Vous êtes sur la page 1sur 6

1

le chercheur d'or

Eleonore Gottlieb

Œuvre publiée sous licence Creative Commons by-nc-nd 3.0

En lecture libre sur Atramenta.net

2
le chercheur d’or

Lettre au chercheur d’or

Je rêve de toi assise au bord de l’eau, la source est


claire et fraîche en ce matin d’avril. Mes pieds sont
trempés de rosée et ma jupe s’abreuve du parfum de
la menthe foulée. Odeur profonde du végétal naissant.
Odeur qui me plonge dans le souvenir de ta peau, des
chaudes nuits de septembre quand nous allions
marcher loin, chercher le reflet de l’ange.
En ce matin plein de lumière et frais encore de la
nouvelle aurore je pense à toi. Je t’imagine, là-bas,
dans la fumée jaune, sous le ciel laiteux. Je te vois
engoncé dans ce costume réglementaire de golden
boy que tu n’as jamais pu supporter plus d’une heure.
Cravaté de près, blanchis et sérieux. Comment ne pas
penser à ton parfum sauvage, celui que j’aime tant,
celui qui te viens si naturellement quand tu coures
dans les bois essoufflé et heureux. Ou celui qui

3
m’enivre quand nous nous aimons si fort que tout se
mêle. Jardin d’amour enflammé d’effluves suaves.
Ce matin que portes tu ? Un stupide et insipide
déodorant sans doute ? Tes pieds prisonniers dans du
cuir poli et blessant sont en souffrances ! Tes pauvres
pieds que j’aime tant embrasser quand ils ont
déambulé longtemps dans la prairie émaillée de
perles blanches.
Que fais-tu mon amour ? Perdu si loin de moi. Que
cherches-tu dans ce désert sans âme, dans cette ville
artificielle qui n’est faite que pour « les hommes
d’affaires pressés. » Que vas-tu trouver pour apaiser
ta faim superbe ? Rien n’est vrai là où tu es, rien
n’existe de ce que tu aimes.
Que vas-tu faire ce soir dans ta chambre d’hôtel
désincarnée ? Regarder la télé aux 600 chaînes
câblées ? Marcher dans les rues sombres ? Succomber
aux plaisirs factices d’une enjôleuse de comptoir ?
Je marche le long du ruisseau, les pieds dans la
rosée. Je pense à toi. Je pense que je t’aime, que je
voudrais ta main sur ma peau, tes lèvres sur les
miennes. Je pense à ton retour. Où irons nous
régénérer notre passion ? Où irons nous reconstruire
notre amour ? Entre menthe et verveine pour un appel
plus intense ? Reviendras-tu un soir quand la lune
étonnée rira de te revoir ? Ou peut-être au matin me
surprendras tu à demi endormie dans la plume
adoucie de lavande fugace et langoureuse. Peut- être
reviendras tu sur la pointe des pieds pour recueillir
curieux la fleur de mes songes ?
Quand les hommes étaient chercheurs d’or, ils
sentaient la terre chaude et la sueur poisseuse et
musquée. Je t’imagine laqué, repassé, propre et
parfait et je regrette ce temps où les hommes étaient
vrais.
Je pense à toi mon amour, je t’attends impatiente et

4
bandée dans cette espérance.
Le ruisseau me conduit vers la rencontre originelle.
Je plonge dans le torrent glacé en criant ton nom !
Quand le soleil m’aura séché je t’aurais réincarné.

5
FIN

Merci pour votre lecture.

Vous pouvez maintenant :


• Donner votre avis à propos de cette œuvre
• Découvrir d’autres œuvres du même auteur
• Découvrir d’autres oeuvres dans notre
catalogue « Nouvelles »

Ou tout simplement nous rendre visite :


www.atramenta.net

Suivez-nous sur Facebook :


https://www.facebook.com/atramenta.net

Vous aimerez peut-être aussi