons
lèles sont en Les côtés parallèles ne le sont plus ! Si les tracer sans peine.
général concou nous les prolongeons, nous obtenons Mais les lignes transversales? Nous avons
rantes car, avec des segments concourants. Ceci n'est bien idée que leur écartementdoit diminuer
le point de pas modifié en déplaçant le parallélé progressivement vers la ligne d'horizon,
vision V, elles pipède. La configuration de la figure maiscommenttrouver leurespacement cor
déterminent Points de fuite des côtés est invariante. rect ? Un point de fuite va encore nous
deux plans Pourquoi ? Imaginons deux droites aider ! Celui de la diagonaledes carreaux.
sécants. parallèles D, et Dj de l'espace. Avec le Pour le placer, il suffit de connaître la dis
point de vision V, elles forment deux tance d de notre œil V au plan du tableau.
plans P[ et Pj se coupant au moins en En la reportant latéralement sur la ligne
V donc suivant une droite D passant d'horizon, nous obtenons le point de dis
par V. En général, cette droite coupe le tance D du tableau et un magnifique tri
plan T en un point F, appelé « point de angle rectangle isocèle DFV. Ce point est
fuite ». Le seul cas d'exception est bien la projection de notre regard sur le
celui où Dj et D2 sont parallèles à T. tableau parallèlement à la diagonale des
carreaux. Joignons D au coin opposé du
Points de fuite quadrillage. Les points d'intersection avec
des côtés. les hgnes déjà tracéespermettent de placer
La construction les transversales que nous cherchions (voir
précédente pos la figure Construction d'un carrelage).
sède toujours cette ED.
propriété éton D £/ F
nante.

L'art de carreter

Mais voici de quoi nous affranchir de


nos vues de côté et de dessus, pour
rentrer de plain-pied dans l'espace du
tableau. Imaginons un quadrillage
carré au sol, dans une pièce qui nous
fait face, avec des lignes parallèles et
perpendiculaires au plan du tableau.
Tous les objets au sol peuvent être
repérés par leur position sur le carre Construction d'un carrelage
lage. Pour les objets de l'espace, il suf l'aide de la ligne d'horizon.

Tangente Hors-série n° 35
par F. Lavallou EN BREF

Une caualière en fuite


une vue (cavalière) sur la campagne
environnante. La perspective cavalière
(en anglais high view point) serait donc
pour certains le procédé utilisé par le
dessinateur pour rendre cette vue cava
lière, et pour d'autres, plus prosaïque
ment, la représentation des objets qu'un
cavalier voit du haut de son cheval.
L'éloignement à l'observateur se traduit
dans cette perspective par un déplace
ment dans le plan. Les dimensions sont
donc en vraies grandeurs dans tout plan
parallèle au plan frontal et les parallèles
restent... parallèles. Les perpendicu
La représentation en perspective est une laires au plan frontal, les « fuyantes »,
spécificité européenne. La projection sont représentées dans une direction
centrale, ou conique, appliquée pour le constante. Habituellement, cette direc
dessin d'art, est la technique de repré tion de fuite fait un angle de 30° ou 45°
sentation la mieux adaptée pour rendre avec l'horizontale, et les dimensions
compte de la vision réelle, mais présente « fuyantes » sont
l'inconvénient de ne pas conserver les affectées d'un coeffi
propriétés affines. Utilisée empirique cient réducteur de
ment depuis l'antiquité, la perspective 0,5 ou 0,7. Tout élève
parallèle a été justifiée rationnellement dessinant au tableau
à la fin du XVI® siècle par Jacques i®'' un repère de l'espace
Androuet du Cerceau (vers 1515-1585), par trois axes.
premier membre d'une dynastie d'archi Perspective cavalière deux orthogo
tectes royaux. Les points de fuite sont naux dans le
rejetés à l'infini, et si le résultat est plan frontal, et
moins agréable à l'œil, les proportionna un troisième
lités sont conservées. Ces travaux, pré « fuyant » représen
curseurs de la géométrie descriptive de tatif de la dimension
Monge, seront développés par les géo perpendiculaire au
mètres militaires du XVIII® siècle sous plan du tableau, fait
les formes cavalières et militaires. En de la perspective
architecture militaire, un cavalier est un cavalière sans le
monticule de terre dominant l'ensemble savoir.

des fortifications et permettant d'avoir Perspective militaire

Hors-série n°35. Les Transformations Tangen±e 121


HISTOIRES par Joël Sakarovîtch

La géométrie
descriptiue
Auréolée de prestige à la fin du XVIII® siècle, la géométrie
descriptive est tombée en désuétude au cours du XX® siècle,
en particulier depuis l'avènement de l'informatique.
Redécouvrons cette discipline entre science et art.

Disciplinereine de la première
École polytechnique, à la
de Géométrie descriptive, 1795,
Programme) ont été soigneusement
toute fin du XVIIP siècle, notées par des sténographes lors de
pilier des enseignements de l'École ses leçons inaugurales : « Cet art a
centrale des arts et manufactures au deux objets principaux. Le premier
moment de sa fondation en 1829, la est de représenter avec exactitude,
Joël géométrie descriptive fut peu à peu sur des dessins qui n'ont que deux
Sakarovitch retirée des programmes des écoles dimensions, les objets qui en ont
enseigne à d'ingénieurs au cours du XX'' siècle, trois, et qui sont susceptibles de défi
puis de ceux des classes préparatoires nition rigoureuse... Le second est de
rUFR de
dans les années 1970 et n'est actuelle déduire de la description exacte des
mathématiques ment enseignée dans le supérieur que corps tout ce qui suit nécessairement
et dans les écoles d'architecture. de leurs formes et de leurs positions
informatique, respectives» (fig. 1 et 2).
université Qu'est-ce que la géométrie descriptiue ?
Paris En prologue à ses leçons, données en
Descartes, et Qu'est-ce que la géométrie descrip 1795, qui devaient être à l'origine du
tive, qui ne méritait sans doute ni regain d'intérêt des mathématiciens fran
à l'Ecole
l'excès d'honneur de ses débuts ni çais pour la géométrie et du profond bou
nationale
l'indignité dans laquelle on la tiendra leversement des mathématiques qui
supérieure un siècle plus tard ? Pour le savoir, le s'ensuivit au XIX® siècle, Monge définit
d'architecture mieux est encore «d'écouter» son donc la géométrie descriptive comme
Paris- fondateur, Gaspard Monge (1746- «un art». C'est une «science» répondra
Malaquais. 1818), dont les paroles (extraites ici comme en écho Michel Chasles (1793-

\I22 Tangen-te Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: TRANSFORMER POUR CRÉER

1^
-r-i" Vr

Fig 1 ; Les princi


pales façons de
représenter l'es
pace (dessins de
Noël Blotti).
La représentation
d'un objet «en géométral», c'est-
et enfin aux artistes qui doi
à-dire à l'aide de trois (ou quatre)
vent eux-mêmes en exécuter
vues en plan-coupe-élévation, ,/t{ /"'''Wr/t/fj 't/ne. /ttv.T'é.
permet de retrouver à partir du les différentes parties». Un
dessin toutes les vraies grandeurs langage pour «parler l'es /T,/ /*•
de segment de droite, d'angle ou pace à trois dimensions » en
de surface, dont on peut avoir quelque sorte, du moins lors
besoin au moment de la construc
qu'il est peuplé d'objets
tion. Pour cette raison, c'est le
«susceptibles de définition
mode de représentation de l'es
pace approprié aux dessins d'ar rigoureuse».
chitecte ou d'ingénieur ou plus Mais c'est une langue abs
généralement de toute personne traite, difficile à maîtriser, et
qui fournit un dessin en vue d'une dont les charmes ne furent
construction ultérieure. La géomé pas forcément appréciés à
trie descriptive est la théorie géo
leur juste valeur par tous les
métrique sous-jacente à ce mode
de représentation de l'espace. élèves ingénieurs. Discipline
emblématique, au moment
1880) dans son Aperçu historique sur de sa création, de l'articula
l'origine et le développement des tion entre une théorie et ses
méthodes en géométrie, tout en lui applications et ^ _Principe de représentation de
déniant la capacité de pouvoir par elle- plus largement pespace utilisé en géométrie descrip-
même démontrer des propriétés géomé de l'articulation tive, épure d'un point - (Monge,
triques aussi fondamentales que de théorie/pratique Géométrie descriptive. Planche I)
savoir si une courbe est plane ou non. qui est au cœur On rapporte l'espace à deux plans de
«Science» qui ne démontre rien, ou de la formation référence, distincts, que l'on choisit
, . en général respectivement horizontal
« art » qui bouleverse les mathéma des ingénieurs, -..ji,
" . et vertical. A tout point de 1 espace est
tiques, ce statut ambigu confère incon elle perd rapide- associé le couple des deux
testablement à la géométrie descriptive ment ce statut, projections orthogonales. Lorsque
à la fois son charme et sa spécificité. « Le résultat est l'on rabat les deux plans de référence
Mais plutôt que de chercher à la situer la géométrie l'un sur l'autre, on obtient ce que l'on
entre art et science, sans doute vaut-il descriptive des uomme, dans le langage de la géomé-
, , trie descriptive, l'épure du point.
mieux, comme nous y invite également classes de , . . ,
„ , . , . Ainsi le point A de l espace est repre-
Monge, la considérer comme un lan Specia es, aussi pjjj. jgcouple de points (a, a"),
gage. C'est «une langue nécessaire à absurde en son |g point B par le couple (h, h") et le
l'homme de génie qui conçoit un projet, genre (et pour segment de droite [AB] par le couple
à ceux qui doivent en diriger l'exécution, les mêmes rai- de segments de droite (ah, a"h").

Hors-série n° 35. Les Transformations Tangenize 123


HISTOIRES La géométrie descriptive

Une perspective donne une vue Comme une perspective, une axonométrie seule ne
globale de l'objet, mais ne donne permet pas de construire l'objet ; elle permet par
pas de renseignement suffisam contre de bien montrer les positions relatives de dif
ment précis pour pouvoir le férentes pièces.
construire à partir cette seule vue.
sons) que la théorie l'École polytechnique, au moment de
des abaques et des opérations simpli la Restauration (Monge n'enseigne
fiées. Pour apprendre le dessin indus que deux ans la géométrie descriptive
triel, on coupe des tores par des à l'École polytechnique ; Hachette lui
hyperboloïdes. On vous recommande succède dans cet enseignement jusqu'à
surtout de ne pas "voir" : il suffit de 1816).
mettre et d'opérer comme une
brute... Monge et Hachette pâliraient de L'art de l'épure
colère, voyant ce qu'on a fait de leur
science», écrit par exemple Henry Moyen de représenter l'espace, la géo
Bonasse (1866-1953), un inspecteur de métrie descriptive est également un
l'enseignement du début du siècle cité outil pour s'abstraire d'une figuration
dans l'ouvrage d'Yves Deforge (1929- première, pour «épurer» les surfaces
1997), Le graphisme technique, son his ou les objets mathématiques que le
toire et son enseignement (Paris, Champ géomètre manipule. Un bon exemple
Vallon, 1981). de la manière dont Monge exprime la
relation entre un raisonnement géomé
On peut retenir du cours fondateur trique et sa traduction graphique, sa
quatre éléments essentiels qui, dans un «représentation», est donné par la
sens, le caractérisent: le choix néces construction qu'il propose pour trou
saire au tracé d'une épure, la décou ver le plan tangent à une surface de
verte des formes, les relations entre la révolution passant par une droite don
géométrie et l'analyse et le passage née. En effet, ni la surface de révolu
réciproque espace/plan. De ces élé tion, ni le plan tangent, ni
ments, seul le second survivra dans les l'hyperboloïde de révolution annexe
cours de géométrie descriptive posté qu'il introduit dans le corps de la
rieurs à l'éviction de Jean Nicolas démonstration, n'apparaissent explici
Pierre Hachette (1769-1834) de tement sur l'épure (fig. 3). «Personne,

Û2A Tangenrte Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: TRANSFORMER POUR CRÉER

plus que Monge, n'a conçu et n'a


fait de la Géométrie sans
figures», écrit Chasles dans son
Aperçu historique sur l'origine
/'/</• zo de la géométrie..., à la grande
surprise de son lecteur. Pourtant
il met en évidence une des
richesses du cours de Monge et
un apport, paradoxal, de la géo
métrie descriptive.

Découuerte des formes

Ainsi dépouillé au maximum, le


dessin porte non les objets mais
les eonstructions géométriques
utilisées dans le raisonnement,
constructions qui eussent été
noyées et illisibles si les diffé
rentes surfaces avaient été repré
sentées. Plus que la
représentation de l'espace, l'ob-
Fig. 3 - Plan tangent à une surface jeetif premier de la géométrie descrip
de révolution passant par une tive est la découverte de nouveaux
droite donnée. volumes, de «formes inconnues, qui
Monge, Géométrie descriptive. résultent nécessairement des formes
Planche X.
primitives données», selon les termes
Considérant le plan tangent cher
de Hachette. Au moment du tracé de
ché, Monge le suppose entraîné
dans le mouvement de rotation l'épure, on «construit», on détermine
qui engendre la surface de révolu le volume cherché. La géométrie des
tion. La droite, comprise dans le criptive permet, en effet, de progresser
plan ((BC) ou (hc) sur la figure) pas à pas dans cette recherche, à l'aide
engendre alors un hyperboloïde
de quelques principes simples, de deux
de révolution. Monge montre
d'abord que le plan tangent à la algorithmes propres, selon Charles
première surface de révolution Dupin (1784-1873), ceux de projection
l'est également à la seconde. Il et de rabattement. La force de la géo
détermine point par point l'inter métrie descriptive, dans cette aetivité
section de l'hyperboloïde de révo de recherche, vient de ces moyens
lution avec le plan frontal algorithmiques et systématiques qui
contenant l'axe de la première
permettent d'avaneer de façon sûre et
surface de révolution et achève la
construction à partir des tan progressive.
gentes communes à l'hyperbole
ainsi déterminée et la génératrice
de la première surface de révolu
tion.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 125


HISTOIRES La géométrie descriptive

icnie par ce parallélisme que Monge


exprime le mieux sa philosophie, qu'il
tentera de mettre en œuvre à l'École
polytechnique où il enseigne simulta
nément la géométrie descriptive et
l'analyse appliquée à la géométrie. La
mise en évidence de la nature profonde
de cette relation entre géométrie et ana
lyse est pour Monge l'une des clés de
l'enseignement des mathématiques.
Mais, inversement, un enseignement de
géométrie descriptive coupé de celui de
l'analyse, comme il se pratiquera ulté
rieurement, est par nature bancal.

Le passage réciproque espace/plan

Dans son cours, Monge utilise la géo


métrie descriptive pour réaliser «l'al
liance intime et systématique entre les
figures à trois dimensions et les figures
planes» comme l'explique encore
Chasles. Il donne en effet quelques
exemples où il lit une figure de géomé
trie plane comme la projection d'une
situation spatiale et propose ainsi de
très élégantes démonstrations de théo
rèmes de géométrie plane (fig. 4). La
géométrie descriptive n'apparaît plus
alors seulement comme un mode de
représentation de l'espace, mais
comme le lieu d'une relation réci
Épure d'une vis à filet triangu proque espace/plan qui met en évi
laire, lavis, Cours de l'École poly dence la richesse de la notion de
technique, Portefeuille d'épures
projection et de celle de transformation
de Dalesme, 1812.
géométrique. Charles-Julien Brianchon
Géométrie analytique et géométrie (1783-1864), puis Jean-Victor Poncelet
descriptiue (1788-1867), cultiveront avec succès
cette méthode qui est l'une des caracté
«Il serait à désirer que ces deux ristiques de «l'école de Monge».
sciences fussent cultivées ensemble : la Le cours de Monge va profondément
Géométrie descriptive porterait dans renouveler les études géométriques et
les opérations analytiques les plus contribuer au bouleversement de la
compliquées, l'évidence qui est son pensée mathématique qui apparaît
caractère; et, à son tour, l'Analyse por durant la première moitié du XIX"
terait dans la Géométrie la généralité siècle. «L'influence scientifique de
qui lui est propre ». C'est sans doute Monge (...) donna l'impulsion au

"12G Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: TRANSFORMER POUR CREER

développement de la géométrie qui


allait commencer en Allemagne. J'ai
grandi moi-même, grâce à mon profes A?.
seur Plûcker, dans la tradition de
Monge», écrira par exemple Félix
Klein (1849-1925) cité ici par René
Taton (1915-2004) dans L'œuvre scien
tifique de Monge. Si elle appartient
aujourd'hui à une branche morte des
mathématiques, la géométrie descrip
tive demeure un outil précieux pour
développer les facultés d'un étudiant à
imaginer et inventer l'espace. C'est la
raison pour laquelle, quels que soient
les développements fulgurants du des
sin assisté par ordinateur (DAO), son
apprentissage peut ne pas avoir perdu
toute utilité. /•/,/. lo
J.S.

Références bibliographiques
• Comar, P., La perspective en jeu : Les
dessous de l'image, Paris, Gallimard, Fig. 4 - La propriété connue aujourd'hui sous le nom
128 pages, 1992. de «pôles et polaires ». Monge, Géométrie descriptive.
• Hllbert, D., et Cohn-Vossen, S., Planche VII.

Geometry and Imagination, New York, La corde joignant les points de contact des tangentes
à un cercle, issues d'un point donné, passe par un
Ghelsea Publlshing Company,
point fixe (M sur fig. i8) lorsque le point se déplace
350 pages, 1952.
sur une droite donnée. Réciproquement, les tan
• Monge, G., Géométrie descriptive,
gentes issues des points d'intersection d'une droite A
1®'® édition in Les Séances des écoles
et du cercle se coupent en un point qui se déplacera le
normales recueillies par des long d'une droite si A tourne autour d'im point fixe.
sténographes et revues par des Soit n le plan défini par la droite donnée A et le centre
professeurs, Paris, 489 pages, 1795. A du cercle. Monge considère la sphère centrée en A et
Édition récente in L'École normale de ayant même rayon que le cercle et les cônes de révolu
l'an m. tion tangents à la sphère dont le sommet se déplace sur
' Leçons de mathématiques (Laplace, la droite A. Les cônes et la sphère admettent un même
Lagrange, Monge). Jean Dhombres plan tangent P, contenant la droite A (H est un plan de
éditeur, Paris, Dunod, 636 pages, syméti-ie de la figure et pour la suite du raisonnement
1992, pp. 267-459. on ne peut retenir que les volumes situés "au-dessus"
• Roubaudi, G., Traité de Géométrie de n)' Le point de contact N de P avec la sphère appar
Descriptive, Paris, Masson et Gie, 552 tient à tous les cercles de contact entre les cônes et la

pages, 1916. sphère, cercles toujours situés dans des plans perpen
diculaires à n* Si l'on projette ces volumes sur H) les
• Sakarovitch, J. , Épures d'architecture,
cercles de contact se projettent sur des cordes du cercle
de la coupe des pierres à la géométrie
qui passent par N' projection de N, ce qui permet de
descriptive, XVÉ-XIX^ siècies, Basei,
déduire le théorème.
Birkhâuser, 444 pages, 1998.
Ce théorème sur « les pôles et polaires » prendra
une place nodale chez Poncelet.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 127


ACTIONS Par Hervé Lehning

La géométrie
Vauban a parsemé les frontières de la France de forteresses aux
formes géométriques. Avant qu'on leur découvre des vertus touris
tiques, leur but était de retenir les envahisseurs. Leurs descendants
s'y arrêtent encore.
Que sont devenues les fortifications et à l'artillerie de l'époque (catapultes
Et les p'tits bistrots des barrières et autres engins lanceurs de pierres ou
C'était Vdécor de toutes les chansons de flèches). Des tours sont situées à
Des jolies chansons de naguère distance d'archer l'une de l'autre afin
d'empêcher l'ennemi de s'approcher
La chanson des fortifs, Marguerite pour gravir ou démolir les murs. Cette
Boulc'h dite Fréhel
technique devient obsolète face à l'in

Cette chanson réaliste de


l'entre-deux-guerres dit l'im
vention de l'artillerie à boulets de fer.

portance qu'eurent les fortifi


cations jusqu'au XIX® siècle. La loi de
la ville s'arrêtait à ses barrières. Le vin
était moins cher en dehors. Malgré la
nostalgie de la chanson, c'était le lieu
de tous les trafics, et de toutes les
Ville assiégée misères. Aujourd'hui, il reste quelques
par Vauban, endroits semblant avoir été créés pour
ville prise, leur beauté géométrique. D'où vient
ville défen cette esthétique ?
due par Les hauts murs Siège de Brest en 1386, où l'on
Vauban, ville voit l'usage d'une bombarde
pour détruire les miu*s.
imprenable. Jusqu'au Moyen Âge, les fortifications In ; Chroniques, Jean Froissart,
sont essentiellement des murs, assez
Bibliothèque nationale de
hauts pour en rendre l'escalade diffi
cile, et épais pour résister aux béliers France, FR 2645, XV®siècle.

Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER : TRANSFORMER POUR CREER

D'étranges polygones

Les forts du Moyen Âge peuvent avoir


des formes polygonales. Celles-ci res
tent cependant convexes. La règle pour
les forts de l'époque de Vauban est dif
férente. En terrain plat, on part d'un
polygone régulier convexe. La longueur
des côtés correspond à la portée utile
des pièces d'artillerie de l'époque (en
fait un peu moins pour que l'effet soit
meilleur). La norme est de 330 mètres.
Le nombre de côtés dépend alors de la
taille de la ville à ceinturer ainsi. Par
exemple, un pentagone régulier de côté À Cbâteau-Queyras, Vauban a avancé la porte
égal à 330 mètres englobe une surface d'entrée pour créer un bastion d'où deux canons
de 18 hectares, un hexagone, 28, et un peuvent interdire la progression de l'ennemi
octogone, 52. (meurtrières au-dessus de la porte).
Partons ici d'un pentagone comme pour
situés autour. Ces murs sont essentielle
la citadelle de Lille. Au milieu de
ment constitués de terre pour mieux
chaque côté, perpendiculairement et
résister aux boulets en fer. La maçonne
vers l'intérieur, nous reportons une lon
rie qui les entoure est destinée à tenir le
gueur de 55 mètres. Nous obtenons un
tout. Du côté de la place forte, elle se
polygone plus compliqué en forme
nomme l'escarpe. De l'autre côté, la
d'étoile (voir la figure Schéma de base).
contrescarpe. Un domaine est laissé
vide et sans protection pour l'ennemi
tout autour. Il se nomme le glacis. Sa
longueur correspond au minimum à la
portée des canons. Vu du glacis, l'as
saillant n'aperçoit que des murailles
modestes puisque le fossé les dissimule.
Nous sommes maintenant en présence
de plusieurs polygones, l'un extérieur
joignant les extrémités des bastions,
Les bastions (en
Schéma de base d'vme fortifica l'autre intérieur dans le prolongement des
bleu) situés aux
tion bastionnée. courtines. Un autre délimite le glacis.
sonunets du
Bien que plus solides que les châteaux
Le but est d'établir aux sommets du pentagone sont
polygone initial de petits fortins appelés
du Moyen Âge, ces fortifications gar destinés à cou
dent un gros inconvénient. Si un bastion
« bastions » et destinés à recevoir des vrir les cour
est pris, la place est prise. tines (en rouge).
pièces d'artillerie pouvant couvrir les
côtés du polygone en étoile, appelés Les mims exté
« courtines ». Pour éviter d'être de trop multiplication des défenses externes rieurs des deux
bonnes cibles pour l'artillerie adverse, forment l'es
ces remparts ne dépassent pas du pay Pour éviter ce défaut, Sébastien Le carpe.

sage. Leur hauteur vient des fossés Prestre de Vauban (1633-1707) a l'idée

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 129


SAVOIRS La géométrie des fortifications

Le défilement et la géométrie descriptiue


Comment défiler une fortification des tirs de
l'ennemi ? Le verbe « défiler » doit s'entendre ici
au sens commun de « se défiler ». Comment
cacher l'intérieur d'un ouvrage aux vues et aux
tirs de l'agresseur ? Bien entendu, il suffit de
bâtir partout des remparts assez hauts. L'ennui
est que la hauteur fragilise les remparts. Le tout
doit rester équilibré. Sur le terrain, les bons
ingénieurs comme Vauban savent défiler leurs
Le fossé se situe entre les deux
ouvrages. Comment s'y prendre à partir d'un lignes bleues. À l'intérieur : les
simple plan coté ? Gaspard Monge (1746-1818) bastions, les demi-lunes et les
inventa la géométrie descriptive pour résoudre ce tenailles. En rouge : le chemin
problème (voir l'article La géométrie descriptive). couvert et le glacis, qui monte
vers la place forte et se raccorde
d'ajouter deux au terrain naturel.
défenses externes
la contrescarpe. Il s'agit en même temps
devant chaque
de la première ligne de défense et d'un
courtine : la
chemin de ronde, destiné à l'observation.
tenaille à son pied
et la demi-lune
Ces principes se retrouvent de façon
devant. Chacune
parfaite en terrain plat comme à Lille
de ces défenses
ou Neuf-Brisach. Dans des villes de
n'offre aucune
montagne, comme Briançon ou Mont-
protection du côté
Dauphin, Vauban s'adapte au terrain.
de la place forte
Une falaise verticale de cent mètres de
elle-même. Si
Demi-lune, vue du fort à Mont- l'ennemi la prend,
haut est difficilement franchissable !
Dauphin, protégeant la citadelle il s'y trouve à
tout en restant sous le feu qui en
découvert, donc
provient. L'ennemi ne peut que
dans une position
difficilement s'y maintenir après
difficile à tenir.
l'avoir prise.
Vauban généralisa ce principe en déta
chant les bastions de la place forte elle-
même. D'autre part, le tout est entouré
d'un dernier
Les tenailles
(près du fort) petit rempart
et les demi- parallèle et
lunes (en vert) recouvert,

sont destinées appelé « che


à retarder la min couvert ».
progression de Ainsi, il se situe Schéma des fortifications de la
l'ennemi. au sommet de citadelle de lille.

130 Tangen-te Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER : TRANSFORMER POUR CRÉER
commencer. Il reprend des tranchées
L'art du siège selon Uauban
d'approche en zigzags puis fait
construire une troisième parallèle au
Les fortifications de Vauban sont-elles
niveau du chemin couvert. Les canons
imprenables ? La réponse est « non ».
approchent et créent une brèche dans
Elles sont seulement conçues pour
les remparts. Le plus souvent, les
tenir le plus longtemps possible et
assiégés se rendent avant l'assaut pour
infliger le maximum de pertes à l'en
éviter des pertes en vies humaines et le
nemi. Il est possible que ce temps soit
pillage de la place.
assez long pour qu'une armée de
H.L.
secours vienne forcer l'ennemi à lever
le siège.
Vauban a indiqué lui-même comment
prendre ses places fortes au moindre
coût en vies humaines. Comme pour la
construction des forteresses, ses idées
sont très géométriques. La prise d'une
Les cochonneries de Uauban
place se décompose ainsi en douze
phases, prenant au plus 48 jours. La Vauban a écrit un traité dont le titre commence
première est l'investissement, pour par De la cochonnerie, mais rien de cochon à
couper la place de l'extérieur. Ensuite,
l'intérieur. Il s'agit d'un calcul estimatif pour
Vauban fait réaliser une première tran
connaître la production maximale d'une truie en
chée parallèle à la place forte, hors de
la portée des canons des assiégés. Pour douze ans. Sa règle est simple et donne une suite
s'approcher, Vauban fait construire des du type que celle que Fibonacci inventa pour ses
tranchées en zigzags. L'idée est que la lapins :
tranchée ne puisse être prise en enfi Une truie a sa première portée de cochons, moi
lade par l'artillerie de la place (voir la tié mâles, moitiés femelles, à l'âge de deux ans,
figure Les zigzags). et cela chaque année jusqu'à six ans. Chaque
femelle fait de même.
Faites le calcul, le résultat est impressionnant !
Voila une alternative de suite à croissance expo
nentielle pour ceux qui seraient rassasiés des
lapins de Fibonacci. Vauban l'a effectué pour
montrer que la famine pouvait être évitée.

Bibliographie
La fortification décluicte en art et démonstrée. Jean Errard,
Paris, in-folio de 83 pages -i- 38 doubles planches, 1600.
Les fortifications. Antoine de Ville, Irénée Barlet (Lyon), in
Les zigzags évitent que la tran folio de 450 pages + 55 planches, 1628.
chée d'approche soit dans l'ali Les fortifications. Biaise François Pagan, François Foppens
gnement de la place. (Bruxelles), 196 pages, 1648. Publié à Paris dès 1645.
Traité de l'attaque des places. 170 pages, 1704. Tome VIII in
Vauban fait alors construire une
Les Oisivetés de Monsieur de Vauban. Vauban, Champ Vallon
deuxième parallèle à portée de canons. (Seyssel), 12 tomes (29 mémoires), 1792 pages, 2007.
Le bombardement de la place peut

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 131


ACTIONS par Hervé Lehning

Représenter
et déformer un objet en 3D
Pour représenter un objet en 3D, le plus simple est de le
décomposer en petits triangles et d'utiliser une projection
centrale.

ue le but soit de le représenter avec une certaine précision. On peut donc

Dans l'espace, trois


nombres x, y et z
suffisent pour repé
Q sur un écran d'ordinateur, de le
mouvoir ou de le déformer, un
objetTteTespace
o bietaST doit d'abord être repré
senté en mémoire. Celle-ci ne comprend
également représenter les points et les
couleurs.
Le problème de la couleur ne présente
guère de difficulté, nous le négligerons
rer un point M :
c'est pourquoi l'on que deux objets de base ; le 0 et le 1. Bien donc.
parle de 3D. Ces entendu, grâce à l'écriture des nombres en
nombres vérifient binaire, on peut tous les représenter ainsi Représentation d'un objet en mémoire
l'égalité vectorielle :
OM = xi + yj + zk A priori, si nous savons représenter les
où les vecteurs i,j
points, nous pouvons représenter les
et k sont les vec
teurs unités sur les
volumes de l'espace. Après tout, il
axes de coordon- s'agit d'ensembles de points. Nous
évitons cependant de procéder ainsi
pour deux raisons. La première est
qu'il faut alors en considérer un grand
M
nombre même en leur donnant une cer
taine épaisseur. Sans cela, il en faudrait
une infinité ! La seconde raison est que
O les objets que nous manipulons ont
.y toujours une enveloppe, ils sont l'inté
rieur de certaines surfaces.
Reste à représenter les surfaces. Pour
cela, l'idée la plus utilisée en mathé
matiques est de les approcher par une
collection de petits triangles ne se cou
Les surfaces sont représentées par
pant que le long de leurs côtés. Voici
de petits triangles contigus. ce que cela peut donner :

132 Tangente Hors-série n° 35


DOSSIER : TRANSFORMER POUR CREER

Dans ce schéma, le triangle image t a


pour sommets les images des sommets
du triangle réel T. Pour représenter le
triangle, il suffit donc de calculer les
coordotmées de ces points.

Transformation d'un point

L'essentiel est donc de trouver les


coordormées dans le plan P de l'image
m d'un point M. Pour les déterminer, il
suffit de se donner un système d'axes
liés au plan P eomme le montre la ---- M

figure suivante :

Des triangles pour représenter une sur


face.

En utilisant des triangles plus petits, on


peut obtenir une figure plus fine. Ainsi,
dans ce modèle, une surface est définie
par une liste de triangles qui sont eux-
mêmes des tableaux de neuf nombres.

On considère le
Représentation d'un triangle
repère d'origine S
sur l'écran
dont l'axe K est
Si les coordonnées du point perpendiculaire au
Si vous regardez une scène, votre œil M dans le repère d'origine plan P, l'axe I hori
est situé en un certain point et la vision S et d'axes I, J et K sont X, zontal et l'axe J
se fait sur le plan de votre rétine. Y et Z (voir la figure ci-des vertical.
Notons S ce point et P ce plan. Les sus), d'après le théorème de
rayons lumineux ayant des trajectoires Thalès, celles du point m
linéaires, un modèle raisonnable de la vérifient :
façon dont les images sont transfor-
?_
X Y Z

Comme z = h où h est la dis


tance de S à P, on en déduit
t.X , , Y
que : x = h— et y = h — ,
^ Y ^ Z
Il reste bien sûr à calculer
les coordonnées de M dans
ce nouveau repère. Il s'agit
d'une question de calcul
vectoriel. Une fois chaque
point transformé, il est
facile de transformer les tri
Image t d'un triangle T
sur le plan de vision P. angles.

Hors-série n° 35. Tangente 133


ACTIONS Représenter un objet en 3D

Les parties cachées

Les triangles utilisés ne se coupent que


sur les faces donc l'un est toujours der
rière l'autre. Examinons les images de
deux triangles :
A B
Deux triangles, Un point M est situé à l'intérieur du tri
lequel cache angle ABC s'il est situé du même côté
l'autre ? que C par rapport à (AB) et de même
pour les autres côtés.
Les points C et M sont situés du même
côté de (AB) si la quantité ci-dessus a le
même signe en ces deux points. On peut
tester ainsi par quelques calculs sur les
coordonnées de A, B, C et M si M est
situé du même côté que C par rapport à
(AB) et de même pour les autres côtés.
Si le triangle le plus proche de S est On en déduit un moyen de tester si M est
opaque, nous avons deux possibilités : à l'intérieur du triangle ABC ou non.
Si M n'est pas à l'intérieur de ABC, il est
visible par rapport à ABC. S'il l'est, il
reste à examiner s'il est situé derrière
ABC ou non. Pour cela, on écrit l'équa
tion du plan original de ABC et on exa
mine son signe au point original de M.
S'il est identique de celui en S, M est
visible, sinon il est caché.
Une fois que l'on connaît les sommets
Si le petit triangle cachés, il est facile de réduire le dessin
est derrière le Pour effecteur le tracé complet (face aux parties visibles. On recommence le
grand, nous obte cachée comprise), il suffit de détermi processus pour toutes les paires de tri
nons la figure de ner les images sur le plan P des som angles et on obtient le résultat final.
gauche, sinon nous mets des triangles. On obtient ainsi
obtenons celle de deux triangles. Pour chaque triangle, Faire bouger ou déformer un objet
droite. on examine les sommets visibles par
rapport à l'autre triangle et ceux qui ne La méthode peut sembler longue mais elle
le sont pas. Pour régler cette question, a l'avantage de permettre de changer faci
on détermine d'abord si le sommet est lement de point de vue comme de faire
eompris à l'intérieur de l'autre tri bouger un objet ou de le déformer. Pour
angle. Il s'agit d'une question de cal cela, il suffit de déterminer les fonnules de
cul de coordonnées. changement de coordonnées pour un point
Si les points A, B, C et M ont pour coor et l'appliquer à tous les sommets des tri
données respectives (x^, (Xg, y^), angles de la figure. Les méthodes vues
(x^,Je) st (jCm' a pour dans cet article permettent également de
équation : visualiser les ombres portées par un objet.
(fA (^A-^^y+^Ay^-^YiyA=o- H.L.

134 Tangente Hors-série n° 35


EN BREF

Les « Imajustages » de niyriam Labadie

Orienté, acrylique svu- toile, Concentration II, acrylique sur toUe,


25cm X 25cm, 2008. 38cm X 38cm, 2006.

Lajrise de Constantinople, acrylique sur bois, 25cm x 100cm, 2005.

Vortex, acrylique sur toUe, Hippychorisme, acrylique sur toile,


38cm X 38cm, 2006. 25cm X 25cm, 2008.

Hors-série n°35. Les Transformations Tawgente 135


PASSERELLES par Edouard Thomas

Les « Imajustages » de

Inspirée par les remplissages périodiques du plan


d'Escher ou les grilles de Vasarely, la peintresse Myriam
Labadie explore avec bonheur l'exécution sous
contraintes. Rencontre avec une artiste atypique.

Tangente: Pouuez-uous nous parler de Le résultat était alors assez sommaire :


uotre parcours ? représentation exclusive de bestiaires ;
grille de construction encore peu appa
Myriam Labadie : J'ai d'abord étudié rente ; nombre de figures restreint.
trois ans à l'École des beaux-arts de
Toulon, avant de me tourner vers les Contrainte d'ajnstage
lettres modernes. C'est dans le cadre de Transposant à l'acrylique la
mon mémoire de maîtrise que l'on m'a technique du glacis - tecnnic
inique
proposé d'assister en 2001 au consistant en une succession de
Séminaire annuel de textique couches de peinture très peu
(Semtex), dirigé par Jean Ricardou, pigmentées -, les Imajustages
connu pour ses travaux théoriques sur de Myriam Labadie répondent à
le Nouveau Roman. un programme d'exécution sous
Cette rencontre a été décisive. contraintes. La principale d'entre
Adoptant immédiatement la textique, elles, appelée contrainte
j'ai réalisé, au sein de son groupe de d' « ajustage », nécessite que
réflexion, le Cortex, une analyse cri chaque figure soit représentée
entière, vue sous un certain angle,
tique approfondie de l'une des œuvres
sans en cacher aucune autre ni
de Maurits Cornelis Escher :
être cachée par quelque autre, et
«L'exécution Remplissage périodique du plan II. de telle sorte que l'espace du
Cette analyse m'a amenée à faire émer
sous tableau soit totalement couvert.
ger les principes d'élaboration des
contraintes icônes ajustées. Puis j'ai réalisé, avec
Le site
d'une œuvre le souci de joindre théorie et pratique,
http://lahadie.mjTiam.neuf.fr/
picturale peut mes propres Imajustages. expose et explique les travaux
être ludique» ainsi réalisés.

fl36 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER: TRANSFORMER POUR CREER

Puis, à force d'exercice, la qualité gra ser des motifs répé


phique s'est accentuée. Les tés. Ainsi procè
Latextique
Imajustages se sont ainsi affinés, au dent Les chats de
La textique vise à établir une théo
point que de nouvelles contraintes ont Schrddinger, Les rie unifiée des structnres de l'écrit,
pu se greffer sur le programme d'exé vieillards plas dans ses modes schémique, gram-
cution initial. tiques, Orienté ou miqne, iconique, symbolique. Elle
L'essai. fut fondée en 1985 par Jean
Quelles sont ces nauuelles contraintes Ricardou au Collège international
que uousaoez introduites? La contraintede philosophie de Paris. Le Cercle
d'ajustage peut être ouvert de recherches en textique
Une contrainte de spécialisation, enrichie autrement : (Cortex) est constitué d'une
d'abord. Elle apparaît avec les représentation d'un équipe non institutionnelle, arti
Alphabestiaires, où seuls des animaux volume d'ensemble culée autour du Séminaire de tex
dont le nom commence par une lettre {cf. les grilles de tique (Semtex), au Centre culturel
choisie sont représentés : Abeille, Vasarely), « super international de Cerisy-la-Salle.
Aigle, Anaconda, Ane, Araignée... de position » d'une
telle sorte que leur assemblage dessine figure d'emblème (cf. les portraits
la lettre en question (ici « A »). d'Arcimboldo), ou composition de
motifs semblables {cf. certains travaux
Une contrainte de spatialisation, par d'Escher).
fois. Elle porte essentiellement sur la
grille de construction, qui compose Pouuez-uous préciser quels outils
alors des volumes en trompe-l'œil, un mathématiques sont alors à l'œuure ?
peu à la manière des œuvres de
Vasarely. Mes travaux Science sans Le principe de pavage est nécessaire à
patience n'est que ruine de l'Art, toute organisation des grilles de
Vortex ou Concentration en sont des construction (en damier, en triangles
exemples. isocèles ou équilatéraux, en quadrila
tères, en hexagones composés de
Une contrainte de « superposition », losanges, en spirales, mixtes...). Le
aussi. Celle-ci ajoute, à la règle du par principe d'anamorphose de ces grilles
tage des bords, un impératif supplé est parfois requis pour obtenir des
mentaire affectant le remplissage semblants de volumes. Des principes
interne et s'appuyant sur un nuancier de symétrie, de rotation et de transla Retrouvez les
de valeurs (clair/sombre ou tion sont appliqués dans mes œuvres
œuvres de
clair/moyen/sombre). Ainsi, les figures isométriques. Et un principe combina-
locales s'ajustent, mais de façon à lais toire de coloration d'un graphe {via le
Myriam
ser apparaître une figure globale. On théorème des quatre couleurs et ses Labadieen
peut l'observer dans des tableaux tels variantes) permet toujours un remplis pages 95 et 135.
que Le drapeau pirate, A l'aise au pays sage qui utilise un nombre minimal de
des merveilles ou Hippychorisme. couleurs, que je choisis en général
contrastives.
Une contrainte de sérialisation enfin.
Nécessitant la symétrie, la rotation Propos recueillis par E.T.
et/ou la translation des bords de
chaque figure, elle permet de compo

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 137


ACTIONS par Michel Criton

Calissons et
perspectiue
Les calissons sont des friandises en forme de losanges
constitués de deux triangles équilatéraux accolés. Les ran
ger est l'occasion d'évoquer un problème de géométrie !

i l'on range les calissons dans Mais observez attentivement le dessin

S des boîtes hexagonales, de com


bien de façons peut-on le faire ?
représentant les douze calissons dans
leur boîte. Ne voyez-vous pas du relief
apparaître ? On a l'habitude de repré
senter un plan quelconque vu en pers
pective dans un espace à trois
dimensions par un parallélogramme, et
les trois orientations possibles d'un
calisson peuvent être interprétées par
Pour ranger notre cerveau comme trois positions
des calissons, possibles d'un carré dans l'espace à
Un calisson dans sa boîte. trois dimensions.
il suffit de les
voir comme Les losanges qui représentent des En accolant trois carrés appartenant
des carrés vus calissons sont supposés être posés sur aux trois plans de coordonnées, on voit
en perspective. un plan et vus du dessus. Il s'agit donc un objet que notre cerveau peut inter
d'une représentation plane. Plaçons préter de deux façons : en plein ou bien
douze calissons dans la boîte. en creux. On peut d'ailleurs passer,
avec plus ou moins de facilité, d'une
vision à l'autre.

Cette vision a-t-elle un rapport avec le


problème des confiseurs ? La réponse
est oui, car, lorsque l'hexagone est
rempli de calissons, deux calissons
Douze calissons dans leur boîte. adjacents par un côté peuvent toujours
En les coloriant, être vus comme deux carrés. Si ces
du relief apparaît.

138 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


DOSSIER; TRANSFORMER POUR CRÉER

Les cubes peuvent se ranger en deux


couches, l'une « en arrière » et l'autre
« en avant », un cube placé en avant ne
devant jamais faire de l'ombre à un
cube placé en arrière (sauf s'il est collé
contre lui) ou à la face arrière de la
boîte. De même, un cube de la couche
Trois calissons apparaissent du dessus ne doit pas faire de l'ombre à
comme trois carrés dans trois un cube du dessous ou au fond de la
plans orthogonaux. boîte. Cette règle permet de dénombrer
vingt remplissages différents possibles
carrés ont la même position, ils seront représentés ci-dessous « en volume ».
interprétés comme étant dans un même
plan, sinon, comme appartenant à deux
plans orthogonaux. On peut alors sup
poser que ces plans correspondent soit
à l'intérieur d'une boîte cubique dont
l'arête vaut deux côtés de calissons, Bien
soit à des faces de cubes rangés à l'in sûr, si l'on
térieur de cette boîte, dont trois faces
ont été ôtées.
considère
comme identiques €>###
des dispositions qui se
Rutre formulation du problème déduisent l'une de l'autre par une rota
tion ou une symétrie, on obtient beau
Notre problème est équivalent au pro coup moins de solutions. En fait, la boîte
blème suivant : de combien de façons pleine et la boîte vide correspondent
peut-on ranger des cubes dans la boîte, alors à la même solution.
de telle sorte de chacune de leurs faces Et il en est de même pour la boîte
soit ou bien totalement invisible, ou contenant N cubes et celle en conte
bien totalement visible ? Trois cubes nant 8 - iV,à condition que les vides de
disposés comme sur le dessin ci-des la seconde boîte soient disposés
sous, par exemple, ne conviendraient comme les cubes de la première. Nous
pas, car la face repérée par une flèche laissons au lecteur le soin de vérifier
est partiellement cachée tout en étant qu'il n'y a plus alors que six solutions.
aussi partiellement invisible. M.C.

Trois cubes.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 139


SAVOIRS par Hervé Lehning

L'art de

pauer
L'Alhambra de Grenade est réputé pour ses jardins et ses
décorations géométriques. Les carreleurs y ont utilisé les
dix-septfaçons d'agencer des pavés décoratifs. Quelles sont-
elles ?

L'Alhambra !L'Alhambra !
Palais que les génies
L'art de carreler

Ont doré comme un rêve et Imaginez-vous carreleur. On vous


rempli d'harmonies, foumit un lot de carreaux rectangu
Forteresse aux créneaux festonnés et laires, sans décor. A vous de les assem
croulants bler pour couvrir une surface plane illi
Où l'on entend la nuit de magiques syl mitée. Sauf rapport particulier entre les
labes côtés, une fois le premier pavé posé,
Quand la lune, à travers les mille vous n'avez qu'une façon « naturelle »
arceaux arabes. de le faire (voir la figure « Pavage avec
Sème les murs de trèfle blanc. des carreaux rectangulaires »). Plus
Les Orientales (extrait) exactement, la position de chacun se
déduit simplement de celle du premier.
Dans cette strophe écrite à Grenade en
Avril 1828, Victor Hugo évoque les Qu'avez-vous fait ? Tout simplement
harmonies et la magie du palais de opéré deux translations du premier
l'Alhambra, qui surplombe la ville. Le pavé posé, une dans le sens de sa lon
mathématicien ne peut s'empêcher d'y gueur, l'autre dans le sens de sa lar
lire une allusion aux pavages couvrant geur. Derrière ce motif se cache un
ses murs, sols et plafonds. Sans croire groupe de déplacements. Il est consti
à la magie, il est impressionné en y tué des translations que vous opérez
découvrant les dix-sept pavages pos pour passer du premier carreau posé
sibles du plan. Comment de simples aux autres. Remarquez que l'on obtient
carreleurs ont-ils pu les découvrir ? le même résultat si les carreaux sont en
forme de parallélogrammes ou même

140 Tangente Hors-s


DOSSIER : TRANSFORMER POUR...

f f f f i i
f f f
? f f f i 'f i
Trois agencements
StS-
> f f régnliers de pavés
Pavage avec des carreaux rectangu carrés.
laires. A partir d'un premier, le paveur è --C- Dans le premier,
a opéré des translations suivant ses nous ne trouvons

deux côtés (donc les vecteurs I et J). que des


translations. Dans le
À second, le paveur a
de forme plus compliquée, à condition d'abord appliqué
toutefois qu'ils s'emboîtent correcte une rotation de 180°.
ment (voir la figure « Pavage avec des Dans le dernier, plu
carreaux s'emboîtant »). Problème des paueurs sieurs fois une rota
tion de 90°.
Ces agencements sont-ils les seuls ?
Assurément non puisqu'il est possible
de disposer les pavés de façon aléatoire
(voir la figure « Un agencement aléa
toire »).

Pavage avec des carreaux


s'emboîtant.

Bien entendu, il est possible de créer


une infinité de motifs de ce genre. Le
groupe sous-jacent reste le même. II est
engendré par deux translations. Pour
qu'il évolue, il est nécessaire de chan Un agencement aléatoire. Les cou
ger la forme des pavés. Nous pouvons leurs des dalles ont été choisies
également considérer des pavés déco dans l'ordre habituel de l'écriture
rés sur une face. A partir d'un pavé française par jet de dé (1, 2 et 3 :
carré, nous obtenons alors plusieurs bleu, 4, 5 et 6 : jaune). On remar
possibilités. La figure « Agencements quera que ce « vrai » hasard est
réguliers de pavés carrés » en montre loin des dispositions « aléatoires »
trois. que l'on fabriquerait spontanément.

formations Tangervte ^41


SAVOIRS r l.'art d

On peut trouver une certaine esthétique deux entiers. On montre que ce sont les
dans ces jeux aléatoires, mais nous per seules translations possibles mais, à
dons l'harmonie des pavages réguliers travers les exemples précédents, nous
usuels. Les paveurs traditionnels ne se voyons que ce groupe de translations
permettent pas de telles fantaisies. n'est pas le seul envisageable, d'où la
Précisons leur méthode. question :
La notion de déplacement est assez
claire. Pour la comprendre, il suffit de Quels sont les groupes de déplace
jouer avec un carreau posé au sol. Vous ments utilisables pour paver un sol
pouvez le translater et le faire pivoter. plan ?
Les déplacements sont donc de deux
sortes : translations et rotations. En Recherche de groupes utilisables
effectuant plusieurs déplacements à la
suite, le total est un nouveau déplace Dans chacun des trois cas trouvés, le
ment, bien sûr. Autrement dit, les sous-groupe des translations de G est
déplacements se composent. C'est la de la même forme ; ensemble des
propriété essentielle des groupes. translations de vecteurs p\ + ç J où
Comme Monsieur Jourdain faisait de I et J sont deux vecteurs non coli-
la prose, les paveurs traditionnels utili néaires, p Qtq deux entiers. Plus préci
sent des sous-groupes de déplacements sément, I et J définissent un nouveau
sans le savoir. pavé groupant plusieurs des can'eaux
Si le pavage est déjà réalisé, on initiaux, deux dans le cas où nous trou
découvre ce groupe en remarquant vons une rotation de 180°, quatre dans
qu'il s'agit du plus petit ensemble de celui où apparaît une rotation de 90°.
déplacements permettant de passer
d'un pavé à tous les autres (voir Les carrés sont adaptés aux rotations
l'encadré « Les groupes des paveurs » de 90 et 180°. Pour inclure d'autres
pour plus de précisions). Ainsi, dans la rotations dans le groupe G, il est néces
figure « Pavage avec des carreaux rec saire de passer à d'autres formes de
tangulaires », il s'agit de l'ensemble carreaux. La première qui vient à
des translations de vecteurs : l'esprit est celle des tomettes hexago
p\ + ^JoùI et J sont portés par la nales.
longueur et la largeur d'tm pavé, p Qtq Inspirons-nous des motifs de base ci-

Motifs de base
formés à partir
d'un pavé et
d'une rotation de
180° puis d'une
Y
A
rotation de 90°
répétée plusieurs
fois.

Tangente Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : TRANSFORMER POUR...

Le groupe des tomettes hexagonales


est composé de translations.

dessus, ceux qui comprennent deux ou


quatre carrés. Ils sont constitués à par Pavage avec des carreaux
tir d'un premier motif et de l'itération en forme de losanges puis
d'une rotation. Inversement, comment avec des triangles.
obtenir un hexagone ainsi ? Pour ce
faire, il est nécessaire de décomposer
cet hexagone en motifs égaux (voir la
figure « Trois découpages d'un hexa
gone »).

Trois découpages d'un hexagone.

Le découpage en triangles équilatéraux


ne donne rien car il aboutit à l'un des
groupes déjà trouvés (translations plus
rotation de 180°). Les deux autres don l'article « Les groupes des paveurs »
nent deux nouvelles possibilités car ils pour les grandes lignes d'une démons
introduisent d'autres rotations. Il est tration).
facile alors d'imaginer deux nouveaux
pavages (voir les figures « Pavage avec ndjonction de retournements
des carreaux en forme de losange » et
« Pavage avec des triangles »). Si on admet que l'on peut retoumer les
carreaux, c'est-à-dire opérer une symé
Nous avons ainsi trouvé cinq groupes trie par rapport à un axe (voir la figure
distincts de déplacements pouvant être « Retournement d'un pavé »), nous
utilisés pour paver le plan. On obtenons douze autres groupes. La dis
démontre que ce sont les seuls en utili cussion pour les trouver est similaire à
sant des propriétés arithmétiques (voir la précédente, quoique plus laborieuse.

L'ungente
SAVOIRS de paver

Dans les figures, nous donnons à Pour finir, nous pouvons utiliser des
chaque fois le motif de base, celui qui triangles pour former trois motifs
est ensuite répété au moyen de transla hexagonaux.
tions. Pour le créer, nous partons d'un
premier motif pour le répéter avec des
retoumements ou des rotations. Par
exemple, nous pouvons retoumer un
pavé carré le long de son côté droit,
pour obtenir un nouveau motif de base
Y
qui peut être translaté le long de ses
côtés. Il est possible d'en créer quatre
m
autres. Par exemple avec le même
retoumement suivi d'une rotation de
180° (voir la figure « Retoumement
d'un pavé »).

y* y^ L
Y f

Retournement d'un pavé,


puis le même suivi d'une rotation
de 180°.

Les trois autres sont créés de même :

A i
 *9^ é Â f
Retournements et rotation de 180° Motifs de base hexagonaux.

Nous pouvons ensuite utiliser des tri Nous avons ainsi découverts dix-sept
angles pour former trois motifs carrés. groupes de pavage distincts à la suite
du cristallographe Yevgraf Fyodorov
(1853-1919) qui s'y intéressa car les
cristaux suivent également ces formes.
On montre qu'il n'en existe pas
d'autres. Fyodorov dénombra égale
ment les deux cent trente groupes de
Retournements diagonaux pavage de l'espace.
et rotation de 90°.
H.L.

144 l angen-te Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : TRANSFORMER POUR...

Les groupes des paveurs


Nous avons décrit les cinq groupes de déplace l'identité, soit ime rotation t de G. S'il s'agit de
ments utilisables pour paver un plan. Pourquoi l'identité, nous obtenons la relation ;
n'y en a-t-il pas d'autres ? Comment trouver —
1
-I- — = 1 d'où m = 2.
ceux qui incluent des retournements ? Avant m m

d'entamer une démonstration, il est nécessaire


de préciser de quoi on parle. La rotation r est une rotation de 180°, c'est-à-
dire une symétrie par rapport à un point. Si
On considère le plan et un pavé F, c'est-à-dire t n'est pas l'identité, il s'agit d'une rotation.
un domaine borné du plan d'un seul tenant Soit 360° son angle.
(plus précisément, un compact connexe
d'intérieur (noté mt(P)) non vide). On appelle Comme r o 5 o t = id, la somme des angles des
groupe de pavage G un sous-groupe de dépla trois rotations est égale à 360°, d'où :
111
cements vérifiant les deux axiomes : — -H — -H — = 1.
n m p

1 / la réunion des parties g (P) quand g décrit G Les solutions sont peu nombreuses, n = 2,3,4 ou
est égale au plan entier, 6 d'où les angles de 180, 120, 90 ou 60 degrés.
Cela correspond aux rotations trouvées intuitive
2 / deux éléments de G, g et h, tels que ment dans le texte. 11 n'en existe pas d'autre.
l'intersection de g [ int(P) ] et de /i [ int(P) ] est
non vide, sont égaux. Pour prouver que nous avons trouvé tous les
groupes possibles, il reste à montrer que les
Sans ce deuxième axiome, un même pavage translations de G sont de la forme p^ + q ^
peut admettre plusieurs groupes. Il permet de où p et q sont des nombres entiers. Pour cela, on
montrer que les rotations de G sont d'ordre fini, démontre d'abord que si les vecteurs étaient
c'est-à-dire ont une certaine puissance égale à tous colinéaires, le pavage ne pourrait couvrir
l'identité. Pourquoi ? Considérons une rotation qu'une bande du plan. Ensuite, on considère le
r dont les puissances soient toutes distinctes de plus petit de ces vecteurs, soit 1, puis le plus
l'identité. On en déduit qu'elles sont toutes dis petit vecteur qui ne lui est pas colinéaire, soit J.
tinctes entre elles. D'après l'axiome 2, les 11 est alors assez facile de montrer le résultat.
images de l'intérieur de P par ces puissances
sont disjointes deux à deux. L'ennui est qu'elles
occupent un espace borné donc constituent un wmmm
recouvrement d'ouverts d'un compact dont il
est impossible d'extraire un sous-recouvrement
fini. C'est absurde. Ainsi, toute rotation de G
est d'ordre fini. Son angle est donc un diviseur
entier de 360°, soit 360°.
n

Soit s une rotation n'ayant pas le même


centre que r, 360^ ^qjj angle.
m

Puisque G est un groupe, (r o s)"' est soit Les paveurs (boulevard de Saint-Rémy), 1889.
Vincent Van Gogh (1853-1890).

Hors-série n° 35. Les trar. irag


SAVOIRS par Hervé Lehning

Des groupes
pour construire des pavages
Pour construire des pavages esthétiques, le sculpteur Raoul
Raba découpe des enveloppes dont les formes sont associées
aux groupes des paveurs.
Onpeutpaverle plan de cinq
façons différentes avec des
fontun angle de 60° entre eux (faisantpas
ser d'un pavé à un autre). Les autres types
motifs géométriques si on de pavage correspondent aux quatre autres
exclut de retourner les carreaux (voir groupes. Il est facile de les repérer par des
l'article L'art de paver). L'un des formes géométriques comme les losanges
pavages de ce type les plus simples à de la figure précédente. Dans cet article,
réaliser est celui constitué de losanges, nous voyons comment ces groupes per
et que nous retrouvons dans l'article mettent de fabriquer des pavages utilisant
Calissons et perspective : des motifs plus originaux.
Un pavage par des
losanges. Ils sont Transforniûtîon d'un pauage
rassemblés par
trois dans des pavés Une idée simple est de partir d'une
donnant l'illusion copie en papier du motif de base du
de cubes vus en pavage géométrique ci-dessus, c'est-à-
perspective. dire d'un losange, et de le plier en deux
comme le montre la figure suivante :

Une enve
loppe
suffit pour Ce pavage correspond à l'un des cinq Pliage du losange de base
fabriquer groupes de paveurs positifs : il est engen en deux. Pour visualiser
dré par une rotation d'angle 120° (trans • la différence entre les deux
des pavages
formant entre eux les losanges d'un même faces, la face supérieure est peinte en
originaux. pavé) et deux translations dont les vecteurs vert, la face inférieure en jaune.

146 Tangente Hors-série n° 35


DOSSIER : TRANSORMER POUR CREER

Nous obtenons un triangle équilatéral. Pour comprendre pourquoi ce nouveau


Nous collons alors les bords supérieurs motif a conservé les propriétés du
de ces faces entre eux (un peu de ruban losange d'origine, le mieux est de le
adhésif est idéal pour réaliser cette opé dessiner avec le triangle équilatéral
ration). Nous choisissons ensuite un d'origine ;
point P sur la face supérieure et nous le
relions aux trois sommets A, B et C en
passant par l'une ou l'autre des deux
faces. La seule condition est que ces
chemins ne se coupent pas entre eux :
A

Le nouveau motif avec le triangle équi


latéral dont il est issu.
B C
On choisit un point F sur la face supé
Consei udtîoïl dû groupe de pauage
rieure et on le relit aux trois sommets A,
B et C. Les tracés sur la face inférieure
Cette méthode de construction assure
sont dessinés en pointillés sur la figure.
que l'aire du nouveau motif est la
Nous déplions ensuite notre morceau même que celle du losange dont il est
de papier en trois étapes : issu. Cela ne suffit pas pour affirmer
que le groupe du pavage d'origine est
conservé. Pour le montrer, considérons
la partie inférieure du motif (A sur le
dessin ci-après) :

Les trois
étapes du
dépliage.

r
Le nouveau motif avec le losange d'ori
gine.

Hors-série n° 35. Tangen-te 147


SAVOIRS Des groupes pour construire.

Pavage avec un
motif du même
type : le groupe est
conservé.

Généralisation partir du triangle équilatéral dans ce qui


précède et on obtient les cinq groupes de
On démontre que notre méthode est paveurs positifs. Les démonstrations sont
utilisable à partir de chacun des cinq similaires à celles qui permettent de prou
motifs de base suivant ver qu'il n'existe que dix-sept groupes de
paveurs dont cinq seulement sont positifs
(voir l'artiele Les groupes de paveurs).
Pour finir, montrons rapidement com
ment obtenir un motif à partir du rec
tangle ce qui est faisable à partir d'une
enveloppe ordinaire du commerce. La
seule condition est de ne pas l'ouvrir !
Les cinq motifs II s'agit du triangle équilatéral, du demi Dans ce eas, nous obtenons un motif
de base. triangle équilatéral, du carré, du demi que nous vous laissons découvrir ainsi
earré et du rectangle. Dans chaque cas, le que ses propriétés de pavage.
principe est le même que celui exposé à H. L.

148 Tangen±e Hors-série n° 35


DOSSIER : TRANSORMER POUR CREER

Raoul Raba (1930 ) est


peintre et sculpteur. Malgré l'obteu-

tiou du Grand Prix de Rome eu 1955,

il sait rester original et se lance dans

le design où il fera preuve d'un

grand éclectisme : études pour les

voitures Citroën, architecture, lumi

naires.

Vélib'

Pavage de kangourou

Luminaire

Félix Klein Livres

Hors-série n° 35. Tangente 149


ACTIONS par J.-J. Dupas et É. Thomas

Entrelacs
« Tricotez votre poncho vous-même » titrait le journal « Elle »
voici quelques années. En intégrant les résultats d'une étude
récente, et paraphrasant cette une célèbre, nous vous propo
sons d'apprendre à construire de magnifiques entrelacs
d'une complexité inouïe.

Comment dessiner le motif du


tombeau du théologien afghan
erreurs qui s'amplifient rendent vite la
tâche fastidieuse et difficile. Une sim
du Moyen Âge Abdullah plification est de construire un des rec
Ansari ? (voir la figure « Motif du tom tangles noirs de la figure suivante (voir
Motif du tombeau beau ».) la figure « Une simplification ») et de
de Khwaja Des documents médiévaux donnent la
Abdullah Ansari solution ; à la règle et au
à Hérat compas. Le nombre de m
(Afghanistan, lignes à dessiner et les
1425-1429). .1
^r'

150 Tangen±e Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : TRANSFORMER POUR.

Une simplilîcation :
reconnaissance d'un pavé de base.

le nœud papillon.
L'exemple précédent
peut être traité dans
ce cadre (voir la
figure « Blocs poly
gonaux prédéfinis »).
Puis au XV^ siècle, le
pentagone et le
losange se sont ajou
tés à l'ensemble (voir
la figure « Les pavés
de Girih »).

les dupliquer. L'utilisation de ce pavé Ces cinq pavés sont remarquables et


simplifie le travail, mais ne permet de possèdent des propriétés communes. Ils
générer qu'un type de motif. sont très simples à dessiner avec les
moyens disponibles au Moyen Âge.
Les paués de Girih Leurs côtés ont même longueur. De
chacun de leurs milieux partent deux
En observant un grand nombre de lignes décoratives inclinées de 72° et
motifs, PJ. Lu et P.J. Steinbardt ont 108°, ce qui permet aux lignes de ne pas
déduit, en 2007, qu'à partir de 1200 les changer de direction au changement de
artisans ont trouvé une méthode plus pavé. Comme tous les angles sont des
efficace. Ils utilisent trois blocs multiples de 36°, à la fin toutes les
polygonaux prédéfinis, appelé pavés lignes sont parallèles aux côté d'un pen
de Girih : le décagone, la navette et tagone ce qui accentue encore
l'impression d'être en présence de rota
tions d'ordre 5. Travailler avec ces cinq
pavés est un saut conceptuel considé
rable et offre de nombreux avantages.

Le travail est plus simple, plus précis et


beaucoup plus rapide. Avec quelques
patrons à l'échelle 1, on peut même

n faire travailler des artisans moins fami


liers des constructions géométriques
donc moins qualifiés. Cette méthode
Les pavés de Girih : le pentagone en permet la construction de motifs pério
jaune en bas à gauche, le décagone en diques qui ne sont pas naturels dans
rouge au milieu, le losange en violet à une construction à la règle et au com
droite, la navette en bleu en haut à pas, comme par exemple la figure
droite, le nœud papillon en vert en haut « Pavage sur le mausolée de Mama
à gauche. Hatun à Tercan (Turquie) ».

Hors-série n° 35. Les transformations Tangen-te 151


ACTIONS Entrelacs

Constructioad'un Denta ÎS

Soit à construire un pentagone inscrit dans le cercle F (en noir) de centre O


passant par P^. Construire deux axes orthogonaux de centre O, dont le pre-
mier (l'axe « des abscisses ») passe par Pq. Le second axe (l'axe « des
ordonnées ») coupe F en A et A' (non représenté). Construire I le
. ^ milieu de [OA], Le cercle de centre Apassant par Ocoupe F en B
et C (la droite (BC) coupe (OA) en I). Le cercle de centre I passant
par Py coupe l'axe « des abscisses » en F. Le cercle de centre Py
passant par F (attention ; il faut changer l'ouverture du compas)
détermine sur F deux nouveaux points du pentagone, P, et Vj. En
gardant la même ouverture de compas, on détermine les deux der
niers points du pentagone, P3 et P4. Et pour construire un déca
gone, il suffit de repartir avec la même ouveiture de compas depuis
M, qui est le symétrique de Py par rapport à O. Le décagone finale-
jient obtenu sera appelé PyQPjRPjMP^SPjT.

Le décagone et le pentagone
n'apparaissent pas. Et pourtant les
Décagone angles sont tous des multiples de 36° et
auto similaire. donne encore une fois l'impression de
Remarquez les motifs pentagonaux.
pavés de Girih. Comme sur la figure « Structure épu
rée », on peut changer la décoration
des pavés (ici les lignes ont été suppri
mées et remplacées par un remplissage
de leurs boucles), du moment que l'on
respecte la symétrie de base des pavés.
Comment sait-on que les artisans ont
effectivement utilisé ces techniques ?
Cette figure révèle la structure en Tout simplement parce qu'ils l'ont
pavés de Girih. écrit dans des textes de la fin du
Moyen Âge. Il y a des preuves plus
visuelles. Dans certaines fresques, un
Décagone auto deuxième ensemble de lignes décora
similaire de tives vient s'ajouter à la première. Or
î Ssî!
Penrose. la symétrie de ce deuxième ensemble
Un grand déca respecte scrupuleusement la symétrie
gone est construit de chaque pavé de Girih. Expliquer
à partir de petits leurs symétries est impossible par une
pentagones, autre analyse.
navettes

et nœuds Rutosimilarité
papillons.
L'utilisation des pavés a permis un
saut conceptuel plus important : la

152 Tangente Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : TRANSFORMER POUR...

On représente les droites (P,R) et (PjS).


La construction
à la règle ot au
compas
Les notations sont celles de l'encadré
« Construction d'un pentagone ».

Dans une première étape, on construit un


décagone PqQPjRPjMP^SPjT.
Dernières constructions

II reste à faire apparaître certaines droites


reliant des sommets du décagone (voir figure
ci-dessous).

Construction d'un décagone.

Puis on trace deux cercles de centre Pq (res


pectivement M) passant par P, et P2 (respecti
vement R et S). Chaque cercle coupe la tan
L'ensemble des points nécessaires
gente en Pg (respectivement M) à F en deux à la construction.
points (aux limites de la figure ci-dessous).
Ces quatre points définissent un rectangle : le Le dessin voulu est obtenu en gommant les
rectangle de base de la construction. traits de construction. La maille ainsi obtenue
peut être dupliquée et assemblée bord à bord.

Construction du rectangle de base Sans les traits de construction

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 153


ACTIONS Entrelacs

découverte de rautosimilarité. Celle-ci


est intervenue au XV siècle. Les pavés
de Girih peuvent être construits avec
des pavés de Girih plus petits (voir la
figure « Décagone auto similaire de
Penrose » où un grand décagone est
construit à partir de petits pentagones,
navettes et nœuds papillon). Cela per
met des motifs avec deux échelles.
Les règles de division d'un pavé en
sous-pavés, combinées à la symétrie
d'ordre 5, permettent de construire des
pavages quasi-cristallins parfaits(voir
Pavage sur le mausolée de Marna Hatun
l'encadré). Motifs que les mathémati
à Tercan (Turquie).
ciens n'ont découverts que voici trente
ans...

Le plus célèbre de ces pavages quasi-


cristallins est le pavage de Penrose.
Celui-ci utilise deux pavés, la flèche et
le cerf-volant (voir la figure « Les
pavés de Penrose »), et une règle de
construction : les courbes rouges et
bleues doivent être continues.

Structure en pavés de Girih d'après le


pavage sur le mausolée de Mania Hatun à
Tercan (Turquie).

Les pavés de Penrose : la flèche en haut


et le cerf-volant en bas.

En fait pour créer un pavage quasi-


périodique on peut utiliser soit des
règles de subdivision, soit des règles de
connexion, comme pour les pavés de
Penrose. Il n'existe aucune preuve que
Structure épurée.

154 Tangente Hors-série n°35. Les transformations


DOSSIER : TRANSFORMER POUR.

Motif auasi-oristaiiin v.'.&.àïj.-. "tri

motif quasi-cristallin parfait est un motif pour lequel le


rapport des nombres de pavés de chaque type ne tend pas
vers un nombre rationnel (division de deux nombres
entiers) quand le pavage est étendu à l'infini. De plus ce
type de pavage autorise les symétries d'ordre cinq, ce
qu'inter-disent les règles de la cristallographie classique.

les artisans médiévaux aient utilisé des


règles de connexion. Par contre les
règles de subdivision ont été employées.
Avec nos connaissances modernes on
peut convertir les pavés de Girih en
pavés de Penrose (voir la figure
« Conversion des pavés de Girih en
pavage de Penrose ») et ainsi construire
des structures quasi-cristallines. A titre
d'exemple le décagone auto-similaire a
été dessiné sur la figure « Décagone
auto-similaire de Penrose ». Le mathé
maticien Peter James Lu (né en 1978)
et le physicien Paul Joseph Steinhardt
(né en 1952) notamment ont trouvé, en
2001, des échantillons qui sont des
pavages quasi-périodiques presque par
faits. Par contre aucun texte ne vient Conversion des
préciser quelles étaient les motivations pavés de Girih
des artistes qui les ont réalisés, ni s'ils en pavage de
avaient conscience d'avoir découvert Penrose.
ces structures extraordinaires.
Avec toutes les techniques qui viennent
de vous être présentées, vous êtes prêt
à réaliser de magnifiques entrelacs, POUR EN SAVOIR PLUS
néanmoins il vous faudra beaucoup de • Decagonal and Quasi-Crystalline Tilings in
« patience » et de bon goût pour égaler Médiéval Islamic Architecture, P.J. Lu et P.J.
les artistes d'autrefois. Steinhardt, Science 2X5, 1106-1110, 2007.
• Cinq siècles d'avance ! Loïc Mangin, Pour la
J.-J.D. et E.T. Science, n°355, mai 2007.
• Dossier Pavages et Découpages, Tangente n° 116,
pages 7 et 13-22, mai-juin 2007.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 155


JEUX & PROBLEMES par Michel Criton

Solution des jeux de la page 32.

Èt ^
^Eitfa
ni . ï ? Ci *7n

ffSB Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


par Michel Criton JEUX & PROBLEMES

Solutions
des pages 29,33,46,79.
HS3501 - Le périmètre de chaque élément de la frise se HS3507 - Les chiffres dont l'affichage présente un
compose de deux segments de 4cm (en haut et en bas) et centre de symétrie sont 0, 1, 2, 5 et 8.
deux lignes brisées de 11cm (à gauche et à droite). Pour Les chiffres qui sont images l'un de l'autre par une
les éléments intercalés entre d'autres éléments, seuls inter symétrie centrale sont 0 et 0, 1 et 1, 2 et 2, 5 et 5, 6 et
viennent les deux segments de 4cm. 9, 8 et 8,9 et 6.
Le périmètre de la frise est donc égal à : Les nombres qui satisfont aux conditions de l'énoncé
(4 X 2) X 40 + 2 X 11 = 320 + 22 = 342cm. sont les nombres à trois chiffres, ne commençant pas
par un zéro, dont le chiffre des dizaines présente un
HS3502 - Le périmètre d'une pièce est égal à 20cm. centre de symétrie, et dont les chiffres des unités et des
Lorsqu'on ajoute une pièce grise ou une pièce tachetée à la centaines sont images l'un de l'autre par une symétrie
frise, 7cm sont en contact ; on ajoute donc 20 - 2 x 7 = 6cm centrale ayant pour centre le centre de symétrie du
au périmètre total. Lorsqu'on ajoute une pièce noire ou une chiffre des dizaines.
pièce blanche à la frise, 5cm sont en contact ; on ajoute Il est à noter que, si le chiffre des dizaines est différent
donc 20 - 2 X5 = 10cm au périmètre. Quand Thomas aura de 1, le chiffre 1 ne convient pas pour les chiffres des
assemblé les quarante pièces, le périmètre obtenu sera unités et des centaines, car la position de l'affichage du
égal à 20 + 6 + 10 + 6 + 10 + 6 + 10 + + 10 + 6, 1 dans la matrice est telle que le centre de symétrie du
somme dans laquelle le nombre 6 est répété 20 fois et le chiffre des dizaines et celui des chiffres des unités et
nombre 10 seulement 19 fois. Le périmètre final est donc des centaines ne seraient pas les mêmes. Pour la même
égal à 20 + 20 X6 + 19 X 10, soit 330cm. raison, si les chiffres des unités et des centaines sont
différents de 1, alors le chiffre 1 ne convient pas
HS3503 - Il faut au minimum 14 mouvements (7 mou comme chiffre des dizaines.
vements de translation verticale et 7 mouvements de Les nombres à trois chiffres dont l'affichage présente
translation horizontale). un centre de symétrie sont donc les suivants :
111, 202, 222, 252, 282, 505, 525, 555, 585, 609, 629,
HS3504 - Les hexaminos 1 et 20, rectangulaires, pos 659, 689, 808, 828, 858, 888, 906, 926, 956, 989. Ils
sèdent deux axes de symétrie et un centre de symé sont au nombre de 21.
trie. Les hexaminos 4, 7, 11, 14, 22, 24, 26 et 30
possèdent un et un seul axe de symétrie. Les hexami HS3508 - La figure
nos 8, 23,25, 31 et 35 possèdent un centre de symé ci-contre montre
trie et aucun axe de symétrie. deux méthodes
possibles.
HS3505 - Oncomplète tout d'abord toutes lescases symé La première utilise
triques de celles contenant les indices, avec la remarque un découpage en
que la case centrale ne peut contenir que 5 (seul nombre à trois parties (le tri
être son propre complémentaire). La grille se complète angle est constitué de deux triangles rectangles, chacun
ensuite comme un sudoku classique. d'eux pouvant être partagé en deux triangles isocèles par
la médiane relative à l'hypoténuse...).
HS3506 - Considérons seulement les heures de 0 à 12 La seconde méthode consiste à découper le cercle ins
heures. Si a désigne l'heure réelle indiquée par l'aiguille crit, puis à échanger deux morceaux.
des heures et b le nombre réel de minutes indiqué par l'ai
guille des minutes, les valeurs lues par Anna dans le HS3509 -
miroir sont :
6 -t- (6 - a) = 12 - aè heures et
30 (30 - i>) = 60 - 6 minutes.
On doit donc avoir :
12 - a = a -H 1 et 60 - 6 = è.
En résolvant ces deux équations, on arrive à
6 = 30 minutes, et a = 5^ soit 5h30
(résultats qui sont bien compatibles).

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente "f57


JEUX & PROBLÈMES par Michel Criton

HS3510- 1. Si l'on s'impose un sens de rotation, il HS3512 - Après la première opération de peinture, les
existe sept rotations laissant globalement invariant soixante-quatre petits cubes se répartissent en deux catégo
l'ensemble des cartons, dont la rotation de 0°. Cette ries : ceux ayant exactement une face peinte en vert (figure
dernière étant exclue, six rotations demeurent valides. de droite), et les autres (figure de gauche).
Or, pour chacun des sept convives, il existe une rota
tion dans le sens autorisé qui amène le carton portant
le prénom de ce convive en face de lui. En vertu du
principe des tiroirs, il existe donc une rotation qui
fait correspondre les cartons d'au moins deux
convives.

(m /I

Les cubes ayant exactement une face peinte en vert


sont les vingt-quatre cubes situés au centre des faces
du grand cube. Ces cubes portent les numéros 6, 7, 10,
11,18,19,21,24,25,28,30,31,34,35,37,40,41,44,
46, 47, 54, 55, 58 et 59. Parmi ces cubes, il faut élimi
ner les cubes numéros 6 et 54 qui ne présenteront
qu'une seule face peinte deux fois, d'abord en vert, puis
en rouge. L'ensemble des cubes restants est l'ensemble
A={7 ; 10 ; 11 ; 18 ; 19 ; 21 ; 24 ; 25 ; 28 ; 30 ; 31 ; 34 ;
2. Il est possible qu'on ne puisse pas améliorer la 35 ; 37 ; 40 ; 41 ; 44 ; 46 ; 47 ; 55 ; 58 ; 59}.
situation. Le dessin ci-dessus donne un exemple où Les déplacements des cubes se faisant par translation, les
c'est le cas. On peut vérifier que toute rotation d'angle seuls cubes pouvant présenter une face d'abord peinte en
multiple de 360°/7 amène un et un seul carton en face rouge, puis en vert, sont les cubes portant les numéros 1 à
de son propriétaire. 11 et 49 à 59. Parmi ces cubes, ceux qui auront exactement
une face peinte en vert et une face peinte en rouge seront
HS3511 - Soit la rotation de centre A qui amène B en les cubes qui avaient 2 faces peintes en vert et qui se
D, et P' l'image de P par cette rotation. D'une part, on a translatent au même étage dans une des quatre cases cen
AP' = AP, et PAP' = 90°. D'oùPP' = 2V2 et APP'= 45°. trales. Il s'agit des cubes numéros 2,5,50 et 53.
Par ailleurs, P'D = PB = 6. En dehors de ces quatre cubes, les cubes ayant, après la
Montrons que le triangle P'PD est rectangle en P : deuxième opération de peinture, exactement deux faces colo
P'D^ = 36 et PD^ -H PP'^ 4-t 32 = 36. rées, l'une en rouge et l'autre en vert (sans superposition de
Donc P'D PD^ 4- PP ^ et le triangle P'PD est rec- peinture), sont ceux des vingt-deux cubes de l'ensemble A
tangle en P. qui, après translation, occupent la place d'un autre de ces
On en déduit rA^='SpP'~+'FPD~= 45° -t 90° = 135 vingt-deux cubes, n suffit donc d'ajouter 5 à chacun des élé
ments de l'ensemble A. Si le nombre obtenu appartient à l'en
semble A, le cube concerné répond à la question, sinon, il ne
convient pas. Cinq cubes de l'ensemble A portent un numéro
n tel le cube numéro n +5 appartienne aussi à l'ensemble A :
il s'agit des cubes numéros 19,25,30,35 et 41.
Cela porte donc à 9 le nombre des cubes ayant exacte
ment ime face colorée en vert et ime en rouge : ces cubes
portent les numéros 2,5,19,25,30,35,41,50 et 53.

1158 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations


Tangen-fee Bertrand HflUCHECDRRE, François LRDRLLDU,
Herué LEHRIRG, Rle^andre IRDRTTi,
Publié par Les Éditions POLE illarie-José PESTEL, DanielTEillRill, DorbertUERDIER,
sns au capital de 40 000 euros Rlain ZRLiDRDSKi, Chérit ZRRRDiRi
Siège social : 80 bd Saint-lilichel - 75006 Paris
Commission paritaire : 1006 K80883 Rutres auteurs d'articles
Dépôtlégal 167 - Ouril 2009 Jacques BRIR, Thierry DE LR RUE, Francis DUPUIS,
Ualérie HERRY, Dliuier RELLER, Jacques LUBCZRRSKi,
Directeur de Publication manuel LUQUE, Joël SRRRRDUiTCH
et de la Rédaction
Gilles CDHEO Publicité au journal
marie Durand
Rédacteur en chef de ce numéro pub@)poleditions.com
Herué Lehning
Rbonnements
Secrétaire de rédaction Tél. : 01 47 07 51 15 Fax:01 47 07 8813
Edouard THDilins
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Comité de rédaction Claude LUCCHiDI
Stella BRRUK, Rndré BELLRÏCHE, Philippe BDULRnOER, Photos : droits réserués
Elisabeth BUSSER, Francis CRSiRD, illichelCRiTDB, Ce numéro Hors Sériede Tangente
ilicolasDELERUE, Jean-Jacques DUPRS, Denis GUEDJ, a été imprimé par Louis Jean, 05000 GRP.

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JEUX & PROBLÈMES Solutions

HS3513 - Dans un premier temps, ignorons la condition


qui oblige à faire tourner cinq cadrans d'un coup ! Si nous
devions amener tous les cadrans « blancs en bas », il nous
faudrait faire effectuer au minimum à ces cadrans
32 X 2 = 64 tiers de tour. Et si nous faisons tourner l'un
ou plusieurs de ces cadrans de plus de deux tiers de tour,
nous sommes obligés de terminer un tour supplémentaire
commencé. Le nombre total de rotations est donc obliga
toirement égal à 64 + 3/c tiers de tour. Considérons main
tenant la condition obligeant à tourner cinq cadrans d'un
coup. Cette condition entraîne que le nombre total de
rotations, exprimé en tiers de tour, est un multiple de 5.
Or, le plus petit nombre de la forme 64 + 3^ qui soit un
multiple de 5, est le nombre 70, qui correspond à qua
torze coups. Montrons qu'une telle solution existe.

Le diagramme ci-contre montre qu'il est possible de faire


effectuer exactement deux tiers de tour à trente et un des
trente-deux disques, le disque restant effectuant deux
tiers de tour plus deux tours, c'est-à-dire huit tiers de tour.
Le nombre minimum de coups est donc égal à 14.

HS3514- C'est impossible.


Supposons qu'une telle partition soit possible.
On devrait alors avoir :

Q e A (puisqu'il est invariant pour la seconde rotation) ;


R E B (R est l'image de Q par la première rotation) ;
S E C (S est l'image de R par la seconde rotation) ;
T ^ B (T est l'image de S par la première rotation) ;
U ^ C (U est l'image de T par la seconde rotation) ;
U ^ B (U est l'image de R par la première rotation) ;
U ^ A (U a pour image Q par la première rotation, et
Q E A).
D'où une contradiction, qui prouve l'impossibilité d'une
telle partition du plan.
Achevé d'imprimer pour le compte des Éditions POLE
sur les presses de l'imprimerie Louis Jean, 05000 Gap
Imprimé en France - Dépôt légal mars 2009

160 Tangen±e Hors-série n°35. Les Transformations


Les Tra sformations
delà géométrie à l'art
Les transformations
géométriques sont des processus
qui nous permettent de
représenter le réel.
Elles modifient les objets
sensibles, de façon à en faire
ressortir certaines
Les origines artistiques
caractéristiques. Notre appareil
de la géométrio sensoriel utilise en permanence
des transformations, sans que
• Le regard du mathématicie nous en soyons forcément
conscients. Historiquement,
ce sont les artistes et les savants,
• Transformer pour crée dans leur quête de représentation
et de compréhension du monde,
qui les premiers les ont isolées
et en ont fait des objets d'étude
àpart entière.
De la similitude à l'inversion en
passant par l'homographie, cet
ouvrage vous propose d'explorer
la nature mathématique de ces
processus auxquels nous sommes
en permanence confrontés.
Coordination : Hervé Leh

TRANSFORMATIONS DE PRIX EDITEUI

18 EUR

:S401994 EDiTiONS
782848 840970
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POLE
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