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Chalmers 1

Mehdi Etienne Chalmers

Studies in 16th century literature

Professor Rainer Leshuis

Final Paper
Montaigne, Bombe à fragmentation:
poétiques de la dispersion

Introduction

Tout comme certaines espèces - comme le pataud ornithorynque - semblent bafouer

l’harmonie de la Nature (Montaigne dirait que Dieu, Lui, connaît leur place dans la Providence),

certains genres littéraires semblent être à la fois indispensable à la critique pour classer ces

créatures brinquebalantes, cependant que la créature ne cesse de rageusement résister à sa propre

catégorisation. C’est peut-être le cas de la poésie en prose, du conte, et du fragment. Et quelques

écrivains ont un penchant prononcé pour les ornithorynques, au beau milieu du XVIème Michel

de Montaigne est de ceux-là.

Il aura fallu attendre jusqu’à Nietzsche pour que la forme du fragment fasse masse

critique dans l’histoire littéraire et s’impose comme genre familier. Dans les fragments modernes

nous retrouvons une structure d’ensemble construite sur des relations souples (où dans un même

livre certains éléments ne sembleront avoir de lien que de se suivre, et d’autres s’emboîtant more

geometrico) ; nous retrouvons l’exigence stylistique et philosophique à part égale dans la

construction de la parole ; nous retrouvons un souci intense de singulariser la voix énonciatrice ;

le goût du paradoxe ; l’utilisation de l’anecdote. Tout cela est déjà là, et n’est pas encore tout à

fait là, dans les Essais de Michel de Montaigne.

Pénétrer le fragment en tant que fragment, ou mieux, en être pénétré, comme le suggère

le concept - qui évoque autant la mosaïque, que le silex, la lame ou l’écharde1- engendre chez le

lecteur une résistance. Cette résistance que produit l’esthétique du fragment n’est pas une

1
On pense aussi à tous ces “schrapnels” de 1914-18, logés dans le crâne de Guillaume Apollinaire, la jambe du grand
aphoriste (d’humour) Pierre Dac, ou encore d’Hemingway.
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fermeture à la réception du sens des textes, mais elle déploie en nous une réception différée. Plus

différée que, disons, le traité ou l’épistolaire, par exemple. Cette différance (pour emprunter au

vocabulaire derridien) - au sens d’écart intrinsèque entre signifiant et signifié - propre au

fragment, est le fait d’une lente émergence de la forme elle-même dans l’histoire littéraire, et

aussi du fait qu’il condense cette matière rhétorique, paratextuelle et métalittéraire singulière qui

travaille à cette opacité. Cette opacité peut-être intrinsèque ou médiatrice d’une plus grande

signifiance du propos. La matière non-référentielle du texte (corps sonore, rythme, métalangage)

participe d’une esthétique de la furor qui permet l’émergence d’une parole vivante et naturelle

(où naturel - en ses connotations philosophiques traditionnelles - implique vertu, actualisation de

soi, ordre intérieur, ordre cosmique etc.)

Si la prose archétypique a pour but la transparence de l’information communiquée pour

son simple contenu, l’idéal du fragment se rapproche beaucoup plus de l’obliquité du poétique,

dans la mesure où il amalgame des fonctions langagières distinctes et parfois contradictoires.

Il est plus ou moins convenu de faire remonter une certaine esthétique européenne du

“discontinu” à la Renaissance, et sous un mode particulier à Montaigne et au modèle des Pensées

de Pascal. Notre but, cependant, est de nous concentrer sur les Essais de Montaigne, là même où

Pascal serait un sujet de choix pour aborder une préhistoire du fragment (comme genre littéraire

à part entière). Ces deux auteurs illustrent une tendance à la cassure dans la période intermédiaire

du prémoderne. Mais aucun des deux ne représente le genre du fragment tel qu’il gagnera en

autonomie et en identité à partir de l’idéalisme allemand.

Le projet de Montaigne tend tout de même vers une dispersion, mais se maintient aussi

dans des modèles rhétoriques plus discursifs (et plus diserts) que le fragment moderne. En un

sens Montaigne n’est pas assez fragmentaire pour qu’on lui revendique la paternité plénière ni

des moralistes du XVIIe, ni des aphoristes - au tempérament plus métaphysique plus obscur - nés

de la cuisse d’Héraclite d’Éphèse.

Si la prose de Montaigne par sa diversité formelle s’écarte de certains aspects canoniques

du fragment (essentiellement la brièveté de l’unité, sous forme de sentence, de maxime,

d'apophtegme, etc.), le texte reste foncièrement atomisé. Certes, les Essais ne sont pas pas un
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recueil d’aphorismes, mais ils sont fondateurs dans l’histoire du genre du fragment et

développent dans le corps du texte une poétique explicite qui s’y rapporte.

Nous tenterons d’explorer la constitution d’une rhétorique du fragmentaire dans l’écriture

des Essais. Nous explorerons d’abord la légitimité du fragmentaire comme liberté du discours

face aux discours (faussement) ordonnés qui précède celui Montaigne, avec lesquelles et contre

lesquelles il fonde son projet. Dans un deuxième temps, nous analyserons la structure du style

fragmentaire comme anatomie (au sens étymologique du terme, an-atomie, c’est-à-dire

“dé-fragmenté”, de sorte que le tout et les parties se comprennent ensemble: dans un langage

vivant qui vise à porter le discours d’un homme tout de son bariolage et de sa libre spontanéité.

1. À pièces décousues: légitimité et ordre du désordre dans les Essais.

Écoutons l’homme se décrire à son occupation: “là, je feuillette à cette heure un livre, à

cette heure un autre, sans ordre et sans dessein, à pieces descousues; tantost je resve, tantost

j'enregistre et dicte, en me promenant, mes songes que voicy” (Essais, III, 3). C’est Montaigne

dans sa tour, à sa bibliothèque: image archétypale de l’homme de lettres, de l’érudit. Nous

sentons qu’il y a là un fil qui relie les doctes copistes du Moyen-âge au petit noble de province

humaniste. Nous sentons que cette bibliothèque préserve son caractère rare et sacré malgré

l’imprimerie qui a rendu les livres plus accessibles.

Dans cette bibliothèque, l’auteur se laisse avant tout appeler par ses livres. Après avoir

feuilleté, il dicte et enregistre ses songes (ses pensées). Deux choses sont établies par cette scène:

d’abord la secondarité de l’écriture face à la lecture, ensuite que le désordre (sans dessein)

s’appuie sur le foisonnement des livres pris au hasard, ce qui affecte ensuite les “songes” dictés,

songes qui sont la substantifique moelle de l’écriture de Montaigne.

Il y a là un retournement, depuis une situation d’ordonnancement (les livres rangés dans

la tour, gardiens de l’art et du savoir) en une situation de désordre organisée. Le clerc (copiste ou

commentateur) dont la vertu était l’obéissance et qui studieusement se soumettait aux livres (qui

ont pour eux l’autorité) devient un vagabond, un homme errant de ses livres à ses pensées sans

aucune auctoritas définitive, en s’appuyant sur ces mêmes livres pour errer encore plus, puisqu’à
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la fin il faudra derechef se défaire des livres au moment où il dicte sa parole propre, car “quand

j'escris, je me passe bien de la compaignie et souvenance des livres, de peur qu'ils n'interrompent

ma forme.”(Essais, III, 5). Il n’y a pas lieu de contradiction entre vivre entouré de livres et s’en

défaire. À l’intérieur du cercle de la bibliothèque ordonné et ordonnante, nous sommes comme

dans le monde sublunaire sous les astres fixes. Malgré leur influence sur nous, c’est le hasard qui

finalement nous dirige ici-bas, et par ce hasard nous sommes libres.

Avec cette scène nous comprenons aussi pourquoi les Essais qui suivent l’esprit de

l’auteur ne s’arrêtent pas si souvent sur les menus détails du quotidien (toute proportion gardée,

les Essais ne sont pas un journal intime). C’est que le quotidien de Montaigne - particulièrement

pendant cette période oisive de sa vie où il se retire et écrit les Essais - est constamment filtré par

son séjour au milieu des livres avec lesquelles il converse sur la (et sur sa) vie.

Louis Van Delft, dans son livre sur les moralistes du XVIIème siècle Les spectateurs de

la vie, dédie un chapitre à la poétique du fragment. Il nous y rappelle qu’avant de s’inspirer

directement de… Michel de Montaigne, le “discours discontinu” prend ses sources à une

multiplicité de lieux culturels : “recueils de ‘pensées chrétiennes pour tous les jours du mois’ [...]

constitution d’excerpta (extraits) de cahiers de lieux communs, une habitude scolaire destinée à

stimuler l’inventio, laquelle s’est épanouie en pratique culturelle2”. Ce sont donc là, en amont, de

nombreux modèles qui précèdent Montaigne dans l’écriture fragmentaire.

Mais pour nous, la source qui saute aux yeux - dans le cas spécifique de Montaigne - est

évidemment cet écrivain-historien-philosophe qui n’a écrit pratiquement que sur les autres, et pas

sur lui-même, et qui, paradoxalement, influencera massivement deux grands écrivains du Moi :

Montaigne et Rousseau. Nous parlons bien de Plutarque le Béotien.

Tout comme les Essais, les Vies parallèles des hommes illustres sont elles-mêmes un

genre à part, dont l’exemplaire unique se parachève lui-même et n’autorise que des inspirations

partielles et putatives. Le projet des Vies possède aussi un fondement moral et esthétique que

nous n’aborderons pas ici. Il nous importe simplement de souligner que Plutarque traverse toute

l'œuvre de Montaigne et qu’il s’en sert pour étayer sa conception de l’Histoire et sa psychologie

2
Louis Van Delft, Les spectateurs de la vie, chap. 11 Poétique du fragment.
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de l’homme. Montaigne en détourne certains aspects, entre autres pour renforcer son scepticisme

et son relativisme moral.

Formellement, les Vies offrent un modèle d’absence de plan systématique (à part le

rapprochement binaire entre les figures historiques grecques et romaine) ; ce beau désordre

organisé nous pensons qu’il influence Montaigne dans la mesure où il révèle un certain chaos

dans l’Histoire, et que ce qui rend une vie “illustre” n’est peut-être que la décision de l’écrivain

et le fait même d’en faire le récit.

Oui, lisant Montaigne - dans le désordre, comme il se doit - l’un des traits frappants des

Essais est le (relatif) peu de place accordée à la vie du personnage, qui ne se lasse pas pourtant

d’expliquer que le sujet du livre est Montaigne lui-même. D’un coup d’oeil à l’organisation du

livre il n’est pas difficile de noter le nombre de chapitres qui sont essentiellement des mosaïques

d’anecdotes prises à l’histoire militaire et politique, d’autres encore qui tournent au commentaire

de la pensée de philosophes antiques, et un certain nombre où Montaigne élabore, librement, ses

propres opinions philosophiques, parfois à partir de sujets assez classiques (le vice et la vertu en

l’éducation etc.) ; ailleurs sur des sujets sensiblement originaux (des Senteurs, des Noms etc.) ;

ce ne sont pas pour au explicitement des “chapitres de la vie” de Michel Eyquem de Montaigne

mais sont de la main d’un auteur qui dans chaque phrase compte peindre son portrait. Sa vie est

donc dans le livre, oui, mais le reste se mélange à sa vie, par les pensées qui lui viennent des

livres et du monde. Sa manière de commenter tout cela diffracte toutes les sources des Essais, les

renvoie à eux-mêmes et les égalise. Chez Montaigne tout se vaut dans la mesure où c’est lui qui

en parle.

Les Essais de Montaigne s’intègrent au moins partiellement à une culture traditionnelle

de la glose et du commentaire, à partir ce qui “fait autorité”, c’est-à-dire matière digne d’être

traitée dans un livre. Une telle pratique est directement héritière de la constitution de la figure du

clerc vers l’intellectuel à partir de Moyen-âge. Dans Penser au Moyen-âge, Alain de Libera nous

montre comment ces hommes du Livre (et des livres) auront formé le moule dans lequel toutes

les variantes de la figure de l’homme de lettres occidental sera coulé. Ils vont très lentement

émerger de leur rôle de commentateurs pour se rendre compte de la singularité de et la liberté

que leur accorde leur rôle. Dans son petit Que-sais-je sur La philosophie du moyen-âge, de
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Libera explique que le commentaire était certes le noyau de la production intellectuelle des

hommes de pensée de l’époque mais que “l'histoire du commentaire est une histoire de la

libération progressive de la pensée philosophique par rapport aux données de la tradition”.

Jusqu’à devenir cet homme qui “feuillette” puis “dicte” sans but précis.

Mais déjà la glose et la paraphrase anciennes, dès le départ suivaient des lectures de

sources dont la réception est partielle et fragmentés (c’est avec la Renaissance que les sources

antiques commenceront à vraiment ressembler aux originaux). Pire, l’accumulation du

commentaire ne pouvait que finir par s’autonomiser de ses sources, au risque hétérodoxie que

l’Église même ne saura plus contenir. C’est donc au cœur de cette culture que couvait la

possibilité d’un renversement du discursif vers le fragmentaire, sans même considérer toute la

tradition de la disputatio dont la formation intellectuelle des hommes de ce monde que ne

connaît plus Montaigne.

Au sein de la pratique du commentateur et du “citeur” se trouvait à l’origine cette la

potentialité de rupture. La pratique des reprises et des transformations a créé un édifice qui finit

par se rompre en mille éclats. Montaigne est un produit de cet éclatement. La construction d’un

livre en fragment comme les Essais n’est pas une révolution littéraire que nul n’attendait3 parce

que justement ce livre ne naît pas de rien. Sa réception heureuse par le public de l’époque

indique qu’il répondait à certaines attentes des lecteurs. C’est en inventant sur du connu que

Montaigne impose son originalité.

La liberté et le disparate des Essais s’intègrent à une culture de ce qu’Antoine

Compagnon appelle “la seconde main4”, titre de son livre sur l’histoire de la citation dans la

littérature européenne. Chez Compagnon il y a un absolutisme du “travail de la citation” dans

toute écriture, ce qui n’est pas sans rappeler le concept d’itération chez Derrida, où tout langage

est en quelque sorte “citationel” comme le suggère son fameux “il n’y a pas de hors-texte”.

L’une des hypothèses de Compagnon qui nous concerne explicitement est que tout texte

doit “trouver la place d’où le texte sera lisible, recevable [...] un livre qui ne m’offrirait aucun

3
Dans l’histoire des sciences le “continuisme” d’un Pierre Duhem est plutôt marginal face aux perspectives
“paradigmatiques” d’un Alexandre Koyré ou d’un Thomas Kuhn ; l’histoire de la littérature et singulièrement des
genres littéraires s'accommode moins bien d’une épistémologie des ruptures.
4
L'ingéniosité du titre de Compagnon étant de “réveiller” la métaphore dans l’expression qui indique un objet ayant
déjà fait usage ; il met en lumière l’image des mains qui se superposent pour créer le palimpseste de la littérature.
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point d’accomodation [...] ce livre me serait proprement inaccessible et je le rejetterais”. Une

autre est que Montaigne représente a une transition dans le rapport au citationel antique puis

patristique, et que cette transition à une valeur subversive singulière.

Si nous passons sur la fascinante phénoménologie de l’acte illocutoire de citer, de

l’antiquité à nos jours, qui fait le sujet du livre de Compagnon, nous retenons que la figure du

Commentateur ancien se réfère à une transcendance de la parole une autorité qui établit une

stabilité du discours, au moins dans son obsession à renvoyer le texte à une Origine qui en

garantit la valeur en empruntant une part de l’Être que seul possède le Logos vrai (que ce soit

Homère, Aristote ou Dieu). Là où Montaigne brise cette sûreté métaphysique, ce n’est pas en

récusant totalement son rôle de lecteur et de commentateur, c’est en faisant un

approfondissement critique de ce statut.

Pour passer des modèles apparemment stables de la scolie de l’homélie et de la glose

pieuse, et aboutir au discontinu sceptique des Essais, il n’aura suffit que d’une légère inclination.

Il aura fallu simplement que celui qui parle, qui se remémore pour interpréter, reconnaisse que

par l’interprétation la parole se casse et erre ; il aura fallu reconnaître avec Montaigne que la

mémoire est faillible et que nous colorons nos souvenirs d’un autre Moi que celui qui vivait le

souvenir ; et enfin il aura fallu embrasser sa subjectivité qui joue avec la parole qui lui est

donnée. Montaigne ne rejette pas les paroles données, mais il sape leur autorité et fonde celle de

son esprit évanescent sur l’évanescence de toute autorité précédente. De là, son esprit est libre de

vagabonder avec nous, et nous le suivons.

Avec Montaigne c’est en épicurien espiègle qu’on se réfère à une autorité livresque “pour

fryponner quelque chose de quoi esmailler ou estayer le mien” (Essais, II, 18)5, ou “je m’en vais

escorniflant par cy par là des livres les sentences qui me plaisent, non pour les garder, car je n’ay

point de gardoires, mais pour les transporter en cettuy-ci” (Essais, I, 25)6

L’allégorèse du Moyen-âge supposait reprendre un parole en la présentant autrement,

mais en renvoyant à un code qui fixait les sens possible dans des bornes strictes. Dès lors que la

glose et l’entreglose dont Montaigne parle commence à se laisser aller à la fantaisie, l’allégorie

5
Cité in Antoine Compagnon, La seconde main.
6
Idem.
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devient folle et l’imagination l’emporte sur le logos impersonnel. Cet infléchissement - qui écarte

du rapport à l’autorité des Écritures et aux écrits d’autorité de la tradition - explique et permet un

discours atomisé sur un monde atomisé. Ce d’autant plus que la seule autorité qui dirige le

discours est un Moi qui se donne le droit de se connaître et de se présenter dans toute sa vérité,

comme fragmenté, parce que ce Moi est fait de bouts de vie disparates (qu’on se remémore

comme on peut), de bouts de pensées et de bouts… de livres.

“Sur des vers de Virgile” (Essais, III, 5) se présenterait comme du commentaire

classique, si l’on s’en tenait au titre. Un titre plus précis serait “Mes pensées sur la vieillesse, le

sexe et l’écriture ; avec Virgile, Lucrèce et autres à l’appui”. Ce serait moins beau.

Le titre évoque en réalité la pratique du centon musical ou poétique. Le Cento nuptialis7

d’Ausone, poète latin bordelais, est certainement connu de Montaigne. Le détournement de

Virgile en poème érotique chez Ausone en vis-à-vis de Montaigne prenant Virgile en prétexte

pour parler crûment de sexe a peu de chances d’être une coincidence. La citation montaignienne

après le centon, reprend librement un auteur qui fait autorité pour gloser sur tout autre chose. Ce

travail de détournement de la citation fait partie de la culture humaniste, et remonte à plus loin

encore. Il renforce la manière digressive et aléatoire des Essais. Il s’agit d’un jeu social élaboré

qui fait partie de la tournure d’esprit des hommes de culture de l’époque, mais c’est aussi le socle

de développement d’une personnalité originale qui puise là où elle veut, pour librement exprimer

sa nature propre.

Même s’il ne s’agit pas des vers de Virgile dans le trois quart du chapitre, tout s’imbrique

et se justifie. L’ensemble porte donc sur le corps et ses besoins, la méditation sur la vieillesse

encadre la question de l’amour et du sexe, l’amour et le sexe arrivent juste après la défense d’une

sagesse riante et aimante des plaisirs et une défense de la franchise confessante (qu’il dit

pratiquer), à l’intérieur de la question de l’amour nous tombons sur le commentaire de Virgile,

ainsi que la question de l’influence des livres et de la société sur la pensée et l’écriture. Chaque

moment est indépendant mais chaque moment dépend des autres. Le fragmentaire a cette

capacité de se démembrer et de se rassembler, comme les sauts d’un décor à l’autre que nous

7
Centon : “pièce de vers ou de prose composée de passages empruntés à un ou à plusieurs auteurs.” CNRTL.
https://www.cnrtl.fr/definition/centon
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faisons en rêve. Mais aussi comme notre vie et nos lectures que nous rassemblons par la

mémoire et que Montaigne rassemble dans son livre.

2. Anatomie du style: poétiques du spontané et rhétoriques du naturel.

Après notre parcours disparate à travers quelques figures qui inspirent et légitiment le

style discontinu de Montaigne, nous pourrions aller plus loin et nous approcher de l’écriture

même d’un peu plus près, afin d’analyser la poétique propre qui la sous-tend. La spontanéité et le

naturel seraient les deux grandes dynamiques qui la traversent. C’est par eux qui l’auteur nous

entraine dans son esprit, entre les “herbes folles et sauvages” de l’imagination.

Nous parlons d’une poétique propre à Montaigne, au sens large de poétique comme

science rhétorique de la composition du texte d’imagination, mais aussi au sens restreint de l’art

qui permet l’écriture de la poésie même. Car il nous semble que la poésie représente aussi un

modèle à part entière de l’esthétique fragmentation chez Montaigne.

Pétrarque déjà donne à son célèbre Canzoniere le sous-titre de Rerum vulgarium

fragmenta qu’on peut traduire par Fragments composés en vulgaire ou par Fragments de choses

ordinaires. À la suite de Pétrarque ce biographisme fragmenté par le vers se retrouve chez de

nombreux poètes humanistes, de Marot aux auteurs de la génération de La Pléiade. Cet aspect est

particulièrement frappant chez Clément Marot avec son Adolescence Clémentine (1532), où la

forme du recueil reconstruit l’identité du poète et les étapes de sa vie en éclats de sujets variés où

le visage personnel (dès le titre) du poète apparaît, entre exercices de style et poèmes de

circonstance politiques ou religieux.

La variabilité des sujets et la fragmentation des morceaux est donc là comme outil pour

exprimer un moi complexe dans un monde divers. Si nous prenons donc ce type de recueil

comme modèle de la forme des Essais, le disparate et la diversité des sujets perdent leur

étrangeté et nous percevons l’agencement sous un mode musical, sous le mode de l’affinité d’une

partie à l’autre. L’autonomie des parties n’empêche pas qu’elles fassent un tout cohérent, qui

recrée, de biais, l’âme de l’écrivain et le monde qui l’entoure.


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La structure du recueil est donc un modèle du fragment, mais le souffle et l'écriture des

bons vers le sont encore plus. Ce n’est pas seulement que Montaigne ne cesse de citer les poètes

dans les Essais, il souligne que c’est leur forme même qu’il vise. Au même chapitre que nous

lisions plus haut (Livre III, 5) de Virgile et de Lucrèce il dit :

leur langage est tout plein et gros d'une vigueur naturelle et constante;
ils sont tout épigramme, non la queue seulement, mais la teste, l'estomac
et les pieds. Il n'y a rien d'efforcé, rien de treinant, tout y marche d'une
pareille teneur. Contextus totus virilis est; non sunt circa flosculos
occupati. Ce n'est pas une eloquence molle et seulement sans offence:
elle est nerveuse et solide, qui ne plaict pas tant comme elle remplit et
ravit, et ravit le plus les plus forts espris. Quand je voy ces braves formes
de s'expliquer, si vifves, si profondes, je ne dicts pas que c'est bien dire, je
dicts que c'est bien penser. C'est la gaillardise de l'imagination qui esleve
et enfle les parolles.

La poésie qu’il admire le plus est bien celle de Latins, mais il a pratiqué ses

contemporains avec assiduité même s’il est plus avare d’éloges pour eux disant de Ronsard et du

Bellay qu’ils ont simplement “donné crédit à nostre poésie Françoise” (Essais, I, 26).

Plus loin Montaigne dit explicitement que la poésie est un modèle absolu, et en ce sens il

confond la bonne prose avec la poésie et le “prosaïque” avec la mauvaise écriture (Essais, III, 9).

Précisément il soutient que :

Mille poetes trainent et languissent à la prosaïque; mais la meilleure


prose ancienne (et je la seme ceans indifferemment pour vers) reluit par
tout de la vigueur et hardiesse poetique, et represente l'air de sa fureur. Il
luy faut certes quitter la maistrise et preeminence en la parlerie.

Ce “ceans indifferemment pour vers” est d’une modernité remarquable. Mais, notons bien

que ce style qu’il décrit comme le meilleur se rapporte à l’idée d’une furor toute platonicienne,

d’une mania inspirée des dieux (ou d’un génie personnel, d’un daïmon, comme pour Socrate)

donc d’une intensité capable d’émouvoir l’âme, d’une vigueur qui ne traine jamais en mollesse.

Nous verrons plus loin que ne pas “languir” et ne pas “traîner” n’a pas toujours à voir avec la

simple brièveté du propos. Ce que nous comprenons c’est que la pensée “vigoureuse” pour
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montaigne est celle qu’un vers bien tourné arrive à la fois à contenir et à faire partir au galop sur

une une “assiette” cavalière.

Si donc Montaigne veut et arrive à faire pénétrer la force de la poésie dans la prose de ses

Essais, nous pouvons comprendre que cette prose refuse la discursivité totale du traité, refuse la

rigueur rigide des transitions faites pour une prétendue clarté, refuse le bavardage du docte et les

préventions des précieux, pour embrasser une manière qui cultive de préférence les images vives,

les ellipses, la spontanéité, la verve et l’esprit, un langage “tout epigramme, non la queue

seulement, mais la teste, l'estomac et les pieds”. Ce langage “tout epigramme” à chacun de ses

membres nous semble être définition d’une justesse parfaite pour définir ce qu’est et ce que sera

le fragment après Montaigne.

Le début du chapitre 8 du livre I des Essais (De l’Oisiveté) nous donne l’une des

descriptions les plus claires et brèves de la technique et du style poétique de Montaigne :

Comme nous voyons des terres oysives, si elles sont grasses et fertilles,
foisonner en cent mille sortes d'herbes sauvages et inutiles, et que, pour
les tenir en office, il les faut assubjectir et employer à certaines
semences, pour nostre service; et comme nous voyons que les femmes
produisent bien toutes seules, des amas et pieces de chair informes, mais
que pour faire une generation bonne et naturelle, il les faut embesoigner
d'une autre semence: ainsin est-il des espris. Si on ne les occupe à
certain sujet, qui les bride et contreigne, ils se jettent desreiglez, par-cy
par là, dans le vague champ des imaginations.

On ne sait trop s’il essaye de nous convaincre que cet “inutile” n’a vraiment pas de valeur

face à “generation bonne et naturelle”. Car c’est bien de son esprit à lui dont il parle, incapable

de produire autre chose que d’informes monstres8 de l’imagination. En réalité il nous a

insidieusement persuadé, par la séduction des images, que cette manière de faire (ou d’être) qui

“fait foisonner en cent mille herbes sauvages” est non seulement valable et digne d’admiration,

mais que nous nous y plaisons, et nous y reconnaissons notre esprit et ce que nous voudrions

produire si nous faisions un tel livre de notre esprit.

La séduction vient du style foisonnant qu’il exemplifie. Le balancement à la fois rapide et

posé est celui de la marche libre, si chère à Montaigne. Une série d’assonances et d’allitérations,

8
C’est plus loin, au fil du texte que nous comprendrons la valeur paradoxale de la monstruosité, ce qui nous est
caché par ce que nous sommes forcés de voir par le filtre de nos préjugés (même les plus “naturels”) et le plus
remarquablement au livre III, Sur en enfant monstrueux.
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parfois de quasi rimes internes, se superposent et dirigent notre oreille “ fertiles, mille, inutiles”,

“fertiles, foisonner, offices”, “offices, semences, services”. Ce qui dirige n’est pas la pensée

elle-même, mais le “bien penser” qui est porté par la vigueur du souffle et de la mélodie du corps

sonore.

Le jeu des antinomies et des antithèses qui donne son mouvement à la fois brusque et

fluide à la prose de Montaigne lui permet d’improviser sans jamais perdre le fil, sans jamais

perdre le thème principal de sa suite musicale, même dans ses morceaux les plus longs, la phrase

émerge en ce qu’on pourrait appeler un quasi-cristal9 fait de plusieurs faisceaux. “Foisonner”

s’oppose à “tenir en office/assubjectir ; “inutiles” s’oppose à “employer [...] pour nostre service”

; “amas de pieces de chairs informes” s’oppose à “generation bonne et naturelle”. La métaphore

filée des terres fertiles se transforme par anamorphose en métonymie des menstrues, qui

s’opposent (in absentia) au ventre où la semence est déposée, et qui fera naître une “generation

bonne”.

Tout cela défile avec une vitesse effrénée sous nos yeux pour se remembrer dans la

proposition essentielle de la sentence cachée sous le parler poétique : “Comme nous voyons des

terres oysives [...] ainsin est-il des espris [...] Si on ne les occupe à certain sujet, qui les bride et

contreigne, ils se jettent desreiglez”. Il manque à Montaigne ce goût classique de l’épure pour

faire dans l’aphorisme sévère, et n’oublions pas qu’il répugne à raturer dans son souci d’être

fidèle au flux de ce qui lui vient à l’esprit. Ca ne l’empêche d’être parfois bref, car ce chapitre-là

l’est certainement, mais il l’est naturellement, quand il le faut, et quand cela lui chaut de l’être ;

pas par obsession de la brièveté qu’on pourrait attribuer aux futurs moralistes, dont l’esthétique

peut être comparé au “jardin francais” - tout de calcul et de régularité pure - et qui rebuterait sans

aucun un Montaigne par son excès de “policé”. Cependant que le propos (même sauvage) reste

construit et balancé avec une science accomplie de l’effet recherché.

Les connecteurs logiques maintiennent l’ensemble comme un rouage d’horlogerie aux

pièces fines : elles n’alourdissent ni ne ralentissent, elles agencent sans contraindre. Nul “parce

que”, nul “car”, aucun “cependant”. Un simple “comme” lance le comparé “terres oysives” (le

9
Le terme est utilisé par Jacques Roubaud pour définir l’alexandrin et son équilibre précaire, sa semblance d’ordre rigide, dans
son anthologie Quasi-Cristaux. Un choix de sonnets en langue française de Lazare Carnot (1820) à Emmanuel Hocquard (1998).
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comparé est en réalité la manière dont “nous voyons les terres”, mais ce verbe “voir” est

purement “rhétorique”, il est là pour nous induire à “voir” l’image). Montaigne relance alors

l’adverbe de comparaison, il le redouble, pour marquer le glissement vers la seconde métaphore ;

mais au lieu de tripler le “comme” en aboutissant au comparant final, ou encore au lieu de s’en

passer complètement, puisqu’un seul adverbe aurait pu suffire pour lier comparant et comparé, il

continue avec la redondance mais en transformant le “comme” en “ainsi”, il ne laisse pas

l’étalement des images nous perdre, il nous rappelle le sens du mouvement des images, “ainsin

est-il des espris”.

L’ultime finesse du poétique dans la conclusion est de faire semblant de passer du

métaphorique au concret. On croit qu’il va parler directement de l’esprit, mais c’est par une

double métaphore qu’il ferme le paragraphe : la métaphore platonicienne de l’attellage débridée

de l’âme, et le vague champ de l’imagination qui revient sur les terres qui ne sont plus terres

arables mais l’espace mental des songes que l’attelage traverse au galop dans sa course folle.

Plus loin, dans Des Vaines Subtilitez (Livre I, 54) Montaigne revient sur son style. Il le

caractérise comme médiocre, parce qu’entre-deux. Sa condamnation/défense du “moyen terme”

n’est pas sans rappeler l’homme situé entre deux extrêmes de Blaise Pascal. Son argument est

que la position la plus basse et la position la plus haute se ressemblent de multiples manières et

que la vertu s’exprime librement dans ses deux situations : d’extrême simplicité (proche de la

naturalité animale) et de suprême excellence de la piété par la connaissance et l’étude.

Malgré cette reconnaissance accordée à l’excellence du savant, l’idéalité de la parole (et

des actes) pour Montaigne se situe clairement du côté du bas, du terrestre. Ainsi dans De

l'Institution des Enfans il se fait moins conciliant :

Au rebours c'est aux paroles à servir et à suyvre, et que le Gascon y


arrive, si le François n'y peut aller. Je veux que les choses surmontent, et
qu'elles remplissent de façon l'imagination de celuy qui escoute, qu'il
n'aye aucune souvenance des mots. Le parler que j'ayme, c'est un parler
simple et naif, tel sur le papier qu'à la bouche; un parler succulent et
nerveux, court et serré, non tant delicat et peigné comme vehement et
brusque: Haec demum sapiet dictio, quae feriet [le parler qui frappe est
un bon parler] plustost difficile qu'ennuieux, esloingné d'affectation,
desreglé, descousu et hardy: chaque lopin y face son corps; non
pedantesque, non fratesque, non pleideresque, mais plustost soldatesque.
Chalmers 14

Le parler Gascon représente cette naturalité brusque et franche dans la manière de se

porter10. Mais nous avons ici une couche supplémentaire dans le symbolisme qui façonne la

poétique montaignienne, celle de l’art militaire. Les modèles de César, d’Alexandre et

d’Épaminondas traversent les Essais comme incarnations de la vertu du soldat: simplicité,

franchise, hardiesse, force. Appliqué au style cela veut dire : aller droit au but. Ce qui pourrait

être paradoxal, vu l’amour de la digression dans les Essais. Mais le chemin le plus court n’est

pas toujours la ligne droite, et les détours de Montaigne consistent toujours à aller là où il veut

aller. C’est le style de la marche qui compte, et elle doit être “soldatesque”, ferme et virile,

franche et droite.

Chez Montaigne le “naturel” n’est pas du tout un “état de nature” à la Rousseau. La

nature qu’il veut effectivement atteindre est peut-être ce (pas si juste) milieu, passablement

“mediocre” et inaboutie. Mais ce milieu est aussi un fruit de la nature humaine qu’il cherche à

approcher, dans sa vie, ses mots et son livre. C’est pourquoi il fuit les extrêmes et préfère trahir

son idéal du bas absolu. La figure du soldat, du cavalier particulièrement, est une bonne image de

ce compromis. Le port “équestre” n’est pas tout à fait naturel, mais nécessite de faire un avec la

monture, la technique du cavalier suppose de se débarrasser de l’affectation inutile pour aller là

où nous voulons. Ces tensions dans le style et les images que Montaigne façonne expliquent qu’il

n’ait pas un Système (philosophique ou esthétique) rigoureux, mais justement un simple style,

une manière qu’il fait correspondre “autant que faire se peut” à son idéal de l’homme et au projet

qu’il poursuit.

Rappelon nous d’Eric Auerbach qui dans sa Mimésis fait de Montaigne une des figures

centrales de la métamorphose des techniques de représentation de la réalité (de la vérité) dans la

littérature occidentale, il nous montre comment la question de “l’articulation logique” dans le

style de Montaigne est une clé essentielle pour comprendre son projet. Auerbach nous confesse

qu’en lisant Montaigne il ne manque de faire l’expérience de “l’entendre parler et de voir ses

gestes” dans la manière dont le maire de Bordeaux se joue de ces conventions syntaxiques pour

mimer cette spontanéité qu’il cultive en lui-même.

10
Ce stéréotype perdure jusqu’au XIXe siècle, dans les Trois Mousquetaires de Dumas dont le héros, D’Artagnan,
est l’archétype du Gascon.
Chalmers 15

Conclusion

Montaigne est un fleuve impétueux. Les Essais - pour tenter un filage éhontée de

métaphore à sa manière - serait alors un simple moulin-à-eau qui tente de capter l’énergie du

fleuve, et - sans être tout à fait l’eau qui suit son cours naturel - le moulin va dans le sens de

l’eau, s’essaye à en capter le mouvement. De même l’idéal du commentaire et de la critique:

capter au flot d’un auteur une partie de ce qu’il déverse.

Nous n’avons pas analysé l’ouverture sémiotique du fragmentaire, ce en quoi il donne à

penser, ou à lire en “levant la tête” comme dit bellement Borges ; nous n’avons pas rapproché sa

pensée de celle de Dante sur l’éloquence du vulgaire ou sur les noms peignés ou hirsutes (pexa et

hirsuta), images qu’on retrouve pourtant chez Montaigne ; ni analysé le rôle du modèle des

Écritures chez Montaigne, après la Réforme qui fait revenir l’Évangile à la simplicité d’une

langue maternelle, celle que Jésus (que Wilfried Stroh appelle l’anti-rhéteur) et ses apôtres (à

l’exception de Paul) pratiquaient, très loin d’un langage élevé et philosophique.

Nous avons abordé quelques manifestations d’une esthétique du fragmentaire, qui ont

permis de nous saisir pour nous mener là où Montaigne voulait. C’est là le fond du fragment :

saisir et pénétrer, pour faire sentir la simplicité du vrai au sein d’une réalité divisée et complexe.

Montaigne ne fait pas dans la brevitas des spartiates qu’il loue, mais non plus dans la

prolixité savante des athéniens, il dit préférer les Crétois qui avaient la “conception” (au sens

d’entendement) vaste sans un vaste langage (Essais, I, 26). Une conception vaste que le langage

essaye de suivre, avec des moyens simples et naturels. Voilà qui mène sans doute à cette opacité

du fragmentaire que nous mentionnions dans notre introduction. Nous concluerons donc sur ces

mots de Jeanne Demers témoignant de sa lecture des Essais : “ce qui importait vraiment, c'était

moins leur progression d'idée en idée que leur mouvement, leur «branle» d'impressions et

d'images qui, à l'instar du poème, me semblait former une structure en étoiles11”.

11
Jeanne Demers, La poétique selon Montaigne, Études françaises, Lectures singulières, Volume 29, numéro 2,
automne 1993.
Chalmers 16

Bibliographie critique

● E. Auerbach, Mimésis, La représentation de la réalité dans la littérature

occidentale, Gallimard, 1968.

● J. Balsamo, « Qual l’alto Ægeo... » : Montaigne et l’essai des poètes italiens,

Revue Italique, Poésie italienne de la Renaissance, IX, 2008.

● A. Compagnon, La seconde main ou le travail de la citation, Éditions du Seuil

1979.

● A. de Libera, Penser au Moyen-âge, Éditions Points, 1996.

● J. Demers, La poétique selon Montaigne, Études françaises, Lectures singulières,

Volume 29, numéro 2, automne 1993

● M. Jeanneret, La glose, le commentaire, l’essai, in Collectif, Histoire de la France

littéraire I, Naissances, Renaissances, PUF, 2006.

● R. Regosin, “Montaigne and His Readers”, in Collectif, A New History of French

Literature, Harvard U.P, 1989.

● F. Rigolot, The Renaissance Crisis of Exemplarity, Journal of the History of Ideas,

Vol. 59, No. 4, 1998

● J. Starobinski, Montaigne en mouvement, Éditions Folio, 1993.

● W. Stroh, La puissance du Discours, une petite histoire de la rhétorique dans la

Grèce antique et à Rome, Éditions Les Belles Lettres, 2010.

● L. Van Delft, Les spectateurs de la vie, généalogie du regard moraliste, Presses

Université Laval, 2006.


Chalmers 17

● L. Van Delft, Le fragment et les formes brèves, in Collectif, Histoire de la France

littéraire II, Classicismes, XVIIe-XVIIIe siècles, PUF, 2006.

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