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Chapitre 8
Dérivabilité
Sommaire
8.1 Nombre dérivé, fonction dérivée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
8.1.1 Dérivabilité en un point, nombre dérivé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
8.1.2 Notion de développement limité d’ordre 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190
8.1.3 Dérivabilité à gauche, à droite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
8.1.4 Dérivabilité sur un intervalle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
8.1.5 Opérations sur les fonctions dérivables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
8.1.6 Approximation d’un zéro par la méthode de Newton . . . . . . . . . . . . . . . 194
8.2 Rolle et accroissements finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
8.2.1 Extremum local et point critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194
8.2.2 Théorème de Rolle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
8.2.3 Égalité des accroissements finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
8.2.4 Inégalité des accroissements finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
8.2.5 Dérivabilité et sens de variation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
8.2.6 Théorème de la limite de la dérivée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
8.3 Fonctions de classe C k . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
8.3.1 Fonctions de classe C k sur un intervalle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
8.3.2 Opérations sur les fonctions de classe C k . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201
8.3.3 Théorème de classe C k par prolongement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
8.4 Extension aux fonctions complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
8.4.1 Fonctions de classe C k à valeurs dans C . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
8.4.2 Extension des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
8.1 Nombre dérivé, fonction dérivée Chapitre 8 : Dérivabilité
Interprétation géométrique
Dire que f est dérivable en a, c’est dire que la courbe représentative (Γ) de f présente au point A(a, f (a))
une tangente ∆ non verticale.
Par définition, le coefficient directeur de ∆ est f 0 (a).
L’équation de ∆ est donc y = f (a) + (x − a)f 0 (a).
Ce que « dit » la dérivabilité de f en a, c’est qu’au voisinage « immédiat » de A une mesure algébrique
comme N0 M0 est « négligeable » devant H0 N0 (ça ne saute pas aux yeux sur l’illustration car on s’est
placé finalement très loin de a).
En termes imagés, la dérivabilité de f en a nous dit que la différence f (x) − f (a) (donc l’accroissement
de f entre a et x) est approché par f 0 (a)(x − a) (donc proportionnellement à l’accroissement x − a de
la variable), avec un terme d’erreur qui est lui-même négligeable devant x − a.
En termes plus géométriques (mais pas très précis) la tangente ∆ à (Γ) en A(a, f (a)) est une « bonne
approximation » de la courbe au voisinage de A.
Proposition 8.1.2
Soit f : I → R une fonction numérique, et soit a un point de I.
Si f est dérivable a, alors f est continue en a.
Proposition 8.1.3
Soit f une fonction numérique, définie sur I \ {a}.
On suppose que f possède un « développement limité d’ordre 1 en a ».
Autrement dit, on suppose qu’on peut écrire : f (x) = λ0 + λ1 (x − a) + (x − a)ε(x), avec lim ε(x) = 0.
x→a
Alors f est prolongeable de façon dérivable en a, en posant f (a) = λ0 et f 0 (a) = λ1 .
Variante de notation
Le développement limité f (x) = λ0 + λ1 (x − a) + (x − a)ε(x) s’écrit : f (x) = λ0 + λ1 (x − a) + o(x − a).
Dans cette écriture, o(x − a) est une notation générique désignant toute fonction « négligeable devant »
x − a quand x tend vers a, c’est-à-dire qui s’écrit (x − a)ε(x), avec lim ε(x) = 0.
x→a
Interprétation géométrique
Dire que f est dérivable à droite (resp. à gauche) en a, c’est dire que la courbe (Γ) de f admet au point
A(a, f (a)) une demi-tangente à droite (resp. à gauche) non verticale.
Le coefficient directeur de cette demi-tangente est fd0 (a) (resp. fg0 (a)).
Sur l’exemple de gauche, f est dérivable à gauche et à droite en a, avec fg0 (a) = −1 (demi-tangente
oblique, parallèle à y = −x) et fd0 (a) = 0 (demi-tangente horizontale.)
Sur l’exemple de droite, on a fg0 (a) = 0 (demi-tangente horizontale), mais f n’est pas dérivable à droite
en a (il y a bien une demi-tangente mais elle est verticale).
Remarques :
— Soit a un point de I qui n’est pas une extrémité de I.
elle est dérivable à gauche et à droite en a
Alors f est dérivable en a si seulement si
0 0 0
on a l’égalité fg0 (a) = fd0 (a)
On a alors f (a) = fg (a) = fd (a).
— Si f est dérivable à gauche (resp. à droite) en a, elle y est continue à gauche (resp. à droite).
Remarque : on se souviendra que la dérivabilité (même étendue à un intervalle) reste une notion locale :
la dérivabilité de f sur I, ça n’est que la dérivabilité de f en chacun des points de I.
Remarque : dans la proposition précédente, il faut supposer que g ◦ f est définie au voisinage de a (par
exemple, si f (I) ⊂ J, alors g ◦ f est définie sur I).
Proposition 8.2.1
Soit f : I → R une fonction dérivable. Soit a un point intérieur à I.
Si f possède un extrémum local en a, alors f 0 (a) = 0 (a est donc un point critique de f ).
Remarques :
La réciproque est fausse : un point critique n’est pas nécessairement le signe d’un extremum relatif.
Par exemple, avec f (x) = x3 , on a f 0 (0) = 0 mais f n’a pas d’extrémum en 0.
En fait, les extrémums locaux de f sur I sont à chercher parmi les points où f n’est pas dérivable, parmi
les extrémités de I, et parmi les points critiques intérieurs à I. Le graphe ci-dessous illustre quelques
cas possibles. On y voit une fonction définie sur le segment [a, b], avec les propriétés suivantes :
– en a, la dérivée n’est pas nulle, mais f présente en ce point un maximum absolu.
– en α, il y a un minimum absolu, et en ce point f n’est pas dérivable.
– on voit que β est un point critique, et que ça correspond à un maximum relatif.
– on voit que δ est un point critique, mais ça ne correspond à aucun extremum relatif.
– en b, la dérivée n’est pas nulle, mais f présente en ce point un minimum relatif.
Interprétation géométrique
Soit (Γ) la courbe de f . Soit A, B les points d’abscisse a, b de (Γ). Avec les hypothèses du théorème de
Rolle, il y a un point C de (Γ), distinct de A et B, en lequel la tangente à (Γ) est horizontale.
Comme on le voit sur l’illustration ci-dessous (à droite), il est possible qu’il existe plusieurs points
strictement compris entre A et B et en lesquels la tangente à (Γ) est horizontale (donc plusieurs valeurs
de c dans ]a, b[ pour lesquelles f 0 (c) = 0).
Remarques
– Les hypothèses du théorème de Rolle sont extrêmement importantes (continuité sur le segment,
dérivabilité à l’intérieur du segment, valeurs identiques aux extrémités).
Si l’une de ces hypothèses disparaît, alors le résultat ne tient plus (trouver des contre-exemples !).
Quand on utilise le théorème de Rolle, il faut le citer avec les hypothèses ci-dessus (et qui sont
minimales), même si dans la pratique les propriétés de f sont souvent plus « confortables ».
Interprétation géométrique
Soit (Γ) la courbe de f . Soit A, B les points d’abscisse a, b de (Γ).
Avec les hypothèses de l’égalité des accroissements finis, il y a un point (C) de (Γ), disctint de A et B,
en lequel la tangente à (Γ) est parallèle à la corde (AB).
Comme on le voit sur l’illustration ci-dessous (à droite), il est possible qu’il existe plusieurs points
strictement compris entre A et B et en lesquels la tangente à (Γ) est est parallèle à la corde (AB) (donc
plusieurs valeurs de c dans ]a, b[ pour lesquelles f (b) − f (a) = (b − a)f 0 (c)).
Remarques
– Soit f : [a, b] → R une fonction continue sur [a, b], dérivable sur ]a, b[ (a < b).
On suppose que : ∀ x ∈]a, b[, m 6 f 0 (x) 6 M . Alors m(b − a) 6 f (b) − f (a) 6 M (b − a).
– L’égalité f (b) − f (a) = (b − a)f 0 (c) est invariante par échange de a et b. Il n’est donc pas nécessaire
d’imposer a < b. Il suffit d’indiquer que c est strictement compris entre a et b.
– Interprétation cinématique : si un point mobile se déplace sur une droite, pendant un intervalle de
temps a 6 t 6 b, avec une vitesse variable v(t), alors il existe au moins un instant t0 en lequel sa
vitesse instantanée est exactement égale à sa vitesse moyenne sur tout l’intervalle de temps.
L’égalité des accroissements finis est souvent écrite de la manière suivante :
Dans la version précédente de l’égalité des accroissements finis, le signe de h est quelconque.
On peut donc reformuler le résultat de la façon suivante :
Remarque : dans les deux énoncés précédents, θ dépend de h (le mieux serait donc de le noter θh ).
Remarques
– Si f est lipschitzienne sur l’intervalle I, elle est continue sur cet intervalle.
√
La réciproque est fausse comme on le voit avec x 7→ x sur [0, 1].
– Le caractère lipschitzien est une propriété globale, alors que la continuité est une notion locale. Cela
n’a donc aucun sens de parler de fonction lipschitzienne en un point.
– Quand une fonction est K-lipschitzienne, avec K < 1, on dit qu’elle est contractante.
Le résultat ci-dessous est appelé « inégalité des accroissement finis ».
Il constitue une condition suffisante pour qu’une fonction soit lipschitzienne sur un intervalle.
Une situation usuelle où les hypothèses précédentes sont réalisées est : f est de classe C1 sur [a, b].
En effet f 0 est alors continue donc bornée sur [a, b], et on peut utiliser K = sup |f 0 (x)|.
x∈[a,b]
Utilisation pour les suites définies par une récurrence un+1 = f (un )
On se donne une suite (un )n>0 , définie par une relation de récurrence un+1 = f (un ).
Soit ` un point fixe de f (c’est-à-dire f (`) = `, donc ` est une limite éventuelle de la suite (un )n>0 ).
On suppose que f est de classe C1 sur un intervalle I contenant `.
On suppose également que |f 0 (`)| < 1.
Par continuité, il existe un segment J contenant ` et sur lequel on a |f 0 (x)| 6 K < 1.
On en déduit que f est K-lipschitzienne (donc contractante) sur le segment J.
Supposons que le terme initial u0 soit dans le segment J.
Alors, pour tout n de N, le terme un est encore dans J (le segment J est donc stable par f ).
Cela résulte d’une récurrence facile et de : |un+1 − `| = |f (un ) − f (`)| 6 K |un − `| 6 |un − `|.
Toujours par récurrence évidente, on trouve |un − `| 6 K n |u0 − `| pour tout n de N.
Il en résulte lim un = `.
On exprime cette situation (le fait que |f 0 (`)| < 1) en disant que ` est un point fixe attractif de f .
On constate que la convergence de la suite (un )n>0 est d’autant plus rapide que K peut être choisi
proche de 0 (et donc que |f 0 (`)| est lui-même proche de 0, c’est-à-dire que la tangente au point fixe est
proche de l’horizontale).
Remarque (cas d’un point fixe répulsif )
Supposons |f 0 (`)| > 1, les autres hypothèses étant inchangées : f (I) ⊂ I, f est C1 sur I, et f (`) = `.
On dit alors que ` est un point fixe répulsif de f . La suite (un )n>0 ne peut alors pas converger vers `
(sauf s’il existe un entier n0 tel que un0 = `, car alors la suite stationne en `).
Pour ces questions, on se reportera au contenu de la section 6.6.5
Exemple : la fonction f : x 7→ x − sin(x) a pour dérivée f 0 (x) = 1 − cos(x). Cette dérivée reste positive
ou nulle sur R, et ne s’annule qu’aux points isolés xk = 2kπ (avec k dans Z). La fonction f est donc
strictement croissante sur R.
Remarques
Les résultats précédents découlent du théorème de Rolle.
Comme lui, il ne sont valables que sur un intervalle, et pas sur une réunion d’intervalles.
1 1
Par exemple, si f (x) = alors f 0 (x) = − 2 < 0 sur R∗ , mais f n’est pas monotone sur R∗ .
x x
De même, si deux fonctions dérivables sur R∗ vérifient f 0 = g 0 sur R∗ , alors elles diffèrent d’une constante
λ sur R−∗ et d’une constante µ (a priori sans rapport avec λ) sur R+∗ .
Un contre-exemple utile
1
∗ 2
On considère la fonction f définie sur R par f (x) = x sin et par f (0) = 0.
x
La fonction f est continue sur R∗ (théorèmes généraux) et en 0 (inégalité |f (x)| 6 x2 ).
1 1
1
La fonction f est de classe C sur R : sa dérivée est alors f (x) = 2x sin
∗ 0
− cos .
x x
f (x) − f (0)
1
f (x) − f (0)
Pour x 6= 0, on a = x sin
6 |x| donc x→0
lim = 0.
x x x
Ainsi f est dérivable en 0 et f 0 (0) = 0.
1 1
0
En revanche, la limite de f (x) = 2x sin − cos n’existe pas quand x tend vers 0.
x x
Évidemment, on note souvent f 00 et f 000 , plutôt que f (2) et f (3) , les dérivées seconde et troisième de f .
Évidemment toujours, on ne confondra jamais les notations f (k) et f k .
Remarques :
– Si f est de classe Ck sur I, avec k > 1, toutes les fonctions dérivées j-ièmes, avec 0 6 j < k sont
évidemment continues sur I puisqu’elles y sont (au moins une fois) dérivables.
– On dit souvent d’une fonction de classe Ck qu’elle est « k fois continûment dérivable ».
– Dire que f est de classe C0 , c’est dire que f est continue.
Pour tout k de N, on a bien sûr Ck+1 (I, R) ⊂ Ck (I, R). Par ailleurs C∞ (I, R) = Ck (I, R).
\
k∈N
– On dit parfois « f est Ck sur I » plutôt que « f est de classe Ck sur I ».
– On a f (k) ≡ 0 sur I si seulement si f est une fonction polynomiale, avec deg(f ) < k.
Proposition 8.3.6
Soit I un intervalle d’intérieur non vide, et soit a un élément de I.
Soit k un entier naturel. On se donne une fonction f , définie et de classe Ck sur I \ {a}.
On suppose que, pour tout j de {0, . . . , k}, la limite `j = lim f (j) (x) existe et est finie.
x→a
En particulier, on peut prolonger f en a, par continuité, en posant f (a) = `0 .
Ainsi prolongée, f est de classe Ck sur I et : ∀ j ∈ {0, . . . , k}, f (j) (a) = `j .
Important : s’il est possible de considérer des fonctions dérivables sur un intervalle I de R et à valeurs
complexes, on ne parlera jamais de la dérivée d’une fonction qui serait définie sur une partie de C.
On retiendra qu’on ne dérive jamais (autant le répéter) par rapport à une variable complexe.
Cela rejoint une faute à ne jamais commettre : on ne dérive jamais par rapport à une variable entière !
Par exemple, pour étudier la monotonie d’une suite réelle, ça n’a aucun sens de dériver l’expression
de un par rapport à l’entier n. Voilà c’est dit.
Proposition 8.4.1 (inégalité des accroissements finis pour une fonction de classe C1 )
Soit f : I → C une fonction de classe C1 . On suppose que |f 0 (x)| 6 K pour tout x de I.
Alors la fonction f est K-lipschitzienne sur I.
Autrement dit, pour tous x, y de I, on a : |f (y) − f (x)| 6 K |y − x|.