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DOSSIER PROJET PERSONNEL : L’ARRANGEMENT MUSICAL

Le Journal « The New York Times » a publié un article le 25 février de 2001 intitulé
« Rewriting Bach, As Bach Rewrote Others » (En réécrivant Bach comme Bach
Réécrivit d’autres). Cet article parle d’une inusuel interprétation dans un concert à
New York.

En novembre de 1909 Gustav Mahler dona un concert pour la Société


Philarmonique de New York. Il était chef de cet orchestre mais dans ce concert il a
lâché sa baguette de chef pour se mettre au clavecin et interpréter une suite
orchestrale par J.S Bach. Cet évènement à du paraitre inusuel au public, habitué à
la figure de Mahler comme le grand interprète de chef d’œuvres de la musique
symphonique de Wagner, Strauss et comme compositeur de symphonies
monumentales.

En effet Mahler avait assemblé la partition lui-même en prenant de mouvements


de deux suites orchestrales en Si mineur (BWV 1067) et re majeur (BWV 1068) et
en produisant un arrangement en quatre mouvements. Cette « nouvelle » suite
commençait en si mineur se terminait en re majeur, cela était contradictoire avec
les conventions traditionnelles du baroque mais était complétement cohérent avec
la vision personnelle de Gustav Mahler d’enthousiasme, d’ascension d’une tonalité
mineur à son relatif majeur, utilisé par Mahler dans sa deuxième symphonie
« Résurrection (1895) » qui commence en Do mineur et se termine en Mi bémol
majeur. Comme d’autres compositeurs du 19 ème et 20ème siècles, Mahler n’a pas
hésité à donner à l’arrangement sa marque personnelle.

En faisant cet arrangement Mahler suivait le chemin d’autres musiciens qui étaient
également attirés pour travailler sur les partitions de Bach. D’ailleurs on peut
retrouver cette pratique dans la famille du compositeur. Après la mort de J.S Bach
son fils le plus âgé retravailla plusieurs partitions de cantates, il rajouta par
exemple des parties pour timbale, trompette et texte en latin à deux mouvements
de la cantate No. 80 « Ein Feste Burg Ist Unser Gott » (Une puissante forteresse
est notre dieu). Les parties de cuivres étaient si attirantes qu’elles furent imprimées
dans l’édition complète de Bach du 19 ème siècle et elle son toujours inclues dans
plusieurs interprétations aujourd’hui.

Le deuxième fils le plus âgé de Bach n’a pas énormément retravaillé la musique de
son père, cependant en 1786 quand il a fait un hommage à la Messe en Si mineur
(BWV 232) il a rajouté une introduction composée par lui et il a changé
l’instrumentation dans plusieurs mouvements. Environ la même époque Mozart
arrangea plusieurs préludes du Clavecin bien tempéré pour ensemble à cordes
pour des interprétations à Vienne.

Mendelssohn écrivit un accompagnement de piano pour la Chaconne en re mineur


pour une interprétation à Leipzig avec le violoniste Ferdinand David en 1841.
Après il n’y a pas eu un retour en arrière. Liszt, Brahms, Busoni et Reger ont fait
des arrangements pour piano d’œuvres pour l’orgue et d’autres pièces
instrumentales. Raff, Elgar, Schoenberg, Holst, Respighi, Webern, Stokowski,
Stravinsky et Honegger ont fait des grosses orchestrations sur les œuvres de J.S
Bach.

Cet article nous fait penser à la pratique de grands compositeurs d’arranger des
travails de compositeurs précédents, dans ce cas, la musique de J.S Bach.
L’arrangement a été une pratique musicale développé par les pendant toutes les
périodes de la musique mais beaucoup plus utilisé au XIXème siècle où il a eu son
« âge d’or ». Dans ce document on proposera une réflexion sur la pratique de la
création d’arrangements de musique, dans un premier temps on se demandera sur
la définition du concept, qu’est-ce que c’est un arrangement ? Dans un deuxième
temps on se demandera sur la valeur de cette pratique et on parlera de quelques
exemples d’arrangements au long de l’histoire de la musique qui nous permettront
de connaitre la vision de compositeurs et musiciens importants qu’on fait face à la
création ou interprétation d’arrangements.

Un premier reflex pour résoudre la définition d’arrangement c’est d’utiliser le


dictionnaire. Le Larousse de la musique, dans son édition de 1982 propose :
Arrangement : « Transcription d’une œuvre musicale pour un ou plusieurs
instruments différents de ceux pour lesquels elle avait été primitivement écrite.
L’adaptation d’une œuvre symphonique pour un orchestre harmonique est un
arrangement, de même que la transcription d’un solo de clarinette pour le violon en
est un autre. Les réductions pour piano de pages symphoniques ou d’opéras sont
également des arrangements. Castli-Blaze, un « arrangeur » célèbre, adaptait des
opéras étrangers au goût, disait-il, du public français. Ainsi remania-t-il Der
Freischutz de Weber, qui devint en 1824 Robin des Bois »

Dans cette définition on retrouve des éléments importants, d’abord le fait d’adapter
une pièce musicale d’un instrument à l’autre. Cela veut dire que l’arrangement a
une fonction pratique pour transmettre la pièce et assurer la transmission de la
même. Quand on arrange un œuvre orchestral pour un ensemble de musique de
chambre on peut se permettre de l’interpréter avec d’autres instruments. Quand on
fait une réduction d’orchestre pour le piano on peut « transporter » l’œuvre, dans le
sens du mouvement physique plus facilement, par exemple, ça permettra le
montage et la répétition d’un concerto pour instrument et orchestre sans la
présence de l’orchestre complète et sans toutes les démarches qui demande un
ensemble orchestral (déplacement, chef d’orchestre, place de répétition). De
même, l’instrumentiste peux interpréter un concerto dans un concert juste avec un
piano accompagnant, cela permettra à l’auditeur d’écouter une œuvre de
proportions beaucoup plus grandes sans partir du contexte de musique de
chambre.

Également la définition du Larousse nous parle d’un point important : Le ré-


baptême de l’œuvre, Der Freischutz de Weber devient « Robin des Bois ».
L’arrangeur fera ça pour adapter l’œuvre à un public diffèrent, pour préserver son
sens et assurer son succès. C’est-à-dire que dans ce sens-là l’arrangement joue
un rôle important pour la compréhension d’une œuvre musical dans l’espace et la
période de temp où elle est interprétée. L’arrangement alors sert aussi comme une
« traduction » de l’œuvre musical pour assurer sa cohérence selon le jugement de
l’arrangeur.
Un autre contexte important dans la définition d’arrangement ce celle du jazz. Le
volume intitulé Science de la musique de Marc Honegger propose pour la définition
d’arrangement : « Terme collectif s’appliquant à toutes les sortes de conventions
qui apparaissent dans le jazz ; Elles concernent en premier lieu la combinaison et
l’entrée des instruments, puis la fixation à la manière d’une partition de certains
passages, le cadre ou toute la pièce, exception faite des solos improvisés ».

Cette définition s’éloigne des modèles académiques, il ne reste plus de trace de


transcriptions ou réductions classiques ou romantiques. Cette compréhension de
l’arrangement peut être appliquée aux musiques populaires, traditionnelles ou bien
sur le jazz. Honegger poursuit avec un argument qui approche l’origine de
l’arrangement à l’origine de la musique enregistrée. « L’arrangement est né avec le
big band (Fletcher Henderson) ; il a cependant été préparé dans les années vingt
par le travail de certains ensembles traditionnels (Jelly Roll Morton, L. Amstrong),
ce qui s’explique entre autres par l’apparition du disque »

On peut constater que une fois que l’arrangement hors du contexte populaires
remplit des fonctions de diffusion, transmission ou même substitution. Fonctions
que le disque et la musique enregistré rendront caduques. Des nombreux auteurs
ont essayé d’expliquer le déclin progressif de l’arrangement au XXème siècle.
Malcolm Boyd explique dans l’article « arrangement » du New Grove dictionary of
Music and Musicians (1980) : Le déclin de l’arrangement serait dû notamment à un
facteur extérieur : La radio et le gramophone, qui aurait « largement remplacé la
transcription pour piano en vue de la dissémination du répertoire de chambre,
d’orchestre ou d’opéra ». On voit dans cette pensée une conception de
l’arrangement comme moyen de préservation, de transmission, une façon de
communiquer l’œuvre original et qui peut même la substituer.

Peter Szendy propose dans son livre « Arrangement, dérangements » une vision


qui ne veux pas limiter l’arrangement juste à une fonction de transmission. «  Je le
répète : Il ne saurait s’agir, pour nous, de réduire l’arrangement (tout en paraissant
élargir son acception) à une question de transfert, de communication et de
médiums. Pareille conception occulte la force propre de l’arrangement en la
restreignant à une autre manière de dire le même. (…) L’arrangement, au
contraire, ce sera essentiellement, pour nous, un rapport aux œuvres ».

Cette peut expliquer l’arrangement réalisé par Mahler sur la suite de Bach. C’était
un sort d’hommage, un rapport avec l’auteur, pour comprendre sa musique ou
pour le plaisir de la rejouer d’une façon différente. Bach lui-même faisait
énormément de transcriptions ou arrangements, Buxtehude ou Vivaldi, juste pour
nommer quelques-uns ont été repris par Bach.

Dans l’époque baroque c’était une pratique commune le fait d’emprunter de la


musique déjà existante, des thèmes ou des mélodies populaires étaient comme la
base de l’improvisation ou de nouvelles compositions. Bach, Haendel et Telemann
ont tous repris de mélodies ou thèmes déjà créés. Dans sa jeunesse Bach
retravailla de la musique par de compositeurs importantes dans l’époque comme
Johann Adam Reincken (maître des organistes allemands), Giovanni Legrenzi
(maître venettien de sonates trio) et Corelli (maître du concert baroque). Bach a
créé des fugues et des transcriptions pour l’orgue de leur musique.

Une fois Bach était établi comme un virtuose de l’orgue dans la courte de Weimar
il a recommencé à travailler sur de transcriptions pour le clavier en arrangeant des
concertos par Vivaldi, Telemann, Benedetto, Marcello et d’autres auteurs aussi.
Quand il était directeur musical à Leipzig en 1723, Bach a dû produire des
nouvelles pièces musicales chaque semaine, d’abord pour l’église luthérienne et
pour de concerts de « l’University Colegium Musicum ». Pendant ces années Bach
créa de la musique dans une quantité extraordinaire.

Il s’est retrouvé aussi en « recyclant » de pièces plus anciennes dans une grande
partie. Des nouveaux textes furent insérés dans de mélodies anciennes, partitions
anciennes furent mises à jour et des concertos instrumentaux furent transformés
en cantates, sinfonias, chorales et arias. Au fil des années1730 retravailler sur
musique existante c’est devenu une philosophie compositionnelle pour Bach. La
passion de St. Mark, L’oratorio de noël et le deuxième livre du clavier bien tempéré
ont été produis largement par l’utilisation du matériel existant. Également les
concertos de clavecin, les quatre messes courtes et la messe en si mineur ont été
composés avec une grande partie de thèmes et mélodies reprises. Il arrangea
aussi de la musique par Palestrina, Caldara et Pergolèse en ajoutant son style
personnel.

Pour plusieurs compositeurs baroques la réutilisation de partitions anciennes ne


faisait pas partie de leur pratique, pour Bach c’était une occasion d’améliorer sa
propre musique et celle d’autres, une façon d’arriver un peu plus près de la
perfection, l’amélioration de ses œuvres était un processus en continu. Lorsque
Mozart et Brahms complétaient une œuvre ils « fermait le livre » et continuaient
avec un nouveau projet. Pour Bach la composition était une affaire qui continuait
même avec de pièces qui semblait déjà finies. Les variations Goldberg furent
augmentées avec 14 canons, les variations canoniques « Von Himmel Hoch » ont
été réorganisés et l’art de la fugue fut prolongé au-delà de son dessin de départ.

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