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AUX ORIGINES DE L'ENTREPRENEURIAT SOCIAL.

LES AFFAIRES SELON


JEAN-BAPTISTE ANDRÉ GODIN (1817-1888)

Sophie Boutillier

De Boeck Supérieur | « Innovations »

2009/2 n° 30 | pages 115 à 134


ISSN 1267-4982
ISBN 9782804102715
DOI 10.3917/inno.030.0115
Article disponible en ligne à l'adresse :
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AUX ORIGINES
DE L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL.
LES AFFAIRES SELON
JEAN-BAPTISTE ANDRÉ GODIN
(1817-1888)
Sophie BOUTILLIER
Laboratoire de recherche sur l’Industrie et l’Innovation
Université du Littoral Côte d’Opale
Réseau de Recherche sur l’Innovation
boutilli@univ-littoral.fr

L’entrepreneuriat constitue depuis ces vingt dernières années un sujet


d’actualité. Le capitalisme managérial galbraithien s’est métamorphosé en une
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société entrepreneuriale (Audretsch, 2007) où l’entrepreneur se serait subs-
titué à la technostruture. Dans ce contexte singulier, l’entrepreneuriat social
occupe une place particulière (Bacq et Janssen, 2008, 2008b ; Brouard, 2006 ;
Dees, 1998 ; Defourny, 2004 ; Schmitt, 2008 ; Steyaert et Hjorth, 2006).
Nouveau héros du capitalisme en ce début de XXIe siècle, l’entrepreneur social
investit des secteurs d’activité délaissés aussi bien par le secteur marchand en
raison de leur faiblesse rentabilité, que par le secteur public, qui dans un con-
texte d’austérité budgétaire cherche à réduire ses dépenses. L’entrepreneur
social est ainsi généralement défini comme un entrepreneur qui privilégie
des objectifs sociaux sur des objectifs lucratifs. Mais, qu’il soit qualifié ou non
de social, l’entrepreneur répond par définition aux opportunités du marché
(Kirzner, 1973), ce qui le conduit à innover (Schumpeter, 1935). Or, si nous
considérons l’innovation comme une activité de résolution de problèmes à
l’image de l’analyse évolutionniste, le développement de l’entrepreneuriat
social peut être perçu comme une réponse à un problème posé (réduction des
dépenses de l’État, évolution de la famille et des problèmes sociaux en géné-
ral – exclusion, pauvreté, vieillissement de la population, etc.). Dans ces
conditions, l’entrepreneur est qualifié de social parce qu’il investit dans des
secteurs d’activité ainsi qualifiés, et non parce qu’il a placé l’intérêt général

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Sophie Boutillier

avant le profit individuel. Cette définition, commune à certains chercheurs,


n’est pas cependant partagée par tous. Pourtant, les entrepreneurs répondant
à ces critères ne sont pas nés avec la crise de l’État-providence, comme en
témoigne l’exemple de Jean-Baptiste André Godin (1817-1888).
L’expérience de Godin nous offre l’opportunité de mener une réflexion
sur l’entrepreneuriat social dans l’économie capitaliste d’une manière géné-
rale. Godin est un entrepreneur du XIXe siècle, mais son analyse est riche
d’enseignements pour définir la place et le rôle de l’entrepreneur social que
ce soit aujourd’hui ou pendant la première révolution industrielle. Ces deux
périodes ont été (ou sont) marquées par des transformations fondamentales
sur les plans économique, technique et social. La révolution industrielle
(métallurgie, sidérurgie, chemin de fer) et le développement de la grande
entreprise pour Godin, la crise de l’entreprise fordiste, le développement des
réseaux et la révolution informationnelle à l’heure actuelle.
Nous nous attacherons dans un premier temps à définir l’entrepreneur
social d’une manière générale à partir de la littérature contemporaine, car s’il
est d’usage courant, il fait aussi l’objet d’une large variété de définitions.
Nous soulignerons du même coup que bien que nous ayons qualifié Godin
d’entrepreneur social, ce vocable a tout au plus une vingtaine d’années (et
s’est donc développé dans un contexte historique précis). Godin avait pour
ambition, alors que la révolution industrie était la source d’une grande entro-
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pie sociale, de concilier efficacité économique et éthique sociale. Ce qui
constitue à notre sens les deux ingrédients basiques du vocable « entrepreneur
social ». Mais, l’entrepreneur social est d’abord un entrepreneur. Aussi c’est
en revenant aux fondements de la théorie économique de l’entrepreneur que
nous formulons notre propre définition de l’entrepreneur social. Nous défi-
nissons ce dernier comme un entrepreneur schumpétérien, c’est-à-dire
comme l’agent économique qui réalise de nouvelles combinaisons de fac-
teurs de production, qu’il s’agisse de la création d’un produit ou d’un service
nouveau ou bien encore d’une nouvelle forme d’organisation. Dans un second
temps, nous décrirons dans ses grandes lignes le parcours professionnel de
Godin et son œuvre entrepreneuriale. Il ne s’agit pas de tirer des leçons géné-
ralisables à toute la population des entrepreneurs sociaux (ou définis comme
tels), mais de mieux souligner l’ancienneté de la pratique « sociale » des
entrepreneurs, que la grande variété d’application de ce concept.

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Aux origines de l’entrepreneuriat social

QU’EST-CE QU’UN ENTREPRENEUR SOCIAL ?

La théorie économique de l’entrepreneur


ou les fondements de la fonction entrepreneuriale
Bien qu’au centre de l’économie capitaliste, l’entrepreneur (paradoxale-
ment) a relativement peu préoccupé les économistes, lesquels se sont princi-
palement focalisés soit sur des analyses macroéconomiques (depuis A. Smith
sur la dynamique d’ensemble du capitalisme combinant division du travail et
mécanismes autorégulateurs du marché), soit sur des analyses microécono-
miques (depuis Walras sur l’individualisme méthodologique) (Boutillier et
Uzunidis, 1995, 1999, 2003, 2006, 2009). La théorie économique de l’entre-
preneur se dessine avec l’analyse de R. Cantillon au début du XVIIIe siècle
qui distingue les « gens à gages certains » et les « gens à gages incertains »,
l’entrepreneur appartenant à la seconde catégorie. Un siècle plus tard environ,
J.-B. Say définit l’entrepreneur comme l’intermédiaire entre le savant qui
produit la connaissance et l’ouvrier qui l’applique à l’industrie. Say introduit
de cette façon un élément nodal de la définition de l’entrepreneur. Au début
du XXe siècle, Schumpeter développe cette idée pour pallier aux lacunes du
modèle walrasien (qu’il admire cependant), incapable d’expliquer le progrès
technique, la croissance ou même les crises économiques. L’entrepreneur
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walrasien est inséré dans un environnement économique où l’information est
parfaite (ce qui signifie que l’incertitude et le risque sont absents), et en
situation d’équilibre général, le profit est nul. Ce schéma explicatif ne cor-
respond nullement à la réalité économique. Schumpeter définit ainsi l’entre-
preneur comme l’agent économique qui innove. Mais, quel est le mobile de
l’entrepreneur ? Ce n’est pas comme l’affirme Walras la maximisation du
profit en tant qu’agent économique rationnel.
Le mobile de l’entrepreneur schumpetérien réside plutôt dans le défi, le
changement. Son objectif est d’aller contre l’ordre économique établi. L’entre-
preneur est ainsi instrumentalisé pour expliquer la dynamique du capitalisme
ou « l’évolution économique ». L’idée majeure que nous retenons est celle de
l’innovation par opportunisme. L’innovation ne se limite pas pour Schumpeter
à la création d’un nouveau bien ou encore par l’introduction de la machine
dans les ateliers. L’innovation est, grossièrement, ce qui permet à l’entrepre-
neur d’accroître son chiffre d’affaires et sa position de marché. Aussi, bien
que l’entrepreneur ne soit pas résolument certain de l’effet de sa trouvaille
sur le marché, elle peut devenir (en cas de réussite) un moyen de lui conférer
provisoirement (en raison des rapports de concurrence) une position de
monopole. Par le pouvoir de l’innovation, l’entrepreneur délimite son pro-
pre marché, il fixe ses propres règles, afin de maîtriser l’incertitude propre au

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Sophie Boutillier

fonctionnement du marché. Les mobiles humains ne sont jamais strictement


individuels, mais s’inscrivent toujours dans une réalité sociale et historique.
En d’autres termes, l’entrepreneur investit dans tel ou tel secteur d’activité
parce que l’état de l’économie, de la société, des sciences et des techniques le
lui permet, et en apportant ainsi des solutions aux problèmes posés.
À partir des années 1980, l’entrepreneur redevient un sujet d’intérêt,
alors qu’à la fin de la décennie 1960, Baumol (1968) écrivait qu’il ne consti-
tuait plus un sujet d’analyse pour les économistes au profit des managers.
L’entreprise et l’entrepreneur occupent aujourd’hui le devant de la scène éco-
nomique et sociale (Audretsch, 2007). Un nouveau champ de recherche se
développe celui de l’entrepreneuriat sur la base notamment d’une analyse
combinatoire entre les travaux de Schumpeter sur l’innovation et de Kirzner
sur la capacité de l’entrepreneur à saisir les opportunités d’investissement
(Shane, 2003). Mais, la saisie des opportunités n’est pas l’unique fondement
du processus entrepreneurial, il convient d’y adjoindre la quête de légitimité
(Beylier, Messeghem et Sammut, 2008). La légitimité est fondamentale car
elle pose la question de la reconnaissance de l’entrepreneur par les autres
acteurs de l’environnement économique et social dans lequel il est inséré. La
légitimité peut être ainsi considérée comme une ressource qui va permettre
à l’entrepreneur de déjouer les pressions exercées par son environnement.
Nous verrons que ce fut particulièrement le cas pour Godin en raison de l’ori-
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ginalité de sa démarche.
Dans les années 1960, Touraine (2000) montre que le changement social
ne vient pas des masses, mais de groupes sociaux minoritaires. On peut par
conséquent considérer que l’émergence progressive depuis le début des années
1980 d’entrepreneurs sociaux est en partie le résultat d’un changement social,
comme le montrent notamment Chiapello et Boltstansky (1999). Ces der-
niers expliquent comment le capitalisme s’est renouvelé en intégrant des
valeurs d’autonomie et d’épanouissement personnel issues des mouvements
sociaux de la fin des années 1960. L’émergence de l’adjectif « social » a-collé
au nom commun « entrepreneur », s’inscrit par conséquent dans une évolu-
tion beaucoup plus profonde que certains individus sont à même de saisir. Ce
qui nous rapproche de Hayek pour qui la concurrence constitue une « pro-
cédure de découverte » des informations nécessaires à la prise de décision
(Hayek, 2006 ; Vivel, 2004). Mais, pour Hayek (2006), contrairement à
Walras, l’entrepreneur ne prend pas de décisions dans un environnement
économique transparent. Au contraire, car « la connaissance qu’un esprit
individuel manipule consciemment n’est qu’une faible partie de la connais-
sance qui à tout moment contribue au succès de son action » (p. 25). Hayek
explique en substance que la somme des connaissances de tous les individus
n’existe nulle part de manière intégrée. De plus au fur et à mesure que la

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Aux origines de l’entrepreneuriat social

connaissance progresse, de nouvelles zones d’ignorance sont découvertes.


Dans le même registre, Kirzner décrit l’activité entrepreneuriale comme la
découverte d’opportunités de profit que les autres individus n’avaient pas
découvertes avant lui. Il en découle le concept de « vigilance entrepreneu-
riale ». Dans ces conditions, le profit de l’entrepreneur est la récompense
obtenue en partie par hasard et grâce à l’habileté de l’entrepreneur à antici-
per la manière dont les individus vont réagir face au changement. Kirzner
(1973) refuse la problématique de la maximisation du profit. Ou, plutôt,
l’entrepreneur n’est pas seulement un agent calculateur, c’est aussi un agent
économique attentif aux opportunités. L’entrepreneur kirznerien, contraire-
ment à son homologue schumpetérien, ne crée rien de nouveau, mais est un
découvreur d’opportunités qui existent déjà.
Nous définissons par conséquent l’entrepreneur comme un agent écono-
mique opportuniste qui crée une entreprise parce qu’il a détecté des oppor-
tunités d’investissement dans tel ou tel type d’activité où il a décelé un
besoin solvable ou potentiellement solvable. Il est inséré dans une société
déterminée qui se définit par un ensemble de lois régissant par exemple le
droit de propriété, des affaires, du travail, une norme de consommation, de
travail, etc. (Shane, 2003), et qui constitue une espèce de cadre normatif, à
partir duquel il développe son activité.
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Éléments de définition historiques :
entrepreneuriat social et paternalisme
Pour cerner l’entrepreneur social d’aujourd’hui, nous devons voir si nous
pouvons le rattacher à des catégories sociales existantes ou ayant existé. Les
entrepreneurs du XIXe siècle qui pratiquaient des politiques paternalistes
étaient-ils des entrepreneurs sociaux ? Nous pouvons le supposer car ils ont
construit des écoles, des églises, parfois même des villes entières pour loger
leurs ouvriers. Mais, les objectifs sociaux étaient secondaires, et étaient la
contrepartie d’une politique de management des ressources humaines visant
à fidéliser et à motiver une main-d’œuvre non encore habituée au travail
industriel. Les éléments biographiques des entrepreneurs que nous évoquons
montrent des entrepreneurs qui ont développé une activité économique
intrinsèquement liée à une démarche sociale (amélioration des conditions
de travail et de vie des salariés, éducation des enfants de ces derniers, etc.).
Que dire de ces entrepreneurs européens comme les frères Michelin qui
encadraient très étroitement leur personnel, en prenant en charge toutes les
phases de leur existence de la naissance au tombeau ? Les écoles, les églises,
les cafés, tout était Michelin. Citroën déclarait avec fierté qu’il avait fait
preuve d’œuvre sociale pendant la guerre en installant dans son entreprise

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Sophie Boutillier

des chambres d’allaitement pour les ouvrières venues en masse remplacer les
hommes pendant cette période. Les frères Michelin ou Citroën ne sont pas
considérés (et à juste titre) comme des entrepreneurs sociaux. Ces entrepre-
neurs ont cherché à développer de nouvelles méthodes de gestion de ressour-
ces humaines, pour accroître la motivation de leurs salariés, sans alourdir la
masse salariale, ou bien encore pour attirer de la main-d’œuvre qualifiée qui
faisait gravement défaut à l’époque. Godin a également été confronté à cette
question. Nous pourrons multiplier les exemples en ce sens. Dans ce cas, le
vocable d’entrepreneuriat social n’est pas approprié, nous lui substituons
celui de paternalisme. Ce qui est bien différent. Et que dire de Henry Ford et
de sa politique du « five dollars day » qui avait augmenté de manière consé-
quente le salaire de ses ouvriers en raison d’un turn over élevé ? La contrepar-
tie de cette augmentation résidait dans un contrôle très étroit de la vie
privée des salariés (vie de famille, fréquentation des cabarets et autres lieux
de loisirs…).
L’entrepreneur social se définit d’abord par les objectifs qu’il se fixe :
développer une action sociale laquelle répond aux besoins d’une population
déterminée. Ce qui le distingue au premier abord est que l’activité d’Owen
(Chanteau, 1996 ; Mercklé, 2006 ; Paquot, 2005 ; Vergnioux, 2002), de
Citroën ou des Michelin se présente d’emblée comme une activité économi-
que dont la finalité est le profit. Ce qui n’est pas le cas de l’entrepreneur qui
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se déclare « social » et qui place (tout au moins dans son discours) l’objectif
du profit comme secondaire, voire marginal, au regard des objectifs sociaux
qu’il s’est fixé.
L’entrepreneur social pourrait se définir en fonction du statut juridique de
son activité, ainsi le fondateur d’une coopérative ou bien d’une association
par exemple, puisque ce type d’organisation est régi selon des critères spéci-
fiques (répartition des profits, principes démocratiques, etc.). L’entrepreneu-
riat social prend par conséquent de multiples formes au regard de la généralité
des critères de définition retenus. Nous remarquons cependant dans les faits
qu’un entrepreneur social peut tout aussi bien créer une association, une
coopérative, une SARL ou même une société anonyme. Le statut juridique
importe peu. Pourtant depuis les années 1990, de nouvelles formes d’organi-
sation sont apparues, comme en Italie avec la loi votée en 1991 offrant un sta-
tut spécifique de « coopérative sociale », au Portugal avec la « coopérative
de solidarité sociale » en 1997, en Espagne en 1999 avec la « coopérative
d’initiative sociale », en France avec la « société coopérative d’intérêt col-
lectif » en 2001 ou en Pologne avec la « coopérative sociale » en 2006, etc.
(Defourny et Mertens, 2008).

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Aux origines de l’entrepreneuriat social

Ce qui semble en revanche déterminant, c’est l’objectif de l’entrepre-


neur, et en particulier, si on se réfère à la définition ci-dessus à « l’objectif
explicite de service à la collectivité ». Mais, lorsque G. Eastman crée Kodak,
il déclare qu’il souhaite mettre la photographie à la portée de tous, à la fois
sur le plan technique et économique : concevoir et fabriquer un produit faci-
lement utilisable et bon marché. Le discours de Renault, de Citroën, de Ford
ou de Gates, pour l’automobile ou l’informatique ne diffère guère. Nombre
d’entrepreneurs historiques étaient convaincus d’œuvrer pour le bien de
l’humanité en améliorant l’accessibilité des classes populaires au progrès tech-
nique. Et que dire du célèbre milliardaire américain J. Rockefeller (Boutillier,
2008), qui après voir fait fortune, crée une fondation qui porte son nom pour
financer diverses activités telles que l’éducation supérieure et la recherche,
la santé ou encore l’éducation des classes populaires, en particulier des agri-
culteurs ? Or, Rockefeller finance les activités « caritatives » qu’il sélectionne
à partir de critères spécifiques en termes à la fois de rentabilité économique,
mais aussi d’utilité sociale. Et, c’est bien sûr son immense fortune accumulée
dans l’industrie pétrolière qui lui permet de financer ses activités « carita-
tives ». L’entrepreneur social n’est pas économiquement désintéressé. Les
portraits d’entrepreneurs sociaux sont tout aussi diversifiés que ceux des
entrepreneurs dans le sens générique du terme. Et, si nous reprenons l’un des
critères de définition de J. A. Schumpeter (Schumpeter, 1935), nous pou-
vons souligner qu’être entrepreneur social ne constitue pas un état perma-
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nent. C’est l’innovation et le changement qui fondent le comportement
entrepreneurial. À partir du moment où la routine s’instaure, l’entrepreneur
n’est plus un entrepreneur.
De ce qui précède, nous tirons les éléments suivants : qu’il soit ou non
qualifié d’entrepreneur social, l’entrepreneur est guidé dans ses actes par trois
types de motivations : (1) l’enrichissement personnel ; (2) le désir d’avoir un
statut social reconnu, « être un patron », imposer sa marque, son nom ; (3)
agir explicitement en faveur de la collectivité. Si l’action sociale ou environ-
nementale qui est privilégiée, les retombées économiques ne sont pas inexis-
tantes (augmentation des revenus d’une population pauvre, développement
d’une activité touristique, construction de routes, etc.), mais elles n’apparais-
sent pas d’emblée comme les objectifs poursuivis par les entrepreneurs sociaux.
La question fondamentale est très certainement le lien entre activités socia-
les et lucratives, les secondes nourrissant le développement des premières.
Nous touchons ici à un autre aspect de la définition schumpetérienne
basique (Schumpeter, 1935) : l’entrepreneur a pour fonction d’innover, pour
ce faire il réalise de nouvelles combinaisons de facteurs de production, et met
à disposition de tous les budgets (pour paraphraser Schumpeter) (Schumpeter,
1979) des produits nouveaux que les monarques les plus puissants d’autrefois

n° 30 – innovations 2009/2 121


Sophie Boutillier

ne pouvaient imaginer. L’entrepreneur, pour reprendre la définition de J.-B. Say,


est l’intermédiaire entre le savant qui produit la connaissance et l’ouvrier qui
l’applique à l’industrie. L’entrepreneur serait-il par définition un entrepre-
neur social, dans le sens où il conçoit son activité dans le cadre du marché
lequel est par définition un instrument de socialisation puisqu’il relie des
agents économiques par le biais de l’échange marchand et de la division du
travail ?

L’entrepreneur social : un entrepreneur


à tout faire ou un calculateur opportuniste ?
Nous distinguons deux types de définition de l’entrepreneur social. D’une
part, les auteurs qui s’emploient à expliquer que l’entrepreneur social constitue
un type nouveau d’entrepreneur qui s’inscrit dans une conjoncture économi-
que et sociale donnée marquée par l’émergence de problèmes économiques et
sociaux nouveaux : augmentation du chômage, développement de la préca-
rité sociale, vieillissement de la population, retrait de l’État dans un certain
nombre de secteurs d’activité en particulier dans les secteurs de la santé, de
l’éducation ou de l’aide sociale d’une manière générale. Dans ce contexte,
l’entrepreneur social est sensé privilégier des valeurs éthiques et sociales et
place au second rang de ses préoccupations la rentabilité économique de son
activité.
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D’autres analyses considèrent l’entrepreneur social comme un entrepreneur
au même titre qu’un autre. Qu’il investisse dans l’informatique, les biotech-
nologies ou les services à la personne ou l’insertion sociale des marginaux,
l’entrepreneur reste un entrepreneur, en d’autres termes, un agent écono-
mique qui réalise de nouvelles combinaisons de facteurs de production. Il
est en état de veille informationnelle pour détecter de nouvelles opportuni-
tés d’investissement. Nous avons regroupé un ensemble de définitions de
l’entrepreneur social (parfois de l’entreprise sociale). Notre objectif n’est pas
de tendre vers l’exhaustivité, mais de donner au lecteur un aperçu des
réflexions menées en la matière. D’un autre côté, sans évoquer explicitement
l’entrepreneuriat social, certains auteurs (Berger-Douce, 2007 ; Boutillier et
Fournier, 2009 ; Jorda, 2009) ont développé la question de l’engagement
sociétal des entrepreneurs, engagement sur les plans social et environne-
mental. Dans ce cas, on parlera plutôt de la responsabilité sociale de l’entre-
prise. L’entrepreneur développe son activité dans une activité quelconque en
suivant une règle éthique en matière environnementale et sociale. La ques-
tion centrale sur ce point est de distinguer ce qui est du ressort de l’obligation
(par la loi) et ce qui va au-delà. Si nous prenons le cas de Godin dont il est
question dans ce texte, dans maints domaines, son action allait bien au-delà
de la législation sociale en vigueur, pratiquement inexistante.

122 innovations 2009/2 – n° 30


Aux origines de l’entrepreneuriat social

Dans L’économie sociale de A à Z (2006, p. 86), M.-C. Pache définit


l’entrepreneuriat social et l’entrepreneur social en distinguant trois types de
définition : (1) la définition de la Caisse des Dépôts et Consignations et de
l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques, qui « renvoie
aux initiatives qui s’appuient (au moins en partie) sur des activités commer-
ciales, ancrées dans le marché, pour prendre en compte la fragilité humaine
ou le lien social » ; (2) la définition de l’ESSEC « renvoie plus largement
aux initiatives privées au service de l’intérêt général, adoptant une démarche
innovante, inventant de nouvelles réponses aux problèmes sociaux, de nou-
velles manières de mobiliser des ressources, adoptant certaines méthodes uti-
lisées dans la sphère capitaliste afin de servir une mission sociale ; (3) enfin
celle de l’association internationale Ashoka qui repose sur l’activité de quel-
ques entrepreneurs sociaux considérés comme exceptionnels parce que capa-
bles de « révolutionner l’approche d’un problème social ». Le point commun
de ces trois définitions est de percevoir l’esprit d’entreprise au service de
besoins sociaux. Certes oui, mais qu’est-ce qu’un problème social ?
Defourny et Mertens (2008) définissent non l’entrepreneur social, mais
l’entreprise sociale en distinguant les indicateurs de nature économique et
sociale : (1) les indicateurs de nature économique sont les suivants : une acti-
vité continue de production de biens et/ou services, un degré élevé d’autono-
mie, un niveau significatif de prise de risque économique, et un niveau
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minimum d’emploi rémunéré ; (2) les indicateurs de nature sociale sont les
suivants : un objectif explicite de service à la communauté, une initiative
émanant d’un groupe de citoyens, un pouvoir de décision non basé sur la
détention de capital, une dynamique participative, impliquant différentes
parties concernées par l’activité, et une limitation à la distribution des béné-
fices. Ce qui constitue la spécificité de l’entreprise sociale (et par voie de
conséquence de l’entrepreneur social) est cette subtile combinaison entre
des objectifs économiques et sociaux. Ce qui à nos yeux ne constitue pas une
particularité propre à l’entreprise sociale. En revanche, le recourt au travail
gratuit, au bénévolat d’une part, et les modalités de répartition des profits,
d’autre part sont tout à fait spécifiques à l’entreprise sociale. Ce qui n’est pas
au demeurant sans poser des problèmes de gouvernance, comme en témoi-
gne l’histoire du familistère.
Fowler (2000) définit trois types d’activités qu’il qualifie de « socialement
entrepreneuriales » : (1) l’entrepreneuriat social intégré qui fait référence à
des situations dans lesquelles les activités économiques d’une organisation
sont expressément destinées à générer des retombées sociales positives comme
le micro-crédit ; (2) la réinterprétation : il s’agit d’une variation de l’entre-
preneuriat social qui fait référence à des situations dans lesquelles des activi-
tés existantes non lucratives sont utilisées de manière créative de sorte

n° 30 – innovations 2009/2 123


Sophie Boutillier

qu’elles réduisent les coûts pour l’organisation en augmentant et diversifiant


les revenus de l’organisation, comme la livraison de repas aux personnes âgées ;
(3) l’entrepreneuriat social complémentaire est une situation où la généra-
tion de surplus financiers ne produit pas de bénéfices sociaux, mais est une
source de diversification des revenus. Par exemple les organisations à but
non lucratif ajoutent une activité lucrative qui n’engendre pas de bénéfice
social en tant que tel, mais dont les profits peuvent être utilisés pour payer
les dettes de leur mission sociale non lucrative.
Thalhuler (1998) distingue les entrepreneurs à but lucratif et les entre-
preneurs à but non lucratif de la manière suivante : (1) les entrepreneurs à
but lucratif présentent les caractéristiques suivantes : une force basée sur les
compétences et les connaissances personnelles de l’entrepreneur, la concen-
tration sur des gains financiers de court terme, des idées non limitées, le profit
est une fin, les profits sont réinvestis dans un but futur ; (2) les entrepre-
neurs à but non lucratif sont caractérisés par : une force propulsée dans la
sagesse collective et l’expérience, la concentration sur les capacités à long
terme, les idées sont limitées par la mission, le profit est un moyen, le profit
est mis au service d’autrui.
Fontan, Allard, Bertrand-Dansereau et Demers (2008) ont réalisé une
enquête dans une dizaine d’entreprises sociales canadiennes. La plus ancienne
a été créée en 1948, la plus récente en 2003 1. Les principales conclusions de
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cette enquête sont les suivantes 2 (p. 11-15) : (1) la culture des entreprises
sociales est différente de celles des entreprises privées et publiques. L’entre-
prise sociale se construit en réponse à des besoins portés par un collectif ou à
des besoins portés par une collectivité ou une communauté. La mission de
l’entreprise est d’abord sociale, secondairement économique. Mais, la réali-
sation de la dimension sociale repose fortement sur les performances écono-
miques de l’entreprise. Des convergences importantes existent notamment
en raison des questions liées à la gestion du projet économique (financement,
recrutement et gestion de la main-d’œuvre, réseaux d’informations, ressour-
ces en recherche-développement, etc.) ; (2) l’entreprise sociale n’émerge pas
de la même façon que l’entreprise sociale. Le profil et les motivations de
l’entrepreneur social ne sont pas les mêmes que celles de l’entrepreneur éco-
nomique. Le projet de l’entrepreneur social s’appuie en règle générale sur le
développement d’une communauté qui joue un rôle très important pour le
1. Onze personnes ont été interrogées : 8 sont des femmes et trois sont des hommes ; 8 sont anglo-
phones et trois francophone. Les personnes sont âgées de 35 à 55 ans et plus. Toutes occupent des
postes de cadre dans leur entreprise. L’enquête é été réalisée d’octobre 2006 à janvier 2007.
2. Nous ne retenons que les conclusions relatives à la définition de l’entrepreneur social et à ce qui
le distingue de l’entrepreneur économique, sans mentionner les conclusions relatives à la définition
de mesures de politique publique pour soutenir le développement des entreprises sociales.

124 innovations 2009/2 – n° 30


Aux origines de l’entrepreneuriat social

démarrage du projet ; (3) les entrepreneurs sociaux sont confrontés aux mêmes
difficultés que les autres. Ce sont essentiellement des problèmes économi-
ques (gestion, rentabilité, etc.). Mais, la difficulté majeure des entrepreneurs
sociaux réside dans le fait qu’ils développent leur activité dans un environ-
nement économique et social particulier. Les auteurs du rapport soulignent
la faiblesse du capital humain des entreprises sociales ce qui rend le projet et
sa rentabilité plus précaires. En revanche, les projets des entrepreneurs sociaux
peuvent bénéficier des ressources publiques ; (4) l’entrepreneur social et
l’entreprise sociale sont mal connus et peu compris tant par les représentants
de l’État que du marché. D’où les difficultés auxquelles ces entrepreneurs
sont confrontés pour collecter les fonds donc ils ont besoin ; (5) l’entrepre-
neur social est issu de processus très différents de ceux mis en scène par
l’entrepreneuriat classique. L’entrepreneur social dispose d’un fort capital
social lié à l’action communautaire, citoyenne, bénévole, environnementale
ou collective d’une manière générale, mais son capital humain lié à la fonc-
tion entrepreneuriale est faible pour trois raisons majeures : d’abord en rai-
son de l’insuffisance de l’offre de formation en entrepreneuriat, ensuite parce
que l’ensemble du discours managérial et gestionnaire est fondamentalement
structuré en fonction d’entreprises répondant uniquement à des finalités
économiques. Enfin, en raison de la faiblesse des réseaux des entrepreneurs
sociaux ; (6) l’entrepreneur social apprend à faire avec les compétences dont
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il dispose. Il prend fortement appui sur les ressources humaines présentes
dans son environnement pour trouver des solutions aux problèmes qu’il ren-
contre. Au sein de son réseau, il doit souvent défendre l’idée qu’il travaille
aussi pour la réalisation d’objectifs économiques, réalité qui est mal acceptée
par le réseau social qui supporte son action.

JEAN-BAPTISTE ANDRÉ GODIN :


UN ENTREPRENEUR SOCIAL
OU UN ENTREPRENEUR INNOVATEUR ?

Le contexte historique : industrialisation


et nouveaux problèmes sociaux
Le XIXe siècle fut marqué par des bouleversements économiques, sociaux et
technologiques majeurs. La première révolution industrielle est marquée par
le développement de l’industrie et du salariat ouvrier sur une grande échelle.
Les conditions de travail des ouvriers sont difficiles. Ils doivent faire le lent
apprentissage de la discipline de l’usine. L’industrialisation s’accompagne d’un
important développement urbain. Les villes se développent et logent pour

n° 30 – innovations 2009/2 125


Sophie Boutillier

une large part en leur sein des populations misérables venues des campagnes.
Les logements ouvriers sont vétustes et sans confort. Dès leur plus jeune âge,
les enfants vont travailler en usine. Ils ne sont pas scolarisés, sont l’objet de
graves carences alimentaires comme l’a montré le rapport de Villermé
(1782-1863), publié en 1840 un Tableau de l’état physique et moral des ouvriers
employés dans les fabriques de coton et de soie. En 1845, Engels publie La situa-
tion de la classe laborieuse en Angleterre. Les romanciers dénoncent également
les dures conditions de vie de la classe ouvrière (Sue, Zola, London, etc.). À
la fin du XIXe siècle, la « question sociale » devient primordiale pour les éli-
tes politiques. Mais, nombre de penseurs prônent le socialisme, société nou-
velle qui repose sur les principes d’équité. Ils sont pour nombre d’entre issus
d’un milieu modeste (souvent ouvrier) et sont déçus par la révolution fran-
çaise pour laquelle certains ont combattu. Ils imaginent (exceptés Marx et
Engels) une société reposant sur de petites entités de production et de consom-
mation fonctionnant selon le principe de la coopération entre les parties
sur une base égalitaire. Nombre d’entre eux comme Owen, Fourier ou Godin,
ont cherché à mettre leurs idées en pratique.
Owen (1771-1858) refuse de faire travailler les enfants de moins de dix
ans et les fait instruire gratuitement dans ses écoles. Son affaire périclite, il
s’installe aux États-Unis et y fonde la communauté de New Harmony qui fut
un échec. Il publie de nombreux ouvrages et pense que les hommes sont sou-
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mis durant leur vie à l’influence du milieu historique et social indépendam-
ment de leur volonté. Il préconise la formation de villages coopératifs afin de
résoudre la question du chômage et de la pauvreté. Dans cette société, la
monnaie doit être remplacée par le travail comme « étalon naturel de la
valeur » grâce à la création de « labour notes ». Une expérience sera tentée
en ce sens en 1832 par le National Equitable Labour Exchange. En 1844, ses
disciples créent la première coopérative de consommation britannique.
Fourier (1772-1837) (Vergnioux, 2002) rejette l’héritage révolutionnaire
et refuse l’idée d’égalité qui lui semble contraire à la nature. Il est aussi opposé
à l’industrialisme et à la concurrence. Sa solution est l’association volontaire
qui supprimera la concurrence et abolira le salariat sans supprimer la liberté.
Les phalanstères qu’il imagine sont de petites associations de producteurs
agricoles et industriels, qui comprennent 1 620 hommes et femmes. C’est
une sorte d’hôtel coopératif au milieu d’un domaine de plusieurs hectares
dans lequel on cultive principalement des fleurs et des fruits. La répartition
de la richesse est déterminée par le talent, le capital et le travail. Il eut de
nombreux disciples, outre Godin, Victor Considérant (1808-1893) qui aban-
donne la carrière militaire en 1831 pour se consacrer entièrement à la diffusion
de la pensée de Fourier. Il crée un phalanstère et dirige plusieurs journaux
(Le phalanstère, La Phalange et la Démocratie pacifique). Il publie aussi de

126 innovations 2009/2 – n° 30


Aux origines de l’entrepreneuriat social

nombreux ouvrages dont Destinées sociales (le premier volume est mis à
l’index par le pape Grégoire XVI). En 1848 (comme Godin) il est élu député
à l’assemblée constituante et participe à l’insurrection populaire (également
comme Godin). Il se réfugie en Belgique, puis au Texas où il fonde une
société communautaire qui périclita.
Le concept de phalanstère de Fourier était basé sur le travail et la vie col-
lective (cuisines, ateliers, fermes, loisirs collectifs). Celui de familistère de
Godin avait pour objectif de préserver la vie familiale (chaque famille a son
propre appartement) et de baser l’économie domestique sur la cellule familiale.
Le blanchissage était à la fois collectif (lavoirs communaux) et individuel
(pour des raisons d’hygiène chaque famille avait son propre lavoir). Fourier
(Freaitag, 2005, p. 106) était très fortement influencé par Rousseau et la vie
à la campagne. Il était rentier, et dépensa la fortune de son père pour réaliser
son projet. Godin était le fils d’un artisan modeste. C’est grâce à la fortune
qu’il accumula dans le cadre professionnel qu’il put réaliser ses ambitions
sociales.

Efficacité économique et innovation sociale


Si l’on en revient à la présentation précédente relative aux différentes défi-
nitions de l’entrepreneur social, nous pouvons présenter Godin comme un
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entrepreneur social (toute chose égale par ailleurs car le contexte historique
n’est pas le même) suivant la conception de Fowler qui distingue parmi dif-
férents cas de figures les activités économiques expressément destinées à
générer des retombées sociales. Godin, quoique d’origine modeste, et très tôt
séduit par les idées de Fourier, a d’abord créé une entreprise, grâce à laquelle
il a fait fortune, lui permettant par la suite de mettre en pratique ses idées
philanthropiques. Avant de se lancer dans les affaires, il exerça une activité
politique et participa à la révolution de 1848. Il fut conseiller général, maire
et député entre 1869 et 1876. Il avait pour ambition de proposer au niveau
national des programmes d’action répondant aux problèmes sociaux et inspi-
rés de ce qu’il réalise à Guise. Mais, il fut profondément déçu par l’action
parlementaire et décida de ne pas renouveler son mandat. Il concentre alors
toute son énergie sur le développement du familistère et s’exprime essentiel-
lement dans Le Devoir, le journal de l’association du familistère qui parait de
façon hebdomadaire entre 1878 et 1888 (Draperi, 2008, p. 18). Il y a donc
bien trois composantes dans l’action de Godin : politique, sociale et écono-
mique. Les ressources tirées de son entreprise lui permettent de donner corps
à ses idées sociales.
Godin (Capron et Draperi, 2003 ; Draperi, 2008 ; Freitag, 2005 ; Lalle-
ment, 2008, 2009) est né en 1817 et mort en 1888 à Guise (en Picardie). Il

n° 30 – innovations 2009/2 127


Sophie Boutillier

voyage en France en tant que Compagnon du devoir de 1835 à 1837, et est


le témoin des difficiles conditions de vie des ouvriers. Puis, revenu dans sa
région d’origine, il a l’idée de remplacer la tôle dans la fabrication des poêles
par de la fonte. Il dépose un brevet puis des dizaines d’autres suivent. Le suc-
cès est immédiat. Il crée son premier atelier en 1840 (avant de fonder sa pro-
pre entreprise, il sous-traite son activité), puis s’installe à Guise en 1846 et
compte 32 ouvriers. Dans les années 1880, il s’impose grâce à ses trouvailles
techniques comme le leader mondial sur le marché des appareils de chauf-
fage domestique. Il emploie alors 2000 personnes à Guise ainsi que dans un
établissement qu’il a créé en Belgique en 1852. Il produit des poêles en fonte
en grande série. Entre 1863 et 1869, la production annuelle de poêles varie
entre 20 000 et 50 000 unités. Il diversifie son activité en fabriquant des bai-
gnoires, des pompes à eau et des plaques de rue.
Sa curiosité intellectuelle est très large. Il s’initie au spiritisme, découvre
le magnétisme. Il est également fortement attiré par les travaux de phrénolo-
gie. Il découvre l’existence de l’Ecole sociétaire de Fourier en 1842 et devient
très rapidement l’un de ses principaux disciples. Il investit 100 000 francs,
soit le tiers de sa fortune, pour soutenir les membres de l’Ecole sociétaire
dans la création d’un phalanstère dans le Texas dirigé par Considérant qui se
révèle un piètre organisateur et gestionnaire (Lallement, 2008, 2009). Face
à cet échec, Godin décide de mettre lui-même les idées de Fourier en prati-
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que. Les travaux commencent en 1859 et sont terminés vingt ans plus tard.
Godin fait construire un ensemble où les ouvriers pourront loger avec leur
famille dans des conditions de salubrité et d’hygiène excellentes (chauffage,
eau courante, eau chaude, etc.). Le Familistère est construit alors que Paris
est transformé par Haussmann et alors que les hygiénistes mettent l’accent
sur l’importance de la propreté sur la santé (Lallemant, 2008). Des hôpitaux
sont à disposition de tous, ainsi qu’une piscine, une buanderie, un théâtre,
des associations de loisirs, des magasins... mais les cabarets sont proscrits.
Les apports de Godin à l’organisation du travail industriel ne se limitent
pas au logement. Telle n’était pas son ambition, quoique le fait de loger les
salariés sur place ne soit pas sans conséquence sur leur productivité et leur
efficacité (gain de temps en matière de transport). Son ambition était beau-
coup plus large, puisqu’il s’agissait de travailler à l’édification d’une société
nouvelle par le biais de l’éducation et son prolongement l’innovation. L’en-
semble de ces dispositifs a porté ses fruits puisque la stabilité du travail est
très forte. On note également l’absence de mouvements de grève (sauf en
1880 3) ou de mesures collectives de répression. Godin ne prétend cependant
3. Dans l’ensemble de la documentation consultée et citée en bibliographie, nous n’avons eu
mention d’une seule fois d’une grève, en 1880. Ce point semble demeurer assez flou.

128 innovations 2009/2 – n° 30


Aux origines de l’entrepreneuriat social

avoir créé un phalanstère. Il explique en substance qu’il n’a pas créé le bon-
heur, mais qu’il a simplement cherché à alléger les souffrances des ouvriers.
Godin garde un souvenir amer de l’échec du phalanstère du Texas, où Consi-
dérant avait fait de lourdes erreurs de gestion. Il ne doit pas perdre de vue que
le succès de son activité sociale dépend étroitement de celui de ses activités
économiques et que dans ce domaine il doit être tout aussi rigoureux et per-
formant. Son succès est officiellement reconnu puisqu’en 1882, il reçoit la
croix et les palmes d’officier d’académie.
Quelles sont les innovations de Godin ? (Capron et Draperi, 2003 ;
Lallement, 2008, 2009)
(1) Education des enfants et émancipation des femmes : les enfants étaient
pris en charge dès le berceau pour construire leur éducation, mais aussi pour
libérer les femmes de cette activité et permettre à ces dernières d’exercer un
emploi rémunéré. D’après les témoignages recueillis par les historiens, tous les
enfants savaient lire, écrire et compter dès l’âge de six ans, mais Godin, partisan
de l’union libre, fut abondamment critiqué pour atteinte aux bonnes mœurs.
(2) Rémunération et productivité du travail : les salariés étaient payés à la
pièce. Les travaux d’entretien, de réparation du matériel, de création de
modèle, d’écritures et de comptabilité étaient payés à l’heure ou au mois. La
moyenne des salaires y était supérieure à celle des entreprises concurrentes.
Le temps de travail y était plus faible (10 heures par jour contre 14 à
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16 heures), mais le coût du travail était aussi plus faible. Pourtant, il n’a pas
cherché à intensifier le travail en s’appuyant sur la mesure des temps et des
mouvements. L’organisation du travail dans les ateliers de l’usine Godin est
conforme à celle de ses concurrents.
(3) Participation financière, gouvernance et démocratie : en 1876 la partici-
pation aux bénéficies fut instituée, puis en 1880 une « association coopéra-
tive du travail et du capital » est créé sous la forme juridique d’une société en
commandite simple. Les statuts prévoyaient que, après déduction de diffé-
rents amortissements (immeubles, outillage, etc.), des intérêts des sommes
allouées aux assurances mutuelles et services d’éducation, des modalités par-
ticulières définissaient la répartition des bénéficies. Le travail recevait une
part de bénéfice beaucoup plus grande que le capital. Ce principe de réparti-
tion des bénéficies découle d’un concept clé de la pensée de Godin, celui des
« équivalents » fondés sur l’association « capital-travail-talent », qui devance
largement la législation quasi inexistante de l’époque en la matière. En 1894,
les membres de l’Association sont enfin propriétaires de l’usine et du familis-
tère.
(4) Assurance sociale et santé : une première caisse d’assurance-maladie est
créée en 1846. Elle est rendue obligatoire en 1861. Un médecin et trois

n° 30 – innovations 2009/2 129


Sophie Boutillier

sages-femmes assurent des consultations gratuites. Une pharmacie fournit


gratuitement les médicaments 4. Or, les médecins hygiénistes du XIXe siècle
mirent beaucoup de temps à reconnaître l’existence des maladies profession-
nelles, car en probabilité l’ouvrier avait plus de chance de mourir d’épuise-
ment que d’une maladie professionnelle. Mais en détectant ces dernières,
cela pouvait conduire à interdire l’accès de certaines professions et donc à
réduire l’offre de travail.
(5) Loisirs et vie sociale : dans le familistère, les activités de loisir ont éga-
lement leur place (théâtre, piscine, jardins potagers, parcs d’agrément, kios-
que à musique, bibliothèque, etc.). Ils sont le plus souvent pratiqués en
famille.
(6) Culture d’entreprise et gouvernance : les différents témoignages relatifs
à la vie des ouvriers du familistère mettent l’accent sur la figure emblémati-
que de Godin. Il veille dès la fondation du familistère à recruter des individus
dont les idées sont compatibles avec les siennes. Plus tard, il organise des
conférences pour accueillir les nouveaux arrivants et leur transmettre sa cul-
ture d’entreprise. En 1857 est instauré un règlement intérieur pour faire par-
ticiper le personnel à la production et à la gestion des règles de travail. Des
délégués du personnel sont choisis dans les différents corps de métier de
l’entreprise. Ces derniers ne sont pas des gestionnaires, mais ont pour mis-
sion de veiller à l’amélioration du bien-être des ouvriers. Puis en 1880 un
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conseil de gérance est créé, mais les ouvriers et les employés n’y participent
qu’à titre de propriétaires du capital. Ce n’est pas un syndicat alors que la loi
de 1884 autorise leur formation et que Godin encourage lui-même ses sala-
riés à en créer un.
(7) Innovation technique tous azimuts : nous avons noté plus haut que
Godin avait déposé un grand nombre de brevets relatifs à son domaine d’acti-
vité, mais il innove sur le plan technique dans des domaines très inattendus :
le chauffage de l’eau des douches des ouvriers provient du recyclage de l’eau
utilisée dans les fournaises de fonte ; les eaux de condensation des machines
de l’usine alimentent une piscine ; les portes sont conçues pour se refermer
automatiquement pour éviter que les enfants ne s’y coincent les doigts ; les
4. Les lois sociales sont pratiquement inexistantes durant le XIXe siècle. Jusque la fin du XVIIIe
siècle et l’abolition des corporations, l’assistance sociale pouvait être apportée par ces dernières
aux membres de la corporation. Mais, il faut attendre 1835 pour que la législation en la matière
commence à changer avec la création en 1835 des sociétés de secours mutuel, puis en 1898 avec
la loi indemnisant les accidents du travail. C’est aussi au cours du XIXe siècle que les médecins
s’intéressent aux maladies professionnelles et à l’usure du travail. Mais, le premier rapport publié
sur le sujet remonte à 1700, soit bien avant la révolution industrielle. Il s’agit de l’Essai sur les
maladies des artisans de Bernadino Ramazzini. Ce texte est important dans son domaine, puisqu’il
est encore cité en 1892 comme une référence incontournable sur le sujet (Jorland, 2005).

130 innovations 2009/2 – n° 30


Aux origines de l’entrepreneuriat social

berceaux de la pouponnière étaient équipés de manière à rester secs et sans


odeurs.
Le familistère se présente a priori comme une entreprise modèle, mais qui
n’est pas exempt de critiques dans la mesure où en dépit de conditions de vie
matérielle qui n’ont aucun point commun avec celle des ouvriers de l’épo-
que, l’entreprise est celle d’un homme, Godin dont la personnalité et les
méthodes de management sont écrasantes, et s’apparentent au paternalisme
patronal tel qu’il était pratiqué à l’époque. Il instaure une morale très rigou-
reuse. L’article 99 des statuts de la société du familistère stipule que la qualité
de membres avec les droits qui s’y attachent peut être perdu pour ivrognerie,
malpropreté de la famille et du logement, actes d’improbité, absentéisme,
indiscipline, désordre ou actes de violence, non-respect de l’obligation d’assu-
rer l’instruction des enfants (Capron et Draperi, 2003).

CONCLUSION
L’expérience du familistère de Godin est riche d’enseignements au regard des
débats actuels sur l’entrepreneur social. Dans un contexte économique et
social nouveau, Godin crée une entreprise dans un secteur d’activité alors en
pleine expansion (nous sommes au XIXe siècle, la production de masse dans
la métallurgie se développe). D’origine sociale modeste, il se bat pour un
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changement social grâce auquel les conditions de vie de la classe ouvrière
seront améliorées. Alors que les idées socialistes se diffusent en France et en
Europe (et aux États-Unis), il est conquis par la théorie de phalanstère de
Fourier qu’il adapte et met en pratique en créant le familistère. C’est grâce à
la fortune qu’il a accumulée en tant qu’entrepreneur schumpetérien, qu’il
devient un entrepreneur social. Mais, Godin n’est pas un entrepreneur social
parce qu’il a décelé des opportunités d’investissement dans des activités socia-
les, il est un entrepreneur social parce qu’il oriente sa fortune pour financer
des activités sociales, lesquelles ne sont pas extérieures à celle-ci (comme ce
fut le cas pour Rockefeller), mais s’apparentent à une forme nouvelle de ges-
tion des ressources humaines. Les résultats positifs de l’entreprise en témoi-
gnent. Le familistère de Godin ferma en 1968, soit bien après la mort de son
fondateur.
Godin était-il un entrepreneur paternaliste ? Si le paternalisme consiste
à développer une forme sociale de gestion des ressources humaines dans une
entreprise de manière à fidéliser la main-d’œuvre et à en accroître la produc-
tivité sans augmentation de la masse salariale. Godin est sans contexte un
entrepreneur paternaliste au sens propre du terme. Bien que l’entreprise ait
largement survécu à son décès, l’image du père est aussi très forte. Mais,

n° 30 – innovations 2009/2 131


Sophie Boutillier

Godin a un projet social qui dépasse le cadre réduit de son entreprise et


mobilise sa fortune acquise dans le cadre économique pour réaliser son projet
d’une société nouvelle. Il est ouvrier. Il a connu la pauvreté, mais il a égale-
ment perdu énormément d’argent dans l’expérience texane. Il cherche donc
à articuler étroitement le développement de son entreprise et celui de son
œuvre sociale, conformément à la définition de Fowler. À l’image des entre-
preneurs qui élaborent une stratégie de responsabilité sociale, il va au-delà
de la législation sociale en vigueur. Si Godin peut être qualifié d’entrepre-
neur social (cf. définition de Fowler). Sa pratique répond aussi à la définition
actuelle de la responsabilité sociale, tout en soulignant nombre de conver-
gences entre le concept de responsabilité sociale de l’entreprise et le pater-
nalisme (Boutillier et Fournier, 2009 ; Jorda, 2009).

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