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Que peut-on enseigner ou espérer de l'économie de communion ?

Article  in  Revue Congolaise de Gestion · January 2021


DOI: 10.3917/rcg.030.0047

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0 10

1 author:

Tchouassi Gérard
University of Yaoundé II
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QUE PEUT-ON ENSEIGNER OU ESPÉRER DE L’ÉCONOMIE DE
COMMUNION ?

Gérard Tchouassi

Éditions ICES | « Revue Congolaise de Gestion »

2020/2 Numéro 30 | pages 47 à 78


ISSN 1729-0228
ISBN 9791097468200
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-congolaise-de-gestion-2020-2-page-47.htm
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Que peut-on enseigner ou espérer de
l’économie de communion1 ?
Résumé Gérard
L’objectif de cette TCHOUASSI*
communication est de
comprendre les fondements de
l’économie de communion en
science sociale et de développer
les espérances pratiques des
entreprises du secteur de
l’économie de communion. Une
des avancées de l’économie de
communion aujourd’hui
l’économie d’affection.
L’économie d’affection connaît
un regain d’intérêt au niveau
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scientifique à la fois sur le plan *
FSEG – Université
philosophique, neurobiologique, de Yaoundé II, Soa
psychologique, sociologique, Yaoundé (Cameroun).

1
Cet article a fait l’objet d’une présentation au Colloque international
sur l’économie de communion sous le thème : « Economie de
communion : la culture du donner comme élément de refonte de
l’économie pour la croissance socialement soutenable et durable »,
les 09 et 10 février 2017 à l’UCAC Yaoundé, Cameroun.
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Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

économique, psychanalytique, ou même politique (Petit,


2009). Pratiquement, les entreprises d’économie de
communion exercent leur activité sur le marché et
cherchent à réaliser des profits comme les entreprises
classiques, mais leur spécificité consiste à donner et à
partager une grande partie de leurs profits.

Mots-clés : Économie de communion, économie


d’affection, économie collaborative entreprises, profit.

What Can We Learn or Hope from the


Economy of Communion ?

Abstract
The objective of this paper is to understand the
foundations of the economy of communion in social
science and to develop the practical hopes of enterprises
in the relevant sector. One of the advances in the economy
of communion today is the economy of affection. Affection
economics is experiencing a resurgence of interest at the
scientific level at the same time on the philosophical,
neurobiological, psychological, sociological, economic,
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psychoanalytical, or even political level (Petit, 2009).
Practically, communion economy enterprises operate in
the market and seek to make profits like traditional
companies, but their specificity is to give and share a
large part of their profits.

Keywords : Economy of communion, Economy of


affection, Collaborative economy Enterprises, Share
profits.
--------------
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1. Introduction
« Aussi égoïste que l’on puisse supposer l’homme,
sa nature comporte apparemment des principes qui
font qu’il s’intéresse à la fortune des autres, et qui
lui rendent leur bonheur nécessaire bien qu’il n’en
dérive rien d’autre que le plaisir de le voir »
Adam Smith (1759). The Theory of Moral
Sentiments. New York.

’économie de communion est un courant économique


L lancé exactement en 1991 par le mouvement des
Focolari2. Elle s’inscrit dans la lignée de la Doctrine
sociale de l’Église Catholique et est proche du courant de
l’économie sociale et solidaire bien connu des africains.
L’économie de communion privilégie la relation
interpersonnelle, sociale et solidaire. Elle vise à mettre en
œuvre le don dans les relations d’échanges économiques.
C’est à la fois une philosophie de vie en commun et en
partage que peuvent suivre les dirigeants d’une entreprise
et un projet de société communautaire. En 1991, Chiara
Lubich, constatant les très fortes inégalités sociales et
économiques lors d’une de ses visites en Amérique latine
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(au Brésil), lance l’idée de créer des entreprises dont le but
explicite est de distribuer, de répartir ou de partager une
partie de leurs profits, de leurs bénéfices en faveur des

2
Le mouvement des Focolari fait partie de cette floraison des
mouvements d’Eglise, né en 1943 à la suite des violences de la
seconde guerre mondiale. Il est un nouveau courant de spiritualité
centré sur l’amour évangélique, qui a suscité un mouvement de
renouveau spirituel et social : la spiritualité de l’unité, essentiellement
communautaire.
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plus pauvres. Cette initiative dans la pensée est devenue


depuis ce moment l’économie de communion, à laquelle
adhèrent aujourd’hui plus de 10003 entreprises dans le
monde avec plus de 300 en Amérique du nord et en
Amérique latine, plus de 500 en Europe, près de 100 en
Asie et au Moyen Orient, moins de 200 en Afrique et en
Australie.
Que pouvons-nous connaître et approfondir de
l’économie de communion ? Que pouvons-nous attendre
et espérer de l’économie de communion ? La communion
dans l’économie, telle qu’elle est explicitée dans le
système économique mis en pratique dans les entreprises
qui adhèrent, justement, au projet de l’économie de
communion, va vraiment dans le sens du « miracle de la
multiplication des pains ». Si dans l’idée de communion, il
y a aussi celle du partage, il faudrait plutôt souligner
comme, en réalité, lorsqu’on met en commun ce qu’on a,
surtout le peu qu’on a, celui-ci se multiplie. Tout comme
ce qui est arrivé avec « les cinq pains et deux poissons »
grâce auxquels le Seigneur a pu nourrir la grande foule de
Tibériade et comme il arrive aux idées que l’on met en
commun. En effet, dès qu’on commence à partager les
idées, elles se multiplient puisqu’il y en a tout de suite
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d’autres qui viennent à l’esprit des interlocuteurs attentifs.
C’est le cas des entreprises qui rejoignent de nos jours le
projet d’économie de communion et qui se sont
multipliées, ainsi que les postes de travail qui se créent,
réduisant ainsi la pauvreté individuelle et communautaire.

3
Ces chiffres sont adaptés du Rapport Economie de communion 2011
– 2012 intitulé « L’heure des jeunes entrepreneurs ».
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L’objectif de cette communication est de


comprendre les fondements de l’économie de communion
en science sociale et de développer les espérances
pratiques des entreprises de l’économie de communion.
Cette communication comporte deux parties. La première
porte sur l’économie en science sociale et la seconde sur
les attentes de l’économie de communion en Afrique.

2. L’économie de communion en science sociale


Pour avoir la date de naissance et bien comprendre
l’économie de communion, on peut remonter les
fondements de la science sociale en partant de l’économie
morale, l’économie du don et l’économie d’affection mais
aussi relever les fausses notes dans la conception de
l’économie de communion en science de gestion.

2.1. Économie morale base de l’économie de


communion
Comment situer l’économie morale dans la boîte à
outils conceptuels dont disposent les sciences sociales
comme fondement de l’économie de communion ? En
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économie, la Théorie des sentiments moraux, initialement
publiée en 1759, est l’un des plus importants travaux
d’Adam Smith sur la théorie du capitalisme. On y trouve
les principes psychologiques, philosophiques, et
méthodologiques qui sous-tendent ses œuvres ultérieures,
comme les Recherches sur la nature et les causes de la
richesse des nations (1776). Adam Smith hérite des
conceptions de son mentor, Francis Hutcheson, qui
divisait la morale en quatre parties : la moralité et la
vertu ; les droits privés et la liberté naturelle ; les droits de

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Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

la famille (l’économie domestique), l’État et les droits


individuels (la politique).
Plus précisément, Adam Smith distingue deux
catégories au sein de la morale. D’abord, les catégories qui
touchent à la nature de la moralité, composées de la
propriété, de la prudence, de la générosité et de la licence.
Ensuite, les catégories qui touchent aux mobiles de la
moralité, lesquelles intègrent l’amour-propre, la raison et
les sentiments. Hutcheson avait abandonné les questions
psychologiques, affirmant que les mobiles des actions sont
trop instables pour servir de fondements à une philosophie
morale. On voit bien en Adam Smith le grand champion
de l’intérêt égoïste, mais, dans sa Théorie des sentiments
moraux, il développe une théorie du comportement fondé
sur la capacité qu’a l’individu de changer de rôle avec
autrui. Contre l’utilitarisme de la théorie économique
conventionnelle, Adam Smith soutient que l’homme tire
satisfaction, non seulement, de son propre plaisir, mais
aussi, de son implication sympathique dans les
expériences de ses semblables (Ralph, 2008). Pour Adam
Smith, même le comportement matérialiste et intéressé
nécessaire pour dynamiser le système capitaliste dérive en
dernier ressort de la sympathie4. Comme Adam Smith est
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resté fidèle à ce point de vue psychosociologique toute sa

4
L’idée de sympathie est celle de participation, de lien, de
concordance, de communication. Ce concept prend plusieurs sens,
selon qu’on parle de la sympathie entre les choses ou de la sympathie
entre les personnes. La sympathie est la faculté de participer aux
peines et aux joies des autres. C’est aussi le sentiment instinctif
d’attraction à l’égard de quelqu’un ou le rapport de concordance de
certaines choses entre elles.
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vie, il faut réinterpréter la Richesse des nations à la


lumière de la Théorie des sentiments moraux.
Si nous nous référons aussi à l’approche très
influente de Scott (1976), il est clair qu’elle n’est pas
structuraliste au sens marxien conventionnel qui privilégie
les classes sociales. Sa propre analyse l’amène à soutenir
que, même si les paysans se sentent injustement exploités5,
ils ne cherchent pas de solutions dans l’action organisée de
contestation, mais dans un retrait symbolique à l’intérieur
de leur propre culture. Dans le schéma marxien habituel,
cela équivaudrait à de la mystification, à de la « fausse
conscience », car toutes les variables explicatives sont
supposées être matérielles et non pas culturelles. Cette
forme de dissidence n’est pas transformatrice, mais cachée
et croissante. Elle reflète un autre univers moral, qui n’a
pas disparu et qui maintient vivantes ces « armes des
faibles » (Scott, 1985). Est-il possible de rejoindre un
autre courant de l’économie morale dont les écrits ont été
particulièrement importants dans le discours européen sur
l’économie politique ?
Sans omettre les contributions des auteurs classiques
comme Marx et Weber, la figure clé est ici Polanyi (1957)
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5
L’affirmation principale de Chayanov (1966) et ensuite de Scott
(1976) est que le paysan manifeste un comportement économique
spécifique centré sur la subsistance parce que, contrairement à
l’entreprise capitaliste, il est à la fois une unité de consommation et
une unité de production. La famille ou l’unité domestique exprime au
départ une demande de consommation de subsistance plus ou moins
incompressible, dépendant de sa taille, qu’elle doit satisfaire pour
assurer sa pérennité (Scott, 1985). Comme le soutient Chayanov lui-
même, les paysans ne se plient pas aux calculs habituels de la
profitabilité comptable et s’engagent plutôt dans l’auto-exploitation.
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et son analyse de « la grande transformation » : la


séparation de l’économie politique et de l’économie
morale. Sa proposition principale est qu’avec
l’industrialisation, l’économie n’était plus enchâssée dans
le social ou le culturel, mais que c’était plutôt le contraire.
Chacun est affecté par la puissance des procès de
l’économie capitaliste. Nous faisons nos choix et nous
établissons nos préférences indépendamment des valeurs
morales.
Une contribution influente est celle de Granovetter
(1985) qui soutient que les relations économiques du
capitalisme contemporain sont toujours enchâssées dans
des contextes sociaux et culturels. Néanmoins, son analyse
implique toujours que l’économie et la culture sont
séparées, dans le sens où les choix économiques sont vus
comme contraints par les normes culturelles. De la même
façon que les néo-institutionnalistes, comme North (1990),
ont traité les institutions comme des contraintes pesant sur
la rationalité individuelle, Granovetter (1985) traite la
culture comme une variable exogène.
L’Afrique est considérée comme la troisième source
d’économie morale après l’Europe et l’Asie. Spécialement
la riche littérature produite par l’anthropologie
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économique et sociale sur les systèmes de parenté en
Afrique et les organisations sociales qu’elle génère. Deux
courants principaux de cette littérature sont dignes
d’attention. Le premier est associé à une tradition
anthropologique française qui se focalise sur les modes de
production et leurs conséquences sur la formation des
valeurs. Meillassoux (1964, 1975) et Coquery-Vidrovitch
(1976) sont les représentants de cette école
« structuraliste ». Leur conceptualisation des économies

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africaines est qu’elles sont toujours façonnées par des


valeurs précapitalistes. L’influence limitée du marché et la
dépendance envers des technologies rudimentaires
confinent leurs pratiques à des valeurs propres aux
communautés locales relativement isolées. Leur
orientation va vers les besoins de subsistance, mais elle ne
leur est pas imposée par l’exploitation croissante d’un
système capitaliste. Elle est plus fonction de la survivance
de structures économiques qui n’ont pas encore été
« transformées » au sens de Polanyi.
L’autre courant est associé aux auteurs comme
Kopytoff (1987), Berry (1993) et Peters (1994) qui
mettent en question le caractère durable des institutions
coutumières locales et démontrent au contraire l’ingénuité
avec laquelle les acteurs africains réinventent, renégocient
et adaptent leurs valeurs pour gérer les défis de leur
existence quotidienne. Leur conceptualisation ne
présuppose ni la subsistance ni la solidarité comme étant
les principes normatifs nécessaires qui guident les choix et
les comportements dans la vie économique et sociale.
L’existence de tensions ou de conflits entre ce que
l’on pourrait aussi appeler les considérations de court
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terme et de long terme laisse à penser que la notion
d’économie morale est trop étroite. Elle a du sens
lorsqu’on l’envisage comme alternative à un ordre ou
système hégémonique. Elle nous aide moins si nous
voulons explorer l’intérieur même de l’économie morale.
On y trouve bien plus de divergences et de complexités
que celles décrites dans la littérature dominante en
économie morale. C’est pourquoi il y a lieu de considérer
un concept complémentaire : l’économie de l’affection,
pour mieux comprendre et analyser les choix et les

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comportements dans les pays où le capitalisme n’a pas


encore pénétré la société et où la forme dominante de
l’organisation économique et sociale est fondée sur les
petites unités et la réciprocité en général.

2.2. L’économie de communion fondée sur l’économie


du don
L’économie du don qui est le support profond de
l’échange entre les individus, fonde les bases de toute
activité sociale et contribue à la production des normes
sociales. Pour les anthropologues, notamment pour Marcel
Mauss dans son Essai sur le don. Forme et raison de
l’échange dans les sociétés archaïques (1923-1924), le
don repose sur la triple obligation de « donner, recevoir, et
rendre ». Le don fonctionne grâce au pouvoir quasi
spirituel qui est propre à l’objet donné, unilatéralement
offert dans le cadre d’une relation. Sans la croyance en
cette force par les donataires, le don n’existe pas ou ne
peut être perçu comme tel par ceux qui le reçoivent.
Pour les économistes comme Perroux, l’échange
peut consister en « don pour donner », c’est-à-dire, je
donne sans contrepartie exigée ou attendue explicitement
par le donateur et en « pseudo-don », en d’autres termes,
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je donne pour gagner ultérieurement, dans le cadre d’une
offre supposant une obligation de contrepartie, immédiate
ou différée, sous forme de dette ou de prestation.
L’économie de la gratuité et du don est
particulièrement mise en avant dans le christianisme et
dans beaucoup d’autres religions. Dans l’encyclique
Centesimus annus, le pape Jean-Paul II avait relevé la
nécessité d’un système impliquant trois sujets : le marché,
l’État et la société civile. Il avait identifié la société civile

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comme le cadre le plus approprié pour une économie de la


gratuité et de la fraternité, mais il ne voulait pas l’exclure
des deux autres domaines. Dans l’encyclique Caritas in
Veritate, le pape Benoît XVI rappelle que la gratuité
constitue une forme concrète et profonde de démocratie
économique, qui répand et alimente la solidarité et la
responsabilité pour la justice et pour le bien commun
auprès de ses différents sujets et acteurs.
La question du don en économie semble aller à la
fois à rebours de la conception utilitariste dominante mais
aussi comme allant de soi avec le développement de
« l’économie du libre ». Au carrefour des sciences
économiques et sociales, du management et de la
psychologie sociale, la gratuité a sa place dans les modèles
économiques comme dans les relations professionnelles.
Ne conduit-elle pas à renouveler le regard posé sur les
entreprises, les clients, les collaborateurs ?
Par ailleurs, l’économie du « libre » bouscule un des
fondements de la théorie dominante, la conception
utilitariste de la richesse. Depuis le XVIIIe siècle,
l’économie est appréhendée comme la science de la
production et de la circulation des richesses. Une richesse
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étant ce qui a de la valeur sur le marché et qui est donc
estimable en argent. Dans ce contexte, on peut s’interroger
sur la place du don dans l’économie marchande. Plus
précisément, est-ce que parler du don dans l’économie
marchande a un sens ? Pourrait-on appliquer la logique du
don au cœur même des activités marchandes et de fait,
contribuer au renouvellement de la science économique ?
Un certain nombre d’obstacles se dressent d’emblée.
En effet, c’est une question qui semble incongrue (un bien
économique est par définition marchand) ou dont la

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Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

réponse est évidente. L’entreprise n’est-elle pas aussi une


communauté humaine qui comporte nécessairement un
espace de gratuité ? C’est également une question qui peut
susciter une certaine perplexité car le don est un sujet
d’études aussi bien en anthropologie qu’en sociologie, en
économie, en management qu’en psychologie sociale
voire en philosophie morale. Le don est au carrefour de
différentes approches ou paradigmes en sciences sociales.
Cependant, le Mauss (mouvement de recherche en
sciences sociales) s’est emparé depuis longtemps de cet
objet d’étude. À la suite du fondateur de l’anthropologie
française, Marcel Mauss, auteur du fameux essai sur le
don (1925), le Mauss étudie la dynamique du don et de
contre-don. Cependant la chaîne logique du « Demander-
donner-recevoir-rendre » ne sera pas ici notre cadre
principal d’analyse même si nous pourrons en reprendre
quelques éléments en questionnant le lien entre
l’économie d’affection et l’économie de communion.

2.3. Les pas de l’économie d’affection et de l’économie


de communion
L’économie d’affection connaît aujourd’hui un
regain d’intérêt au niveau scientifique à la fois sur le plan
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philosophique, neurobiologique, psychologique,
sociologique, économique, psychanalytique, ou même
politique (Petit, 2009). La diversité de cette pluralité des
analyses sont des révélateurs de la complexité de cette
thématique ainsi que de son extraordinaire richesse. Les
affections entrent potentiellement dans la logique
économique sous un nombre quasi illimité d’aspects : elles
sont, bien entendues, présentes lors des processus de
négociation ou de coopération entre partenaires

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individuels ou institutionnels (consommateurs, entreprises,


salariés, organisations mondiales, autorités publiques).
Elles jouent sur les phénomènes de confiance, sur le
respect des normes ou des valeurs définies par la société
(honnêteté, altruisme, réciprocité, générosité, équité).
Elles modulent également la prise de décision
individuelle ou collective, notamment dans des situations
de risque ou d’incertitude (lissage des plans de
consommation, achats d’actifs financiers, création
d’entreprise, achats immobiliers). Elles sont enfin
présentes au quotidien au cours des activités de
consommation (addiction, marketing), dans la relation au
travail (anxiété, stress, performance, créativité), au sein de
la cellule familiale (culpabilité, donation) ou même dans
les relations d’autorité.
L’idée selon laquelle les affections auraient un
impact majeur sur le comportement individuel, est
aujourd’hui l’objet d’un débat scientifique dans un champ,
la psychologie sociale, qui possède une longue tradition
d’analyse des phénomènes affectifs. Baumeister et al.
(2007) rappellent ainsi que la majeure partie de la
littérature sur les affections est consacrée au lien entre
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affection et cognition, délaissant de ce fait la relation entre
les affections et le comportement. Dans ce domaine, les
psychologues se focalisent, en effet, davantage sur les
mécanismes d’attribution (la façon dont nous jugeons ou
expliquons notre environnement, notre comportement ou
celui d’autrui) ou les attitudes (les prédispositions d’un
individu à agir) que sur les comportements observés dans
la réalité.
Cela ne signifie pas pour autant que l’économie de
l’affection ne soit pas une réponse à l’État ou au marché.

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Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

Depuis Hyden (1980), les interactions entre les restes d’un


mode de production précapitaliste, d’un côté, et l’État et le
marché, de l’autre, ont toujours été partie intégrante de
l’analyse. Le point important est qu’en Afrique
l’agencement à la fois contre et en dehors de l’ordre
officiel n’est pas seulement réactif : il est aussi proactif. Il
n’y a pas d’ordre véritablement hégémonique (bien que les
puissances coloniales l’aient voulu et que les agences
internationales contemporaines aient échoué). De sorte
que le paysage institutionnel en Afrique est non seulement
plus varié, mais aussi plus concurrentiel et imprévisible.
Selon la théorie de l’égoïsme caché, tous les actes
humains, même les plus altruistes, seraient motivés par des
besoins égoïstes (Lecomte, 2012). Mais diverses
expériences ont montré que cette théorie n’est pas fondée
et qu’il existe bien un altruisme pur : ce n’est pas pour se
sentir bien (ou moins mal) que l’on aide un individu, mais
vraiment pour améliorer le bien-être d’autrui. De
nombreuses cultures africaines traditionnelles pensent que
l’être humain est avant tout un être social et coopératif.
Par exemple, dans le Sud de l’Afrique, le terme Ubuntu est
très utilisé. Ce concept, difficile à traduire dans une langue
occidentale, signifie bonté naturelle, sentiment d’une
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commune humanité, générosité, gentillesse, grandeur
d’âme. En d’autres termes, être humain, c’est être bon. Un
proverbe sud-africain dit : « Un être humain est un être
humain au travers des autres êtres humains ».

2.4. Les faux pas de l’économie de communion


L’économie de communion n’est pas l’assistanat,
l’assistance, le secours ou l’aide. En effet, l’assistance
désigne l’action de porter secours ou d’apporter de l’aide à

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 60


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autrui. C’est l’aide, l’appui ou le secours organisés en


toutes matières, et peut désigner ou qualifier une
institution ou un organisme.
L’assistanat désigne un système de redistribution a
sens unique des richesses ou de solidarité dont les effets
pervers ruinent la fonction. Le terme est alors associé à
celui d’assisté, souvent péjoratif mais pas
automatiquement, qui désigne les bénéficiaires ou, selon le
point de vue, les victimes de ce type de système. On est
bénéficiaire lorsqu’on insiste sur l’avantage accordé (c’est
en outre la terminologie officielle). On est victime dans la
mesure où le système encourage, permet ou oblige leur
maintien dans une situation de dépendance sociale peu
enviable. Plus largement, l’assistanat est alors souvent
utilisé pour désigner et critiquer toutes les formes de
dérive des politiques d’aide sociale. La notion de politique
sociale a évolué au cours de l’histoire et elle se développe
différemment suivant la collectivité l’utilisant pour son
action sociale.
L’action sociale est l’ensemble des moyens par
lesquels une société agit sur elle-même pour préserver sa
cohésion, notamment par des dispositifs législatifs ou
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réglementaires et par des actions visant à aider les
personnes ou les groupes vulnérables, les plus fragiles à
mieux vivre, à acquérir ou à préserver leur autonomie et à
s’adapter au milieu social environnant. L’aide sociale
regroupe l’ensemble des prestations sociales versées aux
personnes en situation de pauvreté ou d’extrême
vulnérabilité. L’aide sociale a pour objectif de répondre
aux besoins primordiaux des personnes en difficulté. On la
distingue de l’action sociale qui englobe l’aide sociale
mais également les actions engagées pour sortir les

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 61


Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

personnes concernées de cette situation. On distingue


l’aide sociale légale, qui comprend les versements de
l’État et des organismes du service public auxquels ont
droit des personnes en difficultés lorsqu’elles répondent
aux critères de ressources, et l’aide sociale facultative qui
ne constitue pas un droit automatique.
Les gestionnaires confondent économie de
communion à la responsabilité sociale d’entreprise. La
responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est aussi
perçue sus les vocables responsabilité sociétale et
responsabilité sociale. Par responsabilité sociétale, on
entend tout ce qui concerne la société, donc à la fois
l’environnement et le social ; ou seulement les relations
sociales à l’exclusion des relations professionnelles dans
l’entreprise (relations avec la communauté, mécénat, etc.).
La responsabilité sociale désigne seulement, d’un côté, les
relations entre employeurs et employés (comme dans les
expressions « dialogue social », « partenaires sociaux »,
qui désignent leurs représentants) et, de l’autre côté, tout
ce qui concerne la société, y compris l’environnement (en
ce sens, « social » et « sociétal » peuvent être équivalents,
ce que recouvre aussi le terme anglais de corporate social
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responsability).
Sur le fond, la RSE est un enjeu de société pour
lequel de nombreux acteurs se sont mobilisés soit pour
faire reconnaître que les entreprises n’assumaient pas
suffisamment leurs responsabilités, soit à l’inverse pour
soutenir qu’elles pouvaient en assumer aussi au-delà des
seules exigences réglementaires. Il n’existe donc pas une
seule définition possible et les pratiques sont très variables
(dont on ne connaît le plus souvent que ce que déclarent
les entreprises elles-mêmes). L’enjeu de la RSE résulte au

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 62


47-78___________________________________Gérard Tchouassi

départ de demandes de la société civile (associations


religieuses, écologiques, humanitaires ou de solidarité)
d’une meilleure prise en compte des impacts
environnementaux et sociaux des activités des entreprises,
qui est née, notamment, des problèmes d’environnement
planétaire rencontrés depuis les années 1970. La RSE
trouve aussi une inspiration dans la philosophie « agir
local, penser global ». Il s’agit alors d’intégrer le contexte
mondial et local dans la réflexion stratégique. La RSE est
donc souvent comprise comme la mise en œuvre dans
l’entreprise des concepts de développement durable qui
intègrent les trois piliers environnementaux, sociaux et
économiques. La RSE tend aussi à redéfinir les
responsabilités, c’est-à-dire les devoirs des entreprises vis-
à-vis de ses parties prenantes.
Finalement, nous ne passerons pas en revue toutes
les conceptions anciennes et nouvelles sur lesquelles est
fondée l’économie de communion. Mais il est important
de soulever les réalisations pratiques et les
développements futurs de ce secteur même si on constate
une « hybridation » des pratiques entre économie
marchande, équité et justice, et économie sociale et
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solidaire.

3. Les attentes de l’économie de communion en


pratique
Les espoirs de l’économie de communion dans la
pratique se retrouvent dans la justice et l’équité sociale,
dans l’économie sociale et solidaire, dans l’économie
collaborative et dans l’entrepreneuriat.

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 63


Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

3.1. Attentes issues de l’économie de la justice et de


l’équité sociale
L’équité est un socle sur lequel s’accroche une
multitude de principes comme la liberté économique,
l’égalité des chances, la justice sociale, le partage
équitable, le développement des capacités et l’intégration
socioéconomique. Ainsi, le développement durable qui
met l’Homme à son centre, ne peut être atteint tant que
toutes les diverses facettes de l’économie de l’équité ne
sont pas élucidées. L’équité intergénérationnelle est une
expression fréquemment utilisée dans le domaine du
développement soutenable et de la nouvelle gouvernance
soucieuse d’éthique environnementale.
Cette notion reprend les principes éthiques
classiques de justice sociale et d’équité, mais en y ajoutant
une dimension explicitement temporelle forte. Elle traduit
une volonté de non-report vers les générations futures des
conséquences négatives (environnementales, sociales et
économiques) du développement ou
« maldéveloppement » tel que promu par le modèle
industriel et économique du XXe siècle, basé sur un
système de consommation effrénée des ressources (ou de
l’inaction) d’une personne ou d’un groupe (humanité
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entière éventuellement).
Elle peut aussi conduire à évaluer la dette
écologique que peut avoir un groupe ou un processus
envers les générations futures, puis à l’idée de
« remboursement » anticipé de cette dette (par des
compensations). Elle complète utilement la proche notion
d’empreinte écologique qui améliore la perception que
chacun ou un groupe peut se faire de l’empreinte spatiale
de ses actes.

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 64


47-78___________________________________Gérard Tchouassi

Les travaux de quelques économistes et philosophes,


maintenant célèbres, des années 1970, ont donné le coup
d’envoi à un développement assez spectaculaire d’un
champ interdisciplinaire qui analyse les questions de
justice sociale et de l’équité économique. Du côté
philosophique, c’est avant tout l’œuvre de Rawls (1971)
qui a joué un rôle important. De l’autre côté, des
économistes comme Sen (1970) ou Kolm (1972) ont
développé la voie ouverte, entre autres, par Arrow (1951)
d’un traitement formel des questions de justice sociale et
de l’équité, qui, à son tour, ont stimulé le débat
philosophique.
Un élément qui a certainement contribué au
rapprochement des deux disciplines est que le fameux
principe de différence de Rawls, qui stipule qu’une
inégalité sociale peut se justifier (si certaines autres
conditions laissée de côté ici, sont satisfaites) dans la
mesure où ces inégalités sont au bénéfice du groupe le
plus mal loti de la société, se prêtait presque de façon
évidente à une reprise plus formelle par des économistes
de l’économie normative et des théoriciens du choix
social.
L’économie normative6 est la branche de la théorie
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économique qui ambitionne de comparer les différents
états sociaux (et indirectement les différents arrangements
institutionnels et politiques publiques qui les déterminent)
selon le critère du bien-être social, défini comme la

6
Les travaux récents dans le champ de l’économie normative, portent
sur le concept de la responsabilité et s’inspirent directement des débats
philosophiques et notamment de Rawls (1971) et plus proche de
Fleurbaey (1995 et 1996).
Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 65
Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

somme du bien-être des individus. Le bien-être individuel


(en anglais welfare, ce qui explique pourquoi on appelle
cette branche welfare economics) est défini à son tour
comme le degré de satisfaction des préférences.
La théorie du choix social s’est développée à partir
des limites qu’imposait ce cadre théorique welfariste,
soulignées par Arrow (1951). Elle prouve et interprète des
théorèmes (d’impossibilité, d’unicité de solution, etc.) qui
concernent l’agrégation des préférences et des intérêts des
individus, sur la base de différents axiomes représentant
des caractéristiques souhaitables de l’agrégation.

3.2. Les attentes issues de l’économie sociale et


solidaire
L’économie solidaire apparaît comme un sous-
ensemble de l’économie sociale qui comprend les
mutuelles, les coopératives, les fondations et les
associations. Parmi ces dernières, celles qui relèvent de
l’économie solidaire ne concernent que les associations
qui traduisent un élan solidaire envers ceux qui ont perdu
au jeu du marché - elles « internalisent le souci de
solidarité » (Laville, 1997) - et qui proposent des services
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de proximité : des services qui, pour certains, étaient
autrefois produits uniquement au sein de la sphère
domestique (l’aide à domicile, le jardinage, le bricolage,
etc.) et qui, pour d’autres, ont été « inventés », comme
ceux qui tournent autour de la « médiation sociale » dans
les quartiers, et plus généralement autour de l’amélioration
de la qualité de la vie quotidienne et de l’environnement
local. Le tiers secteur auquel elles sont parfois rattachées
est une notion davantage employée dans les pays anglo-
saxons, et qui désigne des organisations privées à but

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public. Le tiers secteur peut apparaître comme la


traduction dans le contexte anglo-saxon de l’idée
d’économie sociale.
Cependant, à la différence de cette dernière, le tiers
secteur exclut toute forme d’organisation distribuant des
profits, comme c’est le cas des mutuelles et de certaines
coopératives appartenant à l’économie sociale. Cette
dernière présente en outre une dimension historico-
politique (liée aux mouvements coopérativistes,
mutualistes, au solidarisme de Leroux, par exemple) qui
s’inscrit dans le socialisme utopique du XIXè siècle -
même s’il est vrai que cette dimension semble s’épuiser
aujourd’hui. Elles présentent, selon Archambault (1996),
cinq caractéristiques : elles sont formalisées, privées,
indépendantes, ne distribuent pas de profit et comportent
une participation volontaire. En y ajoutant deux autres
critères - non politiques (au sens strict : hors partis
politiques), non confessionnelles -, on obtient la
Nomenclature commune de classification du tiers secteur
appelée ICNPO (International Classification of Non-Profit
Organizations).
Les expériences qui relèvent de l’économie solidaire
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présentent quatre dimensions : économique, sociale,
politique et culturelle, à la fois plurielles et hybrides, et
inextricablement mêlées sous des formes multiples. La
vision de l’économie constituée par quatre pôles de
production et de distribution des richesses, dont
l’articulation varie avec les époques, et auxquels sont
associés quatre principes de comportement économique : à
l’économie marchande est associé le calcul intéressé, à la
redistribution l’obligation (la redistribution repose sur des
prélèvements dont les règles s’imposent obligatoirement à

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 67


Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

ceux qui y sont soumis), à la réciprocité, le don, et à


l’administration domestique une forme de réciprocité
limitée au groupe clos.
Reposant sur des solidarités de proximité, ces
expériences participent, par ailleurs, à la re-création du
lien social, particulièrement bienvenue dans un contexte
d’apathie et de repli sur soi. Elles ont toutes un trait
commun : des personnes s’y associent pour mener en
commun des activités économiques qui contribuent à la
fois au renforcement de la cohésion sociale et à la création
d’emplois. On le voit, ces expériences revêtent également
une dimension politique, là encore sous le signe de la
pluralité et de l’hybridation. D’abord, elles reposent sur
des échanges de parole libres, singuliers et multiples au
sein de l’association comme à ses marges, lors desquels
les différences peuvent s’exprimer par exemple quant aux
projets à conduire, et qui « s’hybrident » dans la
formulation de compromis auxquels les personnes
s’obligent collectivement, parce qu’elles les ont librement
choisis.
Certains y voient ainsi un lieu d’expression de la
citoyenneté, d’exercice de la liberté entre égaux,
d’apprentissage de la démocratie. Elles stimulent un
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apprentissage de la vie publique. Ces acteurs s’engagent à
s’inscrire dans des relations basées sur la liberté et
l’égalité des membres du groupe en cherchant l’expression
et la participation de chacun quel que soit son statut
(salarié, bénévole, usager). Certaines expériences qui
ressortent de l’économie solidaire, réunissent les
personnes autour d’activités culturelles. C’est le cas par
exemple des cafés-musiques ou encore des restaurants
multiculturels de quartier. Ces derniers sont des lieux de

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 68


47-78___________________________________Gérard Tchouassi

vie où la production d’un service de restauration est au


service du lien culturel et social. Créés le plus souvent à
l’initiative de femmes d’origine culturelle variée, ils sont
l’occasion d’échanges de recettes culinaires traditionnelles
et de rencontres savoureuses. Ces recettes aux origines
lointaines se réinventent en permanence par
l’incorporation d’ingrédients calqués à leur mode de vie et
à leur culture. Les pratiques culinaires qui traduisent la
culture de chacune s’hybrident ainsi dans une perpétuelle
réinvention de ces traditions culturelles. Si toutes les
expériences relevant de l’économie solidaire ne sont pas
l’occasion de rencontres autour d’activités culturelles,
toutes, en revanche, revêtent une dimension culturelle en
ce sens que les rapports qui s’y déploient et les pratiques à
l’œuvre traduisent des valeurs et des croyances spécifiques
de telle ou telle culture. Toutes ces dimensions
(économique, sociale, politique et culturelle) et chacune
plurielle en même temps qu’hybride, s’imbriquent (ou
s’encastrent) selon de multiples modalités. Leurs
imbrications ne sont en effet pas réductibles à une simple
combinatoire, car elles sont spécifiques à chaque
expérience, et donc innombrables.
Les expériences relevant de l’économie solidaire
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constituent une forme hybride des économies marchandes,
non marchandes et non monétaires. Elles ne se laissent pas
expliquer par le seul intérêt des personnes concernées, qui
semblent s’obliger à des projets qu’elles ont librement
discutés et choisis. Les pratiques concrètes qui s’y
exercent sont marquées par le contexte historique et
culturel dans lequel elles s’enracinent. Comment, d’un
point de vue conceptuel, rendre compte de la pluralité et
de l’hybridation de leurs dimensions économiques,

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 69


Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

financières, sociales, politiques et culturelles, elles-mêmes


inextricablement imbriquées sous de multiples formes ?
Pratiquement, la tontine est une des configurations
traditionnelles de l’économie de communion en Afrique.
Elle est une association rotative collective d’épargne et de
crédit, qui réunit des épargnants pour investir en commun
dans un actif financier ou d’un bien dont la propriété
revient à tour de rôle aux membres ou aux souscripteurs.
On distingue plusieurs types de tontines qui se terminent
toujours par le partage d’un repas : les tontines de travail,
les tontines immobilières, les tontines économiques, les
tontines financières, les « associations tontinières » qui
sont des sortes de sociétés mutuelles ayant
majoritairement cours en Afrique. La microfinance,
configuration moderne de l’économie de communion a des
valeurs porteuses de nouvelles pratiques économiques et
financières en Afrique. La microfinance se perçoit comme
l’offre de services financiers (micro-épargne, microcrédit,
micro-assurance, etc.), à destination des populations plus
pauvres. Elle s’adresse aux personnes à faibles revenus,
n’ayant pas accès aux institutions financières classiques et
sans activités salariées régulières. Aujourd’hui, la plupart
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des institutions de microfinance proposent des services
financiers plus larges, plus inclusifs et plus élaborés qui
tendent vers l’économie de communion mais aussi de
l’économie collaborative.

3.3. Les attentes issues de l’économie collaborative


L’économie collaborative est une activité humaine
qui vise à produire de la valeur en commun et qui repose
sur de nouvelles formes d’organisation du travail. Elle
s’appuie sur une organisation plus horizontale que

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 70


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verticale, la mutualisation des biens, des espaces et des


outils (l’usage plutôt que la possession), l’organisation des
citoyens en réseaux ou en communautés et généralement
l’intermédiation par des plateformes internet. Popularisé
par Botsman et Rogers (2010), l’économie collaborative et
le champ qu’il recouvre ne font pas l’objet d’un consensus
(Botsman, 2013 et Schor, 2014). Dans une conception
large, l’économie collaborative inclut la consommation
collaborative (le covoiturage7 par exemple), les modes de
vie collaboratifs (coworking, colocation, habitat collectif),
la finance collaborative (crowdfunding8, prêt d’argent de

7
Le covoiturage est l’utilisation conjointe et organisée (à la différence
de l’auto-stop) d’un véhicule, par un conducteur non professionnel et
un ou plusieurs tiers passagers, dans le but d’effectuer un trajet
commun. Ce mode transport en commun procure des avantages
individuels (économiser les dépenses de carburant et de maintenance,
agrémenter les voyages, développer les liens sociaux) et collectifs
(augmenter le taux de remplissage des véhicules, diminuer les
embouteillages, la pollution et les accidents de la route).
8
Le financement participatif, crowdfunding ou encore
sociofinancement est une expression décrivant tous les outils et
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méthodes de transactions financières qui font appel à un grand nombre
de personnes afin de financer un projet. Ce mode de financement se
fait sans l’aide des acteurs traditionnels du financement, il est dit
désintermédié. L’émergence des plateformes de financement
participatif a été permise grâce à internet et aux réseaux sociaux,
complétant ou remplaçant la traditionnelle souscription. Cette
tendance s’inscrit dans un mouvement plus global : celui de la
consommation collaborative et de la production participative. Le
financement participatif comprend différents secteurs tels que le don
(« donation crowdfunding »), la récompense (ou don avec
contrepartie), le prêt (aussi appelé « credit crowdfunding »,
« crowdlending », « peer-to-peer lending » ou prêt participatif) et le
capital-investissement.
Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 71
Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

pair à pair, monnaies alternatives), la production


contributive (la fabrication numérique et le maker space)
et la culture libre. L’économie collaborative prend
différentes formes (économie du partage, économie de
fonctionnalité dont l’économie circulaire, économie des
solutions, économie en pair à pair) selon les types de biens
et services concernés ou de la finalité (empowerment du
consommateur, éco-efficacité). Le plus souvent, ce type
d’économie s’inscrit dans un contexte de défiance des
acteurs institutionnels du système capitaliste traditionnel,
de crise économique mais aussi d’éthique
environnementale.
L’économie du partage désigne généralement les
nouveaux modes de consommation permettant de partager
entre consommateurs l’usage ou la consommation de
produits, équipements ou services. Si la notion de partage
de l’usage est à l’origine du terme, ce partage ou prêt peut
être gratuit ou payant. On peut d’ailleurs noter une
marchandisation plus ou moins forte de l’économie du
partage selon les secteurs d’activité dans le cadre de
laquelle la volonté n’est plus d’optimiser un mode de
consommation mais de générer des revenus. La notion
d’économie du partage devient alors toute relative.
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L’économie circulaire se conçoit comme un
ensemble d’industries dont chacune réutilise les déchets
produits par l’industrie précédente. La quantité finale de
déchets est minimisée. Ce recyclage des matériaux non
renouvelables répond à un objectif de de durabilité.
L’exploitation des ressources primaires est diminuée.
L’économie circulaire est optimalisée économiquement et
écologiquement lorsque sont créés au niveau régional des
parcs de symbiose industrielle. Cette relocalisation a de

Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 72


47-78___________________________________Gérard Tchouassi

nombreux avantages. En périodes d’incertitudes


écologiques et économiques elle accroît considérablement
la résilience. Elle optimalise l’utilisation des matières
premières et du savoir-faire locaux.
L’essor de l’économie collaborative est dû à
l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et
de la communication permettant d’améliorer la créativité
collective et la productivité. L’économie collaborative
répond également au désir de pratiques écologiques et de
relations sociales plus conviviales. En relation avec le
besoin grandissant de porter attention à l’écologie par la
consommation de proximité, un nouveau système
d’échange de biens et de services a vu le jour vers la fin du
XXe siècle. Il s’agit des systèmes d’échanges locaux
(SEL)9. Une personne échangera par exemple des cours
d’informatique contre la peinture d’une chambre. Le plus
souvent l’unité d’échange peut être le temps passé à
effectuer le service. En 2010, il existait entre 300 et 350
SEL en France, qui impliquaient 25 à 30 personnes pour
les plus petits et entre 300 à 500 personnes pour les plus
importants. Toutes ces expériences de l’économie du
partage semblent développer auprès des membres une
culture d’entreprise, un esprit d’entreprise et un
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comportement entrepreneuriale pouvant être utile aux
entreprises d’économe de communion.

3.4. Les attentes issues de l’entrepreneuriat


L’entrepreneuriat dépasse de nos jours le simple
phénomène de mode. Au-delà de la seule observation des

9
Dans les pays Anglos saxons, le système porte le terme de LETS
(local exchange trading system).
Revue congolaise de gestion, N° 30, Juil. – Déc. 2020 73
Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

pratiques de gestion individuelle d’unités


entrepreneuriales de petite taille, force est de constater
l’émergence d’une société et d’une économie
entrepreneuriales. L’entrepreneuriat suscite l’attention des
politiques, en termes notamment de dispositions
législatives destinées à accompagner, puis à encourager la
création d’entreprises. Comment entreprendre en
économie de communion ? Les entreprises d’économie de
communion ont des principes. Les entreprises de
l’économie de communion doivent être efficaces,
rechercher le profit et dégager des bénéfices. Ces
bénéfices, habituellement versés sous forme de dividendes
– et c’est là le point de rupture avec l’économie capitaliste
– sont schématiquement, répartis en trois parties : une
première partie aux fonds propres de l’entreprise ; une
deuxième partie aux actions de lutte contre la pauvreté et
l’exclusion dans l’environnement immédiat de
l’entreprise ; et une troisième partie vouée à un fonds
mondial de lutte contre l’exclusion : formation de
nouveaux entrepreneurs à l’économie de communion,
notamment.
Chiara Lubich insiste beaucoup sur la nécessité de
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cohérence entre ces nouvelles pratiques de gestion et le
développement d’une véritable culture du don : les
entrepreneurs donnent leurs bénéfices, les plus démunis
donnent leurs besoins et leurs nécessités. Ainsi s’établit un
courant de réciprocité (capacité de l’individu à interagir et
à maintenir des échanges économiques et sociaux mutuels)
et de gratuité (produit ou un service obtenu sans
contrepartie économique et financière). Les entreprises qui
adhèrent à l’économie de communion, adoptent la
communion, le partage, le don comme valeur

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fondamentale. Elles l’inscrivent dans leur projet


d’entreprise qui explicite les finalités de l’entreprise. Les
fonctions des employés sont clairement définies et sont
exercées dans un esprit de service et de responsabilité
(pouvant s’étendre à la responsabilité sociale). Le style de
management est participatif. La qualité des relations entre
toutes les parties prenantes (stakeholders) est une priorité.
La communion se vit aussi avec les autres entrepreneurs
d’économie de communion, au plan territorial, local,
régional, national et international.

4. Conclusion
Il était question dans cette communication de
comprendre les fondements de l’économie de communion
en science sociale et de développer les espérances
pratiques des entreprises de l’économie de communion. En
effet, les entreprises d’économie de communion exercent
leur activité sur le marché et cherchent à réaliser des
profits comme les entreprises classiques, mais leur
spécificité consiste à donner, à partager une grande partie
de ces profits. Les entrepreneurs et les associés
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(actionnaires ou shareholders) s’engagent donc à partager
les bénéfices, lorsqu’il y en a, en trois parts auxquelles ils
accordent plus ou moins la même importance. Une
première part est destinée pour l’aide aux personnes en
situation d’indigence et vise leur insertion sociale et
professionnelle, dans un esprit de communion fraternelle.
Une deuxième part permet de développer et de diffuser la
culture du don, du partage et de la communion. Une
troisième part reste en entreprise pour assurer sa pérennité,
améliorer la qualité des biens et des services produits,

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Que peut-on enseigner ou espérer de l’économie de communion ?

créer de nouveaux emplois et enfin, rémunérer les


associés. Ce partage des bénéfices se fait selon le contexte
et la forme juridique de chaque entreprise. Dans les
entreprises où l’adhésion à l’économie de communion
n’est pas encore partagée par tous les membres associés,
l’engagement à donner des profits selon les finalités
d’entreprendre en économie de communion, est limité à la
part de ceux qui y adhèrent.

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