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A C T U A L I T É

La pathologie naso-sinusienne
94e Congrès français d’ORL

L
a prise en charge des sinusites frontales chroniques une ethmoïdectomie par voie endonasale, une ablation de la
a fait l’objet de nombreuses publications. À propos de tumeur et un colmatage de la brèche par un greffon de cornet
3 cas de sinusite frontale traumatique avec fracture de inférieur, pris au niveau de la fosse nasale contro-latérale ou
la paroi postérieure, J.P. Priou (Nantes) propose une voie du cartilage conqual. Aucune récidive n’est apparue, et le recul
d’abord combinée ORL et neurochirurgicale, et la création était de 3 ans pour un cas. E. Genty (Kremlin-Bicêtre) a pré-
d’un néosinus avec reconstruction de la paroi fracturée par un senté un cas de brèche de la lame quadrilatère du sphénoïde
lambeau de galéa. Le canal naso-frontal est calibré par un rou- révélé par une méningite purulente. Dans les antécédents,
leau de silastic pendant 3 mois. E. Ameline (Suresnes) propose seule une rhinorrhée claire unilatérale était présente depuis
une cranialisation du sinus frontal. Les indications sont les plusieurs années. Cette brèche a été colmatée avec succès par
sinusites traumatiques, les mucocèles avec rupture de la paroi un Neuropatch® et un comblement osseux et graisseux du sinus
postérieure ainsi que les échecs de la chirurgie endonasale, sphénoïdal. L. Castillo (Nice) a rapporté une série de 23 rhi-
particulièrement en présence de prolongements sus-orbitaires norrhées cérébro-spinales traitées par voie endonasale. Une
volumineux du sinus frontal. Dans une série de 19 cas, la durée guérison est survenue dans 82,6 % des cas avec un recul
moyenne de l’intervention a été de 2 heures, hormis les trauma- moyen de 23,2 mois.
tismes multiples. Les complications ont été minimes : un cas La septoplastie sous contrôle endoscopique permet un geste
d’ostéite du volet frontal, une hypoesthésie frontale et une anosmie plus précis. L’abord muqueux est unilatéral et décalé de la
lors d’une fracture multiple de la base du crâne. Le recul moyen chondrotomie, puis le périchondre est décollé du cartilage septal
était de 3 ans. E. Racy et R. Véricel (Kremlin-Bicêtre) propo- et du pied de cloison, en regard de l’obstacle qui est ensuite
sent une trépanation du sinus frontal par voie endonasale, réséqué. Toutefois, cette technique est réservée aux pieds de
selon la technique de Lothrop modifiée par Draf et décrite en cloison hypertrophiés et aux becs septaux postérieurs. Les
1899. Cette technique consiste en un fraisage de la lame per- classiques déviations de cloison en verre de montre relèvent
pendiculaire de l’ethmoïde et du plancher des sinus frontaux. d’une septoplastie classique. S. Orsel (Limoges) a présenté une
Le canal naso-frontal est ensuite agrandi vers l’avant afin de série de 40 cas (80 % des septoplasties réalisées durant cette
mesurer 2 centimètres de diamètre en fin d’intervention. Un même période), opérés avec succès grâce à cette technique.
calibrage n’est pas nécessaire. Huit patients ont ainsi été traités Le microdébrideur ou microrésecteur est un nouvel instru-
avec succès. Les limites de cette technique sont les sinus fron- ment de chirurgie endonasale composé d’une lame reliée à un
taux cloisonnés avec bulles frontales postérieures. Toutefois, moteur et d’une aspiration. Il diminue le saignement peropéra-
cette intervention délicate nécessite un matériel spécifique, dont toire, permet un repérage plus facile et plus sécurisant des
un microdébrideur. F. Besombes (Limoges) propose une exclu- structures osseuses et ainsi raccourcit le temps de l’interven-
sion du sinus frontal dans les mucocèles fronto-orbitaires avec tion. Une analyse histologique des lésions est possible grâce au
la lyse du plafond de l’orbite et de la paroi antérieure du sinus recueil des fragments aspirés dans une “ chaussette ” interposée
frontal. Il s’agit de combler le sinus avec du tissu osseux et dans le tuyau d’aspiration. Il peut être utilisé chez l’enfant
graisseux après l’obstruction du canal naso-frontal. Cinq (P. Froehlich, Lyon), grâce à une lame courbe adaptée, dans
patients ont été ainsi traités avec succès. Les limites sont une les cures d’atrésie choanale, les ethmoïdectomies pour polypose
position très latérale et une grande taille du sinus. Cette alterna- naso-sinusienne et les exérèses de tumeurs des fosses nasales.
tive thérapeutique peut être proposée aux échecs de la marsupia- R. Véricel (Kremlin-Bicêtre) a réalisé 129 ethmoïdectomies,
lisation, et en présence d’un canal naso-frontal étroit et long. avec le microdébrideur, chez des adultes atteints de polypose
naso-sinusienne. Les suites opératoires ont été simples et il
Les fistules cérébro-spinales congénitales de l’enfant sont semble que la durée de cicatrisation soit plus courte. Le pro-
rares : seuls 10 cas sont rapportés dans la littérature. T. van blème reste le coût élevé de l’appareil (environ 80 000 francs)
den Abbeele (Paris) a présenté une série de 3 cas de dysem- et des lames (300 à 500 francs), qui sont renouvelées lors de
bryopathie de la ligne médiane : une jeune fille de 13 ans avec chaque intervention.
une méningocèle associée, et deux petites filles de 14 mois
avec un gliome intranasal associé. La tomodensitométrie et la La maladie de Rendu-Osler reste une maladie redoutable.
cisternographie couplées à l’IRM ont permis de localiser la Elle atteint tous les organes et évolue en trois périodes avec
fuite de liquide céphalo-rachidien. Le traitement a consisté en une latence moyenne de 20 ans. Maladie autosomique récessive,

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elle est secondaire à des mutations sur trois chromosomes. répétés et des croûtes endonasales permanentes. Dans une série
L’absence de tissu élastique dans la paroi des capillaires et la de 50 patients, l’injection d’Ethybloc® (F. Martin, M. Borsik,
présence de fistule artério-veineuse entraînent des hémorragies Paris) en intralésionnel sans pression et sous contrôle optique,
sévères, notamment des épistaxis. Dans les formes graves avec renouvelée 2 à 4 fois, a entraîné 46 % de disparition complète
anémie sévère et hospitalisations récidivantes, plusieurs traite- des épistaxis, 32 % de diminution des saignements et 22 %
ments ont été proposés. E. Serrano (Toulouse) a réalisé une d’échecs. Le recul minimum était d’un an. La vaporisation de
fermeture des fosses nasales chez 2 patients. Le but est d’éli- toute la muqueuse nasale au laser KTP (G. Bolot, Lyon) a
miner toute agression manuelle et infectieuse. Après une inci- entraîné dans 11 cas une franche diminution des épistaxis avec
sion vestibulaire circulaire, deux sutures verticales, une un recul de 5 ans. Les auteurs appliquent la fibre nue du laser
muqueuse et une cutanée, sont réalisées, fermant définitive- directement au contact des angiomes. L’endonasectomie, ou
ment les deux orifices narinaires. Deux patients ont vu ainsi les ablation de la muqueuse nasale sans dermoplastie, réalisée
épistaxis disparaître avec un recul de 6 mois et 1 an. L’incon- auparavant par la même équipe chez 3 patients, est proposée
fort nasal ressenti est décrit par les patients comme moindre, actuellement en dernière intention après échec du laser, car il
comparé à l’inconfort des épistaxis récidivantes, des méchages s’agit d’un geste lourd provoquant de nombreuses séquelles.

Table ronde : les rhinosinusites chroniques, Rugina (Créteil) a exposé les résultats d’une enquête prospec-
tive multicentrique (6 centres hospitaliers) sur la polypose
inflammatoires et naso-sinusienne portant sur 200 items, entre 1991 et 1996.
infectieuses Deux cent vingt-quatre patients furent inclus. La population
était statistiquement plus âgée (âge moyen de 46 ans) que la
Un groupe d’étude et de commu-
population générale ; de même, la proportion masculine était
nication sur l’inflammation de la
plus importante (63 %). En revanche, il n’y avait pas de diffé-
muqueuse des voies aériennes
rence significative au niveau de l’habitat, l’activité profession-
supérieures s’est créé en 1991 en
nelle et la consommation tabagique. Parmi les antécédents per-
partenariat avec le laboratoire Rous-
sonnels, une hyperréactivité nasale était retrouvée dans 82 %
sel Diamant, sous le nom de ORLI. Il est
des cas, et une hyperréactivité bronchique dans 42 % des cas.
divisé en deux unités : rhinologique et otolo-
Parmi les antécédents familiaux sur trois générations, une
gique. Son but est de réaliser des études et des enquêtes multi-
polypose naso-sinusienne était retrouvée dans 35 % des cas et
centriques et d’organiser une formation médicale continue avec
un asthme dans 30 % des cas. L’intensité de la symptomato-
des ateliers interactifs pour les médecins généralistes. L’objet
logie était corrélée au stade de la maladie.
de cette table ronde était de donner les résultats des différentes
enquêtes du groupe ORLI. Son prochain programme d’action
E. Serrano (Toulouse) a exposé les données tomodensitomé-
portera sur les effets de la corticothérapie en cure courte, qui
triques obtenues. Il y avait une corrélation entre les images
est de plus en plus utilisée.
d’opacité et le stade de la maladie, uniquement au niveau de
J.P. Bébéar (Bordeaux) a rappelé les principales caractéris- l’ethmoïde antérieur. Les opacités du sinus maxillaire, du sinus
tiques de la maladie inflammatoire, responsable de la chronicisa- frontal et du sinus sphénoïdal étaient indépendantes du stade
tion des lésions. Cette maladie est autonome et elle s’étend à tout de la polypose. La maladie semble bien débuter au niveau de
l’arbre respiratoire. Son déclenchement est multifactoriel. Elle l’ethmoïde antérieur et des images de lyse osseuse accompa-
résulte d’une dysautonomie végétative avec activation anormale gnent fréquemment les images d’opacité.
des polynucléaires éosinophiles et d’une déviation du méta- D. Stoll (Bordeaux) a exposé les données pneumo-allergolo-
bolisme des leucotriènes. Il semble que certains terrains y soient giques. Une hyperréactivité bronchique était présente dans
prédisposés, mais le caractère génétique reste à démontrer. 42 % des cas. Les épreuves fonctionnelles respiratoires prati-
quées chez 168 sujets retrouvaient un syndrome obstructif
R. Peynègre (Créteil) a rappelé les mécanismes pathologiques dans 33 % des cas. Dans 20 % des cas, la bronchopathie avait
des sinusites chroniques : démarré avant la rhinopathie et dans 13,5 % des cas, les deux
- Le premier mécanisme correspond soit à un foyer infectieux maladies se sont déclarées de manière concomitante. Une
local, notamment dentaire, soit à une pathologie du confine- allergie était présente à l’interrogatoire puis confirmée par des
ment avec défaut d’aération du sinus. L’hypoxie et l’hypercap- tests dans 30 % des cas ; il s’agissait d’une polysensibilisation
nie secondaires vont paralyser les battements cilaires de la avec dominance d’allergie aux acariens. Une idiosyncrasie
muqueuse, créant ainsi un œdème et une surinfection. Ensuite, était présente dans 31 % des cas, surtout médicamenteuse
un véritable cercle vicieux autoentretient le foyer inflammatoire. (75 %) et alimentaire (16 %), révélée par un asthme (59 %) et
- Le deuxième mécanisme correspond à une atteinte globale de un œdème de Quincke (16 %). Il n’y avait pas de différence
la muqueuse. L’atteinte peut être unilatérale œdémateuse significative entre le mode de survenue, la présence d’un syn-
comme le polype de Killian, elle peut être bilatérale comme le drome spastique et les doléances rhinologiques. Les enquêtes
Nares et la polypose naso-sinusienne. sur les groupes HLA n’ont pas donné de résultat.

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C. Beauvillain (Nantes) a exposé les résultats d’une récente consultation étaient une pesanteur faciale (65 %), une rhinor-
étude cas témoin, sur l’épidémiologie des sinusites chroniques rhée purulente (83 %) et une obstruction nasale (73 %). Les
en pratique de ville. Dans 25 % des cas, le passage d’une sinu- critères diagnostiques étaient une évolution sur 3 mois ou
site aiguë à une forme chronique se fait d’emblée, la localisa- 3 infections aiguës sur la même période. Deux profils de sujets
tion maxillaire est largement dominante (95 %). L’âge et le se dégageaient :
sexe ne modifient pas l’évolution. Les facteurs de risque de — les sujets de plus de 60 ans et atteints d’une bronchite chro-
passage à la chronicité des sinusites aiguës étaient la présence nique ;
d’une bronchite chronique et d’une allergie. Les facteurs pro- — les sujets de moins de 40 ans, fumeurs, allergiques et por-
tecteurs étaient la prise d’une corticothérapie en cure courte et teurs d’une déviation de la cloison nasale.
de vasoconstricteurs locaux. Aucune classe d’antibiotiques Une endoscopie nasale était réalisée dans 68 % des cas et une
n’était un facteur protecteur. radiographie des sinus dans 64 % des cas, une tomodensitomé-
trie des sinus dans 47 % des cas. Le traitement comprenait une
La prévalence, les critères diagnostiques et la prise en charge antibiothérapie (74 %), une corticothérapie (58 %) et des vaso-
des sinusites chroniques ont été développés par P. Aubert constricteurs locaux (54 %). Une intervention chirurgicale était
(Garches) sur la base d’une étude portant sur 1 156 cas colligés réalisée dans 37 % des cas.
par 226 médecins ORL. La prévalence était de 11,4 cas par I. de Gaudemar,
mois et 4,2 cas pour 100 patients consultés. Les motifs de Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris

Table ronde : retard de langage


et surdité de l’enfant
94e Congrès français d’ORL

L
a fonction du langage est indissociable de l’audition, phatique (bavardage, discussion) et à la communication avec
des fonctions cognitives (mémoire, attention), du sta- soi-même, donc à la pensée (figure 1).
tut culturel (développement psycho-affectif) et du Les langues s’apprennent à tout âge, mais il n’y a qu’un temps
code en usage (langue avec ses règles grammaticales). Le lan- pour l’acquisition de la langue maternelle. Celle-ci s’acquiert,
gage est un système de communication. Il assure la pensée. La quels que soient la culture et le milieu, si l’enfant y est exposé
langue est un système de communication qui peut être la suffisamment longtemps. Chez l’être humain, langage et intelli-
langue maternelle, une langue étrangère, la LSF… La parole gence se développent simultanément. Les fonctions du langage
est un acte de communication. sont inscrites dans le système nerveux central. Elles ont une
base génétique importante. Le langage correspondrait à une
QU’EST-CE QUE LE LANGAGE ? activité innée. Sa mise en place se fait à une phase critique
(B. Frachet, Bobigny ; R. Dauman, Bordeaux) pour le développement de la pensée.
Le contexte familial et le bain linguistique dans lequel l’enfant
L’homme a différents modes de communication plus ou moins est plongé dès la naissance ont une importance majeure : l’inné
contrôlables (érythème pudique), plus ou moins continus, est façonné par l’acquis. L’enfant constitue son lexique, par
archaïques ou sophistiqués, dépendant de muscles lisses ou filtrages et par ajustements des produits de son générateur de
striés… Toutefois, le langage est le propre de l’homme, car parole, à partir du lexique maternel. Le langage intérieur du
l’animal n’utilise qu’une communication prédictive et non jeune enfant résulte de la production d’un générateur soumis à
générative. Les particularités du langage humain sont d’avoir des contraintes auditives. Ce qui sort du générateur est modulé,
une signification (le message et ce qui est dit n’ont parfois filtré par le lexique maternel, d’où l’importance de l’expérien-
aucun lien), d’être combinatoire (il y a un nombre fini de mots, ce linguistique de la première année de vie (figure 2). Ce sché-
mais un nombre infini d’énoncés), d’avoir un pouvoir d’évoca- ma reproduit un phénomène de physiologie cellulaire bien
tion et de permettre l’abstraction ainsi que la représentation connu : les cellules ont une fonction spécifique, alors qu’elles
symbolique. La réponse du locuteur est imprévisible, cela sont totipotentes au départ. C’est la fonction qui crée la spécia-
aussi est spécifique à l’humain. lisation. Au départ, le générateur a des potentialités communes
La langue a une forme (la parole) et un contenu (le langage), à tous les enfants. Il va se façonner en fonction du bain de lan-
des conventions, un vocabulaire et une syntaxe. L’émetteur et gage maternel. Une étude a montré que le seuil de détection du
le récepteur doivent avoir un code commun pour pouvoir langage américain est plus bas chez les nourrissons américains
échanger des informations. âgés de 6 mois que chez leurs homologues suédois, et vice-
Le langage permet aussi l’accès à l’histoire, à la fonction versa pour la détection du langage suédois.

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