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LES ASPECTS ÉTHIQUES DE

L’AVORTEMENT
DR O. BEKIR
INTODUCTION :

► Le problème de l’interruption volontaire de la grossesse


est certainement l’un des plus difficiles et plus
douloureux qui puissent se poser à la conscience
humaine
► Dans tous les pays, l’interruption volontaire de la
grossesse fait l’objet d’une législation. C’est donc aux
législateurs qu’incombe la lourde responsabilité d’
édicter des règles de droit
► Pour être efficace, juste et réaliste, toute législation doit
être conforme aux réalités du pays et doit répondre aux
aspirations des citoyens.
Définition 1

► L’avortement est l’interruption


de la grossesse avant que le
fœtus ne soit viable, c’est à dire
capable de mener une vie
extra-utérine indépendante.
Définition 2

► La viabilité du fœtus est définie en fonction


❑ De la durée de la grossesse (A partir de 28
SA).
❑ Du poids du fœtus.
► En Tunisie : 1000gr.
► Ailleurs : 500gr ? ? ?
► Pronostic vital à long terme
❑ Des moyens de réanimation en fonction des
pays.
Définition 2 :

► En Tunisie, on admet que l’avortement


est l’expulsion d’un fœtus avant l’époque
de l’accouchement, fixée à 180 jours au
moins après la conception ( 25 SA)
Définition

► Du point de vue médico-légal, on distingue :


❑ L’avortement spontané ou « fausse couche »
❑ De l’avortement provoqué.
► Du point de vue légal, on distingue :
❑ L’avortement provoqué criminel qui est illégal ;
❑ De l’avortement « légal » prévu par les textes.
Rappel de l’évolution
embryonnaire et fœtale

► 1. Embryon :
❑ La vie embryonnaire s’étend de la conception au 3ème mois
de la vie intra-utérine.
❑ L’œuf se développe au cours du premier mois au sein d’une
masse villeuse accrochée à l’utérus.
❑ Vers le deuxième mois, apparaissent l’embryon avec ses
enveloppes et les cavités amniotiques.
❑ C’est vers le troisième mois que le développement
embryonnaire est complet, l’embryon atteint 8cm
Rappel de l’évolution
embryonnaire et fœtale

► 2. Fœtus :
❑ A partir du troisième mois, le fœtus est complet.
❑ Le sexe peu être reconnu (des erreurs sont assez
fréquentes pourtant et des fœtus sont souvent déclarés à
torts, de sexe féminin).
❑ Le méconium existe dans l’intestin et progresse à partir du
quatrième mois du duodénum au gros intestin.
Circonstances d’observation de
l’avortement

Avortement spontané
1. Troubles utérins.(infection, malformation)

2. Anomalies du fœtus ou du placenta.

3. Infections.(syphilis)

4. Toxémie gravidique.
Circonstances d’observation de
l’avortement

► Avortement provoqué
● IVG : la femme ne peut pas au moment où elle se trouve
enceinte conduire sa grossesse à terme et donner
naissance à un enfant ou l’élever.

● ITG :Rares sont les circonstances où la grossesse est


désirée mais interrompue parce qu’elle menace
véritablement la vie de la mère ou bien parce qu’on sait ou
qu’on suppose que l’enfant sera malformée ou anormal
► Les raisons admises par certaines législations et qui sont
devenues des indications légales de l’interruption de la
grossesse sont classées en quatre groupes :

-Des indications pour raisons médicales ;


-Des indications pour raisons eugéniques ;
-Des indications pour raisons humanitaires ;
-Des indications pour raisons sociales.
Historique

► Pendant tout le Moyen-âge, les théologiens


chrétiens ont débattu de l’âme du fœtus, c’est à
dire de la date de l’animation;
▪ elle fut fixée d’abord à 40 jours pour les garçons
et 80 jours pour les filles (XIIIe siècle),
► Sous Charles-Quint, en 1532, que la Constitutio
Criminalis Carolina fixe la date d’animation du
fœtus au milieu de la grossesse, soit dès que la
mère perçoit les mouvements.
Historique

► Néanmoins, en 1558, le Pape Sixte Quint


condamne de façon formelle l’avortement, quel
qu’en soit le terme.

► Les idées évoluèrent peu au Moyen-âge, marqué par


la puissance de l’Église de Rome.

► A la Renaissance: notion d’avortement médical en


cas d’hémorragie grave, seule indication en France
jusqu’au XIXe siècle.
Historique

► En 1810, c’est le Code Napoléon


(catastrophe civile pour les femmes).

► L’article 317 du Code pénal de 1810


condamne sans distinction: “Quiconque
provoque l’avortement d’une femme enceinte
avec ou sans son consentement au moyens
d’aliments, de drogues, de médicaments, par
violence ou d’autres remèdes, est puni de
prison. ”
Historique: en Tunisie

Avant 1965

► Avortement interdit sauf si l’état de santé de la mère est


compromis.
► Contraception interdite.
► Répercussions: infanticides; suicide de la mère; enfants
délaissés…
Historique: en Tunisie

De 1965 à 1973

► Article 214 du CPT (01/07/1965)


– Femme mariée
– 5 enfants vivants de sexe différent
– Santé de la mère compromise par la continuation de la
grossesse
► Répercussions: infanticides; suicide de la mère; enfants
délaissés…
Historique: en Tunisie

Après 1973

► Modification de l’article 214 du CPT


ASPECTS LÉGAUX
Aspects légaux 1

1. Dispositions déontologiques
► Article 40 du Code de Déontologie
Médicale : « Il ne peut être
procédé à une interruption de
grossesse que dans les cas et
conditions prévus par la législation
en vigueur »
Aspects légaux 2

2. CODE PENAL TUNISIEN


Article 214 : alinéa 1
« Quiconque par aliments, breuvages, médicaments
ou tout autre moyen, aura procuré ou tenté de
procurer l’avortement d’une femme enceinte,
qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’un
emprisonnement de 5ans et d’une amende de
dix mille dinars, ou de l’une de ces deux peines
seulement.
Commentaires

► La sanction encourue par l’avorteur illégal (qui ne


respecte pas la loi)

► La tentative est punissable

► Le consentement de la personne (avortée) : non


valable
Aspects légaux 3

Article 214 : alinéa 2


« sera puni d’un emprisonnement de
2ans et d’une amende de deux milles
dinars, ou de l’une de ces deux peines
seulement, la femme qui se sera
procuré ou tenté de se procurer, ou qui
aura consenti à faire usage des
moyens à elle indiqués ou administrés
à cet effet »
Commentaires

► Sanctions encourues par l’avortée

► La tentative est punissable

► Avortée consentante
Aspects légaux 4

Article 214 : alinéa 3

« L’interruption artificielle de la grossesse est


autorisée lorsqu’elle intervient dans les trois
premiers mois dans un établissement hospitalier
ou sanitaire ou dans une clinique autorisée, par
un médecin exerçant légalement sa profession. »
Commentaires

Conditions légales de l’avortement lors des 3 premiers mois


de la grossesse:

1- Le lieu d’avortement : hôpital, clinique (pas le cabinet


médical): assurer la sécurité de la femme
2- L’avorteur est un médecin qui exerce légalement sa
profession
3- Le consentement de la femme: interruption volontaire: la
femme est libre de son corps: elle décide ou pas de se
faire avorter.
Le mari, le copain, le fiancé, le médecin, la famille: ne
décident pas
🡺 CONSENTEMENT DE LA FEMME
Commentaires

Conditions légales de l’avortement lors des 3 premiers mois de la


grossesse:

4- Le consentement de la femme :
* Précédé par une information adaptée sur l’avortement: risques,
intérêt …
* Précédé par un délai de réflexion qui permet à la femme de
décider ou pas de l’acte et donc de consentir à l’avortement.
5- En Tunisie la loi ne parle pas du délai de réflexion
6- L’âge de la femme n’est pas précisé: problème des mineurs qui
commet un acte de majeure. Accord de son tuteur (père). En
France : accord d’un majeur
7- L’âge de la grossesse ? 12 SA ou 14 SA
L'avortement en Europe
PAYS RAISONS, INDICATIONS DURÉE DU ENTRETIEN DE DÉLAI DE APRÈS LE PARTICIPATION
POUR L'IVG DÉLAI CONSEIL RÉFLEXION DÉLAI DU
OBLIGATOIRE PARTENAIRE ?

DANEMARK Requête de 12 sem. Non: Non Ind. socio-méd. + eug. -


la femme Informations par et jur. Un centre de
le médecin consultation
traitant
ALLEMAGNE Requête de 14 sem. Oui: par un 3 jours Ind. socio-méd. 2 partenaire peut
la femme centre agréé ET médecins décident être invité à
le médecin participer à
traitant l'entretien
ITALIE "Ind. 90 jours (le Oui: Par un 7 jours Ind. méd. + eug. 2 -
médico-soc.", mais début du délai centre OU le médecins décident
c'est la femme n'est pas médecin traitant
elle-même qui la définit défini)
PAYS-BAS Situation de 24 sem. Oui: par le 5 jours . -
détresse définie médecin traitant
NORVÈGE Requête de 12 sem. Non: Non Ind. socio-méd.+ eug. 2 -
la femme Informations médecins
méd. traitant
ESPAGNE Requête de 14 sem. Oui: par le 3 jours Ind. méd., 2 médecins -
(dès 5.7.2010) la femme depuis les médecin traitant décident. Au delà de 22
dernières sem. maladie très
règles grave du foetus
ANGLETERRE Ind. médico-soc. 24 semaines Non Non Danger pour la vie de -
Décision par 2 médecins la femme enceinte
IRLANDE Ind. vitale (danger de - - - - -
mort uniquement)
POLOGNE Ind. méd. très étroite, Aucun (12 Non Non - -
viol, malformation du sem. en cas
foetus de viol)
Aspects légaux 5

Article 214 : alinéa 4


« Postérieurement aux trois mois,
l’interruption de la grossesse peut aussi
être pratiquée, lorsque la santé de la
mère ou son équilibre risquent d’être
compromis par la continuation de la
grossesse ou encore lorsque l’enfant à
naître risquerait de souffrir d’une maladie
ou d’une infirmité grave. Dans ce cas,
elle doit intervenir dans un établissement
agréé à cet effet. »
Aspects légaux 6

Article 214 : alinéa 5

« L’interruption visée à l’alinéa


précédent doit avoir lieu sur
présentation d’un rapport du
médecin traitant au médecin
devant effectuer la dite
interruption »
Commentaires 1

Conditions légales de l’avortement


au-delà des 3 premiers mois

► État de santé de la mère: un risque


Santé : définition OMS

« un état complet de bien être


physique, mental et social et ne
consiste pas seulement en une
absence de maladie ou
d’infirmité »
un état complet de bien être
physique

► Pathologies physiques:
► Cardiopathies graves : valvulopathies; HTA…
► Insuffisances respiratoires graves
► Pathologies rénales graves
► Cancers : du sein; des organes pelviens…
un état complet de bien être
mental

► Pathologies psychiatriques
❑ le risque de suicide
❑ la rupture de l’équilibre de la personnalité
un état complet de bien être
social

Afin de sauvegarder le bien être social de la


femme enceinte et de sa famille, certaines
législations ont autorisé l’interruption de la
grossesse pour des revenu familial
► Divorce;
► Mère célibataire;
► Pauvreté;
► Statut professionnel de la femme;
Raisons humanitaires /
éthique

viol, inceste…
Commentaires 2

Conditions légales de l’avortement


au-delà des 3 premiers mois

► Malformations fœtales ? ? ?
Anomalies fœtales

► Malformations graves
► Exposition accidentelle de la mère :
Radiations ionisantes,médicamenteuse
► Aberrations chromosomiques
EVALUATION DE LA GRAVITE
D’UNE PATHOLOGIE FOETALE

► Pathologies létales ou très sévères.

► Pathologies peu sévères.

► Pathologies limites : « zones grises ».


Anomalies fœtales

► Partant de là, peut-il y avoir des limites


éthiques à ne pas franchir pour ne pas
tomber dans une dérive eugénique ?
Anomalies fœtales

► Qui doit décider de l’interruption de la grossesse


face à une atteinte de l’enfant à naître ou une
maladie de la mère ? Le médecin, les parents,
ensemble ou chacun séparément ?

Décision multidisciplinaire

Le dernier mot revient à la mère


Commentaires 3

Conditions légales de l’avortement


au-delà des 3 premiers mois

► Rapport médical de la part du médecin


traitant au médecin avorteur
► Lieu de l’avortement
► L’avorteur qui est le médecin
Conclusion

► Avant trois mois: OK

► Après trois mois: plusieurs questionnements


éthiques
CONCLUSION

► RETENIR que l’article 214 du CP (modifié par le décret – loi n°73


– 2 du 26 septembre 1973) :
❑ Maintenant les mêmes sanctions pour les avortements «
clandestins » criminels ;
❑ ET LEGALISE l’interruption de la grossesse pratiquée par un
médecin exerçant légalement sa profession sans plus se référer à
la situation de la femme.
CONCLUSION

► SAVOIR que le législateur tunisien en édictant cette


nouvelle règle de droit a considéré :
❑ l’avortement est un acte médical qui ne doit être
pratiqué que par le médecin exerçant légalement sa
profession dans un milieu hospitalier ou une clinique
agréée à cet effet afin d’assurer à la femme le
maximum de garantie et de sécurité.
❑ le recours à l’interruption de la grossesse est un droit
de la femme. Elle peut en user en cas d’échec d’une
méthode anticonceptionnelle mais elle ne droit jamais
en abuser. L’avortement étant une solution extrême,
sanction d’un échec et non un moyen normal de
régulation de naissance.

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