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Mais Clotaire se révolte.
– Si c’est pour être puni comme à l’école, je préfère rentrer chez moi !
– Moi aussi, renchérit Alceste. Et d’abord, je ne suis pas un bouffon !
– Ouais, et moi je ne suis pas un cheval ! se rebiffe Eudes.
Geoffroy ne veut rien entendre.
– HÉ ! C’est MON drapeau, alors ici c’est MOI qui commande.
– Dans ce cas, on va aller jouer ailleurs ! décrète Nicolas.
Il emboîte le pas à ses copains, et la petite troupe de rebelles quitte le terrain vague.
– Bon débarras ! les chasse Geoffroy. Et gare à vous si vous revenez sur nos terres !
Les garçons se ruent vers la cuisine.
– Tu tombes bien, Nicolas, dit sa mère. Tu n’aurais pas vu un drap que j’avais posé là en attendant de le
recoudre ?
– Euh… non, bégaie le garçon en cachant le rouleau derrière son dos.
– Je l’ai peut-être laissé dans le salon, alors ? reprend sa mère, en quittant la pièce d’un air préoccupé.
Les quatre chevaliers en profitent pour prendre la poudre d’escampette…
De retour au terrain vague, ils se cachent derrière la palissade et jettent un œil vers la cabane. Elle est
solidement gardée : armés d’épées de bois, Rufus, Maixent, Joachim et Geoffroy s’entraînent au
combat devant la porte.
– Ça ne va pas être facile d’aller planter notre drapeau, chuchote Clotaire.
– On n’a qu’à foncer dans le tas ! propose Eudes.
– Hum… j’ai une meilleure idée, susurre Nicolas avec un sourire rusé.
Quelques minutes plus tard, Alceste et Clotaire s’approchent de la cabane.
– Qu’est-ce que vous faites sur notre territoire ? menace Geoffroy en les apercevant.
– On a laissé tomber la bande de Nicolas, on voudrait jouer avec vous, ment Clotaire.
– Et pourquoi ça ?
– Ils veulent passer par ce trou dans le mur pour vous attaquer par surprise et voler votre drapeau… le
baratine Clotaire.
– Mais nous, on pense qu’ils n’ont aucune chance : vous êtes trop forts, le flatte Alceste.
Geoffroy bombe le torse.
– Eh bien, ils vont voir ce qu’on leur réserve ! EN AVANT, chevaliers !
Suivi de ses soldats, il court tout droit vers l’endroit désigné par Clotaire.
Celui-ci en profite pour grimper sur une pile de caisses et s’emparer du drapeau. Mais un bruit alerte
Geoffroy.
– C’était un piège ! s’écrie-t-il en rebroussant chemin. Capturons-les !
Rapide comme l’éclair, Clotaire lance le drapeau à Alceste.
– SAUVE-TOI !
Le garçon s’enfuit avec son butin aussi vite que ses jambes potelées peuvent le porter.
– Occupez-vous de Clotaire ! ordonne Geoffroy à ses chevaliers. Rufus et moi, on se charge d’Alceste !
Les deux garçons ont bientôt rattrapé le gourmand : ils le coincent contre la palissade. Ce dernier
annonce alors :
– Si vous faites un pas de plus… je mange le drapeau !
De son côté, Clotaire est resté perché sur les caisses.
– Descends, traître ! le pressent Joachim et Maixent.
– Venez plutôt me chercher !
Profitant de cette diversion, Eudes et Nicolas sont entrés sur le terrain vague, ni vu ni connu.
Tandis que Geoffroy et Rufus, toujours occupés avec Alceste, ont le dos tourné, Nicolas court vers
l’arbre et grimpe aux branches. Il crie à Eudes :
– Passe-moi le drapeau ! Je vais l’attacher tout en haut !
Geoffroy, qui l’a entendu, fait volte-face.
– SUS À L’ENNEMI ! hurle-t-il.
Mais c’est trop tard : le drapeau à l’aigle flotte déjà dans les airs.
– Mission accomplie ! triomphe Nicolas. Le terrain est à nous, maintenant !
– JAMAIS ! rugit Geoffroy, hors de lui.
Il saisit une boîte de conserve vide, qui traîne par terre, et la lance en direction de Nicolas. La boîte
manque sa cible. Elle rebondit sur le tronc, franchit la palissade et… BING ! atterrit sur le képi d’un
policier, dans la rue.
Ce policier n’est autre que le papa de Rufus ! Furieux, il rapplique aussi sec.
– Qui m’a jeté ça sur la tête ?
– C’est lui ! accuse Nicolas en désignant Geoffroy.
– Non, c’est la faute de ces guignols ! nie ce dernier.
– Espèce de menteur !
– Bande de voleurs de drapeau !
– Répète un peu pour voir !
– ÇA SUFFIT ! tonne le père de Rufus. Puisque vous n’arrivez pas à jouer sagement, je vous interdis de
venir sur ce terrain vague jusqu’à nouvel ordre. Allez, oust !
Exilés dans la rue, les garçons croisent Marie-Edwige.
– Vous en faites une tête ! s’étonne celle-ci.
– Bah ! c’est qu’on a perdu notre territoire et notre château ! lâche Nicolas.
– Vous peut-être, mais MOI, j’en ai toujours un, de château : ma maison ! se vante Geoffroy.
– C’est vrai qu’elle est grande, note Rufus. On n’a qu’à aller y jouer !
Geoffroy s’incline vers Marie-Edwige et lui fait le baisemain.
– Voudrais-tu être notre princesse ?
– Oh, oui ! se trémousse la coquette.
– Pfff ! crache Nicolas en les regardant partir. Ne vous inquiétez pas, les gars : nous aussi, on peut avoir
une princesse. Et même une plus belle !
Il va sonner chez Louisette.
– NON ! refuse celle-ci après avoir écouté les garçons. Pas question que je fasse la potiche. Moi aussi, je
veux être chevalier !
Elle se dirige vers son vélo, saisit son casque et lance d’un ton guerrier :
– TOUS À CHEVAL ! Allons conquérir les terres barbares !
Oriflamme en tête, armée d’épées et de balais, la troupe de Louisette part donc au combat. Or, elle n’a
pas franchi l’angle de la rue qu’elle tombe nez à nez avec la troupe de Geoffroy… en train de suçoter
des bonbons devant la boulangerie.
– À L’ATTAQUE !
Une bataille épique s’engage, au beau milieu du trottoir !
Malheureusement, le papa de Rufus ne tarde pas à sonner, avec son sifflet, la fin de la bagarre.
– Il est interdit de jouer dans la rue, vous troublez l’ordre public !
– D’habitude, on s’amuse sur le terrain vague, proteste Maixent. Mais là, on n’a plus le droit…
– Eh bien, allez mettre le bazar chez vous !
– Bonne idée, papa ! se réjouit Rufus. Venez, les gars : on va tous jouer chez moi !
– QUOI ! sursaute le policier, en se rendant compte de son erreur. Pas question ! Je ne vous autorise
pas à…
Trop tard ! Les chevaliers sont déjà repartis vers leur nouveau domaine… et d’autres aventures !
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Le Petit Nicolas
d’après l’œuvre de René Goscinny
et Jean-Jacques Sempé