1984, 331 P.
Odile Cortinovis
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est alors « comment la musique (appartenant au au sens jungien et « les images de la mémoire
temps) peut devenir [. . .] espace » (p. 31), avec retrouvent quelques-unes de ces grandes images
sa perspective, ses plans, ses couleurs (celles culturelles » (p. 289).
des sons), et un espace que l’on parcourt. Car La musique de cinéma est « musique d’images »
la musique de cinéma est aussi un véhicule des (p. 322), ou musique « à » images, comme
images (p. 65). Elle fonctionne comme un art de la le dit ailleurs Blanchard (p. 271), et « l’écran
mémoire, produit des images, donne un parcours ne fait que visualiser [. . .] le sonore » (ibid.).
de lecture, participe à l’effet de « circulation de Et c’est à dessein que Blanchard parle, non
sens » (p. 82, citant Michel Fano). de musique de « film », mais de musique de
On pourrait ici rappeler qu’il n’y a en effet pas « cinéma » : une musique dont la spécificité
de son sans espace, en tant qu’il nécessite un est d’exister en dehors du film comme musique
milieu de propagation, et que la portée du son cinématographique, musique « à images ».
délimite en même temps un territoire ; que le son Loin d’être réductrice, cette pensée “figurale” de
permet un « ancrage » des images (p. 73). Mais la musique de cinéma livre des « voies d’accès »
c’est aussi en tant que musique enregistrée que (p. 10) ouvrant à un ample parcours : de la voix
la musique de cinéma « a un rapport physique – et même du cri – à la musique en passant
avec l’image qui tient d’abord à la matérialité de par le bruit, du cinéma muet (qui a toujours été
son enregistrement et de son montage » (p. 29), parlant) à des œuvres « opératiques », d’une
le disque étant lui-même « une sorte d’imprimé » musique « plaquée », qui n’a pour fonction
(p. 41). que de redoubler ce que l’on voit à l’écran, à
Elle a une fonction de « marquage » : des lieux, « l’établissement de codes spécifiques aux sons
des temps, que ce soit le temps extérieur (his- cinématographiques » (p. 165), de la musique
torique) ou intérieur (psychologique), jusqu’au héritière du XIXe siècle et de ses « codes » à la
temps physiologique, celui dont les marques les bande-son.
plus simples sont celles du rythme du cœur, du On pourrait alors reprocher, inversement, à cette
souffle et du pas, et la forme musicale celle de approche d’être le prétexte à une exploration
la marche. Blanchard s’intéresse notamment au de l’ensemble de notre monde sonore (depuis
marquage des heures et plus particulièrement l’environnement utérin), qui dépasse l’ ”espace”
au nocturne, à la fois temps (heure), « temps de la musique de cinéma, à moins d’y entendre
psychologique » (p. 274) et forme musicale, une invitation à explorer les « résonances »
créant « des atmosphères » et se prêtant, (p. 10) des images sonores de la musique de
comme la marche, à toute une gamme de cinéma.
connotations. Il y a, surtout, une grande cohérence entre
Certes, de même que l’on peut considérer, en ce l’objet et la forme de cet essai de Blanchard :
sens, certaines musiques du XIXe siècle comme mixe d’analyses, descriptions (de scènes, de
déjà « cinématographiques » – et Blanchard musiques), citations, entrecoupées de définitions
pense plus particulièrement à Berlioz –, il faut et ponctuées de courts aphorismes qui sont
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