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cahier pédagogique
un outil
Le Guide
de la direction musicale (2e partie)
2 - instrumentation - orchestration
Le chef d’orchestre a, pour principal matériau à modeler, les sons de l’orchestre. Il se doit de
connaître le fonctionnement de celui-ci à fond, en maîtrisant les principes de base (fonction-
nement des instruments et des voix) tout comme les subtilités (alliages et plans sonores, diffé-
rents coloris…).
Pour le chef, cette maîtrise, dans la lecture bien sûr, mais encore plus dans l’écriture, en étant
capable de modeler ce matériau sonore, est essentielle pour l’élaboration d’un travail d’or-
chestre ou de chœur en profondeur, tout comme pour la réalisation d’orchestrations origina-
les pouvant devenir la matière même de ce travail d’orchestre.
Terme qui possède deux définitions Terme désignant le passage d’une Désigne un travail d’écriture parti-
principales : formule orchestrale ou vocale préexis- culier où le rédacteur se permet de
tante à une autre formule qui respecte modifier le contenu principal de l’œu-
w L’étude des instruments et de
leurs caractéristiques : tessiture, totalement les caractéristiques du texte vre, aussi bien dans son découpage for-
sonorité, spécificités d’écriture, initial. Comme, par exemple : mel, dans ses lignes harmoniques, mélo-
transpositions éventuelles, tech- w Les transcriptions pour piano fai- diques ou rythmiques que par des
nique, possibilités et limites. tes par Liszt à partir d’œuvres sym- rajouts ou retraits pour recréer une
phoniques. œuvre nouvelle.
w Ou, lors d’un travail d’écriture,
désigne l’affectation d’une voix à un w Les transcriptions d’œuvres pour
orchestre d’harmonie écrites origi- Il s’agit bien là d’un travail créatif
instrument ou un groupe d’instru-
ments, dans le respect des règles de nellement pour orchestre sympho- comme, par exemple, dans le jazz où, à
hauteurs et tessitures. Exemple : nique. Cette formule permet à la fois partir d’un thème et/ou d’une grille
une pièce pour quatuor vocal l’approche d’un répertoire par d’au- harmonique, l’arrangeur construit une
(SATB) instrumentée pour hautbois, tres types orchestraux ainsi qu’une pièce entièrement nouvelle dans laquel-
clarinette, cor et basson. diffusion différente de ces œuvres. le sa personnalité apparaît nettement.
Quand avez-vous ressenti le désir de diriger ? Compositeur et pianiste, il est ‘ interprète ’. Il sait ce qu’il
La direction, pour moi, c’est un rêve depuis veut. C’est un magicien. Bernstein ne s’admire jamais, il se
mon premier contact avec la musique, bien avant d’avoir passionne. Il se donne à la musique.
touché un violoncelle. Quand j’avais six ans un chef d’or-
chestre m’avait déjà montré des partitions et il m’avait expli- Quels types de rapports d’autorité, de confiance doivent-il exister
qué le principe des instruments transpositeurs. Si on ne m’a- entre l’orchestre et le chef ?
vait pas obligé à étudier le violoncelle, j’aurais certainement Des rapports qui doivent d’abord être fondés sur la
choisi la direction d’orchestre. confiance que les musiciens portent au chef. Cela signifie
que les musiciens reconnaissent l’absolue compétence de
Parallèlement à votre grande carrière de concertiste, vous êtes finale- leur chef et ils savent qu’elle leur est nécessaire.
ment devenu chef d’orchestre. Un jeune musicien peut-il diriger sans Ensuite la confiance humaine entre dans le jeu.
avoir pris des cours de direction ? Un chef ne doit jamais offenser un musicien.
Non, il est au contraire très important d’ap- Le rôle du chef permanent consiste aussi à four-
prendre. Violoncelliste, j’ai eu la chance de ren- nir des explications. Il doit justifier ses actes et
contrer les plus grands chefs du monde. Ils faire comprendre à l’orchestre son approche de
m’ont aidé à résoudre certains problèmes prop- la musique et ses décisions artistiques.
res à la direction. Mais cela dit malgré toute son
importance le rôle de la technique est relatif. Quand on a acquis une immense gloire comme violon-
Aujourd’hui certains chefs disposent d’une celliste et que l’on arrive pour diriger un orchestre, est-
gamme de gestes très élégants et clairs. De ce une facilité ?
même que certaines personnes possèdent une Non, c’est beaucoup plus difficile car les
belle écriture, je pense que la qualité de la cal- musiciens se posent immédiatement des ques-
ligraphie est moins importante que le sens du texte écrit. tions. Mais pourquoi cherche-t-il à diriger ? Son instrument
Hélas, les jeunes chefs l’ignorent trop souvent. Ils s’imaginent ne lui suffit-il pas ?
que leur dextérité supplée à leurs carences dans la connais- Admettre que ce soliste devienne chef d’orchestre pour
sance musicale. Erreur ! Le chef doit disposer d’une culture répondre à un besoin profond de sa nature, et pour ainsi
spécifique qui doit le situer au-delà du niveau des instru- trouver une nouvelle forme d’expression, ce n’est apparem-
mentistes. Il doit disposer d’un ‘ plus ’. Certains chefs n’ont ment pas facile.
que deux ambitions : « Pourvu que ce soit clair ! Pourvu Je dirai en toute modestie, mais en toute certitude, que
que ce soit ensemble ! » Ceci est important, mais la vérita- si je n’avais pas eu le nom que je porte comme violoncellis-
ble interprétation d’une œuvre met en jeu un objectif plus te, j’aurais été beaucoup plus rapidement reconnu en tant
élevé : la compréhension de l’œuvre et sa re-création à que chef d’orchestre. Quand je dirige un orchestre pour la
chaque concert. première fois, il est normal que je reprenne certains passa-
ges. Dès que les musiciens comprennent que mes interven-
Le chef d’orchestre doit-il être lui-même un instrumentiste ? tions sont justifiées, ils acceptent de se soumettre. En résu-
Ce n’est pas absolument nécessaire. Mais il doit être mé, il faut faire ses preuves.
‘ musicien ’ ce qui est bien plus important. Il est néanmoins
utile pour un chef d’orchestre d’avoir une expérience d’ins-
Directeur du London Symphony Orchestra, directeur du National Symphony Orchestra de
trumentiste. Je sous-entends « interprète ». Il doit être Washington… 1977-1994. Il dirige les orchestres symphoniques et les orchestres d’opéra du
capable d’interpréter une œuvre en public, transmettant
Enregistrements
monde entier.
alors un produit terminé, selon sa propre conception et ses
capacités personnelles. Il en est de même à l’orchestre : Prokofiev, Guerre et Paix, l’Orchestre national de France (Erato Warner).
‘ l’instrument du chef ’. Il s’agit alors de faire vivre aux mem- Tchaïkovski, La Dame de Pique, Orchestre national de France (D. G.).
Ernst Bloch, Schelomo, Orchestre national de France, direction Leonard Bernstein, EMI C069
bres de l’orchestre ce que l’on ressent. C’est la même démar- 02841.
che. La technique du bras n’est pas seule en cause, mais les
yeux interviennent ainsi que l’expression du visage, sans
oublier l’extériorisation corporelle, si elle est naturellement Extraits colligés par Guy Dangain à partir des Entretiens entre Claude Samuel et Mstislav
en accord avec la musique. Rostropovitch, Éditions Laffont (Un livre que je vous conseille vivement de lire...).
Le Guide
de la direction musicale (3e partie)
La culture ?
Vaste et infini sujet s’il en est ! Ou alors évidence ne méritant même pas les mots pour le
dire. Objet de tous les débats et autres enfonçages de portes ouvertes : « La culture, c’est
comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale » - « La culture c’est ce qui reste
quand on a tout oublié », on s’arrête là, la liste est trop longue. Quoique ! Juste une der-
nière citation à l’usage des décideurs : « Bien sûr la culture coûte cher, mais l’inculture et
ses ravages encore plus cher ! », disait Marcel Landowski. Et pourtant ! Le premier poste
amputé en cas de restriction budgétaire, c’est bien celui de la culture, culture qui traîne
toujours sa casserole de luxe inutile et superflu !
Mais l’objet de cet article n’est pas d’installer une polémique d’ordre politique ou
philosophique.
Il est plutôt de s’interroger, sur le fond, en quoi la culture (musicale, artistique, générale) est
un outil, un atout, pour le chef d’orchestre, de chœur ou d’ensemble musical quelconque.
Bref, pour celui qui, d’une manière ou d’une autre, a en mains, la destinée d’un groupe de
musiciens, jeunes comme âgés, amateurs comme professionnels, dilettantes comme passionnés.
Des quelques centaines de raisons qui peuvent justifier l’utilité première, fondamentale et
préalable, pour un chef, de posséder des éléments culturels sans cesse enrichis, nous en
retiendrons arbitrairement quelques unes qui, à notre modeste avis, constituent une base de
réflexion indispensable.
La responsabilité générée par la fonction L’humilité devant l’art capable de les utiliser pour accéder à
la substance artistique, est bien le
Être chef, ce n’est pas seulement Et bien si ! Quoiqu’en disent cer- minimum que l’on peut demander à
gérer au mieux le travail d’un ensem- tains, la musique amateur a une fonc- celui dont la mission est d’être l’in-
ble, c’est aussi assurer et assumer une tion artistique forte. Elle n’est point terface, quasi virtuelle, entre des
fonction, avec son cortège de plaisir seulement animation et défoulement, signes inanimés et un monde sonore
et de gloire, mais aussi de devoir et elle est véhicule d’une pensée qui a en perpétuel mouvement.
de représentation. ses codes et doit être décryptée
Quoi de mieux que de savoir avant d’être transmise. Lourde tâche,
s’exprimer, d’être capable d’argumen- celle de modestement rentrer dans
ter à l’aide de références précises, de les arcanes et les méandres du créa- Savoir pour expliquer
véhiculer de manière positive et teur ! Le chef a besoin d’outils pour
attrayante l’image du groupe ? Le comprendre que la succession de gra- Une personne seule face à un
chef est l’homme (ou la femme !), sur phismes musicaux n’est pas qu’une groupe, dont le rôle va être d’en coor-
scène comme en réunion, le plus simple mesure du temps et des hau- donner les gestes pour faire jaillir des
observé, admiré, critiqué, adulé ou teurs, que ceux-ci sont le sésame de sons cohérents, évoque, outre le sim-
haï. À cet égard, sa responsabilité est l’accès à des sentiments et à des émo- ple aspect de transmission, l’aspect
grande. Il est le premier représentant tions devant être partagées avec le pédagogique de la chose musicale. Éty-
de l’orchestre ou du chœur et l’ima- public. S’enrichir, à l’instar des com- mologiquement, ‘pédagogie’ renferme
ge qu’il donne est bien celle, dans la positeurs, d’éléments poétiques, litté- les idées de ‘conduire, mener, accom-
tête du public, de l’ensemble dans raires, picturaux ou théâtraux, pour pagner, élever’, autant de termes qui
son intégralité. n’en citer que quelques uns, et être résument bien le contenu de la répéti-
Paroles de chef...
D
Carlo Maria Giulini (1914 - 2005)