Vous êtes sur la page 1sur 39

CENS 2011

Dossier d’économie n°7

Vendredi 24 juin 2011

La relation inflation/chômage
2 documents
Liêm Hoang-Ngoc, « Rigidités salariales et chômage. Les frontières classiques du programme
néo-keynésien étaient-elles tracées ? », Cahiers d’économie politique, 2004, n°48, pp.161-185.

D’Autume Antoine, « Edmund Phelps, théoricien du taux naturel de chômage », Revue d’économie
politique, 2007/3, Vol.117, pp. 311-321.

1
RIGIDITÉS SALARIALES ET CHÔMAGE LES FRONTIÈRES
CLASSIQUES DU PROGRAMME NÉO-KEYNÉSIEN ÉTAIENT-ELLES
TRACÉES ?

Liêm Hoang-Ngoc

L'Harmattan | Cahiers d'économie Politique / Papers in Political Economy

2005/1 - n° 48
pages 161 à 185

ISSN 0154-8344

Article disponible en ligne à l'adresse:


--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-2005-1-page-161.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan


Pour citer cet article :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Hoang-Ngoc Liêm , « Rigidités salariales et chômage les frontières classiques du programme néo-keynésien
étaient-elles tracées ? » ,
Cahiers d'économie Politique / Papers in Political Economy, 2005/1 n° 48, p. 161-185.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan.


© L'Harmattan. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 15/06/2011 17h35. © L'Harmattan
EDMUND PHELPS, THÉORICIEN DU TAUX NATUREL DE CHÔMAGE

Antoine d?Autume

Dalloz | Revue d'économie politique

2007/3 - Vol. 117


pages 311 à 321

ISSN 0373-2630

Article disponible en ligne à l'adresse:


--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
http://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2007-3-page-311.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
d?Autume Antoine , « Edmund Phelps, théoricien du taux naturel de chômage » ,
Revue d'économie politique, 2007/3 Vol. 117, p. 311-321.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Dalloz.


© Dalloz. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Edmund Phelps, théoricien du taux naturel

• DÉBATS / OPINIONS
de chômage
Antoine d’Autume*

Inventeur, avec Milton Friedman, du concept de taux naturel de chômage, Edmund


Phelps l’a placé au coeur de l’analyse macroéconomique. Nous montrons le rôle im-
portant et original joué par Edmund Phelps dans la construction d’un corpus macroé-
conomique unifié, dans l’affinement de ses fondements microéconomiques et dans son
enrichissement permanent.

Phelps - chômage - inflation - taux naturel de chômage - anticipations

Edmund Phelps, analyst of the natural rate


of unemployment

Inventor, with Milton Friedman, of the concept of natural rate of unemployment,

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


Edmund Phelps put it at the core of macroeconomic analysis. We describe his impor-
tant and special role in the development of an integrated macroeconomic corpus, the
refining of its microeconomic foundations and its permanent renewal.

Phelps - unemployment - inflation - natural rate of unemployment - expectations

Classification JEL : E24, E31

Le prix Nobel 2006 de sciences économiques a été décerné à Edmund S.


Phelps pour son analyse du rôle des arbitrages intertemporels dans la poli-
tique macroéconomique. Trente ans après Milton Friedman, ce prix vient
ainsi récompenser le second inventeur du concept de taux naturel de chô-
mage. La citation qui motive l’attribution du prix élargit à juste titre l’apport
du récipiendaire bien au delà de cette découverte du taux naturel. Edmund
Phelps a beaucoup contribué, depuis quarante ans, à l’analyse du chômage
et des politiques susceptibles d’en réduire l’incidence. Mais son approche a
toujours été celle d’un macroéconomiste, reliant l’évolution du taux de chô-
mage à celle de l’inflation, des capacités de production, des taux d’intérêt ou
des taux de change, et inscrivant son analyse dans une perspective tempo-
relle. Les causes du chômage ne se situent pas seulement sur le marché du
travail et elles peuvent tenir à des événements relativement anciens. Les
politiques de stabilisation macroéconomiques doivent tenir compte de ces

* Ecole Economique de Paris (Paris School of Economics), Université Paris 1 – Panthéon


Sorbonne, 106-112 Boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, Email : dautume@univ-paris1.fr.

REP 117 (3) mai-juin 2007


312 ——————————————————————————————————————————————————— Antoine d’Autume

aspects dynamiques et faire face à des conflits d’objectifs et à des arbitrages


intertemporels entre effets immédiats et effets à plus long terme.
Comme l’ont compris simultanément Friedman [1968] et Phelps [1967], la
notion de taux naturel de chômage découle logiquement de deux condi-
tions : la prise en compte correcte des anticipations d’inflation dans la
courbe de Phillips ; l’imposition d’une condition d’équilibre stipulant que les
anticipations doivent être vérifiées. Cette définition d’un taux de chômage
d’équilibre, selon l’expression employée initialement par Phelps, a profon-
dément modifié le point de vue des économistes et des responsables de la
politique économique sur les politiques de stabilisation. Elle leur a rappelé
cette idée forte, qui aurait dû être une évidence, selon laquelle une inflation
parfaitement anticipée ne peut contribuer à diminuer le chômage. Sur un
plan plus analytique, elle a montré l’impossibilité, assez évidente elle aussi,
de se cantonner à une analyse statique des liens entre inflation et chômage
et la nécessité de construire un cadre d’analyse dynamique. C’est Phelps,
plutôt que Friedman, qui a joué ici le rôle dominant en posant, dans son
article de 1967, le formalisme qui s’est imposé très rapidement dans les
travaux de recherche et les manuels.
Cette courbe de Phillips augmentée des anticipations s’intégrait fort bien
dans la macroéconomie keynésienne de l’époque, qui s’attachait à étudier
les effets des variations de la demande globale sur la production, l’emploi et
les prix. Elle ouvrait la voie à la synthèse néoclassique réunissant dans un

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


cadre dynamique unifié des mécanismes keynésiens de court terme et l’exis-
tence d’un taux de chômage de long terme insensible à la demande globale.
Pourtant, cette synthèse simple et féconde souffrait de lacunes importan-
tes, aux yeux mêmes de l’un de ses principaux auteurs. L’absence de fon-
dements microéconomiques rendait incompréhensible l’inertie des prix et
des salaires nominaux sur laquelle elle repose. Des travaux plus ambitieux
étaient donc à l’ordre du jour. On perçoit ici l’accélération du temps de la
recherche puisque c’est en 1970, trois ans seulement après la publication de
son article sur le taux de chômage d’équilibre, que Phelps coordonne et
publie l’ouvrage collectif Microeconomic Foundations of Employment and
Inflation Theory, qui fait aujourd’hui figure d’acte de naissance, ou au moins
de programme fondateur, de la macroéconomie moderne1.
Les années soixante-dix et quatre-vingt ont vu se développer cette macro-
économie où les comportements reçoivent des fondements microéconomi-
ques explicites dans un cadre d’anticipations rationnelles. Les schémas ex-
plicatifs se modifient aussi puisque l’importance des rigidités nominales est
remise en cause et que les chocs d’offre tendent à remplacer les chocs de
demande comme facteurs explicatifs des fluctuations. C’est dans ce nou-
veau contexte que Phelps publie en 1994 l’ouvrage Structural Slumps, qui
présente une synthèse macroéconomique ambitieuse mettant l’accent sur
les déterminants structurels du taux de chômage naturel. Ces déterminants
structurels doivent être entendus ici au sens large de facteurs fondamen-
taux, économiques et sociaux, permettant d’expliquer le niveau du taux

1. Nous avons souligné le rôle-charnière de cet ouvrage dans un chapitre d’histoire de la


macroéconomie, d’Autume (2000).

REP 117 (3) mai-juin 2007


Edmund Phelps, théoricien du taux naturel de chômage ——————————— 313

naturel, sur un horizon de moyen terme. Leur identification permet de com-


prendre les variations dans le temps et dans l’espace du taux de chômage
naturel et du taux de chômage effectif.
La notion de taux de chômage naturel introduit ainsi une grande conti-
nuité dans l’œuvre macroéconomique de Phelps. Elle va nous servir de fil
conducteur pour rendre compte de ses travaux.

1. Le taux naturel de chômage

Dans son article de 1967, Phelps pose pour la première fois l’équation de
la courbe de Phillips augmentée des anticipations qui nous est familière. Il
choisit de l’écrire en termes de taux d’inflation, plutôt que de croissance des
salaires nominaux. Surtout, il lui semble aller de soi qu’elle se déplace
one-for-one avec le taux d’inflation anticipé. Un schéma devenu depuis tra-
ditionnel représente l’ensemble des courbes de Phillips, que l’on dirait
aujourd’hui de court terme, et l’unique courbe verticale correspondant au
niveau d’emploi d’équilibre.
Phelps complète son modèle par l’hypothèse d’anticipations adaptatives

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


puis l’utilise pour déterminer la politique optimale que peuvent mener les
autorités. L’exercice est complexe et les détails de la modélisation sont
aujourd’hui secondaires. Soucieux déjà de fondements microéconomiques,
il tente de relier la fonction d’utilité que l’on maximise au bien-être des
consommateurs et ne se contente pas, comme on l’a souvent fait par la
suite, de la faire dépendre directement du chômage et de l’inflation. La
lecture de l’article est difficile et ses conclusions peu nettes. Mais la problé-
matique générale s’imposera. Le taux naturel doit être défini comme la
situation d’équilibre de long terme d’un modèle dynamique complètement
spécifié. Dans le choix de la trajectoire suivie par l’économie, les autorités
font face – à court terme – à des arbitrages intertemporels complexes entre
inflation et chômage.
Dans cette présentation du taux naturel, Phelps s’éloigne nettement de
Friedman, au moins sur le plan méthodologique. Friedman, dans son article
de 1968, donne une définition a priori du taux de chômage naturel, comme
« niveau de chômage qui émergerait d’un système d’équilibre général wa-
lrassien, si on incorporait à ce système les caractéristiques structurelles
réelles des marchés du travail et des biens, comme l’imperfection des mar-
chés, le caractère aléatoire des offres et demandes, les coûts d’acquisition
d’information sur les emplois vacants, les coûts de mobilité, etc ». La réfé-
rence à l’équilibre walrassien suggère immédiatement que le taux ainsi dé-
fini a un caractère optimal. En l’absence d’illusion monétaire, et de rigidités
institutionnelles, la dynamique spontanée de l’économie devrait amener le
taux de chômage à son niveau naturel, lorsque les anticipations se sont
adaptées. Les détails de la modélisation dynamique intéressent peu Fried-
man. Il évoque bien une courbe de Phillips augmentée des anticipations
mais l’interprète assez différemment de Phelps. Pour celui-ci, cette courbe
REP 117 (3) mai-juin 2007
314 ——————————————————————————————————————————————————— Antoine d’Autume

représente à l’origine une loi d’ajustement des salaires sur un marché du


travail en déséquilibre. Friedman en revanche va tendre à inverser la causa-
lité en interprétant de plus en plus nettement la courbe de Phillips de court
terme comme une courbe d’offre donnant la réaction de l’emploi à une
différence entre salaire perçu et salaire anticipé. Il refuse ainsi d’entrer clai-
rement dans une logique keynésienne, pour l’analyse du court terme, et
anticipe ce qui deviendra la courbe d’offre de Lucas.
Les deux créateurs du concept de taux naturel se sont tous deux employés
à réconcilier les courbes de Phillips et l’axiome selon lequel une inflation
anticipée ne saurait contribuer à diminuer le chômage, mais ils l’ont fait
avec leur marque propre 2. Pour Friedman, le taux naturel a un caractère
optimal, ce qui le conduit, comme on le sait bien, à préconiser l’absence de
politiques de stabilisation. Phelps incarne au contraire la synthèse néoclas-
sique en reprenant à son compte des éléments keynésiens. Le taux naturel
n’est qu’un taux d’équilibre, que l’on peut éventuellement souhaiter modi-
fier, et les politiques peuvent en tous cas ramener plus rapidement le taux
de chômage à son niveau naturel. On peut noter à ce propos que Phelps a
exprimé beaucoup de réserves quant à l’emploi de l’expression de NAIRU,
Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment. Elle peut conduire en
effet à une vision trop simple de la dynamique macroéconomique. Une
situation où le taux de chômage est inférieur à sa valeur naturelle est, par
définition, une situation où le taux d’inflation anticipé est inférieur au taux

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


effectif. Mais ceci ne signifie pas nécessairement que le taux d’inflation est
en croissance accélérée.

2. Les fondements microéconomiques


des ajustements de prix et salaires
L’ouvrage Phelps et alii [1970] frappe d’abord par la liste de ses auteurs et
de ses thématiques. De nombreux développements ultérieurs s’ébauchent
ici.
Le principal, évoqué dans le titre de l’ouvrage, est l’ouverture à une
macroéconomie microfondée. La rigidité des prix et salaires nominaux ne
peut être comprise clairement que dans un cadre où les agents sont fixeurs
de prix et de salaires. C’est l’inertie de leurs décisions, dans un monde
marqué par des coûts d’ajustement et de collecte d’information, qui en est la
cause et non pas une faiblesse intrinsèque du mécanisme de marché, qui
imposerait aux prix de ne réagir qu’avec lenteur aux déséquilibres de l’offre
et de la demande. Telle est, en tous cas, la voie qui s’est imposée depuis lors
comme la plus féconde.

2. Friedman et Phelps semblent être parvenus de manière indépendante à cette réconci-


liation. Leurs articles respectifs de 1967 et 1968 ne se citent pas. Phelps évoque la question
dans son article de 1968-1970 en reconnaissant que d’autres auteurs avaient anticipé cet
axiome, en particulier Lerner [1949], et en citant un commentaire publié par Friedman en
1966, lui reconnaissant ainsi une priorité.

REP 117 (3) mai-juin 2007


Edmund Phelps, théoricien du taux naturel de chômage ——————————— 315

L’imperfection de l’information, en particulier, joue un grand rôle. Intro-


duite de manière persuasive par la métaphore des îles développée par
Phelps lui-même dans l’introduction du livre, elle offre des fondements aux
courbes de Phillips, comme le montrera plus clairement Lucas par la suite.
Comme l’ouvrage contient aussi l’article de Lucas et Rapping jetant les pre-
mières bases d’une analyse du rôle de la substitution intertemporelle dans
l’offre de monnaie, c’est toute l’origine des théories monétaires du cycle de
Robert Lucas que l’on discerne ici.
Un autre ensemble d’articles de Holt, Mortensen et Phelps jette les bases
de l’analyse des flux sur le marché du travail, en distinguant embauches,
vacances d’emploi, licenciements et démissions ou en mettant l’accent sur
la durée de recherche. Elle permet une définition autonome du taux de
chômage d’équilibre et préfigure les développements futurs de l’analyse du
marché du travail, en particulier ceux associés aux travaux de Pissarides et
Mortensen.
D’autres articles – moins influents sans doute – traitent des frictions sur le
marché des biens et analysent les politiques de fixation des prix en s’éloi-
gnant du cadre walrassien d’information parfaite.
Tous ces développements ne forment pas un ensemble cohérent. L’effort
de recherche de fondements microéconomiques rigoureux s’accompagne
du maintien fréquent d’hypothèses que l’on jugerait aujourd’hui ad hoc. La

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


volonté de s’éloigner du cadre walrassien est affirmée – la préface parle
même d’une économie du déséquilibre en cours de constitution – mais le
degré souhaité de rupture est peu homogène et peu explicite. S’agit-il d’étu-
dier des modèles plus réalistes où les marchés fonctionnent néanmoins
aussi bien que possible ? Peut-on identifier des défauts du fonctionnement
du mécanisme de marché qui éloigneraient de l’équilibre ? La réponse à ces
défauts doit-elle être structurelle et organisationnelle, ou une politique
macroéconomique peut-elle y contribuer ? Les travaux ultérieurs donneront
des réponses plus tranchées à ce type de questions.
La contribution propre de Phelps à l’ouvrage est double. Son article [1968-
1970] déjà publié prolonge son analyse antérieure de la courbe de Phillips
augmentée et du taux naturel en introduisant les vacances d’emploi dans un
contexte de firmes hétérogènes et en montrant que ceci enrichit la dynami-
que du modèle en donnant de l’importance aux variations du taux de chô-
mage, et non pas à son seul niveau.
Son second article, avec S. Winter, caractérise la politique optimale de prix
d’une entreprise en présence d’une relation de clientèle entre l’entreprise et
ses acheteurs. Cette politique a évidemment un caractère dynamique, ce qui
contribue à expliquer l’inertie des ajustements de prix.
Mais le rôle de Phelps dans la conception de l’ouvrage est évidemment
plus large. En lisant son introduction au volume, on le voit tisser des liens
entre les différents articles et s’attacher à en tirer des conclusions pour la
dynamique macroéconomique. Son projet reste la construction d’un modèle
global plus satisfaisant et mieux fondé, dont le taux naturel de chômage
constitue la solution de long terme. Il s’emploiera par la suite à montrer que
la distinction entre un taux naturel, ayant des déterminants endogènes, et la
dynamique transitionnelle qui y mène reste la méthode la plus sûre et
REP 117 (3) mai-juin 2007
316 ——————————————————————————————————————————————————— Antoine d’Autume

qu’elle permet, par exemple, d’interpréter les situations des économies amé-
ricaines ou européennes. La situation de ces dernières représente un défi
tant la dynamique des courbes de Phillips y semble en difficulté dans les
années soixante-dix et quatre-vingt. La coexistence du chômage avec une
inflation élevée, puis sa persistance semblent remettre en cause le modèle
de référence et appeler des explications plus structurelles. En collaboration
avec Jean-Paul Fitoussi, notamment dans l’ouvrage de 1988 The Slump in
Europe, Phelps s’appliquera au contraire à montrer que le modèle garde son
pouvoir explicatif et qu’il permet de comprendre le chômage européen
comme une réponse retardée à des chocs externes, pétroliers mais aussi de
hausse des taux d’intérêt réels. Il inaugure sur ce dernier point un thème
qu’il va approfondir par la suite.

3. L’approche structurelle du taux


naturel

En 1994, Phelps publie Structural Slumps, une synthèse macroéconomi-


que ambitieuse, reprenant et approfondissant ses recherches antérieures.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


Pour mieux faire passer ses idées, il s’inscrit autant que faire se peut dans le
mouvement contemporain de la macroéconomie. Il utilise de manière sys-
tématique la méthode maintenant habituelle de l’équilibre intertemporel en
prévision parfaite. Il s’appuie sur les développements récents de l’analyse
du marché du travail et emprunte, également, le modèle de Yaari et Blan-
chard qui lui permet de traiter rigoureusement des effets de richesse, en
échappant à l’équivalence ricardienne. Mais il privilégie aussi des modélisa-
tions personnelles qui lui semblent plus fécondes ou plus simples. Il utilise
ainsi un modèle de salaire d’efficience reposant sur la rotation volontaire des
travailleurs, plutôt que sur le manque d’effort. Il reprend également le mo-
dèle à relation de clientèle qu’il a développé avec Winter.
Sa démarche générale reste inchangée et consiste toujours à construire
un modèle synthétique incorporant un taux naturel et capable d’expliquer la
dynamique de l’économie autour de ce taux naturel. Mais des mécanismes
nouveaux permettent d’endogénéiser le taux naturel.
L’approche de Phelps se veut structurelle, au sens où elle met l’accent sur
des déterminants fondamentaux du niveau d’emploi. Les développements
de la théorie de l’emploi ont donné naissance à un ensemble relativement
cohérent de modèles du marché du travail qui définissent un taux de chô-
mage d’équilibre de moyen ou de long terme. Cet équilibre de type WS-PS,
wage setting-price setting, se ramène à la confrontation d’une courbe de
demande de travail, décrivant le comportement des entreprises, et d’une
courbe d’offre de travail, décrivant la fixation du salaire dans un monde
soumis à des frictions diverses. Mais ce modèle ne décrit qu’un équilibre
partiel, centré sur le seul marché du travail. D’autres variables macroécono-
miques comme le taux d’intérêt ou la richesse des ménages et des firmes
influencent la position de ces courbes d’offre et demande, et contribuent
REP 117 (3) mai-juin 2007
Edmund Phelps, théoricien du taux naturel de chômage ——————————— 317

finalement à déterminer le taux naturel. Seul un modèle d’équilibre général


peut rendre compte de ces mécanismes en prenant en compte simultané-
ment l’ensemble des marchés. L’enjeu est important, car c’est là sans doute
que réside l’explication des différences durables entre taux de chômage.
Contrairement à ce qui est souvent dit, elles ne tiennent pas seulement à des
différences institutionnelles dans le fonctionnement du marché du travail,
mais reflètent simplement des situations différentes de nature macroécono-
mique. On peut qualifier ces différences de structurelles au sens où l’on peut
les considérer comme exogènes, dans une optique de moyen terme, même
s’il conviendrait, dans une optique de plus long terme, de les endogénéiser.
Il faut reconnaître que la modélisation s’est beaucoup éloignée des pre-
miers modèles de la synthèse. La dimension keynésienne a pratiquement
disparu. Des problèmes macroéconomiques peuvent contribuer à augmen-
ter le chômage, mais ils sont essentiellement de nature classique. Comme le
soulignent Phelps-Zoega [1998] eux-mêmes, ces modèles reposent sur une
rigidité réelle : le salaire réel ne s’ajuste pas pour faire disparaître le chô-
mage. On s’éloigne donc très nettement, reconnaissent-ils, du modèle
keynésien-monétariste qui reposait sur des rigidités nominales. C’est
d’ailleurs là le reproche que formule Malinvaud [1995] dans une revue ap-
profondie de l’ouvrage. Pour lui, une variable décrivant le degré de tension
du marché des biens devrait intervenir dans la courbe de demande de tra-
vail. On conserverait ainsi, à moyen terme, des effets de nature keynésienne

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


tenant à l’état de la demande globale.
La revendication par Phelps du caractère structurel de son approche ex-
prime aussi un rejet des explications du chômage européen par un phéno-
mène d’hystérèse. Selon ces explications, le chômage est doté d’une ten-
dance propre à la persistance et reflète donc plus l’histoire des chocs passés
qu’un niveau inadéquat du taux de chômage naturel. Phelps ne conteste pas
une certaine pertinence aux phénomènes d’hystérèse sur le marché du tra-
vail, qui peuvent traduire par exemple la destruction des capacités ou la
diminution de la motivation qu’engendre le chômage prolongé. Mais il
considère que ce type de phénomènes ne joue qu’un rôle secondaire. Il est
plus pertinent de considérer qu’un chômage élevé et durable reflète un
niveau élevé du taux naturel et il convient donc de s’intéresser, en premier
lieu, aux facteurs structurels qui expliquent ce niveau élevé.
La considération de l’un des modèles de Structural Slumps permet de
saisir la méthode suivie et de donner une idée des résultats obtenus. Dans le
modèle préféré de Phelps, les firmes pratiquent une politique salariale visant
à restreindre les démissions, afin de diminuer les coûts de formation accom-
pagnant les nouvelles embauches. On obtient ainsi un modèle de salaire
d’efficience reposant sur la rotation plutôt que sur le shirking à la Shapiro-
Stiglitz.
Dans ce contexte, un mécanisme essentiel tient au fait qu’une hausse du
taux d’intérêt réel diminue la valeur d’un emploi aux yeux de l’entreprise.
Celle-ci est incitée à moins embaucher et à moins investir dans la formation
des nouveaux entrants et dans la réduction de la rotation, ce dernier point
signifiant concrètement que l’entreprise laisse baisser le salaire réel. L’em-
ploi baisse donc, tant à court terme qu’à long terme. La hausse du taux
d’intérêt réel a déplacé la courbe de demande de travail vers le bas.
REP 117 (3) mai-juin 2007
318 ——————————————————————————————————————————————————— Antoine d’Autume

Un phénomène analogue joue sur le marché des produits. La hausse du


taux d’intérêt amène aussi les entreprises à moins investir dans la relation
de clientèle, ce qui conduit à des prix plus élevés et des productions plus
basses et, en définitive, à moins d’emploi.
Un troisième canal d’influence négative du taux d’intérêt est analysé par
Phelps dans un modèle à deux secteurs productifs. Il tient simplement au
fait que la hausse du taux d’intérêt réduit l’investissement et donc la pro-
duction du secteur de biens d’équipement, généralement considéré comme
intensif en travail.
Les facteurs de hausse du taux d’intérêt réel peuvent être multiples. Le
plus simple est une augmentation exogène du taux de préférence pour le
présent. On notera que ce phénomène signifie une hausse de la consomma-
tion courante et conduirait donc, dans un cadre keynésien, à une hausse de
la demande et de l’emploi. Il implique ici, au contraire, une contraction de
l’offre. Les mécanismes du modèle n’ont donc rien de keynésien.
De manière plus générale, Phelps met au premier plan le rôle des effets de
richesse qui lui semblent capables d’expliquer certaines des évolutions ré-
centes. Une augmentation de la richesse des ménages les conduit à prendre
plus de risques en fournissant un effort plus bas ou, simplement, en démis-
sionnant pour changer d’emploi. Elle déplace donc vers le bas la courbe
d’offre de travail, ou plutôt de fixation des salaires, et conduit à une réduc-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


tion de l’emploi. Cette augmentation de la richesse des ménages peut aussi
résulter d’une plus grande générosité du système de protection sociale, qui
contribue ainsi à réduire l’emploi. Ces mécanismes bien connus ne consti-
tuent finalement que des formes sophistiquées des mécanismes classiques
associés au caractère normal du bien-loisir. Toute augmentation de la ri-
chesse non-salariale est défavorable à l’emploi.
L’analyse de Phelps est plus originale quand il examine les effets de la
richesse des entreprises, mesurée par le q de Tobin. Une hausse q, qui peut
être due à une baisse du taux d’intérêt réel mais aussi à une amélioration
des perspectives de profit, représente une incitation pour la firme à investir,
y compris dans l’emploi. Elle déplace donc la courbe de demande de travail
vers le haut. Mais cette hausse de la richesse des firmes est aussi perçue par
les ménages comme une hausse de leur richesse propre, ce qui conduit,
comme nous l’avons vu, à une baisse de la courbe d’offre de travail. Le
résultat est donc a priori ambigu, mais Phelps considère que l’effet positif
l’emporte. Ce qui est bon pour la bourse devrait être bon pour l’emploi.
C’est en tous cas ce que montre Phelps [1999] dans un schéma faisant
apparaître un parallélisme frappant entre les évolutions du taux d’emploi
des non-qualifiés et de la capitalisation boursière aux USA. Des travaux
économétriques menés avec ses collaborateurs semblent confirmer ce type
de résultats.
En définitive, Structural Slumps présente un ensemble de mécanismes
séduisants et souvent méconnus. Leur portée précise ne nous semble pas
avoir été suffisamment mesurée. Sur le plan théorique, ces mécanismes
restent tributaires de certaines simplifications de la modélisation de Phelps.
La volonté d’utiliser des modèles solubles analytiquement limite leur géné-
ralité et amène parfois à s’affranchir des contraintes d’une modélisation
REP 117 (3) mai-juin 2007
Edmund Phelps, théoricien du taux naturel de chômage ——————————— 319

complètement micro-fondée et fidèle à l’hypothèse d’anticipations rationnel-


les. En sens inverse, on se dit que des modèles contemporains d’équilibre
général stochastique dynamique (DSGE) devraient permettre de retrouver
assez naturellement des mécanismes du même type et de les quantifier.
D’autre part, ces effets des taux d’intérêt réel et des richesses financières
sont-ils suffisamment étayés sur le plan empirique ? Certes, la baisse ré-
cente des taux d’intérêt réels s’est accompagnée dans beaucoup de pays-
– mais pas en France – d’une amélioration de l’emploi, ce qui semble
conforter l’analyse de Phelps, avancée initialement dans une période de taux
élevés. Mais les tests économétriques sont restés rares.
L’impression demeure donc, malheureusement, que les idées les plus ré-
centes de Phelps, originales et donc discutables, n’ont pas été suffisamment
discutées dans la communauté des macroéconomistes.

4. Un économiste complet

L’œuvre macroéconomique de Phelps ne se limite pas à l’étude des fluc-


tuations et à l’approfondissement de la notion de taux naturel. Son nom est
attaché à la règle d’or de la croissance, même s’il n’en est pas le seul

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


inventeur, et l’on peut considérer que ses nombreux travaux sur la crois-
sance économique relèvent aussi de l’étude des arbitrages intertemporels
que le comité Nobel a voulu honorer.
Il s’est aussi intéressé à la plupart des sujets fondamentaux de sa disci-
pline et en a nourri à la fois sa recherche, ses prises de position et son
activité pédagogique. On pourra consulter, sur ce dernier point, son ouvrage
introductif Economie Politique et apprécier la qualité de la réflexion qui y est
proposée.
Cette attitude le rend, fort heureusement, irréductible aux classements
idéologiques que l’on affectionne dans notre pays.
Phelps est-il keynésien ? Nous avons montré que la pensée keynésienne a
constitué l’un des éléments de son système d’explication macroéconomique
mais que sa part a diminué avec le temps, comme c’est d’ailleurs le cas pour
la plupart des macroéconomistes. Ceci ne signifie pas que les idées keyné-
siennes n’aient plus aucune valeur à ses yeux. Il prend soin, par exemple,
d’indiquer à la fin du chapitre 7 de Structural Slumps que, à court terme, des
politiques d’expansion de la demande peuvent conduire à une augmenta-
tion de la production et de l’emploi, selon le mécanisme du multiplicateur
keynésien. Mais c’est pour ajouter immédiatement que l’effet positif laissera
place par la suite aux effets négatifs qu’il explore dans cet ouvrage et qui
transitent par le côté offre.
Phelps est-il alors un nouveau classique ? S’il a été acteur dans l’émer-
gence d’une nouvelle macroéconomie plus fidèle aux principes de l’équilibre
général, il a toujours marqué une distance par rapport à des conclusions
trop simplistes. Il s’est montré très critique des premiers modèles de Real
Business Cycle et de leurs prédictions irréalistes. Il a réitéré à de multiples
REP 117 (3) mai-juin 2007
320 ——————————————————————————————————————————————————— Antoine d’Autume

reprises sa réticence vis-à-vis de l’hypothèse d’anticipations rationnelles en


expliquant que la convergence du processus d’apprentissage qu’elle sup-
pose implicitement lui semblait loin d’être démontrée, sur le plan théorique
comme sur le plan empirique. Mais il aussi choisi, comme nous l’avons vu,
de développer son analyse dans le paradigme contemporain de comporte-
ments intertemporels sous anticipations rationnelles.
Phelps est-il libéral ? La question frôle le non-sens tant il est vrai qu’il est
difficile d’être économiste sans reconnaître à la fois l’efficacité du système
de marché et la nécessité de le corriger et de le compléter.
Soucieux de justice sociale, dans ses travaux de recherche comme dans
ces préconisations, Phelps s’est préoccupé du sort des travailleurs les moins
qualifiés et il a proposé, par exemple dans Phelps [1994], de subventionner
leur emploi, comme on le fait en France mais comme on l’accepte moins aux
Etats-Unis. Mais il le fait après avoir rappelé que le Welfare State est l’un des
responsables de leurs difficultés, à travers le coin fiscal qu’il impose sur le
marché du travail.
Phelps a aussi présenté récemment son analyse du recul européen dans
l’article « La « contre-performance » de l’Europe Continentale. Le lien entre
institutions, dynamisme et prospérité économique », publié en 2005 dans la
Revue de l’OFCE. Il met l’accent sur la croissance, mais le marché du travail
et le taux d’emploi font clairement partie du tableau. La réussite d’un pays
dépend de son dynamisme c’est-à-dire de sa capacité à mettre en œuvre des

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


changements et notamment à innover. L’économie de marché est celle qui
s’y prête le mieux, mais il faut pousser l’analyse plus loin et comparer
différentes formes d’économies de marché. Phelps explique alors la contre-
performance européenne par « le sous-développement de certaines institu-
tions capitalistes et la présence intempestive de certaines institutions corpo-
ratistes ».
On peut trouver son analyse sommaire et Phelps est le premier à la consi-
dérer comme embryonnaire. Mais il vaut sans doute mieux la considérer
comme pointant la nécessité d’une extension de son approche structurelle.
Les variables institutionnelles sont des déterminants des niveaux naturels
de chômage et de croissance. Ceci ne signifie pourtant que leur identifica-
tion soit facile. Comme il le souligne, les performances effectives d’une
économie à un moment donné sont également affectées par de nombreux
facteurs de nature plus conjoncturelle. Une modélisation théorique et empi-
rique est donc nécessaire pour avancer dans la comparaison des systèmes
économiques et sociaux.

Références bibliographiques
d’AUTUME A. [2000], « L’essor de la macroéconomie », in A. Béraud et G. Faccarello
(Eds.) Nouvelle Histoire de la Pensée Economique, t. 3, Paris, La Découverte.
FITOUSSI J.-P. et PHELPS E.S. [1994], The Slump in Europe, Oxford, Blackwell.
FRIEDMAN M. [1966], « Comment » in G.P. Schultz and R. Z. Aliber (Eds.), Guideli-
nes, Informal Controls and the Market Place, Chicago University Press.

REP 117 (3) mai-juin 2007


Edmund Phelps, théoricien du taux naturel de chômage ——————————— 321

FRIEDMAN M. [1968], « The Role of Monetary Policy », American Economic Review


58, pp. 1-17.
LERNER A. P. [1940], « The Inflationary Process – Some Theoretical Aspects », Re-
view of Economics and Statistics 31, pp. 193-200.
MALINVAUD E. [1997], « Edmund Phelps’ Theory of Structural Slumps and its Policy
Implications » in D. J. Snower et G. de la Dehesa (eds.), Unemployment Policy :
Government Options for the Labour Market, Cambridge University Press.
PHELPS E. S. [1967], « Phillips Curves, Expectations of Inflation and Optimal Unem-
ployment over Time », Economica 34 : pp. 254-281.
PHELPS E. S. [1968/1970], « Money Wage Dynamics and Labor Market Equili-
brium », Journal of Political Economy 76, pp. 678-711. Republié in Phelps et alii,
1970.
PHELPS E. Economie Politique, Fayard, 1990
PHELPS E. S. [1994], Structural Slumps. The Modern Equilibrium Theory of Unem-
ployment, Interest, and Assets, Cambridge, Harvard University Press.
PHELPS E. S. [1994 b], « Low-wage Employment Subsidies versus the Welfaire
State », American Economic Review 84, pp. 54-58.
PHELPS E. S. [1999], « Behind the Structural Boom : the Role of Asset Valuations »,
American Economic Review 89, pp. 63-68.
PHELPS E. S. [2005], « La « contre-performance » de l’Europe Continentale. Le lien
entre institutions, dynamisme et prospérité économique », Revue de l’OFCE 92,

Document téléchargé depuis www.cairn.info - iep_paris - - 193.54.67.93 - 09/06/2011 11h41. © Dalloz


pp. 11-41.
PHELPS E. S. et alii [1970], Microeconomic Foundations of Employment and Infla-
tion Theory, New York, Norton.
PHELPS E. S. et ZOEGA G. [1998], « Natural-Rate Theory and OECD Unemploy-
ment », Economic Journal 108, pp. 782-801.

REP 117 (3) mai-juin 2007

Vous aimerez peut-être aussi