Vous êtes sur la page 1sur 6

Candide ou l’optimisme

Voltaire, 1759

Les personnages
CANDIDE
Comme son nom l’indique, Candide incarne la candeur, ce qui implique à la
fois pureté et crédulité. En effet, le héros est ingénu, simple, crédule, mais
également innocent et pur, par opposition à la fourberie et à la ruse qu’il ne
cessera de croiser au cours de son voyage.
Dans sa naïveté, le héros adhère au système de Pangloss pour qui « tout est
pour le mieux dans le meilleur des mondes ». Dans sa candeur, avec
droiture, bon sens et absence totale de préjugés, Candide s'étonne, questionne,
et, finalement, remet en cause les propos de son précepteur. Candide est doué
d'une bonté naturelle : il compatit, s'émeut, secourt autant qu'il peut, pleure le
sort de l'esclave et la mort de l'anabaptiste. Sensible et généreux à l'excès, il est
une proie facile pour tous ceux qui veulent l'escroquer et lui extorquer ses
richesses. Poli, courtois, révérencieux, Candide respecte la loi. Et s'il tue, c'est
par légitime défense ou par passion amoureuse. Ainsi est-il capable de violence
malgré sa douceur naturelle, capable d'action malgré sa passivité originelle.
Candide évolue en effet au cours du conte et perd son innocence au contact des
épreuves qui jalonnent son voyage. Il abandonne son optimisme initial qui ne
résiste pas à la présence, partout dans le monde, du mal physique et moral.
En perdant ses illusions, Candide acquiert un sens critique : le « tout est au
mieux » initial se nuance peu à peu.
Il se construit une personnalité et une philosophie propres pour devenir, à la
fin du conte, le guide d'une petite communauté. Une autre logique se substitue
à celle de Pangloss : « Cela est bien dit (…) mais il faut cultiver notre
jardin ».
Le parcours initiatique de Candide, possédé par des illusions dont il se défait à
l'épreuve du monde, est, selon Voltaire, le fondement même de l'expérience
humaine.

PANGLOSS
« Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » répète Pangloss,
professeur de métaphysico-théologo-cosmolo-nigologie, précepteur de Candide
et de Cunégonde. Une fois le château détruit par l’armée bulgare, le monde
extérieur est plus difficile à convaincre et les mésaventures ne ménagent pas
le philosophe : anéanti par la vérole, pendu par l’Inquisition, disséqué, frappé,
envoyé aux galères avant d’être finalement racheté par Candide. Sa théorie ne

1
résiste pas à l'épreuve des faits. Tout le conte tend à prouver l’inadéquation de
son raisonnement.
Le personnage sert la déconstruction d’un système philosophique, l’optimisme,
développé avec grand succès au XVIIIe siècle par le philosophe allemand
Leibniz, qui concilie l’existence du mal et la croyance dans la bonté divine.
Pangloss est présent tout au long du conte comme repère ou contre-exemple et,
quoi qu'il advienne, il persiste dans ses convictions . Il trouvera sa place dans le
jardin et tentera de justifier la cohérence du parcours : c’est Candide
néanmoins qui aura le dernier mot.

LE BARON
« Le plus grand baron de la province » selon Pangloss, « un des plus puissants
seigneurs de la Vestphalie  » d’après le narrateur  : le superlatif s’impose
s'agissant du baron qui apparaît en premier lieu comme un propriétaire  – de
quartiers de noblesse, d’un château avec une porte et des fenêtres, d’une
tapisserie, de chien, etc.
Le baron déclenche l'histoire en chassant Candide d’un coup de pied. Le cadre
du château va voler en éclats et le baron mourir dès le premier chapitre sans
avoir pu protéger sa femme et ses enfants. Le baron est d’emblée condamné
car il symbolise un univers inerte et figé, incapable de s’adapter et d’évoluer.
Le baron et son épouse constituent une cible privilégiée pour Voltaire : le nom
du château de Thunder-ten-tronckh, le titre de « baron », le faste absurde de la
demeure participent de la déconstruction d’une autorité à mesure que la
description progresse, pour révéler la vanité et la fragilité d’un pouvoir
artificiel qui fait la part belle au système de pensée de Pangloss.

PAQUETTE
Portée par les événements, Paquette apparaît au gré de ses aventures dans les
bras de Pangloss ou au bras de frère Giroflée. Une contamination malheureuse
par la vérole révèlera d’autres amants.
Femme de chambre de la baronne au début du conte, elle reçoit de Pangloss
«  une leçon de physique expérimentale  » qui trouble Cunégonde. Chassée du
château, recueillie par un médecin, battue, emprisonnée, condamnée à se
prostituer à Venise, Paquette réapparaît à la métairie plus pauvre et triste que
jamais. À la fin du voyage, elle fera de la broderie dans le jardin.
Paquette représente une image de la condition féminine méprisée et dominée
par les hommes. Nul libre arbitre dans ce parcours, mais plutôt une
soumission aux besoins élémentaires marquée par la nécessité de survivre.

FRÈRE GIROFLÉE
Frère Giroflée appartient à un ordre religieux qui se veut exemplaire par ses
vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Mais son comportement s'oppose

2
en tout à ces règles  : il forme un couple avec une prostituée, boit du vin,
accepte le repas et l’argent de Candide pour le dépenser aussitôt.
À travers ce personnage, la mise en question de la religion est radicale : frère
Giroflée, devenu moine contre son gré, présente le couvent comme un lieu où
règnent la discorde, la jalousie et la rage. Il se convertit à l’Islam avant
d’arriver dans le jardin, où il se montre très bon menuisier.

CACAMBO
« C’était un quart d’Espagnol, né d’un métis dans le Tucuman ; il avait été
enfant de chœur, sacristain, matelot, moine, facteur, soldat, laquais » :
Cacambo, venu de Cadix, est un compagnon de choix pour Candide. Il se révèle
fidèle, courageux, digne de confiance et entièrement dévoué à son maître.
Plein d’allant, il se définit par l’action et ses connaissances sont fondées sur
l’expérience : il donne à Candide des clés pour comprendre le monde qui
l’entoure à Buenos-Aires comme au Surinam. Par sa connaissance de la langue
de l’Eldorado, il devient le guide de Candide dans le Nouveau Monde. Candide
le charge d'aller chercher ce qu’il a de plus cher, Cunégonde, pour la conduire
à Venise. À la fin du conte, il trouve sa place dans la métairie et participe à la
bonne marche du jardin dont il partage les valeurs.

JACQUES
Tolérant, généreux, sensible, Jacques apparaît dans le conte en aidant un
Candide en bien mauvaise posture, affamé, insulté et souillé. Il l’accueille, lui
propose un travail et soignera avec le même altruisme Pangloss rongé par la
vérole. Jacques est un anabaptiste, c’est-à-dire un membre d’une secte
protestante répandue en Hollande et en Allemagne qui n'autorisait le baptême
qu’à l’âge de raison. Jacques aime son prochain, valorise ses talents. Pour
autant, il n’est pas aveugle quant à la nature humaine et reconnaît le mal dont
il rend l’homme responsable. À Pangloss qui déclare que « tout était on ne peut
mieux », il objecte : « Il faut bien, (…) que les hommes aient un peu corrompu
la nature, car ils ne sont point nés loups, et ils sont devenus loups ». Il périt à
Lisbonne par l’ingratitude du matelot qu’il avait sauvé.

LA VIEILLE
La vieille surgit telle un bon génie pour sauver un Candide anéanti à la fois
par le tremblement de terre de Lisbonne et par la violence des hommes qui a
fait se noyer le bon anabaptiste Jacques et pendre Pangloss. Elle est une voix,
une main secourable, et surtout un lien avec Cunégonde qu’elle ne quittera
plus : le binôme fonctionne en miroir, la vieille annonçant à une Cunégonde
encore jeune et belle ce qu’elle va devenir. Sollicitée pour ses conseils, la vieille
a de l’expérience, du vécu, du bon sens après avoir traversé tous les états de
l’existence.
Par le biais d’un récit enchâssé, la vieille raconte son histoire  : fille du pape
Urbain X et de la princesse de Palestrine, elle connut dans sa jeunesse en Italie
– beauté, richesse, palais et grâces de toutes sortes. L’avenir s’annonçait
brillant sous le signe d’un mariage avec un prince. Mais celui-ci meurt,

3
empoisonné par une ancienne maîtresse, et c’est la chute  : le meilleur des
mondes devient cauchemar. Capturée par des corsaires, violée, trahie,
pestiférée, vendue et revendue, amputée d’une fesse pour échapper à la mort,
asservie, son existence est une suite ininterrompue de désillusions et de
malheurs qui confirment la présence du mal partout sur Terre. Au terme de
son périple, devenue infirme, la vieille finit au jardin par s’occuper du linge.
Figure étonnante dans le parcours, la vieille condense toutes les horreurs du
monde. Elle est aussi un miroir tendu à Candide et Cunégonde.

DON ISSACHAR
Dans Candide, il trafique en Hollande et au Portugal et aime beaucoup les
femmes. Juif anobli comme l'indique son titre « Don », Issachar est le banquier
de la cour alors que sévit l’Inquisition. Pour éviter un autodafé, il est contraint
de partager Cunégonde avec le grand inquisiteur. Colérique, il attaque son
rival Candide qui le tue aussitôt  : ce sera le premier geste de violence de
Candide et un signe de son évolution.

L'INQUISITEUR
Chef suprême de l’Inquisition, il use de son pouvoir pour assouvir ses caprices :
il contraint Don Issachar à lui céder Cunégonde, organise un autodafé « pour
détourner le fléau des tremblements de terre  ». En cela, il est proche de la
réalité historique puisque les exécutions étaient mises en scène comme des
sacrifices rituels destinés à entretenir l’illusion collective de la menace juive. Il
fait horreur à Cunégonde qui doit le partager avec Don Issachar. C'est par
crainte de subir son châtiment que Candide le tue. Le double meurtre du grand
inquisiteur et de Don Issachar marque le début de la fuite de Candide,
Cunégonde et la vieille.
L’image du pouvoir religieux est ici malmenée .

LE NOIR DE SURINAM
Candide et Cacambo, en arrivant au Surinam, rencontrent aussitôt cet esclave
amputé de la jambe gauche et de la main droite. Vêtu d’un caleçon donné deux
fois dans l’année par ses maîtres, il a perdu sa main dans une meule des
sucreries, et la jambe en voulant fuir  : «  c’est à ce prix que vous mangez le
sucre en Europe  ». L’homme fut vendu par sa mère en Guinée pour dix écus,
celle-ci lui a recommandé de bénir des fétiches qui ne l’ont jamais protégé. Le
bilan de l’esclave est sombre  : «  les chiens, les singes et les perroquets sont
mille fois moins malheureux que nous ».
L’homme noir de Surinam est le porte-parole de la dénonciation de l’esclavage.
Les faits décrits sont conformes à la réalité du XVIIIe siècle. Voltaire dénonce
ici l’expansion de l’esclavage colonial et l’existence du Code noir.

LE FILS DU BARON
Personnage aux multiples facettes, il est d’abord fils de baron très attaché à
ses quartiers de noblesse et aux valeurs qui ont construit – et perdu – sa
famille. Tenu pour mort après l’attaque du château, il reparaît dans l’habit

4
d’un révérend père commandant des jésuites au Paraguay. Colonel et prêtre, il
n’a en rien modifié ses valeurs : il refuse catégoriquement un mariage entre sa
sœur et Candide, qui ne peut justifier les quartiers de noblesse requis. Candide
n’argumente plus à ce stade du conte et agit en frappant le baron, à mort
pense-t-il. Le fils du baron se trouve chassé du récit jusqu'à la fin du parcours,
où on le retrouve compagnon de galère de Pangloss. Candide le rachète mais le
baron s’obstine : «  Non, jamais ma sœur n’épousera qu’un baron de l’empire ».
Ni les larmes de Cunégonde, ni la colère de Candide ne fléchissent sa volonté.
Cette rigidité et cet attachement radical aux valeurs dépassées l’excluent du
jardin final : il n’a pas sa place dans un univers où chacun doit contribuer au
bonheur commun par le travail. La petite communauté le remet aux galères.
Le fils du baron incarne l’immobilisme d’un univers attaché à une domination
aristocratique qui n’a plus cours.

LE ROI D’ELDORADO
«  Sa Majesté  » reçoit avec faste Candide et Cacambo. Les bienfaits de son
gouvernement apparaissent de manière très visible lors de la visite de la ville :
fontaines d’eau pure, d’eau de rose, de liqueurs de canne à sucre  ; grandes
places pavées dont émane un parfum de girofle et de cannelle  ; absence de
cour de justice, de parlement, de prison mais un grand palais consacré aux
sciences.
Le roi est parfaitement respectueux des principes qui régissent son pays, en
premier lieu la liberté  : il déplore le départ annoncé par Candide mais
s’emploie à le faciliter, argumente sans chercher à convaincre, conscient que
ses interlocuteurs sont des visiteurs étrangers aux règles locales. Cette
tolérance s’oppose à tout ce qui précède et à ce qui va suivre.

MARTIN
Pour l'accompagner dans son voyage de retour vers l'Europe, Candide
cherchait l'homme «  le plus dégoûté de son Etat et le plus malheureux de la
province  ». C'est Martin qu'il choisit parmi une foule de prétendants : «  ce
savant, qui était d’ailleurs un bon homme, avait été volé par sa femme, battu
par son fils, et abandonné de sa fille qui s’était fait enlever par un Portugais.
Il venait d’être privé d’un petit emploi duquel il subsistait, et les prédicants
de Surinam le persécutaient ».
Compagnon fidèle de Candide jusqu’au jardin final, Martin n’espère plus rien
et considère la Terre, qu'il qualifie de "globule", abandonnée par Dieu «  à
quelque être malfaisant ». Il constate la déclinaison du mal à tous les niveaux
et se déclare manichéen, conformément à la conception de Manès qui voit dans
l’univers la lutte du Bien et du Mal.
Par le dialogue, Martin pousse Candide à aller plus loin dans ses
raisonnements, l’encourage à développer sa pensée, à dépasser les apparences,
le contredit souvent et commente les événements dont ils sont témoins ou
acteurs. Martin porte sur les faits une vision pessimiste qui s’oppose
radicalement à celle de Pangloss. Dans le jardin, la petite troupe fera sien le
principe de Martin  : «  Travaillons sans raisonner, (…) c’est le seul moyen de
rendre la vie supportable ».

5
DON FERNANDO D’IBARAA
Gouverneur de Buenos-Aires, Don Fernando d’Ibaraa, y Figueora, y
Mascarenes, y Lampourdos, y Souza: le nom est caricatural, le portrait
également. Don Fernando est séduit par Cunégonde au premier regard et lui
propose de l’épouser. Elle accepte cette proposition sur le conseil de la vieille,
qui lui recommande avec pragmatisme « d’épouser monsieur le gouverneur et
de faire la fortune de monsieur le capitaine Candide  ». La décision est
précipitée par la fuite de Candide, poursuivi pour le meurtre du grand
inquisiteur. Grandiloquent et pompeux, Don Fernando d’Ibaraa emprunte
patronyme et postures à des contemporains de Voltaire ; il abuse de son
pouvoir, profite de ses privilèges sans aucun scrupule, mais se trouvera
manipulé par Cunégonde sans même s’en apercevoir.

VENDERDENDUR
Ce marchand hollandais négocie avec Candide le prix de la traversée vers
l’Italie  : 10  000 piastres, puis 20  000, puis 30  000, pour finir par se payer en
nature avec les moutons chargés de diamants, aussitôt les moutons embarqués
et Candide abandonné dans une barque. Intraitable et responsable des
mutilations de ses hommes, ce patron hollandais se conduit comme un pirate :
il sombrera avec ses richesses lors d’un combat avec un bateau espagnol,
entraînant dans le naufrage tous les passagers du bateau. Candide y voit un
châtiment divin, Martin est plus nuancé  : «  Dieu a puni ce fripon, le diable a
noyé les autres. »
Vanderdendur est une figure de l’injustice, de la malhonnêteté et du mal.  Le
personnage représente ce que Voltaire condamne dans l’Essai sur les mœurs
en 1756  : la prise de pouvoir sur l’homme, les sévices infligés, le mépris de
l’être humain et de sa liberté. Vanderdendur constitue l'exact contraire du roi
de l’Eldorado.

POCOCURANTÉ
Seigneur vénitien habitant dans un somptueux palais, le sénateur Pococuranté
– dont le nom signifie «  qui se soucie peu des choses  »  –, fascine Candide et
Martin : «  On prétend que c’est un homme qui n’a jamais eu de chagrins.  »
Dans l’univers de Pococuranté, le raffinement des arts approche la perfection,
qu’il s’agisse de théâtre ou d’opéra, de littérature ou de philosophie, de sciences
ou de poésie, de musique ou de peinture .
Anti-Casanova, revenu de tout dans la ville des arts et des plaisirs, des miroirs
et du raffinement, Pococuranté serait-il « le plus heureux de tous les hommes
car au-dessus de tout ce qu’il possède » comme le suggère Candide, ou bien au
contraire « dégoûté de tout ce qu’il possède » selon Martin ?
Voltaire s’est lui-même comparé à Pococuranté en faisant allusion au confort
de sa propriété des Délices et à l’humeur dénigrante à laquelle il se laisse
parfois aller dans ses jugements esthétiques.

Vous aimerez peut-être aussi