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papa de Nicolas, installé dans le fauteuil du salon, lit tranquillement son journal quand…
– Dis, Papa, est-ce que tu mets toujours ce chapeau ?
Il lève les yeux et voit son fils avec un vieux chapeau noir planté sur la tête.
– C’est pour la tombola de l’école. On doit tous apporter un lot, explique Nicolas.
– Eh bien, cherche autre chose ! dit le papa de Nicolas.
Et hop ! il récupère son chapeau.
– Je veux bien chercher, mais vous voulez tout garder pour vous ! soupire Nicolas.
Au même instant, la vieille pendule du salon se met en route. « COUCOU ! COUCOU ! » fait le pauvre
coucou éraillé en jaillissant de sa boîte.
Le regard du papa de Nicolas s’éclaire aussitôt. Depuis le temps qu’il voulait se débarrasser de cette
antiquité, c’est l’occasion rêvée !
– Je te rappelle que c’est ma mère qui nous a offert cette horloge ! proteste sa femme.
– Il suffit de ne rien lui dire et elle n’en saura rien ! glousse le papa de Nicolas.
Et c’est ainsi que, le lendemain, Nicolas part à l’école, la pendule sous le bras.
Tous ses copains ont apporté un lot pour la tombola. Tous… sauf Geoffroy. C’est bizarre, car son papa
est très riche.
– Mademoiselle ! Geoffroy n’a pas de lot, rapporte aussitôt Agnan, le chouchou de la maîtresse.
– Bien sûr que si ! Mais il était trop lourd, alors je l’ai laissé dans la cour, répond Geoffroy.
Les garçons se ruent vers la fenêtre et ouvrent de grands yeux. Au milieu de la cour trône une
mobylette flambant neuve !
– Eh bien, je crois que nous avons trouvé notre gros lot ! annonce la maîtresse.
À la fin de la classe, la maîtresse distribue les carnets de tickets de tombola.
– À vous de jouer, les enfants ! Essayez d’en vendre le plus possible.
Dans le couloir, Geoffroy crâne devant les copains :
– Moi, mon père, je suis sûr qu’il va tous me les acheter. Comme ça, je n’aurai pas besoin de me
fatiguer à les vendre.
– C’est de la triche ! proteste Alceste.
– Ouais, t’es même pas cap d’aller les vendre dans la rue ! renchérit Joachim.
– Vous êtes JALOUX, c’est tout ! Mais moi, au moins, je suis sûr qu’il ne me restera aucun ticket, se
moque Geoffroy.
– Moi aussi, je vais tous les vendre. Et même les doigts dans le nez ! gronde Eudes.
– On parie ? Celui qui en vendra le moins aura un gage, propose Geoffroy.
Tous les garçons le regardent d’un air inquiet.
– C’est facile, tu ne risques rien, toi ! râle Nicolas.
– Tu te dégonfles ? dit Geoffroy.
– Pas du tout ! se vexe Nicolas, qui ajoute, sur le ton du défi : d’ailleurs, j’ai une idée pour le gage. Le
perdant devra porter les cartables de tous les autres pendant une semaine !
– Très bien. Dans ce cas, que le match commence ! rigole Geoffroy, sûr de lui.
Pendant ce temps, les parents de Nicolas ont une drôle de surprise en rentrant chez eux. La mémé de
Nicolas les attend sur le perron de la maison. Et elle n’a pas l’air contente !
– Ah ! vous voilà ! Dites donc : où est la petite horloge que je vous ai offerte ?
– Ah… euh… Eh bien… elle est chez le réparateur, bafouille le papa de Nicolas.
– Oui… Elle ne fonctionne plus, ajoute la maman de Nicolas en devenant toute rouge.
– J’aime mieux ça. Je croyais que vous vous en étiez débarrassés ! répond la grand-mère.
Elle descend les marches du perron et se dirige vers le portail.
– Bon, je file. J’étais juste venue vous faire un petit… COUCOU !
Les parents de Nicolas lui font au revoir de la main en souriant bêtement. Mais dès que la mémé est
hors de vue, le père de Nicolas se retourne vers sa femme, furieux :
– Quelle idée de donner les clés de la maison à ta mère ! Tu vois, on est coincés maintenant.
Pour ne rien arranger, un ricanement familier retentit derrière la haie. La tête de M. Blédurt apparaît.
– Dis donc, mon vieux, elle n’a pas l’air commode, ta belle-mère. Si tu lui as menti pour son horloge, ça
ne va pas lui plaire…
Cela fait un moment que Nicolas sillonne le quartier, ses carnets de tombola à la main. Mais il n’a pas
réussi à vendre un seul ticket !
Alceste, lui, tente sa chance à l’angle de la boulangerie.
– Bonchour, madame ! Fous voulech m’acheter un chiquet de chombola ? demande Alceste à une
passante, la bouche pleine de pain au chocolat.
– Désolée, mon petit, mais je viens d’en acheter un à ton camarade, là-bas.
Alceste tourne la tête et aperçoit Eudes, adossé à une palissade, qui forme avec ses doigts le V de la
victoire. Il a déjà vendu tous ses tickets !
Nicolas rejoint Alceste.
– C’est la CATASTROPHE ! Je n’ai rien vendu !
– Et moi, de mon côté, seule la boulangère, Mme Chouquette, m’a acheté un ticket… Mais pour ça, il a
fallu que je lui achète deux pains au chocolat ! gémit Alceste qui a fini d’avaler son goûter.
Nicolas et Alceste décident d’aller voir la fleuriste. Mais elle vient d’acheter les tickets de Maixent et
Joachim.
Ils entrent dans la boutique de l’épicier : il a déjà acheté tout un carnet à Rufus.
Déprimés, les deux garçons vont se réfugier sur le terrain vague. Mais, là encore, surprise : ils tombent
sur Clotaire, qui a l’air de s’amuser comme un petit fou.
– Tu ferais mieux d’aller vendre tes tickets au lieu de faire le guignol, lui dit Nicolas.
– J’ai déjà tout vendu ! répond Clotaire, hilare.
Nicolas n’en revient pas. Si même Clotaire, le dernier de la classe, s’est débrouillé pour vendre ses
tickets, c’est fichu ! Il a perdu le pari. À moins que…
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Le Petit Nicolas
d’après l’œuvre de René Goscinny
et Jean-Jacques Sempé