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2017/2 n° 53 | pages 13 à 39
ISSN 1267-4982
ISBN 9782807391093
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Sofiane.tahi@u-picardie.fr
RÉSUMÉ
Les politiques d’innovation sont essentielles pour coordonner les acteurs, les ressources, les
activités qui génèrent des innovations pour un développement répondant aux aspirations
des populations dans les différents territoires. Ces politiques sont positionnées comme un
levier de transformation des connaissances en changements technologiques pour le déve-
loppement des économies du Sud. Elles s’appréhendent à travers la construction de capaci-
tés d’innovation mais également de capabilités permettant un meilleur développement des
hommes et des communautés. Le présent article se propose d’analyser le lien entre capa-
cités/capabilités, politiques d’innovation et développement économique dans les P.M.A.
Nous montrerons ainsi en quoi la constitution de politiques d’innovation au sens large
dans les P.M.A. est fondamentale avant d’en tirer un certain nombre de recommandations
pour le cas du Sénégal.
Mots-clés : Innovation, Développement, Sénégal, Compétences, Capacités, Capabilités,
Afrique
ABSTRACT
Capacities and Innovation Policies in the Less Developed
Countries : Lessons from the Case of Senegal
Innovation policies are essential to coordinate actors, resources and activities that generate
innovations for a development that meets the aspirations of people in different territories.
These policies are often positioned as a knowledge support transformation to technologi-
cal changes in the development of Southern economies. These policies are conceived
through building innovation capacities but also capabilities allowing better development
of individuals and communities. This article aims to analyze the relationship between
capacity/capabilities, innovation policies and economic development in the less developed
countries (L.D.C.). We will show how the constitution of innovation policies in the broad
sense is fundamental in L.D.C. before drawing recommendations for the case of Senegal.
Keywords : Innovation, Development, Senegal, Competencies, Capacities, Capabilities,
Africa
JEL Codes : O31
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et l’innovation (Bozeman, 2011). Plus spécifiquement, la littérature sur
les politiques d’innovation dans les Pays Moins Avancés s’interroge sur la
problématique suivante : pourquoi l’innovation devrait être une politique
prioritaire dans les pays en développement ? (Chaminade et al., 2009). En
effet, les problèmes de pauvreté, sécurité alimentaire, endettement, d’insta-
bilités sont prioritaires pour les politiques publiques dans certaines écono-
mies moins avancées. La politique d’innovation ne serait-elle pas une forme
de luxe pour certaines économies n’ayant pas atteint un stade de dévelop
pement suffisant ?
L’innovation est entrée dans le discours sur le développement depuis
peu (Lam, Lunvall, 2007) et dans l’ordre du jour des décideurs des orga-
nisations humanitaires internationales (UNCTAD, 2015a). Cette mise en
œuvre n’est pas chose simple. Les universitaires et les décideurs politiques
ont encore du mal à la conceptualiser, identifier les bénéficiaires et mettre
en cohérence les mesures politiques qui la sous-tendent (Borras, Tsagdis,
2008). La complexité des politiques d’innovation rend également l’utilisa-
tion des outils fragiles. Les systèmes d’innovation des P.M.A. sont particuliè-
rement hétérogènes et chaque système est enchâssé dans un environnement
socio-institutionnel particulier. Dès lors, si la science, technologie et inno-
vation se placent comme centraux dans les objectifs de croissance, il y a une
impérieuse nécessité d’intégrer l’apprentissage et la construction de com-
pétences comme objectif de développement et de réduction de la pauvreté
(Muchie et al., 2003). La construction de compétences, la modernisation
des infrastructures, les collaborations et les partenariats commerciaux sont
autant de challenges qui améliorent l’environnement macro-économique et
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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
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capabilités, politique d’innovation et développement économique dans les
P.M.A. Si le lien entre capacité et politique d’innovation a déjà été large-
ment visité dans la littérature, notamment par l’École d’Aalborg (Lundvall,
1992), celui entre capabilités, innovation et développement économique
reste moins abordé. Après avoir posé le cadre autour de cette structuration,
nous en analyserons ses effets sur une réalité empirique relative à un P.M.A. :
le Sénégal. Ce pays a entrepris de larges efforts structurels depuis une ving-
taine d’années. À la lumière de ces éléments, nous nous pencherons sur ses
capacités d’innovation et principales difficultés d’élaboration de sa politique
d’innovation.
n° 53 – innovations 2017/2 15
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi
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États et entreprises. Le choix de la stratégie d’apprentissage a un réel impact
sur la capacité du pays à soutenir la croissance et la stabilité macro-écono-
mique du pays.
La création de capacités nécessite par ailleurs la formation de processus
d’apprentissage. Ces processus d’apprentissage sont riches en externalités et
interrelations entre producteurs et utilisateurs (Lundvall, 1988). Peu de ces
liens transitent par le marché et prennent place informellement à travers
l’apprentissage routinier. Dans cette perspective, la dimension interactive
de l’apprentissage va être essentielle. Selon Oyelaran-Oyeyinka (1997), une
dynamique positive se reproduit lorsque sont établis : (i) une variété de liens
nécessitant offreurs, producteurs et fournisseurs de services, (ii) une propen-
sion à la coopération et à la collaboration, (iii) un large nombre d’acteurs
diffusant l’information et la connaissance nécessaire à la production de
biens et services, (iv) une propension à l’incitation d’initiatives privées par
la demande publique, (v) un fort réseautage local-global formel et/ou infor-
mel. Ces interactions sont capitales dans la mesure où différents types de
connaissances vont pouvoir se combiner à travers de nouvelles trajectoires
et de nouvelles connaissances vont se créer.
Dans les P.M.A., les interactions, vectrices d’apprentissage, sont sou-
vent inexistantes, peu nombreuses ou inappropriées. L’asymétrie d’informa-
tions conduit à de faibles flux d’informations et de connaissances parmi les
acteurs du système d’innovation et les sphères académiques et productives
demeurent faiblement intégrées les unes aux autres. Le manque d’intégra-
tion entre les centres de recherche et le système productif s’explique par
deux principaux facteurs : l’accroissement exponentiel des effectifs dans les
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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
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nologiques)
Institutions formelles et informelles
Régime de propriété intellectuelle
Incitants promouvant l’adoption et la création de nouvelles technologies
Régime de taxation
Politique de concurrence
Promotion des investissements et projets ciblés
Organisation de partenariats entre acteurs économiques locaux
Organisation de partenariats entre acteurs économiques locaux et étrangers
Promotion de l’entrepreneuriat
Source : Narula (2004)
n° 53 – innovations 2017/2 17
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per l’apprentissage dans une action commune. Les liens sociaux, à travers
la confiance, l’empathie, les relations affectives, sont autant de qualités
permettant l’acquisition plus rapide des connaissances et la promotion de
l’innovation.
L’innovation est ensuite représentée par les secteurs de faibles et moyennes
technologies sans se limiter aux secteurs de pointe et à la R&D (Johnson,
Lundvall, 2003). Tandis que les innovations dans les secteurs high-tech sont
sophistiquées et fondées sur la science et l’innovation radicale, l’innovation
dans les P.M.A. est le reflet de perspectives routinières d’apprentissage au
sein de petites structures traditionnelles. L’innovation est donc principale-
ment conduite de manière informelle par les techniques d’apprentissage par
la pratique, l’usage et l’interaction. Les activités de R&D ne sont pas clai-
rement et formellement articulées au sein de la stratégie de l’entreprise. On
comprend l’importance de l’ensemble des secteurs économiques à considérer
dans les processus d’innovation (Jensen et al., 2007).
L’innovation est vivement marquée par son environnement global et s’ap-
préhende à partir de ses propres trajectoires de développement. Le contexte
de l’innovation dans les P.E.D. est souvent complexe. Les économies sont
instables, vulnérables et les stratégies d’innovation sont liées à leur environ-
nement macroéconomique, politique, institutionnel et financier (Cassiolato
et al., 2003). Il est important de comprendre l’histoire et la structuration des
économies moins avancées pour pouvoir saisir leurs stratégies d’innovation.
L’hétérogénéité des trajectoires de développement est donc à considérer tout
comme les dynamiques de rattrapage par l’élaboration de capacités d’inno-
vation (Mytelka, 2003).
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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
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Les capacités d’innovation Sens étroit Sens Large
Organisations, institutions et Organisations promouvant
Capacités formelles réseaux formels liés à la science l’innovation en général,
et technologie institutions et réseaux formels
Réseaux et institutions Institutions informelles
informelles liés à la science et influençant l’innovation et
Capacités informelles technologie (formation sur le réseaux informels (comme
tas, formation en entreprise, les valeurs historiques et
conseil) culturelles)
Source : adapté de Schoser (1999)
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capabilités relient la croissance économique au processus d’expansion des
capacités humaines de vivre des vies plus riches et plus libres. L’apprentissage
n’est plus uniquement une valeur instrumentale mais bien substantive à la
qualité de vie des individus. Cette valeur va de pair avec la rapidité des
nouvelles compétences et capacités à acquérir pour innover. On s’intéresse
plus concrètement aux conditions de vie et leurs liens sur l’apprentissage
et l’innovation (Johnson, Lundvall, 2003). L’ensemble des capabilités telles
que définies par Amartya Sen rejoint les « challenges » de développement
à construire dans les économies pauvres (Cassiolato et al., 2014). Il s’agit
de la prise en compte des aspects sociétaux ou environnementaux dans les
processus d’innovation. Dans leur ouvrage Sous-développement et innovation,
Arocena et Sutz (2003) montrent que les politiques d’innovation se traduisent
souvent par des politiques de bricolage. Dans certaines zones périphériques,
le potentiel scientifique et technologique est complètement mis à l’écart. La
solution présentée par les auteurs réside dans la construction de capacités
d’innovation du bas de l’échelle sociale dans une perspective bottom up avec
l’articulation de politiques annexes (éducatives, sociales). Pour ces derniers,
l’objectif de ces politiques d’innovation dépend de la capacité des acteurs à
générer de l’innovation et de l’apprentissage et ce, par la transformation de
secteurs traditionnels en systèmes d’innovation dynamiques. À l’intérieur de
ces secteurs traditionnels, certains aspects sont capitaux : informalité, qui
dépasse parfois la moitié du PIB d’une économie, c apital social et confiance,
valeurs sociales, castes et réseaux indigènes, société civile ou O.N.G. les-
quels se substituent très aisément au rôle de l’État. La multiplicité des acteurs
dans les P.M.A. amène à considérer les politiques d’innovation et d’appren-
tissage dans une démarche globale.
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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
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associe la problématique de construction de compétences à celle de l’amélio-
ration de la qualité de vie et de la réduction des inégalités.
La construction de compétences peut se réaliser sous différentes formes
dans les économies moins avancées (Lundvall, 2013) : il peut s’agir de la
transformation de la demande de matières premières vers le développement
de capacités d’innovation dans l’industrie et les services. Elle peut également
concerner la promotion de l’apprentissage basée sur l’expérience ou l’adé-
quation entre le secteur formel à forte valeur ajoutée et le secteur informel.
Les activités informelles peuvent en ce sens être influencées par l’utilisation
des technologies de l’information et de la communication.
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d’innovation à soutenir la création, l’absorption, l’utilisation et la diffu-
sion de connaissances grâce à l’apprentissage interne interactif ou en R&D
(Carlsson, Jacobsson, 1997). L’idée est de ne pas retenir les instruments opti-
maux mais de considérer un certain nombre d’instruments en fonction de
leur contexte.
Le graphique suivant montre les liens entre capacités, capabilités et
innovation pour la constitution des politiques d’innovation. Les capacités
d’innovation représentent le jalon des politiques d’innovation. Ce sont ses
béquilles, représentées par les capacités nationales d’innovation (Encadré 1)
qui vont structurer et consolider l’établissement de politiques d’innovation.
Viennent ensuite les capabilités, représentées par le conditionnement de la
société au sens large : niveau de démocratie, politiques éducatives, poli-
tiques sociales, niveau de pauvreté. Ces capabilités ont un lien direct avec
la croissance et développement économique puisqu’elles permettent aux
économies moins avancées d’améliorer les conditions de vie des individus
et communautés. Vient enfin la perspective de développement économique
qui ne pourra se réaliser qu’avec la construction de capacités d’innovation,
de compétences et de capabilités.
Dans les économies pauvres, une transformation économique ne peut
avoir lieu que si un cadre politique met en place un changement structu-
rel et technologique encourageant le progrès économique. Selon Oyelaran-
Oyeyinka (2014), il y a un besoin de politiques dynamiques d’innovation
face au système mondial de plus en plus complexe, fondé sur la connaissance,
et axé sur l’innovation. Le rôle de la politique d’innovation est d’accompa-
gner les activités de la firme en supportant les interactions entre acteurs éco-
nomiques et non économiques. Cette dernière est scindée en deux types de
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Développement économique
Capabilités et construction
de compétences
Capacités
d’innovation
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Source : Auteurs
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formellement identifiés (rôle des O.N.G., systèmes de réseaux informels,
etc.). Les acteurs politiques doivent expérimenter de nouveaux outils
avec les différents acteurs pour apprendre à apprendre. L’approche expé-
rimentale a beaucoup fait parler d’elle ces dernières années dans l’éco-
nomie du développement (Banerjee, Duflo, 2009). Son recours est de
plus en plus souvent cité comme une forme prometteuse de réforme de
politique publique et dernièrement d’innovation (par la mise en place de
programmes d’innovation ciblés par exemple).
–– La politique scientifique et technologique représente l’ensemble des
actions politiques directement orientées vers la science et technologie.
Par son contrôle sur les instruments réglementaires, les lois sur les droits
de propriété, les systèmes de brevets, les législations antitrust, la fiscalité
sur les entreprises innovantes, l’État est perçu comme capable de créer
des conditions nécessaires pour déclencher l’interaction public-privé et
créer de nouvelles capacités d’innovation et de recherche. Dans cette
perspective, l’État doit également jouer un rôle dans la négociation
d’accords commerciaux ainsi que la promotion des investissements. Mais
aucune politique scientifique ne peut être mise en place si d’autres outils
plus larges n’ont pas déjà été mis en exergue. Par exemple, en Afrique
Subsaharienne, les ambitions des politiques d’innovation se donnent
un double objectif (UNCTAD, 2015b) : à la fois encourager la capacité
d’absorption technologique des entreprises afin d’accroitre leur capacité
à créer des connaissances mais aussi et surtout créer des mises en système
des différents changements technologiques, économiques sociaux pour
répondre aux besoins du développement. L’absorption technologique va
de pair avec les politiques sociales et de réduction de pauvreté.
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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
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AU CAS DU SÉNÉGAL
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1/8 de la population mondiale. Dans les P.M.A., l’impact de l’écart en termes
de capacités n’a nulle peine à se percevoir. La littérature économique tend
à démontrer que l’Afrique subsaharienne n’a pas seulement réussi à amélio-
rer sa position compétitive internationale mais a rapidement pris du retard
(Lall, Pietrobelli, 2002).
Au regard du tableau ci-dessous, la maigre production industrielle de
l’Afrique est évidente et apparaît comme la plus fragile comparée aux autres
régions économiques. Comme le souligne Freeman (2002), l’inégale distri-
bution des bénéfices et des coûts sociaux se produit sur une échelle interna-
tionale, avec certaines nations tirant bénéfice des nouvelles technologies
et d’autres incapables de le faire. L’Afrique a pris du retard en termes de
capacités technologiques Sa structure reste traditionnelle, dominée par la
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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
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pays développés plus de 10 fois plus élevé.
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l’incapacité des institutions locales à interagir avec les acteurs productifs
afin de garantir une dynamique technologique autonome suffisante. Le deu-
xième est relatif à la difficile construction de connaissances locales, à travers
les connaissances tacites des petites structures industrielles africaines, les-
quelles n’ont pas réussi à faire face aux nouveaux besoins au sein d’un envi-
ronnement compétitif instable. La troisième porte enfin sur le sentiment de
blocage des techniques répétitives d’apprentissage par imitation créant de
faibles opportunités à renouveler et moderniser les connaissances des entre-
prises africaines. Au total, l’exclusion technologique suivie de la difficulté à
construire une dynamique d’apprentissage a tendance à limiter les perspec-
tives futures de développement économique.
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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
Conditions macroéconomiques
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de dynamiques politiques, sociales et économiques. Petit pays de 14 millions
d’habitants, la population active est évaluée à 6,3 millions d’individus en
2014, représentant 44 % de la population totale. Sur le plan économique,
son taux de croissance avoisine les 3 % laissant penser à des perspectives
économiques positives à venir. Mais l’économie sénégalaise reste en diffi-
culté par rapport aux autres économies africaines étant dotées de ressources
naturelles abondantes. Même problématique pour la pauvreté qui demeure
le point faible de son économie (plus de 46 % de la population) et provien-
drait de déséquilibres de la distribution des revenus.
La politique d’apprentissage
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La politique scientifique et technologique
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tableau suivant permet de mettre en exergue une comparaison du Sénégal
avec d’autres économies en développement. On constate rapidement que ce
pays a mis en place une politique de revalorisation de la fonction d’ensei-
gnant chercheur et propose désormais un niveau de rémunération moyen
parmi les plus élevés de l’Afrique. Ce niveau de rémunération est un cri-
tère important pour rendre compte de l’intensité avec laquelle les États ont
rendu prioritaire le rôle de la recherche et de l’enseignement supérieur.
2013‐ Equivalent Euros
Salaire enseignant chercheur Malaisie Maroc Cameroun Sénégal
Assistant de recherche 1200 300 443 1200
Maitre de conférences 1600 900 615 1680
Professeur d'université 2350 1850 692 1900
PIB‐ habitant 7700 2300 1846 933
Salaire moyen 1717 1017 584 1593
Ratio salaire moyen/ PIB‐ habitant 0,22 0,44 0,32 1,7
Sources : Rapport sur la science, UNESCO (2015) et Bisson, P., Alami, S., Temple, L., (2014).
n° 53 – innovations 2017/2 31
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chercheurs.
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Identification des facteurs de blocage et recommandations
n° 53 – innovations 2017/2 33
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tuent largement à l’État et tentent de participer au financement des activités
de formation des petites entreprises informelles. Le rôle de l’apprentissage
demeure une dimension forte de l’intervention des O.N.G. Ces dernières
conçoivent et mettent en œuvre des formations diversifiées et adaptées aux
besoins locaux. Elles constituent actuellement un des dispositifs centraux
de prise en charge des besoins des populations. Au Sénégal, le problème
n’est pas de supprimer l’apprentissage informel pour le « formaliser » mais
plutôt de faire coexister les savoirs indigènes avec les activités formelles. Les
sources formelles sont indispensables à l’absorption de connaissances étran-
gères. L’utilisation de technologies nouvelles par une main-d’œuvre compé-
tente requiert nécessairement une formation cofinancée pour garantir une
appropriation de nouvelles connaissances. Sur ce point, les gouvernements
successifs n’ont pas su agir et les salariés n’ont disposé d’aucune reconnais-
sance sociale sur le marché du travail. L’enlisement dans l’informel en est
ainsi devenu un cercle vicieux et légitimé.
Pour en venir aux capabilités, là aussi, certaines démarches inclusives ont
été réalisées. Si l’ensemble des programmes précités montrent que l’innova-
tion n’est pas un luxe mais bien indispensable à une optique de croissance
économique, il ne revêt de cohérence qu’avec l’accompagnement de poli-
tiques économiques et sociales majeures. En effet, le fragile développement
économique du pays a des répercussions directes sur la capacité d’innovation
nationale, déjà fragilisée par sa faible qualité institutionnelle. De plus, les
effets néfastes des politiques d’ajustement structurel ont eu un large impact
sur l’aptitude du pays à développer ses capacités scientifiques et technolo-
giques. Enfin, la dégradation des services sociaux, la réduction du pouvoir
d’achat, les problèmes de transport, d’eau et d’électricité ou de soins en santé
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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
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large, et, accompagnées de réformes économiques et sociales majeures.
L’interprétation des politiques d’innovation au sens large est bénéfique
dans l’optique de création d’un réel système d’innovation (apprentissage/
expérimentation technologique/S&T). Les réformes économiques et
sociales permettent inéluctablement de meilleures conditions d’apprentis-
sage et donc d’innovation.
Ces politiques d’innovation couplées aux stratégies de développement
sont indispensables sur un triple aspect :
–– les Africains doivent inventer des solutions propres aux maux qui les
rongent (Robert, 2004) et ils n’y parviendront que grâce à la construc-
tion de leurs propres capacités d’innovation,
–– l’économie sénégalaise manque de vision à long terme, exactement
comme on a pu le constater dans les politiques menées antérieurement,
notamment dans la phase d’ajustement des années 1980. L’idée de cou-
pler l’innovation et le développement permettrait justement d’y parvenir
à travers la prise en compte du développement durable et des multiples
enjeux sociétaux,
–– les cultures africaines sont parfois empreintes d’un certain fatalisme
(Berthelemy et al., 1996) dont il est bon de rompre à travers la mise en
exergue des multiples talents, compétences et capacités locales.
n° 53 – innovations 2017/2 35
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi
CONCLUSION
Les politiques d’innovation doivent être repensées autour de réponses
appropriées (Rodrik, 2007). Tout cela démontre que l’État peut ne pas
adopter d’instruments pertinents pour accélérer le progrès technique et le
développement. Si dans le cas des économies du Sud Est asiatiques, les gou-
vernements ont su déployer des politiques d’innovation en reconcevant les
infrastructures et les institutions, dans le cas des P.M.A. africains, l’identifi-
cation de problèmes majeurs explique souvent l’échec de l’intervention de
l’État (Oyelaran-Oyeyinka, 2014). Dans le cas du Sénégal, il n’existerait pas
de réel système national d’innovation et encore moins d’orientation stra-
tégique vers une réelle « société d’apprentissage » : manque de liens por-
teurs entre la science et l’industrie, politique d’apprentissage encore fragile
et conditions macroéconomiques peu favorables au développement du pays.
L’État échoue dans sa capacité à percevoir la dynamique d’innovation dans
sa globalité. Certes, le Sénégal doit en priorité développer et moderniser
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son infrastructure scientifique pour arrêter la fuite des cerveaux vers l’exté-
rieur et doit donc accroître ses moyens de développer ses activités de R&D.
Mais en jouant sur la stratégie d’innovation technologique, il faut obliga-
toirement se donner les moyens de développer ce secteur. Or, il apparaît de
nombreux problèmes liés à la capacité et aux conditions d’appropriation des
outils techniques par les structures et les acteurs de l’économie. À quoi bon
développer les technologies sans investir suffisamment dans la R&D ?
Mais la modernisation des connaissances ne passe pas uniquement par les
capacités technologiques, elle passe avant tout par des capacités et oppor-
tunités visant à promouvoir les savoirs traditionnels et la culture d’appren-
tissage dans un ensemble de secteurs considérés (et notamment dans les
faibles et moyennes technologies). En l’espèce, les capacités se présentent
dans des secteurs traditionnels comme l’informel. Il peut alors être judicieux
d’adapter le financement des activités informelles aux exigences du milieu
local, de construire des capacités institutionnelles dans le secteur informel
ou même de promouvoir l’apprentissage interactif dans les communautés
traditionnelles avant d’investir dans des activités plus coûteuses et risquées
comme tel a été le cas avec la création d’infrastructures technologiques et
du technopole dakarois. Le réel luxe que nous évoquions en introduction sur
la concrétisation des politiques d’innovation dans les économies du Sud ne
proviendrait pas au Sénégal de la création d’incubateurs ou de parcs scien-
tifiques mais d’un regard plus large posé par les gouvernements sur l’appren-
tissage et le développement dans tous les secteurs de l’économie. Coupler
l’innovation et le développement reste un challenge majeur de ces écono-
mies avec la nécessité de renforcer les capacités des gouvernements vers de
nouveaux changements structurels.
36 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés
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