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Une
Une

1,20 €
n° 1207 du 21 mars 2021
Justice et Liberté
actualités le magazine

Affaire Magali Blandin :

son mari avoue le meurtre

JOEL LE GALL/OUEST-FRANCE
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Elle avait disparu le 11 février. Hier, son mari a avoué en garde à vue l’avoir tuée, a annoncé le procureur de Rennes, Philippe Astruc. page 6

Quelles alternatives au plastique ? L’histoire de Loana,

icône tragique
de la téléréalité
Notre dossier plastique. Réduire, page 11
réutiliser, recycler… L’ère
du recyclage industriel des déchets
plastiques a débuté. Son
développement reste inégal mais
Découvrez dans votre
dans certains secteurs, comme celui journal, 8 pages
de l’alimentation, des alternatives
originales sont développées.
consacrées aux jeux
cahier Jeux
pages 2, 3 et 4.
EDDY LEMAISTRE, OUEST-FRANCE

Delphine de Vigan
dévoile l’univers des
enfants youtubeurs
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 Le dossier

Trier, laver, recycler et développer des

Spécialisée dans le recyclage des emballages ménagers et des papiers, l’éco-organisme Citeo
est sur tous les fronts de la chasse aux plastiques. Après un départ lent, tout s’accélère.
Notre dossier Trente ans après la mise en place
de la Responsabilité élargie du
plastique producteur, comment est-ce
possible de mettre sur le marché
Entretien des produits sans solution ?
Effectivement, c’est critiquable. Mais
Jean Hornain, de nombreux industriels participent à
directeur des programmes d’éco-conception.
de Citeo, Nous soutenons actuellement à hau-
éco-organisme teur de 17,5 millions d’euros, trente
chargé des projets innovants pour trouver des
emballages. plastiques parfaitement recyclables,
| PHOTO : DANIEL FOURAY, mais aussi du réemploi de conte-
OUEST-FRANCE
nants, qui devient obligatoire.

La France est qualifiée d’élève Quelle alternative vous semble

moyenne de l’Europe en matière de
recyclage. Quels sont les chiffres ?
Nous affichons un taux de recyclage
de 70 %, en 2019. La simplification
des consignes de tri, qui a débuté en
2020 et s’étendra à tout le territoire en
2023, devrait améliorer les choses. Il
nous reste à progresser dans le tri
hors des foyers. En ville, on consom-
me deux fois plus d’emballages et on
trie deux fois moins.
la plus prometteuse ?
Sans doute la barquette en papier
hydrophobe, développée par le cen-
tre de valorisation du papier. En réem-
ploi, Carrefour teste des choses for-
midables avec Loop, et nous soute-
nons les premiers centres de lavage,
comme Uzaje. Ils apportent des solu-
tions pour respecter les 5 % d’embal-
lages réemployables obligatoires dès
2023 et 10 % en 2027.

Parlons-nous collecte ou recycla- Selon l’Ademe, la consigne aiderait

ge ? Il y a une ambiguïté. Tous les
plastiques ne se recyclent pas…
Les bouteilles d’eau en PET se recy-
clent très bien. Et d’autres jeunes filiè-
res progressent, comme le PET opa-
que, les bouteilles de lait. Mais nous
sommes sans solution pour 25 % des
emballages mélangeant le plastique
et l’aluminium, comme les paquets
de chips. Ils sont soit brûlés pour faire
de l’énergie dans les réseaux de cha-
leur des villes, soit enfouis.
à mieux collecter les bouteilles
plastiques. Est-ce la solution ?
C’est en réflexion. On ne récupère
que 61 % des bouteilles dans les sacs
jaunes. Mais il faudra réinventer une
consigne du XXIe siècle. Nos modes
de consommations ont beaucoup
changé. J’imagine qu’il peut être pos-
sible de récupérer sa consigne par
téléphone portable…
Propos recueillis par À l’instar de l’éco-organisme Citeo, l'entreprise Paprec au Rheu (Ille-et-Vilaine) est égalemen
Christelle GUIBERT.

To
op 5 des objets Le bois chasse le plastique en Finlande
du
u quotidien, Ce dimanche 21 mars, c’est la Jour-
née internationale de la forêt. En Fin-
po
our une alternative lande, où les bois couvrent 70 % de la
au
u plastique superficie du pays, on la célèbre plus
qu’ailleurs. Depuis une décennie, les
Les boîtes en verre arbres alimentent une autre écono-
Le succès de ces contenants a relancé Pyrex :
plus de 100 millions d'€ mie que la classique filière du bois.
de chiffre d’affaires (2019). Leur cellulose est en train de chasser
L’interdiction le plastique de la plupart des foyers et
du plastique dans les commerces.
au 1er janvier 2021 En 2019, « Ceci est un petit pot en bois,
a favorisé 105 millions pour votre crème de jour », nous
les modèles ont été vendues montraient Suvi Haimi et Laura Kyllö-
durables. aux États-Unis. nen, en 2019, à Helsinki. Les deux Le président Sauli Niinistö et sa femme,
Un secteur avec patronnes de Sulapac cherchaient Jenni Haukio, en robe à base
une croissance depuis des années à remplacer les de bouleau. | PHOTO : REUTERS

Les pailles à trois chiffres ! contenants de la cosmétique, tous

en inox petits, différents selon la marque, Luke, accompagnent les dévelop-
La gourde complexes, pas recyclables… Leur peurs et l’arbre s’est imposé comme
en métal emballage écologique, constitué de solution naturelle dans de nombreux
bois et d’adhésifs naturels, a récolté secteurs.
La barquette de nombreux prix européens d’inno- Tous les Finlandais s’y mettent,
en papier vation. comme la poétesse Jenni Haukio,
hydrophobe La brosse « Sulapac est l’un des fleurons de femme du président libéral Sauli Nii-
à dents, Les modèles notre nouvelle bioéconomie », jubile nistö, qui fait sensation dans ses
en bois en plastiq
que Miska Hakala, du Club des affaires robes de soirée « durables » en bou-
produise
ent d’Helsinki. La bioéconomie englobe leau du pays. Sulapac s’est attaqué
1 400 tonnes les matériaux issus du végétal, des un autre secteur polluant : la cérami-
algues, des bactéries pour l’emballa- que. « Nous venons de produire
de déchets
par an ge, le chauffage ou la construction. notre premier lavabo en matériau
Des produits biosourcés. bois hydrophobe », plastronne Antti
en Franc
ce. Les chercheurs de l’Institut des res- Valtonen, chargé du marketing.
Source : UE/Statista/NPD Group/Pyrex O.-- F. sources naturelles de Finlande, le C. G.

alternatives au plastique
nt spécialisée dans le recyclage des plastiques.
| PHOTO : THOMAS BRÉGARDIS, OUEST-FRANCE
Chez Uzaje, on lave les emballages plutôt que de les jeter
Reportage
Il faut dénicher l’entrepôt impersonnel,
dans la zone industrielle de Neuilly-
sur-Marne, à l’ouest de Paris. Mais le
chauffeur de la Laiterie de Paris sait
reconnaître l’entrée d’Uzaje, premier
centre de réemploi d’emballages à
grande échelle, pour y déposer ses
bouteilles vides.
Inauguré par la ministre de la Transi-
tion écologique Barbara Pompili, le
25 février, ce lieu prometteur pour
l’économie circulaire lave depuis
décembre les contenants, en verre ou
en plastique rigide, d’une centaine
d’entreprises. Le Breton Triballat a ten-
té l’expérience, avec son fromage
blanc en pots de verre distribué chez
Biocoop. « Le bilan est positif et la
démarche inspirante », analyse le
directeur Olivier Clanchin, prêt « à
accélérer : la réduction de nos embal-
lages est un sujet majeur ».
Le cliquetis des caisses qui s’empi-
lent rappelle le temps où les Français
rapportaient leurs bouteilles de vin
étoilées à la consigne. En réalité, les
locaux ont tout d’une start-up : canapé
dans l’open space, connexions et cui-
sine partagée. Dans la partie industri-
elle, les deux « tunnels de lavage »
ultramodernes peuvent laver, sécher
Le dossier
L’Ouest à la conquête du plastique propre
Repères
Quelles alternatives
au plastique ?
Gros consommateur d’emballages et
très concerné par les risques sanitai-
res liés au plastique, le secteur de l’ali-
mentation est au taquet. De grandes
enseignes comme McDonald’s ou
KFC achètent, par millions, des sala-
diers jetables en fibre de bois fabri-
qués par Ecofeutre près de Pontivy
(Morbihan). En Vendée, Fleury-Mi-
chon a aussi choisi le bois, « de peu-
pliers français », pour remplacer cer-
taines de ses barquettes pour plats
cuisinés. Chez Frais émincés, à Pont-
château (Loire-Atlantique), la bar-
quette compostable est en pâte à
papier couverte d’un film bioplasti-
que. Et un peu partout, des start-up
proposent pailles, gourdes, bou-
teilles, vaisselle jetable, dans des
matières 100 % végétales et recycla-
bles.
Et quand substituer
n’est pas possible ?
C’est là qu’interviennent les matières
plastiques d’origine naturelle, dites
biosourcées. Grâce à elles, Gohé
Fashion Accessories, à Beaucouzé
(Maine-et-Loire), veut en finir avec les
cintres en plastique jetables et non
biodégradables. « Il s’en produit
25 millions par jour dans le mon-
de. » Ce fournisseur des métiers de la
mode a même créé un bioplastique
spécial, végétal et compostable, le
Gohébio. Et il en assure la récupéra-
Lindsay Mboubi et Eliezer Lukengu, deux salariés d’Uzaje, au centre de réemploi
de Neuilly-sur-Marne.
et empaqueter près de 40 millions de
pièces par an.
Stéphane Lefebvre, chef de projet,
planche sur les deux sujets cruciaux
du réemploi : « Optimiser la distance
entre les sites d’utilisation et de lava-
ge », gros poste d’émissions de CO2
tant que le transport n’est pas électri-
fié ; et gérer « le manque de standardi-
Sophie Verceletto, Roland Jourdain et Xavier Baris, de Kairos, entourés
de plaques de Kairlin, un composite fabriqué à partir de lin normand.
tion et le recyclage. À Ploemeur (Mor-
bihan), ce sont des semelles de
chaussures pour sportifs qui naissent
d’un matériau composite renforcé de
coquilles d’huîtres. L’entreprise
Solandy West les fabrique à partir
d’un filament, l’Istroflex, produit non
loin de là, dans les Côtes-d’Armor,
par Nanovia, spécialiste des consom-
mables pour l’impression 3D.
L’Ouest, terre innovante ?
De nombreuses initiatives y mûris-
sent en tout cas. Parmi les plus avan-
cées, celle de l’entreprise Kairos de
Concarneau (Finistère) qui s’est asso-
ciée à IDC Alternatives composites de
Bayeux (Calvados) pour produire un
| PHOTO : OUEST-FRANCE
sation des contenants ». Les petits
pots de verre de 125 g des desserts
lactés, au col thermo-scellé, c’est fran-
chement la galère.
Pourtant, Emmanuel Auberger, pré-
sident d’Uzaje, y croit. Cet ancien de
Saint-Gobain veut « industrialiser le
réemploi ». Il multiplie les tables ron-
des pour convaincre les entrepreneurs
| PHOTO : THIERRY CREUX, OUEST-FRANCE
matériau polyvalent à base de lin culti-
vé en Normandie. Le produit est dis-
ponible en plaques pour de multiples
usages et il est compostable et recy-
clable. Dans le Calvados également,
NaturePlast se définit comme
« l’expert des bioplastiques ». Négo-
ciant et producteur, le groupe propo-
se une très large gamme de plasti-
ques biosourcés. Avec son bureau
d’études, il contribue aussi au déve-
loppement de nouveaux projets com-
me Indigo qui mobilise de nombreux
acteurs bretons et normands autour
d’un grand défi écologique : la créa-
tion d’un filet de pêche biodégrada-
ble.
Stéphane GALLOIS.
du bienfait d’un contenant économe
pour les ressources finies de la planè-
te. Et leur rappeler la loi : 17 % des
emballages devront être réutilisables
en 2027.
Un défi sanitaire
La filière du réemploi « peut aller vite.
Nous sautons déjà une étape, car
nous ne créons pas de déchets »,
assure Emmanuel Auberger. Uzaje en
évite 3 300 tonnes par an. En partie
financée par Citeo et l’Ademe, l’entre-
prise prévoit d’ouvrir rapidement sept
autres centres de lavage, à Avignon,
Rennes. La ville de Strasbourg est
demandeuse ; les maires écologistes
de Lyon, Bordeaux, aussi. « Il faut créer
un choc de l’offre de réemploi. La jeu-
ne génération zéro déchets est prête,
il faut faciliter la vie des autres… »
Le défi est sanitaire. À Uzaje, c’est le
boulot de Kathleen Blanc, à l’affût de la
moindre bactérie dans ses prélève-
ments. À la sortie du tunnel de lavage,
Lindsay Mboudi traque la moindre
gouttelette d’eau restante sur les con-
tenants à l’aide de son pistolet à air
comprimé. Lindsay, habitante de cette
banlieue parisienne, est l’un des qua-
rante emplois non délocalisables pré-
vus d’ici à 2025.
C. G.

Plastique : « Vers un futur scandale sanitaire ? »
La journaliste Nelly Pons a enquêté sur la pollution engendrée par les millions de tonnes
de matières plastiques produites depuis les années 1950. Il est devenu urgent de s’en préoccuper.
Notre dossier
plastique
Entretien
À l’issue de plus de trois ans
d’enquête sur les plastiques
dans notre société et notre
environnement, que retenez-vous ?
Ce qui m’a le plus marqué, c’est de
découvrir qu’aujourd’hui, on trouve
du plastique partout, où que l’on
cherche, depuis les glaces polaires
jusqu’aux abysses océaniques en
passant par les viscères des ani-
maux.
J’ai été stupéfaite également
d’apprendre que, bien qu’on fabrique
des plastiques depuis soixante-dix
ans, les études concernant leur
impact, sous forme de particules, sur
la santé humaine, sont quasi inexis-
tantes. Alors que ces polymères libè-
rent de nombreux composés chimi-
ques, dont certains sont reconnus
comme dangereux.
Les plastiques sont-ils à ce point
devenus inévitables ?
Une journaliste américaine a essayé
de vivre une journée sans toucher de
plastique. Au bout de quelques minu-
tes, elle a renoncé… Il est pratique-
ment impossible de vivre sans. Deux
objets sur trois de notre quotidien en
contiennent. C’est le septième sec-
teur industriel en Europe. Dans le
monde, sa production absorbe 4 % à
6 % des hydrocarbures. Et on prévoit,
au rythme de croissance actuel, que
cette proportion pourrait atteindre
20 % en 2050. Nous sommes
une véritable civilisation du plastique.
Alors que, paradoxalement,
nous les utilisons très brièvement…
En effet, et c’est le cœur du problè-
me : au moins 40 % des 400 millions
de tonnes de matières plastiques pro-
duites chaque année sont destinées
à un usage unique (emballages et
objets jetables). Il n’y a aucune logi-
que à fabriquer de tels produits avec
un matériau conçu pour être extrême-
ment durable.
Ce sont pourtant les objets de notre
quotidien : la moitié d’entre eux va
presque directement de l’usine à la
poubelle… Puis dans la nature, et
dans l’océan. On estime que 75 % de
tout le plastique produit depuis 1950
est aujourd’hui déchet, soit près de
6 milliards de tonnes. La prise de
conscience est en cours, et elle don-
ne le vertige !
Craignez-vous ce que vous appelez
un futur scandale sanitaire ?
Tant que l’impact de la pollution plas-
tique paraissait limité à la vie sauvage,
la question suscitait peu d’engoue-
ment chez les scientifiques. À présent
que la santé humaine semble mena-
cée, des études ont été lancées. Et,
on n’est pas à l’abri de mauvaises sur-
prises, notamment à cause des per-
turbateurs endocriniens présents
Le dossier
Nelly Pons : « On estime que 75 % de tout le plastique produit depuis 1950
est aujourd’hui déchet, soit près de 6 milliards de tonnes. »
dans plusieurs catégories de plasti-
ques. Selon des études concordan-
tes, nous ingérerions près de
100 000 particules par an. Dont un
bon nombre de nanoparticules capa-
bles de voyager dans tout notre
corps, à travers les tissus.
Vous estimez également
qu’on ne pourra jamais nettoyer
les océans…
Lorsque j’ai commencé mon enquê-
te, en 2016, le monde était fasciné par
le projet Ocean Cleanup du jeune
Néerlandais Boyan Slat. La technique
qu’il proposait constituait alors un
grand espoir : celui de parvenir à pié-
ger et enlever tous les déchets con-
centrés dans ces gyres qu’on a appe-
lés, à tort, continents de plastique. En
réalité, seul 1 % des plastiques se
trouve à la surface des océans. Le
reste, 99 %, est déjà fragmenté et dis-
persé dans la colonne d’eau ou dépo-
sé au fond. Boyan Slat aura au moins
réussi à attirer l’attention sur cette pol-
lution dont on sait maintenant qu’elle
ne peut être endiguée qu’en amont.
Il faut donc filtrer les fleuves
et les rivières ?
Lors d’une inondation, avant de com-
| PHOTO : ANTOINE COMBIER
mencer à éponger, il faut fermer le
robinet. Pour le plastique, c’est pareil :
la priorité, c’est de réduire drastique-
ment notre production et notre con-
sommation. Toutes les autres appro-
ches ont un défaut : elles laissent
penser qu’on peut continuer à utiliser
ces matériaux comme par le passé.
Ce ne sera pas possible.
De plus, les soi-disant solutions ont
aussi leurs inconvénients. Les plasti-
ques biosourcés, par exemple, utili-
sés à grande échelle, entreraient en
concurrence avec notre alimentation
pour les terres arables.
Et vous estimez que le recyclage
est un mythe…
La stratégie française pour une éco-
nomie circulaire, présentée en 2018,
prévoit de « tendre vers » 100 % de
plastiques recyclés d’ici à 2025.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Aujour-
d’hui, avec à peine 22 % de plasti-
ques recyclés, la France est l’une des
plus mauvaises élèves d’une Europe
qui s’est fixé un objectif plus réaliste :
atteindre 55 % de plastiques recy-
clés.
Actuellement, ni les technologies ni
la nature des plastiques ne s’y prêtent
vraiment. Il faudra de gros efforts de
recherche et développement. Et pen-
dant ce temps, nos déchets non
recyclables partent finir leur vie
sous d’autres cieux, notamment en
Asie.
La solution est donc politique ?
Il faut une approche systémique glo-
bale s’appuyant sur le triptyque
citoyen-politique-industriel. Bien que
je sois atterrée par la courte vue des
décideurs, je crois qu’un pacte politi-
que mondial est possible. On l’a vu
dans les années 1980 avec le proto-
cole de Montréal pour la protection
de la couche d’ozone.
Une telle réaction collective interna-
tionale et coordonnée pourrait être
transposée au plastique. C’est même
un préalable nécessaire. Certains
industriels, bien que conscients des
efforts qui leur incombent et de
l’urgence, m’ont dit clairement que
tant qu’ils ne seraient pas contraints,
ils ne changeraient rien.
Et le consommateur dans tout ça ?
Il a bien sûr son rôle à jouer. Mais il ne
faut pas le culpabiliser. Les citoyens
sont bombardés par un ping-pong
de messages écologiques contradic-
toires qui conduisent à une forme
d’inhibition ou de dépression environ-
nementale. Pourtant, nombreux sont
ceux qui ont envie d’ouvrir leurs pla-
cards et de commencer à réduire leur
impact plastique.
Ce que j’ai moi-même commencé à
faire ! Et je suis en train d’en tirer un
nouveau livre, plus court et plus prati-
que, sur le thème « Je passe à l’acte »
sur le plastique. Nous, citoyens, fai-
sons partie de la solution et nos com-
portements quotidiens sont essen-
tiels.
Propos recueillis par
Stéphane GALLOIS.
Océan plastique, Actes Sud,
384 pages, 22 €.
Repères
1980. Naît près de Marseille.
2000. Maîtrise MASS (Mathémati-
ques appliquées et sciences socia-
les).
De 2002 à 2008. Danseuse, chargée
de projets européens, chargée de dif-
fusion et de communication culturel-
les.
2006. Prix Jeune espoir du Club de la
presse Marseille Provence Alpes du
Sud. Primée au festival Les Sévigna-
les de Vitré (Ille-et-Vilaine).
2008. Co-création du festival Entre
tradition et modernité à Marseille (2e
prix Envie d’agir, programme du
Haut-commissaire à la jeunesse).
De 2009 à 2013. Assistante de l’éco-
logiste Pierre Rabhi, puis directrice
de l’association Terre et Humanisme.
2017. Publie Choisir de ralentir (Actes
Sud), premier de quatre livres.

Protéger les femmes ? Erdogan n’en a cure…
Le président turc, sous la pression des islamistes et des conservateurs les plus radi- Le monde en bref
caux, retire son pays du traité international sur la lutte contre les violences sexistes.
Istanbul.
De notre correspondant
L’annonce a été faite dans la nuit de
vendredi à samedi. En catimini. Par
décret présidentiel, la Turquie se reti-
re de la Convention d’Istanbul. Adop-
té en 2011, ce traité international obli-
ge les gouvernements à légiférer
pour réprimer les violences domesti-
ques et sexistes, y compris le viol con-
jugal et la mutilation génitale fémini-
ne.
L’été dernier, déjà, le gouverne-
ment islamo-nationaliste de Recep
Tayyip Erdogan avait fait polémique
en annonçant qu’il songeait à se reti-
rer de la Convention. « Nous pen-
sions que la mobilisation de pans
entiers de la société, en août, avait
suffi à les faire y renoncer », regrette
Canan Güllü, présidente de la Fédé-
ration turque des associations de
femmes.
La décision est applaudie par les
cercles les plus conservateurs, à
l’image du controversé imam de la
mosquée Sainte-Sophie : « Que Dieu
soit loué » a tweeté Mehmet Boyun-
kalin, qui voit là un pas vers une Tur-
quie plus « juste et forte ». Critiqué
par une partie des islamistes et de
l’extrême-droite, qui voyaient le traité
comme une « attaque contre les
valeurs familiales de la société » et
dénonçaient une supposée « propa-
gande LGBT », le texte était néan-
moins défendu par une partie des
conservateurs. Notamment par l’influ-
ente association féminine Kadem,
dont la vice-présidente n’est autre
que Sümeyye Erdoğan, la fille du Pré-
sident.
« Cette décision, prise pour con-
tenter les plus radicaux, est un très
mauvais message envoyé à la socié-
Éditorial
Une jeunesse pleine de promesses
La cause de la jeunesse devrait être
notre souci brûlant. Car les promes-
ses qu’elle porte risquent de s’étein-
dre sous le boisseau de l’indifféren-
ce. Il faut le secouer comme pous-
sière pour chasser les trois virus qui
trop souvent encore nous aveu-
glent.
L’inquiétude suscitée par la pan-
démie masque les difficultés actuel-
les de la jeunesse qui prend de
plein fouet ses conséquences : étu-
des en pointillé et arrêt des petits
boulots, chômage, isolement… Mal-
gré les mesures prises, la pauvreté
et le désarroi grandissent. Il est
essentiel de redoubler d’attention.
Le virus de la violence se propa-
ge : rixes, fusillades, assassinats
d’adolescents… Comment notre
société peut-elle accepter cette bar-
barie ? La violence, qui n’est pas
une fatalité, est aussi le miroir de
notre passivité, de notre hypocrisie
Monde
Une manifestation s’est tenue, hier après-midi, dans le quartier de Kadiköy,
à Istanbul, pour protester contre la décision du président. | PHOTO : CAGLA GURDOGAN, REUTERS
té, comme une promesse d’impuni-
té pour les auteurs de féminicides et
de violences sexuelles sur les fem-
mes ou les enfants », s’indigne
Canan Güllü.
« Nous ne nous tairons pas »
Selon les associations, 300 femmes
ont été assassinées dans le pays, en
2020. Et le Forum économique mon-
dial, dans son rapport sur les inégali-
tés femmes-hommes, place la Tur-
quie au 130e rang sur 153 pays.
« Nous allons continuer de lutter
en portant l’affaire devant la Cour
et de notre complaisance !
Ne diffuse-t-on pas les modes
d’emploi de la violence à longueur
d’écrans par des jeux, des
séries… ? Comment s’étonner que
des esprits fragiles la mettent en
pratique ? On proteste contre les
règlements de compte meurtriers.
Très bien. Mais démantèle-t-on,
avant qu’ils ne prospèrent aux yeux
de tous, les points de vente de dro-
gue ? À quand la grève de la drogue
pour asphyxier ces trafics et sauver
des vies ? La jeunesse est la pre-
mière victime de cette violence qui
cache la générosité de la majorité.
Le manque de perspectives frap-
pe cruellement beaucoup de jeu-
nes. Combien ont dû arrêter leur
travail ? Combien ont retardé leur
mariage ou une naissance ? Com-
bien hésitent à se projeter dans
l’avenir, à monter des projets ? Ce
n’est pas non plus acceptable.
constitutionnelle, prévient Canan
Güllü. Le Président n’a pas le pouvoir
d’abolir une loi de défense des
droits de l’Homme par simple
décret, sans passer par le Parle-
ment. »
Hier après-midi, des milliers de fem-
mes ont manifesté dans le pays. Près
de 2 000 à Istanbul, sous bonne gar-
de des forces de l’ordre. « Nous
n’avons pas peur. Nous ne nous tai-
rons pas, nous ne nous soumettrons
pas ! »
Raphaël BOUKANDOURA.
par Jeanne Emmanuelle Hutin
Plus que jamais en ces temps dif-
ficiles, il est nécessaire de se tour-
ner résolument vers la jeunesse du
pays. Celle des grandes villes et de
leurs quartiers, celle des campa-
gnes et des villes petites et moyen-
nes où vivent plus de six jeunes sur
dix !
« C’est une jeunesse oubliée. À
l’abandon. […] L’isolement qu’ils
subissent sabote toute cohésion
sociale. Favorise la montée des
extrêmes. Met en péril la Républi-
que… Agir en faveur de la diversi-
té, c’est compter avec ces jeunes
Français », écrivait avant la pandé-
mie la sociologue Salomé Berlioux.
Fracture numérique, manque
d’information pour leur orientation,
difficultés pour se déplacer, pour
étudier à cause du coût et de l’éloi-
gnement des villes universitaires.
La pandémie augmente les difficul-
tés. Contre le désarroi qui grandit, il
Birmanie : « Jusqu’au bout… »
Des milliers de manifestants prodé-
mocratie ont encore défilé dans plu-
sieurs villes, hier, se disant prêts à
résister « jusqu’au bout ». Depuis le
coup d’État militaire du 1er février,
plus de 240 civils ont péri ; des centai-
nes d’opposants et de journalistes
ont été arrêtés.
Covid-19 : heurts en Allemagne
Des affrontements ont éclaté entre
police et manifestants, hier, à Cassel
(centre) lors de l’un des plus vastes
rassemblements d’opposants aux
restrictions contre le Covid-19 depuis
le début de l’année. Selon le journal
Spiegel, plus de 15 000 Allemands
ont répondu à l’appel de groupuscu-
les d’extrême gauche, complotistes
et d’extrême droite. Près de
4 000 anti-confinement, la plupart
non masqués, ont aussi défilé à Lies-
tal, en Suisse.
Puissant séisme au Japon
Un tremblement de terre de magnitu-
de 6,9 s’est produit, hier, au large du
nord-est de l’île, dans l’océan Pacifi-
que. Aucune victime n’a été signalée.
Selon l’Agence météorologique
japonaise, il s’agit d’une nouvelle
réplique, dix ans plus tard, du séisme
suivi d’un tsunami, le 11 mars 2011
(18 500 morts ou disparus).
Un volcan se réveille en Islande
Enfin ! Voilà trois semaines que les
Islandais guettaient l’éruption de Kry-
suvik, près du mont Fagradalsfjall.
Pour la première fois depuis 800 ans,
la lave a jailli, vendredi soir, dans cette
région inhabitée. Le 24 février, un
petit séisme avait mis la capitale
Reykjavik en alerte. Depuis, plus de
50 000 micro-secousses ont privé les
habitants de sommeil…
faudrait multiplier les initiatives for-
midables prises par de nombreu-
ses communes et universités.
Mais il s’agit aussi d’écouter et
relayer ce message de courage et
de confiance que Magda Lafon,
rescapée d’Auschwitz, envoie à la
jeunesse : « Demain est au creux
de nos mains […]. Je vous invite à
oser espérer contre toute espé-
rance, à créer, à inventer un
demain pacifique et solidaire où il
fera bon vivre. Je désire vous
encourager à tenir bon, à croire en
vos richesses et en votre bonté.
J’ai foi en vous et en votre che-
min. » (1)
En se mobilisant en faveur de la
jeunesse, notre société retrouvera
sa joie, sa cohésion et son dynamis-
me.
(1) Demain au creux de nos mains,
Magda Hollander-Lafon, Ed. Bayard.

Magali Blandin : son mari avoue l’avoir tuée
La mère de famille avait disparu depuis le 11 février, à Montfort-sur-Meu, à l’ouest de Rennes.
Son mari a reconnu, au cours de sa garde à vue, avoir tué son épouse avec une batte de base-ball.
Un corps sans vie a été retrouvé dans la nuit de vendredi à samedi, à Montauban-de-Bretagne, près de Rennes. « Très certainement celui de Magali Blandin », a indiqué
le procureur Philippe Astruc, lors d’un point presse, hier. Elle aurait été tuée devant l’entrée de son domicile de Montfort-sur-Meu. | PHOTO : THOMAS BRÉGARDIS / JOËL LE GALL, OUEST-FRANCE
Côtes-
d’Armor
Montfort-
sur-Meu
Rennes
Montauban- Ille-et-Vilaine
de-Bretagne
O.-F.
Morbihan
20 km
Au deuxième jour de sa garde à vue, il
a avoué l’avoir tuée. Jérôme Gaillard,
le mari de Magali Blandin, a reconnu
être l’auteur du meurtre de son épou-
se et mère de leurs quatre enfants.
Cette quadragénaire, éducatrice de
rue à Rennes, n’était pas venue cher-
cher ses deux plus jeunes enfants à la
sortie de l’école, le 11 février. Sa dis-
parition avait été signalée rapidement
et jugée inquiétante dès le début.
« Nous avons espéré un temps la
trouver vivante. Ç’aurait pu être une
chute accidentelle. L’hypothèse sui-
cidaire a aussi été envisagée », a
déclaré le procureur de la Républi-
que de Rennes, Philippe Astruc.
Mais c’est la piste criminelle qui a
abouti, après les déclarations du
mari, placé en garde à vue depuis jeu-
di 18 mars. Sur ses indications, un
corps a été retrouvé samedi matin,
dans la forêt à Boisgervilly, à 2 km du
domicile de Jérôme Gaillard. « C’est
très certainement celui de Magali
Blandin. » Une autopsie sera prati-
quée.
Projet criminel
Il s’agit du dénouement d’un « projet
criminel » qui a été mûri, mais dont le
mobile n’est pas clairement établi
pour l’heure. Les investigations ont
montré que le mari, 45 ans, y a pensé
dès l’automne. Il aurait même versé
une somme de 20 000 € à des Géor-
giens, pour faire disparaître sa fem-
me. Ce contrat n’a pas abouti, selon
le magistrat.
France
Le couple, séparé depuis le 3 sep-
tembre 2020, est en instance de
divorce. Magali Blandin a quitté le
domicile familial à Montauban-de-
Bretagne, à 26 km de Rennes, pour
venir vivre dans un appartement d’un
petit immeuble de Montfort-sur-Meu,
quinze kilomètres plus loin.
En garde à vue, Jérôme Gaillard a
fait le récit d’un crime « prémédi-
té ». Le matin du 11 février, après que
les enfants ont été déposés à l’école,
l’homme a attendu sa femme, sur le
palier de son appartement, à Mont-
fort-sur-Meu où elle avait emménagé,
en septembre 2020, après avoir quit-
té le domicile conjugal de Montau-
ban. Il a attendu qu’elle sorte et il lui a
assené un premier coup, à l’aide
d’une batte de base-ball, et « un
second pour s’assurer qu’elle était
bien morte ».
Un trou dans la forêt
enneigée
Il a déplacé le corps inanimé de
Magali dans le logement avant de
revenir la nuit suivante pour « effacer
méticuleusement les traces de son
crime ». Il a ensuite transporté le
corps de son épouse à proximité de
Montauban, et l’a enterré dans un trou
qu’il avait lui-même creusé « dans la
forêt enneigée », avant de le recouvrir
« de chaux vive ».
Ce féminicide s’entoure d’une
« particulière complexité », selon les
dires des enquêteurs. Il s’est doublé
d’une tentative d’extorsion. Des Géor-
giens auraient fait « chanter » Jérôme
Gaillard. Ils avaient en leur posses-
sion un enregistrement sonore réalisé
à l’insu du mari, à l’automne, dans
lequel ce dernier disait qu’il voulait
tuer sa femme. Ces personnes lui ont
demandé une somme de 15 000 €,
en échange de leur silence. Le mari,
se sentant menacé, s’est confié, le
25 février, au juge d’instruction sur
cette tentative d’extorsion sans en
dévoiler les détails.
Le 14 mars, une opération de police
judiciaire avec le GIGN a permis
l’interpellation de quatre Géorgiens.
Trois hommes et une femme. L’un
des hommes, le principal interlocu-
teur du mari, serait aussi concerné
« par le complot criminel », selon le
procureur Philippe Astruc.
Préciser le rôle de chacun
Trois autres personnes pourraient
être mises en examen dans cette
affaire. Il s’agit des parents de Jérôme
Gaillard, âgés de 72 et 75 ans, a révé-
lé le magistrat lors de la conférence
de presse, hier en fin de journée. Leur
implication n’avait, jusqu’ici, jamais
été évoquée dans ce dossier. Un voi-
sin du mari, un Géorgien de 39 ans,
« Jérôme était incapable de garder le secret »
Jérôme Gaillard, 45 ans, était sans
emploi. Il habitait, jusqu’au 3 septem-
bre dernier, avec Magali Blandin et
leurs quatre enfants, dans un corps
de ferme, dans un lieu-dit isolé près
de Montauban-de-Bretagne, qui avait
appartenu à ses parents qui étaient
agriculteurs. Après une procédure de
divorce très conflictuelle, Magali Blan-
din avait décidé d’aller vivre à Mont-
fort-sur-Meu.
Il était en train de rénover ce bâti-
ment et avait transformé les hangars
attenants en garage où travaillaient
notamment des Georgiens. Le père
de famille n’était pas très connu dans
la commune. Henri, son voisin le plus
proche évoque un homme gentil. « Je
le connais depuis qu’il est tout petit.
On se voyait de temps en temps. On
se disait bonjour. Je voyais ses
enfants jouer dans le jardin. » Mais
depuis plusieurs semaines, Henri n’a
plus de nouvelles. La maison de son
voisin est vide. Seul son chien, aban-
donné dehors, attend son retour.
Du jour au lendemain
Jérôme Gaillard avait effectivement
quitté sa maison fin février après, dit-
il, avoir été menacé. Il avait rejoint le
domicile de ses parents, âgés de
72 et 75 ans, pour se protéger de la
« pression autour de cette affaire et
serait également impliqué. « Nous
avons pour l’instant un résultat
d’étape », mais « pas tous les élé-
ments du puzzle », dit le parquet.
Il restera à « préciser le rôle de cha-
cun », dans cette affaire « hors nor-
me ». Une autopsie du corps sera pra-
tiquée.
Hier, les quatre enfants du couple,
âgés de 4 à 14 ans, pris en charge par
des psychologues, apprenaient la
mort de leur mère. Ils sont actuelle-
ment en famille d’accueil.
Angélique CLÉRET
et Nathalie FLOCHLAY.
des médias ». Ses parents ont aussi
été placés en garde à vue cette
semaine.
« M. Gaillard était incapable de
garder le secret et le poids de ce cri-
me », assure Me Jean-Guillaume Le
Mintier, son avocat. « Et il s’en est
délesté assez rapidement puisque
c’est à l’issue de la prolongation de
la garde à vue, vendredi soir, qu’il a
avoué le meurtre de son épouse et
indiqué, où il avait caché le corps. »
Pourquoi ce meurtre ? « Il a dit qu’il
s’était retrouvé dans une impasse
psychologique suite au départ de
Magali qu’il n’avait pas du tout anti-
cipé. Qu’elle était partie comme ça
du jour au lendemain sans rien lui
expliquer. »
Et aussi d’ajouter. « Jérôme a une
vision de la famille qui est un édifice.
Il y a ces quatre enfants qui en sont
les quatre piliers. Et puis il y a un
pilier au milieu qui était Magali. Et
lorsqu’il a perdu ce pilier, tout s’est
effondré. Et parce qu’il n’a pas eu la
force de le supporter, il a eu recours
à ce crime qu’il qualifie de monstru-
eux. »
Des aveux bien différents de la thè-
se du complot criminel évoqué par le
procureur…
Samuel NOHRA.
 France

Du cafouillage dans le confinement

Un tiers des Français sont entrés hier dans un nouveau confinement. Une journée marquée par
la confusion autour des attestations, retirées à peine publiées car totalement incompréhensibles.
Première journée, hier, de ce confine-
ment hybride où les confinés ont le
droit de sortir… pour peu qu’ils restent
à dix kilomètres de chez eux. Vingt et
un millions d’habitants (moins ceux
qui s’étaient précipités vers les
régions épargnées) ont donc expéri-
menté la mesure en Île-de-France,
dans les Hauts-de-France, l’Eure, la
Seine-Maritime et les Alpes-Mariti-
mes. Avec le beau temps, ils ne se
sont pas fait prier pour profiter de cet-
te relative liberté.
« Une attestation complexe »
Ce samedi particulier a commencé
par un bug. Parue le matin, l’attesta-
tion applicable au nouveau confine-
ment a été supprimée dans la jour-
née. Elle ne recensait pas moins de
quinze motifs de sortie, dont la visite
des lieux de culte, les démarches
administratives, les missions d’intérêt
général… Une notule, des astérisques
et un encart « explicatif » achevaient
d’embrouiller les malheureux confi-
nés, certains motifs étant valables
dans les trente, d’autres dans les dix
kilomètres.
« Je vous l’accorde, l’attestation
est complexe », avait commencé par
dire ce matin Camille Chaize, porte-
parole du ministère de l’Intérieur.
Quant au ministre de l’Intérieur
Gérald Darmanin, il appelait les pré-
Les Parisiens confinés ont profité des bords de Seine.
fets à diligenter des contrôles très
pédagogiques et à faire preuve de
beaucoup de compréhension avant
de verbaliser (en dernier ressort).
Si la critique est aisée, il faut recon-
naître qu’il y avait là un summum de
complexité administrative à la françai-
se… Le gouvernement a donc fait vol-
te-face. Désormais, de 6 h du matin à
19 h, et dans un rayon de 10 km, il suf-
| PHOTO : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT, AFP
fira de présenter un document attes-
tant de son domicile, ainsi qu’une piè-
ce d’identité. L’attestation reste donc
valable au-delà de 10 km, ainsi qu’à
partir de l’heure du couvre-feu. Et si
les Français peuvent profiter de l’exté-
rieur, les grands regroupements ne
sont pas permis, et le gouvernement
précise qu’il ne faut pas se réunir à
plus de six. Deux nouvelles attesta-
tions sont cependant en préparation.
Si les nouveaux confinés semblent
le prendre avec un fatalisme plus ou
moins grand, ce n’est pas le cas des
90 000 commerçants qui ont dû fer-
mer boutique. Leurs représentants
ont relayé leur colère. « C’est un
mépris pour tous ces commerçants
qui se battent depuis plus d’un an
pour la survie de leur entreprise », a
déclaré Murielle Bourreau, vice-prési-
dente de la Fédération française des
associations de commerçants.
Geoffroy Roux de Bézieux, prési-
dent du Medef, s’est plaint d’un
« acharnement sur les commerces »
et d’une « forme de folie bureaucrati-
que ». Il estime que « ce n’est pas
dans les commerces qu’on se conta-
mine prioritairement ».
Hier, 4 353 personnes étaient en
réanimation, le chiffre le plus haut
depuis le début de l’année. Quant
aux Français qui ne sont pas confi-
nés, le resteront-ils longtemps ?
Pas sûr, si l’on en croit Olivier Gué-
rin, membre du Conseil scientifique
sur lequel s’appuie le gouvernement.
« D’autres départements ou régions
vont probablement entrer dans ce
type de dispositif dans les quin-
ze jours ou trois semaines », a-t-il
prédit…
Florence PITARD.

La France en bref
Gilets jaunes en procès lundi
| PHOTO : YOAN VALAT, EPA-EFE
Dix personnes seront jugées à partir
de demain, à Paris, pour le saccage
de l’Arc de Triomphe, le 1er décem-
bre 2018, pendant une manifestation
de Gilets jaunes. Bilan : un million
d’euros de dégâts et une émotion
internationale. Malgré 400 interpella-
tions, les principaux responsables
n’ont pas été identifiés.
Un dessin à 1,9 million d’euros
Un rare dessin du sculpteur italien Le
Bernin a été adjugé, hier, à 1,9 million
d’euros à Compiègne (Oise) lors
d’une vente en ligne organisée par la
maison Actéon. Une enchère qui pul-
vérise un record mondial pour cet
artiste, établi à 139 000 € en 2014.
Un « pacte législatif » à gauche ?
L’ex-premier secrétaire du PS, Jean-
Christophe Cambadélis, a préconisé,
hier, que gauche et Verts scellent « un
pacte législatif » pour 2022. Selon
lui, ce préalable leur permettrait de
s’accorder sur une candidature com-
mune à l’élection présidentielle.
Manifs contre les violences
policières et le racisme
Plusieurs milliers de personnes, dont
400 à Rennes, ont manifesté, hier, à
Paris et en région, contre le racisme
et les violences policières. Des ras-
semblements organisés à l’appel de
plusieurs collectifs, dont le Réseau
d’Entraide Vérité et Justice, la Marche
des Solidarités, la Coordination
#StopLoiSécuritéGLobale ou des
associations de soutien aux sans-pa-
piers.
Rassemblement contre
l’antisémitisme à Toulouse
Neuf ans, jour pour jour, après le
quintuple assassinat de Mohamed
Merah à l’école juive Ozar-Hatorah,
entre cent et deux cents personnes
se sont rassemblées, hier, à Toulouse
Préparez l’été !
pour dénoncer « les crimes antisémi-
tes, à Toulouse et ailleurs ». Quatre Jusqu’au 2 avril, jouez et tentez de remporter
enfants et un adulte avaient été tués de nombreux lots : une table de salon de jardin
le 19 mars 2012.
avec 8 chaises, un parasol, un barbecue Weber
L’arbre européen 2021 espagnol et 2 000€ de chèques cadeaux LaMaison.fr !
Un chêne vert millénaire du village
d’Alto Aragón (Espagne) a été dési-
gné arbre européen de l’année. Le
chêne vert faisait autrefois partie Pour jouer, deux solutions :
d’une forêt dense et impénétrable qui Flashez le code
abritait des loups, des ours et des sor- Rendez-vous sur http://bit.ly/agrial2021
cières. La légende prétend qu’il proté-
geait les villageois. La Pouplie, le peu-
plier noir de Boult-sur-Suippe (Mar-
ne) qui était le candidat de la France,
a terminé 9e.
 France

Au collège, ils pistent les fausses informations

La 32e édition de la Semaine de la presse démarre demain, dans plus de 20 000 établissements.
L’éducation aux médias aide les jeunes (et moins jeunes) à ne pas tomber dans le piège des fake news.
Reportage
« Vous connaissez des journalis-
tes ? » Hésitation du groupe d’adoles-
cents : « Heu, y’en a un qui est parti
y’a pas longtemps ? » « Jean-Pierre
Pernaut ? Et Cyril Hanouna, vous
connaissez ? Quelle est la différen-
ce entre les deux ? »
Sandro Lutyens, journaliste indé-
pendant, longtemps correspondant
en Tunisie de France 24, se trouve
devant la classe de 4e3 du collège
Paul-Painlevé à Sevran, en Seine-
Saint-Denis.
« À la différence d’un journaliste,
Cyril Hanouna est animateur, il peut
donner son opinion. Qui est sur Tik-
Tok ? Sur Instagram ? Sur Snap-
chat ? » Toutes les mains se lèvent.
« Et sur Facebook ? » poursuit-il inno-
cemment. Rires de la classe : « Oh
non… »
Rumeurs d’enlèvements
Sandro Lutyens fait partie de Fake Off
(lire ci-dessous), une association de
journalistes qui intervient dans ce col-
lège depuis un an, à l’initiative des
deux professeures-documentalistes,
Noémie Michel et Fleur Saez. Objec-
tif : donner aux élèves des clés pour
débusquer les fake news et aiguiser Sandro Lutyens, journaliste, intervient auprès d’une classe de 4e de Sevran, en région parisienne, pour une séance
leur esprit critique. d’éducation aux médias. | PHOTO : YANN CASTANIER , OUEST FRANCE

« L’éducation aux médias fait par-

tie de nos missions, rappelle Noémie
Michel. On entend des théories com-
plotistes chez nos collégiens. Il y a
deux ans, l’histoire de la camionnet-
te blanche et des enlèvements
d’enfants a beaucoup circulé. Avec
ma collègue, on a voulu faire interve-
nir des journalistes professionnels,
des gens dont c’est le travail de véri-
fier les informations. Certains élèves
se sont braqués, mais ces échanges
permettent de déconstruire les
rumeurs. »
C’est parti pour un jeu autour de
Qu’en est-il de cette scène avec un
motard pointant son pistolet sur un
policier dans une voiture de
patrouille ? « Cette photo a été prise
pendant le tournage de la série Les
Lascars, à Champigny-sur-Marne,
explique Sandro Lutyens. Elle est
vraie mais elle a été détournée. » Et a
énormément circulé sur les réseaux
sociaux, prétendue « preuve » de ban-
lieues hors de contrôle, pour intenter
« à la réputation de Champigny »,
souligne le professionnel, qui interve-
nait le matin même dans un collège
d’abonnés à sa chaîne YouTube, il
gagne des dizaines et des dizaines
de milliers d’euros en diffusant de
fausses informations, principale-
ment destinées aux enfants », souli-
gne l’intervenant.
« J’ai bien aimé cette séance parce
qu’on échange, confie Kadiatou,
14 ans. Des fois, ce qu’on voit sur
Internet, on pense que c’est vrai,
mais c’est faux. Je ferai plus atten-
tion maintenant. »
« Pas sûr que cela entraîne de gros
changements dans leurs pratiques
mais ça les fait réfléchir », apprécie
Mme Hernandez, la prof d’espagnol,
une Rennaise.
La sonnerie vient de retentir, les élè-
ves se précipitent dans le couloir.
« C’est aussi un moyen de renouer le
lien et la confiance envers notre pro-
fession », affirme Sandro. Qui ressort
de là « blindé de bonnes ondes, ça
m’éclate ».
Dossier : Pascale LE GARREC.

photos projetées devant la classe :
lion noir réapparu en Tanzanie, hom-
me déguisé en chien pendant le con-
finement, tornade aux États-Unis, fau-
ve déambulant en ville… Vrai ou
faux ? Les collégiens ont vite fait
d’évoquer Photoshop (pour modifier
un visuel) mais aussi Google Images,
pour retrouver son origine.
de cette ville.
« Je ferai plus attention »
« Pourquoi diffuse-t-on de fausses
interventions ? » interroge-t-il encore.
« Pour faire le buzz avec du pute-à-
clic ! » s’exclament dans un bel
ensemble nos collégiens. « Lama
faché a presque huit millions
Clemi
« L’accès aux réseaux sociaux se fait en moyenne
entre 9 et 11 ans, sur smartphones. C’est extrême-
ment tôt. La généralisation de ces outils numériques
conditionne notre façon d’accéder à l’information et pose des enjeux liés à
la logique arithmétique des plateformes et des réseaux sociaux. C’est un
enjeu sociétal global », avertit Serge Barbet, directeur du Clemi (Centre de
liaison de l’enseignement et des médias d’information).

« Des méthodes de manipulation de plus en plus affinées »

C’est problématique, car beaucoup
Entretien de contenus sont conçus pour faire
« rester le client » en montrant des
choses sensationnelles. Ces conte-
nus sont recommandés par la plate-
Aude Favre, forme. Pendant des années, par
présidente exemple, YouTube recommandait
de Fake Off (1). des vidéos affirmant que la Terre était
| PHOTO : DR
plate. Ce n’est plus le cas, ils ont fait le
ménage, mais ce système de recom-
mandation continue et pose un gros
problème.
Comment s’informent les jeunes ? Les collégiens ne regardent pas
Très souvent, ils utilisent YouTube les médias traditionnels ?
comme un moteur de recherche. À part BFM, qu’ils regardent à fond.
Ils nous disent parfois que BFM
ment. Quand on fait des recherches
avec eux, souvent, on ne retrouve pas
les mensonges évoqués ou alors
c’est une affirmation faite par un poli-
tique ou un invité en plateau. Ils assi-
milent toute personne vue sur un pla-
teau à un journaliste, et cela fait un
tort terrible à la profession.
L’éducation aux médias
est-elle suffisante ?
Elle est prévue au collège par un texte
de loi. Nous sommes submergés de
demandes. Plein d’acteurs font plein
d’actions, mais cela repose beau-
coup sur la motivation des équipes.
Les méthodes de manipulation sont
de plus en plus affinées, presque pro-
fessionnelles. Et derrière, des équi-
pes pédagogiques bataillent pour
avoir deux heures d’éducation aux
médias. Au regard du boulot qu’il fau-
drait faire, ce n’est clairement pas
assez.
Propos recueillis par
P. L. G.
(1) Association de journalistes (princi-
palement télévision et investigation)
mobilisée contre la désinformation
(fakeoff.fr).

Les demeures historiques veulent rouvrir au public
Les châteaux et manoirs privés, qui vivent grâce à l’accueil du public, sont à la peine.
La crise sanitaire a fait chuter les recettes. Les propriétaires tablent sur une réouverture le 15 avril.
D’un naturel combatif et optimiste,
Olivier de Lorgeril ne cache pas son
inquiétude. « Il n’y a pas une semai-
ne où je ne reçois pas un coup de fil
d’un propriétaire me disant qu’il jet-
te l’éponge. Qu’il va vendre son bien
car il ne peut plus payer l’entretien
et les charges. »
Président national de La Demeure
historique, association qui compte
plus de 3 000 adhérents, et lui-mê-
me propriétaire du château et du zoo
de la Bourbansais (Ille-et-Vilaine),
Olivier de Lorgeril n’a de cesse
d’alerter les pouvoirs publics.
« No man’s land
des aides publiques »
« Bien sûr, nous comprenons les
impératifs liés à la crise sanitaire.
Mais bien souvent, les propriétaires
de demeures historiques qui font
vivre et entretiennent ce patrimoine
national se retrouvent dans le no
man’s land des aides publiques. »
Pour passer le cap de cette pandé-
mie qui joue les prolongations, La
Demeure historique, qui veille
depuis 1924 sur les monuments his-
toriques privés, a multiplié les con-
tacts avec les ministres de l’Écono-
mie, du Tourisme et de la Culture.
À Biarritz, l’hôtel du Palais reste impérial
Dominant la Grande plage de Biarritz, l’hôtel du Palais, le seul 5 étoiles labellisé palace
de la côte Atlantique, rouvre ses portes vendredi, après une rénovation historique et publique.
Des lustres historiques à leds
L’hôtel du Palais, restauré entière-
ment à l’ancienne, est devenu le sym-
bole d’un luxe historique dissimulé
derrière des prouesses technologi-
ques. Reprenant la célèbre citation
du livre Le Guépard, « Il faut que tout
change pour que rien ne change », la
maire de Biarritz, Maider Arosteguy
(LR), fait découvrir les lieux éclairés
de lustres monumentaux à lourds
cristaux, qui surplombent le bar. Ils
ont été démontés, transportés en Ita-
lie et convertis à l’éclairage led.
500 000 € ont été investis pour éco-
nomiser la dépense énergétique.
Une propriété municipale
Déjà trois hivers complets de travaux
et quasiment 70 millions d’euros
engloutis dans la rénovation du pala-
ce qui surplombe le soleil couchant
sur l’océan et les surfeurs. L’hôtel,
véritable icône de la station balnéaire
basque, est propriété de la mairie
depuis une cinquantaine d’années
pour éviter le dépeçage en apparte-
ments.
En forme de E comme Eugénie
La Ville a prescrit une cure de jouven-
ce à l’établissement chargé d’histoire.
Construit en 1855 par Napoléon III
pour la villégiature de sa femme,
l’Andalouse Eugénie de Montijo, le
bâtiment, qu’on appelle alors la Villa
France
Olivier de Lorgeril devant le château de la Bourbansais, qui abrite un zoo.
Les demandes d’aides directes,
d’aménagements fiscaux sont régu-
lièrement relancées pour aider ceux
qui tentent de faire vivre et d’ouvrir
aux Français, avides de patrimoine,
leurs parcs et châteaux.
« Au-delà des aides, nous espé-
rons pouvoir ouvrir au plus vite.
L’hôtel du Palais, à Biarritz, se refait une beauté à l’ancienne.
Eugénie, est vendu en 1881 et trans-
formé en hôtel-casino, puis en hôtel.
Détruite par un incendie en 1903, la
bâtisse est reconstruite, agrandie,
rehaussée, tout en conservant le plan
d’origine en forme de E comme
Eugénie.
| PHOTO : OUEST-FRANCE
Beaucoup de propriétaires conti-
nuent d’investir pour rendre leur
demeure attractive pour le public et
investissent pour l’instant à fonds
perdu. Si les billetteries ne redémar-
rent pas, les plus fragiles risquent
de tout perdre. »
Dans le viseur, Olivier de Lorgeril a
| PHOTO : DR
Vue sur mer…
même de la baignoire
L’hôtel fait, depuis, les beaux jours de
la clientèle de luxe et de réunions
internationales, comme le sommet
des chefs d’État africains invités par
François Mitterrand en 1994. Vendre-
la date du 15 avril. Les dernières
mesures de confinement annoncées
jeudi ne sont pas rassurantes, même
si les régions de l’Ouest sont moins
concernées.
Des dépenses
à 5 000 € par jour
À la Bourbansais, le parc, le château
et surtout le zoo sont toujours fermés
au public. Et pourtant, dans les
allées, les enclos des animaux, le
personnel s’active.
Impassible, une girafe traverse le
parc. Son pas nonchalant est beau-
coup plus lent et apaisé que la
machine à calculer qui tourne sans
fin dans le cerveau d’Olivier de Lor-
geril. « Pour l’instant, alors qu’aucu-
ne recette ne rentre, je dépense
près de 5 000 € par jour pour la
nourriture des animaux, l’aménage-
ment du zoo, la préparation de la
saison. Pour beaucoup de demeu-
res historiques qui ont fait le choix
de développer une activité écono-
mique pour entretenir leur patrimoi-
ne, le printemps et l’été sont des
périodes déterminantes. Là, il y a
urgence. »
Philippe LEMOINE.
di, le palace rouvrira sa lourde grille
sur une rénovation en profondeur qui
aligne quatre-vingt-six chambres et
cinquante-six suites, dont plusieurs
avec vue sur l’océan… y compris
depuis la baignoire ! Si le client béné-
ficie des connexions numériques der-
nier cri dans sa chambre, c’est sur-
tout le style Empire que les architec-
tes Didier Beautemps et Valeria San-
chez ont restitué.
Artisans à temps complet
Un accès supplémentaire a été créé
vers les jardins. Il est encadré de deux
piliers façon faux marbre. Un petit
exploit d’intégration dans le décor
ambiant sorti du pinceau de Lyonel
Barraquet, meilleur ouvrier de France
en peinture décorative et salarié à
temps complet de l’établissement.
Avec son pot de peinture blanche,
son escabeau et ses pipettes de cou-
leur, l’artisan retrouve la juste teinte
pour camoufler un accroc dans un
décor ou dissimuler une porte
d’ascenseur. « Le décor doit conser-
ver son aspect neuf. »
Lyonel Barraquet fait partie de la bri-
gade permanente des artisans du
Palais, une équipe unique en France,
avec ébéniste, tapissier, couturier,
tous capables de refaire une cham-
bre au goût de l’impératrice Eugénie.
Cyrille PITOIS.

Adoptée, elle avait été kidnappée à la naissance
Mariela a été adoptée au Guatemala à l’âge de 11 mois par une famille belge. Trente ans plus tard,
en recherchant sa famille biologique, elle a découvert avoir été victime d’un trafic d’êtres humains.
Rencontre
L’histoire de Mariela semble tout droit
sortie d’un film, mais elle est bien réel-
le. Tout commence au Guatemala, en
octobre 1987. Elle est adoptée à l’âge
de 11 mois par un couple belge, via
l’association Hacer Puente, et devient
Coline Fanon. « J’ai toujours su que
j’étais adoptée, explique la jeune
femme de 34 ans. Officiellement, ma
mère biologique m’avait abandon-
née car elle était trop pauvre. »
Sans s’interroger davantage,
Mariela-Coline grandit paisiblement,
se marie, emménage aux abords de
Bruxelles et devient la mère de
deux enfants. Lorsqu’un jour, sa fille
de 5 ans la questionne sur ses origi-
nes. « C’est affreux, en tant que
parents, de se retrouver confrontés
à son enfant et de ne pas avoir de
réponse. »
Prétendue morte
Alors, fin 2017, Mariela entame des
recherches plus approfondies. Sur
Internet, elle découvre des arti-
cles évoquant des vols d’enfants au
Guatemala. « Au début, je ne me sen-
tais pas concernée. Mais je suis tom-
bée sur des noms, les mêmes que
ceux dans mon dossier d’adop-
tion. » Un dossier rédigé en espagnol,
qui, une fois traduit, révèle des inco-
hérences et des problèmes de chro-
nologie. « Le plus dur a été de dire à
mes parents adoptifs : ça semble foi-
reux cette histoire. Ils étaient dévas-
tés, ils avaient pourtant tout fait dans
les règles. »
À partir de quelques informations
de son dossier, et en seulement
trois semaines de recherches,
l’impensable surgit : Mariela retrouve
sa mère biologique sur Facebook.
« Je vois son profil et là, je suis sûre.
Sûre à 200 %. Je la vois, ça me pique
dans le ventre, ça brûle, je sais que
c’est elle. »
Sa première discussion aura lieu
avec l’une de ses sœurs, jusqu’à ce
que sa mère lui écrive : « Bonjour ma
chérie, bonjour mon amour, je crois
que je suis ta maman, ils m’ont dit
La semaine de Chaunu
Monde/France
Mariela a créé la fondation Racines Perdues pour aider les victimes, comme elle,
à retrouver leur famille.
que tu étais morte. »
La Belge échange nuit et jour avec
cette famille retrouvée. Et, deux mois
plus tard, elle s’envole pour le Guate-
mala, le cœur serré. « Les retrou-
vailles à l’aéroport ont été aussi bel-
les que douloureuses. Des accola-
des, des pleurs, des rires, on était en
état de choc. »
En réalité, Mariela n’a jamais été
abandonnée : à sa naissance, elle a
été séparée de sa mère pour être hos-
pitalisée en pédiatrie. « Elle m’a récla-
mée mais on lui a dit que j’avais été
transférée dans un autre hôpital, à
deux heures de là. » Sauf qu’arrivée
là-bas, sa mère ne la trouve pas. De
retour au premier hôpital, elle
| PHOTO : RENAUD MASSON
apprend que son bébé est décédé.
Comme elle n’était pas là, il a été
enterré sous X, dans une fosse com-
mune, lui affirme-t-on.
« Elle ne se doutait de rien et ne
pouvait rien faire. À l’époque, le
pays était en plein conflit armé, on
tuait des gens pour moins que ça,
pour une question de trop. » Pen-
dant ce temps, Mariela était emme-
née en détention avec d’autres
bébés, pour être proposée à l’adop-
tion.
Cette tragédie est loin d’être un cas
isolé. Jusqu’en 2008, les autorités
guatémaltèques étaient très permissi-
ves en matière d’adoption. « Il n’y
avait pas de contrôles, la responsa-
bilité des procédures était laissée
aux avocats et aux notaires. » Les
adoptions, qui bénéficiaient à des
pays comme la France, la Belgique
ou les États-Unis, se négociaient à
plusieurs dizaines de milliers d’euros.
En paix avec son passé
Alors, quand les orphelins venaient à
manquer, certaines filières avaient
recours à des enlèvements, notam-
ment pendant la guerre civile, de
1960 à 1996. « Les rapports interna-
tionaux font état de 8 000 enfants
disparus pendant le conflit armé,
explique la jeune femme, sans comp-
ter ceux prétendus morts, comme
moi. » Et ce trafic d’enfants rapportait
gros aux réseaux mafieux : environ
200 millions de dollars par an, selon
la justice guatémaltèque.
Un business tentaculaire qui bénéfi-
ciait à tous les niveaux, jusqu’au plus
haut sommet de l’État. « Au cœur de
ces affaires, on trouvait la responsa-
ble du service d’aide publique à
l’enfance. Les institutions étaient
corrompues. » Aujourd’hui, les adop-
tions vers les pays étrangers sont
interdites au Guatemala, « mais les
vols d’enfants continuent ».
Mariela se dit en paix avec son pas-
sé, « heureuse fille de quatre parents
incroyables ». Elle a entamé une pro-
cédure judiciaire en Belgique pour
faire la lumière sur son histoire.
En 2017, elle a créé la fondation
Racines Perdues, qui accompagne
les victimes guatémaltèques d’adop-
tions illégales, recherche leurs
familles et défend leur cause. « Nous
voulons que l’Europe reconnaisse
ces faits. Pour que ça ne se reprodui-
se plus et pour le respect des victi-
mes, dont certaines sont encore
mineures. » Mariela souhaite que les
législations concernant les adoptions
évoluent. « Il y a encore des choses à
améliorer, on doit tirer des leçons de
l’Histoire. »
Camille DA SILVA.
Le livre de Mariela, Maman, je ne suis
pas morte, paraîtra en novembre en
France, aux éditions Kennes.

Loana, icône tragique de la téléréalité
Paul Sanfourche s’intéresse à la vie de Loana Petrucciani, gagnante de Loft Story 1, qui cristallise
les moqueries. Selon lui, son parcours est révélateur du sexisme qui règne dans la société.
Entretien
Paul
Sanfourche,
journaliste.
| PHOTO : EMMANUELLE
MARCHADOUR
Pourquoi Loana est-elle
la seule lofteuse connue ?
Dans le Loft, elle crevait l’écran. Je
me souviens aussi d’avoir été fasciné
par la scène de la piscine avec Jean-
Edouard. Ensuite, elle a continué à
intéresser, même s’il y a eu beau-
coup de moqueries sur elle et un
acharnement médiatique pendant
deux décennies. C’est intrigant, cet-
te absence d’empathie collective. Je
me suis dit qu’il devait y avoir quel-
que chose de significatif sur la place
des femmes dans la société.
Quel a été le déclencheur
de votre livre ?
Une citation de la féministe Daria
Marx dans le livre de Gabrielle Dey-
dier, On ne naît pas grosse. Elle y
observait que lorsque Loana était
une bimbo, elle était la risée ; et que
vingt ans plus tard, devenue obèse,
elle l’était toujours ! Les femmes ont
toujours tort, leur corps a toujours
tort.
Steevy Boulay, l’autre vedette du
Loft 1, l’appelait la Cosette du Loft.
Elle vient d’un milieu populaire, a eu
une enfance très difficile. Son père
battait sa mère, Loana a été maltrai-
tée, victime d’inceste. Plus tard, elle
subira des viols, des violences conju-
gales, du harcèlement. Elle est au
carrefour de toutes les violences fai-
tes aux femmes. Quand elle publie
son autobiographie, on connaît son
passé douloureux, mais on le traite
sous l’angle du misérabilisme social.
On passe à côté de cette grille de
lecture qui viendra avec #MeToo. Sa
vie a été jalonnée par la domination
masculine.
Quelles sont les suites
de son enfance douloureuse ?
Au lycée, elle décroche, parce
qu’elle n’est pas soutenue, mais aus-
si parce qu’elle croit avoir trouvé son
prince charmant. Elle dit : « Dans ma
tête, mon métier, c’est d’être avec
lui. » Petite fille, elle a été façonnée
par les mangas féminins du style
Candy Candy…
Loana est une parfaite victime ?
Non ! C’est plus compliqué. Elle est
victime de violences et du sexisme
qui règne dans la société. Mais elle
est loin d’être un objet. Elle a traversé
une véritable odyssée de genre,
quelque chose d’héroïque qui passe
par des épreuves, des ascensions,
des coups de gloire et de déprime. Il
France
Christophe et Loana quittent le loft en vainqueurs, le 5 juillet 2001.
y a quelque chose de fort en elle, elle
sait lutter contre l’adversité.
Comment fait-elle pour s’en sortir ?
À l’époque, les femmes puissantes,
visibles pour une jeune fille sont les
superstars de la mode, les Linda
Evangelista, Naomi Campbell. Loa-
na tente le mannequinat, devient
go-go danseuse. Ce choix jugé indi-
gne, c’est une stratégie de survie.
C’est ce qui l’amène à façonner
son corps ?
Elle a pour modèle l’actrice Pamela
Anderson, qui dit que Playboy lui a
sauvé la vie. Elle prend aussi une
revanche sur son père, qui dénigrait
son corps. Loana est née brune,
avec les yeux marron, elle devient
blonde, met des lentilles bleues, se
fait poser des implants mammaires.
Elle se construit un avatar. En tra-
vaillant sur son corps, elle peut
gagner du pouvoir. Les bimbos n’ont
rien de risible. La construction de soi
demande beaucoup de volonté.
Ce phénomène des bimbos est
donc un peu à double tranchant ?
Oui, on a vécu Hollywood, le matra-
quage sur le physique des femmes,
Marilyn Monroe. Les bimbos pous-
sent le curseur, jouent à fond l’hyper-
féminité. En faisant presque un acte
de caricature, elles montrent
l’oppression qui a lieu sur le corps
des femmes. Car celui-ci ne se suffit
jamais à lui-même. Il faut des sou-
tien-gorge push-up, des talons. Le
corps doit être maquillé, travesti.
| PHOTO : ARCHIVES OLIVIER MORIN, AFP
À quoi cela lui sert-il
d’être une bimbo ?
La production l’a choisie pour être
« La Pamela du 06 ». Elle est tout de
suite la star du programme. Mais sur-
vient l’épisode de la piscine, un scan-
dale national. Et c’est criant de sexis-
me. Jean-Edouard est le séducteur,
elle, la fille facile. Tout le monde fait
des blagues sur elle, cela remplace
les blagues de blondes. Elle devient
l’incarnation de la femme stupide.
D’autant plus injuste que selon
la production, elle a le QI le plus
élevé du loft ?
Je peux vous dire qu’elle est intelli-
gente. Elle s’exprime très bien, elle
écrit bien. On est dans les purs préju-
gés.
Dans le Loft, France Dimanche
révèle qu’elle a une fille.
Oui, une petite fille de 3 ans, placée à
la DDASS (Direction départementale
des Affaires sanitaires et sociales). Il
y a un déchaînement. On lui fait por-
ter l’image de la mauvaise mère,
autre personnage repoussoir de la
féminité. Personne ne s’intéresse
aux réalités qui se cachent derrière.
Quand sa fille naît, elle a 19 ans, est
sans ressources. Comment devient-
on parent quand on a été aussi mal-
traité ?
Comment cela se passe-t-il
quand elle sort ?
Elle monte sa société, obtient des
contrats avec des marques, c’est
l’opulence. Elle sait gérer ses affai-
res ! Pourtant, j’ai retrouvé un article
du Nouvel Obs qui l’appelle La ren-
tière du Loft…
Ensuite, c’est un peu la descente
aux enfers ?
Oui, elle intéresse moins la télé, la
manne financière se tarit. Et elle est
empêtrée dans des relations toxi-
ques. Elle est toxicomane, bipolaire,
suicidaire. Elle ne peut plus tenir les
rênes de sa société.
Et la presse people fait
ses choux gras de ses malheurs ?
On sait qu’une enfance détruite
entraîne des comportements à ris-
que, une répétition des schémas
parentaux. Mais on préfère rigoler de
ses malheurs, les traiter avec légère-
té. Alors que c’est tragique.
Pourtant, elle continue
la téléréalité.
Elle a notamment fait La Villa des
cœurs brisés et un programme de
téléréalité chirurgicale en Tunisie.
Elle part pour une liposuccion, et on
lui propose une chirurgie de l’obési-
té ! Ce qui m’a frappé, c’est à quel
point la chirurgie esthétique est un
symbole de la domination masculine
et du patriarcat. La quasi-totalité des
opérations sont pratiquées par des
hommes sur des femmes. Même
pour l’obésité !
Que devient Loana ?
Je l’ai rencontrée dans le Sud, à Ven-
ce, où elle vivait avec sa mère. Elle
devait repartir à Paris. Elle aime se
dire phénix, elle renaît toujours de
ses cendres.
Regrette-t-elle ses choix ?
Elle ne changerait rien de ce que la
télé lui a offert. Cela lui a permis de
faire des choses extraordinaires. Elle
dit que c’est son métier d’accepter
aussi les coups que les médias lui
assènent…
Propos recueills par
Florence PITARD.
Sexisme Story, Seuil, 325 p., 19 €.
Repères
30 août 1977. Naissance de Loana
Petrucciani à Cannes.
21 janvier 1998. Naissance de sa fille
Mindy à Antibes.
1999. Début aux Pays-Bas de Big Bro-
ther, l’émission de téléréalité néerlan-
daise qui a inspiré Loft Story.
8 janvier 2001. Aventures sur le Net,
première téléréalité française, sur TF6.
26 avril 2001. Débuts de Loft Story,
produit par Endemol, sur M6.
29 avril 2001. Scène de la piscine.
5 juillet 2001. Sortie des lofteurs, Loa-
na et Christophe sont vainqueurs.
5 septembre 2001. Sortie de l’auto-
biographie de Loana, Elle m’appelait
Miette.
2011. Participe aux Anges de la téléré-
alité.

« C’est bien quand on choisit » : le télét
Un an après la mise en route façon « système D » du télétravail, des salariés font le bilan. Certains
ont le sentiment de tourner en rond, d’autres ont réorganisé leur quotidien pour mieux le vivre.
Il y a ce café impromptu avec un collè-
gue qu’on n’a pas croisé depuis long-
temps. Ce moment où « on va cher-
cher un crayon et : « Tiens, salut, tu
bosses sur quoi ? Ah top, c’est qui
ton contact ? Tu fais bien de me le
dire », décrit Maud, 41 ans. Et tous
ces à-côtés qui ferment la séquence
de travail pour en ouvrir une autre. Ce
geste d’« éteindre l’ordi », dit Christo-
phe, 35 ans. Ce sas de décompres-
sion « à vélo, à pied, en transports »,
poursuit Maud. Ces soirées « à jouer
au badminton, à voir des amis »,
conclut Thomas, 24 ans. Tout un petit
monde professionnel et social que
l’on peine à réinventer derrière son
écran.
Un an après les débuts fracassants
du télétravail en France, des salariés
concernés font le bilan de ce mode
de travail découvert à travers le pris-
me déformant de la pandémie.
Des réunions sur le bord
de la baignoire
« L’idée, c’est de pas décrocher de
la boîte », assure d’emblée Édouard,
42 ans, qui se rend en moyenne une
fois par semaine dans les locaux de
sa start-up de commerce. Cet habi-
tant d’Asnières-sur-Seine (Hauts-de-
Seine), marié et père de deux enfants
de 5 et 8 ans, garde, comme nombre
de parents, un souvenir impérissable
de ses débuts en télétravail. « Toute la
grande distribution connaît la déco
de la chambre de ma fille, plaisante
celui qui a dû improviser un bureau à
la maison. Ça m’est arrivé de faire
des réunions dans la salle de bains,
sur le bord de la baignoire, ça réson-
nait ! »
Un an plus tard, les enfants ayant
repris le chemin de l’école, Édouard
s’est fait au télétravail, à petites doses.
« Deux jours par semaine, ça me va,
mais pas plus. C’est bien de voir ses
collègues, de ne pas être matin, midi
et soir dans la même maison. »
Rester chez lui pour travailler, Chri-
stophe, responsable informatique
dans une entreprise de Vendée, ne
l’imagine plus. « C’est vraiment pas
pour moi ! » Marié et père de deux
Le télétravail a été mis en œuvre de manière massive en mars 2020 en France.
France
enfants de 7 et 9 ans, il a du mal à ne
pas céder à la tentation que constitue
sa vie privée. « C’est mon environne-
ment, j’ai envie d’y faire plein de
trucs, sauf travailler, raconte-t-il.
Tiens j’ai un truc à bricoler vite fait, je
vais le faire ! »
Ce qui lui manque particulièrement,
c’est la productivité. « Arriver en fin de
semaine et se dire : « Ah mince, je
n’ai pas eu le temps de faire ça »,
alors que c’est une tâche récurrente,
c’est pas normal. » Ce qui le pousse
à faire déborder ses horaires sur son
temps libre. « On étale un peu plus.
Sur les coups de 20 h, on termine de
dîner et on se dit : « Je vais m’y
remettre un petit quart d’heure ». Il
n’y a pas de décrochage complet. »
Réorganisation salvatrice
Cette difficulté à décrocher, ils sont
nombreux à l’avoir identifiée et, après
un printemps 2020 explosif, à tenter
de la gérer désormais. « Je suis sortie
du premier confinement épuisée, se
souvient Maud, 41 ans, qui travaille
dans le marketing pour une entrepri-
se de grande consommation, mariée
et mère de quatre enfants de 3 à
14 ans. « Ça a son importance ! » pré-
cise en riant cette habitante des
Hauts-de-Seine. « J’ai eu le senti-
ment qu’il fallait que je sois bonne
dans mon équipe, bonne dans mon
job, bonne mère, bonne prof, que je
fasse tourner la maison… Et je n’ai
pas su dire : « J’y arrive pas. » »
Elle voit une différence considéra-
ble entre il y a un an et aujourd’hui,
pas seulement liée à la réouverture
des écoles mais grâce à une réorgani-
sation salvatrice de son temps de tra-
vail. « Je fais une vraie pause dej,
commence-t-elle. Je bloque mon
agenda et je m’oblige à aller mar- La pandémie de coronavirus a obligé de nombreux salariés à se mettre en télétravail… un an
cher, je décroche. Ensuite, j’ai été
beaucoup plus claire avec les confinement et qu’on est devenus Et pourtant son verdict est implaca-
enfants : quand ma porte est fer- professionnels pendant le deuxiè- ble : « Avec le Covid, c’est juste
mée, ma porte est fermée. Mais le me. » ch*** ! »
soir, quand je m’arrête, je range Nicolas, développeur de 40 ans Pour ce père de deux enfants de 6
l’ordi, c’est terminé. » dans la région lyonnaise, est quant à et 10 ans, le télétravail, « c’est bien
Une adaptation réussie pour elle : lui ceinture noire 2e dan de télétravail. quand on le choisit ». Et dans cette
« J’ai le sentiment qu’on était stagiai- « Ça fait huit ans que j’en fais, je ne période « hyper anxiogène », difficile
res du télétravail pendant le premier me vois pas travailler autrement ! » de travailler efficacement. « Le cou-
vre-feu a tout changé, juge-t-il.
Quand j’ai eu une journée difficile,
j’ai besoin de prendre l’air. Être
enfermé toute la journée sans possi-
bilités de sortir le soir, ça, c’est un
vrai confinement… »
« Des périodes
où je ne faisais rien »
Ce que ressent également Thomas,
ingénieur informatique de 24 ans, qui
vit seul à Amiens. Après trois ans
d’alternance, il a été embauché par
son entreprise en septembre. « Je
sors tout juste d’école ! » Il est en télé-
travail depuis octobre. « Si on me
demande de revenir, j’y vais tout de
suite », assure-t-il. Le jeune homme
regrette surtout les interactions socia-
les. « J’ai 24 ans, c’est un âge où on a
besoin de voir du monde… ne pas
savoir quand ça va s’arrêter, c’est
| PHOTO : GETTY IMAGES/ISTOCKPHOTO déprimant. »

travail, stop ou encore ?
n après, stop ou encore ?
Pour Nicolas, il y a des étapes
incontournables à passer. « Trouver
et gérer son rythme, ne pas se sentir
seul, ça prend quelques mois, cons-
tate-t-il. Je me mets en position de
travail et je vais traîner sur Twitter ou
sur YouTube. Ça, c’est très mauvais
signe. J’ai eu des périodes où je ne
Après un an de télétravail, « les gens ne se comprennent plus »
Entretien
Aurélie
Dudézert,
professeure des
universités à
l’institut Mines
Télécom BS (1).
| PHOTO : AURÉLIE DUDÉZERT
Comment les salariés ont-ils vécu
cette année de télétravail ?
On observe une différence forte
entre la première phase de la crise
sanitaire et la seconde. Dans la pre-
France
| PHOTO : CORINE MONNERIE / OUEST-FRANCE
faisais rien de la journée, parfois de
la semaine. Là, il y a un problème… »
Face à ce risque de perdre pied,
l’entreprise a un rôle à jouer. « Je suis
dans une boîte qui a une conviction
forte : le tout-télétravail, c’est catas-
trophique, c’est ultra fatigant et ça
fait perdre de vue le sens du travail
mière période, un télétravail de réac-
tion a été mis en place très vite et très
violemment. Globalement, les sala-
riés se sont bien adaptés. La deuxiè-
me phase a été beaucoup plus com-
plexe : il a fallu entamer des nou-
veaux projets. Or, quand il s’agit de
routine, d’activité assez standardi-
sée, le télétravail fonctionne bien,
alors que dans une phase de créa-
tion et de conception, cela fragilise
beaucoup plus l’organisation, le col-
lectif et l’efficacité.
Quelles sont les difficultés
les plus fréquentes ?
Il y a eu une augmentation des ten-
sions, majoritairement liées à des
Lors du deuxième confinement, Maud s'est installée un vraie bureau avec grand
écran chez elle.
et le sens du collectif, expose
Romain (le prénom a été changé),
cadre RH de 44 ans dans une grande
entreprise française. On l’a particuliè-
rement vu chez les jeunes, confirme-
t-il. Parce que c’est maintenant pour
eux que se forment la culture du tra-
vail et la manière de travailler en col-
lectif. On a senti les conséquences
sur leur santé mentale. C’est le rôle
du manager d’appeler, de deman-
der si ça va, si on peut faire quelque
chose… »
Donner envie de venir
au bureau
Passée « l’adrénaline » des débuts
du télétravail où « tout est intense »,
Romain se souvient d’une « révéla-
tion » lors d’un partiel retour sur site
en juin. « On avait sous-estimé la for-
ce de l’informel, de la proximité phy-
sique, explique-t-il. Là, j’ai mon équi-
pe autour, je sors de mon bureau
pour dire une blague, ça marche ou
ça marche pas mais je vais pas
appeler les gens pour leur dire : « J’ai
malentendus, parce qu’il y a l’absen-
ce du corps et du présentiel, ce qui
fait que beaucoup de choses sont
difficiles à capter. Certains de nos
répondants ont parlé de micro-
agressions constantes. Les gens
n’arrivent plus à se comprendre. Par
ailleurs, on observe une situation
d’enfermement des individus sur
leurs équipes très proches et une
très grande difficulté à se projeter sur
le collectif, l’entreprise, l’organisation
en général. On commence à voir
l’apparition d’organisations très cla-
niques. Il manque l’informel, la spon-
tanéité et l’échange, justement entre
services, qui se faisaient avec le pré-
sentiel.
| PHOTO : DR/MAUD
une blague à te faire ! » »
Un constat qui pousse son entrepri-
se à préparer « le monde d’après ». À
la fin de la crise, deux jours de télétra-
vail seront possibles par semaine,
choix réalisé à partir d’une enquête
auprès des salariés.
« Ça a accéléré la réflexion sur les
espaces de travail pour donner
envie aux gens de venir au bureau,
explique-t-il. Des espaces plus con-
fortables, mieux équipés, avec des
salles « projets » où travailler ensem-
ble… Tout ça avec l’idée qu’on
séquencera notre semaine entre
des moments de concentration les
jours de télétravail et des moments
de partage, de réflexion, d’inven-
tion, pour le temps en collectif. »
Une façon de réarticuler sa façon
même de travailler. « Tout ça, il fau-
dra le combiner avec les envies de
chacun. » Car dans « le monde
d’après », sans devenir la règle, le télé-
travail ne risque pas de disparaître.
Mélissa BOUFIGI.
Avez-vous relevé certaines
bonnes pratiques ?
Le fait de parler des difficultés ren-
contrées, que cette parole vienne du
collaborateur ou du supérieur et que
tout cela soit entendu et discuté, ça
marche très bien. Quand on prend le
temps de s’écouter, quand le colla-
borateur se sent la liberté de s’expri-
mer sur ces sujets-là et que le mana-
gement se sent aussi la liberté de
poser ces questions-là, ça se passe
très bien.
Propos recueillis par
Ambre LEFÈVRE.
(1) Et spécialiste de la transformation
numérique des organisations

Amelia Earhart, la « fille de l’air » en p
Illustres inconnues. Dès la seconde moitié du XIXe siècle, l’aviation attire un public admiratif. Les pilotes s’affrontent
en courses de vitesse, d’altitude, d’endurance. Parmi les premières femmes qui s’illustrent, l’intrépide Amelia Earhart.
La petite Amelia est née le 24 juillet
1897 dans le Kansas. Elle passe une
grande partie de sa petite enfance
chez ses grands-parents maternels,
les Otis, dans une famille de la très
bonne bourgeoisie locale. Son
grand-père n’a guère approuvé le
mariage de sa fille. Amy Otis a en
effet épousé Edwin Earhart, certes
brillant et cultivé mais dont le pen-
chant affirmé pour la bouteille fait
régulièrement sombrer les projets. Il
peine à conserver un emploi. La
situation s’aggrave et Amy doit ren-
trer chez ses parents, ses deux filles
Amelia, « Millie », et sa jeune sœur
Muriel, « Pidge », sous le bras. La dis-
cipline et le conformisme n’étant pas
les points forts de leur mère, l’éduca-
tion des petites est assez peu con-
ventionnelle. Elles battent la campa-
gne avec les garçonnets du voisina-
ge, grimpent aux arbres, chassent le
rat dans les fermes alentour. Et dans
la petite bande, Millie est toujours la
meneuse.
Elle a dix ans quand ses parents
décident de faire une nouvelle tentati-
ve pour sauver leur couple. Mais
Edwin reprend vite ses mauvaises
habitudes. Les Earhart déménagent
souvent, parfois à la cloche de bois et
les deux filles sont contraintes de
changer sans arrêt d’école. Il est diffi-
cile à cause de l’incessante « bou-
geotte » paternelle de poursuivre des
études régulières et de se faire des
amis.
En 1915, Amy se sépare de son
mari et confie Millie et Pidge à des
amis qui vivent à Chicago. Amelia y
suit les cours de la Hyde Park High
School, où elle excelle en chimie et
obtient rapidement son diplôme.
Très vite, elle a compris qu’il lui faut
devenir indépendante financière-
ment puisqu’elle ne peut guère
compter que sur elle-même pour fai-
re son chemin dans la vie.
Une vocation naissante
La Première Guerre mondiale éclate.
Amelia se porte volontaire pour un
poste d’aide-infirmière au service de
la Croix-Rouge. Dans le cadre de son
travail, elle rencontre et soigne de
nombreux pilotes blessés. Elle se lie
d’amitié avec plusieurs d’entre eux et
passe tout son temps libre à les
regarder s’entraîner sur l’aérodrome
voisin. En 1919, elle s’inscrit à Colum-
bia mais n’y fait qu’un bref passage
avant de rejoindre ses parents, une
énième fois réconciliés, en Californie.
Un baptême de l’air lors d’un
« meeting » à Long Beach en 1920
bouleverse le cours déjà houleux de
son existence. Elle n’est restée qu’un
petit quart d’heure dans l’avion mais
elle en est à présent certaine, elle doit
absolument apprendre à voler. Elle
accumule alors les petits boulots,
photographe, chauffeur de
camion, etc. afin de payer ses cours
de pilotage. Son professeur ? L’avia-
trice pionnière Anita « Neta » Snook.
Amelia s’immerge totalement dans
sa passion. Elle se coupe les che-
Monde/France
veux, à la manière des autres fem-
mes aviateurs, et passe la plupart de
ses journées à l’aérodrome. À l’été
1921, elle a économisé suffisamment
d’argent pour faire l’acquisition d’un
biplan Kinner Airster d’occasion
qu’elle peint en jaune vif et baptise
« Le Canari ».
Le 22 octobre 1922, aux comman-
des de son avion, elle parvient à s’éle-
ver à 4 300 m du sol, record mondial
pour une femme. Le 15 mai 1923,
Amelia devient très officiellement la
16e femme au monde à obtenir sa
licence de pilote remise par la Fédé-
ration aéronautique Mondiale.
Malheureusement, la famille Ear-
hart connaît de nouveaux problèmes
financiers. La toute nouvelle aviatrice
est contrainte de vendre son « cou-
cou ». Mais Amelia n’abandonne pas
pour autant ses rêves de vol. En 1927,
elle devient représentante commer-
ciale pour les avions Kinner. Elle rédi-
ge aussi, dans le journal local, des
articles promotionnels vantant les
mérites de l’aviation.
Premier vol transatlantique
Les 20 et 21 mai 1927, Charles Lind-
bergh conquiert une reconnaissance
internationale en devenant le premier
pilote à relier New York et Paris par
les airs, en trente-trois heures et tren-
te minutes, à bord du « Spirit of Saint
Louis ». Dès lors, la voie est ouverte.
Pourquoi une femme ne réitérerait-el-
le pas cet exploit ? En tant que passa-
gère, bien sûr. Un tel vol est trop dan-
gereux pour « laisser le « manche à
balai » à une femme ». En 1928, le
capitaine Hilton Railey, pilote mais
également publicitaire, contacte
Amelia. Veut-elle tenter l’aventure ?
La jeune femme n’hésite pas une
seconde.
Le 17 juin 1928, Amelia Earhart
décolle de Terre-Neuve, dans un Fok-
ker F.Vllb / 3m nommé « Friendship »
(Amitié). Elle est accompagnée par le
pilote Wilmer « Bill » Stultz et le copi- Amelia Earhart, aviatrice, est la première femme à traverser l’Atlantique en solo.
lote/mécanicien Louis « Slim » Gor-
don. Vingt heures et 40 minutes plus s’implique dans les organisations de ser, elle achète un nouvel avion
tard, ils atterrissent au Pays de Gal- femmes pilotes. Elle épouse aussi « Electra » et rassemble un équipage.
les. La jeune femme confie qu’elle l’éditeur George Putnam. Le plan initial vise à décoller
s’est sentie « Comme un bagage, un Le 20 mai 1932, Amelia devient la d’Oakland et à voler vers l’ouest jus-
sac de pommes de terre ». Mais elle première femme à traverser l’Atlanti- qu’à Hawaï. De là, le groupe traverse-
ajoute déjà : «… un jour j’essaierai que en solo, au cours d’un voyage de ra le Pacifique jusqu’en Australie.
seule. » L’équipe de l’Amitié est près de 15 heures de Terre-Neuve à Ensuite, ils survoleront le sous-conti-
accueillie triomphalement à son Culmore, en Irlande du Nord. Le vol a nent indien, l’Afrique, puis retour en
retour aux États-Unis. Pour la presse, dû affronter des difficultés considéra- Californie.
Amelia est désormais « Lady Lindy », bles, épais brouillard, glace sur les Le 17 mars 1937, ils s’envolent. Ne
clin d’œil à « Lucky Lind », surnom de ailes, mais atterrit finalement avec l’oublions pas l’aéronautique n’en est
Lindbergh. succès. La jeune femme est désor- encore qu’à ses débuts. Les trajets
mais une héroïne internationale, sont longs, la cabine exiguë, il y a
En route vers la gloire médaillée d’or de la National Geogra- l’inconfort, le bruit… Mais aussi les
Grâce à cette célébrité toute neuve, phic Society, distinguée par la Flying incertitudes liées à l’orientation. Les
Amelia se voit offrir un poste de Cross et la Croix de chevalier de la conditions météorologiques et les
rédactrice au magazine Cosmopoli- Légion d’honneur. La jeune femme changements de vents nécessitent
tan. Elle se charge, dans les pages de multiplie à présent les voyages en des modifications du plan de vol.
la revue, de la promotion pour les solo : Honolulu, Hawaï, Californie, Cette fois, Amelia et son copilote
voyages aériens commerciaux. Dans elle est la première personne à avoir Fred Noonan optent pour un vol vers
le même temps, elle multiplie les vols survolé à la fois les océans Atlantique l’est. Depuis Miami, ils se dirigent
en solo à travers l’Amérique du Nord. et Pacifique. vers l’Amérique centrale et l’Améri-
Elle participe en 1929, au premier Air que du Sud, puis prennent la direc-
Derby pour femmes de Cleveland,
Dernier vol et disparition tion de l’Afrique. De là, ils traversent
établit un nouveau record mondial En 1935, Amelia commence à envi- l’océan Indien et atterrissent à Lae,
d’altitude sur un Pitcairn PCA-2 et sager un tour du monde. Pour le réali- en Nouvelle-Guinée, le 29 juin. Il ne
 Monde/France

roie à toujours plus d’exploits

Îles Marshall, océan Pacifique, une disparition mystérieuse
Depuis sa disparition, les théories
abondent, concernant les derniers
jours d’Amelia Earhart. Deux hypothè-
ses semblent particulièrement crédi-
bles.
La première est que l’avion se soit
écrasé et que ses deux passagers aient
péri en mer. Plusieurs experts affirment
que la dernière étape de leur vol était
« mal planifiée, mal exécutée ».
L’avion, insuffisamment ravitaillé en
carburant, n’aurait, en l’état, pu se ren-
dre sur Howland même en cas de con-
ditions idéales. Une autre théorie veut
qu’Earhart et Noonan aient volé sans
possibilité de transmission radio pen- L’atoll de Jaluit dans les îles Marshall. | PHOTO : U.S. NATIONAL ARCHIVES
dant un certain temps après leur der-
nier signal et atterri sur le récif inhabité recherche en archéologie aérienne et me assise dos à la caméra pourrait être
de Nikumaroro, une petite île du Pacifi- enquête sur la disparition de l’avion Amelia, tandis que l’homme à l’extrême
que à 560 km au sud-est d’Howland, depuis les années 1980, soutient éga- gauche serait Fred Noonan, son navi-
endroit où ils seraient finalement morts. lement cette thèse. Le squelette, trouvé gateur. À l’extrême droite de l’image on
Plusieurs enquêtes sur place ont mis à sur place dans l’île en 1940, est-il celui distinguerait la forme de l’aile de l’avion
jour quelques objets qui pourraient être d’Amelia ? d’Amelia. L’aviatrice aurait été capturée
significatifs, outils improvisés, restes Mais d’autres théories abondent. Une par les Japonais, puis internée et serait
d’une trousse de maquillage contenant photographie, supposément prise par finalement morte en captivité durant la
des produits typiquement utilisés par un espion américain sur l’atoll de Jaluit, Seconde Guerre mondiale. Mais un
les femmes américaines, morceaux de dans l’archipel des Marshall, suggère blogueur militaire japonais a trouvé la
vêtements, morceau de plexiglas de la que la légendaire pilote pourrait avoir même photo dans un récit de voyage
largeur exacte d’une fenêtre « Electra ». été faite prisonnière par les Japonais. archivé à la bibliothèque nationale de
TIGHAR, The International Group for Le cliché paraît dater de la fin des Tokyo. Or la datation du cliché est cette
Historic Aircraft Recovery, l’organisa- années 1930 et montre un groupe de fois certaine. Il a été pris en 1935, deux
tion américaine qui s’occupe de la personnes sur le quai de l’ilot. La fem- ans avant la disparition de l’aviatrice.

« La Baronne », première femme à obtenir son brevet

En 1910, pour la première fois, une
femme obtient un brevet de pilote
Le monde de l’aviation a d’abord été
considéré comme un « pré carré »
masculin. Seuls les hommes avaient
accès aux « coucous » mais très rapi-
dement, les femmes ont, elles aussi,
voulu tenter l’aventure dans les airs.
Un mot sur quelques-unes de ces
pionnières.
À tout seigneur, tout honneur pour-
rait-on dire, Thérèse Peltier, première
femme à avoir piloté un aéroplane en
solo en septembre 1908, mais… sans
| PHOTO : SSPL GETTY IMAGES brevet. Pour voir apparaître une aviatri-
ce « certifiée », il faut attendre les
leur reste plus à parcourir que exploits de Raymonde de Laroche,
7 000 milles sur 22 000. fausse baronne mais vrai comédien-
L’aviatrice souhaite se diriger vers ne. Elle rencontre Charles Voisin qui La baronne Raymonde de Laroche. | PHOTO : MUSÉE DE L’AIR ET DE L’ESPACE
l’île Howland, à quelque 4 000 kilo- est, à cette époque, en 1907, le pre-
mètres de Lae. Une bande de terre mier français à voler en Europe sur un sa licence de pilote via l’Aero-Club of Les « Sorcières de la Nuit »
plate difficile à distinguer, un confetti avion à moteur qu’il a d’ailleurs conçu. America et, en 1912, parvient, premiè- À l’été 1941, une escadre de femmes
dans l’océan Pacifique, où ils pour- La jeune femme décide de tenter elle re femme à le faire, à traverser la Man- pilotes est armée par les Soviétiques
ront se ravitailler avant de reprendre aussi l’aventure et le 22 octobre 1909, che en ralliant Douvres à Calais en afin de mener des offensives de bom-
leur envol en direction d’Hawaï. Ils elle part seule à bord de son appareil, 59 minutes dans un monoplan Blériot. bardement nocturne à l’encontre des
quittent leur base le 2 juillet 1937 à un biplan Voisin bien entendu. Harriet trouve la mort à 37 ans, lors troupes allemandes. Le 588e régi-
0 h 30. Sur cette dernière partie de Durant le meeting d’Héliopolis en d’un meeting aérien à Boston. ment devient bientôt célèbre chez les
leur trajet, ils n’ont guère droit à Égypte, le 10 février 1910, l’Aéro-Club Bessie Coleman, elle, fut la première nazis sous le surnom de « Sorcières
l’erreur. Le matin du 2 juillet 1937 à de France valide son brevet de pilote, aviatrice afro-américaine. Refusée à de la Nuit » en raison de leur tactique
7 h 42, l’Itasca, un navire muni d’équi- qui lui sera délivré le 8 mars 1910, l’entrée des écoles de pilotage aux consistant à mener des raids sous le
pement radio, capte un message n° 36 de l’Aéro-Club de France. Les États-Unis en raison de sa couleur de couvert de l’obscurité. Les « Sorciè-
d’Amelia. Une dernière communica- premiers brevets datent de 1909, elle peau, elle s’installe en France en 1920 res » vont participer à des milliers de
tion à 8 h 43 et le silence… Que s’est- est la seule femme parmi les 100 pre- et fait une brillante carrière dans les missions de bombardement tactique
il passé ? Nul ne le sait, mais les deux miers aviateurs certifiés. Une héroïne spectacles de voltige. Une carrière qui à bord de biplans Polikarpov Po-2 qui,
pilotes ont disparu en mer. Les « casse-cou » qui trouvera la mort s’interrompt hélas elle aussi le 30 avril bien qu’ils soient lents, peuvent sup-
recherches commencent immédiate- quelques années plus tard lors d’un 1926 quand, mal attachée, à une alti- porter de lourdes charges d’arme-
ment. Mais le sort de l’avion reste un vol d’essai, le 18 juillet 1919. tude d’environ 150 m, Bessie Cole- ment et se montrent remarquables
mystère. Le 5 janvier 1939, Amelia man est éjectée de son appareil et lors des attaques au sol. L’Union
Earhart est déclarée officiellement D’autres grandes figures… percute le sol. Elle meurt instantané- soviétique fut à l’époque la seule
décédée. Parmi les autres grandes figures ment. Enfin, n’oublions pas Valentina armée à déployer des femmes dans le
d’aviatrices, on compte également Terechkova, première femme à voya- combat aérien.
Françoise SURCOUF. Harriet Quimby qui, en 1911, obtient ger dans l’espace…
Le temps printanier se fait attendre
Ce dimanche 21 mars, il fait froid au réveil, le soleil se cache derrière une couverture
nuageuse plus ou moins compacte au fil des heures et quelques gouttes sont possibles.
Mer peu agitée

10
Une perturbation traverse nos 80e jour - 11e semaine 6° 10° 3°

10
région sur une trajectoire nord- Sainte Clémence : 9°
8°
sud. Jusqu'à la mi-journée, Morte en 1176. Comtesse en 7° 11° 5°
nuages pour tout le monde, Angleterre. Veuve du comte de
petites pluies sur la Normandie Spanheim, elle se fait religieuse 2° 12° 1° 13° -1°
et le nord de la Bretagne. Cet à l'abbaye bénédictine de Trèves
Mer peu agitée 1°

après-midi, ciel plus lumineux (Rhénanie) où elle meurt.

20
10
par le nord alors que les pluies 10° 9°
se décalent vers l'est, pour 2° 12° 0°
Prénoms à fêter cette semaine : 12°
cesser avant ce soir. Le ciel reste Lundi Léa 6° 12° 3°
3° 2°°

nuageux avec des températures 4° 12° 2°

Mardi Victorien 10°
plutôt modestes. Pour la Mercredi Catherine de Suède 4° 12° 2°
semaine : des gelées au début, Jeudi Annonciation Mer peu agitée
du soleil, mais aussi quelques Vendredi Larissa 4° 14° 3° 1° 13° 1°

20
petites pluies. 3° 13° 1° 0° 13° -1°
3° 15° 2°
10°
Dimanche 21 mars Lundi 22 mars
Mer peu agitée
0° 13° 0° 7h18 +2 mn
02h39 15h09 09h44 22h05 03h39 16h36 10h38 23h14

10
02h38 15h09 09h39 22h01 03h35 16h27 10h34 23h09
11° 1° 13° 1°
00h46 13h15 07h43 20h04 01h37 14h30 08h43 21h22
11h14 23h36 05h47 18h10 - 12h13 06h39 19h22

10
11h06 23h29 05h34 17h55 - 12h05 06h24 19h05 19h32 +2 mn
11h05 23h27 05h15 17h35 - 12h05 06h05 18h42
10h22 22h49 04h24 16h46 11h37 - 05h18 17h56 0° 12° 0°
09h30 21h57 03h35 15h57 10h46 23h30 04h36 17h11 11°
09h18 21h42 03h20 15h41 10h43 23h27 04h30 17h01
Mer peu agitée Prem. quart
09h12 21h33 03h21 15h42 10h45 23h29 04h28 16h58
09h18 21h41 03h43 16h04 11h29 - 04h47 17h17
21 mars
08h50 21h04 03h34 15h55 11h25 - 04h37 17h04
08h32 20h51 03h41 16h05 11h33 - 04h45 17h17
09h08 21h33 03h16 15h36 11h10 - 04h20 16h48
37 32 28 26 3° 10° 3° 12°
Lundi Mardi
1° 11° -1° 14°

0° 11° 0° 13°
3° 14° 2° 15°
2° 12°° 0° 15°°
1° 12°° 1° 15°°
1° 13° 0° 15°
0° 12° 0° 15°
Fin de nuit Une journée
frisquette, des plus douce et
éclaircies en 0° 12° largement 0° 15°
journée. ensoleillée.
5°

0° Mercredi Vendredi
9° et jeudi et samedi
12°

8°

12° Retour de Souvent

15° 18° nuages et de nuageux,
quelques risque
gouttes. d'ondées.
14°

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