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LES THOLOI ET L'ORGANISATION SOCIO-POLITIQUE

DU MONDE MYCENIEN

Il est couramment admis que les tombes mycéniennes à chambre construite en forme de
tholos -les tholoi- sont des tombes royales 1. C'est presque un lieu commun de nos études.
Cette idée, si elle est courante, semble aussi parfaitement "naturelle". Elle résulte cependant
d'un processus d'interprétation, d'une construction intellectuelle qu'il faut décrire quelque peu,
avant d'entreprendre de la nuancer.
Les tholoi apparaissent comme des points de repère dans le paysage de la Grèce
mycénienne. Ces tombes représentent, avec les grands ouvrages de fortification, les plus
impressionnants témoignages du génie architectural des Mycéniens. Sur 120-150 exemplaires
que l'on peut recenser dans l'ensemble du monde égéen 2, seule une trentaine a échappé aux
pillages d'hier et d'aujourd'hui. Mais ils ont alors livré des objets d'une grande qualité
esthétique: tasses en or et sceaux de Vaphio, ivoires et armes décorées de Routsi, coupe en or
de Dendra 3, ... etc.
Il était donc en quelque sorte normal de qualifier de "royal" le type de tombe le plus
élaboré de l'époque mycénienne et de supposer que les maîtres des palais pouvaient seuls faire
construire de tels monuments funéraires et s'y faire inhumer, entourés de leurs richesses. Ce
qualificatif de royal s'appliquerait avant tout aux 14 exemplaires dont la chambre atteint ou
dépasse les 10 m de diamètre; "[leur] construction, dit O. Pelon, implique des travaux

(1) Pour une définition architecturale, PELON, Tholoi, p. 154. Cf. P. CARLlER, La royauté en Grèce
avant Alexandre (1984), p. 22-25. C. B. MEE, W. G. CAVANAGH, "Mycenaean Tombs as Evidence
for Social and Political Organisation", Oxford Journal of Archaeology 3 (1984), p. 45-64, ont fourni
une approche sociologique du problème, en se fondant sur une analyse de la répartition des différents
types de tombe mycénienne.
(2) O. Pelon décrit, dans son catalogue principal, plus de 100 exemplaires continentaux, Tholoi, p. 157-
260; une liste complémentaire,Tholoi, p. 464-466, y ajoute une cinquantaine de spécimens, le plus
souvent non publiés. Depuis, de nouveaux exemplaires ont été découverts en Messénie, à Koukounara,
à Gouvalari, Chronique 1975. BCH 100 (1976), p. 614, à Volimidia et à Péristéria,Chronique 1976.
BCH 101 (1977), p. 562, et en Elide, à Dara, Chronique 1979. BCH 104 (1980), p. 608.
(3) Cf. infra, n..34.
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dépassant les possibilités d'une simple communauté familiale" 4, des travaux qui demandaient
assurément un "investissement" considérable en main-d'œuvre, en matériaux et en temps.
Par la suite, le déchiffrement des tablettes en linéaire B est venu en quelque sorte
confirmer que la structure socio-politique de la Grèce mycénienne correspondait bien à ce
qu'on avait pu imaginer en se fondant sur l'existence des palais et de ces tombes tellement
extraordinaires.
Le schéma qui s'est mis en place a le mérite de la simplicité. Puisque dans les trois
catégories de données dont nous disposons -les archives économiques, l'habitat et
l'architecture funéraire -, on peut mettre en évidence une hiérarchie, il semble normal d'établir
une correspondance entre l'échelon le plus élevé de chacune de ces catégories. Donc les rois
mycéniens -les wa-na-ka des tablettes- vivaient dans les palais et se faisaient enterrer dans les
tholoi. Les catégories sociales inférieures n'avaient droit qu'à des habitations plus ordinaires et
aux tombes à chambre 5. Les sépultures en pleine terre découvertes dans la citadelle basse
de Tirynthe, sous les sols du niveau HR llIB2 6, qui restent à ce jour sans parallèle,
conviendraient aux esclaves.
La validité de ce schéma a parfois été mise en cause pour certaines régions, comme la
Messénie 7, ou pour certaines classes de tholoi, trop petites pour être considérées comme
royales 8. On remarquera cependant l'incohérence de certains raisonnements, même critiques:

(4) Sur ce critère, cf. PELON,Tholoi, p. 391. Les 14 exemplaires de plus de 10 m de diamètre se
répartissent de la façon suivante. En Argolide, 6 à Mycènes, sur les 9 tholoi que compte ce site: la t.
d'Epano Phoumos (11 m, HR II), la t. d'Egisthe (13 m, HR II), la t. de Kato Phoumos(1O m, HR II),
la t. des Lions (14 m, HR II), la t. de Clytemnestre (13,40 m, HR III B) et le trésor d'Atrée (14,50 m,
HR III B); en Laconie, une à Vaphio (10,15-10,35 m, HR II); en Messénie, les tholoi 1 et 2 de
Péristéria (respectivementI2,10 m, HR II-III et 10,50 m, HR II), les tholoi A et C de Kakovatos
(respectivement 12,12 m, HR II et 10,15-10,35 m, HR II); en Béotie, une à Orchomène (14 m, HR III
B), en Thessalie, à Volos (10 m, HR II), et en Acamanie, une à Palaiomanina (10,70 m, date ?) .
Signalons que près d'une dizaine d'autres exemplaires ont un diamètre compris entre 8,50 m et 9,50 m :
Héraion d'Argos nO 2, Tirynthe, Analipsis A, Kambos, Ano Englianos, Tragana 1, Thorikos A, Dimini
A et Georgikon.
(5) Ainsi M. ALDEN, Bronze Age Population Fluctuations in the Argolid /rom the Evidence of
Mycenaean Tombs .(1981), sp. p. 322-330, présente les tombes à chambre comme des tombes
familiales d'une classe "intermédiaire".
(6) Près de 50 inhumations, presque toutes dépourvues d'offrandes, KI. Kll..IAN, AA (1979), p. 386-387;
JRGZM 27 (1980), p. 176-177 et p. 179, fig. 5; cf. Tiryns IX (1980), p. 7-8 et p. 181-194.
(7) "La multiplicité des tombes à tholos en Messénie, et plus encore dans la région de Pylos, jointe aux
petites dimensions de la plupart d'entre elles, peut faire douter de la validité de l'identification, admise
depuis longtemps comme un dogme, de la tholos avec une sépulture de rang royal", PELON, Tholoi, p.
394.
(8) Pour CARLIER, op. cil., p. 24, le critère des dimensions n'est pas pertinent, car "dans des régions
pauvres et arriérées, une petite tholos suffit peut-être à marquer la prééminence royale; à l'inverse, on ne
saurait exclure que des familles riches et puissantes aient pu se faire construire de belles et grandes
tholoi sans exercer pour autant la royauté".
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de nombreuses petites tholoi contemporaines sur un même site ne sont pas considérées comme
royales, par exemple à Koukounara, mais les neuf tholoi de Mycènes sont interprétées comme
les "tombes de neuf souverains successifs", alors même que la durée d'utilisation de chaque
construction nous demeure parfaitement inconnue 9.
Comme les choix faits pour ou contre le caractère royal de telle ou telle tombe ne
paraissent pas reposer sur des critères clairs et explicites, il est peut-être utile de poser
autrement le problème et d'apporter un éclairage légèrement différent sur cette question, en
examinant précisément quelles conditions devraient être satisfaites si le schéma tholos = tombe
royale était le bon, et s'il était universel.
Il me semble en effet que si les tholoi sont réellement des tombes royales, cinq
conditions, au moins, devraient être remplies.
1°) Les textes en linéaire B devraient prouver l'existence d'un système monarchique et,
accessoirement, les documents archéologiques devraient apporter des éléments décisifs allant
dans ce sens.
2°) Les tholoi devraient comporter un mobilier plus abondant, plus "riche" que celui des
autres tombes, ou du moins un mobilier différent.
3°) Les tholoi devraient occuper une place particulière à l'intérieur des nécropoles et par
rapport aux habitats.
4°) Une corrélation devrait exister entre le nombre, l'implantation des tholoi et le
nombre, l'implantation des autres constructions auxquelles on accorde un caractère "royal".
5°) Les tholoi devraient constamment accompagner, en Grèce même, et dans l'ensemble
du monde égéen, les autres manifestations de la "présence" mycénienne.
Les remarques qui suivent ne prétendent nullement à l'exhaustivité sur chacun des sujets
abordés. Je désire seulement mettre en lumière quelques faits parfois oubliés et susciter une
réflexion sur un certain nombre d'idées reçues.

1. UN SYSTEME MONARCHIQUE ?

Une question doit être posée en préliminaire à toutes les autres: a-t-on le droit de parler
de "roi" à l'époque mycénienne? Je conçois ce que cette interrogation a de provocateur, étant
donné l'opinion commune sur le problème. En effet l'idée qu'un roi trônait dans les palais
mycéniens et y exerçait un pouvoir absolu sur ses sujets, comme, par exemple, un Louis XIV,
sous-tend presque tous les raisonnements. C'est ainsi que O. Pelon et P. Carlier souscrivent, à
quelques modifications chronologiques près, au schéma dynastique que Wace avait proposé
pour les neuf tholoi de Mycènes 10.
Or l'image de la société mycénienne que nous offrent les tablettes apparaît beaucoup
moins nette que certains le croient ou voudraient le croire. Comme souvent, on a transformé

(9) Cf. infra, n. 10; MEE, CA VANAGH, op. cil., p. 50, critiquent également cene interprétation en faisant
justement remarquer: "The six tombs at Mycenae in use in LH II A were surely not the tombs of
successive rulers".
(10) PELON;Tholoi, p. 394,406-409; CARLIER, op. cil., p. 24. Cf. supra, p. 185-186.
188 Pascal DARCQUE

des hypothèses en certitudes pour faire coïncider les réalités recouvertes par le terme mycénien
wa-na-ka et le grec avaç Il. Quand on se reporte aux seuls textes mycéniens, on s'aperçoit
que le fondement, la nature, l'étendue et la transmission du pouvoir dans les Etats mycéniens
restent pour nous des phénomènes quasiment inconnus. Nous traduisons wa-na-ka par "roi"
en nous fondant uniquement sur l'étymologie et l'emploi homérique du terme 12. Nous
supposons que le wa-na-ka était le maître unique du palais et du royaume, car les textes ne
précisent jamais son nom 13. Nous plaçons le wa-na-ka à un rang plus élevé que le ra-wa-ke-
ta, parce que le domaine du premier à sa-ra-pe-da est évalué à 30 unités de semence, celui du
second à 10 unités seulement; mais le même texte de Pylos (Er 312) indique qu'au même
endroit trois te-re-ta possèdent des terres évaluées à 10 unités pour chacun d'entre eux et, dans
le texte Er 880, les deux domaines d' E-ke-rarwo sont estimés à 50 unités 14. Ne faudrait-il
donc pas s'interdire de faire dire à ces textes plus qu'ils ne le peuvent sur la hiérarchie des
fonctions à l'intérieur des Etats mycéniens?
On pourrait rétorquer qu'un autre texte de Pylos, Ta 71'1, est parfaitement clair sur
l'autorité du wa-na-ka, puisque celui-ci y nomme un fonctionnaire, le da-mo-ko-ro 15. Sans
contester la traduction proposée, il faut souligner que ce texte reste unique. Certes il est
possible que les scribes négligent de désigner le wa-na-ka comme le chef de l'administration,
parce que cela va de soi 16. D'une façon générale en effet, les scribes n'éprouvent pas le
besoin de décrire les institutions quand ils tiennent la comptabilité des palais. Mais c'est
précisément pourquoi le statut social ou politique qui correspond à chaque titre, et plus
particulièrement au terme wa-na-ka, reste impossible à défmir avec précision, même lorsque
l'on peut mettre en évidence une hiérarchie.
Les documents en linéaire B ne doivent donc pas être considérés comme le point fixe
qui permet d'orienter sans faillir l'interprétation des documents archéologiques, mais comme
de simples éléments du dossier.

(11) Tous les éléments du dossier concernant le wa-na-ka sont analysés par CARLIER, op. cit., p. 44-101
(avec toute la bibliographie antérieure).
(12) Ibidem, p. 135-230. Le cas du qa-si-re-u montre qu'on ne doit jamais, en bonne méthode, poser a priori
comme équivalentes les fonctions désignées par un même terme aux Ile et 1er millénaires. Chez Homère
en effet,le mot ~a.OtÂ.t:ÛS désigne les rois ou les membres du conseil; dans les textes mycéniens, les qa-
si-re-we doivent être considérés comme des fonctionnaires subalternes, CARLIER, op. cil., p. 108-116;
cf., en dernier lieu, J. DRIESSEN, Minos 19 (1985), p. 189-191 (à propos de la grande tablette de
Knossos As 1516), et L. GODART, BCH 110 (1986), p. 32 (à propos d'un nouveau fragment se
raccordant à la tablette KN B 779).
(13) J. T. HOOKER, Kadmos 18 (1979), p. 100-111, plaide pour la multiplicité des dignitaires royaux;
contra CARLIER, op. cil. , p. 46, note 241 et p. 55-62, qui montre que rien n'impose l'identification
du personnage nommé E-/œ-ra2-wo et du wa-na-ka de Pylos.
(14) Textes cités par CARLIER, op. cit., p. 54 et p. 58.
(15) Texte cité et analysé, Ibidem, p. 94-99.
(16) Ibidem, p. 97.
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On pourrait croire également que la présence d'un trône au cœur des palais mycéniens
représente un argument décisif. En fait, les palais de Pylos et de Tirynthe sont les seuls sur
lesquels on puisse se fonder avec quelque solidité. Cependant, à Pylos, l'image qui est
proposée de la salle principale 6 tient davantage de l'image d'Epinal que d'une véritable
reconstitution 17. L'existence du trône est simplement déduite de la présence, contre le mur Est
de la pièce, d'une dépression rectangulaire dans le sol; cette dépression, consécutive à un
arrachement, est entourée d'un bourrelet d'enduit; le mur lui-même porte, derrière
l'emplacement présumé du trône, une fresque représentant deux griffons couchés aux ailes
déployées 18. Quelques remarques s'imposent: Blegen reconnaît lui-même qu'aucun vestige
matériel d'un quelconque siège n'a subsisté à cet endroit; il faut également signaler que des
lions et des griffons antithétiques sont représentés ailleurs dans le palais, dans la pièce 46,
sans être associés à des aménagements particuliers 19. TI faut enfin relever que Blegen, pour
présenter sa restitution, semble avoir été très fortement influencé par la vision qu'Evans avait
proposée de la salle du trône de Cnossos 20.
Les choses se présentent d'une façon différente à Tirynthe où subsistent, également le
long du mur oriental de la pièce VII, les vestiges d'un socle quadrangulaire bas entouré de
bourrelets d'enduit décorés 21.
Si la position de ces deux espaces rectangulaires, face au foyer central, apparaît tout à
fait semblable, leurs dimensions sont très différentes: ca. 1,10 x 0,90 m à Pylos, 2,10 x 1,43
fi à Tirynthe -la wne délimitée par les bourrelets d'enduit s'étendant sur 3,50 x 3 m-. Aucun
élément, sinon le parallèle cnossien, ne permet la restitution d'un siège au-dessus de la
dépression de Pylos ou du socle de Tirynthe.
A Mycènes, la moitié Sud de l'unité centrale du palais s'est effondrée dans le ravin 22 et
seule la similitude de son plan avec celui de Pylos et de Tirynthe autorise la restitution d'un
trône, à condition bien sûr qu'on accepte les propositions de Blegen.
De plus, quand bien même la présence d'un siège ayant servi de trône serait
parfaitement prouvée dans les palais de Pylos, de Tirynthe et de Mycènes, elle ne déterminerait
l'existence d'un roi que sur ces trois sites et sur eux seuls 23.

(17) Palace 0/ Nestor l, frontispice. P. AMANDRY, dans Mélanges Mylonas 1 (1986), p. 166, note 3,
met, à juste titre, en garde contre les pièges du vocabulaire propre à la littérature archéologique : "un
cimetière ne saurait être qu'une nécropole, un pigeon qu'une colombe, un siège qu'un trône".
(18) Palace o/Nestor l, p. 87-88 et fig. 70.
(19) Palace o/Nestor 1, p. 197-203.
(20) EVANS, PM IV , p. 915-919, fig. 889-892, 895.
(21) K. MÜLLER, Tiryns III (1930), p. 145 et pl. 33 (cf. Tiryns II, pl. XIX); cf. également E. S.
HIRSCH, Painted Decoration on the Floors 0/ Bronze Age Structures on Crete and the Greek Mainland
(SIMA 53 [1977]), fig. 16 (Pylos) et 22 (Tirynthe); une même aire réservée est marquée sur le sol de la
pièce XVIII du palais de Tirynthe, ibidem, fig.23.
(22) BSA 25 (1921-23), pl. II = A. J. B. WACE, Mycenae. an Archaeological History and Guide (1949),
fig. 3, entre p. 62 et 63.
(23) Cf. infra, p. 201-202 (4°).
190 Pascal DARCQUE

2. LE MOBILIER FUNERAIRE

On le sait, les usages funéraires mycéniens ne diffèrent pas notablement d'un type de
tombe à l'autre. Que ce soit dans une tholos ou dans une tombe à chambre, on met en place le
cadavre et on dispose les offrandes de la même façon; les sépultures multiples et les
enterrements individuels ne dépendent pas non plus du type de tombe utilisé 24. En revanche,
on pourrait s'attendre à ce que la nature et la quantité de mobilier déposé auprès du cadavre
diffèrent d'un type de tombe à l'autre. Il est donc intéressant de comparer les catégories de
matériel contenues dans les tholoi et dans les autres tombes.
Une comparaison d'individu à individu, qui permettrait de déterminer le statut social
relatif des personnes enterrées, serait la plus instructive. Mais les conditions pour que cette
comparaison soit valide sont très difficiles à remplir. En effet, il faut trouver une tombe à
chambre et une tholos :
- sur un même site, pour éviter les disparités d'ordre géographique;
- sensiblement contemporaines, pour éviter les disparités conjoncturelles;
- qui aient connu une histoire assez simple, pour que le matériel puisse être attribué de
façon certaine à des individus;
- fouillées et publiées dans des conditions satisfaisantes.

Ce cas i~éal reste rare. Un exemple nous est fourni par deux sépultures de Dendra, en
Argolide: d'une part, la sépulture unique retrouvée dans la tombe à chambre nO 12, dite "tombe
à la cuirasse" 25, d'autre part, la sépulture attribuée au "roi" dans la fosse 1 de la tholos 26. On
pourrait certes objecter que la tombe nO 12, avec son entrée en forme de puits, n'est pas du type
le plus courant 27 ou que, dans la tholos, l'attribution du matériel au "roi" ou à la "reine" ne
présente pas toutes les garanties. Admettons cependant que ces objections puissent être
écartées et que nous ayons affaire à deux individus mâles enterrés à peu près à la même
époque, c'est-à-dire vers le début du XNe siècle avant J.-c. (phase HR mAl).
Le tableau de la fig. 1 (p.192) présente une énumération simplifiée du matériel revenant
à chaque individu; en regard, l'histogramme de la fig. 2 (p. 193) illustre l'importance relative
des principales catégories de matériel.
Plusieurs points communs ressortent: le même nombre d'objets, une trentaine, est
associé à chaque sépulture; d'autre part, on remarque la présence, dans les deux cas, de vases
en bronze et en argent, d'épées et de poignards, ainsi que celle d'un casque; on notera
l'absence remarquable de bijoux et d'objets en ivoire, souvent présents dans les tombes
mycéniennes, quel que soit leur type.

(24) MYLONAS, Mycenaean Age, p. 132-135.


(25) P. ASmOM et alii, The Cuirass Tomb and other Finds at Dendra. Part 1 : the Chamber Tombs (SIMA
IV 1 [1977]), p. 7-65.
(26) PERSSON, Roya/ Tombs, p. 8-67, sp. p. 16-18 et p. 31-37; PELON, Th%i, p. 178-180.
(27) ASmOM, op. cit., p. Il et p. 8-9, fig. 2-3.
LES THOLOI ET L'ORGANISATION SOCIO-POLmQUE DU MONDE MYCENIEN 191

Les différences entre les deux groupes sont également notables. On ne mentionne, dans
la tholos, ni vase en terre cuite, ni miroir, ni cuirasse. La fréquence des premiers dans toutes
les tombes est telle qu'il est très difficile d'expliquer leur absence dans le cas présent. En
revanche, la rareté des cuirasses, en général fragmentaires, attestées sur le continent 28 permet
de comprendre aisément cette lacune dans la tholos. Dans la tombe à chambre, il n'y a ni vase
en or, ni anneau, ni sceau, ni pointe de javeline. Mais ces absences ne paraissent guère
significatives, quand on constate que ces types d'objet, en particulier les trois derniers, se
trouvent attestés dans de nombreuses autres tombes à chambre 29.
Ainsi, durant leur vie, ces deux personnages se sont procuré, ou ont fait fabriquer, des
objets dont certains, vases en or et en argent, cuirasse, casques, se retrouvent rarement dans
d'autres tombes. Cette rareté et la réunion d'une assez grande quantité d'objets confèrent un
caractère "prestigieux" à ces deux groupes de mobilier. On est donc en droit de supposer que
les deux personnages en question avaient un statut social élevé. Mais il ne semble pas possible
d'affirmer, en se fondant sur la seule différence architecturale, que l'un avait un statut
supérieur à l'autre.

Le site de Pylos permet également une comparaison intéressante entre deux individus
enterrés dans des tombes d'un type différent. Dans la tholos Vagénas 30, une des tholos les
plus proches du palais, une fosse, creusée au niveau supérieur, renfermait un squelette en
position allongée auquel était associé un petit groupe d'objets, huit au total: un couteau, un
miroir et un bol en bronze, ainsi qu'un poinçon avec un manche en ivoire; une pointe de flèche
en silex, une perle en pâte de verre, une figurine féminine et un vase en terre cuite, le tout daté
de l'HR II-ID A 31.
Non loin de là, la tombe à chambre E6 comporte plusieurs séries d'enterrements. La
série E, datant de l'HR IIIA2, est représentée par un seul squelette drapé dans un tissu rouge et
accompagné de six objets: une épée, un rasoir, une pointe de lance et une dague en bronze,
deux jarres en terre cuite 32.
On le voit encore, la différence architecturale entre les deux tombes ne se reflète pas
nettement dans le matériel associé aux deux individus inhumés à peu près au même moment.

Aucun autre site que Dendra et Pylos n'offre, à ma connaissance, la possibilité d'une
telle comparaison terme à terme. On peut seulement espérer que la publication de la tholos et

(28) A Mycènes, dans la tombe à chambre nO 15 et à Thèbes, dans "l'arsenal", F. VANDENABEELE, J.-P.
OLIVIER, Les idéogrammes archéologiques du linéaire B (EtCrét XXIV [1979]), p. 28-33; sur les
fragments de Mycènes, cf. en dernier lieu XENAKI-SAKELLARIOU, p. 77-78 (nO 2780 et 2781) et
pl. 13.
(29) Pour les sceaux, cf. CMS 1, 1 Suppl. et V passim. Sur les vases en or, cf. infra, p. 195 et 198.
(30) Interprétée au moment de la fouille comme une tholos, puis considérée dans la publication comme un
cercle funéraire, cette tombe, située sur le terrain Vagénas, est décrite par O. Pelon comme une tholos,
Tholoi, p. 194-195; cf. Palace of Nestor III (1973), p. 134-176.
(31) Palace of Nestor III, p. 158-159.
(32) Palace of Nestor III, p. 185-186.
192 Pascal DARCQUE

DENDRA : tombe à chambre nO12. DENDRA : tholos. fosse 1 ("roi'').

1: fragment de la jarre n09. 1: gobelet en bois monté en bronze.


2: fragment d'un poignard (?) en bronze. 2: coupe en or (poulpes).
3: rivet en bronze plaqué or «épées 30-31). 3a: sceau en agate (lion-taureau).
4: barrette en argent. 3b: sceau en agate (2 lions-taureau).
5: fragments de bronze. 3c: sceau en agate (lion-taureau).
6: bassin en bronze. 3d: sceau en jadéite (2 chèvres).
7: épingle en bronze. 3e: sceau en jadéite (chèvre).
8: dents de sanglier (cf. nO 18 et 27). 3f: sceau en jadéite (lion-cerf).
9: jarre à trois anses en terre cuite. 4a: anneau en fer-cu ivre-plomb-argent.
10: alabastre en terre cuite. 4b: anneau en fer-cu ivre-plomb-argent.
Il : bassin en bronze. 4c: anneau en fer-cu ivre-plomb-argent.
12: cruche en bronze. 4d: anneau en argent.
13: couteau en bronze. 5: gobelet en argent (chasse).
14: cuirasse en bronze. 6: coupe en argent.
15: protège-cou en bronze. 7: coupe en or et argent (taureaux).
16: alabastre en terre cuite. 8: boîte en bronze.
17: fragment de dague en bronze. 9: épée (+ or).
18: dents de sanglier (cf. nO8 et 27). 10: épée (+ or et ivoire).
19: miroir en bronze. Il : épée (+ or et agate).
20 : jambières en bronze. 12: épée (+ or et ivoire).
21 : anneau en bronze plaqué or «épées 30-31). 13: fragments pâte de verre «casque).
22: fragments de coupes en argent. 14: a- pendentif en cristal de roche.
23: rivet en bronze plaqué or (JI n03). b- plaque d'agate.
24: fils de bronze. 15: épée.
25: alabastre en terre cuite. 16: pointe de javeline.
26: protège-bras en bronze. 17: pointe de javeline.
27: dents de sanglier (cf. nO8 et 18). 18: pointe de javeline.
28: fragments d'ivoire et fils d'or «épées). 19: pointe de javeline.
29: cruche en bronze. 20: poignard.
30: épée (cf. nO3, 21, 23 et 28). 21 : poignard.
31 : épée (idem). 22: 2 cornes en plomb «casque).

D'après P. ÂSTROM, The Cuirass Tomb and other D'après PERSSON, Royal Tombs,
Finds at Dendra 1 (SIMA IV.1 [1977]), p. 12-18. p.31-37.

Fig. 1 : Le matériel associé à chaque individu dans la tombe à chambre nO12


et dans la tholos -fosse 1 ("roi ")- de Dendra.
D DENDRA : tombe à cbambre nO 12.

Nombre

6 - 13
92
22
20
21
10 41
S113
3019
178 2763a
29
12
118
64a
17
16
3b
4b
3d
4d
3e
4e 18
o
19 31
DENDRA: tholos, fosse 1 ("roi").

3e 11
12
1
IS 3f
5

Vases en Vases en Vases en Vases en Cuirasse Casques Epées Poignards Pointes de Anneaux Sceaux Miroir
terre cuite bronze or argent javeline

Fig. 2 : Les principales catégories de matériel dans la tombe à chambre nO12 et dans la tholos de Dendra.
194 Pascal DARCQUE

des tombes à chambre récemment découvertes à Kokla, en Argolide, apportera de nouveaux


éléments à ce dossier 33.
Ailleurs, il faut se résoudre à l'examen des différentes catégories de matériel considérées
isolément. Cet examen a moins de valeur que les comparaisons individuelles, car les tholoi
semblent avoir été proportionnellement davantage pillées que les tombes à chambre 34. Est-ce
parce que l'on "savait" qu'elles contenaient des trésors ? Quoi qu'il en soit, les tholoi se
trouvent fortement sous-représentées, comparées aux centaines de tombes à chambre
découvertes intactes en Grèce. Cependant, même en tenant compte de cette sous-représentation
et du fait que les tombes à chambre ne contiennent, le plus souvent, que des vases en terre
cuite, des armes et des outils en bronze, ainsi que des éléments de parure 35, il reste intéressant
d'examiner la répartition dans les tombes de quelques types d'objet plus rares, dont la
possession pourrait avoir une signification sociologique.

Commençons par les ivoires, pour lesquels nous disposons d'une synthèse de
qualité 36. La répartition des 13 manches de miroir, 23 peignes et 18 pyxides, recensés, tous
types confondus 37, fournit quelques éléments révélateurs (fig. 3, p. 196). En effet, sur les 54
objets répertoriés, 20 (soit 37 %) viennent de tholoi, 26 (soit 48,1 %) de tombes à chambre, et
8 (soit 14,8 %) ont une autre provenance. Le pillage des tholoi, par exemple à Mycènes, peut,
répétons-le, expliquer en partie ces chiffres. Mais il faut également noter que les tholoi
retrouvées intactes n'ont pas toutes livré des objets en ivoire 38.
Cependant c'est la simple présence d'objets en ivoire dans plus d'une quinzaine de
tombes à chambre qui a une valeur démonstrative pour le problème qui nous occupe. L'ivoire
d'éléphant ou d'hippopotame est une matière première importée, d'Afrique ou d'Asie. Nous

(33) ArchReports 29 (1982-1983), p. 26-27; Chronique 1981, BCH 106 (1982), p. 547; Chronique 1982,
BCH 107 (1983), p. 761.
(34) Moins d'une trentaine de celles recensées par O. Pelon ont échappé, souvent partiellement, aux
pillages: Dendra, Th%i, p. 178-179, Kazarma, Th%i, p. 181-182, Vaphio, Th%i, p. 183,
Analipsis, Th%i, p. 186-187, Pylos, Vagénas, Th%i, p. 194-195, Tragana 1 et 2, Th%i, p. 195-
197, Routsi 2, Th%i, p. 199, Marathon, Th%i, p. 229, Ptéléon-Gritsa, Th%i, p. 248-251,
Archanès, Th%i, p. 262-263, Nichoria F, Hesperia 44 (1975), p. 76-79 et N. WILKIE, supra, p. 134,
Kokla, cf. supra, n. 33 , Volos-Kapakli, R. AVILA, PriihZ 58 (1958), p. 15-60; dans certains cas, on
n'a retrouvé que quelques objets dispersés, par exemple à Ménidi, PELON, Th%i, p. 231-233 ou à
THORIKOS, cf. infra, n. 65.
(35) Par exemple à Nauplie, en Argolide, ArchDe/t 28 (1973) Chron., p. 90-93 et ArchDelt 29 (1973-74)
Chron., p. 202-204, ou à Kallithea, en Achaïe, Chronique 1976, BCH 101 (1977), p. 570, Chronique
1977. BCH 102 (1978), p. 696, Chronique 1978, BCH 103 (1979), p. 568, Chronique 1980. BCH 105
(1981), p. 805.
(36) POURSA T,lvoires.
(37) POURSAT, Ivoires, p. 18, 22, 25-26 et 28. Je n'ai pas estimé nécessaire, pour les besoins de cette
étude, de compléter véritablement les catalogues dont je diposais pour les ivoires, les vases en métal
précieux ou en bronze; même incomplets, ces catalogues révèlent des tendances intéressantes.
(38) Par exemple, à Dendra, à Kazarma ou à Vaphio.
LES THOLOI ET L'ORGANISATION SOCIO-POLmQUE DU MONDE MYCENIEN 195

ignorons tout de la façon dont il était acquis et dont il parvenait jusqu'en Grèce 39, et nous ne
savons pas qui présidait à ces opérations. Cependant un texte de Pylos (PY Va 482) mentionne
la présence d'ivoire brut dans le palais 40 et une canine d'hippopotame a été découverte sur
l'acropole de Mycènes 41. D'autre part, le travail de ce matériau n'est attesté que dans l'orbite
palatiale, à Mycènes, à Thèbes et peut-être à Pylos 42. On devrait logiquement en conclure que
l'ivoire, de son arrivée sur le continent grec à la fabrication des objets, reste dans un contexte
palatial. Cela impliquerait que toutes les tombes -tholoi ou tombes à chambre- contenant de
l'ivoire, travaillé en Grèce comme dans la tombe 1 de l'agora d'Athènes 43 et dans la tombe de
Thèbes dite "des enfants d'Œdipe" 44 ou directement importé comme dans les tombes 49 et 55
de Mycènes 45, ont un lien particulier avec le palais et l'exercice du pouvoir économique qui
permet l'importation ou la fabrication de tels objets.
Cette question demeure cependant très ouverte, dans la mesure où nous ignorons
la place exacte tenue par le palais dans la vie économique, de même que la nature et les
modalités d'éventuels échanges avec des personnes "privées", à supposer que cette notion ait
un sens dans les Etats mycéniens. Malgré ces incertitudes, l'ivoire reste un bon "marqueur"
socio-politique du fait de son association constante avec la vie économique du palais.

46 vases en or et en argent provenant de tholoi et de tombes à chambre peuvent être re-


censés à l'heure actuelle 46. Leur étude autorise quelques remarques (fig. 4, p. 197). Ils sont
en petit nombre, comparés aux quelque 70 exemplaires livrés par les tombes à fosse 47. Les
vases en or, assez fréquents dans les tholoi, apparaissent très rares dans les tombes à chambre

(39) Une pièce d'ivoire sciée, de 20 cm de haut, a été retrouvée dans l'épave d'Ulu Buron (Kas) qui a fait
naufrage durant l'HR III A2, G. BASS,ATA 90 (1986), p. 282-283 et p. 284, ill. 18.
(40) POURSAT, Ivoires, p. 261.
(41) O. KRZYSKOWSKA, Antiquity 58 (1984), p. 123-125.
(42) POURSAT, Ivoires, p. 135-137; cf. A. SAMPSON, BCH 109 (1985), p. 21-29 (atelier du terrain
Loukos à Thèbes).
(43) S. IMMERWAHR, The Athenian Agora 13 : the Neolithic and Bronze Ages (1971), p. 166-167(1-16 et
1-17), pl. 32 et 33.
(44) ArchDelt 27 (1972) Chron., p. 310, pl. 252 a; photo en couleur dans D. KONSOLA-K.
DIMAKOPOULOU, Musée Archéologique de Thèbes. Guide (1981), pl. 26 (bas).
(45) POURSAT, Ivoires, p. 231-232 et ID., Catalogue des ivoires mycéniens du Musée National d'Athènes
(1977), n° 299-300. Cf. XENAKI-SAKELLARIOU, pl. 35 et 73.
(46) Les catalogues établis par R. LAFFINEUR, Les vases en métal précieux à l'époque mycénienne (1977),
p. 111-121, et E. N. DAVIS, The Vaphio Cups and Aegean Gold and Silver Ware (1977), p. 251-312,
se complètent : ni la tasse en argent trouvée dans la tholos de Kazarma, ni deux vases en argent de
Vaphio (MN 1887 et 1901) ne sont mentionnés par R. Laffineur; de son côté E. N. Davis a omis de
mentionner les découvertes de Spata, Ménidi et Berbati. Depuis 1977, la tholos de Kokla a livré 7 vases
en argent et 2 en or, ArchReports 29 (1982-1983), p. 26 et p. 27, fig. 41; A. Xenaki-Sakellariou a
révélé l'existence de 3 coupes en argen! (MN 2810, 3122 et 4552), XENAKI-SAKELLARIOU, p. 177,
218, 269 et pl. IV-V); pour la publication de la tholos de Berbati, cf. B. SANTILLO FRIZELL, OpAth
15 (1984), p. 25-44, SP, p. 30 et p. 43, fig. 23-24 (coupe en argent avec lèvre et anse plaquées or).
(47) LAFFINEUR, op. cil., p. 92-109.
196 Pascal DARCQUE

THOLOI TOMBES A CHAMBRE AUTRES

Midea,
2Argos,
20 (37 %) 3 (13 (15,3
7%)(53,8
Thèbes,
Prosymna,
10
26
8313(14,8
(16,6
(55,5
9MANCHES
Mycènes,
Athènes, f.%)
%)
(48,1 Bertos,
%)
terrain
(39,1
Mycènes,
Tirynthe, %)1.inc.,
1.24,
%)1.XIV,
1.2,88,
49,
%)
1.529,
provo
secteur
1.XLI,
Deiras,
Agora,
1.
1. c. B,
15,A, nO362
Kordatzis
nO277
nO311
nO246
nO370
nO297
nO296
nO270
nO252
1.G,
nO329
inc.,
inc.
nO278a
H
nO373
1.1
1.XXN
1.XXIV
nO273
1.
1.V,
DE
1. nO227
nO348
1, nO357
1, nO206
nO214
MIROIR
O394
O396
O39554 (27,7
nO411
nO409 (30,7 %)
%) Thèbes,
Asiné,1.
Prosymna,
Mycènes, Kastelli
121.
t.88,
II,
1.inc., 11
nO316
(47,8
nO366
nO247
24, nO278b
1.515
1.55, nO300 %)
4
418

Fig. 3 : La répartition des manches de miroir, des peignes et des pyxides en ivoire
(cf. n. 37) ; les nOsont ceux donnés dans POURSAT, Catalogue.
THOLOI TOMBES A CHAMBRE
Or Ag Or Ag
19 (MN
(patras
15 (MN
(MN 8757)
7336)
4552)
7314)
3147)
8761)
L82,
L85,
Ln,
L98,
L88,
L75,
L80,
L84,
L81,
L76,
L89,
L95,1875)
7339)
X
8758)
tasse
(Chora X2635)
2634)
6441)
X58)
7341)
DI08
1759)
2810)
?)
1887)
Ll08 D106
3121)
3122)
8759)
2489)
(Nauplie)
8743)
L92,1888)
Ll07,Dl02
L91,
8756)
8364)
L90,
L83,
(???)
L86,
L
L96,
L87,2, X
X2633)
1758)
D108
Dll5
Dll4
Dll9
D121
D129
D107
Dll2
D130
Dll7
DI18
Dll6
D128
DIlI
DI04
1901)
93, Dll3
D120
D122
D103
Dl09
Ll05,Dl33
coupe
7340)
L97,DI05
DIlO
fragments
ArchReports
1. LlOO,
XL78
L99,
Ll06
L XTOTAL
109
LllO
Ll01, XDlOO
D99
D135 MYCENES
DlOl
DENDRA:
1982-83, Xp. :26
SPATA:XX cratère
anse
78,
84,
515,
9,
coupe
1. t 24,
10,10
tasse
93,
56,: coupe
gobelet
fragments
1. 2 17 (37 %) 1. 12,
coupe
DENDRA: coupe

Fig. 4 : Les 46 vases en or et en argent dans les tholoi et les tombes à chambre (cf. n. 46) ;
les nOentre parenthèses sont ceux des objets au Musée National d'Athènes, dans les musées de Chora et de Patras;
les nOprécédés des majuscules L et D renvoient aux catalogues de R. LAFFINEUR et E. N. DAVIS.
198 Pascal DARCQUE

-10 d'un côté, 2 de l'autre. Le dépôt de vases en métal précieux dans une tombe à chambre
semble un phénomène presque exclusivement limité à deux sites, Mycènes et Dendra. TI faut
également souligner qu'aucun de ces vases n'a été trouvé dans un contexte postérieur à l'HR
III AI; le seul vase en métal précieux postérieur est aussi le seul, à l'exception du trésor de
l'acropole de Mycènes 48, découvert dans un contexte non-funéraire, dans le palais de Pylos:
il s'agit d'une coupe en argent décorée d'incrustations en forme de tête humaine 49. Pourtant
les documents en linéaire B attestent assez largement l'existence de vases en métal précieux
dans les palais jusqu'à leur destruction 50. La tablette PY Jo 438, qui récapitule des
contributions en or -au total cinq ou six kilos-, permet de supposer que le pouvoir central ne
contrôlait pas toutes les entrées de métal précieux sur son territoire, mais qu'il était informé de
l'état des richesses des "propriétaires", ou des dépositaires, de cet or 51.

On peut également considérer la répartition des vases en bronze dans les tholoi et les
tombes à chambre (fig. 5, p. 199) 52. La balance penche ici très nettement en faveur des
tombes à chambre, en partie grâce aux lots exceptionnels des tombes 47 de Mycènes, 2 de
Dendra et 1-5 d'Asinè, qui, comme les séries des tholoi de Vaphio, Nichoria et Tragana,
laissent entrevoir des phénomènes de thésaurisation. Le petit nombre de tombes -6 tholoi et 17
tombes à chambre- contenant des vases en bronze apparaît très surprenant. Wace expliquait
l'absence de vases en bronze dans des tombes "riches" de la nécropole de Kalkani, à Mycènes,
comme les tombes 515,518 et 529, par le remploi continuel de ces tombes par une famille et
par la récupération des objets qui en aurait résulté 53. Mais on ne voit pas pourquoi certaines
familles auraient renoncé à récupérer les vases métalliques, et d'autres pas. La relative rareté
de ces vases dans les tombes peut aussi indiquer que leur possession, et dans certains cas leur
accumulation, témoigne d'un statut social relativement élevé. Une situation économique
particulière pourrait également expliquer le fait que, tous types de tombes confondus,
l'Argolide et la Messénie soient presque les seules régions de la Grèce mycénienne à avoir livré
ce genre de matériel. Cependant les contributions en bronze que le palais demande à certains
individus, ou communautés, placés sous son autorité 54, montrent, comme c'est le cas pour

(48) DAVIS, op. cil., p. 291-295.


(49) Palace of Nestor 1, 2, fig. 261.
(50) M. VENIRIS, J. CHADWICK, Documents in Mycenaean Greek2 (1973), p. 284-289 (sur la tablette
PY Tn 316) et p. 331-338.
(51) Ibidem, p. 358-359 et 514; J. CHADWICK, dans Mélanges Meriggi 1 (1979), p. 97-104.
(52) H. MATTHÂUS, Bronzegefiisse der kretisch-mykenischen Kultur (PBF n, 1 [1980)), p. 31-33 et p. 44-
53; les deux vases de Prosymna ayant été omis dans cette présentation d'ensemble, il faut se reporter au
catalogue, Ibidem, p. 99, nO 39 (t. X) et p. 145, n° 180 (t. XXIX); de même pour trois vases de l'agora
d'Athènes, Ibidem, p. 267, n° 408 (t. XIII), p. 291, nO 445 (t. III) et p. 301, nO 459 (t. 1). Des vases en
bronze associés à de la poterie HR nIE ont été découverts dans la tombe 29 de Médéon, CI. VATIN,
Médéon de Phoride. Rapport provisoire (1969), p. 23.
(53) WACE, Chamber Tombs, p. 187.
(54) Tablette PY Jn 829, commentée par VENIRlS, CHADWICK, op. cil. , p. 357-358 et p. 511-514;
CARLIER, op. cit., p. 128-129.
LES THOLOI ET L'ORGANISA nON SOCIO-POLmQUE DU MONDE MYCENIEN 199

THOLOI TOMBES A CHAMBRE

Nb Nb

DENDRA: 2 MYCENES, t. 2 3
VAPIDO: 4 t.5 2
NICHORIA : 7 t. 15 1
PYLOS, th. Vagénas 3 t. 25 1
TRAGANA, th. 1 4 t. 28 1
PHARAI 3 t. 47 9
t. 71 1
t. 78 1
PROSYMNA, t. X 1
t. XXIX 1
DENDRA, t.2 24
t.7 2
t. 12 4
ASINE, t. 1-5 8
ATHENES, t. 1 1
t. III 1
t. XIII 1

TOTAL: 23 (27 %) 62 (73 %)

Fig.5 : Les 85 vases en bronze dans les tholoi et les tombes à chambre (cf. n. 52)
200 Pascal DARCQUE

l'or, qu'il existait une circulation des matières premières en dehors du palais, mais plus ou
moins contrôlée par lui. En tout état de cause, la question demeure de savoir quelles personnes
pouvaient se procurer ces matières premières et ce que signifie, sur le plan socio-politique,
cette capacité.

3. LA SITUATION DES THOLOI

TIest inutile d'insister longuement sur la place des tholoi à l'intérieur des nécropoles, car
il semble qu'il y ait autant de cas particuliers que de sites. Ainsi les tholoi de Pylos, de Dendra
et de Prosymna se situent légèrement à l'écart des autres tombes 55. A Mycènes au contraire,
certains groupes de tombes à chambre semblent "associés" à une tholos. Par exemple, dans la
zone de Péra Sphalaktra, une vingtaine de tombes ont été fouillées par Wace et Tsountas à
proximité des tholoi dites Cyclopéenne et des Génies; de même, une quinzaine de tombes
pourraient être rattachées au trésor d'Atrée, mais moins d'une dizaine à la tholos de Kato
Phournos 56.
Pour ce qui concerne la situation des tholoi dans l'habitat, O. Pelon avait noté: "il est
fréquent que les tholoi soient construites à proximité immédiate ou même au milieu d'habitats
plus anciens " 57 (souligné par moi). "L'absence d'habitat contemporain dans les environs
immédiats [des tholoi], par suite de la consécration de l'emplacement comme terrain funéraire,
peut par ailleurs expliquer qu'on ne trouve dans les terres du tumulus que des tessons en
principe plus anciens", ajoutait-il 58.
On constate au contraire que certaines tholoi, et non des moindres, sont étroitement insé-
rées dans l'habitat contemporain. A Mycènes, le trésor d'Atrée (HR III B) est construit à
moins d'une cinquantaine de mètres au Sud d'un groupe de maisons occupées durant tout
l'HR IIIB 59; la tombe dite de Clytemnestre (HR m B) se trouve à moins de 40 m de
l'ensemble formé par la maison des boucliers, la maison du marchand d'huile, la maison des
sphinx et la maison Ouest, ensemble détruit à la fm de l'HR m BI 60. A Orchomène de
Béotie, la distance séparant la grande tholos (HR m B) de l'édifice aux fresques fouillé en

(55) A Pylos, la tholos Vagénas est à environ 200 m du groupe des tombes El, E2 et E4, Palace of NeSlor
III, fig. 301; fi Dendra, l'extrémité du dromos de la tholos est distant de moins de 20 m de la tombe à
chambre n° Il, ÂSTROM, op. cil., p. 6, fig. 1; à Prosymna, la tholos se trouve à près de 70 m de la
tombe la plus proche (XVI) et très isolée, au Nord-Ouest du site, par rapport aux deux groupes
principaux de tombes, BLEGEN, Prosymna, plan 1.
(56) XENAKI-SAKELLARIOU, pl. XIV; cf. ALDEN, op. cil., p. 123-137. Sur l'organisation des tholoi en
groupes, voir PELON, Tholoi, p. 404.
(57) PELON,Tholoi, p. 376.
(58) PELON,Tholoi, p. 377.
(59) 1. MYLONAS SHEAR, dans Mélanges Mylonas (1986), p. 85-98.
(60) Plan, BSA 49 (1954), p. 23, fig. 1; sur la date de destruction de ce quartier cf. E. FRENCH, BSA 62
(1%7), p. 149-193.
LES THOLOI ET L'ORGANISATION SOCIO-POLmQUE DU MONDE MYCENIEN 201

1970-73 (HR III A et B) n'excède sans doute pas 70 m 61; la tholos est elle-même creusée
dans le versant Sud-Est de l'éperon sur lequel était installé l'essentiel de l'habitat, mais les
niveaux mycéniens, emportés par l'érosion, n'y subsistent plus qu'à l'état de traces 62. On
pourrait encore mentionner la tholos d'Ano Englianos, installée à moins de 150 m au Nord-Est
du palais 63, trois tholoi de Péristéria construites à l'intérieur même du mur de fortification 64,
et sans doute les deux tholoi de Thorikos 65, ainsi que la tholos A 1 de Médéon de Phocide 66.
Ainsi les personnages qui se faisaient enterrer dans les tholoi, n'éprouvaient pas
toujours le besoin de séparer leur domaine funéraire du domaine des vivants ordinaires. La
tradition des sépultures installées à l'intérieur des zones habitées, qui remonte sur le continent
à l'époque Néolithique 67, demeure donc bien vivante à l'époque mycénienne. Cela reste
surprenant, car on aurait pu croire que l'isolement allait de pair avec une certaine
monumentalité pour souligner, davantage encore, la puissance de l'individu ou du groupe
utilisateur d'une tholos.

4. LA CORRELATION THOLOI-PALAIS

Si les tholoi n'étaient que des tombes destinées à la dynastie régnante 68, on devrait logi-
quement n'en trouver qu'à proximité des palais qui, par définition, sont les résidences royales.
Or O. Pelon recense, dans sa liste principale 69, une cinquantaine de sites à tholos sur le
continent grec. J'estime de mon côté que l'existence d'un véritable palais n'est strictement
garantie que là où de grands bâtiments comportent de nombreux magasins et ateliers, ainsi
surtout que le noyau principal de 23-24 m de long, formé d'un porche à deux colonnes, d'un
vestibule et d'une grande salle, plus ou moins carrée, pourvue d'un foyer central circulaire, lui-
même entouré de quatre colonnes, là où certaines pièces sont décorées de fresques à
représentations figurées, et là où une administration tient des archives. Toutes ces conditions
ne sont remplies, à l'heure actuelle, que par trois sites: Pylos, Mycènes, Tirynthe. Mais,
même en l'absence de la partie centrale du palais, il faut sans doute y ajouter Thèbes.

(61) PELON, Tho loi, p. 233-237; Th. SPYROPOULOS, ArchAnAth 7 (1974), p. 313-325; ArchDelt 28
(1973) Chron., p. 259-263.
(62) Gazetteer 1, p. 236-237.
(63) Palace of Nestor III, fig. 301 (tholos IV).
(64) PELON, Tholoi, p. 207-211, pl. XCIII, 1.
(65) PELON,Tholoi, p. 223-228. Cf. J. SERVAIS, dans Thori/ws 1 (1968), p. 27-29; Thori/ws V (1971) p.
17-102 (tholos ronde) et Thori/ws VIII (1984), p. 14-67 (tholos "oblongue" et tumulus).
(66) PELON,Tholoi, p. 238-239.
(67) R. TREUIL, Le Néolithique et le Bronze Ancien égéens (1983), p. 425, 429, 430, 434, 441 et "451-
452; cf. MEE, CA VANAGH, op. cit., p. 46-47 (sur l'HM).
(68) Cf. supra, n.1O.
(69) PELON,Tholoi, p. 153-260 et tableau IV, p. 483-490.
202 Pascal DARCQUE

Avant ces palais de l'HR ID B ou ailleurs que sur ces quatre sites, de grands bâtiments
peuvent passer pour des résidences de chef: près du Ménélaion de Sparte 70, à Orchomène 71,
Il
à Zygouries 72, ou à Phylakopi sur l'île de Mélos 73. n'y d'ailleurs pas toujours de tholos à
proximité. Mais il faut être logique:
- ou bien le wa-na-ka est le roi, et il n'y a de roi que là où des documents mentionnent
un wa-na-ka, c'est-à-dire à Pylos, Cnossos et Thèbes, et là où, comme le dit P. Carlier, "un
édifice a un plan identique à celui d'un palais dont le caractère royal est attesté par les
textes" 74, c'est-à-dire aussi à Mycènes et Tirynthe. On n'aurait donc le droit de parler de
tholoi "royales" que pour les tholoi édifiées sur ces quatre sites ...75
- ou bien il existe plusieurs types de pouvoir d'une étendue et d'une puissance varia-
bles, et dont les manifestations architecturales varient tout aussi considérablement.

5. LA DIFFUSION DES THOLOI

Comment interpréter, en termes socio-culturels, l'aire de répartition des tholoi, mise en


évidence par O. Pelon 76? Autrement dit, cette aire reflète-t-elle, même schématiquement, la
diffusion de la civilisation mycénienne et d'un certain système de valeurs?
Je crois que oui, mais d'une façon seulement globale. O. Pelon a distingué lui-même
des zones à implantation majeure -Sud-Ouest du Péloponnèse et Argolide- et des zones où
l'implantation de ce type de tombe apparaît beaucoup plus sporadique -toutes les autres
régions 77.
Les deux wnes à implantation majeure présentent un caractère très différent. En
Messénie, tholoi et tombes à chambre sont deux types quasiment exclusifs l'un de l'autre: sur
30 sites à tholos recensés, trois seulement comportent aussi des tombes à chambre 78. En
Argolide au contraire, six des sept sites à tholos ont également des tombes à chambre 79. La
situation socio-politique de ces deux régions a-t-elle donc pu être semblable ? Ou faut-il
supposer qu'il n'y avait que des "rois" en Messénie et que la "classe intermédiaire", si présente
en Argolide, s'en est évaporée?

(70) H. W. CATLING, ArchReports 23 (1976-1977),p. 24-35.


(71) Cf. supra, n. 61.
(72) C. W. BLEGEN, Zygouries. A Prehistoric Settlement in the Valley ofCleonae (1928),p. 30-38.
(73) JHS Suppl. 4 (1904),p. 19-20.
(74) Op. cit., p. 7.
(75) Sur les tholoi crétoises et le cas de Thèbes, cf. infra, p. 203. Sur les tholoi de Mycènes, cf. supra, p.
200.
(76) PELON, Tholoi, cartes I-Ill.
(77) PELON, Tholoi, p. 392-423.
(78) Gazetteer I, p. 126-180: il s'agit de Pylos (p. 129),Nichoria (p. 153)et Aithaia (p. 163).
(79) Il s'agit de Mycènes, Prosymna, Berbati, Dendra, Tirynthe et Kokla; le seul site à tholos dépourvu de
tombe à chambre est Kazarma.
LES THOLOI ET L'ORGANISATION SOCIO-POLmQUE DU MONDE MYCENIEN 203

Dans les zones à implantation mineure de la Grèce continentale, il faut à nouveau souli-
gner l'absence de tholos à Thèbes et à Athènes 80, alors que des éléments plus ou moins
convaincants permettent d'y supposer l'existence d'un palais 81. Et ces deux sites sont chacun
dotés d'une tombe à chambre que ses dimensions, ses aménagements et son matériel mettent
nettement à part : à Thèbes, la tombe de Mégalo Kastelli, dite" des enfants d'Œdipe" 82, à
Athènes, la tombe 1 de l'agora 83.
En dehors de la Grèce continentale, la diffusion de la tholos ne paraît nullement corres-
pondre à l'influence que l'on prête habituellement aux Mycéniens, en se fondant sur les
grandes quantités de céramique mycénienne retrouvée sur de nombreux rivages de la
Méditerranée. En Crète, à part les tholoi de Képhala et d'Archanès, le type, souvent dégénéré,
se répand tardivement et de façon sporadique 84. Un seul exemplaire est connu dans les
Cyclades, à Ténos 85, mais aucun dans le Dodécannèse. Sur la côte anatolienne, les deux
spécimens actuellement connus sont à peine comparables aux exemplaires continentaux : l'un,
à Colophon est jugé dégénéré 86; l'autre, à Menemen-Panaz Tépé, près d'Izmir, ne mesure que
2 m de diamètre 87. Pour Chypre, O. Pelon juge tout à fait abusive l'appellation de tholos
attribuée à trois tombes construites d'Enkorni 88. Pour ce qui concerne enfm les nuraghe de
Sardaigne et la construction circulaire récemment découverte sur l'acropole de Lipari, les
traditions mégalithiques régionales suffisent à rendre compte, en termes d'évolution locale, de
ces bâtiments qui n'avaient pas de destination funéraire 89.

(80) MEE, CA VANAGH, op. cit., p. 54.


(81) Cf. supra, p. 201; sur Thèbes, cf. à présent, S. SYMEONOGLOU, The Topography of Thebes from
the Bronze Age to Modern Times (1985), sp. p. 26-83 et 213-309; sur l'acropole d'Athènes à l'époque
mycénienne, cf. Sp. E. IAKOVIDIS, Late Helladic Ciladels on Mainland Greece (Monumenta Graeca et
Romana IV [1983]), p. 73-90.
(82) La chambre mesure Il,50 x 7 m; sa hauteur est préservée sur 3,50 m; une décoration peinte est
conservée à l'intérieur; deux dromoi ont successivement desservi cette chambre, ArchDelt 27 (1972)
Chron., p. 309-312; sur la pyxide en ivoire retrouvée dans la chambre cf. supra, n. 44.
(83) Le dromos a Il m de long; la chambre, qui mesure 5,90 x 4,30 m, est pourvue d'une banquette,
IMMERWAHR, op. cil., p. 158-169; sur le matériel, cf. supra, n. 52.
(84) PELON, Tholoi, p. 419-423, carte I.
(85) Chronique 1979, BCH 104 (1980), p. 659-661.
(86) PELON,Tholoi, p. 423 et 459.
(87) Ces indications m'ont été aimablement fournies par C. B. Mee.
(88) PELON,Tholoi, p. 427-432.
(89) M. S. BALMUTH, AJA 89 (1985), p. 324; contra, M. GRAS, Trafics tyrrhéniens archaïques (1985),
p. 77-97, sp. p. 86-87, qui critique une étude de W. G. Cavanagh, R. R. Laxton (citée, Ibidem. p. 85,
note 91) démontrant que les techniques de construction des nuraghes sardes et des tholoi mycéniennes
sont radicalement différentes; j'ai appris l'existence de la construction de Lipari grâce à une conférence
donnée par M. Cavalier (paris, le 27(2/1986).
204 Pascal DARCQUE

CONCLUSIONS

Ainsi, malgré leur nombre, les tholoi représentent un critère très difficile à manier pour
l'évaluation des structures socio-politiques du monde mycénien,
1°) parce que la connaissance que nous avons de ces structures n'offre pas suffisam-
ment de garanties;
2°) parce que trop peu de ces tholoi ont livré un matériel permettant de caractériser, dans
des conditions satisfaisantes, le statut social des personnes inhumées;
3°) parce que la place occupée par les tholoi par rapport aux nécropoles et aux habitats
ne les met pas véritablement à part;
4°) parce que l'implantation des tholoi ne coïncide nullement avec celle des véritables
palais;
5°) parce qu'en Grèce même, et dans toute la Méditerranée, la diffusion de la tholos
correspond très inégalement à la diffusion des autres éléments qui servent habituellement à
caractériser l'extension de la civilisation mycénienne.

L'usage de la tholos reste donc très limité dans l'espace. Il semble même un phéno-
mène culturel marginal, je n'ose dire une "mode", qui a permis, ici ou là, à des groupes
dominants de manifester leur puissance. Certains parlent d'une "élite" et pensent que les
différents dignitaires mentionnés dans les tablettes, non seulement le wa-na-ka, mais aussi le ra-
wa-ke-ta, les e-qe-ta, les ko-re-te, les po-ro-ko-re-te et autres te-re-ta, auraient été enterrés
dans les tholoi 90. Je ne crois pas que la documentation actuellement disponible permette de
définir aussi précisément la composition de cette "élite". Si en effet, en Messénie, on ne
connaît presque pas d'autre type de tombe que la tholos, c'est peut-être tout simplement parce
qu'il n'en existait pas et que tout le monde, ou presque, se faisait enterrer dans les tholoi. Là
où, comme en Argolide, tholoi et tombes à chambre existent concurremment, l'exemple de
Dendra montre que la différence architecturale ne permet pas d'établir une différence de statut
social. Enfin un faisceau d'indices -dimensions, décoration, aménagements, présence
d'ivoires, de vases en -bronze et en métal précieux- invite à considérer certaines tombes à
chambre sur le même plan que les tholoi les plus grandes ou les plus riches. Personne ne niera
en effet que les tombes 2, 10 et 12 de Dendra, les tombes 2, 15, 47, 55 et 78 de Mycènes,la
tombe 1 de l'agora d'Athènes et la tombe de Mégalo Kastelli à Thèbes aient pu abriter les
sépultures de personnages d'un statut social aussi élevé que celui des individus enterrés dans
les tholoi.

Limité dans l'espace, l'usage de la tholos l'est aussi dans le temps. En effet, vers la fin
du XIIIe siècle, au moment de la disparition du système palatial mycénien, le type de la tholos
disparaît presque aussi soudainement qu'il était apparu. Au même moment, on cesse de

(90) MEE-CAVANAGH, op. cÎt., p. 56.


LES THOLO! ET L'ORGANISATION SOCIO-POLmQUE DU MONDE MYCENIEN 205

fabriquer des vases en bronze; les métaux précieux ne circulent plus à l'intérieur du continent
grec; les dimensions des tombes à chambre diminuent nettement et le mobilier qui y est déposé
apparaît nettement plus "pauvre" qu'auparavant.

Si donc les tholoi doivent être considérées comme le symbole de la civilisation mycé-
nienne, ce ne peut être que dans un cadre géographique et chronologique restreint -essentiel-
lement, le Péloponnèse et la Grèce centrale entre la fin du XVIIe et la fin du XIIIe siècle. La
répartition des tholoi montre aussi que l'unité de la civilisation mycénienne est beaucoup moins
forte, et sa diffusion moins large, qu'on ne pourrait l'imaginer en se fondant sur d'autres
témoignages, la céramique par exemple.

Pascal DARCQUE

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