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ETUDE CRITIQUE
Troisenjeuxde l'analogie
Revuede Métaphysique
etMorale,N° 3/1988 417
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PhilibertSecretan
1
La Théologieblanchede Descartes,ouvrageauquel il convientd'associer
le volumeplus récent« Sur le prismemétaphysique de Descartes», frappe
d'abordpar une éblouissante dextérité spéculativeet par un remarquablesens
didactiqueque l'on apprécieparticulièrement en ces tempsoù fleurissent trop
volontiers les hermétismes pédantset les vaticinations bruyantes. Ici,on parlela
languede Descartes, etunpeude latinne gâterien.Ceci dit,saluonslesthèses.
Dans une premièreapprochela Théologieblanchepeut se ramenerà une
proposition abrupte: Descartes,que caractérise une« tensionversl'équivocité »
(18), se trouveconfronté à troispositionsthéoriquesdont il entreprend la
critique: Punivocisation de l'analogiesousla pressionde Suarez; Punivocisation
de la véritéargumentée par la théoriede l'émanationdes véritéséternelles de
Bérulle,et Punivocisation de la scienceparGalilée.D'où la question: Comment
Descartesa-t-il conceptualiséla critiquede l'univocité?Quelle part cette
« tensionversl'équivocité » prend-elle dansunereformulation de l'analogie?
Le premier pointconcerneDescartesplacénonseulement devantuneanalogie
qui s'infléchitversl'univocité, maisen faitdevantunethéologie que le thomisme
espagnola portéà un pointde perfection spéculative et de rigueur formelle que
ne peutatteindre qu'unecritiquede ce qui enestl'instrument le plussubtilement
misau point: la (seconde)théoriede Panalogiede l'être.En bref:avecCajetan,
l'analogiesuarezienne qui avaittentéde réconcilier Thomasd'Aquinet Duns
Scotnégocieunéquilibresubtilentredeuxformulations de l'analogie: l'analogie
d'attribution ou de référence, et Panalogiede proportionnalité, et ainsi peut
concédersur le plan de l'êtreune univocitéchèreaux scotistes, et ne retenir
commeanaloguesque les attributs. Mais c'est alors que la thèse(que l'on
retrouvera chez Malebranche)de la créationdes véritéségalement nécessaires,
contredit cellede l'analogicité desattributs (doncde l'intelligence divine).
On voitainsi naîtreles contradictions qui affectent une sciencede Dieu, un
<<connaître Dieu » en quelquesortepositif, qui faitévidemment de l'analogieun
instrument que son gainen rationalité condamneà perdrede cettevaleurindi-
cativeet proprement spirituelleque détermine si largement la négationqui s'y
inscrit. Mais cetteinflexion de l'analogiesuarezienne versl'univocitédétermine
à son tourla métaphysique commecomprehendere Deum; « elle a un " objet
adéquatqui [...] comprend Dieu sous lui ", à savoir Vens in quantumens». Ce
qui dessineune situationque l'A. cerneavec beaucoupde netteté : « Suarez,
ultimereprésentant de la scolastiquepour Descartes,a d'une parttangentiel-
lementannihiléPanalogiepar le conceptobjectifd'ensjusqu'à la rendrequasi
inutile,et d'autrepartconduittangentiellement toutel'analogieà l'univocité
jusqu'à la rendresuspected'inefficacité ; ce doubletournant rendaux yeuxde
DescartesPanalogieà la foisvaineet funeste [...].M[aisil ya plus.Sous nosyeux,
avec les Lettresde 1630,en une polémiqueprécisemais complexe,[...] nous
voyonsunequestiondontla profondeur avaitsuscitédes pensées,et grandes, se
défaire, se taire,disparaîtrecommeuneeau dontle courantaffaibli disparaîtsur
le sable.L'analogiecessede se penser,sans mêmeque la penséequi l'oubliene
perçoivecetoubli,précisément parcequ'ellel'oublie» (139).
Dépouilléde la théologiedes Nomsdivins,privéde la doctrinede l'analogie,
comment Descartesva-t-ilfairese communiquer le crééet l'incréé,penserle fini
avec l'infini ? Voilà la questionqui se pose au lendemainde cet oubli de
Panalogie,où sembles'impliquerun momentde l'oubli de l'êtrethéorisépar
Heidegger.
A l'inversed'une attraction de la connaissancede Dieu versune compré-
hensionper analogiam entis,donc d'une inclusionde Dieu dans la vérité
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Trois enjeux de l'analogie
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PhilibertSecretan
4. Jean-LucMarion,Surleprismemétaphysique
de Descartes,
Constitution
etlimitede
dans la pensée cartésienne,Paris, PUF, 1986, 384 p., Coll.
l'onto-théo-logie
« Epiméthée ».
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Trois enjeux de Vanalogie
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Un des nombreux mérites du Berkeley, philosophie et apologétique de
M meGeneviève Brykman,est d'avoir su indiquer avec précision la place et la
fonctionde l'analogie dans ce qu'à la suite de Schelling, on peut appeler le
passage d'une philosophie négative - ici l'immatérialisme- à la philosophie
positive d'une affirmationthéiste. Par ailleurs, cette mise en situation de
l'analogie chez Berkeley présuppose un intérêtconstant pour la question du
langage,ou de la sémantiquede 1 évêque de Cloyne. C'est effectivement du côté
de VAlcyphronque deviennentvisibles les enjeux de l'analogie, et c'est sous le
titrede « VAlcyphronou le pouvoir des mots» (chapitre dix) que l'A. nous
introduitau cœur du problème, dont on verra les aspects les plus techniques
releverd'une « promotiondu langage figuré». Mais déjà le chapitre six, deux
cents pages plus haut, apporte, sous le titredu « Sens des mots», une substan-
tielle contributionà la part de la philosophie du langage chez celui que Husserl
saluait comme un ancêtre. Théorie de l'analogie et philosophie du langage
formenten interpénétration le décor d'un vaste dialogue - Berkeleyaffectionne
cetteréductionlangagièredes grandsdébats qui occupentson temps- où déjà les
désillusions philosophiques rendent possible l'ouverture au langage et aux
réalitésde la foi.
Le nom métaphysiquede la « dés-illusion» est « immatérialisme» - terme
que l'A. nous apprend à ne jamais confondreavec le spiritualisme.L'imma-
térialismeest sceptique et négateurdans la mesureoù il détruit,ou déconstruit,
en argumentantsur le double registred'une théorie de la perceptionet d'une
sémantique,la croyance en l'existencede la matière.Ce point fondamentalest
inséparablede la formuledans laquelle on a trop tendance à enfermer1'« empi-
risme» berkeleyen: esse est percipl. Existerc'est être perçu : la formuledevrait
avoir la puissance de renverserla positionadverse : exister,c'est êtresubstantiel,
matériel, étendu. Encore faut-il qu'elle déploie son efficacitésur le double
registred'une philosophie de la vision (commentéeau chapitrequatre) et d'une
philosophie « critique» qui dénonce l'usage constamment vicié de termes
comme « exister» et « matière», en tant qu'ils sont devenus les maître-mots
abstraitsde la classe des savants : « Le voile des mots, pour le philosophe
immatérialiste,sera essentiellementcelui des termessavants,soi-disantporteurs
d'idées abstraiteset générales.Qu'il y ait un autre voile, indispensableberceau
des craintes et des espoirs de l'humanité, peut-être.Mais l'objectif précis de
Berkeley,avec l'immatérialisme,
"
est d'attaquer de frontle jargon des scienti-
fiques de son temps, en laissant les choses comme elles étaient auparavant
pour le sens commun ". L'immatérialismeaura de ce faitl'efficacitéet la fragilité
des armessubtiles: définirles mots« existence», « substancematérielle», c'était
une gageure. Mais Berkeleypense, au termedu Cahier B, avoir découvertque
tous les errementsdes philosophes venaient de leur ignorancedu sens du mot
«exister» [...]. Tandis que la découverte du Principe [se. esse est percipi] est
chronologiquementpremière,une question qui la suit de trèsprès semble plus
fondamentale: Y a-t-il des idées générales?. C'est de la réponse à cette
question que dépendra la déterminationdu sens du mot «existence» et
l'expulsionde la notionde matière» (102-103).
Ce passage nous paraît méritercitation,dans la mesure où il contientdéjà,
fût-cesous une formeinterrogativeou hypothétique,l'indication d'une alter-
native au langage vicié des idées générales, et au voile « funeste» des mots
abstraits: l'alternatived'un autre voile, « indispensableberceau des crainteset
des espoirs de l'humanité», dont nous verrons qu'il n'est étrangerni à la
promotiondes figures,ni à l'analogie.
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Trois enjeux de l'analogie
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Trois enjeux de l'analogie
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La dynamiquede cet articlem'a portéà relire5 la Naissance de la philosophie
de Kant de M. François Marty, que son sous-titre: Une étude sur la notion
kantienned'analogie, inscritparfaitement dans la trajectoireà retracerici.
Cette étude est si ample et si complète qu'elle permet de mesurer non
seulementce que Kant doit à ses devanciers,ce qui le rapproche de Berkeley
lorsqu'il s'agit de sauver l'équilibre du discours sur Dieu, mais encore de voir
commentKant inaugureun débat majeur entred'une part une dialectisationde
la relationconflictuelleentrenécessitéet liberté- telle que l'opérera Hegel - et
une analectique de la raison telle que M. Marty la reconstruitautour de la
Critique du Jugement.Ce dernieraspect ouvre hardimentsur l'avenir d'une
réflexionfondamentale,alors que les deux premiers se rattachentà la pré-
occupation immédiatede la place de l'analogie dans la science (ou le savoir du
monde) et de l'ajustementde l'analogie à une apologétique,donc à un débat livré
sur une scène philosophique où s'affrontentdes personnages canoniques : le
déiste filant droit vers l'athéisme, et le théiste menacé, parlant du « Dieu
vivant», d'anthropomorphiser l'Absolu.
La place de l'analogie dans la connaissance du monde est visiblementcelle de
l'analogie de l'expérience,qui justifieraitun titreempruntéà Léon Brunschyicg:
Kant lecteur de Hume et de Leibniz. La notion d'analogie de l'expérience
recouvrele champ de ce que nous appelions plus haut la fonctionheuristique
de l'analogie. Mais alors que la compréhensionempiristede l'expérience rend
celle-ci tributaired'une simple règlede généralisation: « de la ressemblancesur
des points particuliersde deux choses (on conclut) à leur ressemblancetotale»,
et la comdamne à n'être qu'une situationtransitoire- au sens très précis où il
s'agit de « transiter»d'une ressemblanceà une identification,ce qui représente
le statut le plus faible de l'analogie - Kant porte cette analogie du monde
sensible à l'analogie de Yexpérience,au sens où celle-ci ne comprend pas que
l'impressionsensible, mais faitintervenirune nécessité logique. Pour satisfaire
à cette exigence rationnelle de l'expérience, Kant mathématise l'expérience,
donc se démarque du psychologisme humien et retrouve l'antique fond de
l'analogia-pvoporúon. Cette mathématisationpar ailleurs renforce,et d'une
certainemanière«justifie » la fonctionheuristiquede l'analogie : on ne construit
pas un quatrième terme à partir des trois qui sont donnés (par un premier
rapport entre deux termes, et un second, analogue, dont un seul terme est
connu) : « On a simplement une règle de rechercheet une marque pour le
trouverdans l'expérience». A ce sujet, l'A. parle d'une « transformationde
l'enseignementde Hume » (137), déjà notable au sujet de l'expériencedu monde,
mais certainementencore plus profondau sujet de la connaissance de Dieu.
Si, en effet,pour Hume la ressemblanceimparfaitede l'analogie n'est qu'une
<<transition» vers la ressemblance parfaite dans laquelle de l'inconnu sera
identifié,c'est encore la ressemblance,excessive ou insuffisante, dans l'analogie,
qui débilite tant le déisme que le théisme: la ressemblanceà Dieu est la plus
faible dans le déisme parce que Dieu y est identifiéà l'Etre indéterminé; et la
5. Philibert Secretan, Méditations kantiennes. Sur l'ouvrage de F. Marty, cf.
p. 190-197 ; sur Pascal et Kant, cf.p. 93-1 18, Lausanne, L'Age d'Homme, 1981.
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Conclusions personnelles
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