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Cet

après-midi, Geoffroy a convoqué les copains dans la cabane du terrain vague.


– J’ai un truc TERRIBLE à vous montrer !
Il déroule un rouleau de tissu, avec une chouette dessinée au milieu.
– Voici une oriflamme !
– Une oriquoi ? sursaute Clotaire, qui n’y connaît rien en histoire.
– Un drapeau de guerre du Moyen Âge, andouille ! explique Geoffroy. Je propose que celui-ci devienne
l’emblème de notre bande.
Nicolas est emballé. Il s’empare du drapeau.
– Hissons-le sur le toit de la cabane !

La bannière flotte bientôt fièrement au sommet de la petite baraque en bois.
– Avec ça, notre cabane ressemble à un vrai château fort ! affirme Nicolas.
– Et si on jouait aux chevaliers ? s’écrie Joachim.
– Bonne idée ! opine Geoffroy, qui s’empresse de distribuer les rôles. Moi, je serai le seigneur. Nicolas,
mon écuyer et Eudes, mon cheval. Quant à Alceste, il sera parfait en bouffon ! Rufus et Maixent, vous
serez mes chevaliers, et Joachim, mon capitaine de la garde.

– Euh… je vais garder quoi ? demande le garçon.
– Clotaire ! poursuit Geoffroy. Il sera notre prisonnier. Allez, jetez-le aux oubliettes !


Mais Clotaire se révolte.
– Si c’est pour être puni comme à l’école, je préfère rentrer chez moi !
– Moi aussi, renchérit Alceste. Et d’abord, je ne suis pas un bouffon !
– Ouais, et moi je ne suis pas un cheval ! se rebiffe Eudes.
Geoffroy ne veut rien entendre.
– HÉ ! C’est MON drapeau, alors ici c’est MOI qui commande.


– Dans ce cas, on va aller jouer ailleurs ! décrète Nicolas.
Il emboîte le pas à ses copains, et la petite troupe de rebelles quitte le terrain vague.
– Bon débarras ! les chasse Geoffroy. Et gare à vous si vous revenez sur nos terres !

Dans la rue, Nicolas tape du pied par terre.


– C’EST PAS JUSTE ! Le terrain vague, il est à tout le monde !
– Ouais ! Même qu’on pourrait aller y planter un drapeau, nous aussi, râle Alceste.
– Sauf qu’on n’en a pas ! soupire Eudes.
– Allons chez moi, décide Nicolas. Je suis sûr que ma mère va nous aider à en fabriquer un.
– Maman ? appelle Nicolas, en poussant la porte de sa maison. (Pas de réponse.) Zut ! Elle a dû aller
faire des courses, souffle le garçon en inspectant la cuisine. (Il avise un linge posé sur la table.)
Regardez, je crois que ce drap déchiré fera un superbe drapeau !

Les enfants montent dans la chambre de Nicolas. Ils découpent le drap et y dessinent un aigle perché
sur des épées.
– Notre aigle ne fera qu’une bouchée de la chouette de Geoffroy ! se réjouit Clotaire.
Au même instant, une porte claque au rez-de-chaussée.
– C’est ma mère ! s’exclame Nicolas, en enroulant le tissu. Venez, on va lui montrer notre travail !


Les garçons se ruent vers la cuisine.
– Tu tombes bien, Nicolas, dit sa mère. Tu n’aurais pas vu un drap que j’avais posé là en attendant de le
recoudre ?
– Euh… non, bégaie le garçon en cachant le rouleau derrière son dos.
– Je l’ai peut-être laissé dans le salon, alors ? reprend sa mère, en quittant la pièce d’un air préoccupé.
Les quatre chevaliers en profitent pour prendre la poudre d’escampette…

De retour au terrain vague, ils se cachent derrière la palissade et jettent un œil vers la cabane. Elle est
solidement gardée : armés d’épées de bois, Rufus, Maixent, Joachim et Geoffroy s’entraînent au
combat devant la porte.
– Ça ne va pas être facile d’aller planter notre drapeau, chuchote Clotaire.
– On n’a qu’à foncer dans le tas ! propose Eudes.
– Hum… j’ai une meilleure idée, susurre Nicolas avec un sourire rusé.
Quelques minutes plus tard, Alceste et Clotaire s’approchent de la cabane.
– Qu’est-ce que vous faites sur notre territoire ? menace Geoffroy en les apercevant.

– On a laissé tomber la bande de Nicolas, on voudrait jouer avec vous, ment Clotaire.
– Et pourquoi ça ?
– Ils veulent passer par ce trou dans le mur pour vous attaquer par surprise et voler votre drapeau… le
baratine Clotaire.
– Mais nous, on pense qu’ils n’ont aucune chance : vous êtes trop forts, le flatte Alceste.
Geoffroy bombe le torse.
– Eh bien, ils vont voir ce qu’on leur réserve ! EN AVANT, chevaliers !
Suivi de ses soldats, il court tout droit vers l’endroit désigné par Clotaire.
Celui-ci en profite pour grimper sur une pile de caisses et s’emparer du drapeau. Mais un bruit alerte
Geoffroy.
– C’était un piège ! s’écrie-t-il en rebroussant chemin. Capturons-les !
Rapide comme l’éclair, Clotaire lance le drapeau à Alceste.
– SAUVE-TOI !
Le garçon s’enfuit avec son butin aussi vite que ses jambes potelées peuvent le porter.
– Occupez-vous de Clotaire ! ordonne Geoffroy à ses chevaliers. Rufus et moi, on se charge d’Alceste !

Les deux garçons ont bientôt rattrapé le gourmand : ils le coincent contre la palissade. Ce dernier
annonce alors :
– Si vous faites un pas de plus… je mange le drapeau !
De son côté, Clotaire est resté perché sur les caisses.
– Descends, traître ! le pressent Joachim et Maixent.
– Venez plutôt me chercher !
Profitant de cette diversion, Eudes et Nicolas sont entrés sur le terrain vague, ni vu ni connu.

Tandis que Geoffroy et Rufus, toujours occupés avec Alceste, ont le dos tourné, Nicolas court vers
l’arbre et grimpe aux branches. Il crie à Eudes :
– Passe-moi le drapeau ! Je vais l’attacher tout en haut !
Geoffroy, qui l’a entendu, fait volte-face.
– SUS À L’ENNEMI ! hurle-t-il.
Mais c’est trop tard : le drapeau à l’aigle flotte déjà dans les airs.

– Mission accomplie ! triomphe Nicolas. Le terrain est à nous, maintenant !
– JAMAIS ! rugit Geoffroy, hors de lui.
Il saisit une boîte de conserve vide, qui traîne par terre, et la lance en direction de Nicolas. La boîte
manque sa cible. Elle rebondit sur le tronc, franchit la palissade et… BING ! atterrit sur le képi d’un
policier, dans la rue.

Ce policier n’est autre que le papa de Rufus ! Furieux, il rapplique aussi sec.
– Qui m’a jeté ça sur la tête ?
– C’est lui ! accuse Nicolas en désignant Geoffroy.
– Non, c’est la faute de ces guignols ! nie ce dernier.
– Espèce de menteur !
– Bande de voleurs de drapeau !
– Répète un peu pour voir !
– ÇA SUFFIT ! tonne le père de Rufus. Puisque vous n’arrivez pas à jouer sagement, je vous interdis de
venir sur ce terrain vague jusqu’à nouvel ordre. Allez, oust !
Exilés dans la rue, les garçons croisent Marie-Edwige.

– Vous en faites une tête ! s’étonne celle-ci.
– Bah ! c’est qu’on a perdu notre territoire et notre château ! lâche Nicolas.
– Vous peut-être, mais MOI, j’en ai toujours un, de château : ma maison ! se vante Geoffroy.
– C’est vrai qu’elle est grande, note Rufus. On n’a qu’à aller y jouer !
Geoffroy s’incline vers Marie-Edwige et lui fait le baisemain.
– Voudrais-tu être notre princesse ?
– Oh, oui ! se trémousse la coquette.
– Pfff ! crache Nicolas en les regardant partir. Ne vous inquiétez pas, les gars : nous aussi, on peut avoir
une princesse. Et même une plus belle !
Il va sonner chez Louisette.
– NON ! refuse celle-ci après avoir écouté les garçons. Pas question que je fasse la potiche. Moi aussi, je
veux être chevalier !
Elle se dirige vers son vélo, saisit son casque et lance d’un ton guerrier :
– TOUS À CHEVAL ! Allons conquérir les terres barbares !

Oriflamme en tête, armée d’épées et de balais, la troupe de Louisette part donc au combat. Or, elle n’a
pas franchi l’angle de la rue qu’elle tombe nez à nez avec la troupe de Geoffroy… en train de suçoter
des bonbons devant la boulangerie.
– À L’ATTAQUE !
Une bataille épique s’engage, au beau milieu du trottoir !
Malheureusement, le papa de Rufus ne tarde pas à sonner, avec son sifflet, la fin de la bagarre.
– Il est interdit de jouer dans la rue, vous troublez l’ordre public !

– D’habitude, on s’amuse sur le terrain vague, proteste Maixent. Mais là, on n’a plus le droit…
– Eh bien, allez mettre le bazar chez vous !
– Bonne idée, papa ! se réjouit Rufus. Venez, les gars : on va tous jouer chez moi !


– QUOI ! sursaute le policier, en se rendant compte de son erreur. Pas question ! Je ne vous autorise
pas à…
Trop tard ! Les chevaliers sont déjà repartis vers leur nouveau domaine… et d’autres aventures !

5, rue Gaston-Gallimard
75328 Paris Cedex 07

www.gallimard-jeunesse.fr

Le Petit Nicolas
d’après l’œuvre de René Goscinny
et Jean-Jacques Sempé

Une série animée adaptée pour la télévision


par Matthieu Delaporte, Alexandre de la
Patellière et Cédric Pilot / Création graphique
de Pascal Valdès / Réalisée par Arnaud Bouron.
D’après l’épisode
« Le drapeau »,
écrit par Olivier et Hervé Pérouze.
Le Petit Nicolas, les personnages,
les aventures et les éléments caractéristiques
de l’univers du Petit Nicolas sont une création
de René Goscinny et Jean-Jacques Sempé.
Droits de dépôt et d’exploitation de marques
liées à l’univers du Petit Nicolas réservés
à IMAV EDITIONS. Le Petit Nicolas® est une
marque verbale et figurative enregistrée.

© M6 Studio / IMAV EDITIONS


/ Goscinny – Sempé

© Gallimard Jeunesse, 2014, pour la présente édition


Adaptation : Emmanuelle Lepetit

Maquette : Clément Chassagnard

Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949


sur les publications destinées à la jeunesse
Cette édition électronique du livre
En garde, chevalier !, adapté de la série animée Le Petit Nicolas
a été réalisée le 14 mars 2014
par les Éditions Gallimard Jeunesse.
Elle repose sur l’édition papier du même ouvrage,
(ISBN : 9782070657278 - Numéro d’édition : 260453)
Code Sodis : N59750
ISBN : 9782075035972. Numéro d’édition : 260455

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