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CAPACITÉS ET POLITIQUES D’INNOVATION DANS LES PAYS MOINS

AVANCÉS : ENSEIGNEMENTS TIRÉS DU CAS DU SÉNÉGAL

Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

De Boeck Supérieur | « Innovations »

2017/2 n° 53 | pages 13 à 39
ISSN 1267-4982
ISBN 9782807391093
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CAPACITÉS ET POLITIQUES
D’INNOVATION DANS
LES PAYS MOINS AVANCÉS :
ENSEIGNEMENTS TIRÉS
DU CAS DU SÉNÉGAL
Vanessa CASADELLA
CRIISEA, Université Picardie Jules Verne
Vanessa.casadella@u-picardie.fr
Sofiane TAHI
CRIISEA, Université Picardie Jules Verne
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Sofiane.tahi@u-picardie.fr

RÉSUMÉ
Les politiques d’innovation sont essentielles pour coordonner les acteurs, les ressources, les
activités qui génèrent des innovations pour un développement répondant aux aspirations
des populations dans les différents territoires. Ces politiques sont positionnées comme un
levier de transformation des connaissances en changements technologiques pour le déve-
loppement des économies du Sud. Elles s’appréhendent à travers la construction de capaci-
tés d’innovation mais également de capabilités permettant un meilleur développement des
hommes et des communautés. Le présent article se propose d’analyser le lien entre capa-
cités/capabilités, politiques d’innovation et développement économique dans les P.M.A.
Nous montrerons ainsi en quoi la constitution de politiques d’innovation au sens large
dans les P.M.A. est fondamentale avant d’en tirer un certain nombre de recommandations
pour le cas du Sénégal.
Mots-clés : Innovation, Développement, Sénégal, Compétences, Capacités, Capabilités,
Afrique

ABSTRACT
Capacities and Innovation Policies in the Less Developed
Countries : Lessons from the Case of Senegal
Innovation policies are essential to coordinate actors, resources and activities that generate
innovations for a development that meets the aspirations of people in different territories.
These policies are often positioned as a knowledge support transformation to technologi-
cal changes in the development of Southern economies. These policies are conceived
through building innovation capacities but also capabilities allowing better development

n° 53 – innovations 2017/2 DOI: 10.3917/inno.053.0013 13


Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

of individuals and communities. This article aims to analyze the relationship between
capacity/capabilities, innovation policies and economic development in the less developed
countries (L.D.C.). We will show how the constitution of innovation policies in the broad
sense is fundamental in L.D.C. before drawing recommendations for the case of Senegal.
Keywords : Innovation, Development, Senegal, Competencies, Capacities, Capabilities,
Africa
JEL Codes : O31

Les enjeux de développement que posent les Pays Moins Avancés


(P.M.A.) interrogent la capacité de ces derniers à se saisir des opportuni-
tés qu’offrent les évolutions technologiques et scientifiques pour nourrir un
dévelop­pement qui accomplit au mieux les aspirations sociétales. Cette ques-
tion est mise en débat dans les travaux sur les relations entre la recherche
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et l’innovation (Bozeman, 2011). Plus spécifiquement, la littérature sur
les politiques d’innovation dans les Pays Moins Avancés s’interroge sur la
problématique suivante : pourquoi l’innovation devrait être une politique
prioritaire dans les pays en développement ? (Chaminade et al., 2009). En
effet, les problèmes de pauvreté, sécurité alimentaire, endettement, d’insta-
bilités sont prioritaires pour les politiques publiques dans certaines écono-
mies moins avancées. La politique d’innovation ne serait-elle pas une forme
de luxe pour certaines économies n’ayant pas atteint un stade de dévelop­
pement suffisant ?
L’innovation est entrée dans le discours sur le développement depuis
peu (Lam, Lunvall, 2007) et dans l’ordre du jour des décideurs des orga-
nisations humanitaires internationales (UNCTAD, 2015a). Cette mise en
œuvre n’est pas chose simple. Les universitaires et les décideurs politiques
ont encore du mal à la conceptualiser, identifier les bénéficiaires et mettre
en cohérence les mesures politiques qui la sous-tendent (Borras, Tsagdis,
2008). La complexité des politiques d’innovation rend également l’utilisa-
tion des outils fragiles. Les systèmes d’innovation des P.M.A. sont particuliè-
rement hétérogènes et chaque système est enchâssé dans un environnement
socio-institutionnel particulier. Dès lors, si la science, technologie et inno-
vation se placent comme centraux dans les objectifs de croissance, il y a une
impérieuse nécessité d’intégrer l’apprentissage et la construction de com-
pétences comme objectif de développement et de réduction de la pauvreté
(Muchie et al., 2003). La construction de compétences, la modernisation
des infrastructures, les collaborations et les partenariats commerciaux sont
autant de challenges qui améliorent l’environnement macro-économique et

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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

social. Les spécificités institutionnelles des P.M.A. : contextes historiques,


trajectoires démocratiques, informalité du secteur productif, importance
des coordinations non marchandes (confiance, réciprocité, organisations
communautaires), fragilités fonctionnelles des institutions publiques, rôle
des O.N.G., déterminent des modes d’apprentissage à saisir dans la formu-
lation des politiques d’innovation. Il est alors nécessaire de réinventer la
croissance en impulsant les politiques d’innovation pour que les individus
et les communautés puissent résoudre leurs propres problèmes. Lundvall et
al. (2011) ont montré le lien entre l’approche sur les capacités d’innovation
et les capabilités de Sen au sens où le développement n’a d’intérêt qu’avec
les libertés substantives que les individus se dotent. Dans cette perspective,
nous situons les capacités d’innovation comme structurantes des autres
capabilités et comme un élément clé de construction des futures politiques
d’innovation.
Notre contribution vise à s’interroger sur le triple lien capacités/­
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capabilités, politique d’innovation et développement économique dans les
P.M.A. Si le lien entre capacité et politique d’innovation a déjà été large-
ment visité dans la littérature, notamment par l’École d’Aalborg (Lundvall,
1992), celui entre capabilités, innovation et développement économique
reste moins abordé. Après avoir posé le cadre autour de cette structuration,
nous en analyserons ses effets sur une réalité empirique relative à un P.M.A. :
le Sénégal. Ce pays a entrepris de larges efforts structurels depuis une ving-
taine d’années. À la lumière de ces éléments, nous nous pencherons sur ses
capacités d’innovation et principales difficultés d’élaboration de sa politique
d’innovation.

CAPACITÉS D’INNOVATION, POLITIQUE


D’INNOVATION ET DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE

Innovation et capacités d’innovation dans les P.M.A.


Dans la problématique des P.M.A. et plus globalement celle des Pays
en Développement (P.E.D.), l’innovation, comme aptitude à créer de nou-
veaux produits et procédés, demeure moins importante que sa capacité à
utiliser et à adapter les technologies existantes à des niveaux compétitifs
de coûts et de qualité (Lall, Pietrobelli, 2002). L’objectif d’innover s’iden-
tifie moins au niveau de la création de technologies que sur une réelle dif-
fusion de ces dernières. La capacité à innover est utilisée afin de mettre
en valeur les aptitudes des acteurs économiques à utiliser la connaissance

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Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

technologique tout en s’efforçant à assimiler, adapter et changer les tech-


nologies existantes (Kim, 1997). Cette capacité à innover représente un
certain nombre d’efforts réalisés afin de convertir les technologies impor-
tées en leurs utilisations productives. Ce sont des ressources dynamiques,
contrairement à la capacité de production qui se réfère aux équipements et
machines requises pour produire des biens industriels à des niveaux d’effi-
cience donnés (Bell, Pavitt, 1997). La focalisation sur les capacités d’inno-
vation déplace la notion d’innovation stricto sensu à celle d’apprentissage
passif ou actif. Contrairement à l’idée selon laquelle les pays en dévelop-
pement peuvent simplement importer les technologies des pays développés
et les utiliser sans réaliser d’efforts spécifiques, les capacités d’innovation
montrent que les entreprises n’ont pas la meilleure connaissance du cadre
technologique disponible et la manière de créer de nouvelles technologies
de manière efficiente. Comme le montre l’Encadré 1, trouver la technologie
appropriée à des prix adéquats nécessite efforts et risques entrepris par les
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États et entreprises. Le choix de la stratégie d’apprentissage a un réel impact
sur la capacité du pays à soutenir la croissance et la stabilité macro-écono-
mique du pays.
La création de capacités nécessite par ailleurs la formation de processus
d’apprentissage. Ces processus d’apprentissage sont riches en externalités et
interrelations entre producteurs et utilisateurs (Lundvall, 1988). Peu de ces
liens transitent par le marché et prennent place informellement à travers
l’apprentissage routinier. Dans cette perspective, la dimension interactive
de l’apprentissage va être essentielle. Selon Oyelaran-Oyeyinka (1997), une
dynamique positive se reproduit lorsque sont établis : (i) une variété de liens
nécessitant offreurs, producteurs et fournisseurs de services, (ii) une propen-
sion à la coopération et à la collaboration, (iii) un large nombre d’acteurs
diffusant l’information et la connaissance nécessaire à la production de
biens et services, (iv) une propension à l’incitation d’initiatives privées par
la demande publique, (v) un fort réseautage local-global formel et/ou infor-
mel. Ces interactions sont capitales dans la mesure où différents types de
connaissances vont pouvoir se combiner à travers de nouvelles trajectoires
et de nouvelles connaissances vont se créer.
Dans les P.M.A., les interactions, vectrices d’apprentissage, sont sou-
vent inexistantes, peu nombreuses ou inappropriées. L’asymétrie d’informa-
tions conduit à de faibles flux d’informations et de connaissances parmi les
acteurs du système d’innovation et les sphères académiques et productives
demeurent faiblement intégrées les unes aux autres. Le manque d’intégra-
tion entre les centres de recherche et le système productif s’explique par
deux principaux facteurs : l’accroissement exponentiel des effectifs dans les

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Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

Encadré 1 – Les composantes des capacités nationales d’innovation


Infrastructure basique
Routes, voies ferrées
Téléphone
Électricité
Formation basique du capital humain (éducation primaire et secondaire)
Hôpitaux
Infrastructure avancée
Universités
Formation de capital humain (niveau supérieur)
Instituts de recherche
Banques, établissements d’assurance
Firmes
Firmes domestiques dotées d’un capital humain et physique approprié afin d’inter-
naliser les flux technologiques
Filiales de firmes multinationales (comme les utilisateurs et créateurs de flux tech-
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nologiques)
Institutions formelles et informelles
Régime de propriété intellectuelle
Incitants promouvant l’adoption et la création de nouvelles technologies
Régime de taxation
Politique de concurrence
Promotion des investissements et projets ciblés
Organisation de partenariats entre acteurs économiques locaux
Organisation de partenariats entre acteurs économiques locaux et étrangers
Promotion de l’entrepreneuriat
Source : Narula (2004)

universités produit un effet d’éviction des activités de recherche au pro-


fit des activités d’enseignement. Seconde cause évoquée : l’insuffisance de
grands groupes industriels conduit à l’isolement des unités de production par
rapport aux centres de recherche et aux fournisseurs les privant d’effets de
rétroaction sur les processus d’apprentissage. Les capacités d’innovation sont
au final entravées par les difficultés des acteurs à s’interconnecter (Muchie
et al., 2003).
D’autres difficultés plus globales viennent s’ajouter à la problématique
des P.M.A. (Chaminade et al., 2012) :
–– Problèmes infrastructurels liés à un manque global d’infrastructures de
R&D (capacité d’expérimentation et d’analyse, connectivité numérique,
systèmes d’informations).
–– Problèmes de capacités technologiques liées aux structures productives
(faiblesses industrielles et des marchés).

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Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

–– Problèmes d’informalité et d’inter-connectivité des réseaux.


–– Problèmes institutionnels liés aux institutions et à leur faible fonction-
nalité dans le domaine de l’accompagnement des processus d’innovation
ou de gouvernance (corruption, clientélisme).
–– Problèmes de transition et de lock-in liés aux caractéristiques socio-his-
toriques des dépendances liées à l’histoire coloniale, au développement
des firmes globalisées, aux régimes politiques et religieux.
Ces contraintes et difficultés n’empêchent pas de donner aux capacités
d’innovation une dimension spécifique dans les P.M.A. (Casadella et al.,
2015). Tout d’abord, les capacités d’innovation sont très fortement rela-
tionnelles. L’impact des liens sociaux sur l’innovation et l’apprentissage
est fort puisque l’intensité de ces liens fournit de riches sources d’infor-
mation et de connaissances nécessaires aux activités d’innovation. Les
liens sociaux encouragent la confiance interpersonnelle. Cette dernière a
un effet important sur les relations sociales et la motivation à dévelop-
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per l’apprentissage dans une action commune. Les liens sociaux, à travers
la confiance, l’empathie, les relations affectives, sont autant de qualités
permettant l’acquisition plus rapide des connaissances et la promotion de
l’innovation.
L’innovation est ensuite représentée par les secteurs de faibles et moyennes
technologies sans se limiter aux secteurs de pointe et à la R&D (Johnson,
Lundvall, 2003). Tandis que les innovations dans les secteurs high-tech sont
sophistiquées et fondées sur la science et l’innovation radicale, l’innovation
dans les P.M.A. est le reflet de perspectives routinières d’apprentissage au
sein de petites structures traditionnelles. L’innovation est donc principale-
ment conduite de manière informelle par les techniques d’apprentissage par
la pratique, l’usage et l’interaction. Les activités de R&D ne sont pas clai-
rement et formellement articulées au sein de la stratégie de l’entreprise. On
comprend l’importance de l’ensemble des secteurs économiques à considérer
dans les processus d’innovation (Jensen et al., 2007).
L’innovation est vivement marquée par son environnement global et s’ap-
préhende à partir de ses propres trajectoires de développement. Le contexte
de l’innovation dans les P.E.D. est souvent complexe. Les économies sont
instables, vulnérables et les stratégies d’innovation sont liées à leur environ-
nement macroéconomique, politique, institutionnel et financier (Cassiolato
et al., 2003). Il est important de comprendre l’histoire et la structuration des
économies moins avancées pour pouvoir saisir leurs stratégies d’innovation.
L’hétérogénéité des trajectoires de développement est donc à considérer tout
comme les dynamiques de rattrapage par l’élaboration de capacités d’inno-
vation (Mytelka, 2003).

18 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

Enfin, les stratégies d’innovation des P.M.A. s’interprètent à travers leur


construction et non leur résultat technologique. Les stratégies d’innovation
du Sud revêtent un caractère a posteriori (ex-ante) afin que l’analyse sur les
processus d’apprentissage puisse se déplacer en amont sur ses conditions
d’émergence et de développement. On évoque généralement le terme de
construction du système d’innovation du Sud (Lundvall, 2002).
Dans cette dimension, deux approches sur les capacités d’innovation
dans les systèmes d’innovation vont s’opposer : une approche restreinte liée
aux activités de R&D et à la science et technologie (Nelson, 1993) et une
approche large liée aux processus d’apprentissage (Lundvall, 1992). En toute
évidence, c’est l’approche large (Tableau 1) qui mérite le plus d’attention
dans les P.M.A. au regard des éléments précités.

Tableau 1  –  Les terminologies des capacités d’innovation


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Les capacités d’innovation Sens étroit Sens Large
Organisations, institutions et Organisations promouvant
Capacités formelles réseaux formels liés à la science l’innovation en général,
et technologie institutions et réseaux formels
Réseaux et institutions Institutions informelles
informelles liés à la science et influençant l’innovation et
Capacités informelles technologie (formation sur le réseaux informels (comme
tas, formation en entreprise, les valeurs historiques et
conseil) culturelles)
Source : adapté de Schoser (1999)

Capacités, capabilités et développement économique


De cet intérêt porté à la dimension large des capacités d’innovation, en
ressort l’idée de développer les capacités d’apprentissage « comme un tout »
(Johnson, Lundvall, 2003). Ce sont des capacités inhérentes à tous les sec-
teurs de l’économie, des réseaux familiaux aux entreprises formelles. Elles
permettent l’acquisition de nouveaux savoirs, à l’origine des réseaux d’ap-
prentissage. La prise en compte de ces capacités va avoir un impact sur le
développement des économies moins avancées.
Le lien, entre capacité et développement, est peu mis en évidence dans
la littérature. Or l’innovation façonne le développement économique tout
comme le développement économique conditionne l’innovation (Casadella
et al., 2015). En effet, la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la
distribution des revenus demeurent liées à la capacité des pays pauvres à
maitriser l’utilisation, la diffusion et la création des connaissances.
Le développement économique s’appréhende à travers l’accumulation et
l’utilisation de ressources tangibles et intangibles. On parle d’innovation et

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Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

de développement inclusif pour montrer en quoi la croissance mais aussi


l’inclusion sociale sont importantes dans les économies moins avancées
(Lundvall, Lema, 2014). L’inclusion peut être passive ou active selon le
degré qu’ont les individus à jouer un rôle actif dans le développement écono-
mique. Le développement inclusif est un processus de changement structurel
considérant les aspirations des individus. Il redistribue les revenus générés
dans les secteurs formels et informels et leur permet de façonner la société
future en interaction avec d’autres groupes. On considère le développement
non plus comme une phase linéaire mais à travers un ensemble d’éléments
structurels et historiques pris dans leur contexte global. Cette perspective
appelle à la construction de capacités d’innovation uniques qui prennent en
compte la nature spécifique, sociale et les contextes spécifiques des écono-
mies en question.
Dans cette même perspective, les travaux de Lundvall et al. (2011) ont
associé l’innovation aux capabilités telles que définies par Amartya Sen. Ces
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capabilités relient la croissance économique au processus d’expansion des
capacités humaines de vivre des vies plus riches et plus libres. L’apprentissage
n’est plus uniquement une valeur instrumentale mais bien substantive à la
qualité de vie des individus. Cette valeur va de pair avec la rapidité des
nouvelles compétences et capacités à acquérir pour innover. On s’intéresse
plus concrètement aux conditions de vie et leurs liens sur l’apprentissage
et l’innovation (Johnson, Lundvall, 2003). L’ensemble des capabilités telles
que définies par Amartya Sen rejoint les « challenges » de développement
à construire dans les économies pauvres (Cassiolato et al., 2014). Il s’agit
de la prise en compte des aspects sociétaux ou environnementaux dans les
processus d’innovation. Dans leur ouvrage Sous-développement et innovation,
Arocena et Sutz (2003) montrent que les politiques d’innovation se traduisent
souvent par des politiques de bricolage. Dans certaines zones périphériques,
le potentiel scientifique et technologique est complètement mis à l’écart. La
solution présentée par les auteurs réside dans la construction de capacités
d’innovation du bas de l’échelle sociale dans une perspective ­bottom up avec
l’articulation de politiques annexes (éducatives, sociales). Pour ces derniers,
l’objectif de ces politiques d’innovation dépend de la capacité des acteurs à
générer de l’innovation et de l’apprentissage et ce, par la transformation de
secteurs traditionnels en systèmes d’innovation dynamiques. À l’intérieur de
ces secteurs traditionnels, certains aspects sont capitaux : informalité, qui
dépasse parfois la moitié du PIB d’une économie, c­ apital social et confiance,
valeurs sociales, castes et réseaux indigènes, société civile ou O.N.G. les-
quels se substituent très aisément au rôle de l’État. La multiplicité des acteurs
dans les P.M.A. amène à considérer les politiques d’innovation et d’appren-
tissage dans une démarche globale.

20 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

Il y a ainsi un regard crucial à porter sur le lien entre l’innovation et


le développement. D’abord car les inégalités liées au sous-développement
vont bloquer les processus d’innovation (accès à l’éducation et au système
de santé, qualité des infrastructures), mais également, car l’apprentissage
et l’innovation peuvent renforcer les inégalités à travers la pression sur les
salaires et les emplois.
Dernier élément récemment abordé dans la littérature : la construction
de compétences1. Les capabilités vont aussi comprendre cette construction de
compétences dans les économies moins avancées (Johnson, Lundvall, 2003).
La construction de compétences nécessite des processus d’apprentissage et
des opportunités au sein desquels les acteurs vont améliorer leurs capacités
d’apprentissage par la recherche de solutions éventuelles (Arocena, Sutz,
2001). Lundvall et Johnson (1994) ont précédemment rappelé que l’utili-
sation des connaissances est un problème majeur dans les économies déve-
loppées. Dans les économies pauvres, ce besoin est d’autant plus grand qu’il
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associe la problématique de construction de compétences à celle de l’amélio-
ration de la qualité de vie et de la réduction des inégalités.
La construction de compétences peut se réaliser sous différentes formes
dans les économies moins avancées (Lundvall, 2013) : il peut s’agir de la
transformation de la demande de matières premières vers le développement
de capacités d’innovation dans l’industrie et les services. Elle peut également
concerner la promotion de l’apprentissage basée sur l’expérience ou l’adé-
quation entre le secteur formel à forte valeur ajoutée et le secteur informel.
Les activités informelles peuvent en ce sens être influencées par l’utilisation
des technologies de l’information et de la communication.

Des capabilités aux modes de gouvernance des systèmes


d’innovation
La création de capacités et de capabilités renvoie à la prise en compte
des modes de gouvernance élaborés dans les P.M.A. Vers quelles politiques
d’innovation tendre dans une perspective de développement économique
dans les économies moins avancées ?
Il n’y a pas une forme spécifique de politique à considérer mais un ensemble
de contextes macroéconomiques très différents les uns des autres. Rodrik
(2007) montre comment les politiques ne doivent pas suivre les dictats de

1.  La notion de « Système d’Innovation et de Construction de Compétences » a été présentée


pour la première fois par le groupe Globelics en 2002 lors d’une Conférence Internationale sur
les Systèmes d’Innovation à l’Université d’Aalborg. Cette notion a été élargie aux P.E.D. et
Lundvall (2013) a récemment rappelé son importance dans les économies pauvres.

n° 53 – innovations 2017/2 21
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

la globalisation mais suivre leurs propres réalités économiques. Aucune


politique n’est meilleure. Les politiques indirectement liées à l’innovation
mais se rattachant à l’environnement macroéconomique ont largement plus
d’importance que les politiques d’innovation spécifiques et directement liées
à la R&D. Cela renvoie à la définition large des capacités d’innovation et
aux « challenges » de développement dans les politiques d’innovation du
Sud (Cassiolato et al., 2014). Ces derniers ont des implications sur les choix
politiques visés avec par exemple la priorité donnée à un certain type de
technologie ou d’institutions. Dès lors, le challenge majeur est d’analyser le
développement économique comme le passage des transformations socié-
tales aux processus d’innovation.
Un des points importants pour la réalisation de politiques d’innovation
est la sélection des politiques choisies en rapport avec les problèmes iden-
tifiés dans le système d’innovation (Borras, Edquist, 2013). Ces problèmes,
cités précédemment, sont définis comme la faible capacité du système
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d’innovation à soutenir la création, l’absorption, l’utilisation et la diffu-
sion de connaissances grâce à l’apprentissage interne interactif ou en R&D
(Carlsson, Jacobsson, 1997). L’idée est de ne pas retenir les instruments opti-
maux mais de considérer un certain nombre d’instruments en fonction de
leur contexte.
Le graphique suivant montre les liens entre capacités, capabilités et
innovation pour la constitution des politiques d’innovation. Les capacités
d’innovation représentent le jalon des politiques d’innovation. Ce sont ses
béquilles, représentées par les capacités nationales d’innovation (Encadré 1)
qui vont structurer et consolider l’établissement de politiques d’innovation.
Viennent ensuite les capabilités, représentées par le conditionnement de la
société au sens large : niveau de démocratie, politiques éducatives, poli-
tiques sociales, niveau de pauvreté. Ces capabilités ont un lien direct avec
la croissance et développement économique puisqu’elles permettent aux
économies moins avancées d’améliorer les conditions de vie des individus
et communautés. Vient enfin la perspective de développement économique
qui ne pourra se réaliser qu’avec la construction de capacités d’innovation,
de compétences et de capabilités.
Dans les économies pauvres, une transformation économique ne peut
avoir lieu que si un cadre politique met en place un changement structu-
rel et technologique encourageant le progrès économique. Selon Oyelaran-
Oyeyinka (2014), il y a un besoin de politiques dynamiques d’innovation
face au système mondial de plus en plus complexe, fondé sur la connaissance,
et axé sur l’innovation. Le rôle de la politique d’innovation est d’accompa-
gner les activités de la firme en supportant les interactions entre acteurs éco-
nomiques et non économiques. Cette dernière est scindée en deux types de

22 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

Figure 1  –  Les interactions entre capacités, capabilités et développement


économique dans les P.M.A.

Développement économique

Capabilités  et construction 
de compétences 

Capacités 
d’innovation 
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Source : Auteurs

politiques : celles directement liées aux processus d’apprentissage et d’inno-


vation et celles qui sont indirectement liées à ces dernières (Fagerberg, 2015).
Il y a d’abord l’ensemble des politiques publiques indirectement liées aux
processus d’innovation et de R&D mais dont leur mise en place est priori-
taire dans les P.M.A. L’ensemble des systèmes macroéconomiques affecte les
décisions, en ayant de larges impacts sur la compétitivité et le changement
technique (Coutinho, 2003). Ces politiques sont les politiques éducatives,
de santé, financières, mais également les décisions prises au niveau décentra-
lisé et déconcentré. Elles influent sur les politiques d’innovation qui, elles,
sont relayées au premier plan des processus d’apprentissage : il s’agit des poli-
tiques d’apprentissage et non des politiques scientifiques et techniques ainsi
que des politiques d’expérimentation technologique.
–– La politique d’apprentissage n’a de sens qu’avec des objectifs à long
terme. On parle de politique continue d’apprentissage (Clark, Juma,
1987). L’innovation est un processus localement situé. Elle relate du
développement endogène de la capacité d’entreprendre des activi-
tés économiques spécifiques. Ce qui ne signifie pas que l’apprentissage
localisé n’a pas d’effets sur le système entier. La nature non linéaire des

n° 53 – innovations 2017/2 23
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

nouvelles informations introduites dans l’environnement économique


crée de larges variations dans le système tout entier. Cette capacité d’en-
treprendre dépend de comment les institutions peuvent reproduire les
expériences acquises mais également de la mise en place de politiques
d’apprentissage (formation tout au long de la vie, éducation, accès aux
institutions supérieures).
–– La politique d’expérimentation technologique devient une pierre
angulaire dans le développement et la mise en place des politiques
d’innovation dans les pays en développement (Rodrik, 2008). Rodrik
(2006, 2010) montre que l’économie mondiale fondée sur les connais-
sances et capacités n’est pas représentée par des trajectoires universelles
de croissance et de développement. Il est nécessaire que les politiques
mettent en place des systèmes d’expérimentation entre les outils que les
gouvernements vont proposer et les institutions pertinentes. L’efficacité
des politiques d’innovation dépend d’un large éventail d’acteurs de ceux
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formellement identifiés (rôle des O.N.G., systèmes de réseaux informels,
etc.). Les acteurs politiques doivent expérimenter de nouveaux outils
avec les différents acteurs pour apprendre à apprendre. L’approche expé-
rimentale a beaucoup fait parler d’elle ces dernières années dans l’éco-
nomie du développement (Banerjee, Duflo, 2009). Son recours est de
plus en plus souvent cité comme une forme prometteuse de réforme de
politique publique et dernièrement d’innovation (par la mise en place de
programmes d’innovation ciblés par exemple).
–– La politique scientifique et technologique représente l’ensemble des
actions politiques directement orientées vers la science et technologie.
Par son contrôle sur les instruments réglementaires, les lois sur les droits
de propriété, les systèmes de brevets, les législations antitrust, la fiscalité
sur les entreprises innovantes, l’État est perçu comme capable de créer
des conditions nécessaires pour déclencher l’interaction public-privé et
créer de nouvelles capacités d’innovation et de recherche. Dans cette
perspective, l’État doit également jouer un rôle dans la négociation
d’accords commerciaux ainsi que la promotion des investissements. Mais
aucune politique scientifique ne peut être mise en place si d’autres outils
plus larges n’ont pas déjà été mis en exergue. Par exemple, en Afrique
Subsaharienne, les ambitions des politiques d’innovation se donnent
un double objectif (UNCTAD, 2015b) : à la fois encourager la capacité
d’absorption technologique des entreprises afin d’accroitre leur capacité
à créer des connaissances mais aussi et surtout créer des mises en système
des différents changements technologiques, économiques sociaux pour
répondre aux besoins du développement. L’absorption technologique va
de pair avec les politiques sociales et de réduction de pauvreté.

24 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

Les conditions macroéconomiques sont, elles aussi, particulièrement


importantes dans la réalisation de politiques d’innovation. Comme précé-
demment évoqué, l’environnement macroéconomique est souvent bancal
dans les économies moins avancées. Le contexte économique, historique,
culturel, politique doit permettre de configurer dans une large mesure l’édifi-
cation de politiques publiques à mener.
Au final, Stiglitz et al. (2013) montrent que les sociétés apprenantes sont
celles qui ont su passer de l’économie de l’apprentissage au développement
inclusif. Cela se réalise quand l’apprentissage est appréhendé de manière
large par la société et les gouvernements et quand les connaissances sont
diffusées dans un large panel institutionnel de l’économie.

INNOVATION ET POLITIQUE D’INNOVATION


DANS LES P.M.A. : REGARDS PORTÉS
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AU CAS DU SÉNÉGAL

Capacités d’innovation dans les P.M.A.


La justification du choix des P.M.A. se traduit par la rareté des recherches
sur les capacités d’innovation dans les pays les plus démunis. L’insuffisance
de données et le manque d’informations limitent ensuite l’analyse des condi-
tions d’émergence des capacités d’innovation des économies pauvres. Mais
la raison principale réside dans la portée des recherches sur l’innovation
lesquelles sont susceptibles de paraître provocantes eu égard aux problèmes
prioritaires fondamentaux comme la pauvreté et la faim. Les travaux sur les
capacités d’innovation dans les P.M.A. paraissent inappropriées, d’abord
parce que ces pays n’ont généralement pas les bases scientifiques pour être
suffisamment analysés mais surtout parce que la construction de capacités n’a
été jusqu’à présent que rarement incluse aux stratégies de développement.
La liste des P.M.A. est réexaminée tous les trois ans par l’O.N.U.
Actuellement on compte 48 pays, dont 34 sur le continent africain (Afrique
Subsaharienne). Les critères retenus sont les suivants :
a) Le critère du revenu par habitant, fondé sur une estimation moyenne
du revenu national brut (RNB) par habitant effectuée sur trois ans, avec
un seuil de 992 dollars pour pouvoir être ajouté à la liste, et un seuil de
1 190 dollars pour en être retiré.
b) Le critère du capital humain, dans lequel intervient un indice compo-
site (l’indice du capital humain) basé sur les indicateurs suivants : i) nu-
trition (pourcentage de la population qui est sous-alimentée), ii) santé

n° 53 – innovations 2017/2 25
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

(taux de mortalité infantile), iii) scolarisation (taux brut de scolarisation


dans l’enseignement secondaire), et iv) alphabétisation (taux d’alphabé-
tisation des adultes).
c) Le critère de la vulnérabilité économique, dans lequel intervient un
indice composite (l’indice de vulnérabilité économique) basé sur les
indicateurs suivants : i) chocs naturels (indice d’instabilité de la produc-
tion agricole, et part de population victime de catastrophes naturelles),
ii) chocs commerciaux (indice d’instabilité des exportations de biens et
services), iii) exposition physique aux chocs (part de population vivant
dans des zones de faible élévation), iv) exposition économique aux chocs
(part de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche dans le PIB, et in-
dice de concentration des exportations de marchandises), v) petite taille
économique (taille de la population en logarithme), et vi) éloignement
économique (indice d’éloignement).
En 2014, la population des P.M.A. était de 898 millions d’habitants, soit
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1/8 de la population mondiale. Dans les P.M.A., l’impact de l’écart en termes
de capacités n’a nulle peine à se percevoir. La littérature économique tend
à démontrer que l’Afrique subsaharienne n’a pas seulement réussi à amélio-
rer sa position compétitive internationale mais a rapidement pris du retard
(Lall, Pietrobelli, 2002).
Au regard du tableau ci-dessous, la maigre production industrielle de
l’Afrique est évidente et apparaît comme la plus fragile comparée aux autres
régions économiques. Comme le souligne Freeman (2002), l’inégale distri-
bution des bénéfices et des coûts sociaux se produit sur une échelle interna-
tionale, avec certaines nations tirant bénéfice des nouvelles technologies
et d’autres incapables de le faire. L’Afrique a pris du retard en termes de
capacités technologiques Sa structure reste traditionnelle, dominée par la

Tableau 2  –  Représentation mondiale de la production industrielle

Part de la production industrielle


(en %)
Monde 100 %
Économies industrialisées 63,4 %
Amérique du Nord 20,6 %
Est de l’Asie 15,4 %
Pays en développement 36,6 %
Afrique 1,2 %
Asie et Pacifique 26 %
Amérique Latine 6,6 %
Autres 2,8 %

Source : UNIDO (2016)

26 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

fabrication de biens de consommation visant à satisfaire les marchés domes-


tiques. Sa capacité à importer et exploiter les technologies importées à des
fins d’apprentissage technologique s’avère laborieuse. Tandis que la crois-
sance de la productivité est très faible, les entreprises africaines restent en
deçà des niveaux techniques des meilleures pratiques technologiques inter-
nationales ainsi qu’au-dessous des niveaux atteints par d’autres pays en
développement. De ces divers aspects, en résultent à la fois une situation de
décalage technologique certaine et un constat évident selon lequel l’Afrique
subsaharienne n’est pas parvenue à combler son retard (Wangwe, 2003).
L’écart technologique entre cette dernière et les autres régions est
incontestable en termes de différence d’accès aux diverses composantes de
la construction de capacités technologiques. Comme le montre le tableau
suivant, l’Afrique subsaharienne se détache des pays en développement en
termes d’accès à l’enseignement supérieur. Les pays en développement ont
un taux trois fois plus élevé que celui de l’Afrique Subsaharienne et celui des
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pays développés plus de 10 fois plus élevé.

Tableau 3  –  Taux d’accès à l’enseignement supérieur dans le monde

En % 1999 2010


Monde 18 % 29 %
États arabes 20 % 24 %
Europe de l’Est et centrale 40 % 66 %
Amérique Latine et Caraïbes 21 % 40 %
Amérique du Nord et Europe occidentale 61 % 76 %
Asie de l’Ouest et du Sud 8 % 17 %
Asie de l’Est et Pacifique 15 % 29 %
Afrique Subsaharienne 4 % 7 %
Pays développés 56 % 73 %
Pays en développement 11 % 22 %
Pays en transition 41 % 58 %

Source : UNESCO, 2012

Au niveau de la R&D, la représentation est tout autant frappante


(Tableau 4). Les P.M.A. ont une très faible part de leur dépense intérieure
de R&D (DIRD) : 0,3 % contre 4,6 % dans les économies à revenus inter-
médiaires. Le continent africain, tout comme les États arabes d’Afrique
apportent une mince contribution au total mondial des dépenses de R&D.
Même si de forts contrastes sont à noter sur la répartition du continent afri-
cain en termes de dépenses en R&D, l’Afrique rencontre de larges difficul-
tés pour rester en course dans un environnement mondial de plus en plus
concurrentiel.

n° 53 – innovations 2017/2 27
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

Tableau 4  –  Part de la dépense mondiale de la R&D dans le monde en 2013

Pays et régions Part de la DIRD mondiale (%)


Amérique du Nord 28,9 %
Amérique latine 3,4 %
Afrique 1,3 %
Afrique subsaharienne 0,8 %
États Arabes d’Afrique 0,6 %
Asie 42,2 %
Pays moins avancés 0,3 %
Économies à revenus
4,6 %
intermédiaires

Source : UNESCO, Rapport sur la science, 2015

Dans cette perspective, l’écart technologique, au-delà de l’accès aux


connaissances technologiques, se perçoit à travers l’apanage de trois pro-
blèmes fondamentaux (Oyelaran, Oyeyinka, 2004). Le premier est lié à
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l’incapacité des institutions locales à interagir avec les acteurs productifs
afin de garantir une dynamique technologique autonome suffisante. Le deu-
xième est relatif à la difficile construction de connaissances locales, à travers
les connaissances tacites des petites structures industrielles africaines, les-
quelles n’ont pas réussi à faire face aux nouveaux besoins au sein d’un envi-
ronnement compétitif instable. La troisième porte enfin sur le sentiment de
blocage des techniques répétitives d’apprentissage par imitation créant de
faibles opportunités à renouveler et moderniser les connaissances des entre-
prises africaines. Au total, l’exclusion technologique suivie de la difficulté à
construire une dynamique d’apprentissage a tendance à limiter les perspec-
tives futures de développement économique.

Application empirique au cas du Sénégal


Il convient dans cette dernière partie de s’intéresser à un pays d’Afrique
Subsaharienne afin d’avoir un focus plus précis de leur capacité et politique
d’innovation. Le choix a été porté sur le Sénégal. Jusqu’en 2000, il n’avait
jamais été cité comme admissible dans la catégorie P.M.A. Même la chute
de son PIB à la suite de la dévaluation du FCFA de 1994 n’entraîna pas son
admissibilité dans la liste des P.M.A. Selon le Ministère de l’Économie et
des Finances du Sénégal, ce sont principalement la faiblesse de ses résultats,
la détérioration de ses indicateurs socio-économiques ainsi que l’évolution
des critères de détermination de la liste des P.M.A. qui ont fait basculer le
Sénégal depuis l’an 2000 en P.M.A.
Nous avons donc pris comme méthodologie empirique les 4 éléments
qui vont influer sur la politique d’innovation d’un pays (Fagerberg, 2015) :

28 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

ses conditions macroéconomiques, sa politique d’apprentissage, sa politique


scientifique et technologique et les interactions systémiques entre acteurs.
Une dernière sous-partie sera consacrée à l’analyse des facteurs de blocage
et recommandations de la politique d’innovation au Sénégal. Les données
mobilisées sont celles récoltées par les organismes internationaux et les dif-
férents Ministères du Sénégal.

Conditions macroéconomiques

Le premier constat à émettre au cas du Sénégal est relatif à l’absence de


dynamisme de son économie en général. Le Sénégal se distingue par l’ina-
daptation de ses institutions et par de faibles performances économiques.
Avec un PIB de 15,66 milliards de $ en 2014, il se place à bien des égards
comme un pays retardataire, même s’il demeure un des pays les plus riches
d’Afrique subsaharienne en termes de PIB/habitant (1 067 $ en 2014). Les
programmes de réforme économique ont été nombreux et s’accompagnent
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de dynamiques politiques, sociales et économiques. Petit pays de 14 millions
d’habitants, la population active est évaluée à 6,3 millions d’individus en
2014, représentant 44 % de la population totale. Sur le plan économique,
son taux de croissance avoisine les 3 % laissant penser à des perspectives
économiques positives à venir. Mais l’économie sénégalaise reste en diffi-
culté par rapport aux autres économies africaines étant dotées de ressources
naturelles abondantes. Même problématique pour la pauvreté qui demeure
le point faible de son économie (plus de 46 % de la population) et provien-
drait de déséquilibres de la distribution des revenus.

La politique d’apprentissage

Depuis 2013, le Sénégal conduit un Programme d’Amélioration de la


Qualité, de l’Équité et de la Transparence (PAQUET) afin de planifier les
principales réformes scolaires et de réduction de la pauvreté au Sénégal. Ce
programme vise à la réalisation d’une scolarité primaire universelle, un accès
équitable selon le sexe, la réduction de la pauvreté et la formation qualifiante
des jeunes et adultes. Programme louable mais insuffisant au vu des résultats du
PNUD (2011) où le taux d’alphabétisation est de 46,7 %, soit un classement à
la 170e sur 182 pays. En effet, de larges problèmes structurels persistent :
–– un coût élevé de la scolarisation pour les parents d’élèves,
–– une insuffisance des structures d’accueil et un dénuement dans lequel
se trouve un nombre important d’établissements publics.
En parallèle, les établissements privés d’enseignement supérieur ont vu
leurs effectifs augmenter avec une tendance à la féminisation des effectifs et
une forte présence des classes aisées.

n° 53 – innovations 2017/2 29
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

Un autre aspect crucial de la politique d’apprentissage est lié aux for-


mations tout au long de la vie (formations professionnelles, en entreprise,
congés de formation, etc.). Au Sénégal, la structure du bassin des entre-
prises est caractérisée par une minorité des grandes entreprises et une très
grande majorité de petites et micro entreprises appartenant pour la plupart
au secteur informel. Selon le ministère du Commerce du Sénégal, ce secteur
représente plus de 300 000 UPI (unités de production informelles) et plus de
450 000 personnes dans les branches marchandes non agricoles (avec une
moyenne de 1,5 emploi par unité). Il est notamment caractérisé par une
très grande précarité des conditions d’activité et contribuerait à hauteur de
55 % du PIB. Malgré la création d’institutions formelles telles que l’ISADE
(Institut Supérieur Africain pour le Développement de l’Entreprise), très
peu d’entreprises bénéficient de formation extérieure formelle. Les princi-
pales sources d’apprentissage restent l’apprentissage sur le tas et informel
(Casadella, 2010).
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La politique scientifique et technologique

Les investissements technologiques réalisés par un pays contribuent à for-


mer les capacités qui bâtissent les systèmes d’apprentissage. La capacité tech-
nologique se mesure de manière conventionnelle à travers des éléments liés
à la Recherche et Développement (R&D). Parmi ces derniers, on compte les
dépenses en R&D, le financement de l’activité de recherche, le nombre de
scientifiques et leur répartition selon les secteurs de l’économie.

Les dépenses en R&D

Les politiques d’ajustement structurel des années 1980 ont déstabilisé


jusque dans les années 2000 les stratégies publiques d’investissement dans
les capacités scientifiques et technologiques et les infrastructures publiques
qui sécurisent l’accès à l’eau, l’énergie et les transports nécessaires aux inves-
tissements productifs. Depuis les années 2000, on note leur renouvellement
en faveur de l’innovation. La mise en œuvre au Sénégal de la Stratégie de
Réduction de la Pauvreté (SRP) et la concrétisation de programmes inté-
grés, comme la « Stratégie Nationale de Développement Économique et
Social » (SNDES) sont des inflexions salutaires pour les années à venir. Le
ratio des dépenses de R&D sur le PIB marque une tendance d’augmentation
affirmée étant passé de 0,45 % en 2008 à 0,73 % en 2013 (Banque Mondiale
2013). Il est désormais proche de la moyenne de 0,8 % observée dans les
pays émergents. Sur cet aspect, une certaine volonté politique est réelle et
bien visible.

30 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

Le financement de l’activité de recherche

Le contexte de renouvellement dans lequel s’inscrivent les politiques de


recherche et d’innovation en Afrique est marqué par la croissance accélé-
rée de l’Enseignement Supérieur qui, tout en concentrant le recrutement
actuel d’enseignant chercheurs, pose la question d’adaptation des structures
de financement des programmes de recherche publique (OCDE, 2013). Au
Sénégal, le financement reste surtout orienté vers la R&D dans le secteur
agricole et alimentaire (1 milliard environ de FCFA pour la R&D agricole,
contre environ 600 millions sur la R&D industrielle) et sur des fonds étran-
gers. L’État finance en effet pour 58 % sa R&D, quasi 38 % étant de fonds
étrangers, et seuls 4 % sont représentés par les fonds privés locaux.

Le nombre de chercheurs et leur rémunération

Avec 376 chercheurs par millions d’habitants, le Sénégal est le 3e pays


après l’Afrique du sud et l’Égypte en termes de nombre de chercheurs. Le
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tableau suivant permet de mettre en exergue une comparaison du Sénégal
avec d’autres économies en développement. On constate rapidement que ce
pays a mis en place une politique de revalorisation de la fonction d’ensei-
gnant chercheur et propose désormais un niveau de rémunération moyen
parmi les plus élevés de l’Afrique. Ce niveau de rémunération est un cri-
tère important pour rendre compte de l’intensité avec laquelle les États ont
rendu prioritaire le rôle de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Tableau 5  –  Les salaires des enseignants chercheurs en euros

2013‐ Equivalent Euros
Salaire enseignant chercheur Malaisie Maroc Cameroun Sénégal
Assistant de recherche 1200 300 443 1200
Maitre de conférences 1600 900 615 1680
Professeur d'université 2350 1850 692 1900
PIB‐ habitant 7700 2300 1846 933
Salaire moyen 1717 1017 584 1593
Ratio salaire moyen/ PIB‐ habitant 0,22 0,44 0,32 1,7
Sources : Rapport sur la science, UNESCO (2015) et Bisson, P., Alami, S., Temple, L., (2014).

La gouvernance du Système National d’Innovation

Au-delà des moyens quantitatifs, ce sont les capacités à rendre efficace


la mobilisation de ces moyens qui sont interpellées. Ces capacités sont en
relation avec l’existence d’infrastructures technologiques (dispositifs d’expé-
rimentation, de connexion à l’économie numérique) ou de mécanismes de

n° 53 – innovations 2017/2 31
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

gouvernance permettant de créer de la cohérence entre les actions des diffé-


rentes parties prenantes.
Le paysage institutionnel est très dense au Sénégal. On identifie
l’Agence Sénégalaise de l’Innovation Technologique, l’Association séné-
galaise de normalisation, l’Agence de promotion de l’investissement et
le Service de la Propriété Individuelle qui portent différentes actions et
initiatives d’appui à l’innovation. Mais cette multiplication des infras-
tructures rend complexe la cohérence de leur portée. Il en est de même
pour l’activité de recherche. La gouvernance de la politique d’innovation
est définie par le Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche
Technologique qui bénéficie d’une coordination par une Agence Nationale
de la Recherche Scientifique Appliquée. Au total, l’absence de pilotage
unique de la recherche se traduit par une dispersion et émiettement de
cette dernière à travers une multiplication et superposition de priorités et
un manque de dispositifs permettant de structurer la concertation entre
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chercheurs.

Les interactions systémiques

Dans un contexte de réforme des politiques publiques pour construire des


systèmes d’innovation nationaux, la mise en système des actions des par-
ties prenantes est interpellée. Elle peut s’analyser en portant le focus sur
les collaborations entre institutions dédiées à la formation et les capacités
d’apprentissage en entreprises.
Les « collaborations horizontales » (acteurs ayant une même fonction
entre entreprises) prennent souvent un aspect informel dans les économies
en développement. La connaissance tacite (non codifiée) s’y transmet ou se
forme au sein de processus d’apprentissage et d’institutions sociales domes-
tiques non marchandes. Les systèmes d’informations adaptés aux besoins du
secteur entrepreneurial sur les ressources que propose la recherche nationale
en termes de connaissances nouvelles, de résultats, de capacité de formation,
restent à construire.
Les « collaborations verticales » entre entreprises et institutions de for-
mation portent sur les conditions de mobilisation des connaissances sont
codifiées. Elles sont transmises dans des apprentissages institutionnalisés
dans les universités, les centres de recherche (le laboratoire) ou toutes autres
activités de service. Ces apprentissages sont au centre des mécanismes d’ab-
sorption technologique qui mobilisent des technologies et connaissances
globalisées.
Ces collaborations verticales sont fragilisées par plusieurs dysfonction-
nements sur principalement la faiblesse des enseignements d’ingénierie

32 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

technologique au sein d’enseignements universitaires très académiques et le


manque de finalisation des orientations de recherche ou des offres de forma-
tion au regard des demandes entrepreneuriales. Une difficulté majeure est de
pouvoir répondre au besoin de transformation d’accompagnement technolo-
gique au sein du secteur informel.
Si les divers liens entre acteurs formels et informels permettent d’identifier
et de promouvoir des créneaux de développement potentiel, leur présence
au Sénégal est bien peu vérifiable. Pour la plupart, les réseaux de contacts
utiles, lorsqu’ils se construisent, se font entre petits commerçants informels.
Le manque de confiance porté autour des institutions et le manque d’intérêt
des interfaces à l’égard des petites et micro entreprises sénégalaises amènent
les dirigeants d’entreprise à ne compter que sur leur propre savoir-faire. Les
capacités locales se trouvent en ce sens limitées quant à leurs opportunités
d’apprentissage.
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Identification des facteurs de blocage et recommandations

Au regard des éléments empiriques mobilisables, on retient deux élé-


ments :
–– Des efforts louables entrepris à travers de (trop !) nombreux pro-
grammes, plans, concertations, stratégies dont les fruits ont été portés par
la revalorisation des salaires des enseignants chercheurs ou l’augmenta-
tion constante des dépenses publiques d’enseignement.
–– Un problème de gouvernance du système d’innovation marqué par
un manque de visibilité et de concertation entre les chercheurs et une
absence quasi-totale de liens et synergies entre acteurs des processus d’in-
novation.
Se pose alors la question suivante en lien avec notre précédente démarche
théorique : a-t-on créé dans ce pays suffisamment de capacités pour promou-
voir l’innovation ? Et les a-t-on transformées en capabilités dans une optique
de développement économique durable ?
On ne peut ôter à Macky Sall, actuel Président de la République et élu
depuis 2012, une volonté de promouvoir l’innovation dans son pays. Pour
preuve, la création de la technopole dakaroise et l’ensemble des démarches
nationales précédemment citées (notamment la revalorisation des salaires
des enseignants chercheurs). La presse sénégalaise met souvent en exergue
la volonté de l’État à soutenir les projets autour de l’innovation et la pro-
motion de l’invention et de l’innovation technologique (GPPRIIT). Sans
naïveté aucune portée à toutes les démarches réalisées, on identifie deux
problèmes majeurs : d’abord le manque de volonté de constituer un réel

n° 53 – innovations 2017/2 33
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

système d’innovation, puisqu’ici le pays choisir de promouvoir l’innovation


sans réelle articulation entre réseaux, organisations et institutions techno-
logiques et surtout, le choix politique porté autour d’un seul type d’inno-
vation : l’innovation technologique. Dans un P.M.A., il n’est guère effi-
cace de s’en tenir à la définition stricto sensu de l’innovation. Nous avons
préalablement mentionné en quoi la définition large des capacités était
essentielle dans les économies les plus pauvres. Ce pays semble être dans
l’optique d’une seule formalisation et construction de capacités technolo-
giques – quoi que bien évidemment à modérer, au vu des statistiques de la
R&D.
Mais il existe un autre problème : celui de la reconnaissance de l’informel
dans les outils stratégiques gouvernementaux. La qualification de la main-
d’œuvre est largement assurée dans le cadre de structures informelles par
le biais de l’apprentissage. À la question de savoir quels acteurs utilisent
les capacités, la réponse se situe au niveau des O.N.G lesquelles se substi-
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tuent largement à l’État et tentent de participer au financement des activités
de formation des petites entreprises informelles. Le rôle de l’apprentissage
demeure une dimension forte de l’intervention des O.N.G. Ces dernières
conçoivent et mettent en œuvre des formations diversifiées et adaptées aux
besoins locaux. Elles constituent actuellement un des dispositifs centraux
de prise en charge des besoins des populations. Au Sénégal, le problème
n’est pas de supprimer l’apprentissage informel pour le « formaliser » mais
plutôt de faire coexister les savoirs indigènes avec les activités formelles. Les
sources formelles sont indispensables à l’absorption de connaissances étran-
gères. L’utilisation de technologies nouvelles par une main-d’œuvre compé-
tente requiert nécessairement une formation cofinancée pour garantir une
appropriation de nouvelles connaissances. Sur ce point, les gouvernements
successifs n’ont pas su agir et les salariés n’ont disposé d’aucune reconnais-
sance sociale sur le marché du travail. L’enlisement dans l’informel en est
ainsi devenu un cercle vicieux et légitimé.
Pour en venir aux capabilités, là aussi, certaines démarches inclusives ont
été réalisées. Si l’ensemble des programmes précités montrent que l’innova-
tion n’est pas un luxe mais bien indispensable à une optique de croissance
économique, il ne revêt de cohérence qu’avec l’accompagnement de poli-
tiques économiques et sociales majeures. En effet, le fragile développement
économique du pays a des répercussions directes sur la capacité d’innovation
nationale, déjà fragilisée par sa faible qualité institutionnelle. De plus, les
effets néfastes des politiques d’ajustement structurel ont eu un large impact
sur l’aptitude du pays à développer ses capacités scientifiques et technolo-
giques. Enfin, la dégradation des services sociaux, la réduction du pouvoir
d’achat, les problèmes de transport, d’eau et d’électricité ou de soins en santé

34 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

limitent automatiquement les capacités technologiques lesquelles n’ont pu


exercer leur talent de production. Pour ne citer que quelques exemples sur
la fragilité des politiques sociales au Sénégal, le niveau de protection sociale
ne couvre que 20 % des travailleurs, et sur le plan médical, la Sénégal n’a
pas encore atteint les normes préconisées par l’OMS en termes de couver-
ture en infrastructures sanitaires et personnel qualifié (SNDES, Ministère du
Sénégal, 2012).
Des politiques sociales balbutiantes couplées avec la création d’infras-
tructures technologiques modernes ? On en vient alors à se demander s’il
faut continuer à construire des politiques d’innovation ou à prioritairement
améliorer les problèmes fondamentaux du pays. Problématique majeure
précédemment soulevée dans les travaux sur l’innovation systémique dans
les pays pauvres (Muchie et al., 2003). Dans le cas du Sénégal, il nous
paraît indispensable de construire ces politiques d’innovation à la double
condition suivante : la considération des politiques d’innovation au sens
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large, et, accompagnées de réformes économiques et sociales majeures.
L’interprétation des politiques d’innovation au sens large est bénéfique
dans l’optique de création d’un réel système d’innovation (apprentissage/­
expérimentation technologique/S&T). Les réformes économiques et
sociales permettent inéluctablement de meilleures conditions d’apprentis-
sage et donc d’innovation.
Ces politiques d’innovation couplées aux stratégies de développement
sont indispensables sur un triple aspect :
–– les Africains doivent inventer des solutions propres aux maux qui les
rongent (Robert, 2004) et ils n’y parviendront que grâce à la construc-
tion de leurs propres capacités d’innovation,
–– l’économie sénégalaise manque de vision à long terme, exactement
comme on a pu le constater dans les politiques menées antérieurement,
notamment dans la phase d’ajustement des années 1980. L’idée de cou-
pler l’innovation et le développement permettrait justement d’y parvenir
à travers la prise en compte du développement durable et des multiples
enjeux sociétaux,
–– les cultures africaines sont parfois empreintes d’un certain fatalisme
(Berthelemy et al., 1996) dont il est bon de rompre à travers la mise en
exergue des multiples talents, compétences et capacités locales.

n° 53 – innovations 2017/2 35
Vanessa Casadella, Sofiane Tahi

CONCLUSION
Les politiques d’innovation doivent être repensées autour de réponses
appropriées (Rodrik, 2007). Tout cela démontre que l’État peut ne pas
adopter d’instruments pertinents pour accélérer le progrès technique et le
développement. Si dans le cas des économies du Sud Est asiatiques, les gou-
vernements ont su déployer des politiques d’innovation en reconcevant les
infrastructures et les institutions, dans le cas des P.M.A. africains, l’identifi-
cation de problèmes majeurs explique souvent l’échec de l’intervention de
l’État (Oyelaran-Oyeyinka, 2014). Dans le cas du Sénégal, il n’existerait pas
de réel système national d’innovation et encore moins d’orientation stra-
tégique vers une réelle « société d’apprentissage » : manque de liens por-
teurs entre la science et l’industrie, politique d’apprentissage encore fragile
et conditions macroéconomiques peu favorables au développement du pays.
L’État échoue dans sa capacité à percevoir la dynamique d’innovation dans
sa globalité. Certes, le Sénégal doit en priorité développer et moderniser
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son infrastructure scientifique pour arrêter la fuite des cerveaux vers l’exté-
rieur et doit donc accroître ses moyens de développer ses activités de R&D.
Mais en jouant sur la stratégie d’innovation technologique, il faut obliga-
toirement se donner les moyens de développer ce secteur. Or, il apparaît de
nombreux problèmes liés à la capacité et aux conditions d’appropriation des
outils techniques par les structures et les acteurs de l’économie. À quoi bon
développer les technologies sans investir suffisamment dans la R&D ?
Mais la modernisation des connaissances ne passe pas uniquement par les
capacités technologiques, elle passe avant tout par des capacités et oppor-
tunités visant à promouvoir les savoirs traditionnels et la culture d’appren-
tissage dans un ensemble de secteurs considérés (et notamment dans les
faibles et moyennes technologies). En l’espèce, les capacités se présentent
dans des secteurs traditionnels comme l’informel. Il peut alors être judicieux
d’adapter le financement des activités informelles aux exigences du milieu
local, de construire des capacités institutionnelles dans le secteur informel
ou même de promouvoir l’apprentissage interactif dans les communautés
traditionnelles avant d’investir dans des activités plus coûteuses et risquées
comme tel a été le cas avec la création d’infrastructures technologiques et
du technopole dakarois. Le réel luxe que nous évoquions en introduction sur
la concrétisation des politiques d’innovation dans les économies du Sud ne
proviendrait pas au Sénégal de la création d’incubateurs ou de parcs scien-
tifiques mais d’un regard plus large posé par les gouvernements sur l’appren-
tissage et le développement dans tous les secteurs de l’économie. Coupler
l’innovation et le développement reste un challenge majeur de ces écono-
mies avec la nécessité de renforcer les capacités des gouvernements vers de
nouveaux changements structurels.

36 innovations 2017/2 – n° 53
Capacités et politiques d’innovation dans les pays moins avancés

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