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DOCUMENT 5

Congruences dans Z; anneaux Z/nZ.

L’anneau Z est infini et il existe donc des entiers dont l’écriture en base 10 possède un
nombre arbitrairement grand de chiffres. Cela suffit pour que des problèmes d’apparence très
élémentaire, tels que l’entier N = (71980 )1990 − (380 )90 est-il divisible par 10 1 , soient difficiles
à résoudre en utilisant uniquement les opérations de Z. Dans ce document, nous allons voir
que l’introduction de congruences convenables sur Z permet de résoudre facilement ce type de
problème. Plus généralement, les congruences sont très utiles dans l’étude de la divisibilité et
les anneaux quotients associés ont aussi un grand intérêt en particulier pour la reprsentation des
groupes cyclique et, plus généralement des groupes de type finis.

1. Relations de congruence modulo n


1.1. Définition. Soit n un entier naturel. On définit une relation binaire Rn sur Z par
aRn b ⇔ il existe λ ∈ Z tel que a − b = λn.
Proposition 5.1. a) Pout tout entier n ∈ N, la relation binaire Rn est une relation
d’équivalence sur Z, R0 est la relation d’égalité et R1 est la relation toujours vraie.
b) Pour tout (a, b) ∈ Z2 et tout entier n > 0 on a aRn b si et seulement si le reste rn (a) de la
division euclidienne de a par n est égal au reste rn (b) de celle de b par n.
c) Si aRn a0 et bRn b0 alors on a (a + b)Rn (a0 + b0 ) et (ab)Rn (a0 b0 ).
Preuve. a) Evident.
b) Supposons aRn b avec n > 0. Par division euclidienne on a a = nq + rn (a), 0 ≤ rn (a) < n,
et b = nq 0 + rn (b), 0 ≤ rn (b) < n. Si rn (a) = rn (b) alors a − b = n(q − q 0 ) d’où aRn b.
Réciproquement si aRn b alors il existe λ ∈ Z tel que λn = a − b = n(q − q 0 ) + rn (a) − rn (b) et
donc rn (a) − rn (b) = (λ + q 0 − q)n. Or −n < rn (a) − rn (b) < n et donc on a rn (a) = rn (b) (car
0 est le seul multiple de n strictement compris entre −n et n).
c) Si aRn a0 et bRn b0 alors il existe deux entiers λ et µ tels que a − a0 = λn et b − b0 = µn. Il en
résulte que :
(a + b) − (a0 + b0 ) = (λ + µ)n et ab − a0 b0 = (λb0 + µa0 + λµn)n
d’où (a + b)Rn (a0 + b0 ) et (ab)Rn (a0 b0 ).
Notations. La classe d’équivalence de l’entier a pour la relation Rn est notée a et éventuellement
a[n] s’il est nécessaire de préciser la valeur de n. On a donc a = {b ∈ Z | aRn b}. L’ensemble
quotient de Z par Rn , c’est-à-dire l’ensemble des classes d’équivalence modulo n, est désigné par
Z/nZ et on écrit a ≡ b (mod n) au lieu de aRn b.
1Solution. Toutes les congruences sont modulo 10. On a 72 ≡ −1 d’où 74 ≡ 1. Comme 1980 = 4.495,
1980
7 = (74 )495 ≡ 1495 = 1, d’où (71980 )1990 ≡ 11990 ≡ 1. De même, 32 ≡ −1, 34 ≡ 1, 380 = 34.20 ≡ 120 = 1
(380 )90 ≡ 190 = 1 et donc N ≡ 0, N est divisible par 10.

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42 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ.

Définition 5.1. La relation Rn est appelée relation de congruence modulo n. On traduit


sa propriété c) de la proposition 5.1 en disant que la congruence modulo n est compatible avec
l’addition et la multiplication des entiers.
Si R est une relation d’équivalence sur Z compatible avec + et . alors il existe un idéal I de
Z tel que
pRq ⇔ p − q ∈ I.
Comme tout idéal de Z est de la forme nZ avec n ≥ 0, on voit que les congruences modulo n
fournissent toutes les équivalences compatibles sur Z.

Dans la suite on ne considère plus que des congruences modulo un entier supérieur
ou égal à 2.
Lorsque différentes congruences interviennent, on peut utiliser la proposition suivante.
Proposition 5.2. Soit n1 . . . nk des entiers naturels non nuls et a, b ∈ Z. Si a ≡ b (mod ni ),
pour 1 ≤ i ≤ k, alors a ≡ b (mod ppcm(n1 , . . . , nk )). En particulier, si les entiers ni sont
premiers entre eux deux à deux alors a ≡ b (mod n1 . . . nk ).
Preuve. C’est une conséquence immédiate de l’une des propriétés caractéristiques du ppcm: si
ni | n pour 1 ≤ i ≤ k alors ppcm(n1 , . . . , nk ) | n. Dans le cas où les ni sont premiers entre eux
deux à deux on a ppcm(n1 , . . . , nk ) = n1 . . . nk .
Exemple. 1. Montrons, en utilisant la proposition précédente, que 561 est un nombre de
Carmichaël, c’est-à-dire qu’il vérifie le petit théorème de Fermat sans être premier.
Il est particulièrement utile de remarquer que 561 = 3.11.17 et que 560 = 2.280 = 10.56 =
16.35. On a x561 − x = x(x560 − 1). Si x ∈ 3Z alors x ≡ 0 (mod 3) d’où x(x560 − 1) ≡ 0 (mod 3).
Maintenant si x 6∈ 3Z alors, par le théorème d’Euler, x2 ≡ 1 (mod 3) d’où x560 = (x2 )280 ≡
1 (mod 3) et encore x(x560 − 1) ≡ 0 (mod 3). On obtient le même résultat en remplaçant 3 par
11 et par 17 d’où, par application de la proposition précédente, x(x560 − 1) ≡ 0 (mod 561).

Exemple. 2. L’entier n ≥ 2 est dit pseudo-premier (en base 2) si 2n−1 ≡ 1 (mod n). Le
théorème de Fermat montre que tout nombre premier est pseudo-premier. Les nombres de
Carmichaël sont aussi des nombres pseudo-premiers.
Montrons que 341 est pseudo-premier. Le théorème d’Euler (ou de Fermat) entraine que
210 ≡ 1 (mod 11) d’où 2340 = (210 )34 ≡ 1 (mod 11). D’autre part, 25 = 32 ≡ 1 (mod 31) d’où
2340 = (25 )68 ≡ 1 (mod 31) et la proposition précédente entraine 2340 = 1 (mod 11.31 = 341).
On peut montrer que 561 est le plus petit nombre de Carmichaël et 341 le plus petit pseudo-
premier, le suivant étant 561.
1.2. Description de Z/nZ, n ≥ 2. Désignons toujours par rn (a) le reste de la division
euclidienne de a par n.
Les n premiers entiers naturels ont des classes distinctes modulo n car, si k est l’un d’entre
eux, k = rn (k). Il en résulte que Z/nZ possède au moins n éléments 0, 1,..., n − 1. Soit a ∈ Z.
Par division euclidienne par n, a = nq + rn (a) d’où a ≡ rn (a) (mod n) et, comme 0 ≤ rn (a) < n,
a ∈ {0, 1, ..., n − 1} et finalement
Z/nZ = {0, 1, ..., n − 1}.
Considérons maintenant un entier a premier avec n et n entiers m1 , . . . , mn ayant tous des
classes différentes modulo n. Pour tout entier b si l’on a ami + b ≡ amj + b (mod n) alors
2. LA STRUCTURE D’ANNEAU DE Z/nZ. 43

n | a(mi − mj ) et, comme a et n sont premiers entre eux, le théorème de Gauss entraine
n | mi − mj et donc mi = mj . Autrement dit, i 6= j entraine ami + b 6= amj + b. On peut, en
particulier, prendre a = 1 et mi = i − 1, 1 ≤ i ≤ n, ou b = 0 et mi = i − 1, 1 ≤ i ≤ n. On a
démontré :
Proposition 5.3. Pour tout entier n ≥ 2, Z/nZ possède n éléments et
Z/nZ = {0, 1, ..., n − 1}.
Plus généralement, pour tout entier a premier avec n, tout entier b et toute suite m1 , . . . mn de
n entiers ayant des classes distinctes modulo n,
Z/nZ = {ami + b | 1 ≤ i ≤ n}
et, en particulier,
Z/nZ = {b, b + 1, ..., b + (n − 1)};
Z/nZ = {0, a, 2a, . . . , (n − 1)a}.

2. La structure d’anneau de Z/nZ.


2.1. Définition de la structure d’anneau. Soit A et B deux éléments de Z/nZ. La
partie (3) de la proposition 5.1 signifie que si a, a0 ∈ A et b, b0 ∈ B alors a + b = a0 + b0 et
ab = a0 b0 . Cela permet de définir deux lois de composition sur Z/nZ, l’une notée additivement
et l’autre notée multiplicativement, par :
A + B = a + b, AB = ab avec a ∈ A, b ∈ B.
On a donc par définition a + b = a + b et ab = ab.
Proposition 5.4. Le triplet (Z/nZ, +, .) est un anneau commutatif et unitaire.
Preuve. La commutativité de l’addition et de la multiplication dans Z entraine immédiatement
que les deux opérations de Z/nZ sont aussi commutatives. Pour la vérification des autres
propriétés, considérons trois entiers a,b, c ainsi que A = a, B = b, C = c. En utilisant les
propriétés d’anneau unitaire de Z on a :
• (A + B) + C = (a + b) + c = (a + b) + c = (a + b) + c = a + (b + c) = a + (b + c) =
a + (b + c) = A + (B + C). L’addition de Z/nZ est associative.
• A + 0 = a + 0 = a + 0 = a = A. L’addition possède l’élément neutre 0 souvent noté
plus simplement 0.
• A + −a = a + −a = a − a = 0 = 0. Tout élément A = a de Z/nZ possède un opposé
−a noté −A.
• (AB)C = (ab)c = (ab)c = (ab)c = a(bc) = a(bc) = a(bc) = A(BC). La multiplication
de Z/nZ est associative.
• (A + B)C = (a + b)c = (a + b)c = (a + b)c = ac + bc = ac + (bc) = a c + bc = AC + BC.
La multiplication est distributive par rapport à l’addition.
• A1 = a1 = a.1 = a = A. L’élement 1, souvent noté 1, est neutre pour la multiplication.
Remarque. Soit G un groupe noté additivement. Pour tout élément g de G et tout entier k on
définit un élément noté kg de G. Pour k ≥ 0 cet élément est défini par récurrence : c’est l’élément
neutre de G si k = 0 et c’est la somme g + (k − 1)g si k > 1. Pour k < 0, on pose kg = (−k)(−g).
Si m est un entier alors, dans Z/nZ, km = km = km. Seule la première égalité demande une
preuve : si k ≥ 0 on a km = m + ... + m = (1 + ... + 1)m = (1 + ... + 1)m = km = km et si
k < 0 alors km = (−k)(−m) = (−k)(−m) = km.
44 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ.

2.2. Quelques propriétés de (Z/nZ, +, .). Plusieurs propriétés de Z/nZ sont liées à la
notion d’entiers premiers entre eux.
Proposition 5.5. Soit n ≥ 2 et m ∈ Z. Les affirmations suivantes sont équivalentes :
(1) Les entiers m et n sont premiers entre eux ;
(2) L’élément m engendre le groupe (Z/nZ, +) ;
(3) L’élément m est inversible dans (Z/nZ, .).
Preuve. 1.⇒ 2. C’est une conséquence immédiate de la proposition 5.3 (cas b = 0 et
mi = i − 1).
2. ⇒ 3. Si m engendre le groupe Z/nZ alors il existe un entier k tel que km = 1 d’où km = 1
et k est l’inverse de m dans (Z/nZ, .).
3.⇒ 1. Si m est inversible soit k un entier tel que k = m−1 . On a 1 = km = km et il existe un
entier k 0 tel que 1 − km = k 0 n ou encore 1 = k 0 n + km. Le théorème de Bezout entraine que m
et n sont premiers entre eux.
Corollaire 5.1. Soit un entier n ≥ 2.
(1) Le groupe (Z/nZ, +) est cyclique ;
(2) L’anneau (Z/nZ, +, .) est un corps si et seulement si n est premier.
Preuve. 1. Pour tout entier n ≥ 2, n et 1 sont premiers entre eux et donc 1 engendre (Z/nZ, +)
qui, étant fini, est donc cyclique.
2. L’anneau (Z/nZ, +, .) est un corps si et seulement si tout élément non nul est inversible
c’est-à-dire si tout entier non multiple de n est premier avec n. Cela équivaut à n est premier.
Remarques. 1). Tout groupe cyclique d’ordre n est isomorphe à Z/nZ. En effet soit G un
tel groupe, a l’un de ses générateurs. On a G = {ka | k ∈ Z} et comme l’ensemble G est
fini, l’application k ∈ Z → ka ∈ G n’est pas injective : il existe deux entiers distincts k et
k 0 , k > k 0 , tels que ka = k 0 a et donc (k − k 0 )a = 0 avec k − k 0 > 0. Soit n0 le plus petit
entier strictement positif tel que n0 a = 0 et m ∈ Z. Par division euclidienne, m = n0 q + r
avec 0 ≤ r < n0 . On a ma = q(n0 a) + ra = ra d’où G = {0, a, 2a, ..., (n0 − 1)a}. Soit
i et j, i ≤ j, deux entiers de [0, n0 − 1]. Si ia = ja alors (j − i)a = 0 d’où i = j pour
ne pas contredire la définition de n0 . Le groupe G possède donc n0 éléments et n0 = n.
Considérons la bijection f de G sur Z/nZ qui à ma ∈ G fait correspondre m ∈ Z/nZ. On a
f (ma + m0 a) = f ((m + m0 )a) = m + m0 = m + m0 = f (ma) + f (m0 a) ce qui montre que f est
un isomorphisme de groupes.
2). Le groupe Z/nZ est isomorphe au groupe multiplicatif Un des racines n-èmes de l’unité. En
2kπ
i
effet, les racines n-èmes de l’unité sont les nombres complexes zk = e n , k ∈ Z, et
2kπ 2k 0 π [n] [n]
z k = zk 0 ⇔ = + 2λπ, λ ∈ Z, ⇔ k = k 0 + λn, λ ∈ Z, ⇔ k = k 0
n n
Considérons l’application f de Un dans Z/nZ définie par f (zk ) = k. Cette application est
[n] [n]
surjective et comme zk = zk0 équivaut à k = k 0 elle est aussi injective. On a
2kπ 2k 0 π 2(k + k 0 )0 π
i i i
zk zk 0 = e n e n = e n = zk+k0
d’où f (zk zk0 ) = k + k 0 = k + k 0 = f (zk ) + f (zk0 ) et f est donc un isomorphisme de groupes.
2. LA STRUCTURE D’ANNEAU DE Z/nZ. 45

Proposition 5.6. (Théorème chinois des restes). Soit m et n deux entiers ≥ 2. Les entiers
m et n sont premiers entre eux si et seulement si l’anneau Z/mnZ est isomorphe à l’anneau
produit Z/mZ × Z/nZ.
Preuve. Supposons m et n premiers entre eux et soit x et y deux entiers. Le produit mn
divise x − y si et seulement si m | (x − y) et n | (x − y). Autrement dit, x[mn] = y [mn] si et
seulement si x[m] = y [m] et x[n] = y [n] . On peut donc définir une application f de Z/mnZ dans
Z/mZ × Z/nZ par f (x[mn] ) = (x[m] , x[n] ) et cette application est injective. Les ensembles finis
Z/mnZ et Z/mZ × Z/nZ ayant tous deux mn éléments, l’application f est bijective. On vérifie
facilement que c’est un morphisme d’anneaux. (Par exemple, f (x[mn] + y [mn] ) = f (x + y [mn] ) =
(x + y [m] , x + y [n] ) = (x[m] + y [m] , x[n] + y [n] ) = (x[m] , x[n] ) + (y [m] , y [n] ) = f (x[mn] ) + f (y [mn] ).)
Supposons maintenant que l’anneau produit Z/mZ × Z/nZ soit isomorphe à Z/mnZ. Le
[n]
groupe additif de Z/mZ×Z/nZ est en particulier cyclique et soit (a[m] , b ) l’un de ses générateurs.
Il existe un entier λ tel que
[n] [n]
(1, 1) = λ(a[m] , b ) = (λa[m] , λb )
d’où l’existence d’un entier µ tel que 1 − λa = µm ce qui montre que a et m sont premiers entre
eux (b et n sont aussi premiers entre eux). Il existe aussi un entier γ tel que
[n] [n]
(0, 1) = γ(a[m] , b ) = (γa[m] , γb )
d’où l’existence de deux entiers u et v tels que
0 = γa + um, 1 = γb + vn
donc m | γa et, comme m et a sont premiers entre eux, le théorème de Gauss entraine que m | γ,
γ = δm, δ ∈ Z. Il en résulte que 1 = δmb + vn ce qui montre que m et n sont premiers entre
eux.
Remarques 1) L’isomorphisme f de la preuve précédente est en particulier surjectif : étant
[n]
donné deux entiers a et b il existe un entier c tel que f (c[mn] ) = (a[m] , b ), ou encore c[m] = a[m]
[n]
et c[n] = b . Autrement dit, si m et n sont premiers entre eux, le système de congruences
simultanées x ≡ a (mod m), x ≡ b (mod n) possède au moins une solution. Un étude plus
détaillée de ce type de système figure dans le document 3.
2) Le début de la preuve de la proposition montre que l’application r de [0, mn − 1] dans
[0, m − 1] × [0, n − 1], définie par r(k) = (rm (k), rn (k)), est une bijection si les entiers m et n
sont premiers entre eux. Tout entier de [0, mn − 1] est entièrement déterminé par le couple de
ses restes modulo m et n.
3) Soit n = pk11 ...pkr r un entier naturel ≥ 2 décomposé en facteurs premiers. Un récurrence simple
montre que Z/nZ est isomorphe à l’anneau produit Z/pk11 Z × .... × Z/pkr r Z
2.3. Les théorèmes d’Euler, de Fermat et de Wilson. Ces théorèmes sont démontrés
dans le document 4.
Proposition 5.7. (Théorème d’Euler) Soit n ≥ 2 et a deux entiers premiers entre eux. On
a aφ(n) ≡ 1 (mod n)
En particulier, si n est premier, an−1 ≡ 1 (mod n).
Proposition 5.8. (Petit théorème de Fermat). Soit p un nombre premier. Pour tout entier
a, ap ≡ a (mod p).
46 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ.

Proposition 5.9. (Théorème de Wilson) Un entier naturel p ≥ 2 est premier si et seulement


si (p − 1)! + 1 ≡ 0 (mod p).

3. Applications
3.1. Conditions de divisibilité, preuve par 9. En utilisant les congruences on peut
trouver des conditions simples permettant de conclure à la divisibilité d’un entier n par un
entier m en utilisant uniquement l’écriture de n en base 10. Il existe des conditions analogues
lorsque 10 est remplacé par une autre base.
L’idée générale est très simple et est connue sous le nom de théorème de Pascal. Soit
n = ap 10p + ap−1 10p−1 + . . . + a1 10 + a0 , 0 ≤ ai ≤ 9 et m > 0. Si pour tout k ∈ N∗ ,
10k ≡ rk (mod m) alors n ≡ ap rp + . . . + a1 r1 + a0 (mod m) et donc m | n si et seulement si
m | ap rp + . . . + a1 r1 + a0 . En pratique, on choisit les entiers rk petits et souvent ce sont les
restes de la division euclidienne de 10k par m
Divisibilité par 9 et 3, preuve par 9.
De 10 ≡ 1 (mod 9) on déduit, pour tout entier naturel k, 10k ≡ 1 (mod 9). Soit n =
ap 10p + ap−1 10p−1 + . . . + a1 10 + a0 , 0 ≤ ai ≤ 9, un nombre entier positif décomposé en base 10.
On a n ≡ ap + ap−1 + . . . + a1 + a0 d’où le résultat :
Proposition 5.10. Tout entier positif est congru modulo 9 à la somme de ses chiffres.
(Dans cet énoncé, comme dans d’autres qui vont suivre, on confond un entier de [0, 9] avec
le chiffre qui le symbolise.)

Plus généralement, tout entier ≥ 0 est congru modulo b − 1, b ≥ 2, à la somme des chiffres
de son écriture en base b. On déduit de la proposition 5.10 la condition de divisibilité par 9 :
Un entier n ≥ 0 est divisible par 9 si et seulement si la somme des chiffres de
son écriture décimale est divisible par 9.
La proposition 5.10 est aussi à la base de la preuve par 9. Soit a et b deux entiers na-
turels, c = ab, et d l’entier obtenu par l’algorithme de la multiplication de a par b, ces deux
entiers étant écrits en base 10. S’il n’y a pas eu d’erreur dans la pratique de cet algorithme
[9] [9]
on a c = d et donc a[9] b = d . Si cette égalité est vérifiée on dit que ”la preuve par
9 a marché” et la proposition 5.10 entraine que cette vérification est rapide (par exemple
314159856 = 3 + 1 + 4 + 1 + 5 + 9 + 8 + 5 + 6 = 42 = 4 + 2 = 6). Si la preuve ne marche
pas, le résultat d est faux mais si la preuve marche cela signifie simplement que le résultat
trouvé d est congru, modulo 9, au véritable résultat c.
On a aussi 10 ≡ 1 (mod 3) d’où, pour tout entier naturel k, 10k ≡ 1 (mod 3). Comme dans
le cas de l’entier 9, il en résulte que :
Un entier n ≥ 0 est divisible par 3 si et seulement si la somme des chiffres de
son écriture décimale est divisible par 3.
Divisibilité par 11
On a 10 ≡ −1 (mod 11) d’où, pour tout entier naturel k, 10k ≡ (−1)k (mod 11). Si l’entier na-
turel n se décompose en base 10 sous la forme n = ap 10p +ap−1 10p−1 +. . .+a1 10+a0 , 0 ≤ ai ≤ 9,
alors n ≡ (a0 + a2 + a4 + . . .) − (a1 + a3 + a5 + . . .) (mod 11) et donc 11 | n si et seulement
3. APPLICATIONS 47

k=p
X
si 11 | (a0 + a2 + a4 + . . .) − (a1 + a3 + a5 + . . .) ce qui s’écrit de façon plus précise 11 | (−1)k ak .
k=0
Divisibilité par 4, 8 et 16.
On montre, en utilisant le théorème de Pascal, que 4 (resp. 8) divise n = ap 10p + ap−1 10p−1 +
. . . + a1 10 + a0 si et seulement si 4 (resp. 8) divisent a0 + 2a1 (resp. a0 + 2a1 + 4a2 ). De même,
16 divise n si et seulement si 16 divise a0 + 10a1 + 4a2 + 8a3 . Par exemple 16 | 37 601 632 car
16 | 2 + 30 + 24 + 8 = 64.
Divisibilité par 5 et 2
Il est clair que n est divisible par 2 si et seulement si son chiffre des unités est lui-même divisible
par 2 et que n est divisible par 5 si et seulement si son chiffre des unités est 0 ou 5.

3.2. Le code UPC (Universal Product Code) ou code barre. Il est en général formé
d’une suite (ai ) de treize nombres entiers compris entre 0 et 9. Chacun de ces nombres est codé
par une barre verticale, un espace, une barre verticale et un espace. La largeur des barres et
des espaces varie de 1 à 4. Par exemple, 0 est symbolisé par une barre de largeur 3, un espace
de largeur 2, une barre et un espace de largeur 1. Les douze premiers nombres caractérisent
le produit, le treizième est une clé de contrôle qui permet de détecter certaines erreurs dans la
lecture des douze premiers.
Le nombre a13 (la clé) est tel que
k=6
X k=6
X
3 a2k + a2k+1 ≡ 0 (mod 10).
k=1 k=0

Si 3a2k ≡ 3a02k (mod 10) alors 10 divise 3(a2k − a02k ). En utilisant le théorème de Gauss
et −9 ≤ a2k − a02k ≤ 9, on a donc a2k = a02k . De même, si a2k+1 ≡ a02k+1 (mod 10) alors
a2k+1 = a02k+1 . Une erreur sur un seul des ak est donc toujours détecté.
Supposons maintenant que 3a2i + a2j+1 ≡ a2i + 3a2j+1 (mod 10). L’entier 10 divise 2(a2i −
a2j+1 ) et 5 divise (a2i − a2j+1 ). La permutation d’un a2i et d’un a2j+1 est donc détecté quatre
k=6
X k=6
X
fois sur cinq. En revanche, aucune erreur laissant chacune des sommes 3 a2k et a2k+1
k=1 k=0
inchangées n’est détectable.

3.3. Congruences simultanées. Voir le document 3.

3.4. Applications aux grands entiers. Les congruences permettent de résoudre des ex-
1990 90
71980 − 380
ercices amusants portant sur de grands entiers ( est-il entier,..) mais c’est aussi
1990 − 1980
un moyen efficace pour diminuer la taille des entiers intervenant dans les calculs sur ordina-
teur. Plus précisément, soit n1 , . . . , nk des entiers premiers entre eux deux à deux. Tout entier
n ≤ n1 . . . nk est entièrement déterminé par le k-uple (rn1 (n), . . . , rnk (n)) et, pour tout i de
[1, k], n ≡ rni (mod n). Si l’on doit faire de nombreuses multiplications de grands entiers on
peut effectuer les calculs en remplaçant ces entiers par leurs restes. Par exemple, si l’on prend
k = 10 et si chaque entier nk a une dizaine de chiffres, la multiplication de deux entiers de cent
chiffres est remplacée par dix multiplications d’entiers ayant au plus dix chiffres et la complexité
du calcul est divisée à peu près par dix. A la fin, il faut évidemment revenir aux entiers et la
48 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ.

on ne peut pas éviter des calculs portant sur des grands nombres. Cette technique est appelée
l’arithmétique modulaire.

4. Compléments
4.1. Le groupe multiplicatif (Z/pZ, .)∗ , p premier.
Proposition 5.11. Si p est un nombre premier alors le groupe multiplicatif (Z/pZ), .)∗ est
cyclique (et donc isomorphe à (Z/(p − 1)Z), +))
La preuve va résulter du lemme suivant.
Lemme 5.1. Soit G un groupe commutatif fini et n le ppcm des ordres des éléments de G.
Il existe un élément de G d’ordre n.
(On rappelle que l’ordre d’un élément d’un groupe est le cardinal du sous-groupe qu’il en-
gendre. Si a est d’ordre fini m alors m est le plus petit entier > 0 tel que am = 1. Dans le cas
d’un groupe fini, l’ordre de tout élément est un diviseur de l’ordre du groupe)
Preuve. Remarquons d’abord que si a est un élément d’ordre m d’un groupe et si ar = 1 alors
m | r. En effet, par division euclidienne, r = mq + s avec 0 ≤ s < m d’où ar = (am )q as = as
d’où s = 0.
n/p
Décomposons n en facteurs premiers : n = pα1 1 ...pαk k . Il existe a1 ∈ G tel que a1 1 6= 1 car,
si pour tout élément a ∈ G, an/p1 = 1 alors n/p1 est un multiple de tous les ordres des éléments
de G et donc aussi de leur ppcm n. Posons h1 = pα2 2 ...pαk k (h = 1 si k = 1) et soit b1 = ah1 1 .
α1 α1
p
On a b11 = [ah1 1 ]p1 = an1 = 1 car n est un multiple de l’ordre de a1 . L’ordre de b1 est donc un
diviseur de pα1 1 . Mais
α1 −1
n/p
bα1 1 −1 = [ah1 1 ]p1 = a1 1 6= 1
L’ordre de b1 est donc pα1 1 . On détermine de la même façon des éléments b2 , ..., bk d’ordres
pα1 2 , ...., pαk k . Soit c = b1 ....bk . La définition de n entraine cn = 1. Si cm = 1 alors, G étant
commutatif, bm m m −m
1 ...bk = 1 et donc b1 = b2 ....bk
−m
d’où bmh
1
1
= b−mh
2
1
....b−mh
k
1
= 1 car h1 est un
multiple de l’ordre de bi pour i ≥ 2. L’entier mh1 est donc un multiple de p1 . Comme pα1 1 et α1

h1 sont premiers entre eux, le théorème de Gauss entraine que pα1 1 | m. On a le même résultat
pour pαi i , i ≥ 2 et donc n | m d’où n ≤ m. L’ordre de c est n.
Preuve de la proposition. On considère G = (Z/pZ, .)∗ = {1, ..., p − 1} et soit n le ppcm des
éléments de G. Pour les (p − 1) éléments a de G on a an = 1 ce qui montre que a est un zéro du
polynôme P (X) = X n − 1 à coefficients dans le corps Z/pZ. Ce polynôme de degré n possède
au plus n zéros et donc p − 1 ≤ n. D’autre part, l’ordre de tout élément de G divise p − 1 et il
en est de même de leur ppcm n. Finalement, p − 1 = n et l’élément c d’ordre n engendre G.
Remarques 1) La preuve précédente utilise essentiellement l’existence du polynôme P (X) et le
résultat du lemme. On peut la généraliser aux sous-groupes multiplicatifs finis des corps : tout
sous-groupe multiplicatif fini d’un corps commutatif est cyclique.
2) La détermination d’un générateur de (Z/pZ, .)∗ n’est pas très facile en général (voir la preuve
du lemme). Si, par exemple, p = 13 alors on vérifie que 2 engendre (Z/13Z, .)∗ . Un isomorphisme
[12] [13]
de (Z/12Z, +) sur (Z/13Z, .)∗ est donc l’application f définie par f (k 1 ) = (2 )k , 0 ≤ k ≤
11.
En utilisant cet isomorphisme, comparable à une fonction exponentielle, on peut, par ex-
emple, résoudre dans N l’équation xx ≡ 2 (mod 13) (Solutions : x = 156n − 11, n > 0 ou
4. COMPLÉMENTS 49

x = 156n−7, n > 0 ou x = 156n−41, n > 0 ou x = 156n+59, n ≥ 0. ou x = 13[(a−r)+12n]+r


avec (a, r) ∈ {(1, 2), (5, 6), (7, 11), (11, 7)} et n tel que x ≥ 0)
4.2. Les groupes commutatifs de type fini. Les groupes engendrés par un seul élément,
autrement dit les groupes monogènes, sont commutatifs, isomorphes à Z lorsqu’ils sont infinis
et à Z/nZ lorsqu’ils sont finis et d’ordre n. Une généralisation naturelle de ces groupes est
constituée par les groupes engendrés par une partie finie. Ces groupes sont dits de type fini.
Le groupe (Z, +) et les groupes (Z/nZ, +) permettent de les décrire entièrement dans le cas
commutatif.
Proposition 5.12. Soit G un groupe commutatif de type fini. Si G est infini alors soit G est
isomorphe au groupe produit Zn , n > 0, soit il existe un suite finie d’entiers naturels n1 , . . . , nk
verifiant ni | ni+1 pour 1 ≤ i ≤ k − 1 et G est isomorphe au groupe produit Zn × Z/n1 Z × . . . ×
Z/nk Z, n > 0. Si G est fini alors il existe un suite finie d’entiers naturels n1 , . . . , nk verifiant
ni | ni+1 pour 1 ≤ i ≤ k − 1 et G est isomorphe au groupe produit Z/n1 Z × . . . × Z/nk Z.
La démonstration de cet important résultat dépasse le cadre de ce document.
50 5. CONGRUENCES DANS Z; ANNEAUX Z/NZ.

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