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ars nova

Harmonies
pour la paix
Près de cinq cents musiciens issus des harmonies réunis à très envie de voir le travail effectué par les har-
monies des autres départements de la région.
Poitiers par Philippe Nahon et l’ensemble Ars Nova Accordo nécessitant quatre orchestres, qui cor-
pour interpréter une œuvre étonnante que Luciano Berio respondent aux quatre points cardinaux, et la ré-
a écrite en 1981 pour des musiciens amateurs gion comptant quatre départements, l’expérience
pouvait être tentée.
Entretien Béatrice Knoepfler Photo Arthur Péquin
Comment réunir tous ces musiciens pour
our le grand concert, organisé sous l’égide jouer, de plus, une musique à laquelle ils ne

P du Conseil régional Poitou-Charentes dans


le cadre de l’année de la musique et donné
le 24 juin sur la place Leclerc à Poitiers,
Philippe Nahon, directeur artistique de l’ensem-
ble instrumental Ars Nova, a choisi deux œuvres
sont pas habitués ?
Dans les Deux-Sèvres, Jean-Xavier Mary, qui
dirige l’harmonie de Niort, m’a été d’un grand
secours. En Charente, Ludovic Bougoin vient de
créer un orchestre qui réunit plusieurs harmonies.
de compositeurs vivants : Accordo ou mille mu- C’est un travail fastidieux qu’il réalise seul, ce
siciens pour la paix, de Luciano Berio, et Pas de qui est remarquable.
2000 mesures, création d’Andy Emler. En Charente-Maritime, c’est en revanche beau-
D’Ars Nova, «formation de musique contempo- coup plus compliqué. Des querelles de clocher
raine à géométrie variable» créée il y a quarante opposent plusieurs harmonies et ont lieu sur le
ans par Marius Constant et installée maintenant dos des amateurs. Attitude que je juge déplora-
à Poitiers, à la direction d’harmonies municipa- ble. Si un chef d’harmonie veut prétendre à être
les, Philippe Nahon avance avec une idée en tête : chef d’orchestre, qu’il essaye avec des profes-
rencontrer, éduquer, surprendre, et être en accord sionnels, et là, il verra s’il a la carrure. Il ne faut
avec lui-même. Autoproclamé pédagogue de la jamais casser le plaisir qu’ont les amateurs de
musique contemporaine, domaine dans lequel il jouer. Une harmonie a toutefois été constituée,
fait figure d’OVNI, Philippe Nahon est avant tout dirigée par André Telman, mais l’effectif étant
passionné par son temps. plus réduit que dans les autres, des musiciens
d’Ars Nova l’ont renforcée.
L’Actualité. – Comment est née l’aventure de Dans la Vienne, tout se passe très bien, car le
ce concert pour la paix ? Conservatoire national de région de Poitiers et
Philippe Nahon. – Quand le Conseil régional l’Ecole nationale de musique de Châtellerault
nous a sollicité, j’ai immédiatement pensé à cette s’entendent très bien.
pièce de Luciano Berio, écrite pour des centai- En ce qui concerne la direction du concert, le
nes de musiciens, voire pour mille. Je m’inté- fait d’être au milieu tandis que les quatre chefs
resse aux harmonies de Poitou-Charentes depuis dirigent leur harmonie est un exercice difficile
une dizaine d’années, et c’était l’occasion rêvée nécessitant un équipement de micros et
de réunir tous ces musiciens. Accordo, compo- d’oreillettes.
sée en 1981 par Berio, qui a aujourd’hui 75 ans,
est un grand hymne à la paix pour lequel le com- Et pour les musiciens ?
positeur a compilé un certain nombre d’airs con- Jouer des notes, c’est très bien, mais en ce qui
nus et d’hymnes nationaux. Il l’a écrite pour concerne les conventions, ce qui est en dehors
qu’elle soit jouée par des musiciens amateurs, des partitions, ils n’ont pas l’habitude. Alors je
mais elle n’a été jouée qu’une ou deux fois de- leur ai demandé de tout noter, c’est une expé-
puis sa création. rience nouvelle pour eux. Tout comme le fait de
Je travaille surtout dans les Deux-Sèvres, et j’avais se rencontrer. Ce concert est une occasion uni-

30 L’Actualité Poitou-Charentes – N° 49
que de réunir tant de musiciens. Je sais que par-
tout où ce genre d’expérience a été mené, dans le
nord de la France ou en Italie, les musiciens en
gardent un souvenir fantastique.
Ils sont absolument ravis de jouer Accordo et Pas
de 2000 mesures. Ils ne parlent même pas de mu-
sique contemporaine ! Au début, certains ne ve-
naient pas aux répétitions, par méfiance. Puis
leurs amis leur en ont parlé avec enthousiasme,
ils sont venus et ne le regrettent pas. Certains se
demandent déjà ce qu’on va pouvoir faire l’an-
née prochaine ! Il faut continuer dans cette voie,
continuer à travailler, ils font d’ailleurs des pro-
grès incroyables. C’est très important pour eux
de voir que des compositeurs s’intéressent à eux,
viennent vers eux, d’autant que dans leur esprit,
un compositeur est obligatoirement mort !

Accordo est une œuvre d’une grande accessi-


bilité, ce n’est pas toujours le cas dans la mu-
sique contemporaine.
Il existe d’une part la musique contemporaine qui
est purement de la recherche, sur laquelle j’émets
parfois des doutes. Berio et Emler ne sont pas de
ceux-là.
Je pense que la meilleure façon d’éduquer le pu-
blic à la musique contemporaine est de présenter
une œuvre dans son ensemble. Je préfère de beau-
coup les concerts monographiques plutôt qu’une
composition contemporaine glissée entre deux
œuvres classiques. Je fais dans ce sens un travail Philippe Nahon
en quelque sorte pédagogique avec Ars Nova, et LES HARMONIES
quand je peux le faire avec des amateurs, c’est
encore mieux. Harmonie «Nord», direction Jean-Xavier Mary :
orchestres à vent de Niort, harmonies de Lezay, du
Thouarsais, du bocage Bressuirais et de Parthenay.
Quelle conception avez-vous du rôle du chef
Harmonie «Est», direction Benoît Weeger :
d’orchestre ? Conservatoire national de région de Poitiers, Ecole
On me demande souvent pourquoi j’aime la mu- nationale de musique de Châtellerault, musiciens
sique contemporaine, mais je n’aime pas la mu- amateurs de la Vienne.
sique contemporaine ! Je voulais être peintre, Harmonie «Sud», direction Ludovic Bougoin : orchestre
j’ai fait du théâtre et du cinéma. Ce qui m’inté- de jeunes de la Charente et ensemble instrumental de
Barbezieux, harmonies de La Rochefoucauld et
resse, c’est de vivre mon temps et de vivre avec
d’Angoulême, La Lyre de Montbron, Branle Bas
les artistes qui font l’art d’aujourd’hui, dont la
cognaçais, Batterie fanfare de Cognac.
musique. Harmonie «Ouest», direction André Telman :
Le plus important n’est pas que je sois chef d’or- harmonies de Haute-Saintonge, Sainte-Cécile de
chestre, c’est l’ensemble Ars Nova. Nous disons Lagord, de La Rochelle, de Puilboreau, de Saintes, et La
souvent que nous travaillons comme les compa- Lyre Montendraise.
gnons du devoir au temps des cathédrales. Cha-
cun apportait son savoir-faire. J’ai besoin DES CRÉATIONS D’ARS NOVA
d’ouvriers, mais nous sommes avant tout une Depuis 1989, Ars Nova a créé des œuvres de
bande d’amis très soudés, ce qui n’existe pas dans G. Aperghis, N. Bacri, C. Barthélémy, Ph. Boivin,
les orchestres symphoniques ni dans les autres B. Cavanna, M. Constant, M.-A. Dalbavie, E. Dandin,
ensembles contemporains. Cette ambiance est P. Dusapin, A. Emler, A. Essyad, H. Goebbels, S. Gorli,
vraiment la spécificité d’Ars Nova. L’essentiel D. Levaillant, C. Looten, J. Lenot, M. Monnet,
est de faire de la musique ensemble, c’est l’es- M. Musseau, M. Ohana, C. Prey, F. Rossé, J. Rebotier,
prit d’Ars Nova, et c’est celui qui règne avec les A. Stroë, M. Tippet.

harmonies de la région. ■

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