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Réalisme (philosophie)
En philosophie, le réalisme désigne la position qui affirme l’existence d’une réalité extérieure indépendante de
1
notre esprit. Le réalisme affirme à la fois l’existence et l’indépendance du monde . L’existence signifie qu’il y
a un monde extérieur au sujet, et l’indépendance, que ce monde n’a pas besoin d’être relié à un sujet pour
exister. Le réalisme affirme que le monde est une chose et que nos représentations en sont une autre.

Ainsi conçu, le réalisme s'oppose à l'idéalisme, lequel soutient que le monde n’est qu’une représentation et n’a
pas d'existence autonome. Lorsque l’on adopte une position réaliste, on soutient au contraire que l’existence du
monde précède l’existence de notre esprit et que le monde continue d’exister sans lui.
Une personne peut être réaliste quant à l’existence et l’indépendance de certaines choses et être antiréaliste à
propos d'autres choses. Le réaliste à propos des universaux, par exemple, considère que les universaux sont
des entités qui existent dans le monde, mais il peut considérer, comme les platoniciens, que les êtres individuels
qui les exemplifient n'ont pas d'existence en tant que tels. Il s'oppose dans ce cas au nominaliste, qui soutient
une position réaliste concernant les seuls individus.

Sommaire
Les différentes versions du réalisme
Historique
Antiquité et Moyen Âge
Antiquité
Moyen Âge : querelle des universaux
Moyen Âge : réalisme thomiste et néothomiste
Période moderne : la question du réalisme scientifique
Mécanisme cartésien
Locke : qualités premières et qualités secondes
Période contemporaine
Karl Popper et le réalisme critique
Kripke, Putnam et l'externalisme
Réalisme « fort »
Réalisme « minimal » ou « structural »
Réalisme et antiréalisme
Réalisme en pensée orientale
Notes et références
Notes
Références
Bibliographie
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes

Les différentes versions du réalisme


Le réalisme peut désigner des positions philosophiques diverses en fonction des entités ou caractéristiques dont
la réalité est postulée ou en fonction des domaines où cette position est revendiquée. Le réalisme philosophique
comprend au moins quatre volets : 1/ ontologique, métaphysique, 2/ gnoséologique, épistémologique, 3/
2
sémantique et 4/ éthique .

On parle de réalisme métaphysique, ou ontologique, lorsque la position réaliste s’applique aux entités dont
l’existence est postulée par une théorie ou une doctrine philosophique. Cette thèse n’est pas censée pouvoir
être vérifiée mais elle est présupposée chaque fois que l’on prétend explorer un monde préexistant à sa
découverte
découverte.

Le réalisme épistémologique, ou gnoséologique, est une position théorique au sujet de la connaissance, qui
considère que celle-ci porte sur des objets « réels » extérieurs au sujet et indépendants de lui. La thèse
gnoséologique qu'il comprend implique de pouvoir parvenir à la connaissance de la réalité, au moins
partiellement et graduellement. Le réalisme scientifique relève du réalisme épistémologique et il est tacitement
admis par tous ceux qui estiment que la connaissance nous offre une représentation fidèle de la façon dont le
monde est, indépendamment de l’esprit.

Le réalisme sémantique soutient que les propositions ou les expressions articulées dans un langage désignent,
lorsqu’elles sont vraies, des faits ou des états de choses se réalisant dans le monde. Un énoncé est vrai lorsque
ce qu’il décrit est la description de certaines choses ou événements qui existent ou se réalisent dans le monde
indépendamment du langage. Le réalisme sémantique implique une conception métaphysique de la référence
des mots ou des expressions linguistiques.

Enfin, le réalisme éthique soutient qu’il y a des vérités morales qui correspondent à des faits moraux. On
parle aussi de naturalisme moral pour qualifier cette position.

Historique
Le réalisme a constitué une réponse à des questions philosophiques posées en des termes différents selon les
époques. On peut alors distinguer trois périodes importantes dans l’histoire du réalisme philosophique,
correspondant à trois types de débats :

1. Antiquité et Moyen Âge : querelle des universaux, de Platon à Ockham. Les questions sur la
réalité ne sont posées que pour un domaine particulier du discours et de la pensée, celui des
universaux (catégories ou concepts généraux)
2. Période moderne : questions liées au réalisme scientifique opposé au réalisme naïf, de
Descartes à Kant. Cette période est marquée par un débat entre réalisme et anti-réalisme sur
les sciences (Copernic, Galilée, Descartes) et sur le sens commun (cartésiens, Locke,
Berkeley, Hume, Kant) concernant leur portée métaphysique.
3. Période contemporaine : débat autonome sur le réalisme scientifique, de Comte à
aujourd'hui. Le débat concernant la portée ontologique de la pensée a lieu en philosophie des
sciences et en épistémologie indépendamment des spéculations métaphysiques et des grands
systèmes philosophiques.

Antiquité et Moyen Âge

Antiquité

Dans l’Antiquité, le réalisme est une position qui est généralement défendue à propos de certaines catégories
de choses, en combinaison avec une position antiréaliste ou sceptique concernant d’autres catégories de
choses. Cette combinaison entre réalisme et antiréalisme est ancienne et elle remonte au moins à Platon, qui
affirmait à la fois l'existence des « Idées » (eîdos) ou « essences » et le caractère illusoire des êtres sensibles
individuels. Aristote, lui aussi réaliste à propos des essences, modère cette position en soutenant que les
essences ne peuvent exister séparément des êtres sensibles individuels. Les atomistes Démocrite, Épicure et
Lucrèce notamment, considèrent au contraire que les apparences des phénomènes reposent sur la combinaison
d'éléments simples – les atomes – qui constituent la réalité du monde.

Le philosophe et logicien néoplatonicien Porphyre de Tyr, dans son Isagogè qui est commenté par les
médiévaux conjointement à l’Organon (ensemble de traités logiques) d'Aristote va léguer aux philosophes et
médiévaux conjointement à l’Organon (ensemble de traités logiques) d'Aristote, va léguer aux philosophes et
théologiens scolastiques la question des universaux et de leur réalité. Porphyre y écrit en effet :

« Tout d’abord, en ce qui concerne les genres et les espèces, la question est de savoir si ce sont
[I] des réalités subsistantes en elles-mêmes ou seulement [II] de simples conceptions de l'esprit,
et, en admettant que ce soient des réalités substantielles, s’ils sont [Ia1] corporels ou [Ia2]
incorporels, si, enfin, ils sont [Ib1] séparés ou [Ib2] ne subsistent que dans les choses sensibles
et d'après elles. J’éviterai d'en parler. C'est là un problème très profond et qui exige une
3
recherche toute différente et plus étendue . »

Moyen Âge : querelle des universaux

La querelle des universaux désigne en premier lieu le débat qui a


opposé, au milieu et à la fin du Moyen Âge (XIe-XVe siècle), les
partisans du réalisme et du nominalisme. Cette querelle se développe à
partir du problème des universaux, qu’on peut formuler ainsi :

Socrate est un homme et Platon est un homme. Dans


ces énoncés, on prédique la même chose de Socrate et
de Platon. Quelle est donc cette chose qui est
prédiquée ? Existe-t-elle vraiment ?

Jusqu’à la période moderne, on appelle « universaux » les choses qui


sont prédiquées de plusieurs individus, correspondant pour l'essentiel
aux noms communs et aux verbes (« homme », « marcher »,
« blanc », etc.).

Trois réponses ont dominé la tradition dans cette querelle :


Abélard et Héloïse, son ancienne
1. le réalisme : les universaux sont des entités bien réelles ; élève, disputant peut-être de la
2. le nominalisme : les universaux ne sont que des mots ou question alors très controversée de
des expressions verbales désignant des individus ; la réalité des universaux.
3. le conceptualisme : les universaux sont des concepts,
autrement dit, des propriétés qui n'ont pas d'existence par
elles-mêmes

Guillaume de Champeaux parle de l'homme comme d'une réalité présente tout entière dans chaque homme à la
fois (réalisme), mais sous l'influence d'Abélard, il finira par considérer les universaux comme de simples
similitudes. Abélard reprend le vieil argument de Boèce : nulle réalité ne peut se dire de plusieurs choses, seuls
les noms ont cette vertu-là. Abélard défend une position conceptualiste ou modérément réaliste : les termes
généraux désignent non pas des entités existant par elles-mêmes mais des propriétés qui n'existent pas
4
séparément des choses qu'elles caractérisent .

Ces positions trouvent leur origine dans l'opposition entre Aristote et Platon sur les Idées : Platon étant associé
au réalisme, Aristote au conceptualisme et les stoïciens au nominalisme. Le problème des universaux est un
débat entre réalisme et antiréalisme qui est qualifié de « régional » : il ne porte en effet que sur un domaine
spécifique d'objets ou de pensées. Toutefois, la querelle des universaux touchait à tous les aspects de la
philosophie abordés à l'époque ainsi qu'à la théologie.

Selon le médiéviste Alain de Libera, le réalisme médiéval soutient, contre le nominalisme et le conceptualisme,
quatre thèses :

1. Les universaux sont des choses (réisme) ;


2 Il faut distinguer universel particulier singulier ;
2. Il faut distinguer universel, particulier, singulier ;
3. Dans la prédication, c'est une chose qui est prédiquée d'une chose, et non un terme d'un autre
terme ;
5
4. Le langage restitue le réel .

Boèce, Albéric de Paris, Robert de Melun, Adam de Blasham, Gilbert de Poitiers (de la Porée) furent
« réalistes » en ce sens.

Le problème des universaux fait aujourd'hui toujours l'objet de discussions, principalement dans la tradition
analytique, mais dans un contexte philosophique renouvelé (nouvelle logique depuis Frege, nouvelle physique,
etc.). La crise des fondements en mathématiques a relancé le débat. Les trois positions soutenues par rapport au
statut ontologique des contenus logico-mathématiques correspondent aux trois positions médiévales sur les
6
universaux, comme le rappelle Willard V. O. Quine . Le logicisme de Gottlob Frege est un réalisme ou encore
7
« platonisme des concepts » , le formalisme de David Hilbert est un nominalisme, et l'intuitionnisme de
Luitzen Egbertus Jan Brouwer est un conceptualisme.

Dans ce débat, Quine a d'abord adopté la position nominaliste en co-écrivant Steps Toward a Constructive
8 9
Nominalism avec Nelson Goodman , puis s'est rangé du côté du conceptualisme . Nelson Goodman et plus
récemment David K. Lewis, sont des défenseurs renommés du nominalisme. David M. Armstrong est quant à
lui un ardent défenseur du réalisme à propos des universaux.

Moyen Âge : réalisme thomiste et néothomiste

Le philosophe et théologien médiéval Thomas d'Aquin a défendu une forme de réalisme modéré, non
platonicien. Les trois positions qu'il cherche à dépasser peuvent être résumées ainsi :

1. Pour le réalisme platonicien, les universaux sont des choses et ils existent ante rem (avant les
choses singulières)
2. Pour le nominalisme, les universaux sont des flatus vocis (simples émissions vocales), ils
existent post rem (ils ne servent qu'à désigner nominalement des choses singulières)
3. Pour le conceptualisme, enfin, les universaux existent in re (ils sont des constructions de
10
l'esprit abstraites à partir des choses extra-mentales) .

Le philosophe et théologien Thomas d'Aquin soutient cependant les trois propositions ensemble : « Selon saint
Thomas, les universaux existent à la fois ante rem, c'est-à-dire dans l'entendement divin avant la Création, in
11
re : dans les choses créées qui les actualisent, et post rem : dans l'esprit humain qui les conçoit » .

Le réalisme, pour les thomistes (philosophes et théologiens se réclamant de la pensée de Thomas d'Aquin)
accorde la priorité ontologique à l'être sur la façon dont il est connu. Le réalisme thomiste s'oppose ainsi à
l’idéalisme pour lequel c'est le sujet connaissant, ou le Moi, qui préexiste à l'être connu ; mais aussi à
l’empirisme, qui est généralement considéré comme une philosophie « déflationniste » (réduisant le nombre
d'entités existantes). Le déflationnisme, représenté par exemple par Guillaume d'Ockham au Moyen Âge ou
David Hume à l’époque moderne, est anti-réaliste d’un point de vue ontologique car il refuse d’hypostasier ou
de multiplier les entités sans nécessité, selon la maxime bien connue du rasoir d'Ockham.

Les philosophes d’inspiration aristotélico-thomiste que sont Jean-Pierre Lainé et Marie-France Lainé résument
les trois positions ontologiques ainsi :

« S’il est vrai que l’objet de la philosophie est, comme nous le disons, l’être de toute chose,
[...] il est non moins vrai qu’on ne peut avoir de rapport avec lui autrement qu’en le
connaissant, d’où un clivage un peu inévitable entre ceux qui vont donner la priorité à l’être ou
réalité, et ceux qui la donneront au contraire au sujet qui connaît [...]. On appellera réalisme la
première attitude, puisque privilégiant le réel, et idéalisme la seconde (sans oublier son frère
12
l ) d l éfé à dé
12
ennemi, l'empirisme) puisque donnant au contraire la préférence au sujet et à ses idées . »

13
Les deux auteurs associent le nominalisme et le scepticisme à l’empirisme . D'après le nominalisme, les
entités abstraites n’existent pas, le scepticisme nie quant à lui que nous puissions atteindre avec certitude une
forme de réalité absolue, et l’empirisme explique que ce sont nos sensations qui sont les plus vives et les plus
réelles, et non nos idées abstraites.

Le réalisme thomiste soutient une position contraire aux précédentes : les entités abstraites existent et
structurent les choses de l’intérieur, elles sont davantage l’objet d'une connaissance que les choses purement
singulières (« la science consiste en un jugement portant sur les universels et les êtres nécessaires », affirme
14
Aristote ), et la réalité est connaissable en elle-même, elle n’est pas nécessairement construite ou déformée
par notre subjectivité.

Le réalisme thomiste sera plus tard réactualisé et développé de façon rigoureuse par les néothomistes, en
particulier par Étienne Gilson dans ses deux ouvrages Réalisme thomiste et critique de la connaissance et Le
réalisme méthodique. Une autre réactualisation du thomisme verra le jour en philosophie analytique avec le
« thomisme analytique (en) » dont les représentants principaux sont Anthony Kenny (en), Peter Geach et G.
15, N 1
E. M. Anscombe .

Période moderne : la question du réalisme scientifique

Mécanisme cartésien

Le mécanisme défendu et développé par Descartes est un réalisme


scientifique qui s'oppose donc au « réalisme naïf ». Comme Galilée,
Descartes considère que la nature s'explique uniquement par la
matière et le mouvement. Descartes est réaliste pour sa physique et
antiréaliste à propos des caractéristiques sensorielles des objets : les
sens nous renseignent bien sur l'existence des choses, mais en aucun
cas sur leur nature. Les qualités sensorielles telles que les couleurs, les
sons, les odeurs, etc. n'existent pas dans le monde ; elles n'existent que
dans l'esprit des hommes, en tant qu'ils sont affectés par leurs sens.

Le mécanisme cartésien est un réalisme de type scientifique parce que


la matière (l'« étendue ») et le mouvement sont postulés par la science.
Ce réalisme scientifique est à la fois métaphysique – la matière en
mouvement constitue une réalité indépendante de notre esprit – et
Mécanisme de la vision d'après un épistémologique : on peut connaître cette réalité par l'entendement ou
16
dessin de René Descartes. Pour la raison .
Descartes, sans la preuve de
l'existence de Dieu, nous n'aurions Le mécanisme est également défendu au XVIIe siècle par de nombreux
aucune garantie de la réalité de ce philosophes, comme Francis Bacon, Thomas Hobbes, Pierre
que nous percevons confusément Gassendi.
par nos sens.

Locke : qualités premières et qualités secondes

Dans son Essai sur l'entendement humain (livre II) Locke distingue les « qualités premières » et les « qualités
secondes ». Les qualités premières sont perçues par les différents sens, contrairement aux qualités secondes qui
dépendent d'un seul type de perception sensorielle. Les idées associées aux qualités premières que sont la
« figure », la « taille » et le « mouvement » ressemblent aux objets qui les causent dans l'esprit, contrairement
aux qualités secondes qui n'ont pas d'équivalent dans la nature
aux qualités secondes qui n ont pas d équivalent dans la nature.

Période contemporaine

Dès le milieu du XIXe siècle, une forme d'antiréalisme s'impose avec le développement du positivisme (Comte,
Mach, Duhem), puis du néo-positivisme et de l'empirisme dans la première moitié du XXe siècle (Cercle de
Vienne, A. J. Ayer, Ryle). Ces positions ont toutes pour point commun de rejeter la métaphysique et le
réalisme qui lui est associé.

Selon Rudolph Carnap, l’un des principaux membres du Cercle de Vienne, le réalisme est la thèse
métaphysique qui affirme la réalité du monde extérieur, tandis que l’idéalisme est celle qui la nie. Pour Carnap,
ces deux positions antinomiques n'ont pas de sens car elles se trouvent « de l’autre côté de l’expérience ». Elles
se fourvoient toutes les deux dans la métaphysique.

À partir des années 1950, c’est le réalisme qui devient dominant chez les philosophes de tradition analytique,
avec la réhabilitation de la métaphysique, conçue cette fois en lien avec les sciences de la nature (la physique
en particulier).

Karl Popper et le réalisme critique

Pour Popper, tout comme Carnap, la thèse centrale du réalisme est


« la thèse de la réalité du monde ». Mais contrairement à Carnap,
Popper soutient que le réalisme est une position qui a du sens, qui
peut être argumentée et qui doit être défendue.

Dans La logique de la découverte scientifique (1934), Karl Popper


affirme que le propre d'une théorie scientifique est son caractère
réfutable ou « falsifiable », s'opposant sur ce point au critère proposé
par le positivisme logique pour lequel les énoncés scientifiques
doivent être vérifiables empiriquement. En outre, il transforme
l'opposition traditionnelle au sein du réalisme entre le « monde
intérieur » et le « monde extérieur » en une opposition entre une
théorie scientifique et une réalité qui transcende la théorie. Bien que
cette problématique appartienne au champ des sciences, le réalisme
reste chez Popper une doctrine métaphysique, car il n'est ni
démontrable, comme le sont la logique ou les mathématiques, ni Pour Karl Popper (ici vers 1980), la
réfutable, comme le sont les sciences empiriques. Mais ce caractère vérité d'un énoncé scientifique n'est
métaphysique du réalisme, au lieu de le discréditer, lui permet de possible que si cet énoncé a un
remplir le rôle de fondement pour la méthodologie scientifique. Ici, le sens. Or le sens d'un énoncé
rôle du réalisme est triple : scientifique repose sur la possibilité
de sa réfutation.
1. Il fonde la possibilité, pour une théorie, d'être fausse (d'être
réfutée) en justifiant la possibilité de la réfutation. On parle
alors de réalisme critique pour qualifier cette position.
2. Il assure la possibilité d'une croissance de la connaissance scientifique en soutenant que le
monde ressemble plus à la façon dont les théories modernes le décrivent qu'aux théories
dépassées.
3. Il joue un rôle régulateur en fixant un objectif à la science : l'accroissement des connaissances
à propos du monde (puisqu'elles sont possibles).

Dans La Connaissance objective, Popper défend une théorie de la vérité-correspondance.


Kripke, Putnam et l'externalisme
17 18
Il revient à Saül Kripke et Hilary Putnam d'élaborer dans les années 1970 une tentative pour justifier le
réalisme sur le terrain du langage et de la sémantique. S'inspirant de la distinction que Gottlob Frege avait
établi entre le sens et la référence d'un mot, Kripke et Putnam élaborent une théorie causale de la référence des
termes pour expliquer comment la signification d'un terme peut changer tout en désignant la même chose dans
la réalité. D'après cette théorie, la référence d'une expression linguistique (ce qu'elle désigne dans le monde) est
fixée par un acte de « baptême initial ». Cet acte désigne arbitrairement un objet physique bien réel associé à
des effets observables (ex. : les électrons qui produisent la lumière électrique), mais les significations attachées
à cette expression peuvent évoluer, voire changer du tout au tout. Ce qui établit la « réalité » d'une expression
ou d'un terme, c'est l’existence d’une chaîne causale continue, liée au baptême initial. Le langage entretient
ainsi une relation stable avec l'environnement extérieur qui assure l’existence des choses et des événements
décrits dans les énoncés véridiques.

Cette conception du sens des expressions permet de concilier le réalisme naïf et le réalisme scientifique. La
continuité de la référence entre le langage courant et la science est garantie par le lien causal qui les relie via un
certain rapport à leur environnement matériel et à l'acte initial de baptême.

Réalisme « fort »
Dans sa version forte, le réalisme affirme que les théories, les
croyances ou les perceptions sont (au moins approximativement)
vraies au sens où elles correspondent à la réalité. La notion de vérité
qui est mobilisée est donc celle de vérité-correspondance : une théorie,
une croyance ou une perception est vraie lorsqu'elle reproduit dans
l'esprit ce qui est, constituant ainsi une sorte de copie de la réalité
(certes incomplète et imparfaite).

Dans cette version du réalisme, une affirmation est vraie si elle décrit
fidèlement ce qui existe. La vérité d'un énoncé établit alors une
relation d'identité entre le contenu sémantique de cet énoncé et le
monde. Les prédicats « vrai » et « faux » sont des prédicats
ontologiques, relatifs à l'existence ou non des objets ou des propriétés
dont on parle, contrairement aux prédicats épistémiques tels que
« certain », « douteux », etc., qui traduisent une attitude humaine
Selon Hilary Putnam, qui a d'abord
d'acceptation ou de rejet et sont relatifs à des croyances humaines.
défendu le réalisme métaphysique
avant de le remettre en cause, le
Réalisme « minimal » ou « structural » réalisme métaphysique implique
l'adoption d'un prétendu « point de
19 vue de Dieu ».
En France, le mathématicien Henri Poincaré a proposé l’un des tout
premiers arguments en faveur de ce qu'il est convenu aujourd'hui
d'appeler le « réalisme structural », à la suite du commentateur Elie
20
Zahar qui en a fait un précurseur de ce courant . Selon Poincaré, le fait scientifique est une traduction
simplifiée et pratique du fait empirique : « Le fait scientifique n'est que le fait brut traduit dans un langage
21
commode » . Poincaré expose ainsi l’idée que l'expérience est déjà structurée par ses relations et que l’esprit
de l’homme construit la science à partir de cette pré-structuration. Il cherche à réfuter la version radicale du
conventionnalisme et du pragmatisme d'Édouard Le Roy, selon lequel, « [...] les faits scientifiques, et à fortiori,
les lois sont l'œuvre artificielle du savant ; la science ne peut donc rien nous apprendre de la vérité, elle ne peut
22
nous servir que de règle d'action » .

Henri Poincaré défend donc une forme minimale de réalisme, compatible avec le conventionnalisme auquel il
d ll é l f è é é d à
est traditionnellement associé, et qui s'appuie sur le fait que nous n'avons un accès épistémique direct qu'à nos
23
seules perceptions, qui sont privées et non communicables . La seule chose que nous sommes capables de

transmettre, ce sont les relations entre nos perceptions. Ainsi, deux personnes ne peuvent être certaines qu’elles
perçoivent les teintes de couleur de la même façon, mais elles peuvent cependant s’accorder sur le fait que
deux objets sont de la même teinte, ou qu’un objet est plus sombre qu’un autre. Dans la mesure où une
connaissance objective doit être publique et intersubjective, elle ne peut reposer que sur ce qui est
transmissible ; il s’ensuit que seules les relations entre les expériences ont une valeur objective et peuvent être
source de connaissance. Si l’on admet qu’une connaissance de la réalité est possible, il doit s’agir d’une
connaissance qui porte sur sa structure, et non sur les contenus de la réalité eux-mêmes.

Réalisme et antiréalisme
Selon Michael Devitt, le réalisme métaphysique est une « doctrine irrésistible » et il n’existe pas d’argument
24
qui pourrait nous contraindre à l’abandonner . Pour les antiréalistes au contraire, comme Bas van Fraassen, le
réalisme métaphysique est une position dogmatique qu'il est impossible de vérifier, et qui se révèle par là même
25
inutile sur le plan gnoséologique . Selon Hilary Putnam, le réalisme métaphysique nécessite l'adoption d’un
« point de vue divin », forcément illusoire parce qu’il est illusoire de croire que nous pouvons accéder à un
monde tout fait indépendant des conditions particulières (sociales, psychologiques ou culturelles) de sa
représentation.

D'après George Berkeley, figure classique de l'antiréalisme, s’il est problématique de poser l’existence d’une
réalité indépendante de l’esprit, c'est que l'existence elle-même est posée par un sujet. L'existence du monde
implique celle du sujet qui en fait l'expérience. Il y a bien une réalité du monde, mais cette réalité est
26
nécessairement immatérielle au sens où il ne peut rien exister indépendamment d'un sujet de perception .

Réalisme en pensée orientale


Parmi les bouddhistes, l'école des Sarvâstivâdin du Cachemire « se pose comme résolument réaliste et même
pan-réaliste en admettant l'existence du monde extérieur et en posant l'existence réelle des choses, admettant
même l'existence réelle des phénomènes passés, présents et futurs. Par "chose réelle" (sanskrit bhâva, tibétain
dngos-po), il faut entendre "ce qui est doué d'efficience", c'est-à-dire un phénomène capable d'accomplir une
27
fonction au sein de la causalité » .

Notes et références

Notes
1. Ces deux derniers co-signent l'ouvrage : Trois philosophes. Aristote, Thomas, Frege (Three
Philosophers: Aristotle, Thomas, Frege, 1961), Paris, Ithaque, 2014.

Références
1. M. Devitt, Realism & Truth (1984), Oxford: Basil Blackwell, p. 13-15.
2. Mario Bunge, « Matérialismes et sciences », in Athané, Machery et Silberstein (dir.), Matière
première, 1/2006, Paris, Éditions Syllepse, p. 255.
3. Porphyre de Tyr, Isagogè, I, 9-12, trad. Jules Tricot.
4. Cf . Pierre Abélard, De intellectibus, 1125.
5. Alain de Libera, La Querelle des universaux, Paris, Seuil, 1996, p. 31, 133, 137, 393.
6 Quine 2003 p 41-43
6. Quine 2003, p. 41 43.
7. Panaccio 2011, p. 17-18.

8. Nelson Goodman et W. V. Quine, « Steps Toward a Constructive Nominalism », The Journal of


Symbolic Logic, vol. 12, no 4, décembre 1947, p. 105-122.
9. Quine 2003, p. 184.
10. Julius Nicoladec, « La querelle des universaux » (http://www.scienceshumaines.com/la-querell
e-des-universaux_fr_32955.html), sur Sciences Humaines, 13 juin 2014.
11. Louis Vax, Logique. Définitions lexicographiques (http://www.cnrtl.fr/lexicographie/Universaux/
0) et étymologiques (http://www.cnrtl.fr/etymologie/Universaux/0) de « Universaux » du Trésor
de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et
lexicales
12. Lainé 2001, p. 24-25.
13. Lainé 2001, p. 24.
14. Aristote, Éthique à Nicomaque, livre VI, ch. 6. Cf. aussi livre X, ch. 10 : « la science a pour objet
le général ».
15. Roger Pouivet, Après Wittgenstein, saint Thomas, Paris, PUF, 1997.
16. Cf. passage sur le « morceau de cire », Seconde Méditation, § 11-13.
17. S. Kripke, Naming and Necessity (1972) tr. fr., La logique des noms propres, Paris, Les éditions
de Minuit, coll. « Propositions », 1982.
18. H. Putnam, « Explanation and Reference » (1973), tr. fr. « Explication et référence », in P. Jacob
(dir.), De Vienne à Cambridge : l'héritage du positivisme logique, Paris, Gallimard, p. 339-363.
19. Henri Poincaré, La Science et l'Hypothèse, Paris, Flammarion, Bibliothèque de philosophie
scientique, 1902.
20. Élie Zahar, « Henri Poincaré : L'évolution des lois. Présentation », in Philosophie des sciences,
t.1, Paris, Vrin, 2004, p. 102.
21. Poincaré 1970, p. 161.
22. Poincaré 1970, p. 151.
23. La Science et l'Hypothèse, ch. XI, §6.
24. M. Devitt, 1984, Realism & Truth, Oxford: Basil Blackwell, p. 424.
25. Cf notamment Bas van Fraassen, The Scientific Image, Oxford University Press, 1980.
26. D. Berlioz, 2000, Berkeley, Un nominaliste réaliste, Vrin, p. 99.
27. Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Paris, Seuil, 2001, p. 646.

Bibliographie
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(ISBN 978-2-919694-29-7).

Voir aussi

Articles connexes
Liste des concepts de la philosophie
Glossaire de philosophie
Métaphysique
Matérialisme scientifique
Réalisme épistémologique
Réalisme moral
Réalisme scientifique
Réisme
Théorie de la vérité-correspondance

Liens externes
Réalisme (http://www.histophilo.com/realisme_(philosophie).php)

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