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M.

AMMAR Mohamed
Docteur en Droit Public
Faculté de droit et science politique
Reims

Publication sur le thème: Aperçu sur la naissance de la décentralisation en Espagne.

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Résumé :

L’État espagnol, État unitaire régionalisable, constitue depuis plus d'une décennie une référence
incontournable en matière de décentralisation pour plusieurs pays notamment le Maroc qui conduit
aujourd'hui un grand projet de réforme et d'organisation territoriale à savoir le projet d'autonomie
territoriale et de la régionalisation avancée. Nous voulons revenir sur le sujet de décentralisation
ainsi que son rapport avec le processus démocratique en Espagne bien évidemment à la lumière de
l'évolution de ce pays et de sa Constitution, une évolution remarquable couronnée par l'adhésion à
l'Union européenne avec des régions fortes, productives et autonomes.

Mots clé – français- :

démocratie, décentralisation, communautés autonomes, constitution, transition démocratique, État


unitaire, référendum,

Mots clés- anglais- :

democracy, decentralization, autonomous communities, constitution, democratic transition,


unitary state, referendum.

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Introduction :

L'Espagne est avec ses 46 millions d'habitants, le cinquième pays le plus peuplé de l'Union
européenne. Après quarante ans de dictature de Franco, les Espagnols ont connu un retour à la
démocratie au milieu des années 1970 avec l'établissement d'une monarchie constitutionnelle. La
Constitution de 1978 a créé un système politique original, mêlant un État unitaire et des régions
dotées d'une grande autonomie. Cependant, le système politique moderne de l'Espagne a commencé
à se former pendant le 19ème siècle en exerçant plusieurs concepts complètement contradictoires,
ce qui a toujours fini par un conflit. (pendant le 19ème siècle, l'Espagne a connu cinq révolutions)
(1). Il s'agit d'un parcours difficile qui a marqué le peuple espagnol avant et après le général Franco
ainsi qu'après la mise en place d'une politique rigoureuse de décentralisation avec l'appui d'une
Constitution solide et à la hauteur des aspirations du peuple espagnol.
Nous traitons brièvement deux points importants au sujet du rapport entre la décentralisation et la
démocratie en Espagne à savoir la création des régions autonomes et la marche de l'Espagne vers
l'union européenne par le biais d'une succession de réformes démocratiques.

Décentralisation, une partie intégrale de la démocratisation en Espagne :

Le processus de la formation de l'Espagne unie était compliqué et assez long. La division de


l'Espagne contemporaine en 17 communautés autonomes et deux villes indépendantes(sur le côté
marocaine) a une base dans le 15ème siècle. Les efforts des régions autonomes de gagner une plus
grande indépendance ont commencé dans la deuxième moitié du 19ème siècle, mais « le feu vert a
été donné » lors de la deuxième république. La Constitution républicaine, adoptée en décembre
1931 a donné aux régions la possibilité d'obtenir l'autonomie. La première région qui est devenue
autonome était la Catalogne en septembre 1932. Le statut basque a été approuvé quelques mois
après le déclenchement de la guerre civile, en octobre 1936 et enfin le statut galicien a été approuvé
par un référendum aussi en1936(2),
Ces trois régions, dont le pays Basque, la Catalogne et la Galice, on appelle également les régions
historiques, parce qu'elles ont obtenu une plus ou moins grande autonomie lors de la deuxième
république. C'était la guerre civile et le franquisme pendant les années 1939-1975, qui ont
interrompu les tendances de la décentralisation dans plusieurs régions espagnoles. La dictature du
général Franco a annulé l'autonomie catalane et basque et a supprimé des spécificités régionales des
régions espagnoles. Malgré, ou plutôt à cause de ce régime, dans certaines régions l'opposition au
système de l’État centraliste et unitaire s'est intensifiée,(3)

2
A/ La Constitution de 1978 et la création des régions autonomes,

Après la mort du dictateur Franco en novembre 1975, l'Espagne a commencé la démocratisation


complète du régime. Une de ses caractéristiques les plus importantes était aussi le processus de la
décentralisation des régions espagnoles. La décentralisation était l'un des principaux enjeux
politiques de la transition de la dictature à la démocratie et de la création de la nouvelle
Constitution.
Les droits des régions longtemps réprimés ont causé les grandes tensions entre le centre (Madrid) et
la périphérie pendant la transition démocratique. Donc le gouvernement a dû faire face à cette
problématique et inclure le processus de la décentralisation à la liste des questions importantes.
Le point culminant symbolique de la transition démocratique après la chute de franquisme était
l'approbation de la nouvelle Constitution en 1978. Dans le processus de la décentralisation et de la
création de la Constitution, il existait deux différentes opinions.
La droite, représentée par le parti de Suerez, Union de centre démocratique a favorisé l'autonomie
que pour les régions historiques, c'est-à-dire, le Pays Basque, la Catalogne et la Galice.
Contrairement, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), représenté par Gonzales, a préconisé
l'autonomie de toutes les régions avec les mêmes pouvoirs. Les critiques de la décentralisation ont
appelé ce phénomène café para todos. Ce terme a signifié l'harmonisation des compétences entre
les communautés autonomes. Mais les régions historiques ont été fortement contre cette tendance,
parce qu'il ont vu un centralisme caché dans cet effort d'unifier les compétences régionales. Le
conflit s'est terminé par un compromis. La Constitution espagnole définit deux formes d'autonomie,
dont la différence se trouve dans la vitesse du processus de l'autonomie, c'est-à-dire la vitesse avec
laquelle les différentes régions prennent des compétences du Centre.(4)
La Constitution, approuvé en décembre 1978 par les citoyens espagnols lors d'un référendum, dans
l'article 2, déclare une unité irrévocable de la nation espagnole, et pour les différentes nationalités et
des régions qui composent la nation espagnole, et pour les différentes nationalités et des régions qui
composent la nation espagnole, elle garantit le droit à l'autonomie, tout en maintenant le principe de
la solidarité régionale. La Constitution définit l'Espagne comme un État unitaire décentralisé basé
sur l'autonomie des communautés autonomes(Comunidades Autonomas) avec les degrés
d'autonomie différents : Andalousie, Aragon, Asturies, Îles Baléares, îles Canaries, Cantabrie,
Castilla- la Mancha, Castilla y Leon, Catalogne, Valence, Estrémadure, Galice, La Rioja, Murcie,
Navarre, Pays Basque. Les communautés autonomes sont subdivisées en 50 provinces en Espagne
et les deux autres provinces en Afrique du Nord (Ceuta et Melilia), qui ont le statut de villes
autonomes (Ciudades autonomas)(5).
3
Selon l'article 2 de la Constitution, la nation espagnole souveraine reste indivisible, mais les
nationalités et les régions portent le statut d'autonomie. La Constitution consacre un total de seize
articles pour la définition de la subdivision territoriale de l’État. Toutes les communautés autonomes
disposent d'une grande autonomie avec des pouvoirs législatifs et exécutifs larges, leurs propres
parlements et les gouvernements. Chaque région pouvait mettre dans ses compétences les différents
pouvoirs, avec l'exception de 32 compétences que la Constitution a autorisées pour l'état (comme
par exemple la politique étrangère, la défense, la sécurité, la monnaie, la politique d'asile, le
transport maritime,etc.) (6)

La Constitution de 1978 a lancé un chemin de transfert progressif de divers pouvoirs du centre vers
les régions. Il s'agit d'un système bien établi dans les fédérations, mais le gouvernement de Madrid
met l'accent sur le caractère unitaire de l’État. Une caractéristique typique de l’État unitaire est que
l’État conserve le droit de modifier le statut des communautés autonomes ce que nombreuses
régions voient comme injuste. Toutes les communautés autonomes sont formellement égales, mais
les régions historiques pouvaient passer à l'autonomie avec de larges pouvoirs régionaux dans la
première vague, d'une manière rapide(via rapide). L'intention initiale n'était pas celle de l'autonomie
de toutes les régions de l'Espagne, mais seulement des régions historiques. Pour les autres régions
(non-historiques), il y avait la ''via lenta'', une manière lente de l'acquisition de l'autonomie. Ce type
nécessite d'abord une approbation du statut autonome avec des pouvoirs limités et après cinq ans
une révision des compétences. Sous la Constitution, le statut doit être approuvé par toutes les
provinces qui composent la région autonome par la majorité absolue lors d'un référendum.
L'éventail de pouvoirs varie d'une Communauté autonome à l'autre et est définit par le statut
d'autonomie (Estatuto de autonomia).(7)
En fait, il existe une certaine différence entre les quatre communautés autonomes historiques et les
autres. Les régions historiques ont acquis plus de pouvoirs, y compris la possibilité d'organiser et
déterminer les dates des élections régionales. Le pays basque et la Catalogne ont aussi leurs propres
unités de police : Ertzaintza au pays Basque et en Mossos d'Esquadra en Catalogne. Les autres
régions ont des compétences beaucoup plus limitées dans ces domaines.(8)
Malgré l'attribution des droits autonomes aux régions, pendant certain temps il y avait encore des
sympathisants des idéaux de Franco sur l'Espagne unifiée et la culture traditionnelle catholique. Un
exemple de ce fait était aussi la tentative de coup militaire en février 1981, dont l'objectif principal
était de renverser la démocratie et la mise en place du régime militaire. L'intervention décisive du
roi Juan Carlos en tant que commandant suprême des forces armées a causé l'échec de cette
tentative.
4
B/ L'Espagne décentralisée vers l'Union européenne,

En parallèle avec le processus de décentralisation des régions espagnoles, qui a culminé entre 1979
et 1983, lorsque la plupart des régions a progressivement obtenu l'autonomie, l'Espagne a dirigé le
processus de négociation avec les Communautés européennes. L'Espagne a officiellement déposé sa
candidature à la CE le 28 Juillet 1977, peu après les premières élections libres. Il y avait des fortes
pressions pour la démocratisation de la part de CE. Avant de devenir un membre officiel de CE,
l'Espagne a dû adapter sa législation dans nombreux domaines et enfin se débarrasser les restes du
régime de Franco. D'une manière générale, l'indépendance des communautés autonomes de Madrid
a progressé en même temps que la dépendance de l'Espagne à l'égard de l'UE(CE) a augmenté.(9)
La nature de l'Union européenne comme une organisation supranationale implique les États
membres d'un transfert partiel de la souveraineté que les États transmettent à l'UE. Le droit
communautaire prime sur le droit national des États membres. Le droit de représenter l'Espagne
dans les institutions appartient à l’État dans son ensemble, et non pas aux communautés autonomes.
L'une des exigences du pays basque et de la Catalogne dans les nouveaux statuts proposés étaient le
droit de l'auto-représentation des deux régions dans les institutions de l'UE. Vu que cette question
reste dans les compétences de parlement national, l'acceptation de cette exigence n'était pas
probable.(10)
La carte actuelle de l'Espagne, divisé en dix-sept communautés autonomes avec les mêmes
institutions, mais des compétences différentes, a été achevée le 31 Juillet 1981 sous le
gouvernement de Léopold-Calvo-Sotelo et Felipe Gonzalez, le chef de l'opposition. En 1992, les
contrats autonomes (Pactos Autonomicos) ont été mis à jour. Trente-deux autres compétences y
compris l'éducation, ont passé du Centre vers les régions qui ont pris des compétences par la façon
lente (via lenta). Le but de ces traités, signés par Felipe Gonzalez et José Maria, était de compenser
l'étendue des pouvoirs entre les régions historiques et les autres.(11)

Le parti populaire de José Maria Aznar, qui a succédé le gouvernement du socialiste Felipe
Gonzalez en 1995, a soutenu les spécialistes des régions historiques. Ce fait est principalement lié
avec le fait que le gouvernement du Parti populaire dépendait de l'appui des partis nationalistes
régionaux-le catalan Convergence et Unité(CIE)) et le Parti nationaliste basque(PNV). Au cours des
années 90, il y avait un renforcement progressif de l'autonomie de toutes les dix-sept régions(le
principe café para todos), ce qui a été critiqué surtout par les régions de Catalogne et le Pays
Basque.

5
Les représentants de ces régions ont proposé un modèle confédéral de l'organisation de l’État avec
la différenciation de diverses régions espagnoles. Le président du gouvernement, Aznar a répondu à
cette initiative : « L'autonomie ne peut être plus grande, parce que l’État doit garantir une stabilité
constitutionnelle du pays »(12). Le gouvernement du Parti populaire (PP) était caractérisé, entre
autres, par des conflits constants avec le Parti socialiste d'opposition (PSOE) en ce qui concerne les
questions régionales, comme par exemple le financement des communautés autonomes, le
financement du système de santé, l'expansion des compétences régionales, la représentation
régionale au niveau européen,etc.
Le début du gouvernement socialiste Zapatero après les élections en mars 2004 a relancé le débat
sur l'organisation territoriale en Espagne. Une des questions les plus controversées, auxquelles
Zapatero a dû faire face été le régionalisme, respectivement le nationalisme, toujours présent sur la
scène politique espagnole. Les tensions entre le Centre et la périphérie sont jusqu'à nos jours
présents dans presque toutes les sphères de la vie politique espagnole. L'Espagne n'a jamais été un
État unitaire dans le vrai sens, même malgré les nombreuses tentatives de Franco pour la
transformer en « Espagne-unique, libre, grande ».(13)

Conclusion :
L'Espagne, le pays qui a connu durant son histoire moderne un processus très mouvementé de
réformes et de modernisations des structures étatique, aboutissant à une configuration territoriale
sans égale, n'a épargné aucun effort pour arriver presque à la tête des pays des régions. Le prix payé
par cet État, a été très fort, les régions ont subit une mutation profonde.
Certains régions espagnoles-le pays basque, la Catalogne et la Galice-avaient déjà obtenu un certain
degré d'autonomie pendant les années 1930, mais ces statuts avaient été supprimés sous Franco.
Lors du retour à la démocratie dans les années 1970, les forces politiques ont été unanimes à vouloir
un certain degré de décentralisation. L'Espagne a ainsi été divisée en 17 communautés autonomes,
dont les compétences propres variaient initialement fortement.
Pour des raisons historiques déjà entrevues, le pays basque, la Catalogne et la Galice se sont vues en
effet accorder dès le départ une autonomie supérieure à celle des autres communautés autonomes.
L'Andalousie a ensuite obtenu elle aussi un degré d'autonomie semblable, puis les autres
communautés ont suivi. D'autres compétences ont encore été attribuées aux communautés
autonomes en 1992 et en 1997 et il subsiste aujourd'hui peu de différences de degré d'autonomie
entre les régions. Le pays basque et la Navarre bénéficient toutefois de privilèges en matière fiscale,
puisqu'ils collectent l'ensemble des impôts sur leurs territoires et en reversent ensuite une partie à
l’État espagnol.
6
Le système espagnole est proche du fédéralisme, mais les communautés autonomes ne disposent
que de peu d'influence sur la formation des politiques au niveau national, le Sénat n'étant pas une
vraie représentation des régions, contrairement aux chambres hautes allemande ou autrichienne. Par
opposition aux régions des États fédérés-Allemagne, Suisse ou États-Unis par exemple- les
communautés autonomes espagnoles n'ont pas non plus de compétence dans l'organisation de la
justice.

Bibliographie :

(1) Blanka RICHOVA : Komparace politickych systémô II. Paraha : Vysoka skola ekonomicka, 2004. p.163.
(2) ZUZANA KUNSKA : Spanielsko-demokratizacia a decentralizacia.Prague : Prague social sciences studies, 2006, p4
(3) Ibid
(4) Ibid. p.5-6
(5)Ibid. p.6
(6) Ibid
(7)Ibid. p.6-7
(8) Ibid. p.7
(9) Ibid.
(10) Ibid. p.7-8
(11) Ibid. p.8
(12) Ibid.
(13) Ibid. p.8-9

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