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Séminaire d’Analyse Fonctionnelle

E.N.S. de Rabat, 2021–2020

Séminaire d’Analyse Fonctionnelle

MUSIQUE ET MATHÉMATIQUES
LES SECRETS D’UNE LIAISON
AZIZ IFZARNE

1 ∗
A. IFZARNE

1 École Nationale des Sciences Appliquées ENSA - Khouribga Université Sultane Moulay slimane

Résumé Existe-t-il des liens entre les mathématiques et la musique? En réalité, les liens sont très forts ! Depuis
Pythagore, on étudie la musique sous le signe des maths. Mathématiques et musique sont devenus deux
langages universels et aux évolutions parallèles. Nous traitons, d’un point de vue mathématique, certains
aspects quantitatifs de la musique : rythmes, fréquences, gammes et tempérament.
Mots clés : Musique et mathématiques, acoustique, gammes naturelles, gamme tempérée, musique microtonale,
géométrie des rythmes.

1. INTRODUCTION

La musique est un exercice caché d’arithmétique,

l’esprit n’ayant pas conscience qu’il est en train de compter.”

G. Leibniz, mathématicien philosophe et fondateur du calcul infinitésimal

On peut penser que mathématique et musique n’ont à priori rien de commun. Cependant, parmi les
domaines artistiques qui peuvent être éclairés d’un regard mathématique, la musique est probablement celui qui

s’y prête le mieux. Les mathématiques offrent un langage qui permet de décrire et de mieux comprendre certains

aspects de la musique.

Au cours de l’histoire, les échanges entre la musique et les mathématiques furent fréquents. Chez les Grecs anciens,
musique et mathématiques ont une origine commune. Pendant très longtemps, la musique fut considérée comme

une science au même titre que l’astronomie, l’arithmétique ou la géométrie. De nombreux savants se sont penchés


E-mail: a.ifzarne@usms.ma

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LES SECRETS D’UNE LIAISON

sur les problèmes musicaux: Pythagore, Al Kindi, Al Farabi, Omar Al Khayyam, Descartes, Euler, Helmholtz,

pour n’en citer que quelques-uns.


La musique a longtemps été classée parmi les sciences. Depuis Pythagore jusqu’à la fin du Moyen-âge, l’une

des composantes de l’enseignement est le quadrivium . Ce terme désignait les quatre disciplines suivantes :

l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique.

1. Quelle est la différence entre un son musical et un bruit ?

2. Pourquoi y a-t-il 7 notes de musique ?

3. Comment accorder les instruments et déterminer la fréquence de chaque note ?

4. Comment visualiser les rythmes à l’aide de formes géométriques ?

5. Comment les mathématiques ont permis de résoudre l’un des plus grands problèmes de la théorie musicale
(choix du tempérament) ?

Voilà quelques questions sur la musique qu’on va traiter d’un angle mathématique.

2. NOTIONS DE BASE: NOTES MUSICALES ET INTER-


VALLES
2.1. Notes de musique

Dans la musique occidentale, il existe sept notes de musique différentes et deux systèmes de nomination de ces
sept notes :

1. la notation musicale syllabique : Do, Ré, Mi, Fa, Sol, La, Si

2. la notation musicale alphabétique : C, D, E, F, G, A, B (ou H)

Avec les altérations dièse et bémol, le nombre total des notes s’élève à douze :

1. le dièse qui hausse la note de musique d’un demi-ton

2. le bémol qui baisse la note de musique d’un demi-ton

Le demi-ton est le plus petit intervalle entre deux notes. On le trouve par exemple entre Do et Do#, ou

entre Mi et Fa. Mais c’est quoi un intervalle ?

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2.2. Intervalles en musique

En musique, l’intervalle entre deux notes est l’écart entre leurs hauteurs respectives. En acoustique, l’intervalle
entre deux sons est le rapport de leurs fréquences.

Voilà certains intervalles importants que nous utiliserons dans la suite :

1. l’octave fait exactement 5 tons et 2 demi-tons. Cet intervalle correspond au doublement de la fréquence

fondamentale. Par exemple, augmenter la note Do d’une octave donne la note Do mais à une hauteur deux

fois plus élevée.

2. la quinte (juste) fait exactement 3 tons et 1 demi-ton. Par exemple entre Do et Sol.

3. la quarte (juste) fait exactement 2 tons et 1 demi-ton. Par exemple entre Do et Fa.

4. la tierce (majeure) fait exactement 2 tons. Par exemple entre Do et Mi.

Le ton et le demi-ton sont les intervalles de base, qui, par addition, permettent d’obtenir tous les autres

intervalles. Alors qu’avec les rapports des fréquences, ajouter un intervalle revient à multiplier par son rapport
de fréquence.

Remarque 2.1.
La perception des intervalles diffère selon les cultures. Il n’existe pas de système musical universel contenant tous
les intervalles de toutes les échelles musicales. Par exemple, en musique orientale (perse, arabe, turque), le plus
petit intervalle est le quart de ton.

3. UN PEU DE PHYSIQUE
3.1. Qu’est-ce qu’un son musical ?

Tout objet susceptible de vibrer peut produire un son. La vibration de l’objet se transmet aux particules d’air

environnantes. Comme les vaguelettes produites par un caillou jeté dans l’eau, cette vibration crée une onde qui

se propage de proche en proche dans toutes les directions.

Un son musical est un son issu de vibrations périodiques. On dit qu’il est pur s’il est issu d’une seule vi-
bration sinusoı̈dale. Nous entendons le plus souvent des sons complexes constitués de plusieurs sons purs émis

simultanément.

3.2. Caractéristiques mesurables d’un son musical

Un son se caractérise par :

1. Sa fréquence : nombre de fluctuations de la pression d’air par seconde, exprimée en hertz (Hz). Plus elle

est faible, plus le son est grave. Plus elle est élevée, plus le son est aigu. L’oreille humaine ne perçoit que

les sons dont la fréquence est comprise entre 20 et 20.000 Hz.

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2. Son intensité (niveau sonore) : correspond à l’amplitude du son. Plus elle est faible, plus le son est

faible, et inversement. L’intensité est mesurée en décibel (dB). L’oreille humaine perçoit les sons de 0 à
130 dB, seuil de la douleur.

3. Sa durée : c’est le temps auquel l’oreille est exposée au son.

4. Son timbre : c’est la partie du son qui permet de faire la différence entre deux instruments, même s’ils

jouent la même mélodie. Le timbre est lié principalement aux harmoniques d’un son musical.

3.3. Harmoniques et décomposition en ”série de Fourier”

C’est en étudiant la propagation de la chaleur que Joseph Fourier (1768 - 1830), mathématicien et physicien,
inventa la décomposition en série trigonométrique qui porte son nom. Il montra que toute fonction périodique

s de fréquence f peut être écrite comme une somme de fonctions trigonométriques dont les fréquences sont des

multiples entiers de f.
+∞
X
S(t) = ak cos(2kπf t) + bk sin(2kπf t).
k=0

Les fonctions t → sin(2kπft) et t → cos(2kπft) sont sinusoı̈dales de fréquence kf.

Ainsi, un son musical de fréquence f peut être considéré comme résultant de la ”superposition” de sons purs de

fréquences f, 2f, 3f, 4f, 5f, etc... Ces sons purs sont appelés harmoniques, leurs fréquences sont proportionnelles.

Leur ensemble est appelé spectre du son. Le 1er harmonique s’appelle le fondamental.
Spectre d’un son musical de fréquence f = Son fondamental de fréquence f + Harmoniques

Dans un son de fondamentale f, les harmoniques les plus présentes sont l’octave 2f, la quinte 3f, l’octave 4f,
la tierce majeure 5f, etc. . .

3.4. Bruit et son musical

Qu’est-ce qui différencie un son musical produit par exemple par un violon d’un bruit produit en frappant une
porte? Dans le cas d’un son musical, les fréquences sont proportionnelles (harmoniques) contrairement au bruit

où les fréquences sont assez aléatoires.

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4. PYTHAGORE ET LA MUSIQUE DES NOMBRES

La légende grecque nous rapporte que Pythagore, se promenant un jour fut frappé de la consonance de
marteaux de forgerons qui rendaient des sons musicaux. En rentrant chez lui, Pythagore a réalisé une expérience

avec une corde.

Tout d’abord, il avait remarqué que plus la corde est longue, plus le son est grave, et moins elle est longue, plus

le son est aigu.


Plus que cela, il avait remarqué qu’en plaçant un chevalet au milieu de la corde tendue, les deux parties de la corde

(chacune de longueur moitié) donnaient, lorsqu’on les pinçait, le même son, ”ressemblant” à celui que donnait

la corde entière, mais 2 fois plus aigu (l’octave supérieure). Pythagore avait remarqué que l’intervalle d’octave

correspondait à la valeur 1/2.

Si l’on plaçait ce chevalet au tiers à partir d’une des extrémités, la partie la plus longue donnait la quinte

supérieure du son initial, l’autre en donnant l’octave supérieure (puisque sa longueur était moitié). L’intervalle
de quinte correspondait à la valeur 2/3.

Si l’on plaçait ce chevalet au quart à partir d’une des extrémités, la partie la plus longue donnait la quarte

supérieure du son initial. L’intervalle de quarte correspondait à la valeur 3/4.

Par exemple, si la corde entière joue la note Do, alors :

1. Sa moitié va jouer la même note Do mais deux fois plus aigüe (octave)

2. Les deux tiers de la corde vont jouer la note sol (quinte).

3. Les trois quarts de la corde vont jouer la note fa (quarte)

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En termes de fréquences, chaque fréquence est inversement proportionnelle à la longueur de la corde L :

k
f=
L

Avec k une constante liée aux propriétés physiques de la corde.


Ainsi, l’octave correspond à la valeur 2, la quinte à 3/2 et la quarte à 4/3.

En continuant la construction de sa gamme basée principalement sur la quinte et l’octave, voilà les proportions

obtenues dans la gamme de Pythagore :

Note Do Re Mi Fa Sol La Si Do

Ratio 1 /1 9
/8 81
/64 4
/3 3
/2 27
/16 243
/128 2
/1

Exemple de calcul sur les intervalles :

L’addition de deux intervalles s’obtient en multipliant leurs rapports de fréquences.

Une quinte pure (3/2) plus une quarte pure (4/3) donne une octave pure (2/1) :

Jusqu’au moyen âge, on continuait à utiliser la gamme de Pythagore. Mais il y avait 3 grands problèmes dans

cette gamme :

1. La quinte du loup : Dans une gamme pythagoricienne, la quinte du loup est la quinte descendante à

partir de la note de base. C’est une quinte qui sonne pour une oreille occidentale de façon désagréable.

2. Tierce pas trop juste : Avec le temps, il s’est avéré que l’intervalle de la tierce est plus important, de

point de vue harmonie, que la quinte considérée comme l’intervalle le plus important dans la gamme de

Pythagore.

3. Transposition souvent impossible : La quinte du loup limitait la liberté des compositeurs de transposer

une musique d’une gamme à une autre.

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5. A LA RECHERCHE DE LA GAMME PARFAITE

5.1. Gammes des physiciens

Au fil du temps, plusieurs gammes sont apparus pour remédier aux problèmes de la gamme pythagoricienne. Des

gammes naturelles (en anglais just intonation ou pure intonation) sont obtenues par des combinaisons d’intervalles

purs : octave, quinte et tierce majeure pures (correspondant respectivement aux rapports de fréquence 2/1, 3/2
et 5/4). Plusieurs procédés ont été proposés, notamment par Gioseffo Zarlino, Joseph Sauveur, Hermann von

Helmholtz, etc. . .

Une gamme naturelle est essentiellement théorique. Elle trouve son origine dans l’acoustique et l’étude des

fréquences vibratoires, d’où son nom de gamme des physiciens . Elle est peu utilisée de manière exacte par les
musiciens, car les problèmes liés à la transposition et la quinte du loup persistent.

Exemple 5.1.

Gamme de Zarlino

5.2. Source du problème : Cycle des quintes

Une façon de composer une gamme à partir d’une note donnée tout en obéissant à la théorie pythagoricienne, ou
à l’une des gammes naturelles, consiste à générer des quintes successives. La quinte est l’intervalle considéré dans

cette théorie comme le plus consonant et défini par le rapport de fréquence 3/2.

Partant par exemple d’un fa (de fréquence f), on obtient la fréquence du do (f x 3/2), puis à partir du do la

fréquence du sol (f x (3/2)2 ), etc. Au bout de six quintes, on a déjà obtenu les 7 premières notes : do ré mi fa sol
la si (la gamme diatonique).

En continuant jusqu’à la 11ème quinte, on obtient cinq notes supplémentaires qui vont venir s’intercaler entre les

notes déjà définies. Mais, lorsqu’on poursuit jusqu’à la 12ème quinte (f x (3/2)12 ) pour obtenir la note mi#, on

s’aperçoit, qu’elle ne correspond pas exactement au fa obtenu par l’addition de 7 octaves (f x 27 ). L’intervalle qui
les différencie est appelé le comma pythagoricien. Ainsi, les quintes ainsi générées en cycle ne bouclent pas.

5.3. Solution du problème: Gamme tempérée

L’idée de base est de considérer que le rapport des fréquences de deux notes adjacentes est toujours le même. Soit
r ce rapport.

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Soit f la fréquence d’une note Do. Etant donné que l’octave contient 12 intervalles égaux (12 demi-tons) en pro-

gression géométrique, la fréquence du Do située à l’octave supérieur est r 12 f . Le rapport d’octave étant égal à

2, nous avons r 12 f = 2f , soit r 12 = 2, le rapport de fréquences du demi-ton à tempérament égal est :

1 √
2∼
12
r = (2) 12 = = 1, 06

Ainsi, les fréquences des notes dans la gamme tempérée constituent une suite géométrique, dont le terme général
est donné à l’aide de la formule :
n
f n = f 0 (2) 12

Avec l’impossibilité d’une solution rationnelle au problème du tempérament, la gamme tempérée avait l’idée

géniale de donner une solution irrationnelle. Physiquement, à part l’octave, tous les intervalles sont faux, mais

pour l’oreille ils sonnent bien, et c’est ce qui est le plus important pour les musiciens. La gamme tempérée a
permis de résoudre le problème de la quinte du loup ainsi que les limitations de la transposition dans les gammes

anciennes. De nos jours, elle est utilisée dans le monde de la MAO (Musique assistée par ordinateur), ainsi que

pour l’accordage des instruments électriques, des pianos et d’autres instruments.

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6. POURQUOI 7 NOTES EN MUSIQUE?

On connait tous les 7 notes de musique : Do, Ré, Mi, fa, sol, La Si. On peut se demander pourquoi exactement
7 notes ?

En réalité, dans la musique occidentale, il y a 12 notes car l’octave est divisée en 12 demi-tons. Sur le piano,

il s’agit des 7 notes blanches et 5 notes noires. D’un point de vue mathématique, nous pouvons expliquer pourquoi

le nombre 12 fonctionne bien, et ceci grâce aux fractions continues.

Prenons comme point de départ une seule note de fréquence f . La fréquence de son octave est 2f. Cherchons les

autres notes comprises entre f et 2f. On choisit l’intervalle de la quinte puisqu’il est important. Ainsi on aura

une note de plus de fréquence 3/2 f.

Revenons au cycle des quintes. L’idée est de monter successivement en octave et en quinte jusqu’à ce qu’on tombe
sur la même note, ou presque. Soit m le nombre d’octaves et n le nombre de quintes.

1. Si on augmente f de m octaves, on trouve la note de fréquence (2)m f.

3 n

2. Si on augmente f de n quintes, on trouve la note de fréquence 2
f.

Cherchons alors des entiers naturels m et n qui vérifient :

 n
3
f = (2)m f ⇔ 3n = 2n+m
2

Il est clair que cette équation n’admet pas de solutions dans N. Cherchons des solutions approximatives.

 n
Log 23
  
3 3 m 3 m m n Log (2) ∼
f = (2)m f ⇔ = 2 n ⇔ Log =2n ⇔ = ⇔ =  = 1, 7095
2 2 2 n Log(2) m Log 32

Par ailleurs, tout nombre réel s’écrit sous forme d’une fraction continue. Une bonne approximation rationnelle
n
du réel m
peut être donnée la fraction continue suivante :

5
Les 4 premières approximations donnent successivement : 2, 3
, 12
7
, 41
24

Les solutions 2 et 5
ne sont pas satisfaisantes (marge d’erreur assez élevée). Cependant 12 ∼
= 1, 7143 donne une
3 7
Log(2)
bonne approximation rationnelle de Log ( 3
. Ainsi le nombre d’octaves est m=7 et le nombre de quintes n=12.
2)

Nous retrouvons le cycle des quintes qui contient alors 12 notes. Voilà !

Groupe des transpositions Z/12Z

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Les 12 notes de musique se répètent en passant d’une octave à l’autre. A chaque note de la gamme tempérée on

associe un nombre entre 0 et 11, ou plus précisément un élément du groupe Z/12Z. Mathématiquement, on peut

dire dire qu’on a quotienté à l’octave.

Z/12Z est appelé groupe de transposition. Il permet de transposer facilement les notes.

Exemple 6.1.
La +7 demi-tons = 9 + 7 = 16≡4[12] = Mi.
Les sous-groupes de Z/12Z (hormis Z/12Z lui même) sont :

1. {0} : c’est le do
2. {0 ; 6} : C’est le triton do, fa#
3. {0 ; 4 ; 8} : C’est l’accord de quinte augmenté do,mi, sol#
4. {0 ; 3; 6; 9} : C’est l’accord de septième diminué do, mib, fa#, la
5. {0; 2; 4; 6; 8; 10} : C’est la gamme par tons do, ré, mi, fa#, sol#, sib

7. MUSIQUE MICROTONALE

Une musique microtonale est toute musique qui utilise des microtons, càd des intervalles plus petits qu’un
demi-ton. Elle peut également être étendu pour inclure toute musique utilisant des intervalles non trouvés dans

l’échelle occidentale habituelle de douze intervalles égaux par octave. En d’autres termes, un microton peut être

considéré comme une note qui tombe entre les touches d’un piano accordé avec un tempérament égal.

Exemple 7.1.
1. 24 notes (quart de ton) : Musique turque, arabe et perse
2. 22 notes (shrutis) : Musique indienne classique
3. 19 notes : Musique de la renaissance en Europe

Ainsi, les fréquences dans la gamme tempérée à 24 notes sont données à l’aide de la formule :
n
f n = f 0 (2) 24

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8. LA GÉOMÉTRIE DES RYTHMES

Le rythme en musique est l’organisation dans le temps des événements musicaux, c’est une forme de répétition
de la structure. Ceci permet de visualiser chaque rythme dans une représentation circulaire (Rhythm circle).

Comme dans une horloge, les pulsations du rythme (points dispersés sur le cercle) vont remplacer les heures, et

la durée qu’il va falloir pour parcourir tout le cercle est la durée du rythme. En reliant tous ces points, on trouve

une forme géométrique qui caractérise le rythme.


Voilà quelques formes géométriques obtenues :

8.1. Rythmes euclidiens

Certaines formes géométriques reviennent le plus souvent dans les rythmes musicaux, et surtout dans la

musique traditionnelle. Pourquoi ces formes et pas d’autres ?

En 2005, Godfried Toussaint [8] a remarqué que ces formes ont un point commun : les sommets de chaque
polygone sont les plus éloignés les uns des autres. C’est ainsi qu’il a défini un rythme euclidien : c’est un

rythme où les points sont placés le plus loin possible les uns des autres.

Plus précisément, un rythme euclidien peut être noté mathématiquement E(k; n), où n désigne la durée du

rythme (nombre d’impulsions) et k le nombre de notes qu’on va jouer (parmi les n impulsions).
Mais pourquoi le nom euclidien ? C’est parce que l’algorithme qui permet de trouver ces rythmes ressemble

beaucoup à l’algorithme d’Euclide sur le calcul du PGCD. Cet algorithme permet, à partir de k et n, de trouver

le rythme qui lui est associé, c’est-à-dire l’ensemble des points les plus éloignés les uns des autres.

Par exemple, le rythme bossa nova est donné par E(16,5). Les rythmes E(1,n) sont dits triviaux. Ils
manquent d’intérêt de point de vue musical.

Le complémentaire d’un rythme euclidien E(k; n) est le rythme euclidien E(n-k; n). C’est le rythme obtenu

en jouant les notes non considérées dans le rythme initial.

Exemple 8.1.

(a) Le rythme euclidien E(3,8) n’est autre que l’un des plus célèbres de la planète. À Cuba, il porte le nom

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de tresillo. On le retrouve également dans la musique Tango, dans beaucoup de rythmes africains, orientaux et

chansons modernes.

(b) Le rythme euclidien complémentaire au tresillo est E(5,8) appelé cinquillo, souvent utilisé dans la musique
cubaine.

1er cas : Si k et n sont premiers entre eux, autrement leur PGCD vaut 1, le rythme euclidien est dit non-

périodique. Les rythmes non-périodiques sont généralement les plus intéressants parmi les rythmes euclidiens.

2ème cas : Si k et n ne sont pas premiers entre eux, alors k=k’d et n=n’d, avec d=PGCD(k ;n) et PGCD(k’,n’)=1.
De plus, on a :

E(k, n) = dE(k0 , n0 ).

Ainsi le rythme E(k,n) est la répétition d fois du rythme non-périodique E(k0 , n0 ).

Théorème 8.1.
Le complémentaire d’un rythme euclidien non-périodique est un rythme euclidien non-périodique.
Musicalement, un rythme non-périodique et son complémentaire appartiennent souvent au même genre musical.
Par exemple, on retrouve le tresillo E(3,8) et son complémentaire le cinquillo E(5,8) dans la musique cubaine.

8.2. Combinaison des rythmes euclidiens

Il est possible de combiner des rythmes euclidiens pour créer d’autres. Par exemple combiner E(2,8) et E(3,8)
donne naissance à un nouveau rythme populaire qu’on trouve par exemple dans l’extrait Habanera de l’opéra

Carmen de Bizet.

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Références

[1] Mathematics and Music, David Wright, American Mathematical Society, 2010.

[2] Music and Mathematics: From Pythagoras to Fractals, John Fauvel, Raymond Flood, 2006, Oxford University

Press.

[3] Musique et mathématique, Bernard PARZYSZ, APMEP 1984 - n◦ 53.


[4] The Math Behind the Music, Leon Harkleroad, Cambridge University Press, 2006.

[5] An Exploration of the Relationship between Mathematics and Music, Shah Saloni, 2010, Manchester Institute

for Mathematical Sciences, School of Mathematics.

[6] Musimathics: The Mathematical Foundations of Music, Gareth Loy, The MIT Press, 2011.
[7] The Geometry of Musical Rhythm, Godfried T. Toussaint, AK Peters/CRC Recreational Mathematics Series.

2013.

[8] The Euclidean algorithm generates traditional musical rhythms, G. T. Toussaint, Proceedings of BRIDGES:

Mathematical Connections in Art, Music, and Science, Banff, Alberta, Canada, July 31 to August 3, 2005,
pp. 47–56.

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