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Sommaire
I. Introduction : Linguistique et poésie
C’est Roman Jakobson qui, issu du formalisme russe, a propagé la conception de l’œuvre
poétique comme un système structuré, comme un discours dominé par la fonction poétique du
langage, c’est-à-dire tourné vers le matériau verbal considéré pour lui-même. – La notion de
« fonction poétique » est développée dans
JAKOBSON, Roman. « Linguistique et poétique », dans Essais de linguistique générale.
Minuit,1963.
Jakobson a mis en pratique l’approche structurale en analysant de nombreux poèmes. On
trouvera un choix représentatif (y inclus la célèbre analyse des Chats de Baudelaire) dans
JAKOBSON, Roman. Questions de Poétique. Le Seuil, 1973.
1. Répartition typographique
« Poème à forme fixe, le sonnet comprend quatorze vers répartis en quatre blocs
typographiques : deux quatrains homophones à rimes embrassées (le huitain) et deux tercets
(le sizain) dont les rimes obéissent à l’ordre du rhythmus tripertitus[4] (c c d / e e d). Le
dernier tercet peut adopter la disposition polaire (e d e). Ainsi, les deux schémas réputés
corrects sont les suivants :
a b b a / a b b a // c c d / e e d [sonnet « italien »]
a b b a / a b b a // c c d / e d e [sonnet « français »] »[5]
Nous appellerons structure visuelle ou typographique la répartition des quatorze vers du
sonnet en deux couples de strophes (une paire de quatrains et une paire de tercets), et
nous noterons[6] cette dichotomie :
Q1 + Q2 vs T1 + T2 ou ((Q1 + Q2) (T1 +T2))
b) L’amplification
Formellement, l’amplification consiste à ajouter des éléments à la proposition noyau :
compléments circonstanciels, appositions, parenthèses. En outre, l’amplification s’observe
aux niveaux inférieurs à celui de la proposition, notamment à l’intérieur des syntagmes
nominaux, par l’ajout d’épithètes, de compléments « déterminatifs ».
L’amplification appartient à la tradition rhétorique ; elle y nomme une figure qui consiste à
« développer les idées par le style, de manière à leur donner plus d’ornement, plus d’étendue
ou plus de force » (GRADUS).
En distinguant compléments essentiels et compléments non essentiels (accessoires), on
s’efforcera de reconstituer/d’isoler la phrase noyau ou minimale – ceci en vue du phénomène
de l’attente sémantique (voir plus loin).
c) L’inversion
Couramment, l’analyse syntaxique fait appel à la notion d’« ordre logique » (ou « naturel »
ou « canonique »), la phrase étant conçue (selon le modèle de la logique classique) comme
réalisant une prédication (énonçant un propos) sur un support (un thème). Normalement, le
thème figure en position initiale ; c’est le cas notamment pour la phrase énonciative minimale
sujet – verbe (Paul rêve).
L’ordre logique est un ordre progressif, allant du « déterminé » au « déterminant » ; il
caractérise non seulement l’ordre des constituants immédiats de la phrase mais également les
unités à l’intérieur des syntagmes verbal et nominal : normalement, les compléments suivent
leur support.
Chaque fois qu’il y a rupture de l’ordre progressif, qu'un des éléments de la séquence
« déterminé ¬ déterminant » a été déplacé, il y a inversion.
Il faut distinguer l’inversion grammaticale de l’inversion stylistique.
L’inversion grammaticale n’est pas une figure : due à une contrainte syntaxique, elle ne laisse
au locuteur aucun choix. Seule, l’inversion stylistique, s'opposant aux règles générales, retient
et fixe l'attention : c'est un procédé de mise en évidence.
Ajoutons aux inversions stylistiques
— le délestage, qui consiste à « (amorcer) la période par une ou plusieurs subordonnées »[11] ;
— l’hyperbate (n.f.), figure de construction qui consiste à séparer un groupe syntaxique de
son support et à le placer en fin de la phrase, après une proposition qui paraît complète.
D’autre part, l'inversion peut être liée, en poésie, à des nécessités métriques – en effet, les
poètes classiques ont couramment recours à l’inversion pour respecter l’accent fixe de la
césure ou pour éviter un hiatus.
d) Sens minimal
Sur le plan sémantique, l’amplification et l’inversion ont souvent comme conséquence de
retarder l’achèvement d’un sens minimal complet. C’est un moyen stylistique pour maintenir
l’attente sémantique de l’auditeur ou du lecteur, de créer un effet de suspension (figure de
style qui « consiste à faire attendre, jusqu’à la fin d’une phrase où d’une période […] un trait
par lequel on veut produire une grande surprise ou une forte impression » (FONTANIER, p.
364)[12].
2. La période[BS2]
b) Harmonie prosodique
La période décrit en principe une courbe mélodique, qui, partie d’une note assez basse […],
s’élève par degrés, parvient à son acmé et redescend pour s’achever sur une note profonde.
Donc, tant au point de vue sémantique qu’au point de vue prosodique, la période verticale est
un circuit : elle tourne autour d’un mot-centre, accompagné de circonstances ; elle fait le tour
du registre vocal.
— La période carrée
La période carrée est construite sur quatre membres, qui peuvent être opposés deux à deux
(c’est la période croisée). Elle correspond à la strophe, et singulièrement au quatrain, dont elle
reproduit le rythme montant des deux premiers vers et descendant des deux derniers
du quatrain[BS3].[13]
c) Équilibre architectural
La période est équilibré selon les besoins de l’expression, tantôt la cime mélodique (acmé)
occupe une position centrale, la protase et l’apodose étant d’une longueur à peu près égale
(période pyramidale ou équilatérale), tantôt les deux parties sont fortement inégales (période
scalène, ascendante ou descendante).
1. Lexique
2. Figures
4. Typologies sémantiques[14]
· Références
GARDES-TAMINE, Joëlle. La Stylistique. A. Colin, 1992.
GENDRE, André. Évolution du sonnet français. Presses Universitaires de France, 1996.
MORIER, Henri. Dictionnaire de poétique et de rhétorique. Presses Universitaires de France,
4e éd. revue et augmentée 1989.
ADAM, Jean-Michel. Pour lire le poème. Bruxelles-Paris, De Boeck-Duculot, 1986.
MOLINO, Jean & Joëlle GARDES-TAMINE. Introduction à l’analyse de la poésie. I. Vers et
figures. P.U.F., 1982.
MAZALEYRAT, Jean Éléments de métrique française. Paris, Armand Colin, 1965.
CORNULIER, Benoît de. Art poëtique. Presses Universitaires de Lyon, 1995.
GARDES-TAMINE, Joëlle & Marie-Antoinette PELLIZZA. La construction du texte. De la
grammaire au style. A. Colin, 1998.