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DISPARITIONS FORCÉES ET LES INTERACTIONS DES DROITS À LA VÉRITÉ,


À LA JUSTICE ET À LA RÉPARATION EN ARGENTINE

Emiliano Buis*

INTRODUCTION

Je tiens à remercier d’abord Olivier de Frouville et Emmanuel Decaux, de la part de


Monica Pinto et des chercheurs et doctorants de l’UBA, pour l’organisation de ce dernier
colloque du programme bilatéral de coopération ECOS-Sud-MinCyT « Aspects nouveaux de
la disparition forcée en droit international », mené entre le Centre de droits de l’Homme de
l’Université de Buenos Aires et le C.R.D.H. de l’Université Paris 2. Ce colloque est la suite de
celui qui a eu lieu à Buenos Aires autour des interactions entre le droit à la vérité, à la justice
et à la réparation.
Comme Olivier l’a bien souligné, l’objectif général de notre recherche a été d’aider à la
mise en œuvre des standards juridiques sur les disparitions forcées par une étude de la
pratique en Amérique latine et dans la région euro-méditerranéenne. En particulier, à l’UBA
nous avons essayé d’étudier les législations et les pratiques nationales d’un échantillon de
pays en Amérique latine (dont l’Argentine et le Chili, que nous présentons aujourd’hui) afin
de mieux identifier et comprendre les problèmes de mise en œuvre du droit international dans
les contextes nationaux, identifier les bonnes pratiques et proposer des solutions adaptées aux
différents contextes.
Pour ce qui est du premier thème d’étude, nous cherchions à comprendre, à la lumière des
pratiques nationales, quelle interaction s’établit entre les droits à la vérité, à la justice et à la
réparation, trois principes de la justice transitionnelle1 mentionnés comme les piliers des
principes « Joinet » sur la lutte contre l’impunité.

**
Professeur à la Faculté de droit et à la Faculté de philosophie et lettres de l’Université de Buenos Aires, où il
enseigne, entre autres, le droit international public, le droit international humanitaire et l’histoire du droit
international. Il est le directeur de l’Observatoire de DIH et du Séminaire de recherches sur l’histoire et la théorie
du droit international. Directeur adjoint du Master en relations internationales (UBA). Membre du Comité du
Concours Jean-Pictet. Il fut pendant sept ans Conseiller juridique sur la non-prolifération, le désarmement et le
contrôle des exportations auprès du Ministère des affaires étrangères argentin.
1
« La justicia transicional puede ser definida como la concepcion de justicia asociada con un periodo de cambio
politico, caracterizado por respuestas legales que tienen el objetivo de enfrentar los crimenes cometidos por
regimenes represores anteriores. » Ruti Teitel, Genealogía de la Justicia Transicional, p. 1
2

LES ENJEUX DU DOSSIER ARGENTIN

Je propose ici d’étudier le dossier argentin afin de montrer des « séquences » de


réalisation des droits de manière asynchrone, en essayant de montrer comment certains droits
sont réalisés de manière privilégiée et une « commission vérité », généralement associée au
droit à la vérité, a ouvert la voie pour la réaliser enfin du droit à la justice d’abord, et ensuite à
la réparation.2

LA VÉRITÉ ET LA JUSTICE : DE LA CONADEP A LA JUSTICE FÉDÉRALE

Penser l’interaction des droits dans le contexte spécifique de l'Argentine implique


aussi d'avoir à l'esprit le fait que la société argentine est divisée entre un avant et un après-
terrorisme d’État, qui a sévi sous la dictature militaire entre 1976 et 1983. Celle-ci s’est
caractérisée par une dissémination de la terreur à travers l’ensemble du corps social, par la
disparition forcée de personnes et par le vol d’enfants. La dictature a utilisé la violence d’État
pour éliminer ses adversaires politiques à travers différents dispositifs disciplinaires, dont les
plus emblématiques et les plus sinistres furent les centres clandestins de détention : la terreur
s’y est exercée de manière systématique et cachée, hors de tout cadre légal.
L'importance progressive dans l’espace public de la conscience des crimes commis
sous la dictature résulte des luttes menées par les organismes de défense des droits de
l’homme et du rôle joué par la justice pénale – rôle central aujourd'hui après des années de
réticence de l'État à examiner et à juger les atteintes aux droits de l'homme. Afin d’examiner
de manière diachronique comment la société a pu faire face aux atrocités commises, je
propose de distinguer trois périodes: le début de la démocratie, les transformations des années
1990, puis la forte présence des débats relatifs à la dictature sur la scène publique depuis
2003.
Depuis l'accession à la présidence de l’Argentine de Raúl Ricardo Alfonsín, élu
démocratiquement en 1983 après six années de dictature militaire, d'importants
développements ont eu lieu dans le domaine des droits de l’homme. En décembre 1983, la

2
Pablo de Grieff dice al respecto : « las diversas medidas adoptadas deben presentar una coherencia externa », es
decir no deben concebirse y aplicarse como iniciativas aisladas e independientes, sino como parte de una misma
politica integrada. Informe del Relator Especial sobre la promocion de la verdad, la justicia, la reparación y las
garantías, Pablo de Greiff, p. 9
3

Commission Nationale sur la Disparition de Personnes (CONADEP) 3 fut créée, avec pour
objectif d’ « éclaircir les faits liés à la disparition de personnes qui se sont produits dans le
pays ».4 La CONADEP était chargée d’enquêter sur le sort des milliers de personnes
disparues sous le régime des Juntes Militaires. Elle devait recueillir des témoignages et des
preuves en rapport avec ces faits et les transmettre aux tribunaux dans les cas où des délits
auraient été commis. Le rapport de la Commission, qui fut publié sous le titre Nunca Más,5 ne
cherchait pas à déterminer les responsabilités individuelles, mais il présentait une chronique
objective des faits. Il s’agissait en premier lieu de poser les yeux sur le besoin de déterminer
la vérité des évènements, de montrer et éclaircir les actes cachés pendant le terrorisme d’État.
Ce rapport a toutefois servi de base de travail pour mener ce que l’on a appelé le
« Procès des Juntes »6, où les membres des trois premières juntes militaires furent mis en
accusation. Le Ministère public avait décidé d’instruire 709 dossiers en utilisant la théorie du
juriste allemand Claus Roxin sur l’utilisation de l’appareil de pouvoir (Roxin, 2000). Les
dirigeants les plus importants de la dictature furent accusés de nombreux homicides, de
séquestrations et d'actes de torture. Le 9 décembre 1985, la Cour Fédérale d’Appel en matière
criminelle et correctionnelle rendit sa sentence: la majorité des accusés fut condamnés 7.
C’était un premier pas visant à garantir un droit lié à la justice, mais le Président de l’époque,
Carlos Saúl Menem, les gracia néanmoins en décembre 19908 et les condamnés furent libérés.
Les sous-officiers et les officiers bénéficièrent des « Loi de Point final » et « Loi de

3
Décret 187/83 (15 décembre 1983, [251] A.D.L.A. 17).
4
Article 2.
5
COMISIÓN NACIONAL SOBRE LA DESAPARICION DE PERSONAS , « Plus jamais ça », Eudeba, Buenos Aires, 1984.
Sur les implications de ce rapport dans le contexte régional, voir Coonan, T., 1996. « Le rapport Nunca Más » fut
publié en anglais en 1986, avec un prologue de Ronald Dworkin, professeur qui reçut le titre de Doctor Honoris
Causa de l’Université de Buenos Aires en 2011.
6
Le 4 octobre 1984 la Chambre Fédérale prit la décision d’écarter le Conseil Supérieur des Forces Armées,
tribunal militaire alors chargé d’instruire le procès des juntes, et de prendre en charge elle-même ce procès
(procès 13/84). L’audience publique eut lieu du 22 avril au 14 août 1985. La Chambre était composée des juges
Jorge Torlasco, Ricardo Gil Lavedra, León Carlos Arslanián, Jorge Valerga Araoz, Guillermo Ledesma et
Andrés D’Alessio. Le ministère public qui présentait l’accusation était composé du Procureur général, Julio
Strassera et du Procureur adjoint, Luis Moreno Ocampo.
7
Jorge Rafael Videla et Emilio Massera furent condamnés à la réclusion à perpétuité, Orlando Agosti à quatre
ans et demi de prison, Roberto Viola reçut une peine de 17 ans de prison et Armando Lambruschini de huit ans
de prison. Ils furent tous également condamnés à l’interdiction à vie d’exercer toute charge publique. De leur
côté, les quatre autres accusés, Omar Graffigna, Leopoldo Galtieri, Jorge Anaya et Basilio Lami Dozo, furent
acquittés.
8
Décret 1002/89.
4

l'Obéissance Due »9 qui bloquèrent toute action en justice contre les membres des forces
armées.
Le rôle croissant des organisations non gouvernementales de défense des droits de
l’homme a poussé les tribunaux nationaux à chercher des alternatives à ces lois afin de
pouvoir poursuivre les enquêtes sur les faits, y compris lorsqu’ils ne pouvaient mener des
procédures pénales. Il en résulta les procès dits « Procès de la Vérité », dont l’objectif était de
recueillir des informations sur ce qui était arrivé aux victimes de la dictature militaire. Menés
en 1998 ils observaient des procédures sui generis qui se limitaient à la phase de présentation
des preuves sans entraîner aucune conséquence pénale. Les tribunaux interprétèrent le « droit à la
vérité » en reconnaissant le droit des familles de savoir ce qui était arrivé aux personnes
disparues.
Le rapport de la CONADEP en 1984 et le Procès des Juntes de 1985 ont constitué
deux événements qui furent essentiels dans la quête de la vérité historique et la construction
de la mémoire publique10. Le procès a notamment permis de prouver que le terrorisme d’État
avait été une politique systématique, menée sous la forme d'emprisonnements arbitraires, de
disparitions forcées, d'assassinats et de contraintes à l'exil, et que des centres clandestins de
détention avaient été mis en place, où des milliers d’Argentins avaient été séquestrés, torturés
et assassinés.
Avec l'adoption des « Loi du Point Final » (1986) et « Loi de l'Obéissance Due »
(1987), les premiers progrès réalisés dans la connaissance du passé criminel ont souffert d’un
recul important. Les années 1990 ont non seulement conservé l’état d’esprit de ces lois, mais
elles ont même vu se développer une sorte de « politique de réconciliation » qui cherchait à
consolider la démocratie sur la base de l’impunité et de l’oubli des crimes contre l’humanité
perpétrés par l’État lui-même. Les grâces présidentielles n’ont eu d’autre effet que de
renforcer l’impunité et d’annuler les possibilités de jugement.

9
Respectivement, la Loi nº 23.492 (Ley de Punto Final) et la Loi nº 23.521 (Ley de Obediencia Debida). La
première établit un délai péremptoire de 60 jours après lequel sera abandonnée toute action menée à l’encontre
de toute personne qui n'est pas en fuite ou déclarée rebelle et dont la citation à comparaître n’a pas été ordonnée
par un tribunal compétent, pour sa participation présumée, quel qu’en soit le degré, à des délits commis sous la
dictature. La deuxième loi établit une présomption n’admettant pas de preuves contraires concernant ceux qui, à
la date de commission des faits, servaient en tant qu’officiers, officiers subalternes, sous-officiers et membres de
la troupe dans les forces armées, de sécurité, de police et de l’administration pénitentiaire, selon laquelle ils
n’étaient pas punissables pour les délits commis, ayant agi en vertu de leur devoir d’obéissance.
10
Democracia-verdad-justicia conformaron una triada que estuvo en movimiento permanente en Argentina,
incluso cuando las vías de la justicia estuvieron cerradas para procesar y condenar. Y esto fue así porque el juicio
a las comandantes le mostro al pueblo argentino cómo actuó el terrorismo de estado. En conocimiento de esa
verdad, era muy difícil pensar que podía cerrarse la puerta al pasado y avanzar. Pinto, Monica, “Los juicios de la
verdad en Argentina”, p. 18.
5

Néanmoins, l’action infatigable des organisations de défense des droits de l’homme


et d’autres acteurs sociaux a permis de préserver la mémoire et de continuer à réclamer justice
pour les victimes des crimes contre l’humanité. C’est dans ce contexte qu'ont eu lieu, en avril
1995, les confessions du général Martín Balza, chef d’État-Major de l’armée, concernant la
participation de certains militaires à plusieurs opérations menées sous la dictature et
impliquant des violations des droits de l’homme. Ces confessions ont participé à l’autocritique
publique. Dans le même temps, un mouvement de repolitisation du passé récent a commencé
à se déployer. La création du collectif H.I.J.O.S. – Hijos por la Identidad y la Justicia contra
el Olvido y el Silencio11 – en a été l’une des réalisations importantes 12. La sortie de livres et de
films à visée testimoniale, présentant des enquêtes sur les luttes politiques menées lors de la
dictature, a aussi eu des effets sur la mémoire publique. C’est dans ce cadre qu’eut lieu en
mars 1996 la commémoration de grande ampleur des vingt ans du coup d’État militaire,
cérémonie au cours de laquelle fut lu un document qui mentionnait explicitement, pour la
première fois, la relation entre les politiques mises en place par la dernière dictature et leurs
conséquences économiques et sociales13, toujours perceptibles à cette époque. L’anniversaire
des vingt ans du coup d’État a marqué un moment décisif en termes de construction de la
mémoire en Argentine. La distance prise avec l’événement et la lutte incessante menée par les
organisations non gouvernementales ont permis à la société de mettre des mots sur cette
période et de lui donner un contenu qui fasse sens.14

11
« Enfants pour l’Identité et la Justice contre l’Oubli et le Silence ». Voir I. DUSSEL, S. FINOCCHIO et S.
GOJMAN, 1997.
12
En el discurso de H.I.J.O.S. creemos encontrar la convenvencia del tringulo pasado-presente-futuro. Por un
lado, incluye una posicion hacia el pasado (« no olvidamos ») en un doble sentido : no olvidar quienes fueron sus
padres ni quienes fueron los culpables de su desaparación, carcel o exilio. En segundo lugar, el presente es
tomado como consencuencia de ese pasado que no hay que olvidar y que es necesario transoformar, para en
tercer lugar vivir un futuro en el que los culpables paguen por sus acciones y se cumplan los proyectos de sus
padres en cuanto a la posibilidad de un mundo mejor. Bravo, Nazareno, « H.I.J.O.S. en Argentina. La
emergencia de practicas y discursos en la lucha por la memoria, la verdad y la justicia », p. 239-240
13
« Como en el caso de los crimenes economicos, la literatura sobre regimenes autoriatarios y conflictos ha
establecido que existe una estrecha relacion entre las politicas economicas neoliberales y la violacion de
derechos humanos. (…). Asimismo, en un contexto de transicion resulta esencial analizar el legado economico
de los regimenes autoritarios o conflictos. En este sentido varias voces dentro de la disciplina estan examinando
la relación entre la deuda externa, deuda ilegitima y justicia transicional. » Nogal Muñoz Ester & Isa Gómez
Felipe, « Derecho economicos y sociales en procesos de justicia transicional : debates teoricos a la luz de una
práctica emergente », p. 20.
14
Aquí podría ir el texto de Lorena Balardini, El “blindaje” judicial: los jueces como dueños de un saber
especifico y en ejercicio de posiciones de poder características del campo social al que pertenecen (el campo
6

À partir de 2001, et davantage encore à partir de 2003 15, se produisit une série de
changements fondamentaux. Sous la présidence de Nestor Kirchner, les événements des
années 1970 prirent une place centrale sur la scène publique, et les droits de l’homme furent
pour la première fois l’objet d’une politique d’État. Lors de la cérémonie organisée le 24 mars
2004 à l'occasion de la visite du Président – accompagné d’un groupe de survivants qui y
avaient été séquestrés sous la dernière dictature – de l’École Supérieure de Mécanique de
l’Armée (ESMA), la décision fut prise d’en expulser les institutions de formation de la Marine
pour y édifier le Musée de la Mémoire. Cette mesure constitua un exemple clair du
changement de politique adopté par l’État.
Les procédures pénales, qui étaient jusqu'alors closes, furent au même moment
rendues de nouveau possibles lorsque la loi n° 25.779, adoptée en 2003, frappa de nullité les
« Loi du Point Final » et « Loi de l'Obéissance Due ».16 La Cour Suprême de Justice de la
jurídico) han explotado los recursos legales disponibles para “blindar” los efectos de la impunidad. (…) El poder
judicial ha contribuido a sostener la impunidad aprovechando los vericuetos legales y el saber experto para
consolidar un verdadero blindaje de la judicialización, p. 1a 4
15
El enjuiciamento de los responsables del genemocidio, crimenes de lesa humanidad, crimenes de guerra y otras
violaciones sistematicas pueden ayudar a establecer no solo la responsabilidad individual sino tambien el
desmoronamiento de las instituciones democraticas que posibilitaron el abuso. Van Zyl Paul, « Promoviendo la
justicia transicional en sociedades post conflicto », p. 65
16
Le 2 octobre 1992, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a notamment déclaré que les lois en
vigueur et le décret n ° 1002/89 étaient incompatibles avec l'article XVIII (droit à un procès équitable) de la
Déclaration américaine. des droits et devoirs de l'homme et des articles 1, 8 et 25 de la Convention américaine
relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a recommandé au gouvernement argentin de
verser aux pétitionnaires une juste indemnité pour les violations commises et d’adopter les mesures nécessaires
pour clarifier les faits entourant ces affaires et identifier les responsables des violations des droits de l’homme
commises pendant la dictature militaire. Même si l'Argentine n'était pas impliquée, il convient de mentionner
que dans l'affaire Barrios Altos contre le Pérou, la Cour interaméricaine des droits de l'homme avait déclaré que
les lois sur «l'autoamnistie» en vigueur au Pérou violaient le droit à des garanties judiciaires. parce qu'ils
cherchaient à entraver les enquêtes et la punition des responsables de violations graves des droits de l'homme,
telles que les actes de torture, les exécutions sommaires et les disparitions forcées. En effet, la loi péruvienne
24.479 a accordé une amnistie à tous les membres des forces de sécurité et aux civils accusés, ayant fait l’objet
d’une enquête, poursuivi ou condamné, ou ayant été condamné à une peine de prison, pour violation des droits
de l’homme. En outre, la loi 26.492 a déclaré que l’amnistie accordée conformément à la loi 24.479 ne pouvait
pas être révisée par une instance judiciaire et que son application était obligatoire, élargissant ainsi son champ
d’application à tous les responsables militaires, de police ou civils susceptibles de faire l’objet de poursuites.
violations des droits de l'homme commises entre 1980 et 1995, même si elles n'ont pas été inculpées. Comme
mentionné ci-dessus, même si les lois sur le «silence absolu» et «l'obéissance due» interdisaient aux tribunaux de
tenir des procès pénaux contre les responsables présumés des crimes, les premiers cherchaient un moyen de
poursuivre les enquêtes sur ce qui était arrivé aux victimes de la dictature. De cette manière, des «essais de
vérité» ont été établis. Ces procès sont «sui generis» dans la mesure où ils ne comportent qu’une phase de
présentation des preuves sans conséquences pénales. Les tribunaux ont interprété le «droit à la vérité» selon lequel
il était reconnu que les proches ont le droit de savoir ce qui est arrivé aux personnes disparues. Depuis 1995,
plusieurs affaires ont été ouvertes dans le but d'enquêter sur les faits, même si les responsables n'ont pas pu être jugés
ni condamnés. Les chambres nationales d'appel de la ville de Buenos Aires et de la ville de La Plata ont entamé des
procédures dans le cadre desquelles elles ont enquêté sur les pistes existantes afin de localiser les disparus et de
recevoir des témoignages. Par exemple, dans l’affaire Lapacó du 18 mai 1995, la Cour d’appel nationale en matière
pénale et correctionnelle de la ville de Buenos Aires a affirmé qu '"il convenait qu'elle exerce son pouvoir
7

Nation confirma cette possibilité lors de sa décision dans le cas dit « Simón »17. Ce cas a été
l'occasion pour la Cour d'établir que « dans la mesure où celles-ci [les lois], comme toute
amnistie, s’orientent vers « l’oubli » de graves violations des droits humains, elles s’opposent
aux dispositions de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme et du Pacte
International des Droits Civils et Politiques, et par conséquent, sont constitutionnellement
intolérables »18. La Cour suprême a fondé sa décision sur le droit International des droits de
l’homme et sur les outils internationaux19, qui bénéficient du rang constitutionnel dans le droit
argentin depuis la réforme constitutionnelle de 199420, ce qui exclut l'objection de rétroactivité.
Aujourd'hui, plus de trente ans après la fin de la dictature militaire, les procès clos en
1987 ont été rouverts, si bien que des procédures pénales contre 1049 personnes pour les plus

juridictionnel" et que "bien que les lois 23.492 et 23.521 et le décret 1002/89, qui profitait aux membres des forces
armées, limitaient les possibilités de poursuites, ils n'impliquaient pas l'aboutissement de la procédure ». Cette affaire
a finalement abouti devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme et, dans le cadre d'un accord de
règlement à l'amiable, le gouvernement argentin a accepté et garanti le droit à la vérité «, ce qui implique
l'épuisement de tous les moyens pour obtenir des informations sur l'endroit où se trouvent les victimes. les personnes
disparues. C'est une obligation de moyen, pas de résultat, qui est valable tant que les résultats ne sont pas atteints, non
soumis à prescription ». L’État s’est également engagé à «adopter les lois nécessaires pour que les tribunaux pénaux
et correctionnels fédéraux de tout le pays aient la compétence exclusive dans tous les cas pour déterminer la vérité
sur le sort des personnes disparues avant le 10 décembre 1983». Le droit à la vérité n’est pas seulement un droit
individuel, il s’agit également d’un droit collectif: la société a le droit de savoir ce qui s’est passé, son histoire, ainsi
elle peut en guérir et en apprendre. En outre, en 2005, conformément à cette politique et sur la base de son
expérience, l’Argentine a rédigé une résolution sur le droit à la vérité parrainée par 48 États et approuvée par
consensus par les membres de la Commission des droits de l’homme. 2005/66. Cette résolution reconnaît notamment
que les victimes et la société en général ont le droit de connaître les circonstances dans lesquelles de graves violations
des droits de l'homme ont eu lieu, ainsi que les causes, les faits et l'identité des auteurs.
17
CORTE SUPREMA DE JUSTICIA DE LA NACIÓN, arrêt du 14 juillet 2005, Recurso de hecho - Simón, Julio
Héctor y otros s/ privación ilegítima de la libertad, etc." (dossier n° 17.768C). L’affaire débuta suite à la plainte
déposée par l’Association des Grand-mères de la Place de Mai pour l’enlèvement par des « forces coalisées » du
couple Hlaczik-Poblete et de leur fille Claudia Victoria Poblete. Cette dernière ne fut pas restituée à sa famille et
ses noms et prénoms furent changés en Mercedes Beatriz Landa.
18
Cas « Simón », §18. Aquí podría ir la misma cita que la n° 10, ver si es la pagina o el considerando
19
Aquí podría citarse a Ruti Teitel que describe la segunda fase de la Justicia Transicional  : Un examen de la
jurisprudencia transicional demuestra que el Derecho Internacional puede jugar un rol constructivo, proveyendo
una fuente alternativa de estado de derecho para guiar los juicios nacionales en sociedad en transicion. En ese
sentido, las normas legales internacionales son utiles para construir una percepcion de continuidad y consistencia
en el estado de derecho. Genealogía de la Justicia Transicional, p. 8
20
L’article 75 (22) de la Constitution Nationale Argentine établit que certains outils internationaux sur les Droits
de l’Homme, dont, inter alia, la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme, ont valeur de loi
constitutionnelle.
8

graves violations des droits de l’homme sont menées dans tout le pays 2122. Entre 2006 et octobre
2018, il y eu 209 décisions judiciaires23, dans lesquelles le nombre de condamnations s’éleve à
862, tandis que 122 accusés ont été acquittés24.

Parmi les décisions les plus notables figure l’arrêt rendu dans le procès dit de
l’« ESMA » (École de Mécanique de l’Armée) mené contre 17 membres de la Marine, prononcé
le 26 octobre 2011 et qui condamna à la prison à perpétuité Alfredo Astiz 25, Jorge « Le Tigre »
21
En esta nueva etapa del proceso en la busqueda de la verdad y la justicia ha tenido un desarrollo que lo
diferencia en terminos cuantitativos y cualitativos respecto de la encarada en los años ochenta. Ello se debe a que
la persecusion penal de aquel momento se circunscribio a un modelo acotado de casos y hechos, y delineo una
forma precisa de atribucion de responsabilidad que no apuntaba al juzgamiento total sino a una serie de casos
testigos, que se plasmo en el celebre juicio a las juntas militares. En la etapa actual no primó ese criterio ni la
definicion de una estrategia concreta de persecusion penal, sino que se caracterizó por la reapertura de todos los
casos que habían quedado truncos por la acción de las leyes de impunidad, y por la denuncia de nuevos hechos,
que en conjunto, dieron lugar a un numero mayor de investigaciones. Varsky Carolina & Balardini Lorena, « La
« actualizacion » de la verdad a 30 años de CONADEP. El impacto de los juicios por crimenes de lesa
humanidad », p. 37-38
22
Voir https://docs.google.com/file/d/0B8_g3dCcTjYJVEhEakVTV0xscWc/edit
23
Los juicios de hoy son una respuesta a los crimenes del pasado pero tambien, y de modo relevante, una
reafirmación de la labor de la justicia de la democracia, que en su primer intento no pudo superar las presiones.
Filippini, Leonardo, « La persecusión penal en la búsqueda de la justicia », p. 27-28
24
Sur les condamnations, très peu sont des peines fermes. Pour les statistiques (datées d’octobre 2018) voir
https://www.fiscales.gob.ar/lesa-humanidad/?tipo-entrada=estadisticas
25
Ex-capitaine de frégate de la Marine nationale argentine, chargé pendant la dictature de s’infiltrer dans les
organisations de défense des droits de l’homme. Il faisait partie du « Groupe de tâches » 3. 3. 2 dont l’ESMA
9

Acosta26, Ricardo Cavallo27, et Antonio Pernías28, entre autres. L’importance de ce procès réside
dans le fait que ce site militaire a été le lieu, comme nous l'avons déjà évoqué, du plus grand
centre clandestin de détention du pays, où sont passées près de 5000 personnes arrêtées et dont
une grande majorité reste toujours déclarée disparue. L'un des autres enjeux de cette décision est
que les arguments qui ont appuyé la décision du Tribunal 29 comprennent une analyse historique
exhaustive et un compte-rendu des derniers développements en matière de doctrine et de
jurisprudence des droits de l'homme.
Après la présidence de Cristina Kirchner, pendant lequel les procès ont continué, le
gouvernement actuel du président Macri est perçu comme installant une régression manifeste
en matière de droits de l’homme. Ce recul touche bien évidemment les procès liés aux
disparitions forcées. Ainsi, dans l’affaire Luis Muiña (condamné en 2011 à 13 ans de prison)
la Cour Suprême de Justice de la Nation rendit une décision très controversée en mai 2017,
dans laquelle elle a accordé à un oppresseur le 2x1, une méthode de réduction de peine de
prison. Le 2x1 e stipule que chaque jour que le détenu passe en prison sans procès, sera
compté double, et en ce faisant, leur temps en prison se voit réduit au moment de la
condamnation.30 Le risque de cette avancée était de créer un précédent grâce auquel le reste
des détenus pour crimes contre l’humanité pourraient demander à bénéficier du même
avantage pour être acquittés. Vu que deux des trois juges qui ont voté en faveur de cette
décision avaient été précisément élus à la Cour par le gouvernement de Macri, la lecture
politique ne fut pas étonnante. La société a réagi et un appel à la révolte a été fixé pour le 10
mai à la Plaza de Mayo avec une marche massive. Le pouvoir législatif a également réagi et
légiféré contre cette ordonnance avec la loi 27.362, qui interdit expresement ce bénéfice aux
condamnés pour la commission de crimes contre l’humanité. Finalmente, suite à la pression
sociale, le 4 décembre 2018 la Cour a renversé son précédant dans l’affaire de Rufino Batalla.

était la base. Il était surnommé « l’Ange blond » ou « l’Ange de la Mort ».


26
Ex-capitaine de frégate de la Marine nationale argentine. Sous la dictature, il a fait partie du «  Groupe de
tâches » 3.3.2., basé à l’ESMA.
27
Lieutenant de frégate de la Marine nationale argentine. Il exécuta des tâches à l’ESMA, où on le connaissait
sous les noms de « Sérpico » ou « Marcelo ».
28
Capitaine de frégate qui exerçait ses fonctions au sein de l’ESMA. Il était connu sous différents surnoms  :
« Tonnerre », « Rat » ou « Martín ».
29
TRIBUNAL ORAL FEDERAL N° 5, arrêt du 28 décembre 2011, Donda, Adolfo Miguel s/ infracción al art. 144
ter, párrafo 1° del Codigo Penal y sus acumuladas, disponible sur http://www.cij.gov.ar/adj/pdfs/ADJ-
0.528228001325176851.pdf
30
Trois des cinq membres de la Cour suprême ont estimé que Muiña pouvait bénéficier de cette loi, qui par
contre n’a été en vigueur que de 1994 à 2001. Le but de la loi était alors de désengorger des prisons pleines afin
d’éviter les mutineries, et elle a été abrogée car elle n’a finalement pas permis d’accélérer le processus judiciaire.
Les trois juges se sont basés sur le principe argentin de la peine la plus favorable au détenu. 
10

Ce bel exemple montre l'instabilité de la protection des droits étudiés et l'incertitude qui
entoure toujours les affaires judiciaires référées à la dernière dictature.

LES RÉPARATIONS

Lorsque la démocratie a été rétablie, la question des réparations a été mise au premier plan et
les questions suivantes se sont posées: quel type de dommages devrait être réparé? Quelles
formes devaient prendre les réparations? Quelle devrait être la signification des réparations?
Que cherchions-nous à accomplir avec un programme de réparation? Qui devrait être inclus
parmi les bénéficiaires des réparations?
Au tout début, la création de la CONADEP en décembre 1983 visait à «la vérification des
faits et à la divulgation complète et publique de la vérité», et conséquement pourrait être
considéré comme l’établissement d’une réparation sous forme de satisfaction. Mais ce n’est
que dans les années qui suivent que le processus argentin est devenu un bon exemple de
système de réparation post-dictatorial, historique et à grande échelle, qui comprend des
mesures pécuniaires et non pécuniaires31. Le processus montre également les obstacles
pouvant survenir dans les sociétés nouvellement démocratiques en ce qui concerne la mise en
œuvre de tels programmes. Le programme de réparations comprend des mesures destinées à
la partie lésée, sous forme d'indemnités pécuniaires, et des mesures visant l'ensemble de la
communauté, telles que les «espaces de mémoire». En ce sens, le programme propose
différents types de réparations prévues par les "Principes et directives de base sur le droit à un
recours et à réparation des victimes de violations flagrantes des droits de l'homme
internationaux et de violations graves du droit international humanitaire" de l’Assemblée
générale des Nations Unies32 (ci-après "Principes de base et «Lignes directrices»), telles que
la restitution (dans la mesure du possible), la réhabilitation, l’indemnisation, la satisfaction et
les garanties de non-répétition.
Sur la base de ces principes, pour ce qui est des réparations pécuniaires, au niveau national, un
ensemble de lois ont été adoptées dans le cadre d’une politique de réparation menée depuis
31
Aun cuando las reparaciones son medidas legales bien establecidas en diferentes sistemas en todo el mundo, en
los periodos de transición las reparaciones buscan, en última instancia, como lo hacen la mayor parte de las
medidas transicionales, contribuir (modestamente) a la reconstrucción o constitución de una nueva comunidad
política. En este sentido también, la mejor manera de concebirlas es como parte de un proyecto político. De
Greiff Pablo, “Justicia y reparaciones”, p. 412.
32
Résolution 60/147. Theodore Van Boven, Special Rapporteur, Basic Principles and Guidelines. Commission
on Human Rights, Sub-Commission on Prevention of Discrimination and Protection of Minorities (UN Doc.
E/CN.4/1997/104).
11

1991 dans le but d’offrir une réparation économique aux victimes du terrorisme d’État. Ces
lois peuvent être résumées comme suit:

33
a) La loi n° 24.043 (modifiée par la loi n° 24.096) procurait un avantage particulier aux
personnes placées entre les mains du pouvoir exécutif pendant l'état de siège du 6 novembre
1974 au 10 décembre 1983, date à laquelle le gouvernement démocratique fut rétabli. ou pour
ceux qui, civils, ont été arrêtés en vertu d'actes émanant de tribunaux militaires, qu'ils aient ou
non intenté une action en dommages-intérêts devant les tribunaux ordinaires. Les termes de
cette loi ont été exceptionnellement élargis par le décret n ° 1313/94.

b) La loi n° 24.41134 prévoit un bénéfice extraordinaire pour les héritiers des personnes qui
sont restées disparues de force à la demande des forces armées, des forces de sécurité ou des
groupes paramilitaires avant le 10 décembre 1983. Les héritiers de toute personne décédée des
suites des actions des forces susmentionnées avant le 10 décembre 1983 bénéficient
également des mêmes avantages. Le décret n ° 403/95 contient les dispositions de cette loi.

c) La loi n° 25.19235 établit un avantage exceptionnel et exceptionnel pour les héritiers des
personnes décédées à la suite des actes répressifs du soulèvement civilo-militaire qui a eu lieu
du 9 au 12 juin 1956. Cette loi a été complétée par un décret Nº 716/2004.

d) La loi n° 25.91436 prévoyait un avantage extraordinaire pour les personnes nées pendant la
privation de liberté de leur mère ou qui, étant mineur, était en détention en relation avec leurs
parents, qui était détenu et / ou avait disparu pour des raisons politiques, soit par le pouvoir
exécutif national et / ou des tribunaux militaires. Cet avantage augmente si l’identité des
enfants est modifiée de force ou si des blessures graves ou très graves sont infligées. La
prestation couvre à la fois les personnes nées à l'intérieur ou à l'extérieur des prisons ou des
lieux de détention.

e) La loi n° 26.56437 incluyait dans les prestations établies par les lois 24.043 et 24.411 les
personnes qui ont été arrêtées, ont été victimes de disparition forcée ou ont décédés dans l’une
des conditions et circonstances établies en eux.
33
Loi nº 24.043, entrée en vigueur le 23 décembre 1991.
34
Loi nº 24.411, entrée en vigueur le 28 décembre 1994.
35
Loi nº 24.192, entrée en vigueur le 24 novembre 1999.
36
Loi nº 24.914, entrée en vigueur le 25 août 2004.
37
Loi n° 26.564, entrée en vigueur le 16 décembre 2009.
12

Les demandes doivent être introduites auprès du Secrétariat national des droits de l'homme,
qui relève du ministère de la Justice et des Droits de l'homme. Dans de telles procédures, le
principe de in dubio pro bénéficiaire est applicable. Ainsi, en cas de doute, la demande doit
être résolue en faveur du demandeur. Les tribunaux ont également interprété de manière
ample la politique de réparation et ont élargi l'univers apparemment étroit des bénéficiaires.

Quant aux réparations non pécuniaires38, il faut tenir compte du fait que les
conséquences physiques et psychologiques du terrorisme 39 d'État sont liées à l'ampleur du
traumatisme subi à la suite de violations des droits de l'homme. Par conséquent, les
réparations devraient inclure non seulement le versement d’une indemnité aux victimes, mais
aussi permettre l’articulation de différentes formes de réparation, y compris
l’accompagnement des victimes, en garantissant un traitement adapté aux victimes lors du
processus de demande ainsi que la reconnaissance de la valeur de leur histoire. la
reconstruction d'une mémoire historique et l'application de la responsabilité judiciaire. Les
programmes de réparation doivent donc être complets.
Un élément fondamental d’un programme de réparation, qui peut relever de la notion
de satisfaction, est la reconnaissance publique des violations, qui peut être réalisée par le biais
de mesures judiciaires ou non. La satisfaction en tant que forme de réparation peut impliquer
un large éventail de mesures englobant à la fois des mesures à long terme et des mesures à
long terme.
Le programme de réparation de l'Argentine est un programme de grande envergure
car, outre l'établissement de mesures pécuniaires et de mesures de satisfaction, il comprend

38
Las dimensiones mas clasicas del derecho vinculadas a la prevencion y reparación, como son las medidas
vinculadas a la restitucion, indemnizacion, rehabilitacion, satisfacción de garantias de no repeticion y acceso a la
verdad son componenetes transformadores de esa realidad ya violada. Estos principios no son de facil acceso
para los sobrevivientes si no se dan en un proceso de construccion de confianza. Rousseaux Fabiana, « Memoria
y verdad. Los juicios como rito restitutivo », p. 78.
39
Nos preguntamos diariamente ¿que es lo reparador para las victimas ? Sabemos que las medidas reparadoras
en si mismas no otorgan sentido a la reparacion, pero tambien sabemos que esa significacion se construye en el
proceso alrededor del cual se da la medida reparatoria. La reparacion entonces es un proceso y no solo un acto.
En ese sentido cobran un valor central las medidas simbolicas que apuntan a efectivizar desde el estado una
actitud de ruptura con el pasado donde se han violado todos los derechos, y que permite instaurar un nuevo
significado de garantias de no repeticion por las cuales todo Estado reparador debe bregar. Rousseaux Fabiana,
« Memoria y verdad. Los juicios como rito restitutivo », p. 77
13

également des mesures de réadaptation des victimes. 40 Au cours de la dictature militaire, les
organisations de défense des droits de l'homme se sont battues pour la vérité et la justice et
sont devenues les pionnières d'un tout nouveau domaine de la santé mentale 41, offrant une aide
aux personnes directement touchées par le terrorisme d'État. À cette fin, il était nécessaire de
redéfinir les concepts, les théories et les techniques, ainsi que l’idée de deuil ou de
traumatisme, afin de répondre aux souffrances des victimes en créant le nouveau domaine de
la «santé mentale et des droits de l’homme».
À partir des échanges d’expériences avec d’autres professionnels latino-américains et
européens impliqués dans la question, il a été jugé plus approprié de parler de «souffrance
psychique» par opposition à «pathologie» au sens traditionnel du terme, car les effets
psychologiques présentaient certaines spécificités. et étaient la conséquence de situations
traumatiques.
Au cours des premières années du gouvernement constitutionnel après la dictature, on
s’attendait à ce que la vérité et la justice soient obtenues lors du procès de Juntas; Cependant,
l'impunité qui découlait des lois sur le «non-respect» et le "respect scrupuleux" - ainsi que des
pardons présidentiels ultérieurs - a entraîné l'oubli et le silence et créé un contexte quelque
peu pervers autour des lois sur les réparations pécuniaires en place, dans ce qui semblait être
un échange pour l'impunité. En effet, le scénario juridique local de la fin des années 80 et du
début des années 90 présentait deux situations différentes, presque opposées.
D'une part, les dirigeants de la junte se sont vus accorder une grâce présidentielle et les
lois susmentionnées sur les «arrêts absolus» et «le devoir d'obéissance» ont empêché la
poursuite des procès contre les responsables de violations des droits de l'homme. D'autre part,
l'État a offert des réparations pécuniaires aux victimes de ces crimes impunis. Une fois de
plus, les professionnels de la santé mentale ont dû relever le défi de faire face à ce nouveau
chagrin causé par le discours social dominant encouragé par l'État, qui a fait taire les
souffrances et incité à l'oubli du passé.
Si les victimes et leurs proches ne doivent pas réclamer justice, sans que la société
dans son ensemble veuille faire justice, celle-ci peut se retrouver prise au piège d'une impasse
insupportable. Ainsi, l'application des lois sur les réparations ne devrait pas être laissée à une

40
Basic Principles and Guidelines, paragraph 21.
41
« Hacer lugar a la palabra singular de cada testigo del horror y garantizar así el derecho que asiste a las
victimas, que es hablar en nombre propio para esgrimir su verdad, sin dejar de lado que esa verdad habla de un
acontecimiento social » Rousseaux Fabiana, « Memoria y verdad. Los juicios como rito restitutivo », p. 63
14

exécution technico-légale, mais devrait également prendre en considération les conséquences


que cette application pourrait avoir sur la subjectivité des victimes.42
Par exemple, la loi la plus récente sur la réparation, la loi n ° 25.914, accorde
réparation aux plus vulnérables pendant la dictature militaire: les enfants. Compte tenu de la
diversité et de la gravité des effets physiques et psychologiques qui ont entraîné des
dommages émotionnels persistants, l’État doit veiller à ne pas commettre à nouveau des actes
de violence envers ces enfants, qui sont aujourd’hui des adultes. Pour éviter cela, il convient
de tenir compte des normes internationales, qui impliquent des perspectives psychologiques et
juridiques intégrées, faisant ainsi appel à des professionnels spécialisés. Au début du
processus, les demandeurs doivent justifier de leur statut d’enfants de parents disparus à l’aide
du formulaire de demande prévu dans la loi. Quelle que soit la forme utilisée, le processus
impliquera de faire face à des épisodes de perte. L'expérience clinique montre différentes
réactions provoquées par cette récréation traumatique dans chaque subjectivité, alors que
l'inconscient travaille dans son propre temps logique, pas dans le temps, en renouvelant ce qui
revient d'un temps antérieur43.
L’un des effets les plus destructeurs des expériences d’horreur vécues par les
personnes touchées est que l’individu est ancré dans une identité de «victime». En ce sens,
l'identité cristallise la souffrance, la culpabilité d'avoir survécu, la morale du sacrifice, la
culpabilisation de soi-même ou le sentiment que quelque chose d'héroïque le soutient. Tous
ceux-ci continuent le travail de l'auteur. Par conséquent, témoigner, collaborer pour obtenir
justice ou passer de la voix passive à une voix active des personnes affectées sont autant de
moyens de transformer leur mémoire de ce qui s’est passé, en leur permettant de devenir des
personnages majeurs de leur histoire, ce qui leur permet de sens différent.
Il est important d'indiquer que le récit d'une expérience limite est fondamentalement
impossible à transmettre. Ainsi, lorsque le témoignage a lieu, il implique de délimiter et
d'élaborer chaque fois l'expérience non transmissible. Par conséquent, accompagner le témoin
aide à créer un espace de confiance afin que son témoignage produise un acte politique
concernant la mémoire, la vérité et la justice. Accompagner les victimes est une mesure de
42
Las reparaciones puede verse como un metedo para alcanzar una de las metas de un estado justo, a saber, la
inclusion, en el sentido de que todos los ciudadanos participan en igualdad de condiciones en un proyecto
politico en comun. De Greiff Pablo, “Justicia y reparaciones”, p. 430.
43
« Se le exige al testimonio un « tiempo normal », un tiempo cronologico. Sin embargo, los testimonios traen a
un presente actual los crimenes cometidos y enterrados en el pasado. Y ese « actual » se entrelaza con el tiempo
logico de la historia y del inconsciente, resignificando el sentido, la maginitud y las consencuencias de esos
crimenes » Rousseaux Fabiana, « Memoria y verdad. Los juicios como rito restitutivo », p. 72
15

protection car souvent, l'existence d'un filet de sécurité soutenant le témoin évite les situations
où la terreur paralyse et empêche la poursuite du processus.
Pour mener à bien cette tâche, il est nécessaire de considérer le rôle de l'agent de l'État
dans la tâche qui l'accompagne comme une fonction de réparation. L'agent de l'État articule
les domaines privé et public. En outre, l’accompagnement peut, en raison des caractéristiques
complexes de cette situation, impliquer la nécessité d’offrir un soutien face aux manifestations
psychologiques possibles. Les interventions axées sur le soutien sont en mesure de soulager
les personnes touchées et d’aider l’agent d’accompagnement à obtenir certains principes de
référence essentiels par rapport à la terrible histoire, évitant ainsi une nouvelle victimisation
du témoin.
Beaucoup de petits enfants ont été enlevés avec leur mère et beaucoup sont nés en
captivité. Le système de répression incluait une appropriation illégale des enfants qui étaient
ensuite adoptés ou enregistrés comme enfants de ceux qui les prenaient. Les «grands-mères de
la Plaza de Mayo»44 travaillent sur le droit à l'identité depuis 1977. Dans le cadre de leurs
demandes au gouvernement, elles ont demandé en juillet 1992 la création d'une commission
technique spécialisée. En conséquence, la Commission nationale du droit à l'identité
(CONADI) a été créée en novembre 1992, instaurant une relation de travail entre les ONG et
l'État. Son objectif initial était les enfants qui ont disparu pendant la dictature. Cependant, ses
activités ont été rapidement étendues pour répondre aux plaintes de vol, de traite d’enfants, de
mères privées d’enfants en situation marginale et d’adultes dont l’identité avait été changée.
Ainsi, la commission s'est rapidement transformée en un organe spécialisé dans le thème de
l'identité, veillant au respect des articles 7 et 8 de la Convention internationale des droits de
l'enfant (appelés aussi «articles argentins»).
La résolution n° 1328/92 du sous-secrétariat aux droits de l'homme et sociaux du
ministère de l'Intérieur, à l'époque, a créé une commission technique destinée à promouvoir la
recherche d'enfants disparus dont l'identité est connue et d'enfants nés en captivité. L'article 5
de la résolution autorisait la Commission à solliciter la collaboration et les conseils de la
Banque nationale de données génétiques. 45 En septembre 2001, la loi 25.457 a été approuvée,

44
Les «grands-mères de la Plaza de Mayo» sont une organisation de femmes qui, pendant la dictature, ont
commencé à rechercher leurs petits-enfants, dont les mères étaient enceintes au moment de leur enlèvement, et
donc nés pendant la captivité, ou leurs petits-enfants enlevé avec leurs parents. Ils se sont rassemblés sur la place
«de Mayo», devant la maison du gouvernement..
45
Créée par la loi 23.511. Son objectif principal est d'obtenir et de stocker des informations génétiques facilitant
la détermination de la résolution des conflits relatifs à l'identité biologique. La loi a établi que l’analyse
génétique doit être gratuite, l’obligation pour les juges d’ordonner un test ADN à toute personne soupçonnée
d’être le fils ou la fille d’une personne disparue et le fonctionnement de la Banque jusqu’en 2050, qui marque la
durée de vie moyenne des petits-fils et petites-filles recherchés par les grands-mères de la Plaza de Mayo.
16

46
conférant au CONADI un cadre juridique. Aujourd'hui, 128 jeunes ont découvert leur
identité après avoir comparu devant la Commission nationale du droit à l'identité.
Une autre forme de réparation comprend l’établissement de lieux de mémoire. La
récupération d'emplacements physiques, où l'appareil répressif fonctionnait auparavant, en
tant que lieux de mémoire fait partie du processus de restitution symbolique. De même, la
récupération de noms et de sépultures refusés aux victimes contribue également à la
reconstruction de la mémoire historique de l'Argentine, de sorte que l'engagement en faveur
de la vie et le respect sans restriction des droits de l'homme puissent constituer les valeurs
fondatrices d'une nouvelle société plus juste, équitable et généreuse.
Ainsi, en décembre 2003, le pouvoir exécutif national a publié un décret 47 créant les
archives nationales de la mémoire dans le but d’obtenir, de centraliser et de conserver des
informations, des témoignages et des documents sur les violations des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, ainsi que sur les réponses sociales et institutionnelles des
organisations non gouvernementales. de telles violations. Sa mission est de promouvoir
l'exercice d'une diversité de mémoires qui contribuent à une réflexion sur l'expérience du
terrorisme d'État, les conditions qui l'ont rendu possible, leurs conséquences et les dommages
irréparables qu'il a causés au tissu social qui continue de nous toucher aujourd'hui.
Les archives contiennent des documents historiques de la CONADEP, des fichiers
incorporés après la publication du rapport «Nunca Más» et les archives des lois sur la
réparation, dont le Secrétariat aux droits de l'homme est le dépositaire. Les archives nationales
de la mémoire fonctionnent au sein du Secrétariat aux droits de l'homme pour refléter son
importance politique.

46
De nos jours, la Commission relève du Secrétariat national aux droits de l'homme du Ministère de la justice et
des droits de l'homme. En 2004, le pouvoir exécutif national a créé une unité spéciale d’enquête sur la disparition
d’enfants en tant que conséquence des actes de terrorisme d’État, qui assiste dans des affaires connexes et est
également habilitée à ouvrir ses propres enquêtes, qu’elle transmet ensuite aux autorités judiciaires. La première
affaire “Mónaco de Gallichio, Darwinia Rosa c / Siciliano, Susana” a établi que l'adoption - ou l'adoption
plénière - d'enfants victimes de disparition forcée peut être déclarée nulle et non avenue en raison de la fraude
procédurale impliquée lors de la suppression de l'identité biologique, modifiant ainsi la jurisprudence existante
jusqu'à ce point. En effet, jusque-là, les adoptions réalisées par la loi 19.134 étaient irrévocables. L'enfant a
perdu tout lien avec sa famille biologique et il n'y avait aucune démarche à entamer. Les trois instances
judiciaires se sont accordées sur le fait que l’adoption d’enfants victimes du terrorisme d’État était nulle et non
avenue parce qu’elle avait été perpétrée en violation de la loi. Un débat est en cours sur les avantages de la
restitution en tant que vérité réparatrice aux niveaux individuel et social. La Cour suprême nationale de justice
dans l’affaire «Scaccheri de López María Cristina s / denuncia», d’octobre 1987, accorda une attention
particulière aux rapports d’experts psychologiques et conclut que «la présence de circonstances traumatisantes
liées à des absences au cours des premiers mois de la vie pouvait ensuite, inaugurer des pathologies déterminées
(…) un mensonge n’est pas un fait isolé, mais une construction, un réseau qui comprend de fausses déclarations,
des secrets et des interdictions (conscience et inconscient), qui circulent et sont transmis par tous les détails de
l’éducation (… ) la découverte de la vérité constituait la première action réparatrice »..
47
Décret 1259/03.
17

En outre, un «réseau fédéral de lieux de mémoire» a été créé 48 pour articuler travail et
échange d’expériences sur la méthodologie et les ressources entre les organes
gouvernementaux de défense des droits de l’homme qui, aux niveaux provincial, municipal et
de la ville de Buenos Aires, sont chargés de la gestion. «Lieux de mémoire» du terrorisme
d'État dans l'ensemble de l'Argentine. En outre, la création et la gestion de ces lieux et leur
intégration dans le réseau visent à fournir des informations aux procès en cours, contribuant
ainsi à clarifier la vérité concernant chaque centre de détention clandestin et son circuit
répressif correspondant. La gestion de ces «lieux de mémoire» contribue également à
l'identification des victimes et des auteurs, à la promotion des connaissances et à la réflexion
sur l'expérience génocidaire, ainsi qu'à l'analyse de ses causes, de son sens et de ses
conséquences, tout en préservant la mémoire du terrorisme d'État.
Le 24 mars 2004, le gouvernement a transféré le domaine du centre de détention
clandestin appelé «ESMA» (l'école de mécanique de la marine) en le transformant en «lieu de
mémoire et de promotion de la défense des droits de l'homme».
En outre, le 24 mars 2007, à l'occasion du 31e anniversaire du coup d'État, le pouvoir
exécutif national et la Commission de la mémoire provinciale ont conclu un accord aux
termes duquel le centre de détention clandestin dénommé «La Perla», situé dans la province
de Cordoue, était consacré lieu de mémoire. Il existe d'autres initiatives où le lieu en question
n'était pas un centre de détention clandestin, mais utilisé comme centre de planification de
l'appareil d'État répressif. C'est le cas de la direction du renseignement de la police de la
province de Buenos Aires, située dans la ville de La Plata, qui détient l'une des rares archives
que les auteurs n'ont ni détruite ni cachée et qui a été remise à la commission provinciale de la
mémoire. Par exemple, les archives, créées en 1956, contiennent plus de deux cent mille
fichiers personnels de suivi politique et idéologique couvrant une période allant de la fin des
années 1930 à 1998. De même, un «Musée de la mémoire». dans la ville de Rosario seront
établis là où fonctionnait le quartier général du IIe Commando de l'armée.
Enfin, il existe d'autres exemples de monuments ou d'autres structures symboliques ou
historiques érigés dans des lieux d'importance symbolique. Par exemple, un «parc de la
mémoire» est situé dans la ville de Buenos Aires, sur la rivière Plata, où de nombreuses
personnes disparues ont été jetées. Plusieurs sculptures et inscriptions commémoratives
portant les noms des victimes ont été érigées dans un espace spécialement créé à cet effet.
pour le souvenir du terrorisme d'État.

48
Secrétariat des droits de l’homme, Résolution 14/2007.
18

Parallèlement à ces actions, le ministre de la Défense a installé des plaques


d'identification sur les terrains des forces armées qui avaient servi de centres de détention
clandestins durant la période 1976-1983. 49 En outre, tous les travaux de construction sur les
domaines, les lieux et / ou les bâtiments où se trouvaient les centres de détention clandestins
ont été suspendus et toute modification de ceux-ci a été interdite. Le ministre a également
autorisé l'accès à toutes les archives militaires aux fins d'enquêtes sur les violations des droits
de l'homme en tant que moyen de contribuer à la recherche de la vérité, de la justice et des
réparations. Ces documents resteront à la disposition des archives nationales de la mémoire
afin qu’ils puissent être examinés par ceux qui ont un intérêt légitime. 50
Le programme de réparation de l'Argentine a connu plusieurs réformes visant à trouver
le meilleur moyen de faire face aux terribles conséquences de la dernière dictature militaire et
à son impact sur les personnes directement touchées et sur la société dans son ensemble. La
tentative d’inclusion de la responsabilité judiciaire a été interrompue au milieu des années 80
et, au début des années 90, le programme ne prévoyait que des réparations pécuniaires.
Néanmoins, aujourd’hui, le programme est devenu plus complet et englobe un éventail de
mesures de réparation, signe évident de la nécessité de reconstruire l’histoire nationale et la
mémoire collective.

RÉCAPITULATION : MEMOIRE ET EDUCATION POUR L’AVENIR

L’interaction entre la vérité, la justice et les réparations, finalement, repose sur


l’importance de la récupération de la mémoire sociale après des expériences traumatiques. En
fait, si l'époque présente se caractérise par une prolifération du souvenir – ce que certains
auteurs nomment une « inflation mémorielle » –, la présence démultipliée des souvenirs dans
les divers lieux de mémoire ne parvient pourtant que rarement à revitaliser le passé et à lui
donner toute sa portée dans le nouveau contexte politique et historique que traverse
l'Argentine. La mémoire et les droits de l’homme apparaissent comme un nouvel enjeu
pédagogique qui ne peut renoncer à certaines questions concernant la façon d’aborder le passé
à partir du présent, notamment celle-ci : de quoi se souvenir, comment se souvenir et
pourquoi se souvenir ?
Après les travaux autour de la Shoah, le combat pour la justice a stimulé et renforcé
le développement des normes internationales concernant le respect des droits de l’homme. En

49
Ministère national de la défense, Résolution 1309/2006.
50
Ministère national de la défense, Résolution 173/2006.
19

Argentine, le lien entre la Shoah et le terrorisme d'État a été pensé de ce point de vue : au-delà
de leurs caractéristiques propres, tous deux posent la question de savoir comment peut se
constituer une histoire et une mémoire publique qui signifie aussi une promotion des droits
fondamentaux.
Chercher à comprendre la dernière dictature argentine et en saisir l’horreur dans
toutes ses dimensions représente un double défi : celui de la construction d’une mémoire
collective à partir de l’analyse critique, celui de la prise en compte et de la compréhension au
présent des expériences – douloureuses – vécues au passé. Si éduquer à la mémoire consiste à
promouvoir le respect et la défense des droits de l’homme (compris comme des conquêtes
sociales), retracer les événements historiques implique, pour le travail éducatif, de s’appuyer
sur différents matériaux capables d’accompagner une transmission à la fois nécessaire et
complexe51. Menée par les institutions éducatives, la présentation de questions décisives pour
la compréhension du contexte de la dictature – comme celles de l’usage du pouvoir et ses
abus, ou la part des responsabilités individuelles et collectives des sociétés et des
gouvernements – s'appuie notamment sur le témoignage des survivants comme sur un certain
nombre de textes et d'images. Ce travail de mémoire vise à renforcer la lutte pour connaître et
diffuser la vérité historique. Il vise aussi à produire un espace dialogique de résistance
politique destiné à consolider une nation et ses objectifs de justice, ce qui implique qu'elle soit
capable de réfléchir aux traces laissées par le passé récent.
Comme M. de Frouville (no hay cita) l’a rappelé, la mise en œuvre des trois droits
(justice, vérité et réparation) est rarement synchrone, étant donné que ce sont les circonstances
et les expériences qui déterminent le lien entre les trois droits. Le cas de l’Argentine, comme
on vient de voir, montre une réalisation par étape que cependant exige : dans un premier
temps une « priorité » a été donnée au droit à la vérité avec la mise en place d’une
51
Hay diversos modelos o propuestas, implicitos y explicitos, en estos programas. En un primer modelo, el
enfasis esta puesto en transmitir informacion sobre los ocurrido partriendo del supuesto de que si se sabe qué
pasó, esto incide directamente en la formación de los sujetos. (…) La relación entre información y orientación o
practica ciudadana , sin embargo, no es lineal o directa. En consencuencia, cada vez mas, la estrategia de
transmision anclada en la informacion es complementada o incluso reemplazada por otra que promueve la
reflexion que recibe nombres tales como « reflexion critica », « memoria democratica », « memoria historica »,
« procesos autonomos locales y regionales de esclarecimiento de la verdad y reconstruccion de las memorias ».
Todos estos programas comparten una idea subyacente : « el deber de memoria », el convencimiento de que
existe un imperativo moral o deber civico de recordar el horror y que ese recuerdo es un antidoto para prevenir
violencias y horrores futuros. Y todavia hay algo mas : que esa memoria y esa obligacion moral de alguna
manera aseguran la formación de ciudadanos y ciudadanas con convicciones y prácticas democráticas. Jelin,
Elizabeth, « Memoria y democracia. Una relación incierta », p. 236-237.
20

commission vérité et réconciliation, la CONADEP. Par contre, il a fallu ensuite attendre bien
longtemps – et le processus est toujours en cours – pour que le droit à la vérité individuel soit
mise en œuvre.
La justice et l’éducation doivent travailler ensemble pour soigner les cicatrices encore
visibles du terrorisme d’état. Des incertitudes subsistent quant à la progression des affaires
judiciaires ouvertes. Il y a aussi des doutes autour des voies de convergence des droits à la
vérité, à la justice et à la réparation à l'avenir. Cette interaction est essentielle afin de garantir
le plein respect des droits des proches des personnes disparues et des victimes de la dictature
civique et militaire argentine, sans aucun doute l’une des dictatures les plus cruelles jamais
enregistrées.

BIBLIOGRAFÍA
Comision Nacional Sobre La Desaparicion De Personas, « Plus jamais ça », Eudeba,
Buenos Aires, 1984.
CORTE SUPREMA DE JUSTICIA DE LA NACION, arrêt du 14 juillet 2005, Recurso
de hecho - Simón, Julio Héctor y otros s/ privación ilegítima de la libertad, etc." (dossier
n° 17.768C).
Décret 187/83 (15 décembre 1983, [251] A.D.L.A. 17).
Décret 1002/89.
Décret n ° 1313/94.
Décret 1259/03.
I. DUSSEL, S. FINOCCHIO et S. GOJMAN, 1997.
Loi nº 23.492 (Ley de Punto Final)
Loi 23.511
Loi nº 23.521 (Ley de Obediencia Debida).
Loi n° 24.043 (modifiée par la loi n° 24.096)
Loi n° 24.411
Loi n° 25.192
Loi 25.457
Loi n° 25.779
Loi n° 25.914
Loi n° 26.564
Procuracion General de la Nación, Informe sobre el estado de las causas por violaciones a
los derechos humanos cometidas durante el terrorismo de Estado, 2013
21

https://docs.google.com/file/d/0B8_g3dCcTjYJVEhEakVTV0xscWc/edit
Résolution 60/147. Theodore Van Boven, Special Rapporteur, Basic Principles and
Guidelines. Commission on Human Rights, Sub-Commission on Prevention of
Discrimination and Protection of Minorities (UN Doc. E/CN.4/1997/104).
Résolution n° 1328/92
Ministère national de la défense, Résolution 173/2006
Ministère national de la défense, Résolution 1309/2006.
Secrétariat des droits de l’homme, Résolution 14/2007.
Tribunal Oral Federal n° 5, arrêt disponible sur http://www.cij.gov.ar/adj/pdfs/ADJ-
0.528228001325176851.pdf

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