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EXCLUSIF : LA PREMIÈRE INTERVIEW

DE CATHERINE MEURISSE DEPUIS


LE DRAME DE CHARLIE HEBDO
L’ A C T U A L I T É D E T O U T E L A B A N D E D E S S I N É E
WWW.DBDMAG.FR

WALTER HILL,
MATZ & JEF
DU POLAR EN BANDES

BRECHT EVENS
PARIS ÉTERNEL

MATHIEU
GABELLA
UN BOURREAU
DE TRAVAIL

et
Manara
créa
Bardot
ACTU : SPEEDY GRAPHITO - MANGA : ONE-PUNCH MAN
#103
MAI 2016
COLLECTIF : DOGGYBAGS - ÉDITION : AAARG!
HOMMAGE : PAUL GILLON - ACTUALITÉS, CRITIQUES, JEUNESSE...
L’ÉDITO par Vuillemin
© Vuillemin
MAI 2016
#103

ÉDITORIAL / VUILLEMIN 1
L’ A C T U A L I T É D E T O U T E L A B A N D E D E S S I N É E

#103
MAI 2016

SUS AU MYTHE !

© Photo C. Lebédinsky pour dBD

Milo Manara qui dessine Brigitte Bardot, difficile de ne


pas en perdre son latin. Sitôt l’information reçue, nous
nous sommes démené pour vous montrer en exclusivité
les premiers dessins de l’auteur du Déclic autour de cette
femme qui bouscula [et retourna] par sa beauté et par
son style la vieille Europe. L’ensemble de ces vingt-deux
œuvres est mis aux enchères, mais à défaut d’en
posséder une, en voici une trace rien que pour vous,
lecteurs de dBD. Et c’est cadeau !
Dans ce même numéro, une autre exclusivité :
un entretien avec Catherine Meurisse. Collaboratrice
à Charlie Hebdo, elle échappa de peu à l’attaque de
sa rédaction. Discrète depuis le 7 janvier 2015, elle
raconte dans son livre La Légèreté et dans nos pages
comment elle a lentement remonté la pente et comment
l’art l’a sauvée. Un magnifique témoignage !
Ce numéro 103, c’est aussi un trio, Walter Hill, Matz et
Jef, qui nous livrent les secrets de leur collaboration, c’est
Mathieu Gabella qui nous parle de sa nouvelle série,
Le Bourreau, c’est Brecht Evens qui croque Paris et c’est
Philippe Peter qui nous livre deux enquêtes, une sur les
dessous du collectif Doggybags, et une autre
sur un phénomène éditorial au Japon qui arrive
en France, One-Punch Man.
À la suite d’un cahier critique très fourni,
nous consacrons un vibrant hommage à Paul Gillon,
un auteur qui a marqué son époque de son empreinte.
Bonne lecture.
Frédéric Bosser

MANARA p.28
À LA UNE / Quand le maître de l’érotisme s’attaque au mythe Bardot,
notre sang ne fait qu’un tour. De bien belles images...

2 ÉDITORIAL / SOMMAIRE
© Evens / Louis Vuitton © Gabella & Carette / Delcourt © Hill, Matz & Jef / Rue de Sèvres © Photo Rita Scaglia / Dargaud © J.-M. Ponzio

BRECHT EVENS MATHIEU GABELLA HILL, MATZ & JEF CATHERINE MEURISSE PAUL GILLON

AAARG! /p.06
PRESSE BD / Pierrick Starsky revient avec nous sur les raisons qui l’ont poussé à
transformer le trimestriel Aaarg! en mensuel avec une diffusion en kiosque.

FRANDISCO
& SPEEDY GRAPHITO /p.08
ACTUALITÉS / Les à-côtés du 9e art passés à la loupe de la rédaction et des focus sur le
FranDisco de Thierry Van Hasselt et Marcel Schmitz et l’exposition de Speedy Graphito.

BRECHT EVENS /p.12


BEAU LIVRE / À la demande des éditions Vuitton, Brecht Evens s’en est allé croquer
Paris, la Ville lumière. Magnifique !

ACTUALITÉS /p.16
QUOI DE NEUF ? / Pour ne rien manquer des à-côtés de la bande dessinée.

MATHIEU GABELLA /p.34


PORTRAIT / S’il est un auteur discret, Mathieu Gabella ne manque pas de talent.
Frédérique Pelletier en dresse le portrait.

HILL, MATZ & JEF /p.40


POLAR / Un maître du suspense adapté en BD, ça vaut forcément le détour.
Philippe Peter a interrogé le trio lors de son passage à Paris.

DOGGYBAGS /p.46
SÉRIE EN COURS / Une aventure éditoriale collective qui a du chien.
Une enquête signée Philippe Peter.

CATHERINE MEURISSE /p.50


GRAND FORMAT / C’est la première interview de Catherine Meurisse depuis l’attentat
contre Charlie Hebdo. Et c’est exclusivement pour les lecteurs de dBD !

CRITIQUES /p.57
GFK, TABLEAU DES ÉTOILES, CHRONIQUES, JOURNAL DES SORTIES /
Par nos journalistes

ONE-PUNCH MAN /p.62


MANGA / Avec déjà plus de six millions d’albums vendus au Japon, One-Punch Man
est en passe de connaître le même succès dans le deuxième pays du manga : la France.

JEUNESSE /p.86
CHRONIQUES / Par Marie Moinard

© Milo Manara
PAUL GILLON /p.88
JE ME SOUVIENS / Pour le cinquième anniversaire de sa disparition,
Henri Filippini revient sur le parcours de Paul Gillon.

INTÉGRALES /p.92
CHRONIQUES / Par Henri Filippini

LE BULLE-TROTTEUR /p.94
LA VIE DES AUTEURS DE BD / Par Frédéric Bosser
ÉDITORIAL / SOMMAIRE 3
ANCIENS NUMÉROS :

01/ Sfar* 6,50€


03/ Gotlib & Delaby* 6,50€
04/ Desberg* 7,90€
05/ Le Lombard* 6,50€
61 62 63 64 65 66
06/ Christin 6,50€
08/ Le dessin de presse 8€
10/ Angoulême 7,50€
11/ Voyageur 7,50€
12/ Convard 7,50€
13/ Berthet 7,50€
15/ Francq* 8,50€
17/ Thorgal 7,50€
20/ Belgique 8,90€
21/ Jodorowsky 8,90€ 67 68 69 70 71 72
22/ M. et J.-F. Charles 8,90€
23/ Figuration narrative 8,90€
24/ Graton 8,90€
25/ La nouvelle vague 10€
26/ La Bande à Tchô! 8,90€
27/ Gibrat 8,90€
28/ Guarnido 8,90€
29/ Cosey 10€
30/ Des bulles au musée 8,90€ 73 74 75 76 77 78
31/ Chéret 8,90€
32/ Pellerin 8,90€
33/ I.R.S. 8,90€
34/ Cassio 8,90€
35/ Rentrée 2009 8,90€
37/ Marini 8,90€
40/ Tibet 8,90€
42/ Eco Warriors 8,90€
43/ Cromwell 8,90€
79 80 81 82 83 84
44/ Boucq 8,90€
45/ Hermann 10€
46/ Spirou 8,90€
47/ Stryges 8,90€
48/ Dufaux 8,90€
49/ Rosinski 10€
50/ Lereculey 8,90€
52/ Juillard 8,90€
53/ Grenson 8,90€
54/ Sfar 8,90€ 85 86 87 88 89 90
55/ Belles carrosseries 10€
56/ Mœbius 8,90€
57/ Nury 8,90€
58/ Manara 8,90€
59/ Serge Clerc 10€
60/ Vicomte 8,90€
61/ Comics 8,90€
62/ Art Spiegelman 8,90€
63/ Giraud 8,90€ 91 92 93 94 95 96
64/ Grand Angle 8,90€
65/ Cap sur la rentrée 10€ 85/ Achille Talon 10€
66/ Andreas 8,90€ 86/ Dorison 8,90€
67/ Uderzo 8,90€ 87/ Nury 8,90€
68/ Tardi 8,90€ 88/ Boucq & Charyn 8,90€
69/ La Marque Jacobs 10€ 89/ Mirallès & Dufaux 10€
70/ Spirou 8,90€ 90/ Rahan 8,90€
71/ Last Man 8,90€ 91/ Denis Robert 8,90€
72/ Lauffray 8,90€ 92/ Bob Morane 8,90€
97 98 99 100
73/ Fred 8,90€ 93/ Super-Héros français 8,90€
74/ Bilal & Christin 8,90€ 94/ Années Spirou 8,90€
75/ Christin & Mézières 10€ 95/ Superdupont 10€ S’ABONNER, COMMANDER
76/ Bajram 8,90€ 96/ Titeuf 8,90€ D’ANCIENS NUMÉROS,
77/ Grenson 8,90€ 97/ Corto Maltese 8,90€ LIRE EN LIGNE,
78/ Astérix 8,90€ 98/ Bob Morane 8,90€ RETROUVER TOUTES
79/ Blake & Mortimer 10€ 99/ Tillier 10€ LES COUVERTURES
80/ Yslaire 8,90€ 100/ Clifton [+ 1 cartonné 48 p.] 10€ ET TOUS LES SOMMAIRES :
81/ Le Joker 8,90€ 101/ Disney 8,90€ www.dbdmag.fr
82/ Delaby 8,90€ 102/ Lucky Luke 8,90€ 101 102
83/ Noé 8,90€
*Derniers exemplaires !
84/ Schuiten 8,90€
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désigné ci-dessous. En cas de litige sur un prélèvement, je pourrai en faire suspendre l’exécution par simple demande à l’Établissement teneur de
mon compte. Je règlerai le différend directement avec le créancier. En cas d’augmentation du prix de l’abonnement, le montant du prélèvement sera
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HS05/ Hermann 10€ VOUS POUVEZ ÉGALEMENT VOUS ABONNER ET COMMANDER
HS06/ Bilan 2010 10€ NOS ANCIENS NUMÉROS SUR : www.dbdmag.fr
HS07/ Christin 10€
HS08/ Bilan 2011 10€ POUR TOUT VIREMENT,
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16 HS10/ Manga 2012* 10€
Domiciliation : HSBC FR PARIS MAUBERT
HS11/ Boucq* 10€
HS12/ Érotisme 10€ Banque Guichet N° de compte Clé RIB
HS13/ Histoire : Rome 10€ 30056 00065 0065 200 0742 38
HS14/ Dessin de presse 10€
*Derniers exemplaires !
HS15/ Ric Hochet 7€
IBAN : FR 76 3005 6000 6500 6520 0074 238
**Deux couvertures différentes
BIC : CCFRFRPP
HS16/ Érotisme [2] 10€
PRESSE BD
Aaarg!

En tant qu’amateurs de bandes dessinées, nous


avions accueilli avec joie l’arrivée en librairie du
bimestriel AAARG! avant d’apprendre qu’il arrêtait...
pour devenir mensuel et paraître en kiosque.
Qui mieux que son créateur et rédacteur en chef,
Pierre Starsky, pouvait nous parler
de cette aventure hors normes commencée
en septembre 2013 ? Par Frédéric Bosser

© AAARG!

AAARG! UNE AVENTURE ÉDITORIALE...


Commençons par le commencement. cinéma, à la littérature... Donc même si AAARG! devait
Qu’est-ce qui vous décide à vous être un périodique de BD, il était hors de question de s’en-
lancer dans le projet du bimestriel fermer là-dedans, même si la BD en serait la locomotive.
AAARG! ? Et je ne voulais surtout pas me cantonner à un seul genre :
Une envie de lecteur frustré le polar, le fantastique, l’humour, l’enquête, la SF, l’inti-
alimentée par un besoin compulsif miste... Un peu comme dans la vie, on devait pouvoir passer
de créer. Je suis malheureux quand d’une émotion à l'autre. Le côté irrévérent, subversif, était
je n’ai pas de projet à faire vivre, je là depuis le début, c’est vrai, jusque dans nos influences,
crois que c’est un besoin presque dans notre parcours. On a d’ailleurs très vite eu le soutien
pathologique de donner naissance à de Jean-Pierre Dionnet, qui dit qu’on est sa revue préférée
des choses, à les voir évoluer. Dans le depuis Métal hurlant. Le pied !
cadre de AAARG!, première version,
l’envie d’un périodique me déman- Puis vous surprenez tout le monde en annonçant son arrêt
geait depuis avant même le début après 11 numéros et votre souhait de devenir mensuel et
des éditions Même pas mal, que diffusé en kiosque. Pourquoi ce revirement ?
j’ai par ailleurs quittées pour monter Parce qu’on voyait les limites du lectorat qu’on pouvait
AAARG! Enfant de la presse, nourri toucher en restant uniquement dans le réseau du livre, et
aux magazines, ça faisait un certain ce même avec notre succès, entre les frais d’impression,
temps qu’il y avait un manque, à les émoluments des auteurs et les frais fixes, on perdait de
> Pierre Starsky mes yeux, quelque chose qui aurait l’argent. Par ailleurs, la première version d’AAARG! coûtait
© Photo Dams
synthétisé Pilote, (À suivre), Métal cher, beaucoup trop. Puis son format et sa parution nous
hurlant, Actuel, sans pour autant les reproduire, en étant en obligeaient à la vendre à 15 €. Notre vision d’AAARG! est
phase avec notre époque, avec notre état d’esprit propre. celle d’un magazine populaire. En passant en presse, on a
Ce journal n’existait pas tel que je le rêvais, donc, dans ce pu diviser le prix de vente par trois. On est disponible dans
cas, une seule solution : Do it yourself! les gares, c’est quand même primordial pour un tel canard.
Et passer en mensuel, avec une périodicité claire, quitte à
Quelle idée de contenu avez-vous alors ? se cantonner à une centaine de pages, c’était une évolution
Je considère, en tant que passionné, que lorsqu’on est logique. Il y aura quand même des versions « compil » en
curieux, on l’est de tout. J’ai été biberonné à la BD, au librairie, avec une très belle fabrication.

6 PRESSE BD / AAARG!
Le retour de Fred Beltran, avec Berberian au scénario
© Berberian & Beltran / AAARG!

Les trois premiers


numéros parus
© AAARG!

gens ne te voient pas, ils ne t’achètent pas,


puisqu’ils ignorent jusqu’à ton existence.
(Rires.) Nous avons une équipe éditoriale
très réduite, et on bosse vraiment très dur
pour que ça marche, occupant chacun
deux ou trois fonctions. En tout cas, même
si on a environ 20 000 lecteurs, je pense
qu’on est encore très loin de notre taquet.

Histoire de faire saliver nos lecteurs,


Vous avez fait appel au site ulule.com pour financer ce que va-t-on découvrir dans le numéro de mai et dans les
projet. Était-ce indispensable et combien avez-vous récolté numéros suivants ?
au final ? Eh bien déjà, sur ce numéro, c’est l’inénarrable Mezzo qui
Au vu de notre trésorerie, on avait besoin d’abonnés pour ce a fait la couverture, il a pris goût à bosser avec nous, du
lancement, alors on a fait un appel pour 5 000 €, en espérant moins je l’espère, et il n’est pas exclus qu’il nous fasse des
en avoir 10 000. Et là – nous avons été les premiers surpris –, pages prochainement. Puis c’est le grand retour de Fred
on a explosé les compteurs en dépassant les 60 000 €. Cela Beltran à la BD, après dix ans, avec un one-shot de SF
nous a permis de repartir sur des bases assainies. intimiste scénarisé par Berberian. Un entretien avec Luz,
où il se dévoile de façon très personnelle, puis les habitués,
Combien de numéros cette somme vous la liste est longue. Ah ! Tu
permet-elle théoriquement de financer ? sais qu’on a repris la série lit-
Environ deux numéros, sans compter les téraire Le Poulpe ? Eh bien,
charges fixes de la boîte. Cela a l’air énorme, c’est J.B. Pouy, son créateur,
et ça l’est, mais sur un tel projet, on voit du qui va s’occuper du prochain
fric transiter chez nous et repartir aussitôt. épisode. On prépare aussi un
À cette heure, le magazine cartonne, ce qui hors-série pour cet été, es-
lui permet de continuer, mais sans gagner tampillé « AAARG ! Culte »,
de l’argent, car les frais sont énormes. On autour du cinéma, de la lit-
ne fait pas ça pour l’argent, heureusement... térature, de la musique... Et
Tant qu’on pourra payer les auteurs, on pour continuer à vous faire
continuera. saliver, j’ai entre les mains
la couverture que Frederik
Avez-vous gagné des lecteurs avec ce Peeters a pondue pour le
changement de diffusion ? prochain numéro, et elle est
Bien sûr. Et je suis certain qu’on peut sublime.
toucher plus de monde encore. Ce qui
nous manque, depuis le début, ce sont les
moyens financiers qu’ont les grosses struc- AAARG! #4
tures, notamment pour la promo. Si les (mai 2016)
MENSUEL, 100 pages couleurs,
en kiosque.
Illustration de couverture, par Mezzo
© Mezzo / AAARG! PRESSE BD / AAARG! 7
ÉVÉNEMENT
Extrait de
FranDisco FranDisco
© Van Hasselt & Schmitz / Frémok

C’est au Festival d’Aix-en-Provence où ils présentaient


leur album en avant-première que nous avons retrouvé
Thierry Van Hasselt pour nous parler de ce projet
complètement fou consistant à raconter en bande
dessinée la ville imaginaire de Marcel Schmitz.
Trisomique, presque cinquantenaire, ce dernier s’est
initié au dessin représentant bâtiments, routes et
autres ponts avant d’apprendre l’art des objets en
volume à la « S » Grand Atelier, un centre d’art pour
artistes déficients mentaux situé à Vielsalm en
Belgique. Thierry Van Hasselt, lors d’une invitation faite
par cette institution pour une résidence, l’a découvert
et a décidé d’en faire un livre, Vivre à FranDisco.
La suite, c’est l’auteur qui nous la raconte...
Par Frédéric Bosser

UNE RENCONTRE
UNIQUE...
Thierry, racontez-
nous les origines de
ce livre.
À la sortie de Match
de catch à Vielsalm,
un album collectif paru chez
Frémok où nous avions fait se
rencontrer des auteurs de bande
dessinée et des artistes porteurs
d’un handicap mental, je cherchais
un nouveau projet de ce type. C’est
là que j’ai découvert les prémices
Marcel Schmitz et Thierry Van de la ville imaginaire de Marcel. Les bâtiments étaient
Hasselt à Aix-en-Provence encore en 2D. À chacune de mes visites à Vielsalm,
© Photo F. Bosser
je voyais sa ville imaginaire se construire peu à peu.
Pour chaque bâtiment, il me racontait son histoire,
ses usages et son fonctionnement. De là est née l’idée
d’une bande dessinée autour de sa ville... où il serait
le personnage principal et où j’entrerais dans les Avez-vous eu peur de
bâtiments. Pour dessiner certains personnages comme ne pas vous entendre ou
saint Nicolas ou les enfants de chœur, je suis parti de vous comprendre ?
ses dessins. Avec lui, j’avance par petits pas et c’est un Au début, j’avais
peu comme si je tirais le fil d’une pelote de laine. surtout peur que notre
rencontre ne débouche
Vous exposez son travail en octobre 2013 au théâtre sur rien. Comme j’ai vite
du Forum de Meyrin à Genève... eu de bons retours de la
Cette résidence va enrichir cet album puisque je vais part de mon entourage,
raconter ce qui nous arrive sur place, comme ce séjour cela m’a encouragé à
au NH Hôtel. Tous les autres endroits que nous allons continuer. Ce que je
Vibre à FranDisco ensuite investir, de la galerie Agnès B. à la Fondation fais avec Marcel, c’est
Par VAN HASSELT ET SCHMITZ Vasarely, vont nous faire vivre des expériences qui vont comme un cadeau, car
Éditions FRÉMOK, enrichir sa ville et donc notre histoire. cela me permet d’aller dans des directions et des zones
sans pagination, 14 €,
disponible.
où je ne serais jamais allé seul. On est dans l’expé-
Pourquoi cette option d’une bande dessinée sans rimentation, l’abolition des frontières, le décloisonne-
textes et en N&B ? ment... Quand je travaille seul, je vais vers des choses
Parce que je trouve que cela fonctionne mieux ainsi. plus douloureuses, plus graves, etc. Avec Marcel, je
La couleur est venue en fin d’album suite à la possibilité suis dans un registre plus léger, plus incongru et cela
d’investir la Fondation Vasarely. me plaît tout autant !

Ci-dessus : l’exposition à Aix-en-Provence,


8 ÉVÉNEMENT / FRANDISCO
et une dédicace de Marcel Schmitz
© Photos F. Bosser
EXPOSITION
6SHHG\ *UDSKLʞR

Inspiration nocturne
© 2016 Speedy Graphito

Spe dy
Par Frédéric Bosser

Graphito
Le choc des mondes !
Contrairement à Hervé À la demande de la galerie Huberty & Breyne, qu’il a
Di Rosa, Speedy Graphito connue lors de l’exposition collective Quelques instants
n’a jamais souhaité faire plus tard [il y signera deux toiles en collaboration avec
de bande dessinée. C’est Frank Margerin], Speedy Graphito fait appel à ses rémi-
bien vers l’art avec un niscences de bandes dessinées, de comics, de dessins
grand A qu’il a toujours animés, de mangas, de publicités... pour une série de
voulu s’orienter, copiant toiles où son œil détourne la symbolique des figures
dès son plus jeune âge universelles de l’art populaire comme Mickey, Blanche-
les œuvres de Van Gogh, Neige, Mario Bros, Bugs Bunny, Captain America, Bob
Picasso, Delacroix, Dali ou l’éponge, les 4 Fantastiques, Astro le robot, Popeye ou
Géricault... À 18 ans, la Lucien, le rockeur à la banane de Métal hurlant, et les
découverture d’un livre de confronte à l’art. « J’ai aimé mettre tous ces personnages
codex maya le convainc dans des environnements d’art moderne, comme
définitivement qu’en une Garfield au centre de l’atelier de Matisse, ou me donner
image, on peut raconter la possibilité de mettre ensemble des personnages qui
Speedy Graphito des histoires et donner sa vision du monde. À 22 ans, se croiseront pour la première fois. » Et quand on lui
© Photo Emily Sajot il décroche son diplôme à l’école d’art Estienne, à demande s’il y a un message derrière tout cela, il nous
Paris. En 1983, le futur Speedy Graphito bombe dans répond « spontanéité et intuition » et il a bien raison !
la rue ses premiers pochoirs d’après les toiles qu’il a Cette cinquantaine d’œuvres, vingt toiles et trente
réalisées dans son atelier, histoire de se faire un nom dessins inédits, est à voir tout au long du mois de mai.
dans le milieu de l’art. Il fait alors partie du groupe X
Moulinex qui tague notamment les passages piétons
de Paris à la nuit tombée. « J’aime donner aux gens
des œuvres éphémères car quand elles disparaissent
True Romance

par l’usure du temps ou parce qu’elles sont nettoyées,


il y a comme un manque dans le paysage. » D’autres
© 2016 Speedy Graphito

œuvres dans les Catacombes, le quartier des Halles


de Paris alors en chantier seront reconnaissables à la
même époque. Cette notoriété nouvelle lui permettra
d’être exposé en galerie, d’abord dans des présen-
tations collectives, avec notamment Les Ripolins,
HOME STREET HOME Les Musulmans fumants... puis en solo. À la fin des
Exposition Speedy Graphito
années 90, Speedy Graphito range ses bombes et part
à Bruxelles. Jusqu’au 29 mai.
vivre à la campagne. « Comme je n’allais pas taguer
Du mercredi au samedi de 11 h à 18 h.
Le dimanche de 11 h à 17 h. les vaches ou les fermes, j’ai alors entamé un travail
HUBERTY-BREYNE GALLERY plus introspectif ! » Pionnier à jamais du street art
8A, rue Bodenbroeck, place du Grand français, il est encore aujourd’hui régulièrement invité
Sablon, 1000 BRUXELLES dans des manifestations culturelles à travers le monde
Tél. +32 (0)2 893 90 30. pour raconter son expérience dans le domaine et c’est
Mobile +32 (0)478 319 282. avec bonheur qu’il vient de répondre récemment à une
Courriel : contact@petitspapiers.be commande de la ville d’Évry pour une fresque de 3 000
mètres carrés sur l’Agora, la plus grande d’Europe.

10 ÉVÉNEMENT / SPEEDY GRAPHITO Obey Lix


© 2016 Speedy Graphito
BEAU LIVRE
Brecht Evens > Brecht Evens
© Photo DR

C’est dans son café attitré de la rue des Pyrénées,


Aux rigoles, que nous avons retrouvé l’auteur
flamand Brecht Evens pour évoquer ses deux
grandes actualités, une exposition rétrospective
à Aix-en-Provence et un livre de voyage aux
éditions Louis Vuitton. Nous en avons profité pour
revenir sur son parcours... Propos recueillis
par Frédéric Bosser

Brecht L’IMAGIER...

Eve s En lisant votre biographie, on découvre que c’est à l’école Saint-Luc


de Gent que vous vous formez au dessin et à la bande dessinée...
J’ai toujours voulu faire ce métier, même si enfant je n’ima-
ginais pas qu’il soit possible d’en vivre. Mes premiers travaux,
je les ai publiés sur un site créé par mes
soins à une époque où nous en étions à nos
balbutiements dans ce domaine. Je lorgnais alors
beaucoup du côté de la fantasy [Lanfeust], de
Blacksad, de Calvin & Hobbes. Mon style était
alors lisse, tout en noir et blanc... La couleur ne
viendra qu’à la fin de mes études. À 17 ans, je
rejoins le collectif Pulp Deluxe qui me permet de
progresser avant d’intégrer Saint-Luc. Après une
première année, je décide de m’orienter vers la
filière « illustration ». Le plus important pour moi
était alors d’apprendre à dessiner plus que de
raconter des histoires. Je savais que cela allait
venir ensuite. De toutes les façons, à cet âge, on
n’a encore pas trop de choses intéressantes à
raconter, et puis je ne suis pas sûr que la bande
dessinée puisse s’apprendre.

Est-ce là que naît votre technique ?


Cette formation en quatre ans m’a permis de
tester plein d’autres techniques : aquarelle,
gouache, encre de Chine, crayon... qui ont fini
par aboutir à mon style que les lecteurs ont
découvert dans Les Noceurs en 2010.
Une page de Panthère
© Evens / Actes Sud BD

12 BEAU LIVRE / BRECHT EVENS


Extrait des Rigoles (à paraître)
© Evens

Quels sont les artistes que vous regardez ? Parlons de votre exposition à Aix-en-Provence qui montrera vos
J’ai beaucoup regardé George Grosz à mes débuts. Sinon, j’aime quatre albums dans quatre salles.
observer les œuvres de David Hockney, Picasso, Matisse, les mi- C’est Serge Darpeix qui est à l’origine de ma venue à ce festival,
niatures orientales, l’aquarelliste Charles Burchfield, les tapisseries mais pas que puisque par son entremise, j’ai illustré l’affiche de
flamandes, les estampes de Kuniyoshi qui viennent tout juste d’être l’opéra de cette même ville et je vais être exposé en juin au théâtre
exposées au Petit Palais, etc. de l’Archevêché où je vais pouvoir montrer des travaux qui ne sont
pas liés à la bande dessinée.
Vous êtes très vite publié en Flandre
comme en France... Justement, parlons de ce livre qui sort
Thomas Gabison a vu mon blog et début mai.
m’a contacté pour me dire qu’il me Rina Mattotti, la responsable de la
verrait bien faire de la bande dessinée. galerie Martel, leur a montré mon travail.
Il ne savait pas que j’en faisais et que je Il leur a plu et ils ont décidé de m’envoyer
publiais déjà en Flandre. Je lui ai envoyé à Tokyo. Mais comme c’était pendant
Les Noceurs, il l’a traduit en France, cette période où je n’allais pas bien, ils
idem pour le suivant, Les Amateurs, m’ont rapatrié d’urgence en France. Par
l’année d’après. chance, ils ne m’en ont pas tenu rigueur
et m’ont proposé une destination plus
Mais il faudra attendre plus de trois ans facile à gérer : Paris. (Rires.) S’ils m’ont
pour un nouvel album... fixé quelques lieux incontournables
Si Panthère a nécessité un an et demi comme la tour Eiffel, la fondation Vuitton,
de travail, j’ai été ralenti par une très le Sacré-Cœur, etc., ils m’ont donné
forte dépression. Ce n’est que quand carte blanche. Je trouvais intéressant de
j’en suis sorti que j’ai pu reprendre ce réfléchir sur des lieux qui ont été traités
projet commencé en 2009, et donc le par bon nombre d’autres artistes (et des
finir. Pendant cette période qui corres- millions de cartes postales). Quand je le
pond à ma venue à Paris, je n’arrivais à pouvais, j’ai improvisé des angles impos-
rien faire. sibles, la grande contrainte étant d’entrer

Extrait des Rigoles (à paraître)


© Evens

BEAU LIVRE / BRECHT EVENS 13


Le centre Georges Pompidou et la Tour Eiffel, par Brecht Evens
© Evens / Louis Vuitton

Panthère
Travel Book Paris Par BRECHT EVENS
Par BRECHT EVENS Éditions ACTES SUD BD,
Éditions LOUIS VUITTON 126 pages couleurs, disponible.
Voir critique dans le dBD #89

dans le format panoramique qu’offre ce livre, sachant que Paris est Est-ce que cela vous plaît de savoir que vous allez être lu dans le
une ville plutôt verticale. Les dessins que vous voyez dans ce livre monde entier ?
sont au format des originaux. C’est assez excitant ! Ce qui m’intéresse surtout dans ce type de
projet, c’est la possibilité de toucher un public qui n’est pas le sien
Comment travaillez-vous ? habituellement. J’aimerais bien surprendre des gens qui ne seraient
In situ et parfois à mon atelier. En général, j’aime provoquer des pas allés naturellement vers mon travail. Cela permet de sortir de
formes inattendues comme les accidents qui me sont apportés par sa niche !
ma technique. Il m’est aussi arrivé de demander à des amis ou à
des enfants que je croisais dans la rue de mettre leur patte dessus. Votre prochain projet ?
Il sera dans l’esprit des Noceurs. Il va s’intituler Les Rigoles. Ce
Qui organise les chapitres titre vient du bar où nous nous trouvons. Je vais raconter l’histoire
et le rythme du livre ? de trois personnes, deux garçons et une fille, qui montent dans un
On l’a fait ensemble. La fin au Père-Lachaise vient d’eux par taxi (nommé Rigoles) direction un quartier imaginaire où on peut
exemple. Le résultat est meilleur que ce que j’aurais proposé... faire la fête toute la nuit.

En tout cas, voilà une belle occasion pour l’étranger


que vous êtes de découvrir cette ville !
Il est clair que cela m’a fait aller dans des endroits où je ne serais
pas allé naturellement. L’aventure est venue me chercher... J’aime
quand un projet se monte de cette façon.

14 BEAU LIVRE / BRECHT EVENS


QUOI DE NEUF ?
$FWXDOLʞŸV Une sélection de Frédéric Bosser et Henri Filippini

DOCUMENTAIRE

Dans les entrailles d’Edmond


En sortant de la projection du film de Laetitia Caron, Edmond,
un portrait de Baudoin, on pensait savoir tout [ou presque] sur
Edmond Baudoin, eh bien nous avions tort. Le livre édité par
L’Association, Éloge de l’impuissance, est là pour nous rappeler
que l’homme est bien plus complexe qu’on pouvait le penser.
Pionnier dans l’autobiographie et l’apport de la poésie en bande
dessinée, cet artiste qui mettra du temps avant de se révéler
comme tel [car il fut longtemps comptable] est aujourd’hui un
auteur incontournable du 9e art. Et si vous en doutez, ruez-vous
sur ce livre qui évoque des épisodes de sa vie qui ne sont pas
dans le DVD du film qui est joint à cet ouvrage. FB

ÉLOGE DE L’IMPUISSANCE PAR EDMOND BAUDOIN. Éditions L’Association. Livre broché, sans
pagination, N&B, 29 €. Est joint le DVD Edmond, un portrait de Baudoin par Laetitia Carton.

DELFEIL DE TON MEZZO LA BD


RACONTE ILLUSTRATEUR PARTOUT
En 1969, bien que les
éditions du Square ne
Avec Black
À LYON
se portent pas très bien,
Georges Bernier, alias No More, EN JUIN
le professeur Choron, les éditions
et François Cavanna Wombat
décident de lancer continuent
un hebdomadaire, de faire
Hara-Kiri Hebdo. Parmi
appel aux
les collaborateurs,
Delfeil de Ton [Henri auteurs
Roussel], qui de 2008 à 2010 a raconté avec de bandes UNE GRANDE
truculence sa Véritable Histoire d’Hara-Kiri dessinées
Hebdo dans l’hebdomadaire Siné Hebdo. Ses
textes sont réunis dans un ouvrage proposé par
pour notre PREMIÈRE !
plus grand
les excellents Cahiers dessinés. En 83 rubriques Pour la première fois, une
bonheur. Après Joost Swarte et
de 2 500 signes, l’auteur évoque cette époque maison d’édition, Futuropolis
fabuleuse où tout était possible. Hara-Kiri J.-C. Menu, c’est au tour de Mezzo en l’occurrence, signe un
Hebdo sera abattu par la censure au moment d’illustrer une de leurs couvertures. partenariat officiel avec
La 11e édition de Lyon BD
du décès du Général. Drôle, émouvant, surtout Et il s’en sort avec brio, le bougre ! une médiathèque, celle de
s’annonce encore plus folle
lorsque l’on réalise que de cette épopée J’en ai profité pour lire cette bril- Maze. Cette collaboration
de presse, il ne reste aujourd’hui que deux que la précédente. Tout au
lante histoire de George S. Schuyler concerne l’ensemble de la
survivants, Willem et Delfeil de Ton, dont long du mois de juin, dans
qui se déroule dans l’Amérique saison culturelle 2015-2016
on peut savourer les célèbres Lundis chaque plus de quarante lieux de
raciste des années 30. FB de La Bulle, puisqu’elle a
semaine dans L’Obs. HF débuté en octobre avec une
la ville [cinémas, ateliers,
BLACK NO MORE PAR GEORGE S. SCHUYLER. écoles, bibliothèque de Vil-
MA VÉRITABLE HISTOIRE D’HARA-KIRI HEBDO Couverture de Mezzo. Éditions Wombat. Livre conférence sur l’histoire du
PAR DELFEIL DE TON. Éditions Les Cahiers dessinés. Louvre par Cyrille Gouyette leurbanne, musée Gadagne,
broché, 256 pages, 20 €. Disponible centre culturel d’Écully,
Livre broché, 176 pages N&B, 18 €. Disponible [chef du service Éducation
& Formation du musée], Archives municipales,
École Émile-Cohl...], des
DES FILLES POUR SOLEIL
suivie d’un parcours artistique
imaginé pour le jeune public animations et séances de
et qui aboutira à une visite signatures seront proposées
Voici déjà 21 ans que les éditions Soleil offrent avec pour point fort les 4 et
l’album Les Filles de Soleil aux plus fidèles de
du Louvre en mai 2016
avant de se conclure par 5 juin [le 3 étant une journée
leurs lecteurs. Une quarantaine de dessinateurs réservée aux professionnels]
ont croqué une jolie fille dénudée, le plus souvent la grande exposition – une
création originale sur le où plus de 200 auteurs sont
appartenant à leurs propres séries. Notons les par-
ticipations de Tarquin, Mourier, Djief, Floch, Duarte, territoire français – et la soirée attendus [Bouzard, Homs,
Moretti, Calderon, du 13 mai 2016 consacrée Bajram, Verron, Trondheim,
Lamontagne, Gaby, aux éditeurs de Futuropolis Lupano, Boulet, Yohann...].
Jung, Carrère, comme du Louvre [Sébastien Vingt délégations étrangères
Barbucci, Aurore, Gnaedig et Fabrice Douar], en sont annoncées [Québec,
Danard, Goux... Cet présence de Christian Durieux Catalogne, Shanghai...].
album de format 266x247 au tirage unique et David Prudhomme. Notons Angoulême, qui n’a plus
est gratuit, offert par votre libraire contre l’achat de que la scénographie originale vraiment la cote, devrait se
trois albums du riche catalogue Soleil. HF est imaginée et réalisée par méfier de ce concurrent qui
LES FILLES DE SOLEIL T.21 COLLECTIF. Marc-Antoine Mathieu. FB en veut. HF
Éditions Soleil. Album cartonné, 88 pages couleurs, gratuit. Du 1er avril au 23 juillet. www.lyonbd.com

16 QUOI DE NEUF / ACTUALITÉS


RÉÉDITION
Quinze après sa première parution, le Pat Boon
de Winshluss fait son retour à L’Association.
Histoire de bien faire les choses, il est complété
par des pages inédites. Une excellente raison de
retrouver ce personnage mais aussi ses amis,
Peggy, Fat Slim, Klux et Klux qui zonent dans
cette Amérique dépressive
et raciste des années 30.
Il n’y a pas plus fort que
Winshluss pour parler avec
une grande économie de
dialogues de l’âme humaine
avec ce zeste d’humour
qui le caractérise.
Indispensable ! FB

PAT BOON PAR WINSHLUSS.


Éditions L’Association. Livre broché, 40 pages N&B, 14 €. Disponible.

LANÇONS
LE DISQUE !
Le 3 avril, le parc Astérix a inauguré sa nouvelle
attraction familiale, Discobélix. C’est Élodie Gossuin,
animatrice radio sur RFM, Miss France et Miss Europe,
et marraine de l’événement qui a dévoilé officiellement
l’imposante statue d’Obélix. Située au cœur de la
zone grecque, cette attraction inédite au parc invite le
visiteur à pénétrer dans la cité antique d’Olympie. Fort
d’un disque de 10 mètres de diamètre, d’une capacité
de 40 personnes, d’un parcours de 80 m de long,
Discobélix donne l’occasion aux petits et grands de vivre l’épreuve du lancer
de disque à travers le personnage d’Obélix et de se plonger dans l’univers de
l’album Astérix aux Jeux olympiques. Nous l’avons testé. Le frisson est garanti. FB

RECTIFICATIF TRILOGIE POUR


Dans notre précédent LE LION DES FLANDRES
numéro, nous vous
informions que le des-
sinateur Willem avait
fait don de l’ensemble
de ses originaux à la
Bibliothèque nationale De 1949 à 1951, Bob de
de France. C’est à Moor a écrit et dessiné trois
partir d’un premier récits historiques [Le Lion
communiqué de la des Flandres, Le Gars de
BNF que nous avions Flandre et Conrad le hardi]
publié cette actu. Un situés au XIVe siècle évo-
second communi- quant la lutte du comté de
qué, précisant qu’il Flandre contre les troupes
s’agissait d’un achat du roi de France. Publiés
et non d’un don, ne en noir et blanc dans
Kuifje, édition flamande de l’hebdomadaire Tintin,
nous est pas parvenu.
ces récits sont réédités dans trois albums mis
Bien que ce second
en couleurs et à la présentation parfaite, chacun
message ne précisait d’entre eux étant accompagné d’un ex-libris numé-
pas les modalités de roté. Dans un premier temps, ces ouvrages propo-
cette transaction, un sés dans un coffret illustré sont commercialisés par
ami historien de la BD le site sandawe.com qui en assure le financement.
nous apprend que la Des cadeaux exclusifs sont offerts aux souscrip-
BNF aurait déboursé teurs selon le niveau de leur apport. Notons aussi
400 000 €. Il nous la réédition à 100 exemplaires de La Sentinelle,
semblait important que récit inédit en langue française de Bob de Moor.
cela soit précisé. HF Pour en connaître les détails, il est recommandé de
consulter le site www.sandawe.com. HF
QUOI DE NEUF ?
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BEAU LIVRE WESTERN ET FANTASTIQUE


Merci Honoré Mississippi 1875 : les
White States of America
se lancent à la conquête
de contrées mysté-
rieuses habitées par
des tribus indiennes,
mais aussi fréquentées
par des peuples
monstrueux. Le célèbre colonel Custer et Agathon, prédicateur illuminé,
préparent un complot contre le président Jefferson Davis. Le second
volet de ce western fantastique aux rebondissements multiples arrive,
écrit par Thierry Lamy, dessiné en noir et blanc par Frédéric Vervisch.
Est-ce parce que son dessin ne se prêtait
pas à l’exercice du dessin de presse, car très
Un diptyque intense de plus de 200 pages qui renouvelle le genre. À
élaboré ? Est-ce parce qu’il était un homme noter que les acheteurs de ces ouvrages pourront télécharger gratuite-
discret ? Est-ce parce que son travail était ment la totalité du scénario et du story-board en
intemporel et pas toujours lié à l’actualité ? e-book. Une nouvelle réalisation de sandawe.com,
Est-ce pour toutes ces raisons qu’Honoré est souvent oublié des commémorations et qui vient de publier le quatrième numéro gratuit
hommages des victimes de l’attentat de Charlie ? Quelque part, oui... Quoi qu’il en de Sanda.bd, magazine papier sympa qui nous
soit, cette situation est injuste, car c’est un immense auteur et un
informe sur les nombreux projets de ce site où les
homme d’une grande sagesse qui nous a quittés le 7 janvier 2015
avec ses compagnons d’infortune. Et si vous en doutiez ne serait-ce
lecteurs sont aussi les financiers. HF
qu’un seul instant, je vous invite à parcourir Petite anthologie HELL WEST T.1 ET 2 : WENDIGO PAR LAMY ET VERVISCH.
du dessin politique, un livre qui reprend 201 dessins de presse Album broché format 16x24, 112 pages N&B, 13,50 €
[www.sandawe.com].
réalisés entre juin 1995 et janvier 2015. On y retrouve la brutalité et
l’absurdité de notre monde sous sa plume incomparable. FB
PETITE ANTHOLOGIE DU DESSIN POLITIQUE PAR HONORÉ.
Éditions La Martinière. Livre broché, 288 pages, 25 €. Disponible TOUS À
VIEUX TACOTS ROUBAIX
La collection Vieux Tacots des éditions Idées + s’enrichit de Le 11e Salon de la BD et des
deux nouveaux ouvrages qui devraient émouvoir les nostalgiques arts graphiques de Roubaix
des voitures d’antan. Le premier présente la 4L, la populaire, ouvrira ses portes les 21 et 22
le second la 204, la lionne du bitume. De format à l’italienne,
mai prochains. Organisée avec
ces albums évoquent l’histoire de ces voitures mythiques
écrite par Franck Coste et Monique Uderzo-Ott, accompagnée le concours des éditions Ankama
de nombreuses illustrations signées par Bruno Bouteville, Éric Le Berre, Mike Ratera, et la librairie le Furet du Nord,
François Roussel, Marcel Uderzo, Jeff Baud et Thierry Martinet. Une bouffée d’émotion pour cette manifestation annonce la
passionnés et nostalgiques des quatre roues d’antan. HF présence de bouquinistes, de dé-
LA 4L, LA 204. Idées + [www.ideesplus.fr]. Albums cartonnés, 80 pages couleurs, 13 €. dicaces d’auteurs, d’expositions,
d’ateliers d’origami et de photogravure, et la 13e nuit des Arts

THÉODORE POUSSIN le 21 mai dans une quarantaine de lieux dans la ville. HF


SALON DE LA BD DE ROUBAIX. Salle Watnemez, 9, rue de l’Hospice, entrée gratuite.

REVIENT ENFIN
PREMIÈRE EN FRANCE
La 21e édition du Festival BD de
Sérignan dans l’Hérault se déroulera le
week-end des 14 et 15 mai prochains.
Tous ceux qui apprécient Le président de cette manifestation
Théodore Poussin et ses conviviale sera Nicolas Keramidas,
aventures exotiques seront dont l’album Mickey’s Craziest Adven-
heureux d’apprendre tures [scénario Lewis Trondheim] vient
son retour en album... à de sortir, salué par toute la critique.
l’automne 2017. Après
Il signe la superbe affiche où cara-
sa dernière histoire, Les Jalousies, publiée en 2005, Franck Le Gall reprend enfin
le crayon. Afin de nous faire patienter, les éditions Dupuis proposent une série colent les personnages de l’univers
trimestrielle de quatre Cahiers de Théodore Poussin permettant de suivre l’évolution Disney. C’est la première fois en
du travail du dessinateur. La première livraison présente les douze premières pages France qu’une affiche destinée à un salon BD est validée
en noir et blanc de ce treizième épisode, des croquis, des crayonnés et un dossier par la firme Disney. Si vous passez par cette belle région,
thématique. Foncez le réserver chez votre libraire, le tirage est limité. HF n’hésitez pas à faire un détour afin de savourer ce festival
CAHIERS DE THÉODORE POUSSIN T.1 PAR FRANK LE GALL. sympathique à dimension humaine. HF
Éditions Dupuis. Album broché, 32 pages, format 235x312, 13 €, le 6 mai. 21E FESTIVAL BD DE SÉRIGNAN. 14 et 15 mai. www.facebook.com/Festivalbd

18 QUOI DE NEUF / ACTUALITÉS


QUOI DE NEUF ?
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BELLES IMAGES

Riff Reb’s magique !


Qui mieux que Riff Reb’s est capable d’illustrer un récit d’initiation
tragi-comique aux accents surnaturels qui se passe en haute
mer ? Quand on découvre ses 15
illustrations en N&B, on ne voit personne
d’autre ! Alors courez acheter ce
magnifique ouvrage [deuxième roman de
Richard Gaitet] qui vous fera voyager
dans tous les sens du terme. Que du
bonheur ! FB

L’AIMANT PAR RICHARD GAITET.


ILLUSTRATIONS DE RIFF REB’S.
Éditions Intervalles, Livre cartonné, 336 pages,
19 €. Disponible

MERCI PROFESSEUR KERVERN ! RÉÉDITION AUGMENTÉE


Sur le même principe que les fameuses
fiches du Professeur Choron, Gustave
Kervern nous propose 50 idées foireuses
pour augmenter notre pouvoir d’achat.
Cela passe par comment refabriquer
des huîtres à partir
de coquilles vides,
comment se cultiver
en piquant des revues
dans les salles d’attente
des médecins, etc.
Pour cela, il est
accompagné par le tout aussi talentueux dessinateur Lefred Dans leur souci de réédition de l’œuvre de Jean-Yves
Thouron. À ne manquer sous aucun prétexte. Et en plus Mitton, les éditions Original Watts nous proposent deux
c’est vendu pas cher ! FB grands classiques : L’Archer blanc, une bande dessinée
DEVENIR RICHE SANS EFFORT PAR KERVEN ET LEFRED THOURON. créée en 1987 dans Le Journal de Mickey, puis
Éditions Fluide Glacial, 144 pages couleurs, 9,90 €. Le 4 mai. compilée en albums chez Soleil avant d’être partielle-
ment rééditée dans Strange [Organic comix] sur un
PINCHON ET BÉCASSINE RIEN À FOOT
scénario de François Corteggiani. Cette bande dessinée
transpose l’histoire de Robin des Bois dans un cadre
S’EXPOSENT futuriste. Signalons chez ce même éditeur une intégrale
C’est sous entièrement restaurée, relettrée et agrémentée d’inédits
Si le nom de Bécassine, ce titre que de Frisano et Reed Man et de recherches de
née voici 110 ans dans Jean-Loup personnages en couleurs de Jean-Yves Mitton [59 €].
La Semaine de Suzette,
Chiflet et Cabu De ce dernier auteur, il en est encore question avec
est toujours très présent
ont publié un Blek le Roc, un personnage créé en Italie qu’il dessina
dans la mémoire des
ouvrage drôle pour KIWI quand le matériel italien se fit rare, à la fin
lecteurs, celui de Joseph
Porphyre Pinchon
et politique- des années 70, pour le compte des éditions LUG. Eh
[1871-1953], son dessinateur, l’est beaucoup ment incorrect oui, il n’y a pas que les Américains pour créer des
en 1998 à super-héros ! FB
moins. Le Centre régional de ressources sur l’album
l’occasion de la Coupe du monde L’ARCHER BLANC PAR MITTON ET CORTEGGIANI. Les trois premiers
et l’illustration de Margny-lès-Compiègne consacre fascicules sont disponibles. Livre broché, 26 pages couleurs, 6,50 €.
une exposition au père de la naïve Bretonne, mais de football. Dix-huit ans plus tard,
INTÉGRALE – LES ORIGINES DE BLEK LE ROC T.1 PAR JEAN-YVES MITTON.
aussi à ses autres personnages, tels Frimousset et leurs gags n’ayant pas pris une Éditions Original Watts. Livre broché, 162 pages N&B, 39 €. Disponible.
Grassouillet... Trois conférences de Bernard ride, Chiflet & Cie réédite ce petit
guide du foot tout en l’enrichissant
Lehembre seront également proposées les 5 et 19
avril et le 20 mai. Si vous passez dans cette région alors que va débuter l’Euro. Une SUPERTOURNESOL POUR COSEY
[jadis Nord-Pas-de-Calais-Picardie] où a longtemps excellente occasion de retrouver Depuis vingt ans, les Verts puis EELV remettent sous l’impulsion d’Yves
Frémion le prix Tournesol à un album respectueux de l’écologie à l’occasion
vécu Pinchon, n’hésitez pas à visiter cette le trait drôle et impertinent de du Salon d’Angoulême. Cette année, c’est l’Américain Derf Backderf qui l’a
sympathique exposition. HF Cabu qui nous manque tant. HF obtenu pour son ouvrage Trashed traduit en France par les éditions Çà et Là.
EXPOSITION PINCHON. Centre André-François, 70, rue RIEN À FOOT PAR CHIFLET ET CABU. Tous les dix ans, un prix Supertournesol est remis à un auteur pour l’ensemble
Aimé-Denuel, 60 280 Margny-lès-Compiègne [www. Éditions Chiflet & Cie. Ouvrage broché, de son œuvre, auteur particulièrement soucieux de l’écologie. Il a été décerné
centreandrefrançois.fr]. Du 2 avril au 20 août 2016. format 12,5x17, 128 pages N&B, 10 €. au Sénat à Cosey par le groupe des sénateurs écologistes. HF

20 QUOI DE NEUF / ACTUALITÉS


QUOI DE NEUF ?
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CULTURE

Shakespeare pour les nuls !


Non, l’œuvre de Shakespeare ne se résume pas à ses deux best-sellers
Roméo et Juliette et Hamlet, et Caroline Guillot entend bien nous le
démontrer ! Pour ce faire, l’auteure pénètre
avec humour et talent dans son monde via
ses 37 œuvres et sa centaine de sonnets. Un
ouvrage jubilatoire qui ne nous donne qu’une
seule envie, aller relire ses créations ou, mieux,
aller les voir sur scène l’année du quadricente-
naire de sa disparition, le 23 avril étant le jour
de sa mort présumée.FB

LE GRAND SHAKESPEARE ILLUSTRÉ PAR CAROLINE GUILLOT. Éditions


du Chêne. Livre cartonné, 96 pages couleurs, 14,90 €. Disponible.

PETITS PLAISIRS ! MITTON : KATZ : UN DOCU-


TOUJOURS PLUS X DE SPIROU MENTAIRE
Le mois dernier,
nous évoquions
À MALAKA PRÉCIEUX
la publication du
sixième et dernier
volume du très
hard Messalina
de Jean-Yves
J’avoue attendre Mitton aux
avec une impatience éditions Ange.
non dissimulée les
créations « petits
Le dessinateur
formats » que nous prolonge la série
propose Alain avec la publication d’un bel ouvrage
Beaulet régulière- de format A3 réunissant treize planches
ment. J’aime leur inédites aux images encore plus auda-
format, leur contenu cieuses que dans les albums. C’est peu
et bien entendu le Depuis 2006, l’hebdoma- Tourné dans les jours
dire ! Reliées en accordéon, ces pages daire Spirou publie réguliè- qui ont suivi les attaques
choix des auteurs. En ce mois d’avril,
sont accompagnées par un tiré à part rement les gags de Katz, né
ce sont deux livres de Placid, Le Jour et terroristes au siège de
La Nuit, et un de Loustal, Go West, qui signé par Mitton. Attention, le tirage est sur la toile, sous la signature
limité à 200 exemplaires et réservé à Charlie et à l’Hyper
sont arrivés à la rédaction. Ils ne m’ont de Del au scénario et d’Ian
pas déçu... FB un lectorat averti ! HF Casher de la porte de
Dairin au dessin dans le
plus pur style franco-belge.
Vincennes, L’Humour à
GO WEST PAR JACQUES DE LOUSTAL. LE JOUR ET MESSALINA X PAR MITTON.
LA NUIT PAR PLACID. Éditions Alain Beaulet, livres Ouvrage broché, format A3, 16 pages N&B, 69 €. Proposée sous forme d’un mort est un documen-
brochsé, 6 €. [www.alainbeaulet.com] Original Watts éditions [www.originalwatts.com]. double strip, cette série a taire vif et pertinent
pour héros un chat malicieux sur ces tragiques

OMBRE & LUMIÈRE : et paresseux au sein d’une


paisible famille, dont le petit
événements. En partant
des rushes inexploités
SIXIÈMES CONFESSIONS Côme et sa grande sœur.
Curieusement boudés par
consacrés à l’hebdo-
C’est dans une Amérique profonde madaire qui dérange
les éditions Dupuis qui n’en
banale qu’évoluent les protagonistes des proposent pas les albums, [C’est dur d’être aimé
trois récits proposés dans cette sixième par des cons, 2008]
quatre tomes ont été publiés
série de confessions intimes. Trois récits
sont au sommaire, Films amateurs où par les éditions Ange, avant et augmenté de
Keith prend plaisir à filmer ses ébats de passer en 2013 chez témoignages inédits
sexuels avec sa femme Jackie et trois Malaka qui vient de sortir le de Coco, Riss ou Éric
hommes qu’elle a sélectionnés, dont quatrième volume en format Portheault, L’Humour
Adam. Claire, héroïne de La Plage, classique. Efficace
est une dominatrice qui évoque ses à mort reconstitue
et drôle. HF
aventures passées à son mari. Enfin La Voisine relate les rêves érotiques [et plus] de Cynthia fidèlement les faits.
soumise à sa jeune voisine Annie. Réalisées à la mine de plomb, les images hyperréalistes de KATZ T.4 PAR DEL ET DAIRIN.
Éditions Malaka
À voir et à revoir... FB
Parris Quinn sont sublimes et d’une diabolique audace. Pour adultes avertis. FB
[www.malaka-Éditions.com]. L’HUMOUR À MORT PAR DANIEL ET
OMBRE & LUMIÈRE T.6 PAR PARRIS QUINN. Album cartonné, 48 pages EMMANUEL LECONTE. 90 minutes.
Éditions Dynamite. Album cartonné, 48 pages N&B, 14,80 €. couleurs, 12 €. Pyramide Video. DVD disponible.

22 QUOI DE NEUF / ACTUALITÉS


QUOI DE NEUF ?
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(RE)DÉCOUVERTE
EXISTENCE, MODE D’EMPLOI
Psychédélique Caza ! Découvert avec
La Petite Mort, Davy
Mourier propose
Loup-Phoque, une
série tout aussi
décalée et cruelle.
Le présent ouvrage
regroupe des dessins
prépubliés sur Internet
et est entrecoupé de
pages BD et de courts textes info/intox sur le monde de
la banquise. Celle-ci ressemble à bien des égards à notre
société et vous allez vous poiler [et parfois grincer des
dents] à la lecture de cet ouvrage
qui va vous conforter dans l’idée
Dans les années 70, la musique électro- que la raison du plus fort est
nique conquiert notre monde et fait une toujours la meilleure, y compris
entrée en force dans nos oreilles alors quand on se les gèle. FB
vierges. Les artistes avaient pour noms
LOUP-PHOQUE PAR DAVY MOURIER.
Giorgio Moroder, Kraftwerk, Jean-Michel Éditions Delcourt. Album cartonné, 128 pages,
Jarre, etc. Si des années après, certains 17,95 €. Le 4 mai
sont restés des références, d’autres ont
quelque peu disparu de nos mémoires. Avec la collection Cosmic

COLLECTION POUR
Machine, il est désormais possible de retrouver certains oubliés comme
Francis Lai, Arpadys, Pascal Comelade, The Peppers... Et cerise sur le

BOULE ET BILL… ET ROBA


gâteau, c’est le plus « électronique » des dessinateurs, Philippe Caza,
qui signe les couvertures. Un must ! FB
COSMIC MACHINE - THE SEQUEL. Because Music. Disponible Curieusement, Boule et Bill de Jean
Roba, série populaire s’il en est, est
proposée dans une de ces incontour-
FUMETTO 97 nables collections qui envahissent
les kiosques, non pas chez Hachette
Nouvelle livraison de ce trimestriel, panorama complet de la Collections, mais chez un éditeur anglais
bande dessinée italienne d’hier et d’aujourd’hui. Un sommaire jusqu’alors inconnu dans le monde de la
riche et varié avec des articles consacrés à Sandro Angiolini, BD, Eaglemoss. Si le label est nouveau,
à la BD sous le fascisme, Jacovitti, Gim Toro, Loana reine de la le marketing comme la présentation
jungle, Murphy Anderson, Saguaro, au western italien classique, des ouvrages sont identiques à ceux
à la bande dessinée anglaise... sans oublier toute l’actualité de leurs concurrents. Dos toilés avec une frise, albums cartonnés
des fumetti. Le cahier central propose le Cabinet of Comical à la couverture inédite avec un dossier de huit pages [non crédité]
Curiosities, étonnant fourre-tout de la bande dessinée américaine consacré au personnage et à l’auteur. Des cadeaux sont offerts aux
lecteurs qui optent pour la formule abonnement, Abécédaire de
concocté par le Colonel Castle’s, alias le scénariste Alfredo Castelli [Martin Mystère,
Boule et Bill, bol, réimpressions d’albums de la collection Carrousel,
Les Gentlemen]. Richement illustrée, cette relecture des comics est un régal. HF
album Boule et Bill contre les mini-requins, tirés à part. La collection
FUMETTO 97. Trimestriel, 80 pages grand format : comporte les 36 albums des gags de Boule et Bill – dont ceux
Viale Ramazzini, 72, 42124 Reggio Emilia, Italie [wwwamicidelfumetto.it]. dessinés par Laurent Verron après le décès de Roba – et les six
albums de La Ribambelle. Ce qui justifie le titre de Collection Roba
et non Boule & Bill. HF
THIERRY LE CHEVALIER, ET DE TROIS ! COLLECTION ROBA PAR ROBA. Albums cartonnés, 56 pages couleurs, 8,99 €
[offre classique], 10,99 € [offre premium]. Eaglemoss, www.collection-boule-bill.fr.
C’est à un rythme soutenu que Fordis Patrimoine poursuit
la publication des aventures de Thierry le chevalier et de
son compagnon Loys le Rouge le ménestrel. Publié par
l’hebdomadaire Spirou en 1959 [n° 1 084 à 1 115], le
LE TIMBRE DES APPRENTIS
troisième épisode de cette palpitante saga médiévale conduit
Il y a cent cinquante ans, l’abbé
les deux héros jusqu’à une forteresse allemande où le roi
Richard Cœur de Lion, victime de son frère Jean sans Terre,
Roussel créait la Fondation des
est emprisonné. Un scénario classique comme on les aime Apprentis d’Auteuil aujourd’hui présente
[peut-être un peu trop bavard], signé Jean-Michel Charlier, dans de nombreux pays. La Poste
illustré par le sublime dessinateur espagnol Carlos Laffond. célèbre cet anniversaire en proposant
Avant-dernier récit de cette trop brève série, Le Roi captif un timbre dont la réalisation a été
reproduit avec soin les pages publiées par Spirou, complétées par un dossier érudit confiée à la dessinatrice Pénélope
de 16 pages concocté par Gilles Ratier. Notons qu’il existe un tirage de tête limité à Bagieu. Sorti le 21 mars dernier, tiré
99 exemplaires. La préface est signée Christian Rossi. HF à plus d’un million d’exemplaires,
THIERRY LE CHEVALIER T.3 PAR CHARLIER ET LAFFOND. Éditions Fordis Patrimoine. ce timbre de 0,70 euro de format
Album cartonné, 64 pages couleurs, 23 €, disponible [www.fordisbooksandpictures.fr] 40,85x30 mm est disponible dans les bureaux de Poste. HF

24 QUOI DE NEUF / ACTUALITÉS


QUOI DE NEUF ?
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PRESSE
Marianne aime la BD
Va-t-on perdre cette guerre ? C’est la question que se pose Tintin, la larme à l’œil, tout en caressant le
crâne de Milou à la une de l’hebdomadaire Marianne. Un héros de BD en couverture d’un news, c’est plutôt
rare et lorsqu’il s’agit de Tintin, c’est un événement. Il faut dire que cette question trouve tout son sens,
puisque c’est à la suite des attentats de Bruxelles que Marianne s’interroge par le biais du héros d’Hergé, le
plus célèbre Belge de l’histoire de la bande dessinée. Une couverture collector qui
se doit de figurer dans les archives des nombreux amateurs de Tintin.
Après l’excellent numéro publié l’an dernier, Marianne propose un hors-série
Polar 2016 tout aussi passionnant. Articles consacrés aux trente ans de Rivages
avec un entretien en compagnie de François Guérif, portraits de trente auteurs de
polar incontournables, Rome ville sainte et noire... et « Main basse sur le polar »,
un article sur le polar et la bande dessinée accompagné d’un entretien avec
Fabien Nury et Brüno, les auteurs du très sombre Tyler Cross. Passionnant. HF

MARIANNE N° 989 DU 31 MARS 2016. Hebdomadaire, 92 pages, 3,50 €.


MARIANNE HORS-SÉRIE POLAR 2016. Broché, 132 pages couleurs, 7,50 €, en kiosque.

RETOUR À BELLES IMAGES DE LA BD ET


L’ENFANCE ! En parallèle à son FANTASY RÉSISTANCE
activité d’auteur
de bandes
AU MANGA
dessinées – il
Snif ! Pour la vient tout juste
quatrième et de dessiner
dernière fois, Black Dog pour
Guillaume les éditions
Long croque Casterman sur un
les aventures scénario de Jean-
de Tétine Claude Götting
Man. Dans ces trois nouveaux –, Jacques de
épisodes, notre « héros » se Loustal s’adonne
débarrasse d’un grand frère trop avec succès à l’illustration, enchaînant
collant, séduit la jolie Albertine et affiches, publicités, pochettes de disque,
déjoue un nouveau coup bas de etc. Sa collaboration avec les éditions
Mamie et de son ami Jean-Pierre. de la Table ronde s’enrichit de trois Emmanuel Nhieu est un
Une série jeunesse qui nous donne nouvelles illustrations de couverture dessinateur bien connu des
l’occasion de découvrir une autre pour des romans de Graham Greene habitués du catalogue Soleil
facette du dessinateur de À boire [Routes sans lois], Jean-Paul Kauffmann où il a animé Nocturnes Vous avez jusqu’au
et à manger. FB rouges, qui avec son spin
[L’Arche des Kerguelen] et Robert-Louis 15 juin pour visiter
off compte pas moins de
TÉTINE MAN T.4 PAR NICOLAS ET LONG. Stevenson [Ceux de Falesa]. Une bonne l’exposition consacrée
neuf albums. Aujourd’hui,
Éditions Didier jeunesse. Libre cartonné, occasion d’associer belles images et à la Résistance vue par
il se tourne vers le manga
48 pages couleurs, 11,10 €. Disponible textes de grands écrivains. FB les BD et les journaux
avec Burning Tattoo, trilogie
épique et originale publiée publiés de 1944 à

ALEC SEVERIN par Ankama. Atteint de la


maladie des os de verre,
1949. Elle est réalisée
par le Centre régional
DESSINE SPIROU Tatau rêve de liberté et de
partir à la découverte de
résistance et liberté de
Thouars dans les Deux-
ET FANTASIO ce qui se trouve au-delà
de la barrière de corail qui
Sèvres. Cette exposition
permet de découvrir la
Après le réjouissant Spirou sous le manteau encercle son village.
[Dupuis, novembre 2015] où il propo- richesse des journaux et
Il part en quête d’une encre
sait des planches découvertes dans les des bandes dessinées
légendaire qui lui permettra
41 numéros de Spirou qui auraient été de réaliser son souhait.
qui ont été publiés juste
publiés clandestinement sous l’Occupation, Un manga sympathique sur après la Libération.
Alec Severin récidive avec une série de le thème des tatouages qui L’affiche reprend un
stripbooks. Uniquement offerts aux abonnés en vaut bien d’autres venus très beau dessin de
de l’hebdomadaire Spirou, ces fascicules évoquent les Spirou & Fantasio de l’époque du Japon. HF La Bête est morte
Jijé, à la fois burlesques et élégants. Deux histoires ont déjà été publiées, Coup de
BURNING TATTOO T.1 PAR de Calvo. HF
pompe, où les deux maladroits compères sont pompistes [Spirou n° 4 062],
EMMANUEL NHIEU. Éditions ÉCURIES DU CHÂTEAU,
et Coup de feu [Spirou n° 4 066] où ils sont pompiers. Un régal ! HF Ankama. Ouvrage broché, format rue du Pont, 79 100 Thouars
STRIPBOOKS PAR AL SEVERIN. 24 pages, format à l’italienne. 13x18, 192 pages N&B, 7,95 €. [www.crrl.fr]. Jusqu’au 5 juin 2016.

26 QUOI DE NEUF / ACTUALITÉS


Il fallait
être très
amoureux
d’elle
pour la
dessiner
comme je
l’ai fait.


ET M
B
À LA UNE
Milo Manara

C’est au téléphone que


nous avons joint Milo
Manara pour qu’il nous
parle de sa double actualité.
Une vingtaine de dessins
autour du mythe Brigitte
Bardot pour une vente aux
enchères organisée le 12
juin prochain par Millon
en collaboration avec la
Fondation Brigitte Bardot,
et le début de sa colla-
boration au magazine Lui
depuis le numéro de février.
L’entendre parler de son
amour des femmes est un
plaisir sans fin…
Par Frédéric Bosser

ANARA [RE]CRÉA
RIGITTE BARDOT
> Milo Manara chez lui,
devant une de ses illustrations de Brigitte Bardot
© Photo Philippe Cauvin

À LA UNE / MILO MANARA 29


Milo, racontez-nous comment est né ce projet autour Qu’aimez-vous en elle ?
de Brigitte Bardot. Elle est pour moi à l’origine de la révolution sexuelle en Europe.
Par mon agent  ! L’étude Millon l’a contacté pour me Au niveau européen, elle est bien plus importante que Marilyn
proposer ce projet. Étant l’un des plus fervents disciples de Monroe. C’est notre drapeau, notre emblème ! En plus de sa
cette femme, j’ai bien évidemment accepté. beauté « sauvage », elle a apporté une autre façon d’être, de se
coifer, de se déplacer, de bouger, de parler... Il y a indéniable-
Êtes-vous plus amoureux de Brigitte Bardot ou de la ment un avant et un après-Bardot dans notre société. On peut
cause animale ? trouver ce même parallèle dans le domaine de la musique avec
De Brigitte Bardot ! (Rires.) Même si je reste sensible à la les Beatles. Elle a joué un rôle très important dans notre façon
cause animale. Dans tous les dessins que je propose aux de vivre.
enchères, je la dessine en compagnie de diférents animaux.
Plus que les deux icônes italiennes que sont Sophia Loren
Connaissiez-vous cette cause ? ou Gina Lollobrigida ?
Bien entendu. Brigitte Bardot est une star en Italie et j’avais Elles n’ont pas eu la même importance qu’elle, même en Italie...
connaissance de ses combats pour la défense des animaux. Les deux femmes que vous citez incarnaient plutôt des valeurs
maternelles. Si Brigitte Bardot a le même âge que Sophia, elle
a apporté beaucoup plus de changements
dans notre société et dans la manière dont les
En plus de sa beauté « sauvage », elle a apporté jeunes femmes se sont habillées et magniiées
ensuite. Les illes dans la rue essayaient de lui
une autre façon d’être, de se coiffer, de se déplacer, ressembler à chacun de ses changements de
de bouger, de parler... Il y a indéniablement un style. Encore aujourd’hui, les illes dans la rue
sont plus Bardot que Loren.
avant et un après-Bardot dans notre société.

Elle est belle la solidarité italienne ! (Rires.) Et sinon, quels


ont été les retours de Brigitte Bardot sur vos dessins ?
Lorsque nous nous sommes parlé par téléphone, j’ai compris
qu’elle les avait appréciés. J’ai été touché qu’elle me parle en
italien et qu’elle prononce mon nom à l’italienne [en insistant
sur la deuxième syllabe]. Je crois qu’elle a deviné que mes
dessins étaient des travaux d’amoureux...
BB « e il gatto » BB et la chouette, étape préparatoire
© M. Manara et aquarelle finale © M. Manara
30 À LA UNE / MILO MANARA
BB et le dauphin [inspiré du Mépris de Godard]
© M. Manara

Êtes-vous un grand amateur de ses ilms ?


Pas spécialement, mais je les ai tous vus ! Mes préférences allant
vers Et Dieu créa la femme et ses deux westerns : Viva Maria !
avec Jeanne Moreau et Les Pétroleuses avec Claudia Cardinale.
Mais c’est elle et non ses rôles au cinéma qui nous ont marqués.
Très sincèrement, si ses ilms sont oubliables, elle ne l’est pas !

Pour en revenir à votre travail, sur quoi vous êtes-vous


basé pour la réalisation de ce projet ?
Je suis me suis inspiré de photos parues dans des magazines ou
dans des livres qui lui étaient consacrés et je les ai interprétées.
Je tenais à montrer dans mes dessins des choses qui n’existent
pas. Sinon, quel intérêt ? Cela m’a permis de découvrir que le
visage de Bardot était très diicile à dessiner car il a des parti-
cularités dans les yeux, la bouche... En général, quand on fait
le portrait de quelqu’un, il faut forcer ses traits, parfois à la
limite de la caricature, pour arriver à une ressemblance. Avec
une belle femme, c’est impossible... Au départ, je pensais que
ce serait plus facile. Il fallait être très amoureux d’elle pour la
dessiner comme je l’ai fait.

Aviez-vous peur de la décevoir ?


Quelque part, oui ! D’ailleurs sur les premiers dessins, on m’a
reproché d’être trop respectueux, pas assez sensuel, pas assez
« Manara » ! (Rires.) Je m’étais trop appliqué et en avais oublié sa
sensualité. Je l’aimais trop...

BB et le cheval
© M. Manara

À LA UNE / MILO MANARA 31


BB et le lapin
© M. Manara

Quel regard avez-vous sur cette Serieez-vous capable de faire la même chose
femme qui a été la plus belle du en eestimant par exemple que vous ne vous
monde avant que la nature lu ui sen ntez plus capable de faire mieux ?
reprenne ce qu’elle lui avait Fo ort heureusement, le temps joue en faveur
donné... du dessinateur. Il dessine de mieux en
d
Il est clair que je l’ai mmieux. Il est important d’avoir du respect
représentée jeune. Je suiss ppour la personne qui va vous lire et de
bien placé pour savoir que lee ffaire en sorte que chaque nouveau jour
temps sculpte les corps et les devant sa table à dessin soit le premier. On
visages. Mais pour moi, elle do oit être dans la même émotion et la même
reste splendide. atttitude positive. On n’est donc pas sur les
mêmes problématiques qu’une actrice.
Qu’une femme comme
elle soit capable de Ne vous est-il jamais arrivé d’avoir l’im-
stopper sa carrière alors prression de vous répéter ?
qu’elle est en pleine gloire Il faut faire attention ! C’est tout l’intérêt
vous séduit ? dee travailler sur des projets diférents
C’est une décision que je ett de multiplier les collaborations
peux comprendre ! Elle a fait exxtérieures. En collaborant avec Hugo
don de sa beauté au monde Pratt ou avec Alejandro Jodorowsky,
puis s’est retirée. Elle a com
mpris j’évite la répétition en m’autorisant un
que le temps serait son enn nemi et a changement d’univers. En ce moment,
préféré se retirer pour que tou
ut le monde garde travailler sur le second tome du
cette image... Caravage m’évite également la routine.

« C’est la première fois depuis Aslan,


dans les années 80, que Brigitte Bardot
autorise un artiste à travailler son image.
On parle tout de même de la femme qui,
instantanément, a personnifié la féminité
impulsive et libre à travers le monde
entier. Pour un artiste, il s’agit d’un défi
colossal et épineux, tant il est difficile
d’interpréter une telle icône sans la trahir
ni se perdre. Heureusement, Milo
Manara s’impose à l’évidence comme
l’artiste incarné de la sensualité dessinée.
Et la rencontre au sommet que j’avais tant
rêvée entre ces deux monstres sacrés,
chacun dans leur domaine respectif, a
donné naissance au meilleur : vingt-cinq
visions aquarellées du mythe, interpréta-
tions du plus grand dessinateur érotique
de notre époque fasciné par l’incarnation
universelle de la féminité absolue. »
Alexandre MILLON
Commissaire-priseur/président

EXPOSITION des 25 aquarelles de MILO MANARA :


Les 3, 4 et 5 juin à l’Hôtel de Paris
1, traverse de la Gendarmerie – 83990 Saint-Tropez
Les 7 et 8 juin dans les salons Claude-Robert
– 5, avenue d’Eylau – 75016 Paris
EXPOSITION à Bruxelles de l’ensemble
de la vente les 10 et 11 juin.
VENTE le 12 juin en duplex Paris-Bruxelles.

BB dans les étoiles


© M. Manara

32 À LA UNE / MILO MANARA


BB au bracelet
© M. Manara

Je suis bien placé pour


Parlez-nous de ce projet de sculpture autour de Bardot. savoir que le temps sculpte
Une fois terminée la réalisation de ces dessins, on m’a proposé
de me conier la réalisation d’une sculpture en l’honneur les corps et les visages.
de Brigitte Bardot, qui sera érigée à Saint-Tropez l’année
prochaine. J’ai proposé plusieurs projets, et c’est Brigitte Bardot
Mais pour moi, elle reste
elle-même qui a retenu son préféré. C’est un clin d’œil à La splendide.
Naissance de Vénus de Botticelli, puisque je place Bardot sur une
énorme coquille Saint-Jacques. La sculpture sera probablement
en marbre et en bronze.

Vu que vous avez commencé comme sculpteur, c’est un peu


un retour à vos premières amours ?
Et j’espère bien pouvoir collaborer avec le sculpteur chargé de
la réaliser à partir de mes croquis. Je suis impatient de voir ce
que cela va donner.

Un mot sur les autres travaux plus érotiques que vous faites
depuis début février pour le magazine Lui...
J’ai choisi de dessiner de jeunes actrices qui sont à la fois
belles et bonnes comédiennes [les trois premières sont Léa
Seydoux, Jennifer Lawrence et Emilia Clarke]. Cela fait
partie de mon envie de me lancer dans des projets sans cesse
différents pour éviter le risque de routine que nous venons
d’évoquer. Chaque mois, c’est un défi pour moi... et je vais en
dessiner douze au total.

On est impatient de les voir toutes...


Emilia Clarke, Jennifer Lawrence et Léa Seydoux sont les
trois premières actrices choisies pour Lui © M. Manara / Lui
À LA UNE / MILO MANARA 33
PORTRAIT
Mathieu Gabella

Avec La Licorne, il s’est imposé dans le paysage de la bande dessinée historico-


fantastique. Sa nouvelle série, Le Bourreau, nous plonge une fois encore dans cette
potion magique. L’occasion de revenir sur son enfance et sa jeunesse nourries
de science-fiction. Un genre qui lui a ouvert les yeux sur le monde d’aujourd’hui.
Un portrait signé Frédérique Pelletier

> Mathieu Gabella


© Photo Olivier Roller

Gabella
Mathieu

DE MARS À LA TERRE
Quand l’un des premiers films que vous voyez enfant est La discret que dans La Licorne – pas de monstres ailés, ni de
Planète sauvage de René Laloux et Roland Topor, forcément vampires ou de Léviathan. Les pouvoirs du « Bourreau » ont
le virus de la science-fiction se répand dans votre cerveau été acquis par une discipline de fer et non un don de Dieu...
pour ne plus jamais vous quitter. Lorsque, en plus, c’est juste Mathieu Gabella cite Serge Lehman avec sa Brigade chimérique
le début d’une longue initiation enfantine puis juvénile au comme référence. Aux côtés de Fabrice Colin et Gess, l’écrivain
genre, vous voilà contaminé à vie. Tel est le cas de Mathieu de SF y convoque des héros de la littérature fantastique
Gabella. Son nom n’est pas le plus connu du milieu de la bande européenne du début du xxe siècle comme le Docteur Mabuse
dessinée, mais ce presque ou le « passe-muraille »
quadragénaire aux faux airs pour expliquer la
d’Édouard Baer impose disparition des super-héros
sa patte fantastique. Après européens. En résumé. « Je
deux albums de commande voulais un super-héros à
dans la collection Ils ont fait la française, m’interroger
l’histoire [Glénat-Fayard] sur les notions de justice,
sur Philippe Le Bel et de droit de vie ou de mort
Catherine de Médicis, le sur quelqu’un et trouver un
scénariste de La Licorne est décor vertical. On ne pense
de retour avec Le Bourreau. pas à notre patrimoine, à
Dans le Paris du Moyen nos légendes médiévales.
Âge, un solitaire affublé C’est pourtant une période
d’un masque terrifiant se propice à la fantasmagorie,
prend pour un justicier et où l’on croyait aux miracles,
élimine des coupables avant avec des figures archétypales
que le bourreau ne fasse comme les sorcières, les
son œuvre. Dans ce premier chevaliers et les
tome, le surnaturel est plus bourreaux donc. »

Recherches pour La Licorne


© Gabella & A. Jean / Delcourt
34 PORTRAIT / MATHIEU GABELLA
Le Bourreau
© Gabella, Augustin, Carette & Benoit / Delcourt

Étrangement, nous rencontrons Mathieu Gabella dans ou dans une autre bibliothèque. « Il n’y a que la phase de docu-
une brasserie de la place du Châtelet, ce Châtelet qui abritait mentation que je fais chez moi, j’y suis tranquille avec mes livres.
autrefois le siège de la prévôté de Paris avec ses salles de C’est aussi ce qui m’intéresse le plus, ce travail de recherche. La
torture et ses geôles lépreuses. Rien de calculé à la base, partie écriture et découpage m’ennuie davantage. Comme j’arrive
l’auteur de bande dessinée prévoit seulement, ce mardi 29 en fin de processus, j’en ai marre, j’ai envie de passer à une autre
mars, d’aller ensuite travailler à la Bibliothèque publique histoire. Du coup, je m’appuie vraiment sur quelques scènes que
d’information [BPI] du centre Pompidou. Un lieu plus propice je détaille beaucoup et pour le reste, je laisse une grande marge
à la concentration que chez lui à Courbevoie, cette métropole de manœuvre au dessinateur, même si je m’astreins à la phase
à la froideur futuriste collée à La Défense. « J’ai tendance à me de découpage parce que j’ai des problèmes de densité. » Trop de
disperser, à aller sur Internet, regarder un DVD ou jouer aux texte dans ses albums, pas assez de fluidité, de rythme, des
jeux vidéo », avoue le coupable. Rédaction des idées, écriture défauts flagrants dans ses premières séries dont il parle sans
proprement dite et découpage se passent généralement à la BPI tabou. En interview par contre, Mathieu Gabella ne s’encombre

PORTRAIT / MATHIEU GABELLA 35


La Licorne
© Gabella & A. Jean / Delcourt

pas de circonvolutions. Il raconte avec franchise sa volonté Mathieu Gabella s’est ainsi formé sur le tas en s’appuyant
d’améliorer ses scénarios, le séminaire du script doctor en sur des méthodes américaines, car rien ne le prédestinait,
vogue, Robert McKee, qu’il a suivi. « Je suis un adepte de son jeune, à se tourner vers le scénario de bande dessinée.
livre Story et d’Anatomie du scénario de John Truby. » Autre Enfin, au premier abord. Car en grattant bien, sans faire
docteur ès scénario américain pour qui « attendre l’inspiration de la psychologie de comptoir, son père le nourrit dès son
débouche toujours sur une impasse ». « On a besoin de plus jeune âge aux ouvrages et films de science-fiction.
cadres, de modèles qui nous permettent d’avancer », Dans la bibliothèque familiale trône toute la collection de
expliquait-il à Libération en 2011. Par exemple, le Gérard Klein, écrivain. « Mon père avait noté chaque livre et
héros doit avoir « une faiblesse psychologique et mettait un point d’interrogation quand il ne comprenait pas
un besoin moral, qu’il ne sait pas identifier, au les nouvelles, on en discutait après, même si je ne comprenais
début de l’histoire ». pas tout ! » Vient ensuite la période Asimov. « C’est ce que
j’ai lu à l’époque de plus parfait, j’ai compris avec lui ce qu’était
l’empathie. J’aimais ce mélange
parfait d’imaginaire futuriste, de
problématiques contemporaines
et d’intrigues policières. » Côté

Je me rêvais cinéma, en plus de La Planète


sauvage, il y a, enfant, Steven
ingénieur Spielberg, George Lucas et Joe
Dante avec un souvenir ému
inventeur, d’Explorers où de jeunes garçons
construisent un vaisseau spatial.
créateur, C’est également l’âge des comics
le type qui et de Strange. Plus tard arrivent
Terry Pratchett et J. K. Rowling,
maîtrise l’auteure d’Harry Potter. « Je
commençais à m’intéresser à
l’ensemble l’écriture et franchement je n’ai

du proce pas vu venir la fin. C’est une leçon


d’écriture, de création d’univers. »
Entre-temps, les pauses déjeuner
du lycée se déroulent, assis par
terre à la Fnac, à lire des bandes
dessinées, « surtout le catalogue
Delcourt et Z c un père rhumatologue, deux options
s’offrent au je : médecin ou ingénieur. La famille
habite Mont- n en Normandie, la ville de l’uni-
versité de Ro roche, mais l’étudiant choisit l’École
nationale supérieure d’arts et métiers, direction Lille puis Paris.
« Je me rêvais ingénieur inventeur, créateur, le type qui maîtrise
l’ensemble du processus. » Un stage à la Snecma, spécialisée
dans la fabrication de moteurs d’avion, tue son rêve de gosse.
Même dans les bureaux d’études, le travail est répétitif. Taylor
était passé par là.

La Licorne : crayonné pour


une sérigraphie
36 PORTRAIT / MATHIEU GABELLA © Gabella & A. Jean / Delcourt
Le Bourreau
© Gabella, Augustin, Carette & Benoit / Delcourt

sciences sociales et physiques. Moi, par exemple,


c’est l’heroic-fantasy qui m’a amené à lire
Georges Duby [historien médiéviste]. La BD
touche un public plus large, on a la possibilité
de faire passer des choses essentielles, de casser
certains préjugés. » Mathieu Gabella récidivera
bientôt avec Robespierre et Jules César.
Quand il ne se mêle plus d’histoire et de
science-fiction, le vice-président du SNAC-BD
[Syndicat national des auteurs et composi-
teurs] multiplie les réunions et les actions sur
la réforme du RAAP [Retraite des artistes-
auteurs professionnels] et sur celle du droit
d’auteur en Europe. Entre autres dossiers
chauds du moment ! S’il a poussé la porte du
SNAC la première fois pour être conseillé dans
un litige qui l’opposait aux éditions Delcourt
et qui a fini par se régler à l’amiable, il est
resté pour aider à son tour. « Je ne peux pas
juste bosser, payer mes traites et élever mes
Heureusement, un ami dessinateur pour des jeux de rôle lui deux enfants. Si on veut vraiment vivre dans une société sereine Le Bourreau T.1
propose d’écrire un premier scénario puis, de fil en aiguille, il et pérenne, on est obligé d’en faire un peu plus. » Militer dans Par GABELLA, AUGUSTIN,
atterrit chez Petit à Petit au début des années 2000, se fait la une association écologiste ou qui œuvre à une plus grande CARETTE & BENOIT
main sur des albums collectifs, sur un premier one-shot puis transparence de la vie politique sera son prochain engagement. Éditions DELCOURT,
54 pages couleurs, le 11 mai.
un second, se dispute avec l’éditeur et arrive chez Delcourt, la L’idée de critiquer nos gouvernants sans s’impliquer lui paraît Voir critique page 73
maison tant adorée de son adolescence. Si Idoles ne rencontre incongrue, surtout après avoir vu comment avait été voté
pas de fans, La Licorne le fait passer de l’autre côté du miroir à le projet de loi relatif à la liberté de la création notamment.
sa sortie en 2006. « Il y a eu un avant et un après La Licorne. « Les parlementaires
Ça m’a permis d’avoir d’autres tarifs chez Delcourt et ailleurs. reçoivent de nombreux
Là, j’ai commencé à vivre de la bande dessinée, même si c’est amendements qu’ils n’ont
redevenu difficile après. » De la collection Sept en 2009 à La pas le temps de lire, ils
Grande Évasion T.2 avec Le Labyrinthe (2012) en passant votent sans savoir. Il y a
par Le Mystère Nemo (2010) chez Delcourt, Mathieu Gabella un réel problème de fonc-
explore toujours davantage les contrées de la science-fiction tionnement du Parlement,
et du fantastique. Il lorgne même vers d’autres média, s’essaie sans compter la
aux courts puis à un long métrage, écrit des épisodes de la corruption et le vieillisse-
série d’animation Mikido diffusée sur France 3 en 2012 puis ment. » S’engager est aux
décroche une mission de relecture de traduction sur Far Cry 4 yeux de Mathieu Gabella
et Primal chez Ubisoft. Le voilà désormais sur la version 5 du un « devoir moral ». Il ne
jeu. Le scénariste, également passionné d’histoire, est invité veut pas d’une planète
à écrire le premier volume de la série Ils ont fait l’histoire. Il sauvage !
choisit Philippe Le Bel et Catherine de Médicis. « Contraire-
ment à ce que pense Finkielkraut, je pense que la BD peut faire
passer des idées, c’est même un super outil de vulgarisation des

Recherches pour le Bourreau


© Gabella, Augustin, Carette & Benoit / Delcourt

PORTRAIT / MATHIEU GABELLA 37


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Les auteurs de bande dessinée qui lorgnent vers le cinéma sont désormais de plus en plus nombreux.
Certains abandonnent même totalement leur premier amour, au grand dam de leurs lecteurs les plus
fidèles. Mais le trajet est moins courant dans le sens inverse, bien que Darren Aronofsky ait à plusieurs
reprises montré l’exemple [avec The Fountain et Noé]. Figure de proue du cinéma d’action dans les
années 80, le réalisateur américain Walter Hill s’est associé au scénariste Matz et au dessinateur Jef.
Ensemble, ils ont publié Balles perdues en 2015, et viennent de sortir Corps et âme, un polar dans
lequel un tueur à gages subit une opération chirurgicale qui le transforme en femme. Ce récit sera
décliné sur grand écran, sous le titre de Tomboy, avec Sigourney Weaver et Michelle Rodríguez au
casting. Retour sur une collaboration unique en son genre, qui démontre une nouvelle fois à quel point
les frontières entre bande dessinée et cinéma sont poreuses. Propos recueillis par Philippe Peter

M AT Z , J E F & WA LT E R H I L L
la

rencontre du troisiÈme type


Nous avons bien sympathisé, et comme il aime la bande
dessinée, je lui ai proposé de m’envoyer des scénarios afin
que nous étudiions ensemble la possibilité d’en faire des
BD que nous pourrions publier en France. Ça l’a beaucoup
intéressé, et c’est comme ça qu’il m’a fait parvenir Balles
perdues. Il s’agit d’un scénario qu’il avait écrit il y a déjà
quelque temps, mais dont il n’avait pas réussi à monter le
financement. Depuis, je me suis d’ailleurs rendu compte
qu’il y avait énormément de scénarios qui étaient restés
comme ça, en attente, alors même qu’ils étaient bons. Il y a
des milliards de raisons, l’une d’entre elles étant évidemment
économique. Il y a peut-être un business à monter ! (Rires.)
Jef : L’esthétique du film est assez particulière. Walter
n’avait pas tourné depuis un certain temps [il avait bouclé
la minisérie Broken Trail, avec Robert Duvall, en 2006,
soit sept ans avant la sortie de Du plomb dans la tête], et
il était passé au numérique. Et je dois bien avouer que le
> Matz, Comment est née cette collaboration – inédite – avec numérique, entre ses mains, ça m’a fait bizarre au premier
Walter Hill et Jef Walter Hill, un scénariste et réalisateur américain ? abord ; surtout pour un film. Il retrouve très rapidement ses
© Photo DR
Matz : Tout est parti de ma bande dessinée Du plomb marques et ses codes, mais Du plomb dans la tête est assez
dans la tête [avec Colin Wilson, trois tomes, Casterman, étrange et froid d’un point de vue graphique. J’ai hâte de
2004-2006]. La BD est sortie aux États-Unis [chez Dynamite] voir ce que cela donnera avec Tomboy.
et s’est retrouvée entre les mains de Sylvester Stallone qui
est allé chercher Walter Hill pour en faire un film. Il y a eu À quel moment Jef est-il entré dans la danse ?
quelques faux départs, mais ça s’est finalement fait. Il paraît Matz : Nous avions déjà bossé ensemble sur un projet de
même que je suis le premier scénariste français de bande BD numérique et interactive, dérivée d’une série télévisée
dessinée adapté à Hollywood ! Une fois le budget bouclé que j’avais coécrite : Antigone 34 [une saison de six
[15 millions de dollars] et le tournage lancé, Walter Hill m’a épisodes diffusée au printemps 2012 sur France 2 ; Matz
invité sur le tournage, qui a eu lieu à La Nouvelle-Orléans. est crédité sous son véritable nom : Alexis Nolent]. Nous

40 POLAR / MATZ, JEF & WALTER HILL


Recherche de couverture
© Matz, Hill & Jef / Rue de Sèvres

POLAR / MATZ, JEF & WALTER HILL 41


avons fait huit pages et une couverture. En cliquant sur un Balles perdues est un polar assez classique, à l’époque
élément d’une case, on pouvait par exemple obtenir des de la Prohibition. Corps et âme est dans un tout autre
informations supplémentaires sur l’intrigue. Ça faisait partie registre. Aviez-vous en tête de parler du changement de
du projet transmédia dans lequel s’inscrivait la série. sexe dans une bande dessinée, ou le hasard a-t-il bien
Jef : On avait également un éditeur et un scénariste en fait les choses ?
commun : 12Bis et Éric Corbeyran. J’étais à l’époque en Matz : C’est un polar néo-noir, moderne, avec une pro-
plein dans 9/11 avec lui et Jean-Claude Bartoll [six tomes, blématique d’aujourd’hui. Non pas que cela ne m’intéresse
2010-2013]. pas, mais l’idée vient de Walter. Il était en train de travailler
Matz : Éric est un bon copain. C’est lui qui m’a conseillé sur ce scénario dont il a donc fait un film, intitulé Tomboy,
de travailler avec toi. dont le tournage vient de s’achever [cet entretien a eu lieu
Jef : Après ce projet autour d’Antigone 34, Matz et moi le dimanche 20 mars 2016, après une rencontre à Livre
sommes restés en contact. Un jour, il m’annonce que c’est Paris autour du thème : « La bande dessinée, eldorado du
Walter Hill qui se chargera de l’adaptation de Du plomb cinéma ? »].
dans la tête au cinéma. Je lui dis que je suis un grand fan, Jef : Corps et âme n’est pas toujours très réaliste, et j’aime
et il me parle d’un autre projet qu’il a avec lui, en bande bien cette idée. J’ai mis du bleu, du rose, des ciels rouge
dessinée cette fois-ci : Hood, qui est devenu par la suite pétant, des flous ; il y a beaucoup de néons. Ça entretient
Balles perdues. Toujours très intéressé, je lui demande s’il a l’ambiguïté permanente qu’il y a dans cette histoire. Frank
déjà un dessinateur. Il me dit que non, et me propose dans Kitchen est une vision psychédélique de l’esprit. Sa vie
la foulée de faire l’album. Autant dire que j’étais immédia- est un cauchemar. Corps et âme est une bande dessinée
tement partant ! sous amphétamines, parfois un peu punk et sale, avec des
ellipses brutales.
Du plomb dans la tête et Le Tueur avait été signés Matz : On mise sur l’implication et la réactivité du lecteur.
chez Casterman. Pourquoi avoir entre-temps changé de Narrativement, c’est assez déstabilisant.
boutique ? Êtes-vous parti avec votre éditeur au moment
de la vente de Casterman et de la création de Rue de Sortir la bande dessinée avant le film, c’est un peu
Sèvres ? comme s’occuper du produit dérivé en premier, non ?
Matz : Balles perdues a été proposé à quatre éditeurs, et Matz : La BD n’est pas un produit dérivé. Ce sont les deux
seul Rue de Sèvres s’est montré intéressé. branches d’un même arbre. Le scénario est écrit, nous le
Jef : C’était une mauvaise surprise. Nous étions prenons en route et nous l’emmenons dans une certaine
honnêtement très étonnés qu’aucun autre éditeur ne prenne direction. Walter va lui donner une autre interprétation. Je
ce projet. Nous avons eu des réponses du style : « Nous ne ne sais pas si ce genre d’expérience de développement
croyons pas en l’association de vos trois noms », ce qui ne parallèle s’est déjà produit...
veut pas dire grand-chose. Quelqu’un nous a même dit ne
pas connaître Walter Hill...
Matz : Je ne me souviens pas avoir reçu de réponse
de Casterman, mais il faut dire qu’ils étaient à l’époque
en pleine transition [après le rachat par Gallimard]. En
revanche, Dargaud et Glénat nous ont refusés. Mais nous
sommes bien chez Rue de Sèvres. Ils mettent le paquet
pour promouvoir nos albums, ce qui est très appréciable.
C’est pas mal d’être au début d’une maison d’édition. En
plus, ils apportent un grand soin aux albums, tant au niveau
du format que de la qualité de fabrication. Et on a un prix de
vente abordable [18 euros pour 136 pages en couleurs], ce
qui est très important pour nous. Psychologiquement, être
Recherche pour le en dessous de 20 euros est essentiel.
personnage de Frank
© Matz, Hill & Jef / Rue de Sèvres

Frank et sa fameuse mèche sur le front


© Matz, Hill & Jef / Rue de Sèvres

42 POLAR / MATZ, JEF & WALTER HILL


Le piège se referme sur Frank Kitchen lorsqu’il croise la route Recherche pour le personnage de Johnnie
de la séduisante Johnnie © Matz, Hill & Jef / Rue de Sèvres © Matz, Hill & Jef / Rue de Sèvres

Pour Corps et âme, pourquoi


n’avez-vous pas conservé le titre
original – Tomboy –, qui sera celui
du film dont Walter Hill termine
actuellement le montage ?
Matz : Pour deux raisons. Tout
d’abord parce que « tomboy »
signifie « garçon manqué » en
anglais, et qu’il n’est pas certain que
le public français aurait bien compris
Avez-vous un droit de regard sur le film ? cette expression. Ensuite, parce qu’un film portant ce titre
Jef : Non, et nous ne nous voyions pas l’exiger. (Rires.) est sorti en France [en 2011]. L’histoire n’a aucun rapport
En revanche, je sais que Walter a montré des tirages de avec notre récit, mais toujours est-il que c’était déjà pris...
mes premières planches sur le plateau. L’album n’était à Jef : Je suis un peu déçu qu’on ait dû changer. Tomboy
l’époque pas encore terminé. Il m’a dit que tout le monde était court, ça claquait. On a longtemps cherché un autre
avait adoré. Certains éléments vont se ressembler. Ce sera titre : Corps défendu et à peu près tous les jeux de mots
par exemple le cas pour la mèche de cheveux de Frank avec « corps » ; Le Transfuge aussi. C’est finalement ma
Kitchen. Walter s’est inspiré de mon idée pour faire le lien copine qui a trouvé Corps et âme. Et ça marche plutôt bien...
entre le personnage
avant et après sa trans- Comment vous organisez-vous pour l’adaptation
formation sexuelle, ce qui du scénario ?
fait toujours plaisir ! En Matz : Je prends le scénario original de Walter, puis
revanche, la cage dans je le découpe, je le saucissonne, je le déforme, je
laquelle est enfermé le le tords dans tous les sens pour en faire un album
personnage interprété de bande dessinée qui tienne la route. Il n’est
par Sigourney Weaver évidemment pas adaptable tel quel, car la bande
ne sera pas dans le film. dessinée et le cinéma sont deux modes d’expression
Pour l’anecdote, Walter différents.
Hill m’a demandé de ré- Jef : Par exemple, les dialogues d’un scénario
aliser quelques portraits original de cinéma sont très longs. Il est très
de Sigourney Weaver compliqué de condenser tout cela en quelques
telle qu’elle pourrait être phrases pour que ça rentre dans une bulle.
dans son rôle, afin de la Matz : Mon boulot consiste à résumer ce pavé
convaincre de jouer dans de dialogues en quatre ou cinq bulles, à bien
Tomboy. Apparemment, synthétiser, et à tenir compte des ellipses que l’on
ça a porté ses fruits ! peut faire avec le dessin. Nous sommes dans une
C’est mon petit moment BD où le dessin a, au moins, autant d’importance
de gloire ! (Rires.) que le texte pour faire avancer l’histoire.
Sigourney Weaver vue par Jef
© Jef

POLAR / MATZ, JEF & WALTER HILL 43


Frank Kitchen est un tueur réputé pour son efficacité.
Paradoxalement, c’est elle qui va le perdre.
© Matz, Hill & Jef / Rue de Sèvres

44 POLAR / MATZ, JEF & WALTER HILL


Quelles sont les différences entre l’adaptation d’un
scénario de film et celle d’un roman, exercice que APARTÉ AVEC WALTER HILL
vous pratiquez dans le cadre de la collection Rivages/
Casterman/Noir [Matz a notamment adapté Nuit de Entre son passage en France pour Livre Paris, où
fureur, Adiós muchachos ou encore Le Dahlia noir] ? il a notamment participé à une rencontre autour des
Matz : Un scénario de film est moins long qu’un roman. liens entre la bande dessinée et le cinéma, et la
Ce sont surtout les dialogues qui posent problème, du fait postproduction de Tomboy, qu’il a lui-même qualifiée
de leur longueur. On ne peut pas forcément tailler à la serpe de « mouvementée », Walter Hill a accepté de
dans un roman. Quand on adapte James Ellroy, il faut être répondre à quelques-unes de nos questions.
fidèle. Les dialogues sont tellement extraordinaires, uniques,
Connaissiez-vous le travail de Matz lorsque
qu’il serait criminel de les changer. J’ai conservé 90 % des Sylvester Stallone vous a proposé de réaliser
dialogues dans l’adaptation en bande dessinée du Dahlia Bullet to the Head [Du plomb dans la tête] ?
noir [avec Miles Hyman au dessin]. Je pense qu’il est plus Oui, je connaissais son travail. J’avais lu la série The
dur d’adapter un roman. C’est plus technique. Tandis que Killer [Le Tueur, chez Casterman] que j’avais trouvée
le passage du scénario de film à la bande dessinée se fait excellente, très bien construite.
plus naturellement. Lisez-vous des comics et sont-ils une source
d’inspiration ?
Comment avez-vous créé visuellement les personnages Je lis des comics, mais j’attends en général que sortent
de Balles perdues et de Corps et âme ? Walter Hill a-t-il les recueils, car je n’ai pas envie de découvrir l’histoire
laissé des notes, vous a-t-il donné des consignes ? chapitre par chapitre, chaque semaine. Les comics sont
Jef : Non. Pour Balles perdues, nous nous sommes indéniablement une de mes principales sources d’ins-
inspirés d’Alain Delon pour le personnage de Roy Nash. piration. Ce sera particulièrement flagrant quand vous
C’est l’acteur préféré de Walter Hill. Son époque Melville verrez le film Tomboy. L’idée d’écrire des comics me
ou Visconti correspondait très bien avec l’image que nous trotte d’ailleurs dans la tête depuis toujours, même si
elle ne s’était jamais concrétisée.
nous faisions de Roy Nash. Il y a le borsalino et bien sûr le
regard de Delon. C’était une évidence. Pour les décors – Tomboy version bande dessinée [Corps et âme]
alléluia ! –, j’ai trouvé des centaines de photos de l’Amérique est-elle véritablement différente du film que nous
devrions découvrir sur nos écrans à la fin de l’année ?
des années 20 et 30 sur Internet. Je me suis acheté une
Oui, le résultat est différent ; parfois plus efficace,
maquette de voiture, ainsi que des répliques de la mitrail- parfois moins. Tout travail créatif est soumis à des
lette Thompson et du Colt 45, en plastique bien sûr. Ça impératifs de temps, d’opportunité et de circonstances.
m’a permis de travailler les poses des personnages. Pour Même si vous refaites exactement le même film un an
certaines couleurs, j’ai utilisé des photos pour en faire des après avoir bouclé la première version, le nouveau sera
trames. C’est par exemple le cas dans une chambre toute différent.
délabrée, avec une tapisserie dégueulasse, que j’ai insérée Tomboy est d’abord sorti sous forme de bande
en surimpression dans le dessin. C’est à la fois marrant et dessinée avant de devenir un film. Cela a-t-il changé
expérimental. J’essaye toujours de trouver des méthodes votre manière de travailler ?
pour aller plus vite. Non, absolument pas. Ce sont deux œuvres différentes
et complémentaires. D’ailleurs, Balles perdues deviendra
Quels films de Walter Hill vous ont particulièrement peut-être, un jour, un film.
marqués ? Que pensez-vous de la bande dessinée franco-belge ?
Jef : Incontestablement Johnny Belle Gueule [Johnny Elle est beaucoup plus mature, moins focalisée sur les
Handsome en VO]. Un scénario génial et une musique super-héros, plus sophistiquée.
inoubliable de Ry Cooder. C’est la grande époque de
Mickey Rourke. On est à la fin des années 80, juste après
une période que j’apprécie beaucoup, celle du Nouvel Avez-vous d’autres projets tous les trois ?
Hollywood. On retrouve déjà, dans Johnny Belle Gueule, le Matz : Oui, mais Jef et moi allons d’abord travailler sur un
thème de la chirurgie esthétique. Mickey Rourke y joue le projet ensemble chez Rue de Sèvres. Ce sera un western
rôle d’un malfrat victime d’une malformation congénitale. vu du côté des Indiens, basé sur des faits historiques, mais
Après un casse raté, un médecin [Forest Whitaker] lui retape atypique, très épique, un peu à la 300 de Frank Miller – toutes
la gueule en prison. C’est du pur Walter Hill, de la série B proportions gardées.
avec de la baston, qui ne prétend pas à la subtilité. J’aimais Jef [très enthousiaste] : Ce sera un one-shot, avec le même
aussi beaucoup Double détente, 48 format et la même pagination que Balles perdues
heures, ou encore Geronimo. et Corps et âme. Il y aura de grandes scènes de
Matz : Pour moi, ce serait plutôt Driver bataille sur plusieurs pages, des grandes cases
[1978], que j’ai vu au cinéma quand seules sur une double page avec des prairies qui
j’étais petit. J’ai toujours aimé ce film, brûlent...
avec Ryan O’Neal et Isabelle Adjani, Matz : Ensuite nous attaquerons un troisième
qui est une sorte d’hommage aux projet avec Walter Hill, toujours chez Rue de
samouraïs. J’aime aussi Sans retour, Sèvres. On est en train d’en discuter. On ne sait
Les Guerriers de la nuit et Le Bagarreur. pas encore si on va faire une suite d’un de nos
deux premiers albums, ou quelque chose de
Corps et âme totalement nouveau.
Par WALTER HILL, MATZ & JEF Jef : Pour Balles perdues, Walter a même en tête
Éditions RUE DE SÈVRES, une trilogie. À voir. Mais je pencherais plutôt pour
136 pages couleurs, disponible. une nouvelle histoire. En tout cas, nous sommes
partis pour ne plus nous quitter. (Rires.)

POLAR / MATZ, JEF & WALTER HILL 45


SÉRIE EN COURS
'RJJ\ʌDJV

Auteur très remarqué de Mutafukaz – un ovni génial aux


confins de la bande dessinée, du comics et du street art –,
dont la publication a débuté en 2006, Run a lancé deux ans
plus tard le Label 619 aux éditions Ankama. Inauguré avec
le manga iconoclaste Debaser, il rassemble des bandes
dessinées influencées par les cultures urbaines, dont la série
Doggybags. Cette collection d’albums collectifs, hommage
explosif aux pulps et aux récits d’horreur façon EC Comics,
compte déjà dix tomes à son actif.
Son grand manitou, Run, revient pour dBD sur la genèse
et le développement de ce projet audacieux, qui occupe
une place laissée vacante par une bande dessinée
franco-belge peu cliente des récits de série Z.
Propos recueillis par Philippe Peter
> Run
© Photo DR

DOGGY
BAGS LA COLLECTION
SANS CONCESSION
Comment définiriez-vous m’ont conseillé de contacter Soleil. Tout le
le Label 619 ? monde se refilait la patate chaude. Mon but
Il est plutôt orienté cultures n’était pas d’en faire quelque chose d’un-
urbaines, avec un public derground, mais de grand public.
ado-adulte un peu street. En
même temps, j’ai aussi envie d’y Vous vous situez à la croisée
publier d’autres choses, comme des chemins entre différentes formes
ce que nous avons fait dernière- de narration dessinées, mais aussi
ment avec Commando Culotte de musique, de pop culture, de culture
par exemple. J’essaie d’y faire urbaine, d’où ce sentiment de flou
le lien entre la culture populaire, artistique qui devait habiter vos
au sens large du terme, et des interlocuteurs...
références pointues dans des Ça doit être ça, mais je ne me rends
domaines aussi variés que la même plus compte d’être « à la croisée des
BD, le cinéma ou l’art contempo- chemins », comme vous dites. Tout cela est
rain. L’édition de bande dessinée est assez digéré. Pour Doggybags, je vois souvent des
Doggybags T.2 cloisonnée. Quand j’ai pris contact avec des lecteurs totalement déroutés par le contenu
© Ankama éditeurs à l’époque où je voulais publier de l’album qu’ils ont entre les mains. Il est
Mutafukaz, personne n’était prêt à le faire. évident que l’écart se creuse entre une
On me disait que ce genre de BD ne pouvait bande dessinée dite « classique » et ce qui
exister que dans les fanzines. Delcourt me se fait par ailleurs. Attention, je ne suis pas
disait d’aller voir Les Requins marteaux, qui pour des trucs 100 % geek ; je tiens à ce

46 SÉRIE EN COURS / DOGGYBAGS


que cela reste ouvert. Mais il est vrai qu’une
partie de la profession nous regarde un peu
de haut. On ne fait pas partie de la grande
famille de la bande dessinée franco-belge ;
c’est quelque chose que j’ai tout de suite
ressenti. Peut-être que c’est lié à Ankama,
qui est à la base une maison de jeu vidéo, et
qui n’est toujours pas totalement considérée
comme une maison d’édition à part entière.
Peut-être aussi sommes-nous perçus
comme une équipe fermée, alors que nous
sommes dans une démarche d’ouverture.
Notre but est de faire connaître notre travail
au plus grand nombre, et d’ouvrir le label
à de nouveaux auteurs. Je pense d’ailleurs
que les choses sont en train de changer ;
qu’on est en train d’acquérir une forme de
respectabilité. Dans le prochain Doggybags
[le tome 10, publié le 29 avril], on a par
exemple Valérie Mangin au sommaire. Elle
m’a confié qu’elle lisait Doggybags avec un
petit plaisir coupable, et qu’elle aimerait
faire partie de l’aventure. Je ne l’attendais
pas dans ce registre, mais je n’ai pas été
déçu. Autre signe, le prix Coup de cœur
que je viens d’obtenir à Quai des Bulles, à
Saint-Malo, pour Mutafukaz. Honnêtement,
je ne m’y attendais pas...

Dans un entretien accordé en 2008 à


nos confrères d’ActuaBD, vous disiez que
vous ne vous sentiez pas « dessinateur
dans l’âme » et que dessiner une BD vous
était « pénible ». Est-ce toujours vrai ?
C’est moins vrai, depuis peu. Dans le sens
où j’ai retrouvé une forme de plaisir et de
sérénité. Je n’ai plus de rapport conflictuel
avec mon travail. Avant, je ne me sentais
pas légitime, et je me mettais donc trop de
pression. Quand tu es dessinateur, tu n’es
jamais content de ce que tu fais ; et tu te
tapes des moitiés de dépression quand tu
as fini un album. Aujourd’hui, je sais qu’il
y a plein de dessinateurs meilleurs que moi
et je l’accepte totalement. Mes forces sont
ailleurs. Je pense que l’âge joue aussi en ma
faveur.

Vous n’êtes pas un auteur qui passe sa vie


seul dans son atelier. Vous avez besoin de
vous entourer, de cogiter et de participer à
des aventures collectives. Diriez-vous que
vous faites partie d’un clan ?
Je vous avoue que je reviens beaucoup
là-dessus. Je me suis même aperçu qu’on
avait l’inverse d’un esprit de clan [au sein de
l’équipe du Label 619]. Je n’y ai jamais vu
un côté sectaire ou hiérarchique. J’y voyais
quelque chose de fraternel. Mais le terme
peut avoir plusieurs interprétations. Disons
qu’on a envie de partager et de faire les
mêmes choses. Je suis un porte-étendard,
et que ceux qui veulent se rallier le fassent.
Par contre, comme je n’ai pas trois têtes ni
six bras, fatalement, je ne peux pas accepter
tous les projets. Car quand je signe un projet

Poster pour Doggybags T.9


© Ankama
SÉRIE EN COURS / DOGGYBAGS 47
Doggybags T.5
© Ankama

ou quand je fais venir un nouvel auteur, je le


suis pas à pas. Le temps que je passe avec
lui, je ne peux pas le passer avec les autres.
Je sais donc que je ne peux pas signer trop
de choses, car cela m’obligerait à être moins
réactif et il n’en est pas question.

Comment est né le nom de la série


Doggybags ?
(Rires.) Je ne vais pas vous faire rêver, je
vous préviens. À l’origine, je voulais un titre
efficace basé sur le chiffre 3. Mais ça n’allait
pas. Finalement, pour se changer les idées,
on est allés dans un Subway [chaîne de
sandwicheries]. On cherchait, on cherchait,
mais plus on avançait, plus les idées
merdiques fusaient. Mais j’avais dit qu’on
ne sortirait pas du resto avant d’avoir trouvé
un titre. Au final, on a tellement parlé que
Florent Maudoux n’avait pas pu terminer
son sandwich. Comme il devait reprendre
son train, il nous a dit qu’il allait demander
un doggybag pour l’emballer. Et j’ai dit :
« Quoi ? D’où tu sors ça ? » Et tout le monde
a voté pour...

Comment définiriez-vous cette


collection ?
Un hommage au cinéma d’exploitation
de série B et Z, aux comics d’horreur
d’EC Comics et aux pulps. Tout ce qui
n’est pas noble, quoi ! Pas nécessaire-
ment des produits américains, puisque
Florent Maudoux s’est beaucoup inspiré
des films hongkongais pour ses Doggybags.
On n’a pas fait de grande réunion pour
définir ce qu’on allait faire : on le savait.
J’étais même étonné que personne d’autre
ne se soit lancé là-dedans auparavant en
France.

Pas évident d’imposer le format court, la


nouvelle dessinée, en France...
En général, le collectif fait peur. Sur dix
mecs, il y a toujours deux ou trois dessina-
teurs dont le boulot t’intéresse. Même moi,
ça me saoule ! Je ne voyais pas l’intérêt
d’aller au-delà de trois histoires, sinon
elles risquaient d’être trop courtes. Aussi,
au début, le plus dur a été de trouver des
gens qui comprenaient l’état d’esprit dans
lequel s’était créé Doggybags. La frontière
entre hommage et parodie est parfois
ténue ; et nous n’étions pas intéressés par
le pastiche. J’ai eu tellement de savants fous
avec des zombies nazis dans un bunker !
Typiquement le truc dont je n’ai pas envie...
© Photo DR

Comment associez-vous les auteurs ?


C’est vraiment au coup par coup. Certains Bien remis du barouf créé par l’arrivée
duos sont déjà formés. Ou alors on a des de Céline Tran, alias Katsuni, dans
scénaristes qui viennent avec une histoire, l’aventure [volume 6] ?
ou encore des dessinateurs qui disent avoir Évidemment, ce Doggybags a fait un peu
envie de faire un Doggybags. L’idéal, c’est polémique, car beaucoup de gens se sont
quand un auteur complet me propose une demandé ce qu’une ancienne actrice porno
histoire qui m’intéresse. venait faire dans la bande dessinée. Pffff !

48 SÉRIE EN COURS / DOGGYBAGS


Doggybags T.6
© Ankama
Extrait de Phalanga, dans Doggybags T.10 Doggybags T.3
© Mojo & Simon / Ankama © Ankama

Quels sont vos autres projets ?


Je suis en train de travailler sur une
histoire qui se passe dans le cadre des
attentats de Paris. J’aurais préféré éviter,
mais ça m’est tombé dessus et je ne peux
pas faire autrement. J’ai besoin d’écrire. Je
m’étais toujours promis d’écrire des histoires
qui se passent loin de chez moi ; de quoi
me permettre de garder mes distances
avec les problèmes politiques, sociaux et
économiques que nous vivons tous au
quotidien. Ça me permettait aussi de changer
de décor et de quitter Roubaix. (Rires.)
Mais là, avec les attentats, ça m’est tombé
dessus. Je vais donc dessiner des décors
belges et français durant les prochaines
semaines. (Rires.) C’est un projet que je
vais mener seul, mais qui sera certainement
publié dans le dernier Doggybags. Et puis je
suis en train de finaliser la sonorisation du
film adapté de Mutafukaz, dont la sortie est
prévue pour 2017. On est aussi en train de
Ce projet avait-il été lancé dans la en tant que scénaristes. On attend juste chercher un distributeur et des partenaires
foulée de sa participation à la quatrième que les dessinateurs soient disponibles. Je pour préparer la sortie au cinéma. On
saison du Visiteur du futur, web-série ne peux pas révéler la liste complète, mais aimerait éviter les déconvenues rencontrées
produite par Ankama ? il y aura notamment Mégaboy et Sourya. par Dofus. C’est en tout cas l’aboutissement
Ça s’était fait avant. Je l’avais vue sur le Qui apparaîtra aussi dans le Doggybags d’un long processus !
plateau de Ruquier. Elle avait l’air marrante n° 12 consacré au Japon. Je vais même
et geekette, tout en ayant une personnalité vous donner le casting en exclu : Guillaume
assez rugueuse. Elle s’assumait pleinement ; Singelin, Sourya et Atsushi Kaneko, qui nous
elle ne crachait pas dans la soupe. Je me a fait une histoire originale. Avec également
disais qu’elle avait peut-être quelque chose des bonus de Tsuchinoko et peut-être
à raconter. Je l’ai contactée par l’intermé- une couverture réalisée par des tatoueurs
diaire de Monsieur Poulpe, en lui proposant de Tokyo. Sortie prévue à la rentrée. Le
de faire un guest dans une vidéo de promo treizième et dernier tome de Doggybags
pour Doggybags. Elle a voulu en faire plus, sortira lui en novembre. C’est le chiffre sur > Doggybags
et on a créé le personnage de Heart Breaker lequel on s’était mis d’accord au début de T.10
dans le Doggybags n° 6. Ce premier bouquin l’aventure. Et comme j’aime bien que les COLLECTIF / ANKAMA
[qui suit le parcours d’une vampire en quête choses aient une fin, ça me convient. Ce qui 120 pages couleurs,
disponible.
de vengeance] était une intro. Dans la n’empêchera pas le concept et la marque
foulée, on a enchaîné sur la suite qui sera de vivre puisque, comme je l’ai dit, certains
publiée dans le cadre de l’après-Doggybags. projets sont déjà lancés. Mais je ne peux pas
Nous y aurons chacun notre arc narratif, en dire plus pour le moment.

SÉRIE EN COURS / DOGGYBAGS 49


GRAND FORMAT
Catherine Meurisse
> Catherine Meurisse
© Rita Scaglia / Dargaud

Catherine

Meurisse
2016 : AN 01
C’est une relation particulière
qui me lie à Catherine
Meurisse puisque notre
première rencontre date de la
présentation de son diplôme de fin d’études aux Arts Catherine, la première question qui nous vient à l’esprit, vu
déco, il y a onze ans. Si depuis, j’ai suivi avec plaisir son qu’on vous savait réfractaire à parler de votre ressenti sur les
évolution, lu ses livres, accueilli avec bonheur son entrée événements qui ont touché Charlie Hebdo, faisant plusieurs
morts parmi vos proches, est de savoir si c’est le livre de Luz,
à Charlie Hebdo sous l’aile de Cabu et Wolinski... et eu le
Catharsis, qui vous a décidée ou encouragée dans cette voie ?
plaisir de la croiser régulièrement, je n’avais bizarrement Luz a très vite réalisé Catharsis, entre janvier et mars 2015, pour
jamais fait d’interview avec elle. Et puis, il y a ce livre « ne pas devenir fou », disait-il. Pour ma part, j’étais incapable de
annoncé chez Dargaud que je demande à lire en toute faire quoi que ce soit dans les semaines qui ont suivi l’attentat,
innocence. L’émotion me prend quand je découvre que tout simplement parce que le choc m’avait fait perdre la mémoire,
la concentration, mes capacités intellectuelles. Il m’était donc
Catherine, qui refusait d’en parler jusqu’à présent, revient
impossible de dessiner dans cet état. Immédiatement après
sur les événements et la vie qu’elle a menée depuis les le drame, nous, survivants de Charlie, avions besoin d’être
attentats de Charlie, alors qu’elle doit sa survie à son ensemble, de penser collectivement pour ne pas nous perdre,
retard à la funeste réunion de rédaction du 7 janvier 2015. c’est le «  nous  » qui nous déinissait. En décidant de publier
L’occasion de la solliciter [enfin !] pour un premier Catharsis, Luz a été le premier à dire « je ». Je dois bien avouer
entretien... qui s’est déroulé dans les locaux des éditions que cela m’a d’abord choquée, puis j’ai compris qu’il avait raison.
Dire « je », se concentrer sur son identité personnelle, c’était le
Dargaud. Et je tiens à la remercier du fond du cœur de
seul moyen de se sortir de ce tsunami de violence qui pouvait
m’avoir accordé cette interview et je ne vous cache pas tous nous faire basculer dans la folie. Luz, avec Catharsis, a fait
que j’ai été heureux de partager ce moment avec elle. un livre d’une absolue sincérité, qui lui ressemble, tout comme
Une formidable leçon de vie ! Frédéric Bosser j’espère avoir réalisé un album qui me ressemble.

50 GRAND FORMAT / CATHERINE MEURISSE


Une planche extraite de La Légèreté
© Meurisse / Dargaud

GRAND FORMAT / CATHERINE MEURISSE 51


Un chagrin d’amour qui conduira Catherine Meurisse
à arriver en retard à la réunion Charlie du 7 janvier
© Meurisse / Dargaud

Vous parliez de folie : est-ce une chose que l’on sent venir
ou est-ce sous-jacent ?
J’ai vu tous mes repères, afectifs, professionnels, tomber un à
un. L’équipe de psys qui nous a suivis nous a prévenus dès le
début que, malgré l’empathie, nos proches ne pourraient pas
comprendre ce qui nous arrivait, ne serait-ce que parce que
cette situation était inédite pour tous. À titre personnel, j’ai
eu la chance d’être très bien entourée et très écoutée par mon
entourage. L’amitié ne m’a jamais paru aussi précieuse.

Comment a été réalisé La Légèreté ?


Durant l’été 2015, j’ai commencé à dessiner pour moi, à
rassembler des fragments de souvenirs, à ixer certaines
émotions qui risquaient de m’échapper. Puis j’ai osé montrer mes
pages à mon éditrice, Gisèle de Haan, que j’ai connue quand je
suis entrée à Charlie, et qui elle-même connaissait bien l’équipe
du journal. Les soixante-dix premières planches, réalisées
dans un seul grand carnet (ain qu’aucun dessin ne puisse
s’échapper...) sont sorties d’un coup, de manière très intuitive,
haletante. La scène où je refuse de répondre aux journalistes,
qui viennent me débusquer jusque dans ma campagne natale
et me voient ramasser ce qu’ils croient être des champignons,
alors que je ramasse des fragments de moi éparpillés un peu
partout (concentration, mémoire, discernement), résume bien
l’état d’esprit qui m’animait pendant toute l’écriture de l’album.
J’avais besoin d’être dans ma bulle, loin de l’agitation folle des
médias, cette immense et terrible vague médiatique qui a déferlé
pendant toute l’année 2015. Charlie était devenu le centre du
monde, et moi j’avais besoin de retrouver mon centre, mon axe
personnel, de retrouver le dessin et l’écriture.
C’est pour cette raison
que nous sommes étonnés
Charlie était que vous en parliez
maintenant...
devenu le J’ai attendu d’être

centre du présentable, d’être


nouveau dessinatrice  ! Ce
de

monde, et moi livre, qui a été technique-


ment réalisé en cinq mois,
j’avais besoin m’a occupé l’esprit pendant
un an. Au début, je pensais
de retrouver pouvoir reprendre mes
mon centre, projets d’albums commencés
en 2014 et interrompus par
mon axe l’attentat, mais non : il m’était
impossible de ne pas faire
personnel, La Légèreté. Je n’ai jamais eu
autant conscience des vertus
de retrouver cathartiques du dessin.
le dessin et D’ailleurs, le lendemain des
attentats du 13 novembre,
l’é e. alors que l’horreur
envahissait de nouveau la
France, j’ai coupé la radio et
Internet, j’ai pris une grande
feuille de papier et ai choisi
de dessin ose de beau, d’apaisant. En l’occurrence,
la Grande usée du Louvre plongée dans l’obscurité.
C’est un trouve à la in de La Légèreté.

C’est to u dessin...
Jusqu’à présent, je dessinais pour faire rire les autres – que ce
soit à l’école, quand j’étais gamine, ou dans ma vie profession-
nelle, à Charlie. Dans La Légèreté, c’est la première fois que je me
livre autant, que je ne me cache pas systématiquement derrière
le masque de l’humour et de la satire...

La métaphore des champignons


© Meurisse / Dargaud

52 GRAND FORMAT / CATHERINE MEURISSE


La Grande Galerie du Louvre plongée dans l’obscurité
© Meurisse / Dargaud

Autre point commun avec Luz, si pour lui c’est un câlin aussi la trace du temps, du temps qui lisse, apaise et eface. Ce
avec sa copine le jour de son anniversaire qui le fait arriver qui était nouveau pour moi, face à ces œuvres, c’est que je les
en retard à la réunion de rédaction, vous c’est un chagrin voyais sans aucun bagage intellectuel, vu que le choc de l’attentat
d’amour qui vous sauve... m’avait fait perdre la mémoire. Je voyais les œuvres sans plus
L’amour, sa présence comme son absence, est en efet au centre songer à l’histoire de l’art. Une sorte de virginité qui n’aura
de nos deux livres. D’ailleurs, au début, pour lui résumer gros- existé que quelques mois, le temps que ma mémoire revienne.
sièrement mon album, je disais en rigolant à mon éditrice que C’est une expérience extrêmement étrange, très déstabilisante
je faisais Catharsis, mais sans amour ! Catharsis avec un peu au début, qui, lorsqu’on init par accepter cette impuissance in-
de lose en plus... Si Luz parle de sa femme dans son livre et tellectuelle, devient un état de grâce.
s’est rendu compte qu’elle lui avait « sauvé la vie » (ce sont ses
termes), moi, j’ai comblé l’absence d’amour en partant à Rome
et en recherchant la beauté. J’ai séjourné à la villa Médicis à
l’automne 2015 et m’y suis remplie de douceur, d’art, d’amitié.
Ce voyage, égayé par les pensionnaires de la villa, a été fabuleux.

Si l’art a toujours été très présent dans votre travail, dans ce


livre, il éclate au grand jour...
L’art a toujours été un refuge pour moi. Dans La Légèreté, je ne
fais pas un cours humoristique ou une iction burlesque sur les
peintres et les écrivains, comme je l’ai fait dans Mes hommes de
lettres, Le Pont des arts ou Moderne Olympia, mais je traverse
littéralement les œuvres. Dans La Légèreté, l’art me transperce,
me sauve, et je n’ai pas peur de le clamer avec lyrisme. Partir
à Rome m’a permis de retourner aux origines de l’art. Rome a
jadis été détruite par les barbares, mais ses vestiges sont encore
visibles et surtout ils sont immuables, igés dans le temps. J’avais
besoin de voir cette immuabilité, de voir quelque chose qui ne
pouvait plus s’efondrer. Tout à Rome faisait écho aux attentats :
la destruction, les traces de la violence, dans les vestiges de la
ville, au Forum par exemple, comme dans les marbres antiques
– la mythologie antique est une suite de massacres... Mais il y a

La fascination du Caravage
© Meurisse / Dargaud
GRAND FORMAT / CATHERINE MEURISSE 53
Illustration de couverture
de La Légèreté
© Meurisse / Dargaud

Il est intéressant de voir que cette violence, que l’on a


assimilée et acceptée à force de voir des œuvres d’art comme
Le Martyre de saint Sébastien ou des cruciixions, vous
vous les prenez en pleine gueule et pensez aux victimes des
attentats.
Je ne voyais que cela ! Les sculptures, les peintures romaines,
Le Caravage, Poussin, Le Bernin, tout me faisait penser aux
massacres de janvier 2015 et à ceux du 13 novembre. Les
marbres démembrés, abîmés par le temps, faisaient écho aux
corps de mes amis touchés par les balles. Cela était troublant
mais pas efrayant : je me rapprochais ainsi de mes amis à travers
l’art, et leurs corps imaginaires devenaient beaux à regarder. On
m’a dit que j’avais ainsi fait sans m’en rendre compte un travail
de « symbolisation » et que cela faisait partie du processus de
cicatrisation.

On sent que votre dessin se libère, ne serait-ce que dans sa


gestuelle, mais surtout ses couleurs...
Merci ! Au départ, je ne savais plus comment dessiner, comment
mettre en scène, comment imaginer des personnages, etc.,
j’avais l’impression d’avoir tout perdu. Puis j’ai pris un carnet,
histoire de ne pas me disperser, et le premier dessin que j’ai
réalisé est celui qui igure sur la couverture : je marche sur une
dune, comme sur la lune, à côté du monde. Tout s’est fait de
manière instinctive : un jour j’utilisais du pastel, un autre jour
l’aquarelle ou l’encre. En fait, les seules choses restées intactes
après l’attentat étaient la perception et l’intuition.

Vous êtes-vous relue et corrigée après ?


Plusieurs mois après avoir commencé à dessiner, je me suis relue
et j’ai inalement corrigé très peu de choses. Je suis par exemple
revenue sur la scène racontant mon arrivée au journal, le matin
du 7 janvier, lorsque Luz
me dit de ne pas aller dans
la salle de rédac, car deux
types armés sont en train de
Dans
pénétrer dans les bureaux. La Légèreté, compréhensible pour le lecteur, qui peut ne pas connaître
Je voulais que la scène soit les lieux et les noms des protagonistes. J’ai tenu à ce que La
c’est la première Légèreté soit lisible, limpide. Preuve que les choses redevaient
fois que je me limpides dans ma tête.

livre autant, N’est-ce pas dur de dessiner et de mettre en scène de tels


moments ?
que je ne me Je ne me suis pas posé la question, il fallait que je dessine,
cache pas c’est tout. Quand je me représente, c’est à la fois moi et pas
moi. « Je  est un autre  »... Avec ma parka, je ressemble à un
systématique- petit chaperon vert ; ce n’est plus vraiment moi. La distance
est créée par le dessin. Je deviens un personnage, et heureuse-
ment derrière ment d’ailleurs. C’est ainsi que je peux partager mon récit avec
le masque les lecteurs.

de l’humour et Avez-vous le sentiment que beaucoup de personnes sont


de la satire... avides de voir votre vision des événements ?
Les plus avides étaient les journalistes, l’an


dernier, et la vision qu’ils voulaient n’était pas
celle que j’avais à ofrir. C’est pour cela que je
n’ai accordé aucune interview. Je ne sais pas
vraiment qui a envie de me lire aujourd’hui,
en dehors de mes amis, qui m’ont vue
bien sonnée l’an dernier et qui ont hâte de
constater que je vais mieux  ! Les quelques
lecteurs de Charlie qui connaissent ma
signature et que j’espère faire marrer depuis
dix ans ont peut-être aussi envie d’avoir de
mes nouvelles. Je ne sais pas. L’essentiel est
que j’aie réussi à pondre cet album.

54 GRAND FORMAT / CATHERINE MEURISSE


Derniers souvenirs de Mustapha
© Meurisse / Dargaud
Un hommage à Honoré
© Meurisse / Dargaud

Dans La Légèreté, vous


airmez ne plus vouloir faire
de dessin politique.
En efet. Après avoir réalisé
pendant dix ans des dessins
politiques, de société, culturels,
après avoir fait du reportage
dessiné à la jungle de Calais
(mon tout premier reportage,
en 2005), dans des manifs, des
maisons closes, des foyers de tra-
vailleurs immigrés, des coulisses
de théâtre, je me suis lassée du
rythme efréné de l’actualité
et ai décidé de me consacrer à
la bande dessinée. Je souhaite
privilégier la lenteur, le temps de
l’écriture... Pendant plus de dix
ans, j’ai l’impression d’avoir mené
de front trois métiers : auteure
de BD, illustratrice jeunesse et
dessinatrice de presse à plein
temps. C’est usant ! Et puis, je
me suis rendu compte, après
l’attentat, que je n’aimais faire du
dessin politique que parce que
je le faisais entourée de Cabu,
Tignous et des autres. J’adorais
les faire marrer. Eux morts, je n’ai
plus envie de continuer le dessin
politique, ça n’a plus de sens.

Le fait que vous proposiez


aujourd’hui des strips géné-
rationnels à Charlie est-il une
manière de rester là-bas et ne
pas donner l’impression que
vous les abandonnez ?
Je ne me pose pas cette question-
là, je conserve un strip dans
Ce qui est étonnant, c’est que, inalement, vous parlez peu Charlie parce que le ton de ces strips, intitulés Scènes de la vie
de votre relation avec les dessinateurs... En fait, celui que hormonale, ne pourrait passer dans aucun autre journal. À
vous citez souvent à la rédaction de Charlie, c’est Mustapha, Charlie, je sais que je peux être gonlée, burlesque, outrancière,
le correcteur...
La Légèreté raconte comment une mémoire post-trauma-
tique se reconstitue, et cela passe par des choses qui collent
à l’événement. Ma discussion avec Mustapha a eu lieu deux
jours avant l’attentat. Comme elle avait trait à la beauté, j’ai
cherché absolument à me la rappeler. La Légèreté n’est pas un
livre de souvenirs, c’est un livre qui raconte une reconstruc-
tion personnelle. Si je devais un jour raconter mes souvenirs
à Charlie, il me faudrait au minimum dix tomes ! Mais cela ne
m’intéresse pas de faire un tel album, ces souvenirs de dix ans
de collaboration sont en moi, c’est l’essentiel. Par ailleurs, cela
me plaisait de parler de Mustapha dans La Légèreté, comme
d’Honoré d’ailleurs, deux personnes discrètes, sur lesquelles les
médias ne se sont pas attardés. Place de la République à Paris,
au moment des commémorations, iguraient les visages des
dessinateurs assassinés  ; celui d’Honoré avait été oublié. Cela
m’a fait très mal. Idem, il manquait son visage sur les pochoirs
réalisés rue Nicolas-Appert. Alors je raconte, dans La Légèreté,
comment, avec sa ille Hélène, nous prenons notre revanche et
allons taguer le pochoir manquant, à l’eigie de son père... En
in de compte, tous les morts de Charlie sont présents dans mon
album, tous sont évoqués, par petites touches. Je les mêle aux
vivants, valides et invalides.
2005 : arrivée de Catherine à Charlie Hebdo
© Meurisse / Dargaud

GRAND FORMAT / CATHERINE MEURISSE 55


décalée... personne ne me le reprochera, au contraire. Jamais un Est-ce que vous replongez quand vous entendez parler
directeur artistique ou un journaliste ne m’appellera pour me d’autres attentats ?
dire : « On n’a pas compris ta blague... » Après l’attentat, chaque Pour ne pas me replonger dans l’horreur, je me coupe des
collaborateur de Charlie a fait ce qu’il a pu pour se reconstruire. événements. Et je dessine. La création permet de mettre une
Certains sont restés, se sont encore plus investis, d’autres sont vitre entre la violence et moi. Les attentats de novembre m’ont
partis. Moi, je me suis éloignée. Avec Scènes de la vie hormonale, bien sûr remuée, car ils clôturaient efroyablement l’année
j’ai choisi de réorienter mon travail, de lâcher la politique pour 2015, comme un écho impitoyable à la tragédie de janvier. Je
m’intéresser à ma génération, de parler désir, libido, couple, les évoque dans La Légèreté, et je raconte comment la quête de
sexe, lose, etc. Je me suis éloignée de Reiser pour lorgner du beauté me permet de trouver l’apaisement.
côté de Bretécher, si vous voulez.

© Meurisse / Dargaud
Beaucoup d’œuvres importantes sont nées de chocs,
de fêlures, de séparations... La Légèreté entre dans cette
catégorie !
On trouve dans chacun de mes livres des choses très person-
nelles, que je dois exprimer nécessairement, expressément, et
c’est d’ailleurs pour cela que je ne suis pas attirée par le travail
en collaboration avec un scénariste. Tous mes albums naissent
d’une pulsion, d’un besoin, d’un manque : le besoin d’être en
communion avec des peintres et des écrivains, comme pour
m’abreuver de ces grands et beaux esprits, dans Mes hommes
Les bons conseils Êtes-vous anxieuse quant à l’accueil de ce livre ? de lettres ou Le Pont des arts par exemple ; celui de danser et
de Charb, Cabu et Pas plus que pour un autre livre. L’important pour moi est que capturer le mouvement, comme
Tignous
© Meurisse / Dargaud
cet album existe. dans Moderne Olympia. L’album
La Légèreté, lui, est né d’un manque
Votre reconstruction passait-elle obligatoirement par ce plus grand encore, d’une fêlure
voyage à Rome et ce séjour à la villa Médicis ? immense. Il m’était urgent et indis-
Oui. Je ne pouvais pas faire un autre voyage. Il fallait que je pensable de faire ce livre.
quitte Paris, ville anxiogène et endeuillée, que je franchisse une
frontière, que je me confronte à l’art présent dans cette « Ville
éternelle » qu’est Rome. La villa Médicis, résidence d’artistes
prestigieuse, est une bulle dans la ville. On y rencontre des
pensionnaires qui ont le temps de développer leurs projets
artistiques loin des contingences matérielles. Je les ai fréquentés
avec bonheur, loin des contingences politiques. J’en cite
quelques-uns dans le livre, que je mêle à Stendhal, avec qui je me La Légèreté
balade au Forum, au peintre Le Caravage, qui me bouleverse... Par CATHERINE MEURISSE
Éditions DARGAUD,
Je mélange les vivants et les morts, ceux qui partagent la beauté 136 pages couleurs, disponible.
comme refuge. Voir critique page 67

56 GRAND FORMAT / CATHERINE MEURISSE


C A H I E R C R I T I Q U E
#103 MAI 2016

Le Droit d’auteur
Par Pierrat & Neaud, voir critique page 76
Jeunesse p.86, Paul Gillon p.88, Intégrales p.92
CRITIQUES
7DEOHDX GHV ŸʞRLOHV

Tableau
GHV ŸʞRLOHV
1 2 3 4 5

L’HOMME QUI TUA JULIETTE Ô VOUS, FRÈRES LES CONTES LUC LEROI
LUCKY LUKE Camille Jourdy HUMAINS DE LA RUELLE PLUTÔT PLUS TARD
Matthieu Bonhomme ACTES SUD BD Luz Nie Jun Jean-C. Denis
LUCKY COMICS FUTUROPOLIS GALLIMARD FUTUROPOLIS

IK
R

AMON
FROID

UVREU

LTRET

RAN
PINI

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Notre sélection mensuelle :

LT

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T
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T. BELLE

F. POTE
D
H. FILIP

F. PIAU
0. MIM

P. PETE
D. PAS
O. MA

Livres H

Le Mon
D. CO
F. BOS

ActuaB
Le Soir
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Titre
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dB D
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BLACK SANDS T1 ++ +++ +++ +++ +++ ++++ +++ ++

CONTRECOUPS +++ +++ ++++ +++ ++++ ++++ ++ +++

CORPS ET ÂME ++++ ++++ +++++ ++++ ++++ +++ ++++ ++++ ++ ++

DICKIE DANS L'ESPACE +++ ++++ ++++ +++ +++ +++ +++ +++++ +++

JULIETTE +++++ ++++ +++ +++++ +++ ++++ +++++ +++++ ++++

L'HERBE FOLLE +++ +++ ++++ +++ +++ +++ ++++ +++

L'HOMME QUI TUA LUCKY LUKE ++++ ++++ +++++ +++++ +++++ ++++ ++++ ++++ +++++ ++++

L'ORIGINAL +++ ++++ +++ ++++ +++ ++++ ++++ +++ +++

LA PAROLE DU MUET T1 +++ +++ ++ ++++ ++++ +++ +++++

LA VILLE COPIÉE ++++ ++++ ++++ ++++ +++ +++ ++++

LE CORPS À L'OMBRE ++++ +++ +++ ++++ +++ ++++ +++

LES ANNÉES ROUGE ET NOIR T1 +++ ++ ++++ ++++ +++ ++++

LES CONTES DE LA RUELLE ++++ +++ ++++ ++++ ++++ ++++ +++++

LUC LEROI PLUTÔT PLUS TARD +++ +++ ++++ ++++ ++++ ++++ +++++ ++ ++++ +++++

MACARONI +++++ +++ +++ +++ ++++ +++++ +++ ++++

MANIPULATOR +++ ++++ +++ +++ +++++ ++++

MITTERRAND REQUIEM +++ +++ ++++ +++ +++ ++++ ++++ ++ ++

UN MAILLOT POUR L'ALGÉRIE ++++ +++ +++ +++ ++++ ++++ +++++ +++++ +++ +++

Ô VOUS, FRÈRES HUMAINS +++++ ++++ +++++ ++++ +++ +++++ ++++ +++ ++++

SEX STORY ++++ ++++ ++++ ++++ ++++ +++ ++++ ++++ +

58 CRITIQUES / TABLEAU DES ÉTOILES


#103
CAHIER CRITIQUE
EN VEUX-TU
EN VOILÀ
Que la bande dessinée est
riche en ce mois de mai avec
des nouveautés à foison et surtout
des sujets souvent très originaux.
Il a été très plaisant de lire ces
nouveaux albums et de vous
communiquer nos opinions pour
que vous puissiez ensuite faire
votre choix. Sinon, n’oubliez
pas de demander l’avis de votre
librairie si vous avez la chance
LE CORPS À L’OMRE © David De Thuin / Glénat

d’en avoir un. Henri Filippini a mis


l’accent ce mois-ci sur Paul Gillon
à l’occasion du cinquième anniver-
saire de sa disparition.
Un grand homme !
Frédéric Bosser

Le Top des ventes


Chaque mois, le panel Livres GfK répertorie pour dBD les ventes sorties de caisses de l’intégralité des références
de livres vendus à au moins un exemplaire sur le marché français, remontées par un panel de 2 300 points de vente
dans toute la France, de toutes typologies (grandes surfaces alimentaires, librairies spécialisées et généralistes,
grands spécialistes culture, Internet, etc.). Ces données sont ensuite extrapolées pour représenter la totalité des ventes
La totalité des chiffres sur :
de livres en France. Ces résultats sont aujourd’hui utilisés par les grands groupes français de l’édition. www.gfk.fr/panelsculture

INDICE PRIX MOYEN


RANG TITRE AUTEURS ÉDITEUR
VOLUME EN EUROS
1 ONE PIECE : ÉDITION ORIGINALE. VOLUME 78 ODA, EIICHIRO GLÉNAT 100 6,77
2 ONE PUNCH MAN. VOLUME 2, LE SECRET DE LA PUISSANCE MURATA, YUSUKE KUROKAWA 81 6,64
3 FAIRY TAIL. VOLUME 50 MASHIMA, HIRO PIKA 79 8,32
4 NARUTO. VOLUME 70 KISHIMOTO, MASASHI KANA 79 6,72
5 LES AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO. VOLUME 55, LA COLÈRE DU MARSUPILAMI VEHLMANN / YOANN DUPUIS 42 10,40
6 LES CAHIERS D'ESTHER : HISTOIRES DE MES 10 ANS SATTOUF ALLARY EDITIONS 40 16,69
7 ONE-PUNCH MAN. VOLUME 1 MURATA, YUSUKE KUROKAWA 39 6,68
8 UNE AVENTURE D'ASTÉRIX. VOLUME 36, LE PAPYRUS DE CÉSAR FERRI / CONRAD ALBERT RENÉ 31 9,77
9 LES CARNETS DE CERISE. VOLUME 4, LA DÉESSE SANS VISAGE CHAMBLAIN / NEYRET SOLEIL 27 15,72
10 TOKYO GHOUL RE. VOLUME 2* ISHIDA GLÉNAT 27 6,79
11 LA PRÉSIDENTE DURPAIRE / BOUDJELLAL LES ARENES 26 19,73
12 ROGER ET SES HUMAINS. VOLUME 1 IOV / CYPRIEN / COLECTIF DUPUIS 25 15,25
13 BLEACH. VOLUME 67, BLACK* KUBO GLÉNAT 24 6,76
14 LES CARNETS DE CERISE. VOLUME 1, LE ZOO PÉTRIFIÉ CHAMBLAIN / NEYRET SOLEIL 18 15,73
15 CENTAURUS. VOLUME 2, TERRE ÉTRANGÈRE* LEO / RODOLPHE / JANJETOV DELCOURT 18 11,77

Indice volume : si l’indice du n°2 du Top est égal à 65, alors il faut lire : pour 100 exemplaires vendus du n°1 du Top, il s’est vendu 65 exemplaires du n°2. * Nouveautés du mois de mars 2016.

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 59


CRITIQUES
Le Journal des Sorties

CAHIER CRITIQUE

Le Journal
des Sorties
DISPOS
Antoine et la fille trop bien par Alexandre Franc
Éditions Sarbacane. Voir critique page 76
Atroce ! Album collectif
Éditions Aaarg! Voir critique page 70
Au gré du vent et Hello Viviane par Bao et Zhao
Éditions Pika Graphic. Voir critique page 74

LE LAIT NOIR © Fanny Michaëlis / Cornélius


Birmanie, fragments d’une réalité
par Debomy et Griffon
Éditions Cambourakis. Voir critique page 82
Black Dog par Götting et Loustal
Éditions Casterman. Voir critique page 67
Black Sands par Oger et Contis
Éditions Rue de Sèvres. Voir critique page 84
Café Budapest par Alfonso Zapico
Éditions Steinkis. Voir critique page 75
Le Lait noir par Fanny Michaëlis
Dent d’ours T.4 par Yann et Henriet Éditions Cornélius. Voir critique page 77
Éditions Dupuis. Voir critique page 79
Les Aventures potagères
Dessous : la montagne des morts du Concombre masqué par Kalkus
par Frédéric Bones Éditions Mosquito. Voir critique page 81
Éditions Sandawe. Voir critique page 72
Lisa de la Nasa par Léo Louis-Honoré
Freedom Hospital par Hamid Sulaiman Éditions FLBLB. Voir critique page 84
Éditions Çà et Là. Voir critique page 84
Mauvaises filles par Ancco
Gauguin, l’autre monde par Fabrizio Dori Éditions Cornélius. Voir critique page 74
Éditions Sarbacane. Voir critique page 73
Missions Kimono T.17 par Brouard et Nicole
La Légèreté par Catherine Meurisse Éditions JYB. Voir critique page 71
Éditions Dargaud. Voir critique page 67
Mister Morgen par Igor Hofbauer
Le Corps à l’ombre par David De Thuin Éditions L’Association. Voir critique page 71
Éditions Glénat. Voir critique page 68
My Hero Academia T.1 par Kohei Horikoshi
Éditions Ki-Oon. Voir critique page 70
Riposte par Dan Christensen
Éditions Scutella. Voir critique page 71

60 CRITIQUES / LE JOURNAL DES SORTIES


DISPOS Le Bourreau T.1 par Gabella et Carette
Éditions Delcourt. Voir critique page 73
Le Kabbaliste de Prague T.1
Six mois d’abonnement par Gabriel Dumoulin par Makyo et Raimondo
Éditions Atrabile. Voir critique page 74 Éditions Glénat. Voir critique page 77
MAI Le Roi Pelé, l’homme et la légende
Stupor Mundi par Néjib
Éditions Gallimard-BD. Voir critique page 66 par Simon et Brascaglia

11
Éditions 21g. Voir critique page 80
Sur le fil par Debomy, Guillaume et Victor
Éditions Cambourakis. Voir critique page 82 Les Neuf Derniers Mois de ta vie de petit con
par Cookie Kalkair
The Woods par Tynion IV et Dialynas Éditions Les Arènes. Voir critique page 78
Éditions Ankama. Voir critique page 79
Les Trois Grognards par Hautière et Salsedo
Tropikal Mambo par Carlos Nine Éditions Casterman. Voir critique page 81
Éditions Les Rêveurs. Voir critique page 85
Notre univers en expansion par Alex Robinson
Un Juste par Guillon et Cénou Éditions Futuropolis. Voir critique page 80
Éditions La Boîte à Bulles. Voir critique page 77
Nuages et pluie par Phang et Dupuy
Vivre à FranDisco par Van Hasselt et Schmitz Éditions Futuropolis. Voir critique page 85
Éditions Frémok. Voir critique page 85

Amour austral par Jan Bauer


Bitch Planet T.1 par Deconnick et De Landro Éditions Warum. Voir critique page 83
Éditions Glénat Comics. Voir critique page 78
MAI Homicide T.1 par Philippe Squarzoni
Buck par Adrien Demont Éditions Delcourt. Voir critique page 79

18
Éditions Soleil. Voir critique page 85
L’Homme au masque (en toile de jute)
MAI Dylan Dog par Chiaverotti et Mari par Monsieur Le Chien
Éditions Mosquito. Voir critique page 75 Éditions Fluide glacial. Voir critique page 82

04 L’Adoption T.1 par Zidrou et Monin


Éditions Grand Angle. Voir critique page 68
La Maison par Paco Roca
Marie pleurait par Chester Brown
Éditions Cornélius. Voir critique page 72
14-18 T.5 par Corbeyran, Le Roux et Chevallier
Éditions Delcourt. Voir critique page 71 Éditions Delcourt. Voir critique page 82
Luisa, ici et là par Carole Maurel
Éditions La Boîte à Bulles. Voir critique page 75
Mercredi par Juan Berrio L’Aviateur T.1 par Kraehn, Arnoux et Millien
Éditions Steinkis. Voir critique page 83 Éditions Dargaud. Voir critique page 73
MAI
Munch avant Munch par Giorgia Marras Le Droit d’auteur par Pierrat et Neaud
Éditions du Lombard. Voir critique page 76

20
Éditions Steinkis. Voir critique page 78
Le Hasard par Ekeland et Lécroart
Éditions du Lombard. Voir critique page 83
Le Tatouage par Pierrat et Alfred
Éditions du Lombard. Voir critique page 76

MAI Batman – La malédiction qui s’abattit Un tout petit bout d’elles par Zidrou et Beuchot
sur Gotham par Mignola, Pace et Nixey Éditions du Lombard. Voir critique page 72
Éditions Urban Comics. Voir critique page 80

06 Soleil froid T.1 par Pécau et Damien


Éditions Delcourt. Voir critique page 70
The Autumnlands T.1 par Busiek et Dewey
MAI
Éditions Urban Comics. Voir critique page 81

25 Airboy par Robinson et Hinkle


Éditions Jungle. Voir critique page 68

CRITIQUES / LE JOURNAL DES SORTIES 61


MANGA
One~Punch Man

Avec son costume moulant d’un jaune éclatant et son crâne d’œuf reluisant, Saitama, alias One-Punch Man,
n’est pas très crédible dans son rôle de super-héros. C’est pourtant l’homme le plus fort du monde.
Le genre de type à faire passer Hercule pour une danseuse, et Son Goku pour un apprenti judoka.
Mais One-Punch Man n’est pas qu’un manga dans lequel le bon distribue les pains avec force et générosité.
C’est également une œuvre générationnelle, qui raille le manichéisme du genre super-héroïque, et témoigne
d’une jeunesse japonaise blasée et avide de changement. Une saga en passe de devenir le nouveau
best-seller que l’édition de manga attendait tant. Par Philippe Peter

O
N

-MAN
E
-
P
POING TROP N’EN FAUT
U
D
epuis plusieurs années, le top 3 des dans le deuxième pays du manga : la

N
ventes de mangas en France et en France. La publication de la saga a débuté
Belgique est dominé sans partage en janvier dernier, juste avant le Festival
par One Piece [Glénat mangas], d’Angoulême. Elle avait été précédée d’une
Naruto [Kana] et Fairy Tail [Pika]. Autant vaste campagne publicitaire, avec
dire que lorsqu’une nouvelle série vient notamment un affichage dans le métro

C
brusquement rebattre les cartes, c’est tout parisien et des achats d’espaces dans la
le microcosme de la bande dessinée presse généraliste. Du jamais-vu pour un
japonaise qui est tenu en haleine. Véritable lancement manga dans l’Hexagone.
phénomène au Japon, avec déjà plus de six Depuis, les éditions Kurokawa, éditrices de
millions d’albums vendus, One-Punch Man la série dans les pays francophones, en

H
est en passe de connaître le même succès sortent un tome tous les deux mois, jusqu’à
ce que soit rattrapé le stade de parution au
pays du Soleil-Levant [où la collection
compte à ce jour dix volumes]. Et le succès,
tant espéré, est effectivement au ren-
dez-vous, puisque le tome 1 s’est d’ores et
déjà écoulé à plus de 70 000 exemplaires
[avec un premier tirage à 60 000 unités].
« Il s’est placé troisième meilleure vente en
France la première semaine, tous livres
confondus. Et le tome 2 a fait pareil, avec
15 000 exemplaires vendus la première
semaine après sa parution », s’enthou-
siasme Grégoire Hellot, directeur de
collection chez Kurokawa. Des chiffres
encourageants, qui sont encore soutenus
par la diffusion gratuite de la série animée
sur le site ADN.

One-Punch Man élimine ses adversaires avec une


62 MANGA / ONE-PUNCH MAN nonchalance déconcertante
ONE-PUNCH MAN © 2012 by ONE, Yusuke Murata / SHUEISHA Inc.
Saitama est One-Punch Man
ONE-PUNCH MAN © 2012 by ONE, Yusuke Murata / SHUEISHA Inc.

scénario et Murata au dessin, One-Punch


Man paraît depuis le 14 juin 2012 dans le
webzine gratuit Tonari no Young Jump des
éditions Shueisha. Les chapitres sont
ensuite compilés et publiés en version
papier, comme pour les prépublications qui
paraissent habituellement dans Weekly
Shonen Jump ou Ultra Jump, pour ne citer
que des titres appartenant aux célèbres
éditions Shueisha [pour bien les resituer,
elles sont à l’origine de séries incontour-
nables comme City Hunter, Dragon Ball,
Gunnm, La Rose de Versailles ou encore
Saint Seya]. Ce processus se développe de
plus en plus au Japon, mais sans avoir
connu jusqu’à présent un tel succès.

One-Punch Man : premier volume


ONE-PUNCH MAN © 2012 by ONE, Yusuke Murata / SHUEISHA Inc.
LA TRADUCTION :
UN ENJEU INÉDIT
Devant l’ampleur du succès auprès du
public nippon, l’ensemble des éditeurs
français de manga se précipite évidem-
ment sur One-Punch Man. « Le manga est
devenu un marché hyperconcurrentiel.
Aujourd’hui, au bout de deux ou trois
tomes, une série est achetée pour une pu-
blication en France », constate Grégoire
Hellot. Mais puisque One-Punch Man est
un original, il fera là aussi exception à la
règle. « Les droits étaient bloqués, essen-
tiellement en raison de la manière dont la
DU BLOG AU WEBZINE série est publiée au Japon. Les contrats ne
Né en 2009 sur le blog d’un illustre pépite et propose à son auteur d’un faire un sont pas les mêmes sur Internet, et il n’y
inconnu nommé ONE [galaxyheavyblow. remake qui serait cette fois réalisé, édité et avait pas de clauses d’exploitation de la
web.fc2.com], One-Punch Man devient publié de manière professionnelle. « J’ai série à l’étranger. » Du coup, la saga a eu
très vite populaire, avec une moyenne de découvert One-Punch Man sur Twitter, je le temps de monter en puissance avant
20 000 connexions par jour. Ce n’est pas le suis devenu ami avec l’auteur, et je lui ai d’arriver en Europe, trois ans après la
graphisme approximatif qui séduit les directement demandé de me confier la réa- parution des premiers albums papier dans
lecteurs, mais l’approche détonante qui est lisation du dessin de son manga. Oui, c’est l’archipel asiatique. Un laps de temps que
faite du genre super-héroïque. L’histoire comme ça que cela se passe à notre Shueisha a mis à profit pour affiner au
aurait pu en rester là, mais le mangaka époque », ironise Yusuke Murata dans le mieux la sélection de son homologue
Yusuke Murata [Eye Shield 21] repère la tome 2 de l’édition française. Avec ONE au français qui allait accéder au Graal. « C’est

MANGA / ONE-PUNCH MAN 63


la première fois qu’un éditeur me demande
de préciser, dans le contrat, qui sera le tra-
ducteur et quel est son CV. Les auteurs et
les éditeurs étaient pleinement conscients
que One-Punch Man est une œuvre
difficile à traduire, car c’est une série hu-
moristique, avec de nombreux jeux de
mots. C’est aussi un manga très référencé.
Ils voulaient donc s’assurer que la version
française soit parfaitement conforme à
l’esprit de l’original », confie Grégoire
Hellot. Précisons que c’est Frédéric Malet
qui a hérité du bébé. Traducteur, entre
autres, de Blood Lad et d’Assassination
Classroom, il a également fait la transition
entre deux traducteurs sur Naruto, et a
travaillé sur Gintama. Il a aussi l’avantage
non négligeable de vivre au Japon. Quant
au prix du rachat des droits, il ne nous
sera pas dévoilé, même si Grégoire Hellot
convient qu’il a atteint un montant élevé :
« Tout le monde était prêt à casser sa
tirelire pour One-Punch Man. C’est un
gros chèque, mais qui reste raisonnable
vu l’enjeu stratégique et économique que
représente la série. »

LA NAISSANCE
D’UN NON-HÉROS
Avec trois ans de retard, One-Punch
Man débarque donc enfin en français. S’il
emprunte très largement à la fois aux

Galerie de personnages qui apparaissent dans One-Punch Man


ONE-PUNCH MAN © 2012 by ONE, Yusuke Murata / SHUEISHA Inc.

ccodes du shonen et du seinen maine, il est capable de vaincre n’importe


[respectivement destinés à un quel adversaire d’un seul et unique coup
lecctorat d’adolescents et de de poing. Et tout cela sans potion magique
jeunes adultes], il n’en reste pas moins ni autres produits dopants.
un maanga pour le moins original. Il Cela étant dit, malgré l’enthousiasme
met en scène un héros atypique, baroque que pourrait faire naître chez
insp piré par Anpanman [qui se certains lecteurs déviants l’idée d’un
proononce « wanpanman » en démiurge dégarni et amateur de latex, il
japonais], un personnage aurait été bien difficile de transformer en
d’anime pour enfants dont le
d best-seller une histoire où le héros gagne
succès ne se dément pas toujours rapidement et sans se fouler.
depuis 1969. Vêtu d’un « Saitama illustre parfaitement l’adage qui
costume moulant jaune, dit qu’à vaincre sans péril, on triomphe
façon combinaison NRBC, et sans gloire », explique Grégoire Hellot. « Il
de gants de vaisselle rouge n’y a aucun enjeu dans One-Punch Man :
vif, One-Punch Man n’est pas le héros est passif, il n’a pas à se fatiguer,
des plus impressionnants ; il n’a rien à surmonter. » Mais alors, quelle
d’autant plus que Saitama – est la recette du succès de cette licence ?
c’eest son véritable prénom – est One-Punch Man ne respecte que très peu
chauve comme la cantatrice d’Eugène les règles les plus élémentaires de l’écri-
Ionesco. T Toujours est-il que, l’habit ne ture scénaristique. Et c’est justement
faisant pas le moine, Saitama cache parce qu’elle prend le protocole à contre-
derrière son accoutrement grotesque une pied que cette série se révèle tout simple-
force à faire pâlir plus d’un super-héros. ment géniale. « Elle détruit les codes de
Après trois années d’un entraînement narration que l’on connaît depuis Homère.
intensif – « cent pompes, cent abdos, cent Saitama n’est pas un anti-héros ; c’est un
squats et d dix kilomètres de footing tous les non-héros, car il ne fait rien d’héroïque, ne
jours » – qu ui lui a conféré une force surhu- prend aucun risque. » Que les amateurs

« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités »,


64 MANGA / ONE-PUNCH MAN
Benjamin Parker
ONE-PUNCH MAN © 2012 by ONE, Yusuke Murata / SHUEISHA Inc.
La déprime du super-héros
ONE-PUNCH MAN © 2012 by ONE, Yusuke Murata / SHUEISHA Inc.

tiers, notamment à partir des tomes 3 et 4


avec l’apparition d’un équivalent des
Avengers », précise Grégoire Hellot. Une
manière de faire revenir au manga des
lecteurs qui n’en dévoraient plus. « Le
manga est un marché qui subit de très
forts effets de génération. À l’époque de
celle du Club Dorothée, il y avait moins de
lecteurs, mais aussi moins de séries, et les
gens achetaient tout. C’est ce qui a permis
au secteur de se développer très fortement
dans les années 2000. Aujourd’hui, il y a
plus de lecteurs de mangas, mais ils
achètent tous la même chose. » Cet effet
de génération est l’une des raisons qui ex-
pliquent le recul important de ce marché
durant les trois dernières années. Une
période par ailleurs marquée par la montée
en puissance de nouveaux acteurs qui
viennent disputer leurs places de leaders à
Glénat mangas, Kana et Pika, trois maisons
qui se reposent depuis trop longtemps sur
leurs blockbusters respectifs. Pour
Grégoire Hellot, le fait que la maison
Shueisha ait confié One-Punch Man à
Kurokawa et My Hero Academia à Ki-oon
[les deux premiers volumes de ce shonen
sortent en avril, voir notre critique] n’est
pas anodin : « C’est le signe d’une volonté
de renouveau. »
Au Japon, le manga parle également à
cette génération de Japonais âgés de 20 à
25 ans, qui ne se retrouvent plus dans les
codes de la société héritée de leurs parents
et de leurs grands-parents. « Ils arrivent
dans une entreprise et partent au bout de
six mois car tout les ennuie. Ils ne veulent
pas respecter les règles japonaises, et
rêvent de travailler à l’occidentale »,
explique Grégoire Hellot. Avec sa noncha-
se rassurent : les monstres façon sentai scènes de baston mémorables. Mais la lance, son langage argotique et son
[Bioman, Power Rangers] se succèdent et série ne repose pas sur ce ressort narratif absence de bonnes manières, Saitama re-
trépassent à la vitesse de la lumière. Leur éculé. Elle se focalise sur les états d’âme présente bien cette génération de jeunes
défaite, inéluctable, offrant ainsi quelques de Saitama qui, après avoir bossé dur pour Japonais en rupture avec leurs traditions ;
devenir quelqu’un, s’ennuie ferme de sa de même que la génération sacrifiée en
toute-puissance. Au point de passer à Europe. Celle qui a travaillé à vue pour
deux doigts du gros coup de déprime : réussir et qui se retrouve au chômage.
« Être trop fort, c’est super relou en fait », Celle qui cotise pour des retraites qu’elle
soupire-t-il dans le tome 1. ne touchera jamais. Celle qui subit de
plein fouet la libéralisation du marché du
UNE ŒUVRE travail et l’uberisation galopante. Cette
GÉNÉRATIONNELLE génération Y élevée à la pop culture
Plus qu’un nouveau seinen, One-Punch qui, comme au
Man est aussi une œuvre générationnelle. Japon, est en
Les lecteurs qui ont démarré le manga rupture avec ses
lorsqu’ils étaient enfants, avec One Piece anciens et leurs
et Naruto, sont aujourd’hui devenus des codes.
adultes. Leurs goûts ont évolué, de même
que leurs centres d’intérêt, leurs périodes
de temps libre ou leurs postes de
dépenses. « One-Punch Man s’adresse > One-Punch
avant tout aux gens qui maîtrisent déjà les Man T.3
codes du manga, de même que ceux des PAR ONE & YUSUKE MURATA
super-héros américains – que nous KUROKAWA
connaissons essentiellement grâce au 192 pages N&B,
le 12 mai.
cinéma – dont la série se moque volon-

ONE-PUNCH MAN © 2012 by ONE, Yusuke Murata / SHUEISHA Inc.


MANGA / ONE-PUNCH MAN 65
5
5 BONNES RAISONS...
Stupor Mundi

BONNES RAISONS
DE LIRE STUPOR MUNDI
Graphiste chez Casterman, Néjib mène en parallèle une carrière
d’auteur jeunesse – avec notamment L’Abécédaire zoométrique –
et de bande dessinée. Après un premier roman graphique sur
STUPOR MUNDI David Bowie publié en 2012 [Haddon Hall, chez Gallimard], il récidive
NÉJIB / GALLIMARD-BD ce printemps avec Stupor mundi. Un livre copieux dont le dessin
Album cartonné épuré cache une intrigue tentaculaire qui se penche, entre autres,
288 pages couleurs sur les prémices de la photographie et de la psychanalyse.
disponible Une petite pépite à ne pas rater. Par Philippe Peter

UN SUJET ORIGINAL
Si Nicéphore Niépce est le premier, en 1826, à reproduire et
à fixer une image sur un support, le principe de la chambre
noire est connu depuis l’Antiquité. Stupor mundi met en
scène, au XIIIe siècle, un héritier imaginaire du célèbre
savant arabe Alhazen qui, chassé de Bagdad, se met au
service de l’empereur Frédéric II. Son objectif : inventer ce
que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de photo-
graphie. À noter que Jean Dytar a évoqué l’utilisation de
la chambre noire par certains peintres de la Renaissance
dans La Vision de Bacchus [Delcourt].

UNE HISTOIRE QUI S’AMUSE AVEC L’HISTOIRE


Stupor mundi n’est pas une bande dessinée historique au
sens strict du terme. Si Néjib utilise des figures historiques
– tels Frédéric II [empereur des Romains] ou Hermann
von Salza [grand maître de l’ordre Teutonique] – qu’il
plonge dans un contexte authentique, il spécule délibéré-
ment et allègrement sur l’utilisation du Castel del Monte,
château situé dans les Pouilles au rôle encore incertain,
ou encore sur la présence en ce lieu de tel ou tel savant.
Les personnages principaux de ce récit, Hannibal Qassim
El Battouti et sa fille Houdê, sont quant à eux parfaitement
imaginaires.

UN RÉCIT À TIROIRS
Autre point fort de Stupor mundi : la richesse de son intrigue,
développée sur près de 300 pages. Si la photographie en
constitue le fil rouge, elle évoque également les prémices
de la psychanalyse [Houdê a en effet été traumatisée par
la mort violente de sa mère et en parle à un médecin],
l’obscurantisme intrinsèque à toute religion, ou encore la
figure méconnue de Frédéric II, humaniste avant l’heure.
Autant de pistes qui sont explorées parallèlement les unes
aux autres.

UNE ÉCRITURE ABOUTIE


Tout comme Haddon Hall, Stupor mundi s’est construit de
manière empirique. Plusieurs éléments sont venus enrichir un récit UN DESSIN AU SERVICE DE L’INTRIGUE
initial centré sur le fonctionnement et l’histoire de la chambre noire. D’aucuns s’offusqueront de l’apparente simplicité du graphisme de
Dans cet exercice difficile, où le foisonnement d’intrigues parallèles Néjib. Il est, en effet, dépouillé, particulièrement en ce qui concerne
débouche souvent sur un résultat peu lisible, Néjib démontre une les décors. Cette sobriété, qui concentre toute l’attention sur les
grande finesse d’écriture, rehaussée par des dialogues incisifs. personnages, sert pourtant à merveille une intrigue complexe. Avec ses
aplats de couleurs qui se présentent comme autant d’atmosphères, il
rend la lecture intuitive, et facilite les sauts narratifs qu’effectue l’auteur
entre les différentes histoires parallèles qu’il développe.

66 5 BONNES RAISONS DE LIRE... / STUPOR MUNDI


LA LÉGÈRETÉ
CATHERINE MEURISSE / DARGAUD

La force de
la beauté
Album cartonné
136 pages couleurs
disponible

Renaître d’un massacre. C’est la clé de la survie. La seule réponse. Mais quelle est la
méthode ? Vivre une madeleine de Proust ? Oui, en général, ça marche. Mais là, rien.
Plus de souvenirs marquants. Plus d’émotions à l’évocation des câlins de l’enfance,
des lieux sûrs dans lesquels on se perdrait, totalement protégé de tout et de tous. Non,
c’est mort, pas de réaction. Rien ne vient soulager le choc émotionnel que Catherine
Meurisse vit chaque jour qui passe depuis l’assassinat de ses amis, collègues,
compagnons de Charlie. La dessinatrice ne trouve plus d’idées. L’inspiration n’est plus
nourrie, elle perd le goût de dessiner en même temps que le bonheur de faire ce métier
dans la joie et la légèreté, dans l’humour et la provocation, dans la vie. Pourtant, elle
et quelques autres sont bien vivants. Ils ont survécu à la tuerie et doivent reprendre
le flambeau, poursuivre. La vie de ces auteurs change radicalement à la minute où le
massacre se produit. Il va falloir composer à ce moment avec l’horreur qui vient remplir
leurs cerveaux à la place de ce qui fourmillait jusqu’au drame. L’auteure est aidée,
accompagnée par sa famille, ses amis, son ex, son psy, et pourtant, le chaos intérieur
gouverne ses pensées. Et puis l’idée de suivre les pas de Stendhal à la recherche de la
beauté en opposition au désastre l’emmène à la villa Médicis à Rome, au Louvre, sur les
bords de mer. Et là, elle sent que le premier pas vers la reconstruction se fait. La lumière
de l’art la sauvera. On est saisi par cette incursion dans l’intimité de l’auteure. Elle se
livre intérieurement, comme Luz l’a également fait. Son histoire donne l’espoir aux
victimes perdues dans un stress post-traumatique profond. La vie ne redeviendra sans
doute pas aussi légère qu’avant, mais elle est en bonne voie pour redevenir vivable.
Marie Moinard [Voir l'interview de Catherine Meurisse page 50]

BLACK DOG
GÖTTING & LOUSTAL / CASTERMAN

Les yeux plus gros


Album cartonné
72 pages couleurs
disponible que le ventre
Quand un modeste mécanicien immigré croise la route d’un chef mafieux
aux propositions d’emploi plus que généreuses, sa naïveté lui fait à nouveau croire au père Noël.
Mal lui en prend. D’une part car le job proposé par ledit gangster consiste à supprimer un témoin
gênant ; d’autre part car madame, délaissée par un mari qui passe son temps à jouer les cadors,
s’ennuie ferme au bord de sa piscine et se jette sur tout mâle un tant soit peu bien bâti qui passe sous
son nez. Dont notre pauvre mécano polonais, qui va enchaîner les bourdes, avant d’aller nourrir les
crabes aux pieds d’une falaise. Pour leur deuxième collaboration [après Pigalle 62.27], Jean-Claude
Götting et Jacques de Loustal revisitent, en couleurs, la bande dessinée Noir, publiée en solo et
dans une relative discrétion par Götting [chez Barbier & Mathon, en 2012]. Malgré une intrigue assez
classique [tant dans son principe que dans sa construction], il faut bien reconnaître que la mécanique
de Black Dog fonctionne. Cette longue et implacable descente aux enfers prend aux tripes, alors
même que le dessin en couleurs de Loustal a tendance – c’est aussi surprenant que bienvenu – à
baigner l’ensemble dans une atmosphère teintée d’un optimisme de façade. Efficace, le principe du
long flash-back propose une résolution de l’affaire façon Colombo, avec une victime et un coupable
connus dès les premières pages. On regrette cependant la concision du récit et l’absence de rebon-
dissements qui nous laissent, du coup, un peu sur notre faim. Philippe Peter

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 67


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
/HV ŸʞRLOHV G%'

L’ADOPTION T.1
ZIDROU & MONIN / GRAND ANGLE

Tendre mélo
Album cartonné
62 pages couleurs Zidrou, l’insupportable génial scénariste qui réussit tout ce qu’il
le 4 mai écrit, que ce soit les reprises de personnages connus ou ses œuvres
personnelles, frappe encore ! Gabriel, retraité bougon, vit son petit
confort tranquille entre sa femme qu’il adore, ses copains, anciens artisans comme lui, et ses
bouquins. Mais quand son fils de 47 ans adopte une petite orpheline péruvienne de quatre ans,
son train-train affectif va se voir bouleversé. Lui qui n’a jamais pris le temps d’être un père va
devoir se construire un rôle de grand-père. Pas facile.
Mais le charme de la petite fille va être un allié de poids
pour dégeler ce vieux cœur figé. Sur cette trame dont les
évolutions narratives paraissent convenues et attendues,
Zidrou parvient une fois de plus à nous surprendre et à
livrer un nouveau petit bijou de finesse et de subtilité.
Véritable portrait tendre et intelligent de la vieillesse des
sentiments, chronique du troisième âge mais aussi thriller
inattendu et poignant, L’Adoption est de plus merveilleu-
sement servi par le dessin chaud, rond et plein d’amour
pour ses personnages d’Arno Monin avec qui Zidrou
avait déjà réalisé l’album Merci, une fable savoureuse.
Ce type est insupportable, vous dis-je ! Éric Adam

AIRBOY
ROBINSON & HINKLE / JUNGLE LE CORPS À L’OMBRE
DAVID DE THUIN / GLÉNAT

Un personnage
en quête d’auteurs Tourner la page
Album cartonné
Album cartonné 64 pages couleurs
120 pages couleurs disponible
le 25 mai
James Robinson serait-il un pur génie ? C’est la question qu’on
se pose à la lecture d’Airboy, récit déjanté qui ne ressemble à
rien de connu : le scénariste britannique, qui a travaillé sur les plus grosses licences de La mère de Drazig est
comics américains [Batman: the Dark Knight, JSA, Starman, etc.], s’y met carrément en décédée quelques jours
scène en auteur déprimé car persuadé d’avoir, professionnellement, produit le meilleur avant la rentrée au lycée.
de lui-même des années plus tôt. Lorsqu’un éditeur lui propose d’écrire le relaunch d’un Pour l’adolescent, qui
super-héros de l’âge d’or [les années 40], Robinson n’accepte donc que pour le fric. peut toujours compter sur
Il « embauche » le dessinateur Greg Hinkle, avec lequel il se lance, sous prétexte de le soutien de ses amis
brainstorming, dans une soirée de débauche, au terme de laquelle le personnage qu’ils de toujours, Charles et
sont supposés relancer leur apparaît en chair et en os et les entraîne dans ses propres Jean-Basilic, la vie ne sera
aventures... Cette magnifique mise en abyme tendance gonzo [il est beaucoup question plus jamais comme avant.
de sexe et de drogues], aussi hilarante que fascinante, est indéniablement l’un des récits Alors quand un tueur en
les plus inventifs et originaux de ces dernières années. L’un des plus caustiques aussi, car série frappe à nouveau
sous le vernis de la farce, Robinson dénonce, très subtilement, les travers d’une certaine sa ville, vingt ans après une première série de meurtres, Drazig essaie d’oublier son
industrie du comics « made in USA ». Un régal, à consommer sans modération. OM malheur et décide de tenter de faire le lien entre les deux affaires. Après La Proie,
imposant exercice de style de 1 000 pages, David De Thuin revient à un format plus
traditionnel. Que ses fans se rassurent : sa narration n’en a pas pour autant souffert
d’une quelconque uniformisation. Récit portant initialement sur l’enfance perdue et
sur le passage [ici brutal] à l’âge adulte, Le Corps à l’ombre poursuit son dévelop-
pement sous la forme d’un thriller, sans toutefois jamais perdre de vue son point de
départ. L’ensemble baignant par ailleurs dans un humour décalé, dont la discrétion ne
détonne pas avec la tonalité dramatique de l’intrigue. D’un point de vue graphique, le
style animalier de David De Thuin se rapproche à la fois de celui d’un Lewis Trondheim
ou d’un Jason. Surprenant et réussi. Philippe Peter

68 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD


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CRITIQUES
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MY HERO ACADEMIA T.1


KOHEI HORIKOSHI / KI-OON

L’école des
Album broché
super-héros
176 pages N&B Dans un monde où 80 % de la population possède un pouvoir, les
disponible
combats entre super-héros et super-vilains sont monnaie courante.
Manque de chance, Izuku fait partie de la minorité ne détenant
aucune faculté exceptionnelle. Fan absolu et fin connaisseur des démiurges de tous poils, il ne
désespère pourtant pas d’entrer au lycée Yuei, sorte d’académie des héros. Lorsque son idole,
le puissant All Might, lui offre la possibilité d’obtenir lui aussi un pouvoir, le destin d’Izuku est
totalement bouleversé. Si la publication de One-Punch Man était attendue avec impatience par
un marché du manga qui cherche des successeurs à Naruto et One Piece, My Hero Academia
pourrait bien aussi s’inviter à la fête. Singeant les télé-crochets et leur quête de la machine à cash
jetable de demain – pardon : de la nouvelle voix qui fera frémir la planète entière –, ce shonen
explosif se lit avec une délectation retrouvée. L’histoire d’Izuku est avant tout celle d’un parcours
initiatique ; une opportunité unique offerte à quelqu’un qui aurait dû se contenter de regarder les
autres festoyer sans demander son reste. Kohei Horikoshi agrémente son récit de scènes de
combat épiques, au cours desquels s’affrontent des héros et des vilains charismatiques. On n’en
perdrait pas une miette... Philippe Peter

ATROCE ! SOLEIL FROID T.1


COLLECTIF / AAARG! PÉCAU & DAMIEN / DELCOURT

Sauvage Postap’ aviaire


et beau
Album cartonné
Album broché 56 pages couleurs
80 pages couleurs le 6 mai
disponible

Amateurs de belles histoires 2030. Notre civilisation n’est


bien troussées, sanglantes, plus. Un virus mutant de
glauques et/ou macabres, fanas grippe aviaire a exterminé
de récits d’horreur et de thrillers la grande majorité de l’es-
à donner la chair de poule, afi- pèce humaine, entraînant la
cionados des cultissimes Contes chute de la société. Désor-
de la crypte, clients des trains mais, les rares survivants
fantômes, lecteurs de La Vie se terrent dans des villages
du rail, chasseurs, mélomanes, fortifiés sur les sommets ou
croyants et athées, beaux et se livrent au pillage le plus
moches, petits et grands, intel- sauvage, dans une lutte
lectuels de gauche ou crétins de pour la survie sans merci.
droite, gardiens de prison, punks Jan, un ancien commando
à chiens, curés, pédophiles [qui parfois ne sont pas les mêmes], addicts à Didier Super de marine, a été renvoyé
et groupies de Michel Torr, pourfendeurs de bêtise, et même toi, Bernard-Henri Lévy, de son détachement pour lâcheté devant l’ennemi. Il a quitté l’armée avec un robot
jeunes cons et vieux cons, geeks et Bretons, supporters de foot et gourmands, ce porteur dernier cri et une bonne quantité d’armes et d’équipements high-tech. Depuis,
beau livre est fait pour vous. Mais aussi pour les autres. Pour tous ceux qui n’ont il erre dans les Alpes à la recherche d’un hypothétique « Sanctuaire » qui aurait été
pas froid aux yeux et que les jolis dessins qui illustrent de belles intrigues gore inté- préservé de l’épidémie. Bon, c’est une trame qu’on a déjà vue des dizaines de fois,
ressent ; ces huit récits courts, scénarisés par le célèbre professeur Caritte que le épidémie, catastrophe climatique, invasion de zombies, le concept est connu et archi
monde nous envie et mis en image par la fine fleur des auteurs de l’écurie Aaarg! sont exploité, mais ça n’empêche pas l’album de bien fonctionner, car tirant intelligemment
autant de petits bijoux à savourer bien au chaud devant un feu de cheminée, un verre parti de la technologie hypersophistiquée dont jouit l’ancien soldat, qui sert efficace-
de vieux scotch dans une main, tandis que la tempête hurle au-dehors. Plus sérieuse- ment le récit et dynamise les scènes d’action. Pour le reste, sa quête d’un labo préser-
ment, c’est un très chouette album. Éric Adam vé, véritable arche qui abriterait un vaccin miraculeux, cela relève du code inévitable
lié à ce type d’intrigue, mais l'ensemble se lit avec un réel plaisir. Éric Adam
70 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD
MISTER MORGEN LA MAISON
IGOR HOFBAUER / L’ASSOCIATION PACO ROCA / DELCOURT

Remplissant parfaitement son rôle


Faire
son deuil
d’éditeur exigeant, découvreur de
Album cartonné
talents impossibles à publier ailleurs, 128 pages couleurs
Album broché
224 pages en l’Association nous fait découvrir le le 4 mai
bichromie travail d’un auteur croate, dur et
disponible surprenant. Mêlant les influences les plus noires et Il a fermé la porte de sa maison de campagne une dernière fois. Et il est mort. En réalité,
un surréalisme narratif dépassant parfois la limite du cela a été bien plus long que cela. Le père de Vicente, Carla et José a été opéré. Cela
compréhensible, l’ouvrage se regarde plus qu’il se lit et constitue une fois de s’est assez bien passé mais pourtant, quelque temps après, son état s’est détérioré
plus un très bel objet, mais bien éloigné d’une bande dessinée européenne et bientôt c’était la fin. Un an plus tard, les enfants décident de vendre la maison et y
souvent formatée, et plus axée sur le récit et le grand public. ÉA retournent pour la vider et la nettoyer. Cette
petite bâtisse, c’était le rêve du paternel. Il
l’a construite avec ses mains. Chacun y a
ses souvenirs. Chaque fissure dans un mur
évoque quelque chose. La fratrie n’est pas
MISSIONS KIMONO T.17 très proche. Ils ont chacun un caractère bien
BROUARD & NICOLE / JYB trempé, et n’ont pas fait leur deuil de la même
manière. Après tout, ne serait-il pas possible
de garder cette maison ? Seraient-ils
Alors qu’il est en mission à bord du capables de l’entretenir ? Si c’était le cas,
porte-avions Charles-de-Gaulle, le pilote ne serait-ce pas juste cultiver le souvenir de
Album cartonné
Tchékhov tente à plusieurs reprises leur père ? C’est le sens du détail, autant que
48 pages couleurs de faire défection au profit des Russes l’histoire elle-même, qui prend à la gorge à
disponible avec son Rafale équipé d’un tout nouveau pod de re- la lecture de cet album. C’est beau, triste et
connaissance. Mais la poisse semble décidément le mélancolique. Paco Roca est d’une précision
poursuivre... Suite d’Éternel retour, ce nouveau tome de Missions Kimono se diabolique dans la construction de son récit,
nourrit abondamment de l’actualité géopolitique [développement des réseaux alternant les souvenirs de chacun entre
terroristes, réveil de la Russie, disparition du MH370...]. De quoi ravir les fans chaque retour au présent. Un magnifique
de bandes dessinées aéronautiques ultra documentées. PhP travail sur le souvenir qui dépasse le simple
récit autobiographique. Ronan Lancelot

RIPOSTE
DAN CHRISTENSEN / SCUTELLA

Entre honneur
Album cartonné
160 pages N&B
disponible
et lâcheté
À la fin des années 40, Luca Di Serafino, ancien champion du monde
d’escrime et maître d’armes reconnu, travaille comme directeur des combats de plusieurs films de
cape et d’épée tournés à Hollywood. Prétentieux, hautain et narcissique, Luca Di Serafino est admiré
autant qu’il est honni. Une rumeur court selon laquelle il aurait fui son pays natal, l’Italie, après avoir
tué un homme en duel. Ce passé refait surface lorsqu’il est victime d’une machination. Accusé de
meurtre, il tente alors de démasquer le véritable coupable et de laver son honneur. Assez classique
dans sa construction [cette bande dessinée réinterprète des thèmes comme la jalousie, la lâcheté ou
encore la vengeance], Riposte trouve l’essentiel de son originalité dans son autre fil rouge : l’escrime.
Un sport que Dan Christensen pratique depuis vingt ans, ce qui se ressent à la lecture de cet album
documenté. Très bien construit, distillant intelligemment des flash-back qui prennent peu à peu leur
sens, ce polar parvient également à nous faire éprouver une certaine empathie pour un protago-
niste dans le fond détestable en tous points pour ce qu’il représente et ce qu’il est vraiment. Mention
également pour le dessin de l’auteur américain, une ligne claire intelligente et élégante, visiblement
influencée par Yves Chaland et Serge Clerc. Philippe Peter

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 71


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
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UN TOUT PETIT BOUT D’ELLES


ZIDROU & BEUCHOT / LE LOMBARD

Acte barbare
Album cartonné
104 pages couleurs
le 20 mai Au Congo, aujourd’hui, un ouvrier chinois engagé pour couper
du bois sur un gros chantier est tombé amoureux d’Antoinette.
Défiant régulièrement l’interdiction de « sortir avec des filles
d’ici », il part faire la cour à la jolie jeune femme déjà mère de deux enfants. Il l’invite à dîner,
fait des cadeaux à sa fille, offre des vêtements... Il sait bien qu’il n’est pas le seul à la convoiter,
mais il espère avoir plus de chance que les autres. Ses camarades du chantier se moquent de
lui, lui conseillant plutôt d’aller directement au bordel. Le couple n’est pas bien vu non plus par
les locaux. Quand Yue Kiang parvient enfin à se glisser dans son lit, il découvre qu’Antoinette
a été excisée. Il ignorait cette pratique. Elle lui raconte comment elle a été mutilée... Après Le
Montreur d’histoires et Tourne-disque, c’est le troisième album que réalisent ensemble Beuchot
et Zidrou, et c’est toujours aussi intéressant et fort. Alors bien évidemment, le fait de mettre en
scène l’histoire particulière de Yue et Antoinette pour dénoncer une pratique infligée à près de
200 millions de femmes dans le monde [et la présence chinoise sur le continent africain] est
une astuce narrative un peu banale. Le fait d’ajouter à la fin un cahier pédagogique sur le sujet
renforce également ce sentiment. Et pourtant, ça marche. Ronan Lancelot

DESSOUS :
A MONTAGNE DES MORTS MARIE PLEURAIT
FRÉDÉRIC BONES / SANDAWE CHESTER BROWN / CORNÉLIUS

Enquête dans L’Évangile


Album cartonné
80 pages couleurs
les tranchées selon Chester
disponible
Album cartonné Chester Brown n’a pas son pareil pour dérouter jusqu’à ses
Pendant la Première Guerre mondiale, la butte proche du 280 pages N&B plus fidèles lecteurs. Après l’admirable 23 prostituées, dans
le 18 mai
village de Vauquois est une position stratégique pour l’armée française. Au cours d’une lequel il narrait, en 2012, son expérience – et sa vision –
offensive, Ernest et une poignée de compagnons poilus parviennent à pénétrer dans les des relations sexuelles tarifées, le Canadien signe un
tranchées allemandes où ils découvrent avec surprise qu’elles ont été désertées par ouvrage dans lequel il s’interroge sur l’absence
leurs occupants. L’exploration des lieux les conduit plus profondément sous terre où des femmes, ou plutôt l’aspect non déterminant
reposent les corps déchiquetés des soldats ennemis. Une porte blindée s’ouvre sur un de leur présence, dans la généalogie biblique...
laboratoire sommaire où des cuves sont jusqu’à ce que Matthieu rédige son Évangile et y
remplies des restes des soldats. Soudain, intègre les récits de cinq d’entre elles [Bethsabée,
un cri retentit, la terre tremble, un monstre Ruth, Tamar, Rahab et Marie]. Sauf que l’auteur de
effroyable fonce sur les soldats. Ernest The Playboy et Je ne t’ai jamais aimé interprète
parvient à fuir et à raconter l’innommable. ce revirement comme une reconnaissance du
Depuis Paris, où une cuve a été livrée au caractère profondément sexuel de l’être humain.
muséum d’Histoire naturelle, Gaspard Il développe donc sa théorie en s’appropriant neuf
Petit est envoyé au front afin de mener une passages des Écritures évoquant la prostitution
enquête sur les tragiques événements de comme un acte conforme, bien que s’opposant
la butte de Vauquois... Frédéric Bones [né à l’idée d’un corps uniquement procréateur, à la
en 1970] écrit, dessine et met en couleurs loi de Dieu... Le point de vue, évidemment auda-
ce sombre récit teinté de fantastique aux cieux, est d’abord présenté sous forme de récits
images anguleuses inspirées par Hugo courts auxquels succèdent une postface et des
Pratt. Proposé dans un format comic book notes, archidocumentées et très conséquentes.
qui lui convient parfaitement, ce one-shot En ce sens, le livre de Chester Brown dépasse le
efficace et original est une heureuse simple cadre de la bande dessinée pour proposer
surprise. Henri Filippini une vue inédite, donc contemporaine, sur un texte
séculaire et ô combien fondateur. Olivier Mimran
72 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD
LE BOURREAU T.1
GABELLA & CARETTE / DELCOURT
L’AVIATEUR T.1
KRAEHN, ARNOUX & MILLIEN / DARGAUD

La justice de Dieu Itinéraire d’un


pilote mercenaire
Paris, à la fin du Moyen Âge. Il aime Paris, lui qui reven- Album cartonné
Album cartonné dique avoir des centaines, peut-être des milliers de fois 64 pages couleurs
56 pages couleurs utilisé son don pour exécuter les meurtriers qui lui sont le 20 mai
le 11 mai
désignés par les objets ayant appartenu à leurs victimes.
Rituel qui plaît au bon peuple lorsque, au petit matin, il découvre les corps sans vie Depuis une vingtaine d’années, et
sur le parvis du palais, sous l’échelle de justice. Ce peuple qui l’appelle le Bourreau, sur une dizaine d’albums, Jean-
bras armé du Parlement au service des plus aisés. Pas un coupable ne lui échappe, Charles Kraehn et Patrick Jusseaume
jusqu’au jour où il tue Jehan Martin, accusé d’avoir assassiné une femme et pour promènent leur héros, Yann Calec,
lequel son frère Thomas réclame vengeance, assurant que Jehan était innocent. Le à travers les mers du globe. C’est le
don n’est pas éternel, d’autant plus que le Bouffon se dresse face au Bourreau, prêt à destin d’un personnage secondaire
faire vaciller sa justice. Le Moyen Âge sert de toile de fond à ce récit où s’affrontent de cette série que nous allons décou-
deux créatures aux pouvoirs puissants mais néanmoins fragiles, clin d’œil assumé aux vrir dans cet album, le pilote d’avion
super-héros. Les images de Julien Carette, assisté par Virginie Augustin [story-board] Tanguy Montval. Né en Afrique alle-
et Jérôme Benoit [décors], sont envoûtantes et belles. En cherchant à intellectuali- mande au début du XXe siècle sous
ser l’univers des super-héros, le scénario de Mathieu Gabella souffre d’un manque le nom de Josef, celui qu’on connaît
de fluidité, rendant parfois la lecture inutilement compliquée. Henri Filippini [Voir le sous le nom de Tanguy avait un père
portrait de Mathieu Gabella page 34] allemand, pasteur, et une mère fran-
çaise. C’est durant la Première Guerre
mondiale que son destin se scella, au cours de la lutte que se livraient les puissances
coloniales, Belges et Anglais d’un côté, Allemands de l’autre. Et le fait que son père
soit propriétaire d’un avion biplan, le seul de toute la région, que le jeune Josef avait
appris à piloter, allait peser lourd dans la balance pour le garçon, pris entre le pacifisme
religieux de son père, le patriotisme belliqueux de son oncle et ses propres pulsions.
Récit classique et bien mené, sans énorme originalité mais solide, documenté [abusant
un peu des notes didactiques de bas de page] et qui met l’accent sur un épisode oublié
et/ou méconnu de la Grande Guerre. Du bel et bon ouvrage franco-belge. Éric Adam

GAUGUIN, L’AUTRE MONDE


FABRIZIO DORI / SARBACANE

Album cartonné
144 pages couleurs
Rêves d’ailleurs
disponible
En 1891, Paul Gauguin débarque pour la première fois à Tahiti,
ce sera un choc et un émerveillement pour lui, et lui inspirera
ses plus belles toiles. Après y avoir passé quelques années extraordinaires, à la
découverte d’une culture unique et fascinante, d’une manière de vivre totalement libre,
partageant sa vie avec une jeune fille âgée de seulement 13 ans lors de leur rencontre,
Gauguin repart en France pour présenter les œuvres réalisées durant cette période. Son
retour sera un échec total. Se sentant trahi, blessé à la jambe, rongé par la syphilis,
aigri, dépressif, il retourne à Tahiti, puis aux Marquises, mais n’y retrouve pas la douceur
de vivre qu’il avait connue. Il finit sa vie misérablement et décède en 1903. De l’œuvre
magistrale du maître et de sa vie digne d’un roman d’aventures, l’auteur italien Fabrizio
Dori tire un album magique, merveilleux et envoûtant, à la hauteur de son sujet. Le
scénario est bien construit, mêlant mythologie polynésienne, biographie de l’artiste
et réflexion sur l’art, appuyé par un dessin très pictural qui rappelle les éblouissantes
planches d’un Hugues Micol pour le plus grand bonheur des lecteurs. La couverture à
elle seule est déjà une invitation au voyage. Éric Adam

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 73


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
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AU GRÉ DU VENT
& ZHAO / PIKA GRAPHIC

Album broché
166 pages couleurs
disponible
À boire et
à manger !
ELLO VIVIANE
AO / PIKA GRAPHIC

Album broché
204 pages couleurs Deux albums de Golo Zhao, le dessinateur
disponible de La Balade de Yaya [qui a fait pleurer ma
fille aînée] paraissent en même temps chez
Pika. Si graphiquement, forcément, ils se ressemblent, narrativement cela n’a rien à voir. Pour
Au gré du vent, le scénario est signé Jingjing Bao. Il met en scène un groupe de personnages
paumés pour diverses raisons allant se recueillir/faire du tourisme au Népal. Si on en saisit bien
toutes les intentions, on ne peut pas dire que cela soit particulièrement intéressant parce qu’as-
sez mièvre. De plus, le découpage de l’histoire fait la part belle à des ellipses extrêmement curieuses. Hello Viviane, dont Golo Zhao signe à la fois le dessin et le scénario, est par
contre bien plus enthousiasmant. On y découvre une jeune fille chinoise traductrice ayant quitté Paris pour s’installer seule à Colomiers après une déception amoureuse. Là, non
seulement l’histoire est intéressante, n’hésitant pas à mélanger humour et drame dans des proportions surprenantes, à créer des tensions sexuelles là où l’on ne s’y attend pas,
mais on sent surtout que l’auteur s’est pris au jeu, qu’il a à la fois adoré créer ces personnages et s’est laissé dépasser par eux. Très chouette. Ronan Lancelot

SIX MOIS D’ABONNEMENT MAUVAISES FILLES


GABRIEL DUMOULIN / ATRABILE ANCCO / CORNÉLIUS

Drôle d’endroit Un poing


Album broché
208 pages N&B
pour des rencontres Album broché
176 pages N&B
disponible
c’est tout
disponible

Gabriel s’est inscrit sur un site de rencontres


pendant six mois. Pendant cette période, il « La violence a coutume
a contacté beaucoup de filles. Il a couché d’engendrer la violence »,
avec certaines, il s’est pris des vents, il a bien écrivait Eschyle. « Fut-ce
rigolé, il est peut-être aussi tombé amoureux. contre soi-même », semble
Il montre tout cela dans ces pages, en insis- lui répondre la Coréenne
tant sur les discussions qu’il a pu avoir avec de Ancco en décrivant le
nombreuses filles par écran interposé, avec douloureux quotidien, au
mais surtout sans webcam. Comment on se début des années 90, d’une
présente ? Comment on échange ? Comment adolescente régulièrement
on communique pour niquer ? Quel degré battue par son père, puis
d’engagement faut-il espérer ou souhaite-t- les résultats de tels sévices. Pour la famille de la jeune Jin-joo, comme pour l’en-
on y mettre ? Que ou plutôt qui cherche-t-on semble de la nation coréenne alors en proie à une récession économique, la violence
vraiment ? Ce type de correspondance, c’est apparaît presque naturelle : si son géniteur la frappe, c’est que sa fille fume, découche
à la fois une nouvelle manière d’échanger et provoque ses professeurs [lesquels rossent aussi volontiers, sans crainte de réper-
et une pratique vieille comme le monde en cussions judiciaires, leurs élèves]. Jin-joo accepte donc l’inacceptable et ne trouve de
réalité. C’est peut-être aussi là où le récit réconfort qu’auprès de Jung-ae, une gamine aussi paumée qu’elle. Suite à une brève
atteint ses limites. L’accumulation des pages semble un geste un peu vain. Graphique- fugue qui les a menées à fréquenter des bars à hôtesses, Jin-joo rentre chez elle – où,
ment, c’est amusant de voir un mec se mettre en scène, insister sur les seins d’une de étrangement, on semble lui avoir pardonné – tandis que Jung-ae se laisse plus ou
ses interlocutrices mais rester très pudique sur son propre corps aussi. Le ton parfois moins volontairement « engloutir » par la rue... Alternant les instantanés entre passé
ironique, parfois sincère de ses échanges est difficile à cerner. C’est très nombriliste, et présent, le récit de l’auteure du remarqué Aujourd’hui n’existe pas [2009, Cornélius]
c’est très Ego comme X comme album. Justement, Gabriel Dumoulin vient de là. Rien dresse un constat peu reluisant, celui des travers archaïques qui perdurent au sein
de bien surprenant. Ronan Lancelot d’une société pourtant prétendue moderne. Olivier Mimran

74 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD


DYLAN DOG LUISA ICI ET LÀ
IAVEROTTI & MARI / MOSQUITO CAROLE MAUREL / LA BOÎTE À BULLES

Le détective des Retour vers


cauchemars le passé
Album cartonné
272 pages couleurs
Album cartonné le 4 mai
100 pages N&B
le 4 mai
Luisa a 15 ans. Elle a
Que dire encore sur Dylan Dog qui embrassé une copine
n’ait pas été dit ? Que c’est une série sur la bouche. C’était
géniale, créée par l’italien Tiziano spontané. Luisa a trouvé
Sclavi en 1986, que ses aventures ont cela agréable mais a été
été vendues à des millions d’exem- choquée. Elle n’a pas
plaires et connaissent aujourd’hui été élevée comme cela
encore un bonheur colossal et et elle va succomber à
surtout que, malheureusement, elles la pression sociale de
n’ont jamais rencontré le succès son village de province
en France... Et pourtant, tous les pour effacer ce souvenir de sa mémoire. Luisa veut devenir une grande photographe...
éléments sont là pour une réussite : Elle prend le bus, s’y endort, et au réveil se retrouve projetée quinze ans plus tard
Dylan Dog, héros romantique et séducteur, qui passe de « fiancée » en « fiancée », à l’arrêt de bus Chemin vert, à Paris. Déboussolée, elle décide de se rendre à l’ap-
flanqué de son acolyte Groucho [portrait de celui du cinéma, le frère Marx], est partement de sa tante, la seule adresse qu’elle connaît sur place. La jeune femme
enquêteur des cauchemars à Londres et vit des aventures qui flirtent sans cesse avec qui lui ouvre la porte n’est autre qu’elle-même, avec quinze ans de plus forcément !
le surnaturel. Servi par pléthore de dessinateurs tous plus brillants les uns que les Alors on a forcément vu Retour vers le futur, peut-être Freaky Friday ou 17 ans encore
autres, ici Nicola Mari. Frissons, humour, rendez-vous récurrents, élégance du trait, [qu’il était mauvais celui-là !]. Il s’agit bien d’un paradoxe temporel. Et ça marche à
tout devrait concourir à faire apprécier Dylan Dog par le public français. Souhaitons fond. Certains chapitres sont un peu surprenants, on sent que Carole Maurel [éga-
que ce soit le cas cette fois, pour cette histoire de sorcière qui se déroule dans la lement l’auteure du très réussi L’Apocalypse selon Magda avec Chloé Vollmer-Lo] a
lande anglaise, bien menée et plutôt originale. Le seul bémol pourrait résider dans le dû écrire son histoire au fur et à mesure qu’elle avançait, mais c’est graphiquement
surdécoupage de certaines scènes, parfois un peu superflu, résultat d’une publication très chouette et elle parvient à en tirer un récit original malgré les nombreux écueils
originale en format kiosque. Éric Adam annoncés du genre. Ronan Lancelot

CAFÉ BUDAPEST
ALFONSO ZAPICO / STEINKIS

Album cartonné
Frères ennemis
164 pages N&B
disponible
Yechezkel Damjanich a 23 ans en 1947. Il est juif, violoniste, et vit
avec sa mère, rescapée d'Auschwitz-Birkenau où son père est
mort. Son oncle Yosef les invite à les rejoindre en Palestine où il
tient un café, invitation à laquelle ils finissent par répondre malgré les réticences de la vieille
femme. Là-bas, à Jérusalem, le jeune homme découvre un monde nouveau où juifs, Arabes
musulmans, occupants anglais et chrétiens font bon ménage malgré quelques frictions ré-
currentes. Yechezkel, surnommé Chaskel, va également découvrir l’amour. Mais l’évolution
des événements politiques va rapidement bouleverser le fragile équilibre des lieux, car si la
présence de nombreux juifs dans la région ne dérange pas trop les voisins arabes, la création
d’un État juif, Israël, en mai 1948 ne sera pas vécue sereinement par tout le monde. Et ce,
d’autant plus que les extrémistes belliqueux de l’Irgoun vont jeter de l’huile sur le feu. Pris
entre sa solidarité envers sa communauté et son désir de paix, écrasé par le terrible secret
caché par sa mère, Chaskel va devoir faire des choix déchirants. Jamais partisan, histori-
quement très précis, cet album donne une vision tendre, humaine et lucide sur les racines de
l’imbroglio israélo-palestinien. Éric Adam

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 75


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
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LE DROIT D’AUTEUR
PIERRAT & NEAUD / LE LOMBARD

Signez ici
Album cartonné Comme d’habitude, je suis passé chez Frédéric Bosser
80 pages couleurs
le 20 mai
chercher de nouveaux trucs à lire, tel le drogué en manque qui
passe chez son dealer. D’habitude, c’est assez simple. Je trie
une pile et je prends ce que je veux. Des fois, comme le gros
dealer qu’il est, il me fait essayer des bouquins vers lesquels je n’irais pas naturellement. Des
fois aussi, je trouve une BD de cul mais là il me dit : « Pas touche, c’est pour Henri Filippini. »
La dernière fois, j’étais confronté à un dilemme inédit : choisir un thème parmi les quatre
nouveaux volumes de la collection La Petite Bédéthèque des savoirs. C’était cornélien. Je ne
voulais rester bête sur aucun des sujets. Poussé par le rédac chef qui s’impatientait, il a bien
fallu trancher et je suis reparti sous le bras avec celui sur le droit d’auteur. Depuis, je suis
devenu incollable. Sociétés de gestion collective, contrats, rémunération, contrefaçon, glo-
balisation, Hadopi... du siècle des Lumières à aujourd’hui, ce petit bouquin remarquablement
limpide fait le tour de la question du droit d’auteur. Et quand il passe un peu vite sur certains
points, une bibliographie sélective vous propose des pistes pour aller plus loin [aussi avec des
suggestions d’Emmanuel Pierrat de livres d’Emmanuel Pierrat]. Le travail de Fabrice Neaud
est super malin, il joue parfaitement avec le texte, ne se contente pas d’illustrer mais apporte
son propre regard sur le sujet. Un sujet on ne peut plus d’actualité, un album réussi dans une
collection qui effectue un sans fautes. C’est une vraie révolution au Lombard ! Ronan Lancelot

ANTOINE ET LA FILLE
TROP BIEN LE TATOUAGE
ALEXANDRE FRANC / SARBACANE PIERRAT & ALFRED / LE LOMBARD

Premiers émois Découvrir


le tatouage
Album cartonné
80 pages couleurs Album cartonné
disponible 72 pages couleurs
le 20 mai

Antoine passe ses vacances Le directeur d’une prison reçoit dans son bureau un jeune
d’été dans sa famille comme délinquant coupable de se tatouer dans sa cellule. Plutôt que de le punir, l’homme
tous les ans. Cette année, ils exhibe son torse couvert de tatouages et se propose de lui raconter l’histoire de cet
reçoivent la famille Lacoste, art qui remonte à la nuit des temps. C’est ainsi que l’on apprend que nos lointains
dont Adèle, une ado. Au ancêtres du néolithique utilisaient des aiguilles en bois de rennes puis des pointes
début, Antoine est plutôt mal d’os, que les corps des guerriers nomades étaient couverts de dessins, qu’à Rome il
à l’aise avec cette fille. Les était interdit de se tatouer le visage, que les croisés pratiquaient le tatouage religieux,
filles, il ne les connaît pas, il que les tatoueurs polynésiens utilisaient des peignes, que les bons pères blancs ont
ne joue pas avec, bref, c’est proscrit le tatouage... Le lecteur est invité à remonter la grande Histoire au fil des
l’inconnu. Et puis petit à petit, pages érudites de ce petit ouvrage riche en anecdotes évoquées par Jérôme Pierrat,
un trouble s’installe et les historien de formation et rédacteur en
premières pensées érotiques chef de Tatouage Magazine depuis
apparaissent. Le grand frère les années 80. Les dessins truculents
d’Antoine, Guillaume, arrive aussi sur les lieux de villégiature mais là, les choses se d’Alfred apportent une note d’humour
passent plus mal. Guillaume est en opposition avec ses parents et peut-être même à ce récit que ce cher Oncle Paul
avec la société tout entière. Il provoque, joue au dur et drague Adèle. Pour Antoine, la n’aurait pas renié. Peut-on classer ce
déception est intense et l’expérience douloureuse. L’auteur, Alexandre Franc, s’aven- genre d’ouvrages dans la BD dont le
ture sur les chemins de l’adolescence et des premiers émois, ceux qui sont tout sauf rôle a été pendant des décennies de
naturels. Tout est calculé, organisé, répété et puis non, rien ne se passe jamais comme raconter des histoires, de faire rêver
on l’avait imaginé alors finalement, c’est tendre et touchant. Les préados se racontent le lecteur ? Vaste question que pose
leurs histoires, s’inventent leurs rêves et leur monde. Une histoire banale et pourtant une fois encore La Petite Bédéthèque
unique dessinée d’un trait épuré rempli de couleurs en aplats dans une entente bien des savoirs des éditions du Lombard.
plus harmonieuse que les relations adolescentes. Marie Moinard Henri Filippini

76 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD


BBALISTE DE PRAGUE T.1 LE LAIT NOIR
MAKYO & RAIMONDO / GLÉNAT FANNY MICHAËLIS / CORNÉLIUS

L’homme qui Les années


Album cartonné
56 pages couleurs créa le golem
Album broché
192 pages N&B
disponible
de chien
le 11 mai

À l’entrée du ghetto de Prague se dresse Jeune illustratrice baroque, Fanny


une statue que les nazis et les Sovié- Michaëlis avait déjà soulevé l’enthou-
tiques n’ont pas osé détruire, celle du siasme de la critique avec le très subtil
Maharal, le plus grand des kabbalistes Géante sur le premier amour d’une
de tous les temps, celui qui créa le adolescente timorée. Le Lait noir s’inscrit
golem. Né en Westphalie en 1541, David dans cette même veine à la fois poétique,
Gans étudie la kabbale auprès du vieux juvénile et crue. Peter, un jeune homme,
Maharal dont il devient le bras droit. En presque un adolescent, fuit la guerre pour
1584, afin de protéger la population de la rejoindre ses frères vers un sud fantasmé,
peste qui décime Prague, David gagne une sorte d’eldorado utopiste. Ce qui
Cracovie avec Eva, la petite-fille de son l’oblige à quitter sa mère, donc l’enfance.
maître. En 1596, à la demande de l’empe- Jeté sur les routes violentes de l’exode, il
reur Rodolphe II, protecteur du peuple de Judas, il entreprend un voyage à travers rompt définitivement avec l’âge de l’inno-
le monde dans le but de trouver l’homme qui lui permettra de découvrir les secrets cence pour pénétrer dans la monstruosité
des étoiles. Au Danemark, le seigneur Tycho de Brahé, auquel il enseigne la Kabbale, du monde adulte. Si rien n’est dit sur ce
accepte de venir à Prague où l’empereur propose d’édifier le palais des Étoiles. À lieu où Peter perd progressivement sa candeur virginale pour devenir à son tour un
son retour, David retrouve Eva, devenue une belle jeune femme qui refuse d’épouser chien féroce aux abois, on pense d’emblée à l’Allemagne nazie. D’ailleurs, les têtes
l’homme que lui a attribué son père avant sa naissance... Cette adaptation respec- de chapitre sont en allemand. Avec un univers onirique inquiétant qui n’est pas sans
tueuse par Pierre Makyo du roman de Marek Halter ne peut éviter les [trop] longs rappeler celui de Ludovic Debeurme et des cases sans cadre souvent envahies de
pavés de textes. Le dessinateur italien Luca Raimondo [Dampyr en Italie] restitue avec pins effrayants, Fanny Michaëlis tisse un long poème dessiné à la cruauté implacable.
réalisme la Bohême du XVIe siècle, sans pour autant y apporter la moindre fantaisie, Un récit inspiré de l’histoire de son grand-père né au milieu des années 20 dans une
mais est-ce possible avec un récit aussi austère ? Henri Filippini famille juive de Berlin. Un récit inspiré, tout simplement. Frédérique Pelletier

UN JUSTE
& CÉNOU / LA BOÎTE À BULLES

Lumière sur les


héros de l’ombre
Album broché
160 pages N&B
disponible

Alors que s’en éteignent inexorablement les derniers témoins, la Shoah continue d’inspirer
les auteurs de BD. Patrice Guillon choisit de remettre en lumière le rôle, admirable, des
« Justes », ces Français qui, au péril de leur propre sécurité, portèrent secours à des juifs
durant la Seconde Guerre mondiale : son livre s’ouvre sur le remords d’une femme âgée à
l’égard d’un couple qui a caché sa famille durant l’Occupation. Regrettant que le courage
de ses bienfaiteurs n’ait jamais été récompensé, Myriam décide de réparer cette injustice.
S’ensuit donc le récit, copieux [puisqu’il représente bien les neuf dixièmes de l’album], de
cet épisode douloureux de son histoire, quelque part en zone alors « libre »... Puissant parce
que déroulé sobrement, Un juste [titre trompeur, car il s’agit d’un couple] émeut durable-
ment. Le constat que des gens simples aient pu faire preuve d’une telle fraternité en des
temps pourtant troubles réchauffe le cœur. Notons qu’en guise de mémos sont proposées,
en toute fin d’album, la reproduction et la description officielles du titre de « Juste parmi les
Nations » ainsi que la terrifiante « loi sur le statut des juifs » décrétée par le maréchal Pétain
en octobre 1940. Olivier Mimran

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 77


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
/HV ŸʞRLOHV G%'

MUNCH AVANT MUNCH


GIORGIA MARRAS / STEINKIS

Album cartonné
Munch, le cri !
120 pages couleurs
le 4 mai
Edvard Munch est un des peintres majeurs de la fin du
XIXe siècle. Son œuvre la plus célèbre, Le Cri [dont il a
réalisé plusieurs versions], est une des toiles les plus marquantes de l’expressionisme
naissant. Mais outre ce tableau d’une force peu commune, il est l’auteur de dizaines
d’autres, tout aussi forts, qu’il s’agisse de portraits, de paysages [ah, son inimitable
lune aux reflets aquatiques totalement phallique !], de scènes métaphoriques ou de
famille... Son œuvre fascine, déroute ou séduit, mais ne peut laisser personne in-
différent. Personnellement, ayant de plus eu la chance de voir le musée qui lui est
dédié à Oslo, j’adore. La bonne idée de cet album est de ne pas avoir axé le récit sur
son tableau vedette, Le Cri, à peine entrevu au cours de l’histoire. L’auteure insiste
au contraire sur la genèse d’un talent, « le coureur avant la course », comme le dit
justement la préface, révélant « la voix secrète que le cri a couverte ». L’autre bonne
idée est de traiter le sujet en bichromie, noire et bleu, tout à fait élégante, loin de
l’inimitable traitement des couleurs du peintre. Une œuvre tout à fait réussie donc,
séduisante et à la charmante lenteur. Éric Adam

LES 9 DERNIERS MOIS


BITCH PLANET T.1
DE TA VIE DE PETIT CON
DECONNICK & DE LANDRO
COOKIE KALKAIR / LES ARÈNES
/ GLÉNAT COMICS

Taulardes Introspection
Album cartonné
176 pages couleurs
le 4 mai de l’espace
Album cartonné
80 pages couleurs
le 11 mai
d’un futur père
Désireux d’avoir un enfant, les deux protagonistes de ce récit galèrent pendant trois
Dans un futur indéterminé, le système années, subissent l’épreuve des traitements souvent pénibles dans les cliniques, avant
mondial est devenu à ce point patriarcal de prendre la décision de partir trois mois à l’aventure et de se lancer ensuite dans
que toute femme qui ne se plie pas incon- l’adoption. Et voilà qu’au retour de cette longue pause, madame découvre qu’elle est
ditionnellement au diktat des hommes enceinte. Ce sont ces neuf derniers mois de sa vie de con que le futur père raconte
fait l’objet d’une « rééducation » ; laquelle semaine après semaine, évoquant avec humour et dérision le quotidien parfois éprouvant
a lieu dans un établissement carcéral de cette longue attente entre fébrilité, angoisse et bonheur. Les relations pas toujours
en orbite surnommé Bitch Planet et faciles avec la future mère, la préparation de l’arrivée à la maison d’un nouvel habitant,
dont personne n’est jamais revenu. Du l’annonce du sexe de l’enfant, l’accouchement... tout est conté au fil des pages de cette
moins, pour l’instant, parce que parmi le introspection qui ne tombe jamais
dernier arrivage d’insoumises se trouvent dans la morosité. Français vivant à
quelques fortes personnalités qui n’en- Montréal, directeur de la création
tendent pas y faire de vieux os. L’admi- depuis 2009 d’Ubisoft Montréal
nistration pénitentiaire remarque d’ail- Studio, Charles Herteau, alias
leurs très vite les incroyables capacités Cookie Kalkair, est l’auteur de ce
physiques de l’une d’entre elles, Kamau Kogo, à qui elle propose de participer à une témoignage, à l’origine proposé
étrange épreuve sportive... Brillamment écrit par Kelly Sue Deconnick [30 jours de au quotidien avec succès sur son
nuit, Ghost, Captain Marvel] et dessiné par le Canadien Valentine De Landro [X-Factor, blog... jusqu’à la naissance du
Marvel Knights 4], le premier tome de Bitch Planet est présenté par son éditeur français petit Léon le 18 septembre 2015
comme « un pamphlet social dénonçant l’injustice du consumérisme moderne ». C’est un à 16 h 05. Cette version papier
tantinet excessif. On évoquera plutôt un bon – et très prometteur – récit de fiction jouant qui ne manque ni d’originalité
habilement avec les codes de la pop culture [la couverture s’inspire d’ailleurs à la fois ni d’humour devrait séduire les
du pulp et de la blaxploitation]. À suivre ? Olivier Mimran amateurs du genre. Sympathique.
Henri Filippini
78 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD
THE WOODS T.1 HOMICIDE, UNE ANNÉE
YNION IV & DIALYNAS / ANKAMA ES RUES DE BALTIMORE T.1
PHILIPPE SQUARZONI / DELCOURT

Promenons-nous Du sang dans


Album cartonné
dans les bois Album cartonné le caniveau
224 pages N&B 128 pages couleurs
Qui se souvient de L’École emportée, manga de Kazuo le 18 mai
disponible
Umezu [1974] dans lequel une école maternelle et ses Après les récits politiques, écologiques ou documentaires,
occupants étaient mystérieusement téléportés dans un Philippe Squarzoni – dont on connaît et admire le sens de l’observation – s’essaie à
désert étrange ? James Tynion IV, l’adaptation graphique. En l’occurrence, d’un roman d’un autre grand observateur :
manifestement, qui en reprend l’Américain David Simon, surtout connu pour avoir écrit ou produit des séries
l’idée de base dans The Woods, à policières hyperréalistes [The Wire, Treme, The Corner, etc.] mais qui fut longtemps
quelques variantes près : il s’agit journaliste au Baltimore Sun. C’est dans ces circonstances qu’il a, en 1988, suivi
ici d’un lycée dont 437 élèves, pendant un an les inspecteurs de la brigade criminelle de la ville « aux 240 meurtres
52 enseignants et 24 membres par an » [travail qui lui a justement inspiré la
du personnel se voient proje- série télé Homicide et le livre ici adapté]. On
tés sur une lune couverte d’une y suit le quotidien de flics « à l’ancienne », et
forêt primaire et habitée par de leurs différentes attitudes dans les enquêtes
monstrueuses créatures. D’abord criminelles qui leur sont confiées : les uns,
abasourdis, les protagonistes se blasés par les années d’exercice, semblent à
scindent en deux groupes : l’un peine réagir à la violence qui les entoure quand
organise sa survie dans l’enceinte du bâtiment et l’autre, plus réduit, se lance dans d’autres, révoltés, y consacrent plus d’énergie
l’exploration de son nouvel univers... Riches en rebondissements et forts d’une drama- qu’à leur propre vie. Pas facile à mettre en
turgie efficace, les huit épisodes [sur vingt déjà réalisés] que compile ce premier tome images... Pourtant, en adaptant idéalement les
peinent pourtant à captiver. C’est que malgré son expérience [il a assisté Scott Snyder monologues des différents intervenants et en
et a travaillé sur Batman Eternal et Annual], James Tynion IV a adopté un découpage étirant les plans [de telle sorte qu’ils occupent
plutôt déroutant : non seulement on suit, alternativement, chacun des deux groupes parfois deux pages], Squarzoni parvient
de personnages, mais on a également droit à des flash-back consacrés aux plus cha- brillamment à nous captiver et nous plonge,
rismatiques d’entre eux. Si on s’y perd du coup un peu, le récit y perd beaucoup. Espé- à notre tour, dans la noirceur poisseuse de
rons que cet écueil disparaisse dans les prochains volumes ! Olivier Mimran Baltimore. Du grand art ! Olivier Mimran

DENT D’OURS T.4


YANN & HENRIET / DUPUIS

Album cartonné
Détruire New York
48 pages couleurs
disponible Mai 1945. Après le suicide d’Hitler, les derniers fidèles de la
Wehrmacht se terrent dans les ruines de Berlin alors que
Russes et Américains s’approchent de la ville. Max assassiné
par les jeunesses hitlériennes, Werner est chargé par l’OSS américaine d’éliminer la
Flugkapitan Reitsch, la plus fameuse pilote d’essai du régime nazi, leur amie de jeunesse,
Hanna. Dans l’Allemagne des années 30, Max, Werner et Hanna formaient un trio insé-
parable. Pendant que les Américains et les Russes se disputent la capture des précieux
savants allemands, Werner et Hanna, à la fois ennemis et complices, gagnent le château
de Fütstenstein. D’immenses galeries ont été creusées dans le sous-sol du bâtiment afin
d’y dissimuler une base secrète où est construit le Silbervogel, un bombardier suborbital
pouvant franchir cinq fois le mur du son. Hanna, que Werner ne parvient pas à convaincre
de renoncer, a été désignée pour piloter l’engin et détruire New York sous une tonne
d’uranium radioactif. Le projet Amerika-Bomber, l’ultime rêve d’Hitler. C’est avec une
habileté diabolique que Yann écrit le scénario de cette fiction historique aux personnages
attachants et crédibles. Alain Henriet, de plus en plus à l’aise, propose des pages riches
en décors soignés tout en donnant de la chair à ses personnages. Une belle évolution d’un
album à l’autre. Henri Filippini

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 79


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
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BATMAN – LA MALEDICTION
QUI S’ABATTIT SUR GOTHAM
MIGNOLA, PACE & NIXEY / URBAN COMICS

Batman
by Mignola
Album cartonné
192 pages couleurs
le 6 mai

Gotham City, fin des années 20. Après une expédition polaire, un navire ramène dans ses cales
un mal insoupçonné, qui se répand lentement mais inexorablement dans les rues de la ville.
Liée au puissant nécromancien Ra’s al Ghul, l’entité démoniaque prend peu à peu le contrôle
des membres les plus influents de la mégalopole. Une seule personne est destinée à mettre
un terme à ce fléau dévastateur : Batman. Quand Mike Mignola [Hellboy] s’empare du mythe
du Chevalier noir, il lui insuffle presque naturellement une veine fantastique habituellement
absente des codes de la saga. Cette minisérie, initialement publiée par DC Comics au début des
années 2000, se situe à la croisée des chemins entre le décorum propre au personnage créé par
Bob Kane et Bill Finger et les entités maléfiques et monstrueuses de l’univers de Lovecraft. Le
résultat a le mérite de surprendre, d’autant que le récit se situe à une époque antérieure à celle
de la naissance du célèbre justicier. Méticuleusement, Mignola intègre à l’intrigue – en les réin-
terprétant totalement – les principaux personnages secondaires de la série, tout en conservant
la cohérence chronologique de leur apparition et disparition [les trois principaux Robin sont
ainsi présents]. Sombre et surprenant. Philippe Peter

NOTRE UNIVERS LE ROI PELÉ,


EN EXPANSION L’HOMME ET LA LÉGENDE
ALEX ROBINSON / FUTUROPOLIS SIMON & BRASCAGLIA / 21G

Devenir parents Passement de


jambes, tir et... but !
Album cartonné
256 pages N&B Album broché
le 11 mai Billy, Scottie et Brownie sont trois amis new-yorkais. Si le 126 pages couleurs
second est déjà père et en passe d’avoir un deuxième bambin le 11 mai
avec sa compagne, la parentalité est une nouveauté pour Billy, que sa copine tanne
depuis quelque temps pour qu’ils fondent une famille. Quant à Brownie, c’est un céli- La France accueille-
bataire endurci et un geek assumé. Mais les apparences sont trompeuses. Billy ne sait ra en juin l’Euro 2016
pas comment dire à son amie qu’il doute de ses capacités à devenir père ; tandis que malgré les scandales
Brownie, derrière son attitude pétrie de certitudes, cache une grande frustration. Quant [sextape], les attentats
à Scotty, s’il semble être un père idéal et un mari aimant, la découverte de sa relation [on a vite oublié que les
extraconjugale va tout remettre en question. Douze ans après De mal en pis, Prix du premières explosions
meilleur premier album au du 13 novembre 2015
Festival d’Angoulême en 2005, ont eu lieu au Stade de
Alex Robinson livre un récit France] et la morosité
dur et touchant sur la paren- ambiante... Mais qui dit fête du football dit aussi avalanche d’albums bâclés destinés
talité, mais aussi sur l’amour à faire de l’argent rapide sur le nom des stars du moment. C’est donc avec un peu
et la sexualité, qui peuvent d’appréhension que nous avons ouvert ce nouvel album des éditions 21g qui pourtant
être chamboulés par ce qui nous avaient gâtés avec une très belle biographie de Gandhi au mois de janvier. Eh
est habituellement considéré bien, nous ne l’avons pas regretté car l’album est une réussite d’un bout à l’autre.
comme un heureux événement. Le parcours de Pelé, la première star planétaire tous sports confondus, est retracé
Totalement immergé dans le ici depuis son enfance dans un quartier pauvre de la région de Sao Paulo jusqu’à la
quotidien de ces héros ordi- Coupe du Monde de 2014 au Brésil. Eddy Simon, le scénariste, a su piocher dans la vie
naires, le lecteur s’identifie personnelle et sportive de Pelé de beaux moments de réussite et parfois de doute que
facilement à eux, trouvant dès Vincent Brascaglia, un nouveau venu, a mis en image de façon dynamique et percu-
lors des débuts de réponses à tante. Ils parlent du football comme d’un sport qui rapproche, qui donne de la joie, qui
ses propres questionnements. récompense l’effort et la persévérance. Frédéric Bosser
Philippe Peter

80 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD


LES AVENTURES POTAGÈRES
THE AUTUMNLANDS T.1 DU CONCOMBRE MASQUÉ
USIEK & DEWEY / URBAN COMICS KALKUS / MOSQUITO

Le dernier espoir Album cartonné


Les origines du
légume fabuleux
48 pages N&B
disponible

Album cartonné Dans un monde peuplé d’animaux humanoïdes, la magie


208 pages couleurs régit absolument tout. C’est elle qui donne leur pouvoir aux
le 6 mai habitants des cités en lévitation dans le ciel. Malheureu- Le légume justicier, son
sement, cette puissante magie est désormais vacillante. cactus blockhaus planté
Son intensité ne cesse de diminuer, et avec elle la portée des sorts. S’opposant quelque part dans le désert du sommeil,
aux lois de sa ville, un groupe de mages décide et son ami Chourave, nés en 1965 dans
de tenter une dernière manœuvre afin de sauver l’hebdomadaire Vaillant sous la signature
ce qui peut l’être. Ils invoquent la prophétie du de Kalkus [alias Mandryka] se rappellent
Sauveur. Mais la cérémonie se passe mal, et la aux souvenirs de leurs vieux lecteurs.
cité s’écrase au sol, causant la mort de la majeure Boff, reporter du journal Vaillant, est
partie des habitants. Parmi les décombres, une envoyé dans le désert-de-la-mort-
perle lumineuse renferme néanmoins leur sauveur : lente afin d’y rencontrer le Concombre
un humain, animal jusqu’alors inconnu. À la croisée masqué. Un personnage insolite dont les
entre la science-fiction et l’heroic-fantasy, le « Bretzel liquide » et autres expressions
principe fondateur de The Autumnlands rappelle réjouissantes résonnent dans ce monde
évidemment celui de La Planète des singes. Si l’on désolé. À cent lieues des classiques Pif
ne sait pas encore exactement pourquoi Steven T. le chien ou Placid et Muzo, la cucurbita-
Learoyd est, semble-t-il, le dernier homme, ceux cée la plus fameuse de l’histoire de la bande dessinée trouble, dérange, intrigue le
qui ont remplacé la race humaine au sommet de jeune lectorat traditionnel du journal, enthousiasme ceux qui y perçoivent les prémices
l’évolution sont des animaux dont les capacités d’une nouvelle race de bande dessinée. Proposés en demi-planches hebdomadaires,
cérébrales se sont considérablement développées. ces gags ont été réunis dans un album souple édité par Futuropolis en complément
Sans être révolutionnaire ni passionnant, ce premier de la revue Comics 130. Les éditions Mosquito ont l’excellente idée de rééditer à
tome se lit avec plaisir, ne serait-ce que pour le l’identique cet ouvrage, cette fois-ci dans une présentation cartonnée, accompagné
travail du dessinateur Benjamin Dewey sur les d’une postface signée Mandryka qui évoque à sa manière la création de la série.
animaux anthropomorphes. Philippe Peter Notons qu’il existe un tirage de tête [150 exemplaires, 25 €]. Henri Filippini

LES TROIS GROGNARDS


HAUTIÈRE & SALSEDO / CASTERMAN

Album cartonné
Trahir pour vivre
56 pages couleurs
le 11 mai
1805. Ancien compagnon de Toussaint Louverture, Honoré tente
de s’échapper du fort de Joux, dans le Doubs. Il est malheureuse-
ment rattrapé par la garde et présenté à un personnage masqué qui lui propose un marché :
réintégrer l’armée, et se tenir prêt à agir contre l’Empereur en temps voulu. En échange de
sa trahison, Honoré pourra non seulement assouvir sa haine à l’égard de Napoléon, mais
également obtenir un billet pour Saint-Domingue, l’île qui l’a vu naître. Comme l’a montré
une étude du webzine Cases d’histoire, les bandes dessinées consacrées à l’épopée na-
poléonienne sont légion. Elles brillent en revanche par leur manque cruel d’originalité. En
voici pourtant une qui prend le mythe à contrepied. Tout d’abord en l’utilisant comme décor
plutôt que moteur poussif d’un récit qui emprunte à l’espionnage et au thriller. Ensuite, en
se penchant sur la première véritable – et cuisante – défaite de Napoléon : l’insurrection
d’Haïti et la déclaration d’indépendance de la première république noire de l’Histoire. Enfin, en
mettant en scène un vaste complot visant à rétablir la monarchie absolue en France. Le tout
avec un second degré et un comique de situation qui achèverait de décrisper les plus fidèles
bonapartistes. À découvrir absolument. Philippe Peter

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 81


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
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L’HOMME AU MASQUE
(EN TOILE DE JUTE)
MONSIEUR LE CHIEN / FLUIDE GLACIAL

Album cartonné
Rire de tout
64 pages couleurs
le 18 mai
Rire d’une affaire d’enlèvement et de séquestration ? Il fallait
oser. Monsieur le Chien l’a fait. Et bon sang qu’on se marre
jaune. Voire qu’on pouffe généreusement, ce qui ne manque pas d’outrer certains de nos
compagnons de galère dans le métropolitain. Le protagoniste de ce fait divers fictif, passé
à la moulinette de l’esprit Fluide glacial, est un puceau que la libido exacerbée de son
paternel a visiblement légèrement dérangé. Pour satisfaire ses pulsions sexuelles [mais
platoniques], le jeune homme, toujours caché derrière un masque en toile de jute façon
L’Épouvantail, enlève des jeunes femmes aux mensurations généreuses, et les enferment
dans une cave aménagée. Enfin, c’est ce qui arrive à la dernière en date, les premières
ayant malencontreusement terminé leur carrière de victime dans un fossé ou au fond d’un
trou en cambrousse, l’apprenti kidnappeur ayant toutes les peines du monde à appliquer
son plan initial à la lettre. S’en suit une série de gags hilarants, dans la veine du comique de
situation et de l’absurde, servie par des dialogues aux néologismes et aux fautes de français
aussi agaçants que poilants. La séquestrée rendant coup pour coup, dans la mesure de ses
moyens. Évidemment, âmes sensibles, s’abstenir. Philippe Peter

BIRMANIE 14-18 T.5


RAGMENTS D’UNE RÉALITÉ CORBEYRAN, LE ROUX & CHEVALLIER
DEBOMY & GRIFFON / CAMBOURAKIS / DELCOURT

Février 1916. L’armée allemande

En voie de
s’apprête à lancer une offensive
majeure dans le secteur de Verdun.
Album cartonné

démocratisation
48 pages couleurs
Objectif : saigner à blanc l’adversaire
Album cartonné
144 pages couleurs le 18 mai et le forcer à négocier la paix. Du côté français,
disponible la présence de régiments de tirailleurs sénégalais
crée des tensions, certains doutant de la valeur et de la fiabilité des soldats
Ancien responsable de l’associa- coloniaux. Cinquième tome d’une série très conformiste, qui aborde sans
tion Info Birmanie et scénariste de originalité mais avec savoir-faire des épisodes bien connus de la Première
plusieurs bandes dessinées sur ce Guerre mondiale. PhP
pays qu’il connaît bien, Frédéric
Debomy s’est une nouvelle fois
rendu sur place au début de l’année
2015, en compagnie du dessinateur
Guillaume Griffon. Le pays, qui
s’appelle officiellement Myanmar, SUR LE FIL
est actuellement à un tournant de DEBOMY, GUILLAUME & VICTOR
son histoire. Pour la première fois / CAMBOURAKIS
depuis 1962 et l’instauration d’une
dictature militaire, des élections
démocratiques s’y sont en effet Complément de Birmanie – Fragments
tenues. Le parti d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix, en est sorti vainqueur. Pour Album cartonné d’une réalité, cette autre BD-docu-
96 pages couleurs
autant, la Birmanie n’est pas encore devenue un modèle de vertu. La liberté d’expres- disponible mentaire se penche sur la révolution
sion y est encore limitée, tandis que les questions liées aux minorités ethniques et reli- de Safran, menée notamment par des
gieuses continuent de diviser le pays. Dans cette BD-documentaire, Frédéric Debomy moines bouddhistes en août et septembre 2007. Si ces
et Guillaume Griffon partent justement à la rencontre des militants des différentes événements n’ont pas eu de conséquences politiques immédiates, ils ont été
mouvances politiques, ethniques et religieuses. Ils dressent un tableau complet de la sévèrement réprimés par la junte militaire. Cet album se présente comme un
situation mais, ce faisant, livrent une copie extrêmement compliquée à suivre. Difficile livre illustré auquel ont été incorporées des séquences en bande dessinée au
de s’y retrouver entre les différents groupuscules, qui ne sont par ailleurs abordés que graphisme minimaliste déroutant. PhP
très superficiellement. Il en résulte un sentiment de confusion et de frustration, alors
même que le sujet est hautement passionnant. Philippe Peter

82 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD


AMOUR AUSTRAL MERCREDI
JAN BAUER / WARUM JUAN BERRIO / STEINKIS

Thème austral Filmer la banalité


Album cartonné Ouvrage atypique, Mercredi présente le quotidien d’une
Album broché
244 pages N&B Il voyage en solitaire et nul ne l’oblige à parler. Lui aussi, 144 pages poignée d’anonymes dans une petite ville sans histoire et
le 18 mai comme le héros de la chanson de Gérard Manset, « un jour en bichromie sans spécificité. Ces non-héros sont filmés de leur réveil
le 4 mai
l’amour l’a quitté », mais il va le retrouver en la personne de à l’extinction des feux. Les personnages se croisent à
Morgane, une routarde frenchie de 23 ans. Lui, Jan donc, l’auteur de cette autofiction, de multiples reprises, les anecdotes se succèdent ; ces différents éléments étant
a 35 ans au moment des faits. Nous suivons leur relation amoureuse éphémère en 2012 toujours élégamment reliés entre eux grâce à un croisement narratif ou une astuce
au pays des kangourous et des dingos. À la base, Jan Bauer est parti en Australie pour graphique. Cet album ne comporte donc pas véritablement d’intrigue [à l’exception
se retrouver, « s’affranchir de ses démons, devenir plus fort et élargir son horizon ». Sa notable de « l’enquête » sur le vol du
mère vient aussi de mourir, rongée par un cancer. Sac à dos, bermuda roots, chaus- sac à dos, qui n’est pas non plus, il faut
sures de marche et chapeau de cow-boy [ou de vacher australien peut-être], le des- bien le dire, particulièrement exaltante],
sinateur relate son périple dans et relève plutôt d’une bande dessinée
l’Outback, où d’immenses plaines contemplative, par ailleurs non dénuée
s’étendent à perte de vue. Si les d’humour. L’objet en tant que tel peut
paysages sont magnifiques, le trek être considéré comme un exercice de
de l’auteur allemand ne nous fait style réussi ; le dessin minimaliste –
pas vraiment découvrir les dessous tendance ligne frêle – de Juan Berrio
de l’Australie, on le suit plutôt pas servant à merveille un concept que
à pas dans ses petites galères de l’on sent très travaillé et parfaitement
randonneur. Quant à sa love story, articulé. Néanmoins, après 144 pages
charmante au demeurant, elle ne sans la moindre intrigue, sans le moindre
nous emporte pas au sommet de but, sans le moindre début de quelque
la bande dessinée. Rien de neuf chose, hormis quelques banalités sans
sous le soleil de l’Océanie, mais un intérêt, on reste franchement sur sa
dessin plaisant et une autofiction faim. D’autant plus que Juan Berrio
sympathique. Un peu juvénile peut- n’est pas le premier à ne parler de rien
être ! Frédérique Pelletier en bande dessinée. Philippe Peter

LE HASARD
EKELAND & LÉCROART / LE LOMBARD

Jeux et
Album cartonné
72 pages couleurs
le 20 mai
probabilités
Après une première salve en mars, quatre nouveaux titres
rejoignent en ce mois de mai La Petite Bédéthèque des savoirs, sorte de Que sais-je ? en
BD [voir notre article dans dBD n° 101]. L’un d’entre eux est consacré au hasard. Vaste sujet
qu’abordent ensemble le mathématicien Ivar Ekeland, père du théorème qui porte son nom, et
Étienne Lécroart, membre bien connu de l’OuBaPo. Suivant son principe de vulgarisation et
de ludisme, ce petit livre aborde les principaux questionnements humains liés au hasard, ici
sous l’angle des mathématiques. Il est donc beaucoup plus question de probabilités que de
variations philosophiques autour de la notion de hasard [par opposition, par exemple, au dé-
terminisme]. Si les premières pages sont parfaitement digestes, la suite des événements prend
une tournure plus complexe. Il faut bien suivre toutes les [brèves] étapes de la démonstration
et, de préférence, avoir quelques notions de mathématiques, sous peine d’être rapidement
largué. L’ouvrage se révèle également assez monotone, tant dans son discours – qui ne sort
jamais d’un point de vue très étriqué – que dans sa forme. Première petite déception dans cette
collection par ailleurs très enthousiasmante. Philippe Peter

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 83


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
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BLACK SANDS
OGER & CONTIS / RUE DE SÈVRES

Des zombies
Album cartonné
108 pages couleurs
dans le Pacifique
disponible
Nous sommes en 1943. Un destroyer américain navigue tran-
quillement dans les eaux de l’archipel Bismarck quand il est
attaqué et coulé par un sous-marin japonais. Une poignée de survivants s’accrochent
à un canot qui part à la dérive jusqu’à une île inconnue. Alors qu’ils pénètrent dans les
terres à la recherche de nourriture et d’eau potable, ils se font attaquer par des hommes
transformés en bêtes féroces et hallucinées. Le combat s’engage... Ce ne sera pas le
dernier de cette unité, dont il ne va bientôt ne rester qu’un membre : le caporal Joseph
Gregovitkz. En poursuivant son périple, il se rend vite compte que non seulement il n’est
pas le seul sur cette île, car il va croiser des compatriotes, mais aussi des Japonais, et
qu’en plus cette île semble protéger de terribles recherches scientifiques. C’est un récit
d’horreur en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale, librement inspiré de faits réels,
que propose Tiburce Oger à son complice dessinateur Mathieu Contis. Admirablement
ficelée, cette histoire est agréable à la lecture bien que nécessitant une forte concentra-
tion car assez complexe dans ses tenants et ses aboutissants. Ceux qui aiment les huis
clos et les histoires de zombies sont servis ! Frédéric Bosser

LISA DE LA NASA FREEDOM HOSPITAL


LÉO LOUIS-HONORÉ / FLBLB HAMID SULAIMAN / ÇÀ ET LÀ

Délire spatial Une belle leçon


d’humanité
Album broché Album broché
142 pages couleurs 286 pages N&B
disponible disponible

Dans le petit monde Mars 2012 : Deux femmes attendent à la frontière syrienne, du côté turc, avec pour
feutré de la NASA, objectif d’entrer clandestinement dans ce pays à l’aide de deux passeurs. La première,
tout est organisé pour Yasmine, médecin, est là pour rejoindre l’hôpital que son père a fondé en Syrie il y a
trouver une solution à plus de trente ans. La seconde, Sophie, est
chaque problème. Tout journaliste et veut couvrir cette initiative.
va pour le mieux jusqu’à Sur le dangereux chemin qui les guide vers
un beau matin où, cet hôpital clandestin qui tente de sauver
dans le même temps, avec ses moyens les hommes et les femmes
le QI des astronautes blessés par cette guerre sans fin, Sophie va
s’effondre alors qu’un découvrir le conflit de l’intérieur. Engage-
sabotage est constaté ment politique, trahisons, histoires d’amour
à la machine à café. Ces deux événements sont-ils liés ? Si oui, nul doute que l’hu- et d’amitié, retournements d’alliances et
manité court irrémédiablement à sa perte... Cette courte présentation en dit long sur de situation sont au cœur de cette histoire
cette histoire des plus loufoques mais parfaitement maîtrisée par son créateur. C’est qui met en scène tout un groupe d’indivi-
louable, car très souvent, dans une création qui part dans tous les sens, aux limites dus pris dans une tourmente mortelle sans
de l’absurde, l’auteur finit par se perdre et par la même, le lecteur. Là, ce n’est pas le fin. À travers ce récit sans parti pris, on
cas car dès les premières pages où on fait connaissance avec trois astronautes qui, à comprend mieux les raisons du conflit dans
bord de leur vaisseau, attrapent un astéroïde pour le ramener sur Terre, on est happé un pays que finalement nous connaissons
par ce récit. S’en suivent des situations des plus rocambolesques, des scènes à fort peu. Son auteur, Hamid Sulaiman, raconte
suspense et plusieurs degrés de lecture, des dialogues débiles... On rit beaucoup dans admirablement bien la guerre qui mine
cette histoire écrite et dessinée par Léo Louis-Honoré aux éditions FLBLB, notamment son pays. C’est un cri de rage de la part de
grâce à des personnages à forte puissance comique. Bravo à lui ! Frédéric Bosser cet homme qui a dû fuir la Syrie en 2011.
Poignant et instructif ! Frédéric Bosser

84 CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD


TROPIKAL MAMBO NUAGES ET PLUIE
CARLOS NINE / LES RÊVEURS PHANG & DUPUY / FUTUROPOLIS

Du grand art ! En quête


Album cartonné
144 pages couleurs
disponible
Panama est « un pays inventé dans le seul but de construire
Album cartonné
144 pages N&B
le 11 mai
de rédemption
un canal merdique », dixit le narrateur de Tropikal Mambo.
Panama, c’est aussi le pays où vit le détective créé par le
dessinateur argentin Carlos Nine. Et comme ce dernier ne fait rien comme les autres, Vétéran allemand de
son personnage est loin des canons habituels du genre. Minuscule, on ne voit de la Première Guerre
lui que son imperméable, son chapeau, ses souliers et la petite voiture en bois qu’il mondiale, Werner ne doit
utilise. Est-ce pour ces raisons qu’on l’engage uniquement pour des petits boulots la vie sauve qu’à Georg,
misérables comme des filatures, des infidélités ? Je vous laisse juge de cette poten- un ami de tranchée qui a
tielle discrimination au physique. Ce personnage hors normes est d’abord un [bon] pris, à sa place, la balle
prétexte pour que le talent graphique, mais pas que, de Carlos Nine s’exprime. Quelle qui lui était destinée.
maestria ! La dextérité de l’auteur est incroyable, quels que soient les matériaux Désormais installé en
qu’il utilise – aquarelle, gouache, encres... – ou les supports sur lesquels il travaille Indochine française,
– sculptures, photos... On Werner n’est plus que l’ombre de lui-même. Il erre plus qu’il ne vit, hanté par la
est entraîné, baladé, brin- culpabilité et la souffrance mentale qui en découle. Arrivé depuis peu dans la ville
guebalé par cette histoire de Savannakhet, au Laos, il travaille dans une immense manufacture tenue par une
peuplée de personnages puissante famille chinoise dont la fille serait atteinte d’une maladie qui l’empêcherait
étranges [la plupart sont de voir la lumière du jour. Pour en avoir le cœur net, Werner se cache une nuit dans
des animaux]. Malgré le jardin, au bord de l’étang, et épie la belle jeune femme. Il en tombe immédiatement
mes années de lecteur de amoureux. Après L’Art du chevalement, Loo Hui Phang et Philippe Dupuy changent
bande dessinée, je reste totalement de décor, tout en restant dans le registre du fantastique. Difficile de définir
scotché devant cet album ce qui relève du rêve ou de la réalité dans le parcours de ce soldat en quête de
qui est assurément le plus rédemption. Et c’est ce qui fait la beauté de ce conte cruel, servi par un dessin
abouti de tous. Un don du onirique, charnel et sensuel, qui sait jouer sur les couleurs pour mieux magnifier ses
ciel ! Frédéric Bosser atmosphères. Un voyage envoûtant. Philippe Peter

BUCK
RIEN DEMONT / SOLEIL

Album cartonné
La nuit des trolls
80 pages couleurs
le 4 mai
Il y a très longtemps, au cœur des montagnes, dans un coin
reculé de Norvège, alors qu’il gèle à pierre fendre, Helga,
la femme du fondeur de cloches, découvre avec horreur que dans son berceau, sa fille
Selma a été remplacée par une progéniture trolle, laide, répandant une affreuse odeur
de souffre. Les parents désespérés demandent à Buck, le chien qui se déplace avec sa
niche sur le dos afin d’échapper au froid, de partir à la recherche de leur pauvre enfant
et de l’échanger contre l’horrible petite trolle. Dans la neige et la froidure débute un
long jeu de piste qui finira par une improbable complicité entre Buck et l’enfant troll.
Inspiré par les légendes scandinaves, ce récit aux textes minimalistes en possède les
charmes mais aussi la noirceur dans sa seconde partie. Adrien Demont [né en 1986],
venu des Beaux-Arts d’Angoulême, propose des images aux ambiances fantastiques et
aux couleurs soignées. Un conte étrange aux sources de la mythologie nordique, destiné
aux enfants de tous âges. Un album envoûtant de l’excellente collection Métamorphose
dirigée par Barbara Canepa et Clotilde Vu. Henri Filippini

CRITIQUES / LES ÉTOILES dBD 85


NON BOF BIEN SUPER TOP!
CRITIQUES
Albums jeunesse

Une sélection de Marie Moinard

Toujours riche et diversifiée, la littérature jeunesse nous ravit par son dynamisme.
Qu’elle soit issue de petites structures ou de maisons plus connues, qu’elle se présente
sous la forme de bandes dessinées muettes pour les plus jeunes, de romans graphiques
ado ou de textes illustrés, elle maintient un niveau de création enthousiasmant et ne cesse
de nous entraîner vers l’imaginaire. Petits albums, mais grandes lectures !

Albums
jeunesse
Classique
Il était une fois [c’est souvent comme ça
que les contes commencent] une famille
très pauvre qui vivait dans la forêt.
Un jour, pour ne pas mourir de faim,
le père décide d’abandonner ses enfants
dans les bois. Mais l’un des enfants a tout
entendu et tente de se protéger grâce à
un plan. Il emmène avec lui une miche
de pain et sème des miettes tout au long
du trajet. Il ne lui restera plus qu’à suive
ces petits bouts de pain pour retrouver son chemin. Malheureuse-
ment, les oiseaux ont tout picoré et le frère et la sœur sont
désespérés. D’autant qu’une méchante sorcière va les emmener
chez elle. Leur destin est tracé : ils seront mangés. Comme
toujours, les contes font peur. Dans cette version du récit des
frères Grimm, adapté en bande dessinée muette, le succès des
auteurs tient dans le subtil ajout de douceurs dans la cruauté
comme l’apparition de la rassurante maison en pain d’épice et du
style rond du dessin. Les couleurs acidulées renforcent le côté
sécurisant de la lecture, aidée par les titres en lettrage bien lisible
en haut de chaque page. L’effort éditorial en direction des plus
petits est significatif. Cette excellente collection propose
également une leçon de dessin pour se détendre et le texte
classique en lecture en fin d’album pour les plus grands.

> HANSEL ET GRETEL, par Mathilde Domecq


BAMBOO. Album cartonné, 46 pages couleurs, disponible.
BD jeunesse à partir de 4 ans

86 CRITIQUES / ALBUMS JEUNESSE


Humour
Doudou légendaire Renaissance Beaux-Arts

Perdu sur la route de l’immigration, Après le succès phénoménal des Les Bacon Brothers, d’anciennes Musnet, une petite souris voyageuse,
un ours en peluche échoue sur une aventures des Légendaires stars du showbiz, voient leur carrière atterrit après un long périple et grâce
plage et devient la coqueluche de [4 millions d’albums vendus], les redémarrer après vingt ans d’oubli à l’aide de Mya dans l’atelier de
la classe de monsieur Lepillier qui auteurs ont eu envie de relever le quand un de leurs vieux tubes fait le Rémi, un peintre. Musnet cherche
l’a trouvé. Deuxième vie pour ce défi de parodier leur propre série. buzz sur Internet. Les trois vieux du travail et propose son aide à
doudou qui se croyait abandonné L’idée veut que les personnages se musiciens, encouragés par leur l’artiste débordé, qui l’embauche
et qui, dorénavant, va passer ses retrouvent dans des situations ancien agent, repartent en tournée en échange de cours de peinture.
week-ends chez chaque enfant décalées avec des rôles moins aux États-Unis. C’est l’occasion pour Et dans la foulée, la souris va être
à tour de rôle. L’album permet flatteurs. Et ça marche là encore ! les jeunes lecteurs de découvrir un hébergée par la très accueillante
Sous la forme de gags en une
d’aborder des thèmes comme le beau voyage et des personnages famille de Mya. Les découvertes
planche avec un dessin fouillé et
regard que l’on peut porter à l’autre, empruntés aux contes traditionnels, artistiques ne font que commencer
riche, les idées, sans être forcément
tels que les migrants et les gitans. sous les traits des trois petits pour le souriceau, son chemin le
très originales, sont racontées de
Les sujets sont posés, aux adultes façon vraiment drôle. On lit un cochons. Le dessin et la mise en conduisant rapidement dans l’atelier
de prendre le relais. L’histoire album Parodia pour rire et se scène sont les gros atouts du livre. de Monet. En survolant l’œuvre
tendre est écrite par les scénaristes détendre. Le fan-club sera peut-être Belle surprise pour une aventure des grands peintres au travers du
bien connus de Yaya [succès des déstabilisé. drôle et attendrissante. regard curieux de quelques souris,
éditions Fei]. on assiste à la naissance d’un futur
> LES BACON BROTHERS grand peintre. Original.
> AZIL, par Omont, > HÉROS EN DÉLIRE, – RETOUR EN AMÉRIQUE,
Girard & Wenisch. par Sobral & Jung. DELCOURT par CALI & BADEL. ABC > MUSNET T.1, par Kickly.
LA GOUTTIÈRE. Album cartonné, JEUNESSE. Album cartonné, MELODY. Album cartonné, DARGAUD. Album cartonné,
40 pages couleurs, disponible. 32 pages couleurs, disponible. 32 pages couleurs, le 11 mai. 56 pages couleurs, disponible.
BD jeunesse dès 5 ans BD jeunesse dès 8 ans BD jeunesse dès 6 ans BD jeunesse dès 7 ans

Solidarité Chemin de traverse


Coincé sur son fauteuil roulant, le jeune Très spontanément, le jeune Masatomo, 7 ans, dit
Léo rêve de voler. Voler comme les oiseaux. qu’il ne comprend pas la leçon à madame Ôshima,
Malgré son handicap, l’enfant s’imagine la maîtresse. Ça lui vaut une belle gifle qui le laisse
aux commandes d’un avion lorsqu’il sera en état de choc et dans une incompréhension
adulte. Aidé par son frère aîné, il s’essaie totale. Perdu et traumatisé par ce geste violent de
aux avions de papier en attendant de la part de l’enseignante, l’enfant bloque tous les
pouvoir réaliser son rêve. Rêve qui semble matins et ne peut plus aller à l’école. À tel point
inaccessible et pourtant, dans son parcours que ses parents l’emmènent à l’hôpital.
rempli d’embûches, de brimades de la part Mais le blocage est important et les brimades que
d’autres enfants et d’intimidations, l’enfant le garçon ressent depuis ce jour l’empêchent de
va croiser la route des Chevaliers du ciel. mener une vie normale. Il ne pourra plus suivre comme les autres et
Cette équipe de pilotes s’est donné pour mission d’accéder aux restera en marge tout au long du cursus scolaire. Envahi par un
projets des enfants malades. Leur méthode : mélanger les enfants sentiment d’infériorité, il n’aura de cesse de chercher la perfection.
valides et en bonne santé et les enfants handicapés. Une bonne Son parcours atypique le guidera vers le dessin grâce auquel il deviendra
façon de combattre le rejet de la différence. L’album met en scène mangaka à force de travail à la maison et de persévérance. Devenu ado
un petit héros et ses amis, tous pris au piège de leur corps ou de et toujours déscolarisé, il croisera la route du grand Toriyama [Dragon
leur mental, et montre le cheminement de l’un de leurs camarades Ball] qui signe la postface de ce récit.
valides. Pas tout à fait idyllique mais pas loin, on espère que la Nombreux sont les jeunes déscolarisés aujourd’hui, et la France n’y
réalité n’est pas trop éloignée de cette fiction. échappe pas. Les problèmes de harcèlement et de violence, bien décrits
Rêves de gosse a le mérite de donner un rôle important à dans l’album, sont des facteurs de rejet importants envers le système
ces enfants différents l’espace d’un instant. L’association Les éducatif. Même si le récit laisse un espoir à tous ceux qui sortent du
Chevaliers du ciel existe depuis vingt ans. Belle initiative.
circuit – tout n’est pas perdu –, le constat est amer.

> RÊVES DE GOSSE, > SANS ALLER À L’ÉCOLE, JE SUIS DEVENU


par Saint-Dizier & Fernandez. MANGAKA, par Syoichi Tanazono. AKATA.
GLÉNAT. Album cartonné, Album broché, 304 pages N&B, disponible.
48 pages couleurs, le 4 mai. BD tout public. Manga à partir dès 8 ans

CRITIQUES / ALBUMS JEUNESSE 87


JE ME SOUVIENS
Paul Gillon

> Paul Gillon chez lui en 2008,


lors d’une rencontre avec la rédaction
de dBD
© Photo C. Lebédinsly pour dBD

PAUL

GILLON
GILL EN CINQ ACTES
ACTE 1 :
DANS LES COULISSES
DU SPECTACLE
Souffrant d’une tuberculose des os,
le jeune Paul, qui est retenu à l’hôpital
de 6 à 12 ans, occupe son temps en
Décédé il y a tout juste cinq ans, le 21 mai dessinant. Son père décédé, il vit à Montreuil-sous-Bois
entre sa mère et sa grand-mère. Grand lecteur des jour-
2011, alors qu’il venait de fêter ses 85 ans
naux de l’âge d’or, Mickey, Robinson, Aventures, Hurrah !,
[il est né le 11 mai 1926], Paul Gillon est l’un Junior..., il y découvre les grands héros américains, Prince
des plus grands auteurs de notre bande Vaillant, Guy l’Éclair, Terry et les pirates, Tarzan... Fasciné par
dessinée hexagonale. Curieusement, en le monde du spectacle, il espère pouvoir le fréquenter grâce
ces temps où les intégrales ont tendance à à ses talents de dessinateur. Il y parvient grâce à l’aide de
rééditer tout et n’importe quoi, rares sont les Charles Trenet, relation d’un proche, en illustrant les « petits
éditeurs qui proposent l’œuvre de Paul Gillon formats », modestes feuilles pliées en deux qui à l’époque
proposaient paroles et musique des chansons en vogue.
aux nouvelles générations de lecteurs, un
Il en publie beaucoup entre 14 et 16 ans, vivant une vie de
auteur dont les planches de format grand aigle bohème, rencontrant les vedettes qui le faisaient rêver,
au noir et blanc épuré et élégant laissent sans Vadim, Charles Aznavour, Juliette Greco, Daniel Gélin et
voix ceux qui ont eu la chance de les admirer. bien d’autres. Dès l’après-guerre, il se lance dans la réalisa-
dBD vous invite à revenir en cinq actes sur la tion de caricatures pour la presse qui à l’époque foisonne
carrière de ce géant de la bande dessinée. [Gavroche, France Dimanche, Samedi soir...], couvrant
Henri Filippini la danse, le cinéma, le théâtre, le music-hall... croisant les
gloires de l’époque. « Avec ma carte de presse, j’assistais

88 JE ME SOUVIENS / PAUL GILLON


> Les Naufragés du temps
© Gillon / Glénat

à toutes les premières de théâtre, ACTE 2 : PLACE À LA BANDE longue marche de Mao écrit par Roger
cinéma, danse... J’ai connu à cette DESSINÉE POPULAIRE Lécureux, puis la reprise en 1954 de
époque Roland Petit, Leslie Caron, 1947 : Reçu par Roger Lécureux, Capitaine Cormoran, série de flibuste
Jean Babilée, Zizi Jeanmaire à leurs Jean Ollivier, tous deux scénaristes, créée par Lucien Nortier, la création
débuts... enfin toutes es les gloires dan-
dan et René Moreu,
Moreu ré rédacteur en chef de de Wango avec Ollivier et Lécureux en
santes de l’époque. Vaillant le je
Vaillant, eune Paul est aussi- 1958, histoire d’aventures exotiques
J’en suis encore tôt accueilli au sein de la petite poursuivie par Coelho, collaboration à
tout étonné. » Puis équipe de l’hebdomadaire com- 34 Camera Pocket édité par Vaillant
il se rend compte muniste. Il y reprend une série dont il signe de nombreuses couver-
que peu à peu, la de brouss se
e créée par Roger tures... Ne pouvant publier toute sa
photo grignote la Lé éccureux et Rob Sim production dans Vaillant où il signe de
place des dessins [Robert Simonot], nombreuses illustrations, il collabore à
dans la grande Lynx blanc. Vaillant Fillette et surtout au Journal de Mickey
presse. Lorsqu’un devient sa seconde où, dès 1961, il signe des adaptations
ami lui conseille un maison, il passe de séries télévisées, La Déesse d’or
jour de se tourner beaucoup
b de temps et plusieurs épisodes du Temps des
vers la bande dessi-- à la rédaction, et copains, feuilleton fameux des débuts
née qui a la réputa- le
es
e créations du de la télévision. Pour Radar, le grand
tion de bien payer, il je
eune dessinateur se hebdomadaire des faits divers, il met
se rend à la rédactio on mu
m ultiplient, à com- en images en 1956 les aventures de
de l’hebdomadaire me e
encer par Fils de Rex qu’il réalise au lavis, succédant au
Vaillant. Il a 21 ans. Chhine en 1950, flam- dessinateur italien Ferrari.
Fin du premier acte. boy ya
ant récit de près de Le plus beau fleuron de ces premiers
200 pages
p évoquant la pas dans l’univers de la bande

> Fils de Chine et Wango, éditions néerlandaises


© Lecureux & Gillon / Panda
JE ME SOUVIENS / PAUL GILLON 89
> Les Naufragés du temps
© Gillon / Glénat

> Le Club des cinq


© Gillon

dessinée popu-
> 13 rue laire demeure
de l’Espoir 13 rue de l’Espoir,
© Gall & Gillon
strip quotidien
écrit par les
journalistes et
romanciers
Jacques et
François Gall.
Cette longue
collaboration ACTE 3 : LA SCIENCE-FICTION
débute le 5 C’est dans la foulée du succès Gillon n’est pas un inconnu. Quatre épi-
mai 1959 dans de son Salut les copains que Daniel sodes seront publiés par le quotidien
France-Soir et s’y Filipacchi lance en 1964 l’hebdoma- de Pierre Lazareff, puis la saga se pour-
poursuit jusqu’au daire Chouchou [nom de la mascotte suit en 1977 dans Métal Hurlant, Paul
7 décembre de SLC dessinée par Fix] au format Gillon assurant désormais scénario et
1972, totalisant géant 40x55. Journal mythique, comp- dessin. La disparition de Métal Hurlant
4 139 strips. Une performance digne tant seulement neuf numéros [mieux et le rachat par de nouveaux éditeurs
des grands maîtres américains du vaut oublier les suivants] où se sont qui ne lui conviennent pas contraignent
genre qu’il admire. 13 rue de l’Espoir retrouvé toutes les grandes signatures Paul Gillon à mettre un terme aux aven-
raconte les aventures sentimentales de de la BD française de l’époque, Poïvet, tures de son couple mythique en 1989
Françoise, jeune et jolie blonde vivant Pichard, Gloesner, Novi, Hidalgo... après la parution du dixième épisode.
dans une banlieue paisible avec son et bien entendu Paul Gillon qui, avec Bien que l’ayant souhaité à plusieurs
père ébéniste, entourée de nombreux Jean-Claude Forest [sous le reprises, il n’aura plus l’oppor-
personnages récurrents. Notons que pseudonyme Jean-Claude tunité de donner une suite
tous ces strips ont été réunis dans Valherbe], propose les à la série la plus impor-
deux « bottins » mythiques par les premières planches tante de sa longue
Humanoïdes associés en 1981 et 1982. des Naufragés du carrière. Outre Les
Tout en œuvrant dans le domaine temps, somp- Naufragés du
plus adulte de la presse quotidienne, tueuse saga temps, Paul Gillon
Paul Gillon continue de signer des fantastique est l’auteur de
œuvres pour la jeunesse, Jérémie dans aux confins courtes histoires
Pif Gadget [8 récits complets de 1968 à du système de SF dans les
1973], Téva dans le Journal de Mickey solaire, hélas numéros hors
de 1974 à 1977, sans oublier les su- interrompue par série de Métal
perbes adaptations de Moby Dick et de le naufrage de Hurlant [réunis
Notre-Dame de Paris. On lui doit aussi Chouchou. Il faut dans les albums
les nouvelles couvertures du fameux attendre 1974 pour Les Mécanoïdes
Club des cinq pour la Bibliothèque en savourer la reprise Associés et
Rose de 1991 à 1998. dans France-Soir où Processus de survie].

> Les Naufragés du temps


© Gillon / Glénat
90 JE ME SOUVIENS / PAUL GILLON
> La Survivante
© Gillon / Glénat

ACTE 4 : L’ÉROTISME ACTE 5 : n’avaient pas les albums pour survivre


C’est avec un récit de science-fiction LA BD ADULTE dans la mémoire des lecteurs. Quel
que Paul Gillon fait son entrée dans Ce n’est pas en éditeur aura l’heureuse initiative d’offrir
le domaine de ce que l’on peut simple témoin que à l’œuvre de Paul Gillon l’écrin qu’elle
qualifier de bande dessinée Paul Gillon assiste à mérite ?
coquine, ou plutôt gentiment l’avènement d’une
érotique. Alors que Métal bande dessinée En attendant ce jour faste, on peut
Hurlant agonise, L’Écho adulte, lui le dessina- se procurer les albums encore dispo-
des savanes repris par teur qui a si longtemps nibles chez les éditeurs. Les éditions
Albin Michel connaît un beau travaillé pour la jeunesse. Glénat proposent la réédition en grand
succès depuis qu’il a adopté Il entend bien y parti- format des dix albums des Naufragés
une formule plus adulte. La ciper et y laisser son du temps dont les couleurs ont été
Survivante, tout en restant une série empreinte. L’adaptation refaites par Hubert, l’intégrale de La
classique somptueusement dessinée, avortée dans Vécu [deux Survivante et les quatre volumes de
met en scène Aude, jolie jeune femme épisodes seulement] L’Ordre de Cicéron, sans oublier le
qui de retour d’une plongée sous- en 1986 en compagnie tome 7 du Décalogue [Les Conjurés]
marine découvre qu’elle est l’unique de Patrick Cothias d’Au et l’intégralité de Fils de Chine. Les
survivante d’un mystérieux cataclysme. nom de tous les miens, éditions Dupuis peuvent encore fournir
Inutile de préciser que les séquences le best-seller de Martin aux libraires les trois albums de la col-
chaudes dessinées par Gillon ont Gray, en est la première lection Aire libre [La Dernière des salles
marqué l’imagination de plus d’un pierre. C’est la prestigieuse obscures et La Veuve blanche] et le
lecteur. Quatre albums racontent le collection Aire libre des éditions Dupuis tome 2 de Quintett [L’Histoire d’Alban
combat de la dernière [peut-être pas] qui sert d’écrin à des one-shots aux Méric]. Peu de choses donc, et introu-
humaine face aux machines. Toujours images somptueuses. Parution en vables en librairie sans les commander.
1996 et 1998 du diptyque La Dernière Se lancer dans la réédition intégrale de
des salles obscures où il évoque avec cette œuvre monumentale serait faire
le scénariste Denis Lapière la carrière preuve d’audace et de bon goût, en
fascinante d’un producteur centenaire un temps où le dessin
dont la vie a traversé toute l’histoire du facile grignote
cinéma. En 2002, La Veuve blanche peu à peu
raconte le destin de Valérie, veuve le sur le beau
jour de ses noces. Après avoir participé dessin.
aux séries concept Le Décalogue [le
tome 7 en 2002] publié chez
Glénat et Quintett [le tome 2 en
2005] édité par Dupuis, toutes > L’Ordre de
Cicéron
deux écrites par Frank Giroud, © Malka & Gillon / Glénat

il se lance dans son ultime


création, L’Ordre de Cicéron,
aux éditions Glénat. En quatre
albums, Richard Malka, l’ex-avo-
cat de Charlie Hebdo, propose
une saga familiale située dans
> Jehanne la pucelle le domaine de la justice, tra-
© Gillon / Glénat versant la période trouble de
dans le registre l’avant-guerre jusqu’à nos jours.
dénudé, Paul Paul Gillon ne réalise hélas que
Gillon campe en 1993 une Jehanne im- les trois premiers albums. Malade, il lui
pudique et belle dont un seul des deux faudra puiser dans ses dernières forces
épisodes sera publié dans L’Écho des pour parvenir à terminer ce troisième
savanes. Édité directement en album album paru en 2009. C’est Jean-
en noir et blanc, le second épisode Marie Ponzio qui termine la série
permet de savourer la pureté du trait en 2012.
d’un dessinateur au sommet de son
art. Moins hard, malgré de nombreuses Alors que les monographies
séquences chaudes, Les Léviathans, dédiées à des auteurs de bandes
thriller contemporain en trois épisodes, dessinées se multiplient, et pas tou-
connaît un destin compliqué. Lancé en jours judicieusement, il n’existe pas
1978 dans L’Hebdo de la BD, poursui- un seul ouvrage digne de ce nom sur
vi dans Métal Hurlant et Casablanca, Paul Gillon et son œuvre immense.
pour finir en album direct chez Albin Injustice, certes, mais aussi et surtout
Michel en 2000, ce récit mêle finance constat du fossé qu’il existe entre les
et politique. Toujours dans le domaine auteurs ayant collaboré à Tintin ou
de l’érotisme, on lui doit quelques récits Spirou [et Pilote] et les
complets proposés dans les pages collaborateurs des
très chaudes de BD Penthouse. journaux français qui

JE ME SOUVIENS / PAUL GILLON 91


QUOI DE NEUF ?
Une rubrique animée par Henri Filippini
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LE GANG MAZDA T.2


DANS TA BULLE MÉGA BD KIDS T.4
DRUUNA T.2
Créé en 1987 dans les pages de Spirou,
Max, garçon discret et sympathique Ce copieux volume au petit prix permet
Voici déjà le second volume de cette Le Gang Mazda évoque le quotidien
qui éprouve du plaisir à se promener de retrouver dans d’excellentes
réédition soignée de la série phare de d’un trio de dessinateurs dont l’atelier
dans les rues de sa ville de Marseille, conditions de reproduction la plupart
Paolo Eleuteri Serpieri, depuis plusieurs commun est situé au-dessus d’un ancien
raconte sa bulle. Célibataire solitaire des héros comiques dont les aventures
années introuvable en librairie : Creatura garage... Mazda. Les récits proposés
dans un premier temps, il finit par sont publiées dans les pages des divers
et Carnivora, les deux premiers albums dans ce second volume s’éloignent de
rencontrer l’âme sœur après une soirée magazines du groupe Bayard Presse
publiés en 1990 et 1992 aux défuntes plus en plus des véritables modèles,
alcoolisée, la jolie et gentille Coquillage, [Astrapi, J’aime lire, Images Doc,
éditions Bagheera. Épisodes qui évoquent Bernard Hislaire, Marc Michetz et
qui désormais partage ses longues J’aime lire Max...]. Notons Tralaland, La
la rencontre entre Will et la pulpeuse Christian Darasse. Tome signe des
promenades. Intimiste et sensible, cet Cantoche, Pipelette, Anatole Latuile,
Druuna dans les dédales du vaisseau à scénarios drôles et proches du vécu des
ouvrage joliment dessiné réunit les trois Michel, Ariol, Kiki et Aliène... signés par
l’abandon. Rêve ou réalité ? Qu’importe, créateurs de BD à la fin du XXe siècle.
albums publiés par Domas [qui a débuté Marion Montaigne, Marc Boutavant, Dewi
illusion ou non, la belle promène son corps Christian Darasse, futur dessinateur
en illustrant des jeux], Litost, 3 minutes Noiry, Nob, Bruno Madaule, Clément
dénudé dans ces décors de fin du monde de Tamara, illustre d’un trait alerte et
et Souvenir de moments uniques. Devaux, Nicolas Hubesch... Du beau
pour le plus grand bonheur des yeux. vivant ce trio d’auteurs animés par la
À noter que ces récits ont inspiré un monde ! Un excellent moyen de découvrir
Cet ouvrage est accompagné d’un cahier passion pour leur métier. Ce bel ouvrage
spectacle théâtral itinérant à partir ces sympathiques séries jeunesse sans
graphique qui permet d’admirer quelques accompagné d’un copieux dossier
de 2011. avoir à acheter les journaux dont les prix
belles images du maître italien. signé Damien Pérez présente les quatre
derniers albums de la série disparue en > DANS TA BULLE de vente sont élevés.
Quatre intégrales sont annoncées avant
par Domas. > MÉGA BD KIDS T.4
l’arrivée d’une nouveauté. 1996 faute de ventes suffisantes. La Boîte à Bulles.
> DRUUNA T.2 > LE GANG MAZDA T.2 Auteurs divers. Bayard Éditions,
Album broché, 32 €. album souple, 196 pages couleurs,
Par Paolo Eleuteri Serpieri. Par Tome & Darasse.
Éditions Glénat. Album cartonné, Éditions Dupuis. Album cartonné, petit format, 12,90 €.
152 pages couleurs, 19,50 €. 240 pages couleurs, 24 €.

LA PATROUILLE LES CHANSONS TIME IS MONEY


DES CASTORS T.7 DE GAINSBOURG
En 1969, Fred, transfuge génial d’Hara-Kiri,
Trop occupé par ses travaux pour la télévision, C’est en 2005 et 2006 que les éditions Soleil et Alexis, jeune dessinateur promis à un bel
Jean-Michel Charlier abandonne La Patrouille des ont consacré trois ouvrages aux chansons de avenir [hélas ! interrompu à 31 ans], unissaient
Castors dont Mitacq propose dans un premier temps Serge Gainsbourg réalisés sous la direction leurs grands talents pour lancer Timoléon
scénario et dessin. Cette avant-dernière intégrale de Christophe Arleston. Une solide équipe de dans les pages de l’hebdomadaire Pilote.
reprend quatre épisodes réalisés entre 1984 et 1989. dessinateurs a collaboré à ces adaptations : Timoléon et le vieux Joseph, deux farfelus
Poulain, Chat, Tapir, Faucon et Mouche, les Castors, Alary, Mourier, Peynet, Francq, Dany, Tarquin, sans un sou en poche, sont persuadés de
vivent des aventures moins exotiques, plus en prise Cartier, N’Guessan, Lauffray, Varanda, Barbucci, pouvoir faire fortune grâce à une antique
avec notre époque. Outre L’Empreinte qui reprend Mœbius... et beaucoup d’autres. Après une machine à voyager dans le temps. Les trois
des histoires courtes, on peut lire L’Île du crabe, première intégrale publiée en 2007, une seconde albums d’origine, Time is Money, 4 pas dans
Blocus et Le Calvaire du mort pendu dont le scénario en 2012, en voici une troisième proposée dans l’avenir et Joseph le borgne, sont réunis dans
est signé Marc Wasterlain. Si la magie Charlier une version luxueuse. Du Poinçonneur des Lilas cette édition intégrale, complétée par des
n’opère plus, ces histoires se relisent avec plaisir. Un à Melody et Marilou, tous les succès du chanteur documents inédits. Un bel ouvrage digne de ce
copieux dossier aux nombreux documents inédits, sont présents sous les crayons inspirés de dessi- petit chef-d’œuvre d’humour.
signé Gilles Ratier, complète cet album. nateurs venus des horizons les plus divers. > TIME IS MONEY
> LA PATROUILLE DES CASTORS T.7 > LES CHANSONS DE GAINSBOURG Par Fred et Alexis.
Par Wasterlain & Mitacq Ouvrage collectif. Éditions Dargaud. Album cartonné,
Éditions Dupuis. Album cartonné, 264 pages Éditions Soleil. Album cartonné, 200 pages couleurs, 29 €.
couleurs, 28 €. 240 pages couleurs, 49,90 €.
92 QUOI DE NEUF / INTÉGRALES
Hugo : pas même
un premier pas
pour Bédu
Pour la plupart des lecteurs de bandes dessinées,
HUGO
Bédu est avant tout le dessinateur des Psy qu’il anime
avec son compère Raoul Cauvin dans les pages du journal de Spirou depuis 1992. Avant
la création de cette série à succès, Bernard Dupont [c’est son nom] a dessiné une excellente
reprise de Clifton [scénario de De Groot ou seul], mais d’autres travaux de qualité avaient
précédé ces deux séries à succès. Assistant de Berck depuis 1972 [Sammy], Bédu écrit et
dessine pour Tintin les aventures de Beany le Raton en 1977, puis crée Le P’tit Prof et Ali Béber
avec le scénariste Blareau. C’est après ces travaux de mise en bouche qu’il crée seul la série
Hugo, toujours pour Tintin, en 1981. Sympathique troubadour évoluant dans un univers bon
enfant, entre Moyen Âge et conte de fées, Hugo va de ville en ville, de château en château. Il
est accompagné par Biscoto l’ours brun à l’humeur capricieuse, Narcisse, curieux insecte vert
bavard à l’affreux accent italien, puis par la gentille fée Prune. Courageux, il vient en aide aux
jolies princesses comme aux pauvres bougres, combat les méchants seigneurs. Au dessin, Bédu
utilise avec habileté les ambiances et décors de l’époque, au fil d’histoires merveilleuses teintées
de fantastique. Hugo disparaît des pages de Tintin en 1990 lorsque son créateur passe chez Spirou. Ce sont les cinq albums publiés aux
éditions du Lombard et des histoires inédites que propose cette intégrale, complétée par un dossier richement illustré. Une excellente initiative !
> HUGO. Par Bédu. Éditions du Lombard. Album cartonné, 296 pages couleurs, 34,95 €.

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QUOI DE NEUF ?
Le Bulle-7URWʞHXU

Photos et textes Frédéric Bosser


© Boucq

Le
Bulle-7URWʞHXU
17 mars ZEP AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE LILLE
Après vous avoir annoncé l’interven-
tion de Zep aux musée des Beaux-Arts
de Lille, il était logique de le suivre
jusqu’au bout dans cette aventure [et
je ne dis pas cela parce que je suis
son fan absolu : j’ai une conscience
professionnelle !] et d’aller dans le
Nord pour observer le résultat. Il a été
à la hauteur de nos espérances et de
ce que l’auteur de Titeuf nous avait
promis. Dans ce musée labyrinthique
et ces immenses salles, ses interven-
tions font à chaque fois mouche
[photos n° 5 à 9] et ses éditeurs n’ont 5
pas manqué de le lui dire lors du
vernissage [photo n° 2 : Guy Delcourt
et photo n° 3 : Guy Delcourt et
Jacques Glénat en présence de
François Boucq, venu en voisin].
Un grand bravo à trois personnes sans
qui cet événement n’aurait jamais pu
être monté : le programmateur d’art
contemporain Régis Cotentin, le 7
1
directeur du palais des Beaux-Arts
Bruno Girveau et l’agent de Zep,
Jean-Claude Camano [photo n° 4].

3 4 9

94 QUOI DE NEUF ? / LE BULLE-TROTTEUR


LES SOIRÉES DU NOMAD’S
29 mars 18 mars
MATHIEU BONHOMME ROMAIN RENARD
C’est au restaurant le Nomad’s [le même que pour le dBD n° 100]
que les éditions Dargaud ont organisé le lancement du Lucky Luke
version Matthieu Bonhomme. Fanny, la responsable du lieu,
a accueilli l’auteur de son beau sourire [photo n° 1] avant qu’il
n’accueille à son tour Catherine
Meurisse [4]. Cette soirée
fut l’occasion de nombreux
échanges entre Hugues Micol
et l’éditeur François Le
Bescond [2], Jean-Claude 1
Mézières et Patrick Sichère [5]
1
et avec Jul [3].
À peine revenu de Lille, mon scooter a pris
la direction du Nomad’s pour un concert
privé de Romain Renard [photos n° 1 et 2]
autour de sa série Melvile, le deuxième opus
venant tout juste de sortir aux éditions du
Lombard. Ce fut l’occasion pour cet éditeur
d’inviter les auteurs présents à Paris cette 2

2 4 semaine-là pour le Salon du Livre. Godi,


Callède et Brunschwig [photo n° 3], Godi [photo n° 4], Brunschwig et Sylvain
Vallée [photo n° 5] et les deux têtes pensantes de la toute jeune Petite Bédé-
thèque des savoirs, David Vandermeulen et Nathalie Van Campenhoudt [photo
n° 6] faisaient partie de ceux-là. Une bien belle soirée au son de la guitare
électrique de cet auteur aux multiples talents... On en redemande.

3 5

10 février VERNISSAGE GELUCK


Philippe Geluck était bien
3 4
entouré le soir du vernissage
de son exposition au Musée
en herbe. Parmi ses invités
se trouvait notamment
Laurent Ruquier, qui n’a pas
manqué d’échanger
quelques mots avec l’auteur
du Chat. Courez découvrir
ses très réussis hommages
aux grands maîtres de l’art : Basquiat, César, Fontana, Klein,
5 6
Soulages, Warhol... C’est jusqu’au 31 août.

31 mars FESTIVAL
D’AIX-EN PROVENCE
Quel bonheur que d’être accueilli par le « gang des tractions avant »,
partenaire du festival BD d’Aix-en-Provence, et d’avoir le privilège d’entrer en
3 leur compagnie dans cette charmante ville du
Sud de la France [photo n° 1]. Sur place, nous
avons retrouvé Romain Renard et son complice
1
des Chroniques de Melvile Jean-Claude Carrière
[photo n° 3], assisté à la rencontre entre
Brecht Evens et Olivier Schrauwen dirigée par
Jean-Pierre Mercier [photo n° 2] et à l’exposi-
tion de Typex [ici avec Michel Fraisset] autour
de son Rembrandt [photo n° 4] à l’atelier de
Matisse.
2 4

QUOI DE NEUF ? / LE BULLE-TROTTEUR 95


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COUVERTURE : BRIGITTE BARDOTÊ^ÊÓä£ÈʈœÊ>˜>À>

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